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La christianisation de la Nouvelle-Espagne ou le rêve d’une église indienne : la praxis de l’évangélisation

Hervé Pujol

Résumés

En consacrant la partition du Nouveau monde entre l’Espagne et le Portugal et en fixant aux deux royaumes les limites de leur souveraineté, les bulles alexandrines de 1493 ont assigné aux Espagnols la mission d’évangéliser les Indiens. Ainsi, avant même le débarquement de Cortès au Mexique, cette interaction entre le temporel et le spirituel encourageait déjà la dynamique de conversion autant qu’elle scellait le sort des autochtones appelés à devenir et vassaux et chrétiens. Initié brutalement, le processus évangélisateur assura pourtant la renaissance de l’âme indigène tandis qu’il apparut, aux yeux des missionnaires en charge de sa réalisation, comme l’occasion de poser, en Nouvelle-Espagne, les fondements d’une nouvelle église, plus vertueuse.

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Texte intégral

1Si, dans le débat passionné qui survint au XVIe siècle quant à la nature de l’Indien, celui-ci dut aux plaidoiries des religieux de sortir absout de toute accusation de bestialité, il n’était pas prêt, pour autant, à accepter que la reconnaissance de son humanité et de sa rationalité passe par la condamnation absolue de son passé, de sa culture et donc de ses croyances. Après quelques années d’apostolat, l’impossible superposition d’une religion sur l’autre, accompagnée de l’introduction de nouvelles valeurs sociales bouleversant l’ordre ancien, marqua les limites d’une première phase d’évangélisation fondée sur la hâte des religieux à vouloir bâtir une église idéale, à la fois primitive et indienne (chapitre 1). Aux environs de 1540, devant la persistance des indigènes à réinterpréter le christianisme au travers des traditions préhispaniques sans mesurer leur incompatibilité avec le dogme, les évêques choisirent de conduire une politique d’inculturation fondée sur une adaptation de l’Évangile à la culture autochtone, elle-même introduite dans la vie de l’Église (chapitre 2). Cette conception théologique, en tant que nouveau paradigme d’évangélisation, vint se greffer à la situation d’acculturation réciproque vécue par les acteurs de la conquête. Il en résulta un métissage spirituel auxquels les missionnaires eux-mêmes avaient déjà largement contribué, à leur façon, lorsqu’en distinguant, dans la prédication, entre le toléré, le tolérable et l’interdit, ils avaient offert aux indigènes des espaces d’expression propices aux compromis.

Chapitre 1. Le temps de l’urgence

Section 1. La destruction des temples et des idoles

  • 1  É. Roulet, L’évangélisation des Indiens du Mexique. Impact et réalité de la conquête spirituelle ( (...)

2Avec l’arrivée des « Douze », l’évangélisation de la Nouvelle-Espagne connaît un essor fulgurant. Aux environs de Mexico, dans les villages visités par les franciscains, les Indiens affluent de tous côtés ; à l’instar de leurs caciques, ils demandent à être baptisés, mariés et instruits des choses de la foi. Martin de Valencia, transporté par l’allégresse, rend grâce à Dieu pour un si bon début et une si prometteuse moisson. Pourtant, la conjoncture n’est pas aussi positive qu’il n’y paraît : en dépit de ces succès salués à grands renforts de cérémonies spectaculaires, les rites anciens continuent à être célébrés publiquement et constituent un cinglant désaveu de l’effort missionnaire autant qu’une offense au Dieu des chrétiens1. Évoquant l’état de la christianisation à la fin de 1524, Motolinía écrit :

  • 2  T. de Motolinía, Historia de los Indios de la Nueva España, Madrid, Castalia, 1991, p. 129.

Dans tous les temples, y compris ceux de Mexico où quelques-uns seulement avaient été détruits et brûlés, les démons continuaient à être servis et honorés. Occupés à construire leurs maisons et à édifier la ville, les Espagnols se contentaient de l’absence de sacrifices publics (…) et, de cette manière, l’idolâtrie vivait en paix (…) aussi présente qu’avant2.

  • 3  Cl. Prud’homme, « Mission, colonisation, décolonisation : vue d’ensemble » in D. Borne et B. Falai (...)
  • 4  P. Ragon, Les saints et les images du Mexique (XVIe - XVIIIe siècles), Paris, L’Harmattan, 2003, p (...)

3Pour répondre à une situation qu’ils jugent intolérable, les frères mineurs optent pour une solution radicale, celle d’effacer toutes traces visibles du paganisme en lançant une vaste offensive contre les lieux de culte et les prêtres indigènes. Ils entendent asseoir de manière symbolique la supériorité du Dieu des chrétiens sur le panthéon mexicain, autrement dit la victoire définitive du monothéisme sur le polythéisme. Plusieurs éléments peuvent expliquer le choix de cette politique de rupture avec le passé. D’abord, il convient de rappeler que les franciscains sont les représentants d’un pays que l’hérésie obsède au point qu’il en recherche la trace dans l’idolâtrie de ses vassaux des Indes ; de même, il faut insister sur le fait que l’œuvre missionnaire avance au rythme d’une époque au cours de laquelle l’Europe est secouée par la Réforme et la Contre-réforme, tandis que l’Espagne, absente des croisades, voit l’Amérique comme une nouvelle Jérusalem à conquérir par tous moyens. Ensuite, il apparaît que l’idée de mission, traditionnellement associée à une diffusion pacifique du christianisme, se trouve manifestement contredite par le contexte de conquête militaire dans lequel elle s’inscrit3, contexte d’autant plus délicat que le Mexique, loin d’être pacifié, vit sous la menace d’une révolte indigène qui finira par éclater en Nouvelle-Galice, coûtant la vie à plusieurs franciscains. À cela, ajoutons aussi que la méthode d’évangélisation autoritaire trouve un fondement religieux dans une interprétation de l’Évangile selon saint Luc (chap. 14, 23) où il est dit : « va-t-en par les chemins et fais entrer les gens de force afin que ma maison soit remplie » ? Ce compelle eos intrare, que Sepulveda utilisera lors de la controverse de Valladolid pour légitimer l’usage de la contrainte, peut avoir soulagé la conscience des religieux pour qui, en ces temps incertains et difficiles, un bien accompli de force valait toujours mieux qu’un mal perpétré librement. Enfin, on ne peut concevoir la condamnation des rites indigènes et la politique de table rase qu’en retenant que, malgré son humanisme, le missionnaire novo-hispanique du XVIe siècle se considère, avant tout, comme l’instrument de Dieu dans une lutte entre le bien et le mal qui dépasse son humble personne4.

  • 5  J. García Icazbalceta, Don fray Juan de Zumárraga, primer obispo y arzobispo de México, México, An (...)
  • 6  Recopilación de leyes de los Reynos de las Indias, Madrid, Gráficas Ultra, 1943, livre I, titre I, (...)
  • 7  J. García Icazbalceta, Colección de documentos para la historia de México, t. II, México, Andrade, (...)

4Les premiers raids franciscains, lancés le 1er janvier 1525 dans la vallée de l’Anáhuac, se soldent par la destruction des sanctuaires païens de Texcoco, Tlaxcala, México et Huejotzingo. Au Michoacán, les idoles de la ville sainte de Tzintzuntzan sont brûlées ou jetées dans le lac voisin de Pátzcuaro, sous le regard hébété des Tarasques. Bientôt, le mouvement s’étend à toutes les régions du royaume jusqu’en terres mixtèques et zapotèques. En 1533, un bilan dressé par l’évêque Zumárraga fait état de la destruction de cinq cents temples et vingt mille idoles5. Dans leurs campagnes d’épuration, les frères s’appuient sur l’aide efficace des jeunes néophytes formés dans les couvents. En certains endroits, ils appellent la population à jeter à bas les images des anciens dieux. Les Espagnols ne semblent pas participer à l’entreprise alors pourtant que les instructions royales leur imposent d’apporter aux religieux toute l’aide nécessaire pour déraciner l’idolâtrie, au besoin « en renversant les statues et en les détruisant »6. Peut-être ont-ils choisi de ne pas intervenir, les uns parce qu’ils sont accaparés par des tâches administratives, les autres parce qu’ils ne s’intéressent qu’à l’exploitation de leurs encomiendas ? C’est du moins ce que tendrait à prouver un avis émis par les ordres mineur et prêcheur recommandant « que les seigneurs chrétiens soient contraints de détruire les temples des démons, les nombreux rites, les mauvaises coutumes et les cérémonies, et qu’ils s’emploient à enseigner la doctrine chrétienne »7.

  • 8  García Icazbalceta, Don fray, op. cit., app. , doc. n° 21, p. 102.
  • 9  Ch. Duverger, La conversion des Indiens de Nouvelle-Espagne, Paris, Seuil, 1987, p. 202.
  • 10  Ragon, Les saints…, op. cit., p. 45.
  • 11  Ibid.

5Si les idoles qui ornent les édifices cultuels sont facilement repérables, il n’en va pas de même de celles, dissimulables, que les Indiens gardent chez eux et qu’ils répugnent à présenter aux religieux. Quant à la destruction des temples, elle n’est ni rapide ni facile : elle nécessite d’importants moyens humains à un moment où le pays, frappé par les épidémies, manque cruellement de bras pour satisfaire à son bon développement. En 1537, de nombreux édifices témoignent encore de la splendeur des religions anciennes, de sorte que l’épiscopat demande à Charles-Quint l’autorisation de les faire démolir. Si l’empereur y consent à condition d’agir « sans provoquer de scandales et avec la plus grande prudence »8, il invite aussi à récupérer les pierres pour construire des édifices cultuels. Mais les religieux n’ont pas attendu ses recommandations pour agir. En de nombreux endroits, ils ont déjà profité de l’occasion pour édifier des églises, soit à l’emplacement des anciens temples, soit en leur sommet lorsque ceux-ci ont échappé à la destruction. Faut-il voir pour autant, en cette pratique de superposition des lieux de culte, une politique de capture du sacré délibérément menée par les religieux en vue « d’inscrire le nouveau culte dans une continuité historique et de lui octroyer de ce fait une légitimité souterraine »9 ? Retenir cette hypothèse, au demeurant séduisante, reviendrait à ignorer une raison plus prosaïque qui tient à la mise à disposition de matériaux qu’il eût été vain de vouloir transporter ailleurs alors qu’ils étaient idéalement placés au centre des villages, lieu traditionnel de rassemblement des populations. Certes, il n’est pas contestable qu’en agissant de la sorte les religieux ont voulu opposer le dieu des chrétiens à ceux des païens dans une ultime confrontation nécessairement favorable au premier. Mais, en ce sens, moins que la récupération du passé et du sentiment religieux indigène, c’est la maîtrise du lieu qui prévaut : comme l’alpiniste s’empresse de planter son drapeau sur le sommet de la montagne vaincue, le missionnaire plante sa croix sur les vestiges de la pyramide. Dirigé contre les démons, le geste doit être interprété comme un exorcisme10. Parfois, la conjuration du mal est même dissociée du lieu où agit le Malin. Le déplacement géographique exclut alors, a fortiori, tout principe de continuité entre une religion et l’autre. On peut, à cet égard, citer l’exemple du dominicain Domingo de la Anunciación qui, après avoir découvert à Tepoztlán une statue du dieu Ometoxtli sous un tertre qui lui était consacré, décida, après avoir essayé en vain de la détruire, de la transporter dans le village voisin pour l’enfouir dans les fondations de l’église et la faire disparaître à jamais11.

  • 12  S. Gruzinski, La colonisation de l’imaginaire, Paris, Gallimard, 1988, p. 263.

6Il en va autrement lorsque c’est l’indigène lui-même qui place ses anciennes idoles dans les soubassements des édifices cultuels de sa nouvelle religion de manière à pouvoir les honorer, encore et toujours, en toute impunité. C’est donc de son côté plutôt que de celui des religieux qu’il faut parler de capture du surnaturel ou de stratégie de détournement12. Que ce soit dans les murs des églises, au creux des autels, au pied des croix, les endroits ne manquent pas pour dissimuler statuettes ou offrandes rituelles. Les Indiens ne s’en sont jamais privés et, de cela, il ne faut s’étonner. Lors des Colloques de 1524, leur première réaction n’avait-elle pas été de refuser d’abandonner leur système religieux ?

  • 13  Duverger, op. cit., p. 89 et suiv.

Vous nous avez dit que nous ne connaissons pas celui par qui nous vivons et nous existons et qui est le Seigneur du ciel et de la terre. De même, vous dites que ceux que nous adorons ne sont pas des dieux. Cette façon de parler est pour nous tout à fait neuve et nous paraît fort scandaleuse ; nous sommes épouvantés d’entendre dire de telles choses. En vérité, nos parents qui nous ont engendrés et éduqués ne nous ont jamais dit ça (…) Au contraire, cela fait longtemps que nos ancêtres nous ont légué la coutume d’adorer nos dieux (…) Nul ne sait quand ces dieux ont commencé à être honorés, adorés et révérés ; la mémoire de ce temps s’est effacée (…) Nous sommes nés dans la foi de ces dieux, nous avons été élevés dans ce culte. Nous y sommes habitués et nous avons cette croyance imprimée dans nos cœurs (…) Il faut étudier cette affaire avec calme et d’un commun accord. Nous autres, nous ne sommes ni satisfaits ni persuadés par ce que vous nous avez dit. Nous n’accordons aucun crédit à ce que vous prétendez au sujet de nos dieux (...) Voici ce que nous ressentons tous : nous avons déjà perdu le pouvoir, vous nous l’avez pris, vous nous avez dépossédés de la juridiction du royaume. Cela suffit ! Nos dieux, nous les gardons ; nous préférons mourir plutôt que d’abandonner leur culte et leur adoration. Telle est notre détermination ; faites ce que voulez13.

  • 14  Dans les premières années de la conquête, une chapelle fut édifiée en l’honneur de la Vierge, près (...)

7Les Espagnols ayant choisi d’imposer leur dieu, de manière exclusive et autoritaire, il restait aux Indiens non convaincus et las de se battre, de consentir à devenir chrétiens tout en gardant intacte leur foi première. Avec le temps, cette sourde résistance se manifesta de façon ostensible dans les danses, les chants, les processions et l’architecture. Elle se transforma en une forme d’appropriation de la religion chrétienne dont le culte rendu à la Vierge de Guadalupe constituera l’expression la plus aboutie mais aussi la plus contestée14.

  • 15  J. Lafaye, Quetzalcóatl et Guadalupe. La formation de la conscience nationale au Mexique, Paris, G (...)

À Mexico, là où se trouve une colline qui s’appelle le Tepeacac (...) ils avaient un temple consacré à la mère des dieux qu’ils appelaient Tonantzin, ce qui veut dire notre mère (...) Et maintenant qu’est édifiée l’église de Notre-Dame de Guadalupe, les Indiens l’appellent également Tonantzin, prenant prétexte du fait que les prédicateurs appellent Notre-Dame, la mère de Dieu (...) Cela m’a tout l’air d’une invention satanique pour masquer l’idolâtrie sous l’ambiguïté de ce nom de Tonantzin ; et les Indiens viennent aujourd’hui de très loin visiter cette Tonantzin, d’aussi loin qu’autrefois et cette dévotion est suspecte car il y a partout de nombreuses églises consacrées à Notre-Dame et ils n’y vont pas, mais se rendent depuis des contrées lointaines à cette Tonantzin comme par le passé »15.

8Faut-il voir dans cette attitude l’expression d’un véritable syncrétisme religieux ou seulement une double appartenance culturelle ? Le fait est que l’ambivalence, tant décriée par les franciscains, fut apparemment bien assumée par les naturels ainsi qu’ils le confièrent à Diego Durán :

  • 16  Duverger, op. cit., p. 250.

Père, ne sois pas épouvanté, mais aujourd’hui nous sommes nepantla. Comme je lui demandai ce qu’il voulait dire en employant ce mot ou cette métaphore qui veut dire être au milieu, il me répondit (...) qu’ils n’étaient pas encore bien enracinés dans la foi mais qu’il n’y avait pas lieu de s’en épouvanter. Ils étaient neutres, me dit-il, c’est-à-dire qu’ils n’étaient pas complètement soumis ni à une loi ni à l’autre ; en d’autres termes, ils croyaient en Dieu mais en même temps, ils s’adonnaient à leurs antiques coutumes et aux rites du démon ; voilà ce qu’il voulait dire en disant qu’ils demeuraient au milieu et qu’ils étaient neutres16.

Section 2. Les baptêmes collectifs

9Les frères mendiants sont des missionnaires itinérants, des voyageurs. Ils ne restent pas dans les couvents mais parcourent sans cesse le pays avec un seul objectif : convertir le plus grand nombre de païens. Leur moisson doit être fructueuse car elle est la caution des engagements pris par la Couronne à l’égard de la chrétienté. Elle doit aussi justifier la confiance que le Saint-Siège a placée en eux en leur attribuant, par l’effet des bulles Omnimoda et Alias felicis, les plus larges privilèges. Ainsi, l’Indien en tant qu’objet de sauvetage spirituel, doit-il être baptisé avant d’être christianisé. Cette prévalence du baptême sur la catéchèse s’ajuste à une situation préoccupante : depuis la fin de l’année 1520, la variole, introduite par les Espagnols, fait des ravages dans les rangs autochtones. L’épidémie pose un problème de conscience car, en disparaissant sans avoir reçu le baptême, l’Indien se damne. Ainsi contraints à une politique de résultats, les frères vont-ils accepter d’accueillir dans l’Église tous ceux qui souhaitent y entrer, sacrifiant par ce fait l’exigence au profit du nombre. Au début cependant, si l’on excepte les baptêmes des femmes remises aux Espagnols durant la phase de conquête militaire, les missionnaires concentrent leurs efforts sur deux catégories d’individus : les chefs indigènes (principales) et les enfants. La conversion des premiers obéit à une raison éminemment stratégique. Les religieux, qui n’ignorent pas la dimension sacrée du pouvoir politique chez les peuples de l’Anáhuac, escomptent que le baptême des élites aura valeur d’exemple sur leurs sujets (macehuales). Cette démarche, déjà adoptée par les clercs qui avaient accompagné Cortés dans sa marche sur Mexico, correspond à la volonté de la Couronne, ainsi qu’il ressort des termes de l’instruction adressée au découvreur, le 26 juin 1523 :

  • 17  Roulet, op. cit., p. 39.

Afin que les Indiens de cette Nouvelle Espagne soient convertis à notre sainte foi catholique et soient endoctrinés et vivent en chrétien et assurent leur salut (…) il semble que le principal chemin pour atteindre ce but est de commencer à instruire lesdits seigneurs principales car vous savez que lesdits Indiens sont soumis à leur teules et seigneurs et qu’ils les suivent en tout17.

  • 18  Motolinía, op. cit., p. 221.

10Ces conversions sont souvent formelles : la noblesse indigène, que le pouvoir espagnol entend conserver et intégrer, sous son contrôle, à l’administration du royaume, comprend que la préservation de ses droits passe par l’adhésion à la foi des vainqueurs. Mais il arrive aussi que des caciques connaissent la révélation. Motolinía donne l’exemple d’un seigneur de Cuitláhuac qui, une fois converti et devenu Don Francisco, s’en va louer les mérites de sa nouvelle religion dans les villages environnants, inspirant aux habitants les plus grands sentiments de vertu18.

11Les enfants constituent l’autre cible des religieux. Le baptême des nouveau-nés et des très jeunes est en effet tâche aisée et gratifiante : pas d’échec à redouter, pas d’instruction préalable à dispenser, et surtout l’assurance de pouvoir disposer, demain, d’un corps de néophytes sur lequel se bâtira la nouvelle Église. À l’inverse, certains autochtones sont négligés : il en est ainsi de ceux dont le statut social est considéré comme inférieur (les esclaves, les femmes), mais aussi des vieillards. Ces derniers appartiennent déjà au passé ; le message chrétien est sans effet sur eux car, comme le pressentaient les dignitaires aztèques lors des Colloques de 1524, ils sont incapables de délaisser ce en quoi ils ont cru toute leur vie. Du reste, lorsque certains demandent à être baptisés, leur conviction est mise en doute et ils n’obtiennent satisfaction qu’à force d’insistance.

  • 19  S. Cline, « The spiritual conquest reexamined: baptism and christian marriage in early sixteenth c (...)

12Une étude menée à partir des listes des tributaires de plusieurs villages du Morelos, vingt ans après la chute de l’Empire aztèque, confirme cette politique baptismale. Elle révèle que les caciques sont tous baptisés, que les enfants le sont presque tous (de 78 à 83 %) et qu’un nombre, faible mais significatif, d’esclaves reste à l’écart de la religion chrétienne19.

  • 20  Motolinía, op. cit., p. 296.
  • 21  Paul, Épitre aux Romains, 10, 14 : « Comment donc invoqueront-ils celui en qui ils n’ont pas cru ? (...)

13Si les premières années d’apostolat sont relativement décevantes, à partir de 1525, lorsque le baptême est étendu aux macehuales, tout s’accélère. De tous côtés, des foules enthousiastes accourent pour demander à entrer dans le royaume de Dieu. L’empressement est tel que les Indiens n’attendent pas le dimanche, jour habituellement prévu pour les sacrements, et sollicitent les moines durant la semaine, à toute heure du jour et de la nuit. Même si ceux-ci font preuve de la plus grande disponibilité afin de ne pas décourager les bonnes volontés, ils sont rapidement débordés. Ils convertissent tant de villages, baptisent tant de « multitudes » qu’il leur arrive souvent de ne plus avoir la force de soulever la jarre avec laquelle ils officient20. La décision est alors prise de procéder à des baptêmes à grande échelle et de ne réserver les cérémonies individuelles qu’aux seuls seigneurs. Les effets sont immédiats : à l’aube des années 1530, le nombre d’Indiens convertis est estimé à un million. En 1536, il se situe entre cinq et six millions. Des pics d’activité sont rapportés par les chroniqueurs : Pedro de Gante avance le chiffre de quatorze mille consécrations par jour au début de la campagne ; Motolinía, celui de soixante mille, pendant le Carême de 1537, dans la seule province de Tepeyacac ! Mais il est dit dans la Bible que les Gentils ne peuvent croire sans entendre21 et, même si l’admission dans l’Église est facile et massive, elle doit être précédée d’une préparation que la junte apostolique de 1524 ne manque pas d’imposer. Au-delà de l’aspect didactique, cet enseignement doit permettre aux Indiens de distinguer le baptême chrétien des rituels païens d’exorcisme et de lavages purificatoires que les accoucheuses avaient coutume de pratiquer sur les nouveau-nés avant de leur donner un nom. Même si ces rites ne symbolisaient pas l’admission de l’enfant au sein d’une assemblée de croyants, ils pouvaient, de par leur référence à l’idée d’une souillure originelle, entretenir la confusion, ainsi qu’en témoigne la litanie qui les accompagne :

  • 22  B. de Sahagún, Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne, notes de D. Jourdanet, Paris, (...)

Voila l’eau très pure qui lave et nettoie notre cœur et enlève toute souillure ; reçois-la ; qu’elle daigne purifier et blanchir ton cœur (…) Reçois et prends l’eau du seigneur du monde, qui est notre vie, afin que notre corps croisse et se fortifie […] Je supplie qu’elle détruise et écarte de toi tout le mal qui t’est contraire et qui te fut donné avant le commencement du monde (…) Quoique tu sois, toi qui es chose nuisible à l’enfant ; laisse-le et va-t-en ; éloigne-toi de lui, parce en ce moment il prend une nouvelle vie22.

14L’enseignement pré-baptismal est cependant sommaire. Il se résume à la présentation de quelques notions essentielles (un seul Dieu créateur de toutes choses, la Vierge, l’immortalité de l’âme…) et spécule sur la menace du Diable pour amener les Indiens à la foi. À la fin du XVIe siècle, son contenu est toutefois précisé par le troisième concile provincial qui impose que le récipiendaire sache au moins le Credo, le Pater Noster, les dix commandements, et apporte la preuve qu’il a conscience de ses péchés et s’en repent. Dans l’euphorie et la précipitation qui accompagne les baptêmes de masse, la condition d’un enseignement préalable est-elle correctement respectée ? Apparemment pas si l’on se réfère au premier concile provincial de 1555 qui réitère l’interdiction, posée par la Junte ecclésiastique de 1539, de baptiser des adultes non « suffisamment instruits des choses de la foi » ni complètement « lavés de l’idolâtrie et des rites anciens ». Ce rappel montre le lien pervers qui unit les méthodes d’évangélisation - baptêmes de masse et tabula rasa -, menées simultanément par les franciscains. En consacrant sans catéchuménat sérieux, les religieux introduisent dans l’Église des hommes incapables d’apprécier la portée du sacrement, des hommes qui ne voient pas la contradiction à être chrétien et à adorer des idoles que les religieux devront s’employer, par conséquent, à repérer et à faire disparaître.

  • 23  Motolinía, op. cit., p. 231.

15Ces baptêmes de masse, même s’ils ne sont pas administrés à l’hysope, ne s’accompagnent pas pour autant de toute la solennité et des rituels liturgiques imposés par l’Église. Les franciscains, qui peinent à satisfaire les aspirations chrétiennes d’un si grand nombre d’autochtones, en allègent considérablement le cérémonial. Arrivés les premiers en Nouvelle-Espagne, ils ont pris la responsabilité de secteurs d’évangélisation plus vastes et plus peuplés que ceux des autres ordres mendiants, de sorte que leurs tâches s’en trouvent nécessairement accrues. Leur technique est la suivante : sur tous les enfants, ils pratiquent l’exorcisme et, sur quelques-uns seulement, les rites du signe de la croix, de l’insufflation, du sel, de l’insalivation et de l’aube ; après quoi, ils les baptisent un à un avec de l’eau bénite. Ensuite, ils s’occupent des adultes à qui ils rappellent leurs engagements de chrétien et les devoirs du mariage, avant de les baptiser, à leur tour, individuellement23. Compte tenu de la difficulté à se procurer de l’huile, inconnue au Mexique, il n’est pas procédé à l’onction du saint chrême. Si le prêtre peut y pourvoir ultérieurement, il est prévu qu’il fasse revenir les Indiens à l’Église. Dans un tel contexte, la régularisation paraît illusoire et rien ne vient confirmer son effectivité... Les dominicains, les augustins et le clergé séculier considèrent qu’en agissant ainsi, les frères mineurs font offense au Seigneur. Selon eux, le surcroît de travail allégué ne constitue pas un motif recevable. Motolinía, quant à lui, défend son ordre en insistant sur l’incongruité à vouloir comparer la situation d’un missionnaire mexicain à celle d’un curé espagnol :

  • 24 Ibid.

Là-bas, dans le cadre de cette nouvelle conversion, comment un prêtre aurait-il pu baptiser à lui tout seul deux à trois mille personnes en une journée, en pratiquant sur chacune les rites du souffle, de la salive, de la lumière et de l’aube ? (…) Il était impossible d’accomplir toutes les cérémonies alors qu’il n’y avait ni églises, ni fonts baptismaux, ni ministres du culte et qu’un même prêtre devait baptiser, confesser, marier, enterrer, prêcher, dire la messe, apprendre les langues indigènes, faire le catéchisme aux enfants et leur apprendre à lire et à chanter24.

16Par la bulle Altitudo divini consilii du 1er juin 1537, Paul III, à l’arbitrage duquel la question a été soumise, donne tort aux frères mineurs. Sans remettre en cause la validité des baptêmes déjà sommairement administrés, il impose le respect de la cérémonie chrétienne afin que les Indiens, pénétrés de sa grandeur, en mesurent le sens exact et ne puissent l’assimiler aux lavements préhispaniques :

  • 25  G. de Mendieta, Historia Eclesiástica Indiana, Madrid, Atlas, 1973, t. I, p. 163.

Afin que les nouveaux convertis fassent la différence entre le baptême et les lavements qui étaient d’usage au temps de leur gentilité, nous ordonnons que, dorénavant, le baptême soit administré, sauf cas d’urgente nécessité, selon les cérémonies exigées par l’Église. Quatre règles, au minimum, seront maintenues : premièrement, que l’eau soit bénite ; deuxièmement, que chacun soit exorcisé et catéchisé ; troisièmement, que les rites du sel, de la salive, de l’aube et du cierge soit donné au moins à quelques néophytes ; quatrièmement, qu’il soit procédé à l’onction du saint chrême sur le front de chacun, à celle de l’huile sur leur cœur des hommes et des enfants et à l’endroit qu’il conviendra pour les femmes25.

17La mise en œuvre de ces dispositions est posée par la Junte ecclésiastique de 1539 qui, en outre, prescrit la rédaction d’un manuel à l’usage des clercs, réguliers ou séculiers, afin d’harmoniser les conditions du sacrement dans toutes les provinces de la Nouvelle-Espagne, et fixe à sept ans l’âge de raison en dessous duquel un enfant ne peut être admis au baptême. Après cette date, même si les franciscains offrent encore quelques résistances, la pratique des baptêmes de masse touche à sa fin. On peut considérer qu’au fil des ans, avec l’augmentation du nombre de prédicateurs et l’expansion de la foi chrétienne, les baptêmes d’adultes vont en se raréfiant et ne justifient plus le recours aux cérémonies collectives. Ainsi s’achève le temps de l’urgence, avec son cortège d’exagérations, de précipitations et de schématisations ; un temps peut-être nécessaire ou, plus certainement, imposé par des circonstances parfois étrangères à la religion ; un temps qui, s’il a contribué à obtenir rapidement une chrétienté compacte, n’a pas permis de pénétrer plus avant dans la pensée des néophytes ; un temps enfin, qui, pour être complètement profitable à l’Église, se doit d’être corrigé par plus de mesure et de discernement alors et surtout qu’au contact des Indiens, les religieux acquièrent, chaque jour, une meilleure connaissance de leur monde et de ses traditions.

Chapitre 2. Le temps de la patience

  • 26  « Ceux qui désirent sincèrement amener à la foi parfaite ceux qui sont étrangers à la foi chrétien (...)

18Abattre les temples, traquer les idolâtres, baptiser le plus grand nombre dans la précipitation… Au-delà des résultats quantitatifs, rien ne garantit la loyauté des conversions obtenues. Dans le pire des cas, ces solutions systématiques, brutales, peuvent faire entrer des païens dans la maison de Dieu au risque d’en menacer les fondations. Croire est un acte libre de la volonté. Le prédicateur qui souhaite conduire la brebis à son berger, doit, comme l’énonce un fragment de Saint Grégoire repris dans le décret de Gratien26, agir avec douceur ou, pour le moins, avec sagesse. Ne plus vouloir nier l’héritage spirituel préhispanique mais, au contraire, composer avec lui, en adaptant le message chrétien et en aménageant l’exercice du culte, c’est désormais ce vers quoi vont tendre les religieux. À partir de la fin des années 1530, cette inflexion de la politique évangélisatrice est encadrée par les évêques à travers la tenue de juntes ecclésiastiques et de conciles provinciaux. Après les ordres mendiants, ce sont eux désormais qui vont penser de façon nouvelle les solutions chrétiennes applicables à l’originalité de la réalité mexicaine. Des solutions dont émergeront, à terme, l’unification des pratiques de catéchèse (section 1) et la révision des conditions des sacrements (section 2).

Section 1. Le catéchisme

19Le contenu du catéchisme, comme ses méthodes d’apprentissage, doit évoluer vers une plus grande efficacité car il constitue la première expression du message chrétien adressé aux populations amérindiennes.

  • 27  Mendieta, op. cit., t. I, p. 151.
  • 28 Ibid., p. 187.

20Première constatation : le contenu des prêches, même soigneusement explicité, est difficilement accessible aux Indiens, vierges de tous référents. Pour assurer une meilleure perception du message, les religieux associent alors l’image à la parole. Ils complètent leur enseignement oral par des tableaux qu’ils commentent. Avec cette évangélisation illustrée, le discours perd en abstraction et s’accorde mieux aux réalités du pays. Le procédé est utilisé pendant tout le XVIe siècle. Il séduit d’autant plus les Indiens qu’il correspond à la pratique traditionnelle des pinturas que ceux-ci réalisentsur des écorces végétales ou des peaux d’animaux. Il permet de les associer subtilement à l’univers chrétien en les faisant figurer dans les tableaux exposés. Ainsi l’évocation du ciel éternel ne manque pas de faire apparaître, dans l’entourage du Tout-puissant, quelques Indiens, ceux-là même qui, aux dires du prédicateur, se sont convertis et ont vécu en bons chrétiens jusqu’à leur mort ; inversement, l’illustration de l’enfer révèle la présence d’autres Indiens, ceux qui ont refusé la religion chrétienne ou qui, après leur conversion, ont transgressé ses commandements. Enfin, cette technique sollicite la mémoire visuelle à la grande satisfaction de Mendieta qui préconise l’affichage de la parole de Dieu dans toutes les écoles, de manière à ce que les enfants grandissent avec l’iconographie chrétienne sous les yeux et puissent s’en imprégner de manière définitive27. La technique pictographique sert aussi à l’élaboration de livres de prières et de catéchismes. Les ouvrages, composés d’idéogrammes, de pictogrammes et/ou de signes phonétiques, empruntent aux acquis des anciens Mexicains qui utilisaient un mode d’expression graphique à base de glyphes. Ils sont connus sous le nom de « manuscrits testériens », en hommage au franciscain Jacobo de Testera qui ne se séparait jamais « d’un pan de tissu sur lequel étaient peints tous les mystères de Notre Sainte foi catholique »28. D’autres franciscains développèrent ce procédé, parmi lesquels il faut citer Pedro de Gante, auteur d’une doctrine riche de plus de mille pictogrammes, présentant les fondements de la religion chrétienne : le signe de la croix, les quatre prières principales, les dix commandements, les sacrements, les œuvres de miséricorde…. Initiée par les frères mineurs, la conversion en image fut aussi employée par les autres ordres mendiants.

  • 29 Ibid., p. 66.

21Mais, plus que la présentation de la catéchèse, c’est son contenu qui pose problème tant est grand le fossé qui sépare le christianisme des religions préhispaniques. Pourtant, lorsqu’ils « redécouvrent » le Mexique, les frères ont d’abord tendance à s’enthousiasmer devant la similitude des anciennes pratiques rituelles avec les saints sacrements. Les Aztèques connaissaient le mariage, possédaient une forme de baptême, de confession et de communion. Ils croyaient aussi en une vie éternelle, connaissaient la croix, s’imposaient des périodes de jeûnes, pratiquaient parfois la circoncision29 et vénéraient une divinité primordiale (Ometecutli) dont le fils (Huitzilopochtli, dieu de la guerre et du soleil) était né d’une vierge (Tonantzin, la mère des dieux) qu’une touffe de duvet, aussi insaisissable que l’Esprit saint, avait effleurée. Ces éléments, considérés comme autant de pierres d’attente, alimentent la croyance en une pré-évangélisation de l’Amérique par saint Thomas que les religieux associent à Quetzalcóatl, le dieu toltèque, vertueux et opposé aux sacrifices humains. Le Christ, lorsqu’il a envoyé ses apôtres prêcher l’Évangile sur la terre entière, (« ite et docete omnes gentes ») n’a pu avoir oublié le continent américain. La pertinence de cette thèse aux antipodes de la tabula rasa, se trouve renforcée par le fait que, selon les Acta Thomae, l’apôtre était parti prêcher au-delà du Ganges soit, si l’on considère la confusion géographique entre les Indes et le Nouveau Monde, en Amérique.

  • 30  Duverger, op. cit., p. 202.
  • 31  Sahagún, op. cit., liv. II, chap. V, p. 62.

22Par la suite, les religieux mesurèrent la dangerosité de ces analogies que les Indiens pouvaient reprendre à leur compte sans manquer de dénaturer le dogme. Ils résolurent alors de réviser le contenu de leur enseignement en éludant les sujets délicats ou en simplifiant ceux qui leur semblaient trop abstraits. À la lecture des sermonnaires, il apparaît que le thème de la Trinité, susceptible de raviver le souvenir du polythéisme, est occulté30. Les religieux ne s’attardent pas non plus sur la crucifixion dont la dimension sacrificielle provoque une attention exagérée et une grande exaltation chez les Indiens qui avaient pour habitude d’immoler un jeune homme aux cheveux longs, en l’honneur du Dieu Tezcatlipoca, au cours d’une fête qui « était la principale de toutes, comme qui dirait la Pâque et, en réalité, se célébrait aux environs de la Pâque de la résurrection, ou quelques jours après »31. De même, l’évidente relation entre l’anthropophagie et la communion peut expliquer la parcimonie avec laquelle ce sacrement est distribué. Le franciscain Maturino Gilberti se soucie aussi de l’engouement provoqué par les images saintes ; redoutant qu’une nouvelle idolâtrie ne se substitue à la précédente, il explique aux néophytes que le culte rendu ne concerne pas l'objet matériel lui-même mais ce qu'il représente :

  • 32  R. Ricard, La conquête spirituelle du Mexique. Essai sur l’apostolat et les méthodes missionnaires (...)

On n'adore aucune image, même s'il s'agit du crucifix ou de Sainte Marie, car, lorsqu’on figure le crucifix ou Sainte Marie ou les saints, c'est uniquement pour rappeler à notre mémoire la grande miséricorde de Dieu (…) et bien que devant le crucifix on se mette à genoux en attitude d'adoration, cependant ce n'est pas le crucifix qu'on adore, car il est simplement fait de bois, mais Dieu lui-même, Notre-Seigneur qui est dans les cieux32.

  • 33  Ch. Gibson, Los Aztecas bajo el dominio español, México, Siglo XXI, 1967, p. 106.

23Par-delà les confusions possibles, d’autres religieux insistent sur des concepts mal compris, notamment sur celui de l’âme, si bien accepté par les Indiens que ces derniers l’étendent aussitôt aux animaux et aux objets inanimés33. De manière générale, chacun, loin de s’en tenir à un enseignement purement livresque, agit en fonction des réalités du terrain, des capacités et de la réactivité de son auditoire.

24Qu’un religieux adopte à l’égard de ses ouailles une approche pédagogique personnalisée ne peut qu’améliorer la perception du message qu’il est en charge de transmettre. À l’inverse, la multiplication des doctrines qui fondent l’enseignement catéchétique peut se révéler néfaste. Tant queles franciscains furent les seuls évangélisateurs de la Nouvelle-Espagne, l’homogénéité et la cohérence du discours religieux demeurèrent préservées. Elles furent vite remises en cause, l’une et l’autre, avec l’arrivée des autres ordres mendiants, Dominicains et Augustins, dont les spécificités allaient s’exprimer, au grand dam des Indiens, autant dans la pratique de la religion que dans son enseignement :

  • 34  Roulet, op. cit., p. 80.

Les frères de saint François endoctrinent d’une façon et vivent d’une certaine manière, et ont un type de vêtements et une façon de prier, et ceux de saint Augustin en ont une autre et ceux de saint Dominique une autre34.

25L’épiscopat mexicain, dont les pouvoirs allaient croissant avec le nombre d’évêchés, entreprit alors, à l’occasion de plusieurs juntes et conciles, d’homogénéiser l’enseignement de la doctrine. Dans le double but d’aider les clercs à s’acquitter correctement de leurs obligations pédagogiques et les Indiens à se pénétrer des principes de la foi chrétienne, la junte ecclésiastique de 1546 prescrivit la rédaction de deux catéchismes : l’un allégé (la doctrina breve), l’autre plus développé (la doctrina larga), écrit à l’intention des Indiens à qui l’on souhaitait donner une instruction plus solide.

26Le catéchisme du franciscain Alonso de Molina (Doctrina cristiana breve en lengua mexicana) fut choisi comme version abrégée. Il fut publié immédiatement après la junte, sous l’égide de l’évêque Zumárraga. Inspirée des catéchismes espagnols, cette doctrina breve reste très classique quant à la présentation du dogme ; elle offre néanmoins l’avantage d’être rédigée en nahuatl et d’isoler les vérités essentielles des vérités complémentaires, lesquelles ne sont généralement exposées qu’aux enfants éduqués dans les couvents. Dans les livres comme sur le terrain, le pragmatisme commande : face aux « gens rustres » que sont les Indiens, il convient avant tout d’enseigner ce qu’il n’est pas permis d’ignorer, peu de choses bien sues valant mieux qu’une fausse érudition susceptible de ramener le néophyte à l’idolâtrie. Pendant près de deux siècles, le succès de cette doctrine ne se démentit pas et donna lieu à de nombreuses rééditions.

27Le catéchisme du dominicain Pedro de Córdoba, Doctrina cristiana para instrucción e información de los Indios por manera de historia, existait depuis 1544 en espagnol lorsqu’il fut retenu comme doctrina larga. Initialement rédigé à Saint-Domingue en 1510, il fut traduit en nahuatl, actualisé par Domingo de Betanzos et Juan de Zumárraga, et réédité en 1548 sous le nom de Doctrina cristiana en lengua espanola y mexicana hecha por los religiosos de la orden de Santo Domingo. Le texte, réparti sur deux colonnes correspondant chacune à l’un des idiomes proposés, se distingue de la version abrégée par son originalité et un effort évident de contextualisation. L’originalité réside avant tout dans la forme : la présentation catéchétique traditionnelle des questions/réponses est abandonnée au profit d’un récit dont il est précisé qu’il doit permettre aux néophytes d’apprécier et de mémoriser avec plus de facilité les fondements de la foi. Mais l’originalité est aussi dans le style : dès le prologue, les auteurs s’adressent aux naturels comme à des fils et/ou à des frères, employant à leur égard les mots les plus affectueux. Ce même prologue précise le contexte de la catéchèse : il insiste sur le fait que les missionnaires doivent être distingués des conquistadores, qu’ils sont mus par un amour désintéressé et que, s’ils ont pris autant de risques pour parvenir jusqu’aux Indes, c’est uniquement pour le salut de leurs habitants. Si la présentation du dogme est relativement classique, elle est complétée par quarante sermons explicatifs, choisis pour faciliter le travail de prédication. Enrichis de nombreuses données tirées de l’observation des pratiques rituelles mexicaines, ces sermons mettent en parallèle christianisme et paganisme pour mieux faire ressortir les avantages du premier sur le second. Seul le christianisme ouvre les portes du ciel. Son Dieu unique, tout-puissant, est aussi plein de bonté ; peu lui chaut les offrandes sanglantes et chacun, qu’il soit espagnol ou indien, peut devenir son ami. Ce dernier point ne peut manquer d’éveiller l’intérêt des indigènes habitués à vénérer des dieux inaccessibles, menaçants et cruels. Alors que les anciennes idoles sont démoniaques et dépourvues de pouvoir, Dieu sait tout, voit tout, et révèlera, le jour du jugement dernier, tous les actes cachés. L’effet de la démonstration est accentué par l’insertion de dialogues, de métaphores, d’exemples pratiques, d’éléments circonstanciés amplifiés par la dramatisation du discours. Rien n’est négligé : les dieux mexicains sont nommément désignés, les lieux de cultes exactement situés, les rites précisément décrits. Ces additions à la catéchèse traditionnelle opposent toute la cruauté et l’impuissance des dieux anciens à l’amour du Créateur : Dieu ne demande pas qu’on sacrifie ses fils, qu’on tue les esclaves, qu’on s’impose des mutilations, qu’on offre son sang… Comme la doctrine breve franciscaine, la doctrina larga dominicaine rencontra un tel succès que deux ans seulement après sa parution, elle fut rééditée.

28L’harmonisation des méthodes pédagogiques et le principe des deux doctrines furent confirmés par le premier concile provincial de 1555. À cette occasion, les évêques rappelèrent aussi aux religieux, réguliers ou séculiers, toute l’importance de l’approche pragmatique : ils ne devaientenseigner que ce qui était nécessaire au salut des âmes et abandonner les « mystères et les choses ardues de la sainte foi ». Dans le même temps, les évêques insistaient sur le fait que le travail des clercs ne se limitait pas à la seule lecture du catéchisme. La parole de Dieu devait être entendue, comprise et apprise. À cette fin, il appartenait aux religieux de visiter, une fois l’an, tous les villages de leur district et de soumettre, individuellement, les habitants à un contrôle des connaissances. Ceux qui présentaient des lacunes étaient recensés et confiés aux plus érudits (indios bien instruidos y de confianza). En 1585, le troisième concile provincial porta cette exigence à deux visites annuelles, eu égard aux difficultés éprouvées par les indigènes à retenir le contenu de l’enseignement dispensé. La parole de Dieu s’adressant à tous, la catéchèse devait s’accommoder des circonstances les plus diverses : ainsi, les religieux avaient-ils l’obligation de veiller à l’instruction des esclaves et de visiter les prisons, une fois par semaine, pour répondre aux besoins matériels et spirituels des Indiens incarcérés. La situation de ceux qui étaient mis à disposition (repartimiento) des colons espagnols pour être affectés dans les mines ou les ateliers était également envisagée : il appartenait aux propriétaires des établissements de prendre toutes les mesures pour qu’ils ne fussent pas dépourvus de l’instruction nécessaire.

  • 35  García Icazbalceta, Don fray, op. cit., app. , doc. n° XXVI, p. 122.

29L’ensemble de ces dispositions montre à l’évidence que le temps de l’évangélisation autoritaire est passé. Le message de l’Église se veut chaleureux, cohérent, ancré dans la réalité de la société mexicaine, adapté à la psychologie de ses acteurs et, qui plus est, respectueux des droits de ces derniers et de leur dignité. Car, pour enseigner la doctrine chrétienne, il n’est désormais plus besoin de cep, de fouet ou de prison ; seule est tolérée une « contrainte légère semblable à celle qu’exerce le maitre sur son élève ou le pédagogue sur la personne dont il a la charge »35.

Section 2. Les sacrements

30Une fois baptisés et catéchisés, les indigènes doivent se comporter en bons fidèles, ce qui ne doit pas nécessairement les empêcher de conserver celles de leurs coutumes qui sont compatibles avec la religion chrétienne. C’est le sens des instructions royales qui présidèrent, le 12 juillet 1530, à la création des Corregimientos de Indios, institutions regroupant les naturels qui, pour n’avoir pas été confiés (encomendados) à un colon espagnol, relevaient directement de l’autorité royale. Comme souvent aux Indes, le respect de ces dispositions, loin d’être effectif, fut l’objet d’une nouvelle intervention du monarque : par cédule du 6 août 1555, Charles-Quint réaffirma expressément la validité de toutes les règles consuétudinaires qui ne s’opposaient pas à la religion chrétienne ou à la législation royale.

  • 36  J. A. González Galván, El estado y las etnias nacionales en México. La relación entre el derecho e (...)

Nous ordonnons que les lois et les bonnes coutumes autrefois établies par les Indiens pour leur gouvernement et leur police, que les us et coutumes observés et conservés depuis qu’ils sont chrétiens, et celles qu’ils ont nouvellement adoptées ou modifiées, soient maintenues et appliquées dès lors qu’elles ne vont ni contre notre religion sacrée ni contre les lois de ce livre. Par la présente, nous les approuvons et les confirmons s’il le faut et si elles nous paraissent souhaitables pour le service de Dieu Notre-Seigneur et pour la protection et la police chrétienne des naturels de ces provinces sans leur causer de dommages, ni gêner leurs bonnes et justes coutumes, et leurs règles statutaires »36.

31La prise en compte du fait religieux indigène dans la vie sacramentelle des nouveaux chrétiens de Nouvelle-Espagne est indéniable. Trois illustrations peuvent en être données à travers l’administration du mariage (A), de la confession (B) et de la communion (C).

A. Le mariage

  • 37  Motolinía, op. cit., p. 248.
  • 38 Recopilación, op. cit., liv. VI, tit. I, loi IV.
  • 39  B. Grunberg, « L’inquisition apostolique mexicaine et le problème indien : une mission impossible (...)

32En matière matrimoniale, les religieux se heurtèrent à deux problèmes majeurs : celui de la polygamie et celui de la validité des mariages contractés par les Indiens du temps de leur gentilité. Combattre la polygamie s’avéra particulièrement difficile car elle était pratiquée par les nobles et constituait pour eux autant un signe de prestige qu’une source de profit. Ainsi, malgré la précocité des premiers mariages religieux - en 1526, furent célébrés ceux du cacique de Texcoco et de sept de ses compagnons -, il fallut attendre 1531 pour que les seigneurs entreprissent de se satisfaire, au moins formellement, d’une seule épouse37. Mêmes mariés facie ecclesia, ils persistaient à avoir nombre de concubines, attitude d’autant plus légitime à leurs yeux qu’elle était partagée par la plupart des Espagnols. Leur comportement, intolérable, appelait des sanctions mais, parce qu’ils constituaient des relais précieux entre la culture espagnole et le monde autochtone, le pouvoir royal était enclin à les ménager. Vouloir résoudre un problème aussi délicat de façon précipitée pouvait conduire à ternir les liens sur lesquels les missionnaires s’appuyaient pour contrôler les villages et mieux christianiser le pays. Aussi, la Couronne appela-t-elle à la clémence. Certes, depuis 1530, l’Indien converti, coupable de polygamie, devait être rappelé à l’ordre et enjoint de quitter l’épouse illégitime ; certes, après deux admonestations restées sans effet, il devait être puni mais, pour autant, la loi restait muette sur la nature de la peine38. Il fut même décidé, par cédule royale du 26 juin 1536, que les sanctions pécuniaires en vigueur dans la Péninsule en cas de concubinage ne s’appliquaient pas aux Indiens trop récemment convertis et sur qui pesaient encore le poids des usages. La décision provoqua le désarroi des évêques qui, compte tenu du peu de repentir des indigènes face à la polygamie, s’inquiétèrent de savoir comment ils pouvaient remédier à la situation. En fait, entre l’excommunication, mesure inadaptée aux néophytes, et l’admonestation, il ne restait guère aux religieux qu’à brandir la menace du « châtiment éternel »… Il résulta de cette politique que les clercs ne sanctionnèrent que les excès les plus criants, ce que confirme d’ailleurs le peu d’affaires portées devant le Saint-Office39. Même si les évêques dénoncèrent le fait que, dans bien des cas, les Indiens profitaient du mariage pour mieux dissimuler leurs relations adultères, il ne fut évidemment pas question de leur refuser le sacrement, sauf à prendre le risque de les voir s’installer de façon définitive dans le concubinage. En définitive, traitée avec plus d’esprit de conciliation que de volonté répressive, la polygamie disparut d’elle-même, peu à peu, avec l’arrivée des nouvelles générations d’Indiens baptisés dès la naissance et éduqués dans le respect des règles chrétiennes.

33Par ailleurs, il apparut que les naturels possédaient, avant l’arrivée des Espagnols, un mariage qui obéissait à un cérémonial précis et ne pouvait être rompu que sur décision judiciaire. L’usage concernait évidemment les gens du peuple - lesquels n’avaient qu’une épouse -, mais aussi les nobles dont l’union avec la première femme se différenciait, par sa solennité, de celles contractées avec les épouses de second rang. La validité de ce mariage faisant débat entre les religieux, il appartint au pape Paul III de trancher le litige, ce qu’il fit, le 1er juin 1537, par la bulle Altitudo divini consilii, déjà évoquée à propos des baptêmes :

S’agissant de leur mariage, nous décrétons qu’il faut observer ceci : ceux qui avant la conversion avaient plusieurs femmes selon leurs coutumes et qui ne se souviennent pas quelle est celle qu’ils ont prise la première, lorsqu’ils se convertissent à la foi chrétienne prendront l’une d’entre elles - celle qu’ils voudront - et ils contracteront mariage avec elle par les paroles portant sur le présent comme il est de coutume ; mais ceux qui se souviennent quelle est celle qu’ils ont prise la première, garderont celle-ci en laissant les autres40.

34Restait à vérifier l’honnêteté des candidats au mariage, compte tenu du fait que certains étaient tentés de profiter de cette nouvelle donne pour se débarrasser d’une ou de plusieurs épouses, et pour convoler avec une jeunesse plus désirable… Pour parer à cette éventualité, les religieux contrôlaient la situation de familledes indigènes en s’appuyant sur les connaissances d’experts autochtones, appelés licenciados en raison de l’instruction dont ils faisaient preuve en la matière. À défaut de contrôle sérieux, les clercs pouvaient être amenés à marier plusieurs fois la même personne. Le cas survenait notamment lorsqu’un Indien, contraint de vivre loin de son domicile du fait de son travail dans un centre minier, profitait de l’occasion pour se marier une deuxième fois.

  • 41  J. A. Llaguno, La personalidad jurídica del Indio y el III concilio provincial mexicano (1585), Mé (...)
  • 42  Ibid., p. 271.

35Avec la même indulgence qu’ils traitaient la polygamie, les religieux s’employaient aussi à apprécier le respect des autres conditions liées à la validité de l’union. Ainsi, en dépit du fait que la junte apostolique de 1524 avait fait du baptême un préalable au mariage, il était fréquent que celui-ci fût célébré alors même que l’un ou l’autre des prétendants, sinon les deux, n’étaient pas chrétiens. La pratique perdura au moins jusqu’à la fin du XVIe siècle puisque le troisième concile provincial de 1585 consacre un de ses décrets à la situation où, après le mariage de « deux infidèles », l’un se fait baptiser tandis que l’autre manifeste son refus d’accéder à la foi chrétienne. Les évêques font de ce cas une cause de répudiation. Néanmoins si le converti cohabite avec l’infidèle sans « faire injure à la loi de Dieu », de telle sorte que l’on puisse espérer la conversion prochaine de ce dernier, il est prévu un délai de six mois au bout duquel les clercs doivent décider s’ils reportent ce délai ou s’ils autorisent l’Indien converti à prendre un autre conjoint41. De même, les religieux ne sont pas toujours très regardants quant à la préparation du mariage. En dépit des instructions conciliaires de 1555 qui prescrivent de refuser le sacrement à ceux qui ignorent la doctrine chrétienne, ils se contentent parfois de seulement vérifier que les candidats partagent une vie commune. En 1585, il est rappelé que tout chrétien, espagnol ou indien, désireux de se marier, doit savoir au moins les quatre prières, les articles de la foi, les commandements de Dieu et de la Vierge, les péchés mortels et les sept sacrements. Cependant, il est possible de déroger à ce principe face à un indigène dont la rusticité et les capacités réduites n’autorisent aucun espoir de lui faire apprendre le minimum de connaissance requis42. Cette souplesse vise à ne pas décourager les néophytes qui font l’apprentissage de leur vie de chrétien.

36Les religieux, aidés des licenciados, s’emploient aussi à déceler les relations incestueuses. Ils doivent cependant tenir compte du droit coutumier. Le mariage d’un homme avec sa belle-sœur, par exemple, est toléré eu égard à la pratique ancienne du lévirat :

  • 43  Mendieta, op. cit., t. I, p. 83.

Tous ceux qui commettaient l’inceste au premier degré de consanguinité ou d’affinité, encourait la peine de mort, sauf s’il s’agissait de relations entre beaux-frères et belles-sœurs : avant, quand un des membres d’une fratrie décédait, il était de coutume qu’un de ses frères prît la ou les épouses du défunt, même s’il avait des enfants43.

  • 44  Roulet, op. cit., pp. 92-93.
  • 45 Ibid., p. 95.

37Les évêques invitent à faire preuve de mansuétude à l’égard des Indiens au motif qu’il s’agit de « nouveaux chrétiens qui ne sont pas au fait de tous les empêchements, ni ne le peuvent être en raison du faible nombre de ministres »44. Leur réalisme rejoint souvent celui des réguliers. En 1574, le franciscain Juan Focher, dans son Itinéraire d’un missionnaire en Amérique, préconise de ne pas invalider l’union d’un frère et d’une sœur dès lors qu’est rapportée, en la matière, la preuve d’un usage constant. De façon plus générale, il estime que prononcer la dissolution des unions durablement contractées entre proches parents reviendrait à causer un trop grand scandale dans la population45. Les procès de l’inquisition apostolique font pourtant état de relations incestueuses entre les autochtones mais ils sont peu représentatifs. En effet, ils ne concernent qu’une soixantaine d’Indiens soit 8 % du contentieux total traité par les inquisiteurs. À moins qu’il ne faille voir en ce faible pourcentage la volonté de ne pas poursuivre les comportements déviants tant ils sont nombreux… En effet, une politique de répression systématique pourrait se retourner contre les Espagnols et menacer l’œuvre évangélisatrice mais aussi la colonisation du monde indigène. Car la préservation des intérêts économiques du territoire est capitale : elle explique vraisemblablement le laxisme des colons envers les pratiques de leurs ouvriers indigènes : la bonne exploitation des domaines agricoles passe avant le respect de la morale chrétienne.

38Enfin, les Lois Nouvelles (1542) ayant confirmé l’applicabilité du principe de vassalité aux Indiens, il convenait que ces derniers pussent jouir, en matière matrimoniale, de la même liberté que celle reconnue aux Espagnols. En la circonstance, cela s’avéra favorable aux indigènes, ce qui put influer sur leur choix de s’unir devant Dieu. En effet, la condition d’un échange des consentements, expression de l’accord des volontés des futurs époux, condamna, au moins formellement, la pratique des mariages forcés. En 1555, le premier concile insiste pour que soit abandonnée la tradition préhispanique obligeant les macehuales à obtenir l’autorisation de leurs caciques pour se marier. En 1585, les évêques fixent à un mois d’emprisonnement la peine applicable au principal irrespectueux. La femme elle-même est protégée : elle ne doit plus pouvoir être achetée par celui qui la convoite. Mais la pression peut aussi être extérieure au monde indigène et les évêques ne manquent pas, dans le prolongement des dispositions tridentines relatives au mariage, d’interdire à tout Espagnol de contraindre ou d’empêcher le mariage d’un Indien, sous peine d’excommunication.

B. La confession

  • 46  Ricard, op. cit., p. 142.
  • 47  Motolinía, op. cit., p. 237.

39Le sacrement de pénitence, administré par les franciscains dès 1526, n’était pas une surprise pour les Indiens qui étaient astreints, au moins une fois dans leur vie, à une confession auriculaire. Tout individu qui prenait la résolution de s’approcher du dieu tout-puissant (Tecaztlipoca) pour lui confier ses secrets, s’enquerrait d’un prêtre spécialement choisi pour cet office. Après avoir juré de dire toute la vérité, il confessait ses « mauvaises odeurs » et les « pourritures » de son cœur. Une fois désignées les pénitences (prières, jeûnes et/ou mortifications), il devait veiller à ne pas recommencer car le pardon n’était pas concédé en cas de récidive. Le rite était d’importance : il permettait au pénitent d’être judiciairement excusé et d’échapper au châtiment temporel prévu (ex : la peine de mort en cas d’adultère). Toutefois, il se distinguait de la confession chrétienne en ce qu’il ne s’appliquait qu’aux péchés relatifs à des besoins et à des fonctions du corps (ivresse, écarts d’ordre sexuel), et qu’il ignorait les fautes spirituelles (péché d’intention)46. Malgré ces différences fondamentales, on peut considérer que l’existence de la confession aztèque ne fut pas complètement étrangère au succès rencontré par le sacrement chrétien. Si l’on en croit les chroniqueurs, les Indiens des régions centrales se mirent à se confesser non seulement pendant le carême mais à n’importe quel moment de l’année. Compte tenu du faible nombre de religieux à leur disposition, ils étaient capables de parcourir quinze à vingt lieues, comme des « fourmis », en quête d’un moine47. Pourtant, ils ne saisissaient pas toujours le sens du sacrement. Certains ne manifestaient aucun repentir ; d’autres ne s’exprimaient que par bribes ou, s’ils étaient plus loquaces, ne parvenaient pas à préciser le nombre et la nature de leurs fautes. Comment intrerpréter alors leur zèle à se confesser ? Selon Sahagún, l’explication est à chercher dans le souci d’échapper à la justice des hommes :

  • 48  Sahagún, op. cit., liv. I, chap. XII, p. 26.

La confession étant finie, [l’Indien] demande un billet signé du confesseur, dans l’intention de le montrer à ceux qui administrent, gouverneur ou alcalde, afin qu’on sache qu’il s’est confessé, qu’il a fait pénitence et qu’il n’a plus rien à démêler avec la justice. Presque aucun de nos moines, pas même parmi les plus rigides, ne comprend la portée de cette tromperie, à cause de l’ignorance où l’on est de l’ancienne coutume (…) ils pensent seulement que le billet n’est demandé que comme une simple preuve que l’on s’est confessé cette année48.

40Le succès de la confession n’est cependant pas uniforme : il est des régions éloignées, difficiles d’accès, rarement visitées par les religieux, dans lesquelles le sacrement n’est qu’exceptionnellement administré. Le deuxième archevêque de Mexico, Alonso de Montúfar, le déplore. En 1555, le premier concile précise que tout indigène doit se confesser au moins une fois l’an. Les clercs doivent porter toute leur attention au sacrement, s’assurer qu’il est perçu comme un moyen de salut spirituel et n’obéit pas à de seules considérations temporelles. Se pose alors le problème de la langue. Au départ, des interprètes avaient été sollicités pour aider les confesseurs mais cela avait heurté les indigènes habitués à la confidentialité des débats jadis garantie par leur coutume. Comme pour le catéchisme, la confession par l’image avait également été utilisée : des tableaux couverts de pictogrammes figurant les péchés avaient été présentés aux indigènes mais leur compréhension, incertaine, pouvait conduire à des malentendus. Désormais, de tels procédés paraissent inadaptés : pour une meilleure efficacité du sacrement, le concile impose à tout confesseur un examen portant non seulement sur ses propres connaissances en théologie mais aussi sur son aptitude à maîtriser les langues autochtones. L’épreuve n’a rien de formel : un contrôle non satisfaisant est sanctionné par la perte des bénéfices. Le concile oblige aussi les caciques à se confesser dans leurs villages car :

  • 49  Llaguno, op. cit., p. 171.

Les nobles et les principales, particulièrement, vont se confesser auprès d’autres prêtres, hors de leurs villages, parce qu’ils ont peur que leur prêtre refuse de les confesser s’ils n’abandonnent pas, préalablement, leurs mauvaises coutumes ; ainsi en délaissant leur médecin, ils vont auprès d’un autre qui ne connaît pas leurs maladies49.

  • 50  Roulet, op. cit., p. 68.

41Cela pose un autre problème : celui de la réception de la confession. Les indigènes n’ont pas à craindre la réaction des clercs. Celle-ci doit être mesurée et doit exprimer la compassion, non le reproche ou la critique. Il faut éviter qu’elle soit considérée comme un moyen de contrôle de manière à ce que les naturels ne puissent plus dire : « ce sont les frères qui veulent savoir les péchés commis et non Dieu »50. Par ailleurs, les pénitents ne sont que des néophytes, pas des chrétiens aguerris. Il convient d’accepter leurs erreurs, leurs omissions, avec clémence et compréhension. La même indulgence est requise au regard de la pénitence imposée. Cet indispensable effort d’adaptation à la mentalité des Indiens et à leur condition de nouveaux chrétiens est mis en exergue par le troisième concile de 1585 :

  • 51  Llaguno, op. cit., p. 272.

Les Indiens étant par nature tellement timides et peureux, il est nécessaire que les curés les traitent avec douceur et amabilité, pas avec menaces et trop de rudesse ; en effet, cela ne les encourage pas à confesser leurs péchés et ils restent sans remèdes. C’est pourquoi, nous ordonnons qu’en aucune façon, ils ne soient punis directement [par les clercs] mais par les fonctionnaires de justice et que la sanction ne soit pas trop sévère et n’excède pas celle préconisée par les clercs51.

C. La communion

42Dès les débuts de l’évangélisation, l’administration du sacrement de l’Eucharistie divisa les clercs. Pour les uns, il était hors de question de faire communier les Indiens car ils étaient convertis depuis trop peu de temps pour saisir le principe de la transsubstantiation et faire la différence entre hostie consacrée et hostie non consacrée. Pour les autres, au contraire, les refuser à la table sainte revenait à commettre un péché mortel. Pour mettre un terme au débat, la junte apostolique de 1524 adopta une position transitoire : sans remettre en cause la capacité des Indiens à recevoir le sacrement, elle laissa à chaque missionnaire le soin d’apprécier, au cas par cas, si les néophytes disposaient d’une instruction suffisante pour ce faire. Par la suite, comme un prolongement à la bulle Sublimis deus qui reconnaissait la rationalité des Indiens, la junte ecclésiastique de 1539 consacra officiellement leur capacité à recevoir la communion :

  • 52  Llaguno, op. cit., p. 20.

Nous sommes informés qu’à propos du Très Saint Sacrement de la Communion, il y a eu et il y a encore des doutes, entre les ministres du culte, pour savoir s’il faut ou non l’accorder aux naturels chrétiens (...) En ce qui concerne l’Indien nouvellement converti, si le curé ou le confesseur, à qui il appartient de juger, estime que celui-ci est apte à faire la différence entre l’hostie et le pain alimentaire, ce qui constitue une preuve de contrition et de dévotion, et s’il est établi qu’il a été baptisé comme les autres pénitents qui ont reçu le saint sacrement du Baptême, porte du ciel et de tous les autres sacrements, alors il est digne de recevoir l’Eucharistie ; car ce sacrement s’impose à eux comme aux autres chrétiens, conformément au canon Omnis utriusque ecetera et il ne constitue pas une récompense mais un remède, dont les âmes faibles et malades ont autant besoin que celles saines et parfaites52.

  • 53  H. Cortés, La conquête du Mexique, Paris, La Découverte, 1996, p. 131.

43En dépit de ces recommandations, il ne fut pourtant distribué que peu de communions. À telle enseigne qu’en 1573 encore, l’augustin Pedro de Agurto publiait un traité sur la nécessité d’administrer ce sacrement aux Indiens. Peut-être faut-il voir en la réticence des religieux moins un déni de la capacité des naturels à comprendre le mystère de l’Eucharistie qu’une crainte de les voir s’interroger sur l’analogie du sacrement avec le rite précortésien des sacrifices ? En effet, l’Eucharistie, en tant que don total de soi, né de l’amour du père et de l’obéissance du fils poussée jusqu’à sa crucifixion, renvoie nécessairement à la dimension éminemment sacrificielle de la religion chrétienne. Mais elle évoque aussi une autre pratique aztèque : celle de la consommation rituelle du corps des dieux. En effet, les chroniqueurs racontent que les Indiens, à l’occasion de leurs cérémonies religieuses, avaient pour habitude de manger des figurines anthropomorphes, à base de farine de plantes, élaborées en l’honneur et à l’image de leurs divinités. Bien avant eux, Cortés a déjà relevé le fait : dès octobre 1520, il rapporte à Charles-Quint que les idoles sont faites de tous les grains et légumes que les Indiens consomment, qu’ils mêlent et qu’ils pétrissent « avec le sang de cœurs humains »53. Du corps du Christ à la chair des dieux, le risque de confusion a pu inciter les religieux à agir avec plus de circonspection qu’ils ne l’avaient fait, par exemple, en matière baptismale. Signe que l’accommodation à la mentalité indigène ne s’accompagnait pas seulement d’indulgence mais aussi de prudence…

Conclusion

  • 54  R. Bastide, Le Prochain et le lointain, Paris, Cujas, 1970, p. 33.

44Si les premiers missionnaires ont échoué dans leur rêve d’édifier en Nouvelle-Espagne, et plus généralement au Nouveau Monde, une Église idéale, purifiée des vices de la chrétienté européenne, une Église à la fois primitive et indienne ; s’ils ont renoncé, face aux difficultés rencontrées, au projet d’ordination des indigènes, condamnant ainsi les agneaux à ne jamais devenir pasteurs, ils ont su néanmoins éviter le piège de l’identification du christianisme à une seule culture et sont parvenus, dans un esprit de dialogue et de compréhension, à concilier l’Évangile avec la culture amérindienne de manière à ce que l’Église locale trouve son propre visage, celui d’une Église tournée vers un monde multiculturel, auquel correspond encore le Mexique d’aujourd’hui. En ce sens, le succès des religieux, aussi étonnant que celui, militaire, de Cortés, apporte la preuve que la multiplication des rapports entre les peuples et les civilisations, à condition d’intervenir dans le respect de l’Autre, n’est pas indissociable de la multiplication des barrières et des différends54.

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Notes

1  É. Roulet, L’évangélisation des Indiens du Mexique. Impact et réalité de la conquête spirituelle (XVIe siècle), Rennes, 2008, PUR, p. 34.

2  T. de Motolinía, Historia de los Indios de la Nueva España, Madrid, Castalia, 1991, p. 129.

3  Cl. Prud’homme, « Mission, colonisation, décolonisation : vue d’ensemble » in D. Borne et B. Falaize (dir.), Religions et colonisation, Ivry, éd. de l’Atelier, 2009, p. 65.

4  P. Ragon, Les saints et les images du Mexique (XVIe - XVIIIe siècles), Paris, L’Harmattan, 2003, p. 46.

5  J. García Icazbalceta, Don fray Juan de Zumárraga, primer obispo y arzobispo de México, México, Andrade y Morales, 1881, app. , doc. n° 9, p. 60.

6  Recopilación de leyes de los Reynos de las Indias, Madrid, Gráficas Ultra, 1943, livre I, titre I, lois VI et VII.

7  J. García Icazbalceta, Colección de documentos para la historia de México, t. II, México, Andrade, 1866, p. 550.

8  García Icazbalceta, Don fray, op. cit., app. , doc. n° 21, p. 102.

9  Ch. Duverger, La conversion des Indiens de Nouvelle-Espagne, Paris, Seuil, 1987, p. 202.

10  Ragon, Les saints…, op. cit., p. 45.

11  Ibid.

12  S. Gruzinski, La colonisation de l’imaginaire, Paris, Gallimard, 1988, p. 263.

13  Duverger, op. cit., p. 89 et suiv.

14  Dans les premières années de la conquête, une chapelle fut édifiée en l’honneur de la Vierge, près de Mexico, à l’emplacement d’un temple jadis dédié à Tonantzin, la mère des dieux. Après que furent révélées les premières apparitions de la Vierge à un Indien nommé Juan Diego (1531), la dévotion connut un tel engouement que l’évêque Montúfar édifia une basilique (1555) pour celle qui allait devenir Notre-Dame de Guadalupe, patronne du Mexique.

15  J. Lafaye, Quetzalcóatl et Guadalupe. La formation de la conscience nationale au Mexique, Paris, Gallimard, 1974, pp. 281 et 288.

16  Duverger, op. cit., p. 250.

17  Roulet, op. cit., p. 39.

18  Motolinía, op. cit., p. 221.

19  S. Cline, « The spiritual conquest reexamined: baptism and christian marriage in early sixteenth century Mexico », dans Hispanic american historical review, 1993, vol. LXXIII, n° 3, p. 453.

20  Motolinía, op. cit., p. 296.

21  Paul, Épitre aux Romains, 10, 14 : « Comment donc invoqueront-ils celui en qui ils n’ont pas cru ? Et comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler, s’il n'y a personne qui prêche ? »

22  B. de Sahagún, Histoire générale des choses de la Nouvelle-Espagne, notes de D. Jourdanet, Paris, Masson, 1880, livre 6, chap. XXXVII, pp. 454-457.

23  Motolinía, op. cit., p. 231.

24 Ibid.

25  G. de Mendieta, Historia Eclesiástica Indiana, Madrid, Atlas, 1973, t. I, p. 163.

26  « Ceux qui désirent sincèrement amener à la foi parfaite ceux qui sont étrangers à la foi chrétienne doivent recourir à la douceur et non à la dureté ; car on a la preuve, tous ceux qui agissent autrement et qui ont voulu, sous ce prétexte, les éloigner de la pratique de leurs rites habituels, recherchent par là leur propre intérêt plutôt que celui de Dieu » (Corpus Juris Canonici, Graz, éd. Richter-Friedberg, 1955, t. I : Decretum Magistri Gratiani, col. 160-161).

27  Mendieta, op. cit., t. I, p. 151.

28 Ibid., p. 187.

29 Ibid., p. 66.

30  Duverger, op. cit., p. 202.

31  Sahagún, op. cit., liv. II, chap. V, p. 62.

32  R. Ricard, La conquête spirituelle du Mexique. Essai sur l’apostolat et les méthodes missionnaires des ordres mendiants en Nouvelle-Espagne de 1523-24 à 1572, Paris, Institut d’Ethnologie, 1933, p. 126.

33  Ch. Gibson, Los Aztecas bajo el dominio español, México, Siglo XXI, 1967, p. 106.

34  Roulet, op. cit., p. 80.

35  García Icazbalceta, Don fray, op. cit., app. , doc. n° XXVI, p. 122.

36  J. A. González Galván, El estado y las etnias nacionales en México. La relación entre el derecho estatal y el derecho consuetudinario, México, UNAM, 1995, p. 93.

37  Motolinía, op. cit., p. 248.

38 Recopilación, op. cit., liv. VI, tit. I, loi IV.

39  B. Grunberg, « L’inquisition apostolique mexicaine et le problème indien : une mission impossible (1521-1570/71) » in Enjeux et difficultés d’un modèle européen dans les sociétés coloniales, B. Grunberg (dir), Cahiers d’histoire de l’Amérique coloniale, n° 2, Paris, L’Harmattan, 2007, p.39 ; Roulet, op. cit., p. 206.

40  http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/fip.htm. On retrouve cette approche empirique dans la bulle Romanis Pontificis aequa de 1571, laquelle prescrit de marier les polygames avec celle de leurs épouses qui acceptent le baptême en même temps qu’eux (P. Ragon, Les Indiens de la découverte : évangélisation, mariage et sexualité, XVIe siècle, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 133).

41  J. A. Llaguno, La personalidad jurídica del Indio y el III concilio provincial mexicano (1585), México, Porrua, 1963, p. 281.

42  Ibid., p. 271.

43  Mendieta, op. cit., t. I, p. 83.

44  Roulet, op. cit., pp. 92-93.

45 Ibid., p. 95.

46  Ricard, op. cit., p. 142.

47  Motolinía, op. cit., p. 237.

48  Sahagún, op. cit., liv. I, chap. XII, p. 26.

49  Llaguno, op. cit., p. 171.

50  Roulet, op. cit., p. 68.

51  Llaguno, op. cit., p. 272.

52  Llaguno, op. cit., p. 20.

53  H. Cortés, La conquête du Mexique, Paris, La Découverte, 1996, p. 131.

54  R. Bastide, Le Prochain et le lointain, Paris, Cujas, 1970, p. 33.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Hervé Pujol, « La christianisation de la Nouvelle-Espagne ou le rêve d’une église indienne : la praxis de l’évangélisation »Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [En ligne], 10 | 2012, mis en ligne le 25 janvier 2012, consulté le 17 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cerri/972 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cerri.972

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Auteur

Hervé Pujol

Ingénieur de recherche, CNRS, UMR 5815 « Dynamiques du droit » (Université Montpellier I. Champs de recherche : Droit colonial, droit du travail, droit de l’environnement.

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