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Comptes rendus

Patrick VERLEY, La révolution industrielle, Collection Folio/Histoire, Paris, Gallimard, 1997, 544 p.

François Jequier

Texte intégral

1Pour la réédition de son ouvrage datant de 1985, Patrick Verley a remplacé une préface de quatre pages, denses et suggestives, par un essai de synthèse intitulé " La Révolution industrielle-Histoire d'un problème " (pp. 13-120) qui permet de saisir la lente construction de cet objet historique épicentre d'importantes et durables controverses entre historiens et économistes. Il rappelle que les principaux éléments d'explication du phénomène apparaissent déjà dans les ouvrages classiques du début du XXe siècle et les différentes problématiques qui nourrissent l'historiographie ont évolué sous l'influence des nombreuses théories qui jalonnent ces dernières décennies au fil des multiples questions et hypothèses soulevées par ce thème majeur de l'histoire économique.

2Après avoir énuméré les principales questions débattues par les auteurs classiques, Patrick Verley propose un " assemblage " des divers facteurs retenus par les historiens, qu'il ordonne et hiérarchise en tenant compte des recherches les plus récentes. Quatre chapitres structurent cette première partie : l'expansion des marchés, les facteurs de la croissance industrielle, les formes d'organisation de la production et la question de la " transition " vers l'industrie moderne, enfin, les voies nationales d'industrialisation. Avec un sens aigu de la concision et une connaissance approfondie de domaines aussi complexes, l'auteur décortique les composantes et les mécanismes de ces mutations passant avec une belle maîtrise de la présentation des données à leur analyse. Les pages consacrées aux facteurs de la croissance industrielles s'imposent comme un modèle de rigueur et de nuances nourri de réflexions personnelles et de citations pertinentes qui mettent bien en évidence l'interconnexion des différents facteurs que trop d'auteurs ont cherché à isoler en leur attribuant un statut privilégié de cause principale. La richesse et la nouveauté de cette " trame historique explicative " et du survol de toutes les problématiques touchant l'industrialisation montrent la nécessité d'une approche plurielle. L'orthodoxie quantitative fondée sur des agrégats discutables est remise en cause, certains historiens insistent sur les mutations qualitatives dans le domaine des relations sociales ce qui amène Patrick Verley à plaider pour la complémentarité des démarches : " Il n'y a en fait pas de contradiction entre une approche en termes de croissance, qui se fonde sur l'interprétation d'évolutions quantitatives et des approches structurelles, qui s'intéressent aux ruptures dans les techniques, dans les organisations de travail, dans les circuits de financement, dans les systèmes juridiques, dans les comportements de consommation, dans la culture matérielle et les mentalités, à condition que l'on parvienne à les articuler logiquement " (p. 120). La dernière phrase de cette citation apparaît comme un fil conducteur de cette première partie où les nombreux raisonnements s'inscrivent dans la recherche d'une certaine logique appelée à mieux percevoir l'interférence des mutations économiques et sociales qui furent moins brusques que les tenants du terme " révolution industrielle " l'ont cru. Pour Patrick Verley " l'industrialisation a été un phénomène lent, progressif et inachevé " ce qui rend l'expression de " révolution industrielle " inadaptée.

3La seconde partie de l'ouvrage (pp. 125-500), consacrée aux acteurs et facteurs de la révolution industrielle, se présente de manière originale et fort utile sous la forme d'un lexique comportant 74 rubriques étoffées donnant en quelques pages denses l'état de la question du thème abordé avec références à l'appui où les articles de revues abondent et surtout des renvois aux autres rubriques complémentaires. Par exemple les trois rubriques touchant les chemins de fer (1. capital et capitalistes, pp. 187-193 ; 2. États, initiatives privées, pp. 193-200 ; 3. croissance économique, pp. 200-206) sont complétées par les deux rubriques consacrées à la révolution des transports aux XVIIIe et XIXe siècles (pp. 433-443) ce qui donne une trentaine de pages étayées par 28 références bibliographiques choisies avec pertinence dans l'historiographie française, anglo-saxonne et allemande. Une lecture croisée permet une rapide entrée en matière dans les grands thèmes de l'industrialisation européenne présentés avec rigueur dans une perspective nationale et internationale. Les considérations théoriques donnent une vision claire des grandes interprétations devenues classiques comme celles de Bairoch, Gerschenkron, Marx, Mokyr, Rostow et Wrigley, rubriques admirablement complétées par celles survolant les modèles sociologiques de l'industrialisation et les modèles théoriques de la révolution industrielle. Chacune de ces approches est abordée avec nuance ; leur apport, leur originalité et leurs limites sont bien mis en évidence et Patrick Verley se permet de prendre position en posant des questions suggestives comme il le fait au sujet du bon usage des modèles théoriques (p. 373 ss.). Les articles thématiques sont tous nourris des problématiques les plus récentes résumées avec brio. Le modèle du genre revenant aux pages consacrées à la proto-industrialisation dans les deux parties de l'ouvrage. Les grands acteurs, les pères fondateurs ne sont pas oubliés, une dizaine d'esquisses biographiques relatent les carrières des principaux entrepreneurs anglais, allemands, belges et français. Les seconds couteaux sont aisément repérables par le biais de l'index onomastique. En outre, la lecture des rubriques consacrées aux principaux pays, Suisse comprise, permet de resituer les acteurs dans leur contexte.

4Une annexe statistique, deux cartes de l'Europe industrielle avec la localisation des grandes entreprises, des repères chronologiques, une brève bibliographie générale des " classiques " et deux index thématique et onomastique font de ce manuel de poche un instrument de travail indispensable pour aborder la complexité des phénomènes propres à l'industrialisation et de toutes les théories et autres interprétations proposées depuis des décennies. Ces deux parties forment un tout cohérent et l'on passe aisément de l'une à l'autre pour mieux cerner l'approche choisie. L'énorme travail de Patrick Verley, dont l'accès est facilité par une langue remarquable et un beau sens de la nuance et de la concision va faire le bonheur des enseignants appelés à plancher sur cette " révolution industrielle " dont l'appellation est de moins en moins contrôlée.

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Pour citer cet article

Référence électronique

François Jequier, « Patrick VERLEY, La révolution industrielle, Collection Folio/Histoire, Paris, Gallimard, 1997, 544 p.  »Cahiers d'histoire [En ligne], 42-2 | 1997, mis en ligne le 14 mai 2009, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ch/140 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ch.140

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