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Absences

Migrer sans sa fille

Le cinéma documentaire à l’épreuve de la maternité ouvrière dans le film de María Ruido, La memoria interior… (2002)
Migrar sin su hija. El cine documental a prueba de la maternidad obrera en la película de María Ruido, La memoria interior… (2002)
Migrating without a Daughter. Documentary Film Confronts Working-Class Motherhood in Maria Ruido’s Film, La Memoria Interior… (2002)
Sonia Kerfa
p. 37-50

Résumés

Ce travail vise à éclairer, à partir de l’expérience familiale de la réalisatrice María Ruido, le rôle de sa mère, émigrée espagnole en Allemagne, dans les années 1960 et 1970. Le film retrace un double parcours, celui d’une épouse et mère (ouvrière), en miroir de celui de sa fille (artiste et universitaire). De cette matière, la réalisatrice fait, sur le modèle de l’essai filmique, un objet de réflexion sur l’empreinte que cette mère travailleuse lui a laissée. De cette relation atypique, mise à mal par l’absence, est né un questionnement autour de l’héritage, celui des proches et celui que nous transmet l’Histoire, à l’intersection entre ces deux formes de mémoire.

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Notes de l’auteur

Les captures d’écran de cet article sont publiées avec l’aimable autorisation de María Ruido.

Texte intégral

1Dans l’ouvrage Working Dead, Marta Echave, Antonio Gómez Villar et María Ruido rappellent que

el trabajo/empleo (asalariado, generalmente extradoméstico y fundamentalmente masculino) […] se ha impuesto sobre otras formas y valorizaciones de tareas que sostienen la vida (tradicionalmente feminizadas, domésticas y no pagadas), y ha marcado los imaginarios hegemónicos del mundo laboral, especialmente a partir del último tercio del siglo xix cuando la ‘familia proletaria’, basada en el salario del padre, excluía o condenaba a la periferia y a la dependencia a las mujeres y a la prole (Echave, Gómez Villar, Ruido 2019 : 15).

  • 1 María Ruido, « Biographie », Work and words, en ligne <http://www.workandwords.net/es/bio>, [consulté le 22 août 2012].

María Ruido, cinéaste et universitaire espagnole, qui n’hésite pas à rappeler qu’un des premiers films tournés par les frères Lumière, La Sortie de l’usine Lumière (1895) portait sur le travail, a fait de la question du travail un axe majeur de sa filmographie. Originaire de Galice, elle a fait ses études d’art dans sa province d’origine et a soutenu un doctorat sur les rapports de l’art et du féminisme. Ses recherches portent sur la construction sociale du corps et sa place dans le monde du travail1. Elle prête également une attention toute particulière dans ses travaux aux femmes artistes dans les arts en s’interrogeant sur les positions subalternes qui leur sont réservées, du moins quand elles parviennent à atteindre une certaine visibilité. Un des textes les plus percutants à ce sujet est une adresse à sa mère : « Mama, yo quiero ser artista » ; il s’ouvre par cette réponse de la mère, phrase frappée du sceau du bon sens populaire et d’une lucidité née d’une certaine conscience de classe :

  • 2 Consultable en ligne : <http://www.workandwords.net/uploads/files/mama,_quiero_ser_artista-2003.pdf>.

Es mejor que hagas unas oposiciones, nena… con lo lista que tú eres… podrías sacarte cualquier carrera… No sé… puede que tengas vocación, pero también lo podrías hacer como hobby, ¿no? …Tu verás lo que haces… pero te vas a morir de hambre! (Ruido, 2003 : 259)2

  • 3 Le titre complet est La memoria interior. Para una mirada (detenida) sobre la representación de l (...)

Le rôle de sa famille dans sa construction d’artiste en arts visuels a été déterminant dans son parcours. Alors même qu’elle aurait pu être un obstacle, l’histoire familiale tout autant que l’originalité du parcours migratoire de la mère ou l’engagement idéologique de ses frères ont marqué la conscience politique de María Ruido. Le documentaire que nous nous proposons d’étudier, La Memoria interior…3, tourné en 2002, aspire à rendre compte de l’empreinte de cette mère travailleuse qui s’est éloignée de sa fille pour lui offrir les conditions matérielles d’une vie meilleure.

  • 4 La memoria interior…, Prix Nouveau Média, festival Generaciones 2003 de Madrid, 2003. Pour plus d (...)

2Dans ce moyen métrage autobiographique d’une trentaine de minutes, primé à Madrid en 2003 et diffusé dans de nombreux festivals4, María Ruido retrace l’histoire de ses parents qui émigrèrent pendant les années 1960 et 1970 en Allemagne. Le point de vue spécifique du film privilégie sans équivoque la relation mère-fille brusquement coupée lorsque la mère, Dolores Ruido, choisit d’émigrer de sa Galice rurale à Hambourg, puis à Francfort, en compagnie de son mari mais sans aucun des enfants. La plus jeune, María Ruido, ne reverra sa mère qu’à l’occasion des retours sporadiques de ses parents au pays et sera élevée par sa fratrie. Une telle situation correspondait à la réalité socio-économique de l’Espagne sous Franco qui pratiquait sans le dire « l’expulsion de main d’œuvre du secteur agraire […] » (Sanz Lafuente 2006 : 32).

  • 5 Le nom de la réalisatrice est María López Ruido, le premier nom étant celui du père.

3Cette liberté inouïe loin du contrôle parental lui a permis de ne pas vivre sous le poids de stéréotypes ni d’avoir comme modèle maternel l’épouse soumise et attachée au foyer domestique, mais, en échange de cette liberté, María Ruido a payé un lourd tribut, en ne connaissant qu’à peine sa mère dont elle a pourtant choisi de porter le nom5. De cette relation mère-fille atypique, mise à mal par la distance, est né un questionnement autour de l’héritage, celui des proches et celui que nous transmet l’Histoire, à l’intersection entre ces deux formes de mémoire.

4La jeune réalisatrice s’est placée à ce croisement afin de redéfinir sa place en tant que fille, femme et artiste. Pour ce faire, elle a entrepris en 2002 un voyage vers l’Allemagne où séjourna sa mère pendant près de vingt-deux ans, participant pleinement de la « féminisation du travail salarié » (Sanz Lafuente 2006 : 33) des immigrées vers l’Allemagne.

  • 6 Time Code : 4:01. La référence aux statues renvoie à l’histoire dont la trace est portée par ces (...)

5En partant de Galice, elle a remis ses pas dans ceux de sa mère et, à l’aide d’un montage privilégiant les va-et-vient entre les deux pays, elle s’attelle à recoudre le passé de sa mère – femme et ouvrière – à son présent de réalisatrice, sans époux et sans enfant. De fait, elle pose la question de la filiation in absentia, que revendique le sous-titre du film et que la réalisatrice convoque en lien avec le thème du travail, dans la mesure où le film se veut une : « representación de la (propia) extranjería, las imágenes del trabajo y de la ausencia ». Séparée par la distance, le temps et l’histoire, de la condition d’ouvrière qui fut celle de sa mère, elle décide de devenir sujet de l’histoire : « Ahora he hecho este viaje para convertirnos en los sujetos de la historia frente a su historia de los sujetos, para detener nuestra mirada frente a la mirada impune e intransitiva de las estatuas6 ». María Ruido, universitaire et artiste, rassemble dans ce travail audio-visuel qui s’apparente à un essai autobiographique, des éléments qui ancrent sa praxis dans une modernité documentaire et subjective sous le sceau de la séparation et dont une des figures majeures au cinéma est Chantal Akerman, dont l’œuvre est traversée par l’image maternelle.

6Or la migration « reste un événement de vie qui contraint la famille à une redéfinition de ses rapports, tant en son sein qu’avec le monde environnant, redéfinition qui s’avère toujours complexe et souvent douloureuse » (Cucciniello 2011 : 108). Elle suppose « Voyage, déplacement, circulation, traversée des territoires : le mouvement du côté du masculin, le statique du côté du féminin […] » (Bard 2004 : 9). De ce point de vue, et en s’appuyant sur le cas particulier de Dolores Ruido qui, bien que mariée et mère de famille, est partie seule travailler à Hambourg, nous sommes bien en présence d’une analyse genrée de la famille de la réalisatrice.

7Dans une première partie, nous nous intéresserons à cette forme de filiation sans foyer dans l’oscillation entêtée que construit le montage entre des plans de l’ailleurs de la mère et ceux de la maison de famille. Puis, dans une seconde partie, le circuit des langues – galicien, espagnol, allemand et un peu d’italien – dessinera la géographie linguistique d’une langue maternelle comprise trop tard parce que trop souvent silencieuse : « Le non-dit qui fait taire le récit migratoire est d’un ordre bien plus vaste [que le secret de famille], c’est un tabou à la fois sociétal, politique et historique, un secret collectif » (Cucciniello 2011 : 109).

Une filiation sans foyer : la maison et l’ailleurs de ma mère, sans moi

8Le voyage de María Ruido vers sa mère prend tout son sens au cinéma à travers le montage qui consiste à « montrer, organiser l’histoire et la vision, hiérarchiser les plans, proposer un regard sur le monde […] » (Faucon, 2009 : 9). Son regard s’est posé dans ce film qui cherche à retracer les vingt-deux années d’émigration de sa mère et à revenir sur l’étendue des cicatrices vives laissées par la séparation. Nul n’est besoin de préciser que l’intensité a été le maître mot dans la construction de ce film condensé qui s’élabore sur le principe du montage en alternance.

9Dans la filmographie de María Ruido, cette opération première qu’est le montage n’épouse que rarement les voies tranquilles du déroulement chronologique. Ses films visent à une « intranquillité » spatio-temporelle faussement erratique. Cependant l’éclatement des espaces ne répond pas à une dispersion mais à un maillage serré qui autorise des jeux d’échos et de passerelles dans une perspective mêlant parcours individuel et histoire collective. Le montage de la Memoria interior rend compte de ces allers retours et épouse le double ancrage des parents de la réalisatrice dans les mouvements pendulaires qui ont marqué leur émigration conjoncturelle.

10Le plan inaugural du film, après les plans de générique, se déroule dans le studio de montage, lieu essentiel de la construction de son histoire familiale et de son cinéma.

Image 1 : María Ruido, La memoria interior... (6 min 15 sec), © María Ruido.

Dans ce plan, elle occupe dans l’espace une position double. D’une part, elle apparaît à l’écran, dans le champ, parfois en amorce, déléguant de fait sa place de réalisatrice à une tierce personne, une femme en l’occurrence, et, d’autre part, elle se donne à voir de dos face à sa mère dont le visage en gros plan se détache sur deux moniteurs. Cette séquence de la réalisatrice au travail pose la question de la distance.

11En effet, la mise en récit de l’histoire de sa mère suppose une mise à distance biographique, le visage de la mère devenant un véritable objet de travail à sauvegarder ainsi qu’en témoigne la scène où María Ruido est en train de prendre des notes. Mère et fille se retrouvent ensemble dans l’espace du studio mais séparées par le statut de chacune : la mère, indice d’un passé que sa fille étudie depuis le présent dans un face-à-face silencieux que surplombe la voix off de la fille.

12Ainsi ce n’est pas la voix de la mère que perçoit le spectateur mais bien celle de María Ruido reprenant l’histoire de la vie de sa mère. L’étrangeté de cette scène très brève, qui ouvre et clôt le film, réside cependant et avant tout dans les irruptions régulières que la cinéaste impose à la mise en image de sa mère. Elles sont de deux ordres, à la fois intime et collectif.

13La première interruption dans le montage relève de la citation qui consiste en l’occurrence à monter dans le récit familial des plans du film Octobre tourné en 1927 par Serguei Eisenstein à l’occasion de la commémoration de la révolution d’octobre 1917. Ce film emblématique de l’avant-garde soviétique interroge les rapports de l’histoire et de la mémoire. La récurrence d’une séquence spectaculaire d’Octobre, la scène d’un cheval blanc attelé à un chariot basculant de façon inéluctable dans le vide d’un pont ouvrant qui isole la ville riche des faubourgs, renvoie à une geste révolutionnaire dont se réclame María Ruido. À la beauté de la scène vient se greffer le message révolutionnaire : l’ancien monde tombe dans le vide, « une frontière, désormais étanche sépare le centre bourgeois et les quartiers ouvriers » (Tsikounas 2002 : 102).

14À la révolution en grand format répond la révolution en miniature d’une femme réalisatrice qui rompt avec le schéma familial incarné dans sa mère tout en y puisant une force créatrice et critique. Si la mère de María Ruido a interrompu le fil de la reproduction culturelle en confiant sa fille à ses frères et sœurs et en choisissant de sacrifier son rôle de mère au nom du bien-être économique de tous, elle a sans doute inconsciemment sinon brisé du moins fissuré l’aura de la figure de la mère au profit de celle de la travailleuse. La décision n’est pas mince lorsque l’on sait que non seulement elle a quitté sa famille mais aussi son pays. En cela, elle a mis un pied dans l’histoire des ouvriers et plus particulièrement dans celle des mouvements migratoires. C’est cette dimension historique qu’a perçue la cinéaste et c’est ce legs qu’elle met en images. La mise en scène de ce fragment de vie s’articule autour de l’organisation d’images qui privilégient l’espace en tant que facteur de distanciation, de séparation, même si l’histoire et sa remémorisation ne sont jamais absentes en raison du rôle essentiel octroyé à la voix.

15Outre la récurrence de la référence filmique, la cinéaste a recours à l’interview des protagonistes dans la plus pure tradition du cinéma direct. Ainsi transporte-t-elle sa caméra jusque dans la maison de son enfance où vivent ses parents qu’elle va interroger sur leur passé. Le dispositif de captation de l’espace joue sur un double niveau de frustration et de remplissage. La frustration est d’abord celle du spectateur, en raison de l’absence d’informations quant à la maison dont nous ne voyons que quelques plans en extérieur, un jour de pluie forte. Une fois ce décor sommaire posé, les plans suivants, qui ont été pris dans la cuisine des parents, lieu de vie privilégié des classes populaires, s’attachent non pas à situer les parents de la cinéaste dans leur environnement quotidien mais à les en extraire par un usage prononcé du gros plan, quand « l’œil est devenu tactile » (Faucon 2009 : 76).

  • 7 Texte du film disponible sur <http://www.workandwords.net/uploads/files/LAMEMORIA_INTERIOR-gui%C3%B3n.02_.pdf>. Texte original : «He hecho este viaje como sujeto de la memoria ».</http> (...)

16Un jeu d’échos travaillant au corps le passé s’établit dès lors entre une série de plans de visages pris en cadrage frontal et un diaporama de photographies du temps de l’émigration des parents, temps partagé entre l’Espagne et l’Allemagne. Les échanges en galicien entre María, ses parents et sa sœur aînée – une seconde mère pour María – opèrent comme un fluide qui traverserait ces photographies en les éclairant par intermittence, même si beaucoup de zones d’ombres subsistent : « J’ai entrepris ce voyage comme sujet de la mémoire7 » nous dit la réalisatrice, en espagnol, et toujours en hors-champ.

17Les photographies de l’album familial, qui se détachent toutes sur un fond noir qui les recadre, ne dérogent pas à la règle du sujet qui pose avec un air quelque peu compassé ; du moins c’est ainsi que se donnent à voir les parents de María Ruido pris en photographie depuis leur terre d’immigration. La première photographie de la mère trahit ce malaise de la classe pauvre face à l’objectif. Élégante, elle pose pour un portrait en pied dans un studio. Quelques photographies plus tard nous la verrons dans une tenue vestimentaire similaire, en compagnie d’une amie mais dans le paysage périurbain d’une grande ville que l’on voit à l’horizon. Enfin la troisième photographie révèle l’ancrage de la mère dans son pays de travail car nous la voyons seule, dans un appartement au confort moderne, en Allemagne assurément. Le corps de la mère, encore jeune, est légèrement penché vers une porte dont elle tient la poignée, prête à l’ouvrir. Ce n’est pas une photographie classique dans la mesure où elle saisit un instant étrange en inadéquation avec les photos habituellement présentes dans des albums de famille toujours très codifiés.

18Dans l’économie générale du film, cette photographie, avec son geste banal, renvoie à un quotidien sans famille, à une intimité – celle de la mère – dont tous sont exclus à l’exception du photographe, le père sans doute. Cette image est emblématique du monde du pays d’immigration auquel n’appartient pas la réalisatrice. Il n’est pas neutre qu’elle précède la photographie – récente ? – d’une gare en Allemagne et celle, rare, de toute la famille Ruido réunie. Les photographies de la mère seule configurent moins les archives d’une mère ou d’une épouse que celles d’une émigrée. Sa fille réalisatrice le perçoit dans le commentaire qu’elle en propose en off. Elle se trouve en face d’une photographie appartenant à l’histoire familiale qu’elle a déroulée dans une succession douce et amère de photographies du passé. Or si « l’album est domiciliaire », s’il « s’attache aux maisons » (Garat 2011 : 23), il enserre ici une double contradiction en excluant la réalisatrice et sa fratrie de la mémoire familiale immigrée tout en admettant que les photographies fassent partie de l’album. Il est par conséquent possible d’y voir d’ores et déjà comme une extension étrange d’une famille dispersée. En cela, l’album répond à la finalité qui semble sous-tendre tout le film puisqu’il « tisse les liens de la famille comme la généalogie l’enracine » (Garat 2011 : 23).

Image 2 : María Ruido, La memoria interior... (3 min) © María Ruido. Un reflet apparaît en bas de la photographie issue d’un scan. D’après la réalisatrice que nous avons consultée, il se peut que ce soit le reflet du photographe.

19La nature photographique de l’ensemble du film et les jeux de cache et de hors-champ s’incarnent dans les plans de fondus au noir qui rendent également compte de cette douleur de la séparation, du vide de la distance qui a creusé des trous dans la vie d’une enfant sans sa mère. Les écrans noirs matérialisent à l’écran cette filiation entrecoupée, effilochée, que reconstruit plan par plan María Ruido, autant pour retisser une unité familiale rompue que pour coudre l’histoire de son enfance à l’histoire de l’émigration économique entre l’Espagne et l’Allemagne.

20Or la voix et le récit de vie sont à cet égard déterminants à l’heure d’écrire une histoire individuelle qui se dresserait contre une histoire officielle qui a passé sous silence les mouvements immigrés et leurs conséquences. C’est ce relais vocal que met en scène la cinéaste qui pose dans son film les jalons d’une transmission indépendante de la figure de la mère.

Filiation hors sol et renouvellement de la transmission vocale genrée 

21Nous l’avons vu, c’est en repensant son enfance à la lumière de l’histoire de l’émigration que María Ruido saisit le sens des contraintes qui ont pesé sur sa mère. Cette femme issue du monde rural galicien est allée jusqu’au bout de son projet de réussite sociale, aussi humble soit-il. Son statut devient celui d’une ouvrière à part entière déchargée de ses responsabilités éducatives et libérée des tâches domestiques, du moins de la part liée aux soins des enfants. À ce titre, elle devient un sujet historique qui entre de plain-pied dans une histoire du mouvement ouvrier dont les femmes ont été largement exclues (Studer, 1997) comme l’explique Brigitte Studer dans son article sur les ouvrières en Suisse, mais que l’on peut élargir à l’ensemble de l’Europe.

22La rareté des mots de la mère nous éclaire sur les difficultés à transmettre la douleur. Le rapport le plus malaisé se noue dans la façon vague dont la mère répond aux questions de sa fille sur les conditions de son départ ou sur le fait que la majorité des Espagnols émigrés sont partis en famille. Aux réponses vagues de la mère s’opposent celles du père, coupantes d’exactitude :

  • 8 Texte original : « Y eso, ¿en qué año era, mamá? / Ah, ya no me acuerdo en qué año era, hace ya m (...)

María.— Et ça c’était quand ? En quelle année, Maman ?
Mère.— Ah, je ne me souviens plus quelle année c’était, ça fait déjà longtemps…
Père.— Le huit… janvier 1963.8

Manuel López supplée aux oublis de la mère, sans doute pétrie de culpabilité puisque ayant failli à un devoir maternel que la société n’exige pas du père. Ce dernier, présent mais par intermittence, intervient en transmettant avec parcimonie et rigueur la mémoire familiale. Néanmoins, son acuité d’ouvrier et d’époux dépasse ce seul rôle. Une des phrases les plus significatives qu’il prononce a trait à la question du genre. Ainsi lorsqu’il constate qu’il gagne plus que son épouse, laquelle pourtant a travaillé deux ans de plus, ne soumet-il pas à l’ensemble de sa famille et des spectateurs une question d’injustice flagrante ? Pourtant si la mère se plaint, fait rare dans le film, ce n’est que sur un mode lacunaire. Or les études montrent que les postes de travail occupés par les femmes ont des pénibilités particulières : « On remarque que les femmes ont moins d’autonomie que les hommes, des sollicitations biomécaniques plus fortes et un faible soutien par le collectif en cas de difficultés dans leur travail » (Caroly, 2009). La caméra de María Ruido a choisi de saisir ces difficultés en filmant, dans l’usine où travaillait sa mère, des plans de mains d’ouvrières travaillant sur des « temps de cycle très courts (10 sec-1 minute) », sans « possibilité de se déplacer » avec une « répétitivité des tâches » (Caroly 2009) dont elle a su rendre compte.

  • 9 « El no saber hablar dificulta todo. »

23Mais comment dire l’usine, s’interroge la cinéaste reprenant une phrase de sa mère : « Ne pas savoir parler la langue [allemande], complique tout9. » De ce point de vue, si la mère ne disposait pas de mots pour pénétrer en profondeur la société allemande, la fille a besoin des mots des ouvriers pour saisir la géographie sociale et culturelle de l’usine.

24Le langage dessine à son tour des frontières que la caméra essaie de percevoir afin de nouer un lien entre le monde du travail à la chaîne, celui du temps de l’usine, d’hier et d’aujourd’hui, et celui du regard de la cinéaste, errant dans ce territoire inconnu tel un fantôme. Elle trouve un point d’ancrage en la personne de Cristina Scheller, l’unique représentante syndicale de l’entreprise Carbone A.G., qu’elle interroge, depuis le hors-champ. Ce plan-séquence de plus de 4 min saisit de front l’histoire de l’usine que personne ne lui a racontée. Une transmission en langue allemande et espagnole débute au cœur même de l’usine, dans le bureau froid de la syndicaliste.

25L’échange entre la cinéaste espagnole et la déléguée allemande se fait par l’intermédiaire d’une interprète. La cinéaste a placé d’emblée cet entretien sous le signe des femmes même si brièvement, en fin d’entretien, un travailleur va participer à l’échange.

26Ce dispositif mettant en scène des femmes à l’usine ne se comprend qu’a posteriori quand le spectateur se rend compte que l’interprète et le travailleur faisant office de traducteurs sont des ouvriers de Carbone A.G., immigrés eux aussi, respectivement d’Espagne et d’Italie, et que la réalisatrice va interviewer plus tard.

27L’usine s’incarne dans un système d’opposition organisant l’extrême présence et la grande absence et leurs diverses déclinaisons. Ainsi le plan-séquence concentre-t-il toute la force patronale en une unique prise, celle de Cristina Sheller au centre. Aucun autre personnage n’apparaît à l’écran, María Ruido et les autres intervenants étant maintenus hors-champ.

Image 3 : María Ruido, La memoria interior... (14 min 41 sec) © María Ruido.

Cet effacement au profit d’une seule personne pose question. Il est probable que la solitude de la syndicaliste serve la froideur de son discours lisse, simple écho des dirigeants de l’entreprise qu’elle représente. Dans ce contexte, l’effacement de la réalisatrice, qui a refusé de placer dans le champ les ouvriers immigrés, peut apparaître comme la volonté de manifester une séparation entre le monde ouvrier et celui des dirigeants. María Ruido sait où se placer puisqu’elle non plus ne partage pas le champ de la représentante des puissants. Elle écoute leur voix afin de mieux remplir les vides laissés par les silences de sa mère, en s’appuyant sur le concours d’autres ouvriers qui parlent une langue qui lui est étrangère, comme elle l’était aux oreilles de sa mère. La langue – ici l’allemande –, avec ses obstacles, dessine un des territoires que mère et fille se partagent.

28La séquence correspond à un montage qui prend en étau ce moment syndical, placé entre des plans durs qui s’enchaînent et qui donnent à voir des mains d’ouvrières, aux ongles vernis, manipulant de petites pièces noires de carbone, et une séquence intime durant laquelle la voix off de la cinéaste se remémore le long chemin jalonné de questions qui l’a conduite vers sa mère.

Image 4 : María Ruido, La memoria interior (15 min 26 sec) © María Ruido

  • 10 Richard Hoggart a étudié les classes pauvres en Angleterre ; Olivier Schwartz est un sociologue f (...)

Celle-ci peu diserte mais terriblement lucide s’inscrit dans la droite ligne des mères populaires dont « Le rôle clé […] dans l’ascension sociale de la progéniture a déjà été relevé par Hoggart et souligné par Schwartz10 » souligne Franz Schultheis (Schultheis, 2009 : 487). L’auteur rappelle aussi l’analyse à laquelle s’attelle la romancière Annie Ernaux lorsqu’elle décrit « les stratégies d’ascension de sa mère » (Schultheis, 2009 : 487).

  • 11 Texte original « ¿Cómo imaginar hoy la fábrica ? ».

29La question que se pose la réalisatrice, « Comment imaginer aujourd’hui l’usine ?11 » se résout dans les mots d’une autre protagoniste du film, l’ouvrière Ramona Costa qui a joué l’interprète auprès de Cristina Sheller.

Image 5 : María Ruido, La memoria interior... (1- min 11 sec) © María Ruido.

30Les scènes avec Ramona Costa, immigrée espagnole travaillant à Carbone A.G., font suite à une longue succession de plans de voyage. Le trajet de sa mère, la réalisatrice le parcourt en bus, avec d’autres travailleurs espagnols qui partent pour l’Allemagne où ils vivent désormais. De l’autobus et du train que prend María Ruido pour sa traversée de l’Europe, le montage nous mène à l’usine pour une séquence mémorable au cours de laquelle la parole est donnée à Ramona Costa et, dans une moindre mesure, à Vito Raimundi, ouvrier italien. Toute une géographie de l’Europe ouvrière prend place sous nos yeux sous la forme d’un portrait de famille, pris dans l’usine, qui inclut de part et d’autre de Ramona, l’ouvrière vedette, ses frères et son collègue. La cinéaste semble avoir dirigé ses pas vers cette famille de substitution qui raconte ce que ses parents ont tu.

31Puis, des pans de la vie de sa mère à l’usine prennent soudain sens. Loin d’être seulement une victime, elle a su se faire des amis et participer à la vie de la communauté des travailleurs. C’est ainsi que défile sous nos yeux un second diaporama de quelques photographies de sa mère avec ses collègues tandis que Ramona, prolixe en détails mais lucide, raconte les mésaventures, les humiliations mais aussi les petits bonheurs du monde ouvrier. Elle est un écho vif au mutisme de la mère.

Image 6 : María Ruido, La memoria interior... (20 min 56 sec) © María Ruido.

  • 12 Texte original : « Madre, llevaré el legado de tus pequeños tesoros con orgullo para decirte aque (...)

32Une filiation s’est élaborée à partir d’un matériau non familial mais qui a le mérite de recréer une géographie, que l’on note relativement stable, de la vie à l’usine. Une nouvelle génération d’immigrés retrace sans le vouloir, par touches, la vie des parents de la réalisatrice, une vie qui ne fut ni tout à fait la même ni tout à fait une autre. María Ruido s’en empare et la fait sienne, s’adressant en voix off à sa mère pour lui rendre hommage : « Maman, je porterai le legs de tes petits trésors avec fierté pour te dire ce que je ne t’ai jamais dit12 ». Sa voix off rejoint toutes les voix qui ont parlé au long de ce film et il n’est pas anodin de rappeler, avec María Ruido, que la langue des courriers de ses parents depuis l’Allemagne était l’espagnol, pas le galicien parlé pourtant en famille. Ce rejet de la langue maternelle est révélateur du manque de légitimité des parents dans leur relation avec leurs enfants.

  • 13 Texte original : « He perdido vuestras palabras al adquirir otras ».

33Ce voyage a révélé une perte, celle des mots des parents, et l’artiste l’exprime sans équivoque dans les dernières minutes du film : « J’ai perdu vos mots en en apprenant d’autres13 ». Une géographie de l’acculturation se manifeste dans ce constat non dénué d’amertume. Toutefois, nous ne voyons pas qu’une perte mais plutôt un devenir au sens deleuzien du terme. En redéfinissant sa relation avec ses parents, en défendant un travail d’artiste qu’ils ne comprennent pas, en choisissant de ne pas avoir d’enfant, la réalisatrice a aussi appris à regarder, à ouvrir les yeux. María Ruido l’affirme : elle a toujours su où était sa place, d’où elle venait et où elle allait. Une des séquences les plus symptomatiques de la question de la place, d’une forme de micro-géographie genrée, est une série de plans des vestiaires vides de l’usine. En haut d’une armoire en métal, des escarpins à talons trônent. Le hors-champ puissant sonne comme un appel du Dehors selon les termes de Deleuze. Où est la femme ? Où est l’ouvrière ?

34Au terme de cette étude, nous pouvons nous interroger sur les modes selon lesquels la réalisatrice a mis en scène ce voyage initiatique. Elle a procédé par cercles concentriques tentant à chaque étape de déplacer des frontières, de repousser des limites. En premier lieu, elle a tracé un pont entre la cuisine familiale et un album de famille centré sur sa mère, tout en intégrant à ces espaces son studio de montage et les films de référence d’une cinéaste érudite et populaire. Dans un second temps, toujours grâce au montage alterné, elle recrée la puissance patronale en un seul plan, dense. La mère et le père apparaissent en filigrane de ce moment de discours dominant. Ses parents ont peut-être vendu leur âme au diable du capitalisme mais ce n’est pas pour rien. La voix de Méphistophélès au générique s’est tue.

35Enfin, elle se rapproche davantage de ses parents auxquels elle rend hommage par une forme d’adoption par les autres ouvriers. Aussi le spectateur n’est-il pas surpris lorsque Vito Raimundi, l’ouvrier italien, propose des bonbons à la réalisatrice pourtant en hors-champ.

36La géographie souple du cinéma documentaire autorise les passages d’un champ à l’autre, de la geste révolutionnaire à la solidarité ouvrière, du rejet des parents à la réflexion féministe. En ce sens, la cinéaste s’inscrit dans la lignée des féministes qui ont posé la question du genre à partir du regard sur leur relation avec leur mère, processus analysé par la chercheuse britannique Annette Kuhn (Kuhn 1994). Le voyage initiatique sur les traces de ses parents n’aurait-il pas servi à combler cette géographie de l’absence qui consiste à « être un étranger » dans le territoire familial ?

37La cinéaste tente d’y répondre et c’est au travers du cinéma, chasse gardée du monde masculin, qu’elle l’exprime au prisme du genre comme « catégorie utile, car critique, d’analyse » (Scott 2009 : 14). Elle s’inscrit aussi dans une pensée de la géopolitique des corps en migration telle que la définit Achille Mbembe lorsqu’il écrit que le corps du migrant redessine les frontières au fur et à mesure qu’il se déplace : « Il s’agit donc d’une frontière mobile, ambulante, itinérante, portée non plus par des lignes fixes, mais par des corps en mouvement » (Mbembe 2020 : 235). C’est ce tracé sans trace qu’a voulu cartographier María Ruido dans cette géographie intérieure et européenne.

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Bibliographie

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Notes

1 María Ruido, « Biographie », Work and words, en ligne <http://www.workandwords.net/es/bio>, [consulté le 22 août 2012].

2 Consultable en ligne : <http://www.workandwords.net/uploads/files/mama,_quiero_ser_artista-2003.pdf>.

3 Le titre complet est La memoria interior. Para una mirada (detenida) sobre la representación de la (propia) extranjería, las imágenes del trabajo y de la ausencia. Ruido, dont le travail filmique relève souvent de l’essai, aime à donner des titres programmatiques à ses œuvres, y compris les plus autobiographiques.

4 La memoria interior…, Prix Nouveau Média, festival Generaciones 2003 de Madrid, 2003. Pour plus d’informations sur les lieux de diffusion, se reporter au site web de l’artiste : <http://www.workandwords.net/es/projects/view/485> [consulté le 30 juillet 2012]

5 Le nom de la réalisatrice est María López Ruido, le premier nom étant celui du père.

6 Time Code : 4:01. La référence aux statues renvoie à l’histoire dont la trace est portée par ces monuments de pierre et de mémoire dont la fonction et les usages ont été pleinement étudiés par Pierre Nora.

7 Texte du film disponible sur <http://www.workandwords.net/uploads/files/LAMEMORIA_INTERIOR-gui%C3%B3n.02_.pdf>. Texte original : «He hecho este viaje como sujeto de la memoria ». Traduction personnelle pour tous les textes du film.

8 Texte original : « Y eso, ¿en qué año era, mamá? / Ah, ya no me acuerdo en qué año era, hace ya mucho tiempo… / El ocho… de enero del año 63 ».

9 « El no saber hablar dificulta todo. »

10 Richard Hoggart a étudié les classes pauvres en Angleterre ; Olivier Schwartz est un sociologue français.

11 Texte original « ¿Cómo imaginar hoy la fábrica ? ».

12 Texte original : « Madre, llevaré el legado de tus pequeños tesoros con orgullo para decirte aquello que nunca te he dicho ».

13 Texte original : « He perdido vuestras palabras al adquirir otras ».

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Table des illustrations

Légende Image 1 : María Ruido, La memoria interior... (6 min 15 sec), © María Ruido.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cher/docannexe/image/13628/img-1.png
Fichier image/png, 378k
Légende Image 2 : María Ruido, La memoria interior... (3 min) © María Ruido. Un reflet apparaît en bas de la photographie issue d’un scan. D’après la réalisatrice que nous avons consultée, il se peut que ce soit le reflet du photographe.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cher/docannexe/image/13628/img-2.png
Fichier image/png, 189k
Légende Image 3 : María Ruido, La memoria interior... (14 min 41 sec) © María Ruido.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cher/docannexe/image/13628/img-3.png
Fichier image/png, 291k
Légende Image 4 : María Ruido, La memoria interior (15 min 26 sec) © María Ruido
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cher/docannexe/image/13628/img-4.png
Fichier image/png, 265k
Légende Image 5 : María Ruido, La memoria interior... (1- min 11 sec) © María Ruido.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cher/docannexe/image/13628/img-5.png
Fichier image/png, 344k
Légende Image 6 : María Ruido, La memoria interior... (20 min 56 sec) © María Ruido.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cher/docannexe/image/13628/img-6.png
Fichier image/png, 345k
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Pour citer cet article

Référence papier

Sonia Kerfa, « Migrer sans sa fille »reCHERches, 28 | 2022, 37-50.

Référence électronique

Sonia Kerfa, « Migrer sans sa fille »reCHERches [En ligne], 28 | 2022, mis en ligne le 15 juin 2022, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cher/13628 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cher.13628

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Auteur

Sonia Kerfa

Professeure des universités, Université Grenoble Alpes, ILCEA4 (Institut des Langues et des Cultures d’Europe, Amérique, Afrique, Asie et Australie) EA 7356.

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Droits d’auteur

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