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Varia

La lisibilité des opérations spatiales avec les paquets rituels des Pawnee (XIXe siècle, États-Unis)

Legibility and Spatial Performance with Pawnee Ritual Bundles (19th century, North America)
Benjamin Balloy

Résumés

Quelles opérations spatiales sont rendues possibles par l’usage, en contexte rituel, d’une classe particulière d’artéfacts appelés paquets rituels ? Nous traiterons cette question à partir du cas d’une société amérindienne de l’Amérique du Nord : les Skiri-Pawnee. Un riche corpus de documents ethnographiques collectés au tournant du XXe siècle permet de discuter certains aspects de la vie rituelle pawnee dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Si la centralité des paquets dans l’organisation cérémonielle et politique des Pawnee est largement connue et commentée, peu d’attention en revanche a été portée, dans le détail de la dynamique rituelle, aux effets spatiaux produits par leur manipulation. En particulier, nous soulignerons la force narrative logée au cœur des opérations spatiales réalisées avec les paquets rituels majeurs, dits cuharipi.ru’.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Les propositions qui suivent sont issues d’un travail financé par une bourse de recherche post-doct (...)

1Quelles opérations spatiales sont-elles rendues possibles par l’usage, en contexte rituel, d’une classe particulière d’artéfacts appelés « paquets rituels » ? Nous traiterons cette question à partir du cas d’une société amérindienne de l’Amérique du Nord : les Pawnee, en nous appuyant avant tout sur le riche corpus de documents ethnographiques collectés au tournant du XXe siècle. Celui-ci permet de discuter certains aspects de la vie rituelle pawnee dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Par opération spatiale, on entend l’ensemble des pratiques – gestuelles ou discursives – qui produisent et configurent l’espace particulier du rituel. Si la centralité des paquets dans l’organisation cérémonielle et politique des Pawnee est largement connue et commentée, de même que l’importance prêtée aux orients, peu d’attention en revanche a été portée, dans le détail de la dynamique rituelle, aux effets spatiaux produits par leur manipulation. En particulier, nous soulignerons la force narrative logée au cœur des opérations spatiales réalisées avec les paquets rituels majeurs des Skiri-Pawnee, appelés cuharipiru, en considérant les rites d’ouverture et de rénovation des paquets par lesquels débute le cycle cérémoniel annuel au début du printemps1.

  • 2 L’usage du terme « paquet rituel » est emprunté à E. Désveaux, Quadratura americana : essai d’anthr (...)

2D’un point de vue strictement matériel, un paquet cérémoniel (dans la littérature de langue anglaise : sacred/ritual/medicine bundle ou, plus rarement, medicine shrine) est un assemblage composite – d’où le nom anglais – d’objets qui se présente, en dehors des moments d’usage, sous la forme d’un paquet enveloppé d’une peau ou d’un tissu, compact et ficelé. La première étude spécialisée est celle de Clark Wissler, consacrée aux Blackfoot (Algonquiens des Hautes Plaines). D’autres travaux conduits à la même époque ont permis de saisir la grande extension de ce complexe d’objets en Amérique du Nord. Ressortent particulièrement les régions des Plaines et le Sud-Ouest pueblo, à l’ouest du Mississippi ainsi qu’à l’est, le vaste espace courant depuis le Subarctique jusqu’au golfe du Mexique. Ce type d’objet rituel est en fait bien documenté dans toute l’Amérique2.

  • 3 D. R. Parks, « Editor’s Introduction », in J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 1‑20, ici p. (...)
  • 4 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 39 ; 179.
  • 5 G. Weltfish, The Lost Universe: with a Closing Chapter on The Universe Regained, New-York, Basic Bo (...)

3Les Skiri-Pawnee illustrent, en outre, une tendance perceptible dans beaucoup de sociétés en Amérique du Nord : l’ajustement entre organisation politico-territoriale et organisation rituelle – ajustement qui n’est toutefois jamais complet. Chaque village constitue une unité sociale largement autonome qui fonctionne comme un groupe d’endogamie. À chaque village correspond au moins un paquet rituel majeur, de la classe appelée cuharipi.ru’, auquel le groupe s’identifie étroitement. L’intégration ou coordination politique et rituelle à l’échelle tribale passe par ce qu’il est convenu d’appeler le « système des paquets rituels » (bundle scheme). De la sorte, chaque village est associé à un récit, décrivant comment le fondateur suivant les instructions reçues d’un être céleste – une Étoile – forma le paquet rituel. Ce dernier est considéré comme ce qui permet à la communauté d’activer et d’orienter, à son profit, le pouvoir spécifique de cet être tutélaire3. L’identité d’un village à son paquet rituel est si complète qu’en un sens la communauté villageoise n’est que l’extension du paquet et ses membres une partie du contenu. Enfin, chaque récit-paquet peut être envisagé comme le fragment, d’un méta-récit de création et de configuration de l’ordre céleste. Dans ce récit englobant, l’engendrement des êtres célestes par Tira.wa.hat (« cette étendue »), puissance céleste immanente des Pawnee, va de pair avec l’assignation à chaque être Étoile d’une fonction et d’une place, l’inscription dans un ordre4. De la sorte, les villages forment un ordre politico-rituel dont la disposition spatiale reproduit, idéalement et rituellement au moyen des paquets, celle assignée à l’ordre céleste5 (Figure 1). Cet ajustement est réputé garantir une communication ou mise en relation entre les deux espaces ou « mondes ».


[Figure 1 : La configuration des paquets rituels (« Bundle scheme ») de la fédération des Skiri-Pawnee. L’arrangement est celui dont Murie a obtenu la description pour la cérémonie dite « Quatre Mâts ». D’après J. R. Murie, Ceremonies I, p. 73.]

4Chez les Pawnee, cet ajustement ou mise en relation est notamment rendu possible par des opérations spatiales réalisées au moyen des paquets rituels et de leur contenu, selon qu’ils sont ouverts et étalés ou fermés et compactés. Ces manipulations localisées participent à la configuration d’un espace ordonné – en général dans une loge ou à proximité immédiate de celle-ci – et rendent d’autant mieux sensible la façon dont cet espace, à la façon d’un modèle réduit, fonctionne comme une figure du cosmos. Les paquets rituels, à cet égard, doivent être envisagés comme des instruments de médiation : par eux, l’espace mis en forme devient un espace de mise en continuité ; également, leur manipulation s’accompagne d’une parole formalisée. C’est la conjonction de ces opérations qui garantit leur efficacité rituelle.

  • 6 C. Severi, Le principe de la chimère : une anthropologie de la mémoire, Paris, Éditions Rue d’Ulm, (...)
  • 7 C. Fausto & C. Severi (dir.), L’image rituelle, Paris, L’Herne, 2014. Id., Paroles en images : écri (...)

5Ce travail se donne pour horizon de dialogue l’anthropologie de la mémoire de Carlo Severi6. Notre compréhension de l’usage et du rôle des pictographies et d’autres artéfacts cognitifs a été considérablement renouvelée par son approche, qui a contribué à développer un champ de recherche fécond et varié. Severi a notamment souligné combien ces formes graphiques, tout en relevant du principe de l’illustration et de la notation d’un texte, obéissent toutefois surtout à celui de sa mémorisation et de sa compréhension. Tout en étant des « images de discours », ces écritures ne visent pas l’illusion mimétique – la réduction du texte à des sons et la traduction des sons en signes – mais sont les outils de la transmission stable de savoirs liés à des corpus textuels oraux complexes. Parce que ces textes obéissent souvent à une organisation ou structure interne – notamment paralléliste – qui en favorise la mémorisation, de nombreuses écritures prennent la forme d’« arts de la mémoire » : elles traduisent graphiquement la succession d’unités saillantes du discours et non le discours lui-même, saisi au niveau de la langue7.

  • 8 Hypothèse qui prolonge celle de P. Déléage, « Les pictographies narratives amérindiennes », in C. J (...)
  • 9 B. Balloy, « Sticks as Scripts: Literacy, Celestial Order and Ritual Artifacts in Pawnee Ceremonies (...)

6Au départ de notre propre questionnement se trouve l’idée que des formes figuratives très diverses, nullement limitées aux pictographies proprement dites, pourraient obéir en Amérique du Nord au principe des mnémotechniques amérindiennes mis en évidence par Severi8. En ce sens, il nous semble que la notion graphique de « texte », image d’un discours particulier, mérite d’être étendue à des configurations spatiales éphémères et réalisées au moyen de « signes pictographiques » aussi inattendus que des paquets rituels. En l’occurrence, comme on va le montrer, la façon dont les Pawnee confient aux paquets rituels le soin de coder une partie de la pragmatique du rituel renvoie aux « arts de la mémoire9 ». Nous avançons l’idée que des manipulations coordonnées produisant des traces qui marquent l’espace rituel relèvent d’une forme d’« énonciation figurale ». L’étude de la dimension spatiale de l’efficacité rituelle des paquets pawnee repose donc sur la reconnaissance d’au moins deux formes narratives distinctes et complémentaires : une liturgie et un ensemble d’opérations associées au paquet rituel. C’est la relation complexe entre l’espace narratif du chant et ce que nous proposons de reconnaître comme la dimension narrative de configurations spatiales propres à l’usage des paquets, qui nous intéressera ici.

1. Le paquet rituel pawnee

  • 10 W. Wildschut, Crow Indian Medicine Bundles. J. R. Hanson, « Structure and Complexity of Medicine Bu (...)

7En Amérique du Nord, l’intérêt des anthropologues pour les paquets rituels est ancien. Jusqu’ici toutefois, il nous semble qu’il s’est trop exclusivement focalisé sur l’aire des Plaines, conçue comme paradigmatique de ce « complexe d’objets », au détriment d’une approche comparative. Ajoutons que l’anthropologie nord-américaine de tradition culturaliste s’est globalement satisfaite d’un traitement typologique – cherchant à distinguer les paquets tribaux de ceux de lignage ou individuels, les paquets médecine des paquets guerriers, etc. – sans parvenir à intégrer une analyse de ces objets dans un traitement convaincant qui ferait droit à leur place centrale dans la vie rituelle de très nombreuses sociétés nord-amérindiennes jusqu’au XXe siècle. Depuis les années 2000, on notera que la relance de l’étude de ces artefacts est surtout le fait d’archéologues nord-américains10.

  • 11 D. R. Parks, « Biography of James R. Murie », in J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 21‑28.
  • 12 G. A. Dorsey, Traditions of the Skidi Pawnee, Boston-New-York, Houghton, Mifflin and Company, 1904. (...)
  • 13 C. Wissler, Ceremonial Bundles, p. 91, 107.
  • 14 D. R. Parks, « Editor’s Introduction », p. 13.

8Pour les Pawnee, les travaux attribuables à l’anthropologue James Murie, lui-même d’ascendance chawi (Pawnee)11, constituent notre principale source d’information sur ces objets rituels12. Comme Wissler l’avait d’emblée souligné à propos des Blackfoot, ce sont des artefacts complexes, irréductibles à une approche purement matérielle13. Les Pawnee distinguent parmi les caatki (medicine bag) en particulier les cuharipi.ru' (rains wrapped up), aussi appelés leading bundle (rarahuhkitawi'u'), des « simples » karu.su' (sack) – ces derniers étant associés à des formes cérémonielles dont la portée est moins explicitement politique et fédérative. Chaque paquet rituel, aussi simple puisse-t-il paraître, est toutefois toujours conçu selon un modèle analogue : il est le signe de la rencontre d’un visionnaire avec un être surnaturel et, à cette occasion, de la transmission d’un pouvoir. Le paquet rituel – au même titre que les savoirs associés – concrétise cette transmission, dans la mesure où il est confectionné selon les instructions reçues durant l’expérience visionnaire et qu’il rassemble les objets qui attestent et rappellent cette rencontre, ainsi que des objets qui sont plus spécifiquement destinés à l’accomplissement du rite14.

  • 15 La relation qui lie un individu aux différentes dimensions d’un paquet cérémoniel, dans la perspect (...)

9Chez les Pawnee, le contenu – enveloppé dans la peau tannée d’un animal, bison ou veau – semble obéir à l’inventaire minimal suivant : une pipe, du tabac, souvent lui-même enveloppé dans une poche en péricarde de bison, une tresse de foin d’odeur ou sweetgrass (Hierochloe odorata), des pigments, un ou plusieurs épis de maïs, des peaux séchées d’oiseaux, de mammifères, éventuellement une ou plusieurs mèches de scalps humains, et divers objets manufacturés. S’ajoutent fréquemment à cette liste d’autres objets (hochets rituels, bâtons, sacs…), quelquefois conservés à l’extérieur du paquet proprement dit, bien qu’attachés ou ficelés à celui-ci ­– par abus de langage, nous les incluons dans la notion de « contenu ». Chaque paquet, enfin, entretient une relation privilégiée avec un individu qui en est le gardien ou propriétaire15, qu’il soit lui-même le destinataire originel de la vision ou qu’il ait acquis ces droits auprès du précédent gardien, selon une transmission formellement réglée et toujours conçue comme exclusive. Dans le cas des paquets majeurs skiri-pawnee, il existe en outre une distinction importante faite entre le détenteur du paquet – son gardien – et le détenteur de la cérémonie, ou plus précisément, le détenteur du droit d’user du savoir rituel associé à chaque paquet. Ce savoir consiste en des protocoles rituels coordonnés à une liturgie très structurée de chants sans lesquels le paquet ne saurait remplir sa fonction.

2. Instrument du rituel

  • 16 D. R. Parks & R. J. DeMallie, « Plains Indian Native Literatures », Boundary 2 19-3 (1992), p. 105‑ (...)
  • 17 R. White, « The Cultural Landscape of the Pawnees », Great Plains Quarterly 2-1 (1982), p. 31‑40. D (...)
  • 18 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 53.

10Plusieurs des paquets rituels majeurs des Pawnee intègrent les collections des grands musées états-uniens entre la fin du XIXe et les premières décennies du XXe siècle, lors de campagnes menées à l’instigation des départements d’anthropologie de ces institutions16. Cette activité est alors perçue comme un gage de la scientificité de la discipline, passant par la collecte de « faits documentaires » positifs. Elle s’accommode parfaitement avec l’idée prégnante qu’il convient de sauvegarder les traces de cultures vouées à disparaître rapidement, par assimilation à la culture euro-américaine dominante. Soumis à la pression combinée des colons et des tribus amérindiennes ennemies – notamment les Sioux en pleine expansion – depuis le début du XIXe siècle, les Pawnee sont formellement mis en réserve sur une portion de leurs territoires historiques du Nebraska en 1857. Ils continuent toutefois à pratiquer l’alternance saisonnière entre leurs villages et des camps de chasse mobiles, selon une dynamique caractéristique de leur mode de vie depuis au moins le XVIIIe siècle, jusqu’à leur installation subie en 1876, plus au sud, dans l’actuel état d’Oklahoma17. Cette sédentarisation désorganise l’ancienne périodicité sociale, rendue caduque. La tenue du cycle cérémoniel complet, qui scandait le temps social et fournissait un cadre essentiel, cesse aux alentours de 1879. Une partie des rites, notamment les purifications de l’ensemble des paquets rituels au printemps et à l’automne, continue toutefois d’être sporadiquement pratiquée entre 1900 et 1920, période durant laquelle ont lieu les principales enquêtes de James Murie en collaboration avec George Dorsey, Alice Fletcher ou Clark Wissler18.

  • 19 Id., Ceremonies of the Pawnee II, p. 461 ; id., Ceremonies of the Pawnee I, p. 34-35 ; p. 104-107, (...)

11Au moment où il mène ses enquêtes, la cession par vente de ces objets rituels est donc largement favorisée par les pressions qui s’exercent, de diverses façons, sur leurs gardiens pour l’abandon des pratiques rituelles traditionnelles. Faute de successeurs à qui transmettre l’objet et le savoir associé, dans un contexte d’effondrement démographique et de désintérêt des nouvelles générations, plusieurs se résignent à un tel geste. La transmission aux collections de musées est aussi vue, dans certains cas, comme une façon de confier ces objets précieux et de leur assurer un traitement digne – pratique qui doit être mise en regard d’autres formes de disposition, à commencer par l’ensevelissement avec le corps du gardien. Pour les Pawnee, le savoir liturgique – à la fois contenu et organisation de ce contenu (chants, gloses, gestes, offrandes, etc.) – constitue une composante essentielle et objective de ces paquets. La perte de ce savoir est autrement plus grave que celle, matérielle, des items et de leur enveloppe – composante périssable et de fait régulièrement renouvelée voire dupliquée dans certains cas19.

  • 20 La question du sentiment de préciosité qui s’y attache ne correspond toutefois pas à une notion com (...)
  • 21 G. B. Grinnell, « Pawnee Mythology », The Journal of American Folklore 6-21 (1893), p. 113‑130, ici (...)
  • 22 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 37.
  • 23 Pour une discussion de ces registres sensoriels voir E. Désveaux, Spectres de l’anthropologie : sui (...)

12Les paquets rituels, en particulier ceux qualifiés de majeurs, étaient et restent des objets extrêmement précieux pour leurs propriétaires et gardiens comme pour le groupe qui s’identifie avec eux20. Le paquet rituel est traité avec égards et déférence parce qu’il est un membre du groupe, une personne, particulièrement éminente et puissante. Des témoignages du XIXe siècle laissent entendre que chaque maison où réside un homme remarquable est associée à au moins un paquet, suspendu à une poutre, à l’ouest face à l’entrée et au-dessus de l’autel, c’est-à-dire à la place d’honneur21. Les paquets rituels majeurs portent un nom. Chacun est traité comme un corps, polarisé par une « tête » et genré. En leur présence, on s’abstient de certains gestes ou paroles, sous peine d’amendes22. Cette déférence renvoie plus largement au système d’attitudes appropriées dans les relations avec les entités puissantes et associées aux défunts. La puissance prêtée au paquet découle avant tout de la force de l’expérience visionnaire originelle dont chaque paquet est le produit, au cours de laquelle un savoir est transmis. Le registre sensoriel de cette expérience de transfert de savoir et de pouvoir implique d’ailleurs moins la vision que l’écoute23, et suppose essentiellement la mémorisation de deux sortes de discours : des instructions, d’une part, décrivant un répertoire et des séquences de gestes à reproduire – incluant la fabrication du paquet et son entretien ; des chants, d’autre part, c’est-à-dire un répertoire et des séquences de paroles, de rythmes et de mélodies.

  • 24 C. Severi, Le principe de la chimère, p. 246.

13La transmission originelle du paquet rituel implique, par conséquent, deux registres de « mise en forme », l’un oral, l’autre matériel. Comme le souligne Severi, l’énoncé rituel procède en effet lui-même d’un travail de mise en forme portant sur la langue elle-même, traitée comme une matière sonore et verbale24. Sur le plan formel, le paquet comme artéfact vaut surtout par le contenu qu’il rassemble. Les items qui le composent sont liés ensemble de façon compacte, ou se présentent au contraire dénoués et étalés, voire, en plusieurs occasions, disséminés. Parfois, le paquet est lui-même transporté. Ces différentes mobilisations doivent être comprises comme autant de manipulations signifiantes dans le contexte de l’action rituelle. Le paquet tient de l’instrument. Son efficacité ne se résume pas au fait d’être présenté à l’occasion du rituel mais suppose une manipulation, des opérations particulières. L’énonciation des chants n’a d’effet qu’à la condition d’être ostensiblement accompagnée par un jeu gestuel impliquant le paquet.

14L’efficacité rituelle nous paraît reposer, par conséquent, sur deux activités conjointes : l’une, visuelle, consistant à déployer, selon un schéma spatial précis, le contenu d’un paquet, et l’autre musicale, consistant à faire résonner les chants en déroulant une séquence liturgique définie.

15En particulier, dans le cas des paquets majeurs, cette liturgie se présente comme un récit, condensé voire elliptique. Or, la fonction narrative, nous semble-t-il, n’est pas tout entière assumée par les paroles du chant. Elle est également le fait des paquets rituels qui peuvent être mobilisés dans des opérations spatiales pour formuler, parallèlement aux chants, des énoncés rituels, des fragments de discours.

3. La voix d’orage des paquets rituels cuha.ripiru’

16Les paquets dits cuha.ripiru’ sont employés dans des formes rituelles que caractérisent au moins ces deux traits : l’action rituelle est entièrement conduite par un prêtre (kurahus’, « vieil homme »), distinct du gardien du paquet rituel (ri.sa.ru’, « chef [de village] ») ; les chants qui composent leur liturgie décrivent l’action d’êtres célestes à l’origine de la création du monde, de l’instauration d’un ordre dans le cosmos et de son animation.

  • 25 Quant à l’identification avec une étoile en particulier : « the name Evening Star is used because h (...)
  • 26 On cède à la tentation, faute de mieux, de traduire doctors (kura.’u’) par chaman. L’activité des c (...)

17Détaillons ce dernier point. Les paquets rituels cuha.ripiru’ interviennent en effet, individuellement ou collectivement, dans un cycle cérémoniel annuel, entre le printemps et l’automne. Ce cycle est notamment marqué par : 1) l’arrivée des Tonnerres, au printemps, commencement du cycle et moment propice au renouvellement purificatoire de tous les paquets rituels ; le cycle débute par la cérémonie d’ouverture du paquet consacré à Étoile du Soir (cupirittaka, « Femme Étoile Blanche25 ») ; 2) une série de cérémonies centrées sur les étapes de croissance du maïs ; 3) l’organisation de l’expédition estivale de chasse au bison ; 4) une série de cérémonies consacrées à la récolte du maïs, au renouvellement des épis conservés dans les paquets rituels, à la clôture de la saison rituelle et à la préparation des expéditions hivernales, martiales et cynégétiques. Ajoutons qu’en parallèle de ce cycle, qui concerne l’ensemble de la fédération des villages des Skiri-Pawnee, d’autres manifestations sont organisées, quoique de façon moins strictement planifiée. Ces dernières, indépendantes les unes des autres, pouvaient concerner les sociétés masculines guerrières, les sociétés de chamans26 (kura.’u’), la célébration d’expéditions martiales victorieuses ou encore des cérémonies propres à l’un ou l’autre village.

  • 27 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee II, p. 467-470.

18Concentrons-nous sur la forme des chants, l’un des pôles, on l’a dit, de l’action rituelle exécutée au moyen d’un paquet rituel. À chaque sorte de chant, disent les Pawnee, doit correspondre une « voix ». Ils désignent ainsi, au plan stylistique, la relation supposée typique et adéquate entre des formes rythmiques ou mélodiques et une classe d’action rituelle. Ainsi, pour la classe des chants de chamans – lesquels sont organisés en sociétés suivant l’espèce animale avec laquelle ses membres entretiennent un rapport privilégié – la « voix » des chants associés aux bisons doit être « régulière, continue, sans changement bien que rapide », car les hochets et le tambour « imite[nt] le roulement des sabots et le cliquetis des ergots du troupeau au galop »27.

  • 28 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 48 ; id., Ceremonies of the Pawnee II, p. 467.

19Dans le cas des chants de création, associés aux cuha.ripiru’, le rapport à l’orage ne tient pas seulement du nom (rains wrapped up) ou du contexte – la période des orages, dans les Plaines centrales, s’étendant du printemps à l’automne. Elle renvoie à une identification plus substantielle. La liturgie partagée par tous ces paquets évoque, en effet, le récit de la création du monde, conçu comme un orage primordial. Les chants par différents moyens combinés figurent et répètent la dynamique de cet événement, en particulier le mouvement des tonnerres qui descendent sur terre et, en la parcourant, s’y mêlent et la fertilisent de leur pouvoir (wa.ruksti). Les prêtres qui psalmodient se trouvant « au milieu des orages et des nuages », chaque strophe, à partir d’une note aiguë, est supposée graduellement s’abaisser jusqu’à une basse quasiment inaudible, tandis qu’au fur et à mesure du chant la scansion s’accélère28. Le rite se déroule dans une cabane ronde, d’habitation collective. Quatre prêtres officient souvent de concert. Disposés derrière l’autel à l’ouest et tournés vers l’orient, ils reconduisent dans cette situation d’énonciation la performance inaugurale des quatre entités ou « lieutenants » célestes d’Étoile du Soir – Tonnerre, Éclair, Vent, Nuage – qui chantèrent de la sorte lors de la création.

  • 29 Ce trajet se confond en partie avec celui qu’accomplit Être Merveilleux (Wonderful Being), dont le (...)
  • 30 Ibid., p. 43.

20Ce récit est prolongé et trouve une forme de réplique dans celui du trajet créateur de Paruksti29 (Figure 2), personnification du transfert d’une puissance animatrice (wa.ruksti) aux choses de la terre30. Ce transfert progressif, ordonné, se confond avec le trajet (nocturne) qui mène Paruksti depuis l’ouest vers l’est, depuis Étoile du Soir, figurant le crépuscule jusqu’à Étoile du Matin (u-pirikutcu’, « Grande Étoile »), figurant l’aube. Ce trajet est lui-même conçu comme une succession de 56 pas : 26 premiers pas qualifiés de « féminins » puis, de 10 en 10 pas, les suivants qualifiés de « masculins ».


[Figure 2 : Schéma de la visite d’Être Merveilleux.

A : les entités célestes assises dans leur cabane ;

B : la montagne où se trouvent leurs pouvoirs ;

C : le village.

Dessin de l’auteur, d’après le dessin d’un informateur anonyme dans J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 49.]

  • 31 P. Déléage, « Transmission et stabilisation des chants rituels », L’Homme 203‑204 (2012), p. 103‑13 (...)

21Considérons l’exemple de la liturgie des cinq chants qui forment la première partie de la cérémonie de purification des paquets rituels au printemps. Ces purifications ouvrent le cycle cérémoniel annuel et c’est toujours par le paquet princeps d’Étoile du Soir que le cycle débute. Chacun de ces cinq chants obéit à une structure paralléliste. Par parallélisme on entend un phénomène prosodique jouant sur la répétition d’une formule à l’intérieur de laquelle est introduite une variation minimale ­– un mot ou un segment de phrase dans une formule. Étant donné le contexte d’emploi et le long apprentissage que suppose la transmission fermée des chants associés aux paquets majeurs, le recours au parallélisme est cohérent avec les usages décrits ailleurs en Amérique indienne31.

22Les chants « d’orage » ont en commun d’utiliser, pour décrire les étapes de la création, une liste fermée de 56 termes, explicitement conçus comme l’équivalent des « pas » (steps) de Paruksti, mentionnés ci-dessus. Cette séquence de termes renvoyant chacun à un « pas » fournit pour chacun des chants selon un ordre immuable la partie variable de la formule paralléliste. Le premier chant de la série correspondant au paquet d’Étoile du Soir peut ainsi être décrit comme une succession de 56 strophes. Chaque strophe obéit au même schéma, élaboré à partir de trois vers selon la formule : A [une formule d’action] / A / B1-56 / C [une simple exclamation]. Le vers noté B concentre pour chaque strophe la partie variable du chant. L’interpolation ordonnée des « pas » – au vers B – produit un effet poétique tout à la fois de piétinement et de progression, par l’enchâssement d’une variation infime dans un schéma en apparence monotone et inlassablement répété (voir Tableau 1).

23Si l’on considère maintenant le groupe complet des cinq chants qui se succèdent dans la première partie du rite, on constate qu’ils décrivent, au niveau supérieur, une séquence d’action, ce qu’on pourrait appeler un « récit d’orage créateur ». Notons que ce groupe forme lui-même – de façon plus théorique que réelle – une simple unité à l’intérieur d’un plus vaste « récit de la création », qu’est supposée accomplir la récitation successive des « chants d’orage » de l’ensemble des paquets rituels au printemps. Dans le cas du paquet d’Étoile du Soir, le premier chant (1) décrit comment les êtres célestes annoncent que toutes les choses sur terre doivent recevoir le pouvoir de la vie (wa.ruksti). En (2) les êtres célestes annoncent que ce pouvoir va être envoyé sur terre. En (3) ils annoncent que les choses terrestres doivent se préparer à accueillir les hommes, auxquels sont destinés les bienfaits envoyés. En (4) les êtres célestes placent sur terre tous les bienfaits, résumés par chacun des « pas » du chant, et les destinent à l’usage des humains. Enfin (5) ils insufflent le pouvoir céleste de vie à toutes ces choses placées sur terre.


[Tableau 1 : Séquence des 56 « pas » utilisés dans les chants de création des paquets cuharipiru’. Cette liste de termes interpolés dans la structure fixe de chaque chant est elle-même pensée selon un ordre thématique formant des « cycles ».

D’après J. R. Murie (Ceremonies of the Pawnee I, p. 42‑48)]

Pas féminins

De 1 à 10 : cycle des champs (p. ex. 1. hura.ru’, earth ; 2. tuha.ru’, timber ; 3. caha.ru’, waters, etc.)

11 à 26 : cycle de la maison

Pas masculins

27 à 30 : cycle du vêtement

31 à 35 : cycle du paquet rituel guerrier

36 à 40 : cycle des pigments corporels

41 à 45 : cycle des animaux qui sont des puissances célestes

46 à 55 : cycle des armes masculines

56 : « tous les bâtons sacrés », ratta.ru’ (identique au 26e et dernier pas féminin

24La métaphore spatiale, de façon significative, touche toutes les dimensions de l’action rituelle, et pas seulement la disposition des participants dans l’espace orienté de la loge ou la manipulation du paquet rituel et de son contenu. Les chants, on le voit, font référence à un récit de création dont l’action du héros consiste à parcourir la terre, à marcher. Ils se présentent, d’une part, comme les fragments d’un périple complet. Et, par un jeu poétique singulier portant sur l’enchâssement du tout dans le fragment, le parcours de ce héros se trouve en quelque sorte condensé, à chaque chant, dans la liste des 56 pas, d’autre part.

  • 32 K. H. Basso, Wisdom Sits in Places: Landscape and Language Among the Western Apache, Albuquerque, U (...)

25Ces pas ne sont pas qu’une simple liste ordonnée d’objets successivement animés par le pouvoir créateur des puissances célestes. Pour les Pawnee – ou du moins pour les kurahus’, détenteurs du savoir rituel, qui les énoncent –, les pas sont eux-mêmes compris comme les fragments d’un récit et d’un cheminement. Ils correspondent à ce qu’on pourrait appeler une ellipse narrative. Dans un contexte d’énonciation particulier, ces mots suffisent donc à convoquer le fil narratif d’un récit complet. Chacun de ces noms communs, dans ce contexte séquentiel, fonctionne à la fois comme une unité narrative minimale et comme un toponyme, pleinement doté d’une valeur spatiale. Keith Basso, dans une analyse séminale d’un phénomène de ce genre chez les Apaches occidentaux, a appelé cela « parler avec des noms de lieux ». Les toponymes y fonctionnent comme les embrayeurs de récits, encapsulés en quelque sorte dans la brève formule descriptive d’un syntagme. L’évocation d’un nom de lieu permet dans certaines circonstances d’« accomplir le travail propositionnel d’une saga ou d’un récit historique complet32 ».

4. Compaction, déploiement, séquence, cycle

  • 33 Sur la logique de la mobilisation, de l’extension dans l’espace, outre le moment de la disposition (...)
  • 34 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 58.

26Deux points nous paraissent importants à relever. D’abord, le fait que cette dimension elliptique ou contractile de la matière narrative est un aspect notable, dans le cas pawnee, de la pragmatique rituelle. Elle correspond assez étroitement à la forme matérielle de l’instrument qui la rend possible : le paquet se présente comme un assemblage compacté susceptible d’être étalé, plus ou moins complètement, et dont le contenu est lui-même susceptible d’arrangements spatiaux – un aspect que nous ne faisons qu’évoquer ici33. De plus, Murie remarque qu’il était finalement assez rare de se donner la peine de déployer l’intégralité du parcours dans la série des cinq chants. Selon une formule parlante, en dehors du premier et du dernier chant, on admettait que le prêtre « raccourcisse le chemin34 ». Au lieu de la séquence des 56 pas, il se contentait de chanter les quatre premiers pas de la série féminine et les six premiers de la série masculine – soient dix strophes au lieu de 56.

27Ensuite, on l’a souligné, tandis que du point de vue d’un chant particulier les 56 pas correspondent à la partie variable, cette même séquence considérée du point de vue de l’action générale dont chaque chant, et a fortiori chaque rite au sein du cycle cérémoniel, n’est qu’un fragment, fournit au contraire la partie stable du discours. Cela incite à s’intéresser de près à ce qu’on pourrait appeler la « lisibilité » des opérations spatiales des paquets rituels, selon qu’on les considère dans leur dimension synchronique et synoptique – le plan que la réunion des paquets majeurs dans certains contextes dessine au sol ­– ou dans leur dimension diachronique – si l’on envisage ce même schéma comme un « texte » à parcourir.

  • 35 Ibid., p. 179 ; G. Weltfish, The Lost Universe, p. 80.

28En effet, l’accomplissement du cycle cérémoniel chez les Pawnee consiste en la récitation des épisodes de la création afin que celle-ci reproduise, au fur et à mesure de l’année, l’actualisation de ses effets bénéfiques. Le déroulement du cycle est tout autant scandé que commandé par la succession réglée des rites associés à un petit nombre de paquets rituels majeurs cuha.ripiru’. Ainsi, l’ouverture des paquets majeurs à purifier, au printemps et à l’automne, obéit à la séquence : Étoile du Soir suivi de (>) Étoile du Matin > Grande Étoile Météorique Noire (u.pirit rarihu.ru rakati.tu, « Grande Étoile Noire »), associée à la semi-direction du nord-est > des trois autres paquets associés aux semi-directions > les autres paquets « de villages35 ».

  • 36 Ibid., p. 84-85.

29De la même façon, à d’autres moments du cycle annuel, centré sur la croissance du maïs jusqu’à sa récolte et sur les chasses estivales et hivernales au bison, l’action rituelle suppose une forme de passage de relais entre les différents paquets, selon la séquence : Étoile du Soir > l’une des quatre Étoiles correspondant aux semi-directions > Grande Étoile Météorique Noire36. Cette dernière formule nous retient en particulier car elle démontre l’existence, au plan de l’action rituelle, d’un schème analogue à ce qu’on a appelé parallélisme, à propos de la structure des chants. Si la séquence d’ouverture des paquets rituels peut être comprise dans un sens hiérarchique, il s’avère que la hiérarchie entre les quatre paquets de semi-direction changeait chaque semestre. Chacune des quatre Étoiles de semi-directions était ainsi appelée à dominer un semestre successivement, dans l’ordre suivant : Étoile Jaune (nord-ouest), Étoile Blanche (sud-ouest), Grande Étoile Météorique Noire (nord-est), Étoile Rouge (sud-est). De la sorte, on observait d’une part une alternance semi-annuelle du nord et du sud, correspondant à celle de l’hiver (H) et de l’été (E) selon le codage pawnee, et d’autre part une alternance annuelle de l’ouest et de l’est, correspondant à celle du féminin et du masculin. Cette dernière alternance s’inscrivait alors dans un cycle bisannuel, selon le schéma :

  • 37 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 39, 179.
  • 38 Peinte sur la peau tannée d’un chevreuil et conservée dans un sac réalisé avec la tête d’un bison, (...)

30Si nous revenons à la séquence d’ouverture des paquets cuha.ripiru’ au printemps, nous constatons que la séquence suivie reproduit – à l’inversion près d’Étoile du Matin, réputé créé le premier – celle de l’engendrement des êtres célestes par Tira.wa.hat (« cette étendue »), puissance céleste immanente des Pawnee37. Ce qui nous retient plus particulièrement ici, c’est de noter que le processus de génération des êtres célestes est aussi, voire surtout, une conformation ou mise en ordre puisque Tirawahat dispose – attribue un lieu à – chacun des êtres célestes. Ce faisant, il/elle configure un espace orienté, trace une carte qui est inextricablement un schéma topologique, un programme calendaire, un sociogramme. Cette interprétation n’est pas infondée, dans la mesure où une telle carte « stellaire » existe38.

  • 39 Voir la revue très critique de l’ouvrage de l’ethno-astronome V. D. Chamberlain, When Stars Came Do (...)

31Faute de glose ou de commentaire pawnee approfondi qui nous serait parvenu, l’interprétation en détail de cet artéfact reste périlleuse, ou disons, nécessairement superficielle. Nous devons nous appuyer principalement sur quelques fragments de discours d’une des principales sources de Murie quant aux cérémonies des Skiri-Pawnee, le prêtre (kurahus') Roaming Scout, et sur la transcription visuelle que Murie en a donnée (Figure 3)39.


[Figure 3 : Schéma analytique de la carte stellaire peinte sur peau appartenant au paquet de Grande Étoile Météorique Noire (u.pirit rarihu.ru rakati.tu),

d’après J. R. Murie (Ceremonies of the Pawnee I, p. 96) :

1 : paquet de Grande Étoile Météorique Noire ;

2 : Grand Tenseur (Grande Ourse) ;

3 : paquet d’Étoile Noire ;

4 : l’Arc ;

5 : les Chefs (ou le Cercle du Camp) ;

6 : Aube ;

7 : les Étoiles du Chevreuil ;

8 : les Étoiles du Canard ;

9 : paquet d’Étoile du Soir ;

10 : Crépuscule doré ;

11 : Petit Tenseur (Petite Ourse) ;

12 : la Voie Lactée ;

13 : Lune ;

14 : paquet d’Étoile du Matin ;

15 : frère d’Étoile du Matin ;

16 : paquet d’Étoile du Nord ;

17 : paquet de Véritable Étoile ;

18 : Sept Étoiles (Pléiades) ;

19 : Sept Étoiles (Pléiades, en hiver) ;

20 : Serpent ;

21 : paquet d’Étoile blanche ;

22 : paquet de Loup abusé]

32Notons d’abord l’opposition entre une section de « ciel hivernal » de la carte, associée au crépuscule, à l’ouest et au sud, et une moitié « estivale », associée à l’aube, à l’est et au nord. Entre les deux, une bande finement constellée de marques étoilées indique la Voie Lactée (*raar.huutuuru.hak, « Chemin de poussière formant une ligne ») et trace une séparation. Mais ce qui nous intéresse surtout, c’est que la « carte » commentée par Murie consiste moins en un relevé d’observations astronomiques reportées à des fins calendaires, qu’en un schéma ou diagramme définissant au moyen d’étoiles et de constellations la relation et la position, la répartition saisonnière et topologique des principaux paquets rituels.

33Deux conséquences nous paraissent pouvoir en être tirées. La première, la plus évidente, c’est que la carte – ou schéma – stellaire exprime de façon condensée une relation par ailleurs formalisée, ainsi que les enquêtes de Murie l’ont établi, entre le système des paquets rituels majeurs – au fondement de la « fédération » des villages Skiri-Pawnee – et l’arrangement du monde céleste, tel que Tirawahat l’a produit (Figure 1). La seconde, a priori moins explicite et par conséquent plus négligée, c’est qu’elle offre une autre lisibilité, sur le mode du parcours, renvoyant au récit séquencé du procès de mise en ordre du monde céleste.

Conclusion

34Résumons : 1) le paquet n’est pas une simple accumulation, un moyen commode et désordonné d’entreposer un ensemble disparate d’objets à fonction rituelle ; en permettant d’alterner entre la compaction et le déploiement dans l’espace, il offre plutôt une forme instrumentale parfaitement ajustée à la forme de la récitation qu’il doit accompagner. 2) Et celle-ci, réciproquement, tend à mimer ce fonctionnement instrumental. Chaque chant condense et rassemble en lui, au travers de la séquence des 56 pas, la référence à un récit « matriciel » ; en même temps, le cycle complet des chants qui accompagnent au fil de la saison rituelle l’ouverture séquentielle de tous les paquets peut être compris comme le déploiement de ce même récit. 3) Les « pas », parce qu’ils articulent entre elles dimension narrative et dimension spatiale, font d’un schéma l’image d’un récit et identifient le chant à la récitation d’un parcours.

  • 40 C. Severi, « Penser par séquences, penser par territoires », Communications 41-1 (1985), p. 169‑190

35Notre analyse, de ce fait, incite à un ajustement de notre façon de concevoir l’image du récit qu’est la configuration spatiale des paquets. Celle-ci va au-delà de la simple visibilité d’un ordre. Quoiqu’offrant à première vue un schématisme topologique abstrait, nous suggérons qu’un tel arrangement possède une lisibilité qui tient du parcours sur le modèle des figures narratives des « arts de la mémoire40 ». Comme image, la figure des paquets disposés dans l’espace rituel engage leur lisibilité. À la façon d’un texte, elle est une image qui requiert et suppose un certain parcours du regard.

36Cette hypothèse ouvre des perspectives de travail pour l’analyse d’autres artéfacts amérindiens manipulés et disposés en contexte rituel. Le registre des images narratives amérindiennes déborde sans doute largement celui des « pictographies ». Parce qu’un schéma, pour être tracé, résulte d’une séquence d’évènements, il renferme un potentiel de narration. À cet égard, la dimension narrative de très nombreuses configurations spatiales, en Amérique indienne, mérite d’être envisagée.

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Notes

1 Les propositions qui suivent sont issues d’un travail financé par une bourse de recherche post-doctorale au Musée du quai Branly-Jacques Chirac pour l’année 2019-2020. Je remercie Emmanuel Désveaux, Carlo Severi, Pierre Déléage et plus particulièrement Alaya Palamidis et Marion Claude pour leurs lectures critiques des versions préparatoires de ce texte.

Par Pawnee, on désigne ce qui constituait, dans le courant du XIXe siècle, quatre communautés culturellement et linguistiquement liées : les Skiri-Pawnee, groupe le plus nombreux installé depuis le XVIIIe siècle au moins sur le fleuve Loup (Nebraska), et trois groupes – Chawi, Kitkahahki et Pitahawirata – répartis entre le fleuve Platte et le Kansas, et appelés « Pawnee méridionaux » pour cette raison (J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee. Part 1: The Skiri, Washington D.C., Smithsonian Institution Press, 1981, p. 178 n. 8). Dans la suite, on emploiera le terme Pawnee comme un synonyme de Skiri-Pawnee, sauf précision contraire.

2 L’usage du terme « paquet rituel » est emprunté à E. Désveaux, Quadratura americana : essai d’anthropologie lévi-straussienne, Genève, Georg, 2001. C. Wissler, Ceremonial Bundles of the Blackfoot Indians, New-York, The Trustees, 1912. D. G. Mandelbaum, The Plains Cree, New-York, American Museum of Natural History, 1940, p. 258-261. W. Wildschut, Crow Indian Medicine Bundles, éd. J. C. Ewers, New-York, Museum of the American Indian, 1960. R. H. Lowie, « Hidatsa and Mandan Societies », in C. Wissler (dir.), Societies of the Plains Indians, New York, The Trustees, 1916, p. 219‑358. A. C. Fletcher & F. La Flesche, Twenty-Seventh Annual Report of the Bureau of American Ethnology. The Omaha Tribe, Washington D.C., Government Printing Office, 1911. E. C. Parsons, « Ritual Parallels in Pueblo and Plains Cultures, with a Special Reference to the Pawnee », American Anthropologist 31-4 (1929), p. 642‑654. A. Skinner, Social Life and Ceremonial Bundles of the Menomini Indians, New-York, The Trustees, 1916. B. Balloy, Les Indiens Creek au XVIIIe siècle. Mythe, guerre, hiérarchie, Paris, Les Indes Savantes, 2023, p. 171-207. G. Olivier, « Les paquets sacrés ou la mémoire cachée des Indiens du Mexique central (XVe-XVIe siècles) », Journal de la Société des Américanistes 81-1 (1995), p. 105‑141. J. Guernsey & F. Kent Reilly (dir.), Sacred Bundles: Ritual Acts of Wrapping and Binding in Mesoamerica, Barnarsville (Caroline du Nord), Boundary End Archaeology Research Center, 2006. M. B. Vega, « Ritual Practices and Wrapped Objects: Unpacking Prehispanic Andean Sacred Bundles », Journal of Material Culture 21-2 (2016), p. 223‑251.

3 D. R. Parks, « Editor’s Introduction », in J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 1‑20, ici p. 7.

4 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 39 ; 179.

5 G. Weltfish, The Lost Universe: with a Closing Chapter on The Universe Regained, New-York, Basic Books, 1965, p. 20.

6 C. Severi, Le principe de la chimère : une anthropologie de la mémoire, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2007.

7 C. Fausto & C. Severi (dir.), L’image rituelle, Paris, L’Herne, 2014. Id., Paroles en images : écritures, corps et mémoires, Marseille, OpenEdition Press, 2015, URL : https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/oep/751 (consulté le 20/01/2020). P. Déléage, Inventer l’écriture : rituels prophétiques et chamaniques des Indiens d’Amérique du Nord, XVIIe-XIXe siècles, Paris, Les Belles Lettres, 2013.

8 Hypothèse qui prolonge celle de P. Déléage, « Les pictographies narratives amérindiennes », in C. Jacob (éd.), Lieux de savoir, vol. II, Les mains de l’intellect, Paris, Albin Michel, 2011, p. 744–764.

9 B. Balloy, « Sticks as Scripts: Literacy, Celestial Order and Ritual Artifacts in Pawnee Ceremonies in the 1900s », RES. Anthropology and Aesthetics 79/80 (2023).

10 W. Wildschut, Crow Indian Medicine Bundles. J. R. Hanson, « Structure and Complexity of Medicine Bundle Systems of Selected Plains Indian Tribes », Plains Anthropologist 25-89 (1980), p. 199‑216. Cette relation a été bouleversée au XXe siècle mais nous ne prétendons pas pour autant que les paquets rituels, dans de nombreux cas, n’ont pas continué de jouer un rôle central, ni qu’ils ne se trouvent pas actuellement au centre de processus de rénovation rituelle, aux États-Unis ou au Canada. Pour les archéologues : Barbara J. Mills, « The Establishment and Defeat of Hierarchy: Inalienable Possessions and the History of Collective Prestige Structures in the Pueblo Southwest », American Anthropologist 106-2 (2004), p. 238‑251. M. N. Zedeño, « Bundled Worlds: The Roles and Interactions of Complex Objects from the North American Plains », Journal of Archaeological Method and Theory 15-4 (2008), p. 362‑378. M. B. Vega, « Ritual Practices ». E. R. Henry, « Building Bundles, Building Memories: Processes of Remembering in Adena-Hopewell Societies of Eastern North America », Journal of Archaeological Method & Theory 24-1 (2017), p. 188‑228. T. R. Pauketat, An Archaeology of the Cosmos: Rethinking Agency and Religion in Ancient America, Londres-New-York, Routledge, 2013. En France, en dehors du travail d’Emmanuel Désveaux, et si l’on excepte quelques brèves mentions dans l’œuvre de Claude Lévi-Strauss, les paquets rituels nord-américains n’ont pas suscité autrement d’intérêt (E. Désveaux, Quadratura americana ; id., « L’héritage d’Alfred Kiyana et l’énigme des paquets cérémoniels meskwaki », Journal de la Société des Américanistes 96-1 [2010], p. 107-133).

11 D. R. Parks, « Biography of James R. Murie », in J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 21‑28.

12 G. A. Dorsey, Traditions of the Skidi Pawnee, Boston-New-York, Houghton, Mifflin and Company, 1904. R. Linton, Purification of the Sacred Bundles, a Ceremony of the Pawnee, Chicago, Field Museum of Natural History, 1923. G. A. Dorsey & J. R. Murie, Notes on Skidi Pawnee Society, Chicago, Field Museum of Natural History, 1940. J. R. Murie, « Pawnee Indian Societies », Societies of the Plains Indians, p. 543‑645 ; id., Ceremonies of the Pawnee I ; id., Ceremonies of the Pawnee. Part 2: The South Bands, Washington D.C., Smithsonian Institution Press, 1981.

13 C. Wissler, Ceremonial Bundles, p. 91, 107.

14 D. R. Parks, « Editor’s Introduction », p. 13.

15 La relation qui lie un individu aux différentes dimensions d’un paquet cérémoniel, dans la perspective des Amérindiens, est sans doute mieux caractérisée par l’idée de gardiennage (stewardship) que par celle de propriété. Aucun auteur, malheureusement, n’a détaillé pour les Pawnee le vocabulaire correspondant à cette relation, se contentant du vocabulaire imprécis et variable de keeper, owner, carer, etc. Roaming Scout, prêtre pawnee et informateur privilégié de Murie quant aux questions cérémonielles, emploie à l’occasion l’expression « for you to have them [bundle sticks] hanging on the west wall » (rasihkuruuraa’uukátawi) (D. R. Parks & G. A. Dorsey, « Roaming Scout Collection », s.d. URL : http://zia.aisri.indiana.edu/~corpora/RoamingScout.php [consulté le 20/01/2020], no 26).

16 D. R. Parks & R. J. DeMallie, « Plains Indian Native Literatures », Boundary 2 19-3 (1992), p. 105‑147, ici p. 107. C. M. Hinsley, Savages and Scientists: the Smithsonian Institution and the development of American Anthropology, 1846-1910, Washington, D.C, Smithsonian Institution Press, 1981.

17 R. White, « The Cultural Landscape of the Pawnees », Great Plains Quarterly 2-1 (1982), p. 31‑40. D. R. Parks & R. J. DeMallie, « Plains Indian Native Literatures ».

18 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 53.

19 Id., Ceremonies of the Pawnee II, p. 461 ; id., Ceremonies of the Pawnee I, p. 34-35 ; p. 104-107, 114.

20 La question du sentiment de préciosité qui s’y attache ne correspond toutefois pas à une notion comme celle de relique – en tant qu’exemplaire matériel à la fois exceptionnel et singulier : N. Heinich, « Axiologie du précieux. Essai de modélisation », Gradhiva. Revue d’Anthropologie et d’Histoire des Arts 30 (2019), p. 92‑107.

21 G. B. Grinnell, « Pawnee Mythology », The Journal of American Folklore 6-21 (1893), p. 113‑130, ici p. 119.

22 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 37.

23 Pour une discussion de ces registres sensoriels voir E. Désveaux, Spectres de l’anthropologie : suite nord-américaine, Montreuil, Aux Lieux d’être, 2007, p. 150-151.

24 C. Severi, Le principe de la chimère, p. 246.

25 Quant à l’identification avec une étoile en particulier : « the name Evening Star is used because her place is in the west and not because she is conceived of as Evening Star » (J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 38‑39).

26 On cède à la tentation, faute de mieux, de traduire doctors (kura.’u’) par chaman. L’activité des chamans pawnee est individuelle et curative, tout en relevant du système rituel pawnee par au moins deux aspects : une organisation en confréries masculines au même titre que les confréries guerrières ; un cycle rituel parallèle à celui des « prêtres » et culminant dans une cérémonie tribale à l’automne, caractérisée par des danses et des démonstrations d’habileté magique. L’étude des relations structurales entre les rites des prêtres et ceux des chamans mériterait une étude plus approfondie. Voir cependant D. R. Parks & W. R. Wedel, « Pawnee Geography: Historical and Sacred », Great Plains Quarterly 5-3 (1985), p. 143‑176. Précisons seulement qu’entre chaman (kura.’u’) et prêtre (kurahus'), il y a une distinction fonctionnelle plutôt qu’une distinction sociologique. Certains prêtres sont des chamans, de même que certains chefs (G. Weltfish, The Lost Universe ; J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 159). Ajoutons que le cumul des fonctions de prestige, électives et héritées, est un trait récurrent des formations aristocratiques dans les sociétés nord-amérindiennes.

27 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee II, p. 467-470.

28 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 48 ; id., Ceremonies of the Pawnee II, p. 467.

29 Ce trajet se confond en partie avec celui qu’accomplit Être Merveilleux (Wonderful Being), dont le chant occupe la seconde partie du même rite. Notons que ce dernier chant n’utilise pas la liste des 56 pas. Il prend la forme de 119 strophes qui décrivent la venue d’Être Merveilleux depuis le ciel, son circuit d’ouest en est aux confins du monde et son passage par la maison où les prêtres sont en train d’accomplir le rite, avant de repartir au ciel (ibid., p. 49‑51).

30 Ibid., p. 43.

31 P. Déléage, « Transmission et stabilisation des chants rituels », L’Homme 203‑204 (2012), p. 103‑137 ; D. R. Parks, « Editor’s Introduction », p. 10.

32 K. H. Basso, Wisdom Sits in Places: Landscape and Language Among the Western Apache, Albuquerque, University of New Mexico Press, 1996, p. 17, 89. Sur la relation entre toponymie, « paysages sacrés », configurations spatiales et calendaires, et des récits ou narrations, ailleurs en Amérique, voir R. T. Zuidema, « Lieux sacrés et irrigation : tradition historique, mythes et rituels au Cuzco », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations 33-5 (1978), p. 1037‑1056 ; J. D. Hill, Keepers of the Sacred Chants: the Poetics of Ritual Power in an Amazonian Society, Tucson, University of Arizona Press, 1993 ; F. Santos-Granero, « Writing History into the Landscape: Space, Myth, and Ritual in Contemporary Amazonia », American Ethnologist 25-2 (1998), p. 128‑148 ; S. Hugh-Jones, « Écrire sur la pierre, écrire sur le papier », Paroles en images, p. 59‑88.

33 Sur la logique de la mobilisation, de l’extension dans l’espace, outre le moment de la disposition du paquet ouvert sur l’autel, voir en particulier la relation entre les paquets rituels et les expéditions guerrières : J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 45 ; D. R. Parks, « Editor’s Introduction », p. 10.

34 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 58.

35 Ibid., p. 179 ; G. Weltfish, The Lost Universe, p. 80.

36 Ibid., p. 84-85.

37 J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 39, 179.

38 Peinte sur la peau tannée d’un chevreuil et conservée dans un sac réalisé avec la tête d’un bison, la carte appartient au paquet de Grande Étoile Météorique Noire, collecté au début du XXe siècle et actuellement conservé au Field Museum de Chicago (R. N. Buckstaff, « Stars and Constellations of a Pawnee Sky Map », American Anthropologist 29-2 [1927], p. 279‑285 ; J. R. Murie, Ceremonies of the Pawnee I, p. 96 ; V. Del Chamberlain, When Stars Came Down to Earth: Cosmology of the Skidi Pawnee Indians of North America, Los Altos, Ballena Press 1982). Ce paquet, ainsi que les autres possédés par le musée, ont fait l’objet d’une restitution (repatriation) en 1992 à la Nation Pawnee tout en demeurant conservés par le musée. Jonathan Haas était alors le conservateur en charge de ces collections. En accord avec des représentants pawnee, parmi lesquels des « ayant droits » de certains des paquets, tous ont été reformés et définitivement scellés, avec tout leur contenu, dont la carte (Jonathan Haas, communication personnelle, 8 fév. 2020).

39 Voir la revue très critique de l’ouvrage de l’ethno-astronome V. D. Chamberlain, When Stars Came Down to Earth, par D. R. Parks, « Interpreting Pawnee Star Lore: Science or Myth? », American Indian Culture and Research Journal 9-1 (1985), p. 53‑65. Pour comprendre à partir de quelles informations Murie a travaillé, la source la plus précieuse se trouve être les enregistrements du prêtre skiri-pawnee Roaming Scout (D. R. Parks & G. A. Dorsey, « Roaming Scout Collection », nos 23‑26 ; D. R. Parks & R. J. DeMallie, « Plains Indian Native Literatures », p. 107‑121 ; V. D. Chamberlain, When Stars Came Down to Earth, p. 193-205). Pour saisir les malentendus que peut produire l’interprétation d’une carte, voir l’exemple sioux-lakota étudié par Ronald Goodman, cité par G. M. Lewis, Cartographic Encounters, p. 62, 87-88.

40 C. Severi, « Penser par séquences, penser par territoires », Communications 41-1 (1985), p. 169‑190.

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Table des illustrations

Légende [Figure 1 : La configuration des paquets rituels (« Bundle scheme ») de la fédération des Skiri-Pawnee. L’arrangement est celui dont Murie a obtenu la description pour la cérémonie dite « Quatre Mâts ». D’après J. R. Murie, Ceremonies I, p. 73.]
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Légende [Figure 2 : Schéma de la visite d’Être Merveilleux.
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Légende [Figure 3 : Schéma analytique de la carte stellaire peinte sur peau appartenant au paquet de Grande Étoile Météorique Noire (u.pirit rarihu.ru rakati.tu),
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Pour citer cet article

Référence électronique

Benjamin Balloy, « La lisibilité des opérations spatiales avec les paquets rituels des Pawnee (XIXe siècle, États-Unis) »Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [En ligne], 26 | 2024, mis en ligne le 01 janvier 2024, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cerri/8607 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/120gk

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Auteur

Benjamin Balloy

Benjamin Balloy est chargé de recherche au CNRS (Framespa, UMR 5136, Université Toulouse Jean-Jaurès). Ses thèmes de recherche portent sur l’anthropologie et l’histoire des sociétés amérindiennes de l’Amérique du Nord (principalement aux XVIIe et XVIIIe siècles). Principales publications : Les Indiens Creek au XVIIIe siècle. Mythologie, guerre, hiérarchie, Paris, Les Indes savantes, 2023 ; « La hiérarchie dans l’organisation sociale des Muscogee (Creek) de Louisiane, au XVIIIe siècle », L’Homme 237 (2021), p. 45‑74 : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lhomme.39108 ; « Le motif de la régurgitation dans les “ fêtes ” amérindiennes », Nuevo Mundo Mundos Nuevos, octobre 2016 : http://nuevomundo.revues.org/69501 ; « Remarques critiques sur l’historiographie des Choctaw », Journal de la société des américanistes 105-1 (2019), p. 97‑122.

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