Philippe BOURDIN, Des lieux, des mots, les révolutionnaires. Le Puy-de-Dôme entre 1789 et 1799, Clermont-Ferrand, Institut d'études du Massif Central, 1995, 514 p.
Texte intégral
1Cette étude sur la sociabilité révolutionnaire dans le Puy-de-Dôme, département où les villes sont rares, s'intéresse d'abord aux lieux ouverts où l'on parle franc : marchés, auberges, cafés, théâtres. Ces nouveaux espaces où se forment une opinion publique brisent le vase-clos académique et maçonnique. Avec la Révolution, académiciens et francs-maçons se comportent désormais plus en citoyens qu'en membres de cercles érudits ou de loges. Leur formation leur permet pourtant d'être, à côté de nouveaux promus qui ont su prendre la parole et se faire entendre, les savants et les dirigeants politiques dont la Révolution a besoin.
2Un autre lieu de débats, où les mots sont parfois utilisés comme des armes et sont donc des instruments de violence, est la section. Clermont-Ferrand, même si elle n'atteint pas le seuil des 25 000 habitants prévus par la loi, remplace ses quartiers par des sections, unités de vote pour les assemblées primaires et donc berceaux de l'apprentissage politique pour le citoyen. Ces sections deviennent en 1792/1793 des lieux de formation de l'esprit républicain, mais demeurent le reflet des catégories socio-professionnelles qui les constituent. Si en 1793/1794 le grand homme est Couthon, après Thermidor an II on y brûle l'idole, même si ce changement d'image donne lieu à des troubles, particulièrement dans la section du Pont-de-Pierre à Clermont, section la plus populaire de toutes.
3Cependant, le vrai lieu où les mots sont révolutionnaires est la société populaire qui investit des lieux de sociabilité d'Ancien Régime, comme les églises " devenues des temples d'une nouvelle raison ". C'est surtout en 1793 que le Puy-de-Dôme se dote de sociétés populaires, la première étant apparue à Clermont-Ferrand le 17 mars 1790, représentant 2,1 % de l'ensemble des habitants et 9,1 % des votants, ce qui est en-dessous des données moyennes nationales. Ces sociétés populaires, où s'expérimente la démocratie directe, sont régulièrement épurées en fonction des événements nationaux, particulièrement en l'an III car considérées comme des foyers de jacobinisme.
4L'auteur s'intéresse ensuite aux hommes politiques locaux au travers des députés aux différentes assemblées, mais aussi au processus de transformation de certains Jacobins départementaux en républicains et terroristes. Suit une série de parcours politiques, parmi lesquels se succèdent noms illustres — Couthon, Romme, Bancal des Issarts, Lafayette, Malouet... — et noms plus obscurs qui ont pourtant joué un rôle politique non négligeable tel Maignet à Lyon. Une des sources de jacobinisation fut la presse, or quand commence la Révolution, seule la Feuille pour la province d'Auvergne datant de 1779, existe localement. Vite Le Patriote d'Auvergne la rejoint en janvier 1790 et d'autres titres également. Ces journaux portent en eux une véritable révolution de l'information. Tous ces mots prononcés et lus, tous ces débats organisés et spontanés forgent donc une opinion, voire une idéologie qui, bien sûr, concerne les hommes, mais ne laissent pas indifférentes les femmes, dont certaines méritent pleinement le qualificatif de citoyennes, voire les enfants.
5Ce livre est dense, érudit, enrichi par des tableaux, des cartes et des illustrations ; les titres sont recherchés et la période révolutionnaire est bien couverte ainsi que l'espace départemental. Cet ouvrage aborde, au-delà du déroulement chronologique local, une histoire de la sociabilité politique en croisant acteurs et lieux, mots prononcés et vecteurs de transmission. Avec Philippe Bourdin, on voyage dans le temps et on est immergé dans l'effervescence verbale que fut la Révolution. On a beaucoup parlé sous la Révolution, et Paris est loin d'avoir eu le monopole de la parole.
Pour citer cet article
Référence électronique
Bruno Benoit, « Philippe BOURDIN, Des lieux, des mots, les révolutionnaires. Le Puy-de-Dôme entre 1789 et 1799, Clermont-Ferrand, Institut d'études du Massif Central, 1995, 514 p. », Cahiers d'histoire [En ligne], 41-2 | 1996, mis en ligne le 15 mai 2009, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ch/118 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ch.118
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