Le néocriticisme d’Henri Bois et ses conséquences missiologiques
Résumés
Sa philosophie, inspirée du néocriticisme française, conduit Henri Bois à étudier et à rencontrer des religions non chrétiennes. Notre contribution se propose d’exposer de quelle manière la pensée d’Henri Bois évolue au contact de celles-ci. Issu de la tendance évangélique (ou orthodoxe) du protestantisme de l’époque, qui tend à exclure toute religion en dehors de Jésus Christ, Henri Bois, par l’importance qu’il accorde à la conscience morale et à l’accomplissement de l’idéal moral et religieux en Jésus, dépouille au fur et à mesure sa christologie, entraînant une évolution non négligeable au niveau de sa conception de la Mission.
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Mots-clés :
absolu, conversion, histoire, mission, néocriticisme, philosophie, protestantisme évangélique, protestantisme libéral, religion, temps, théologieKeywords:
Absolute, Conversion, Evangelic Protestantism, History, Liberal Protestantism, mission, neocriticism, philosophy, Religion, theology, TimePlan
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1À divers moments de sa carrière, le philosophe et théologien protestant Henri Bois a été confronté à des religions non chrétiennes, notamment lors de sa rencontre avec le bouddhisme au cours d’un voyage au Japon. Dans quelle mesure ces expériences ont-elles influencé sa conception de la mission ?
- 1 « La Société des Missions évangéliques chez les peuples non chrétiens établie à Paris aux chrétien (...)
2Dans le milieu dont Henri Bois est issu, la mission vise essentiellement la conversion des non-chrétiens et ne laisse guère de place pour une appréciation positive des traditions dont ils se réclament. Cette conception de la mission caractérise notamment la Société des Missions Évangéliques de Paris, dont la circulaire de lancement du 2 décembre 1822 affirme : « Il est heureusement un grand nombre de protestants en France qui cherchent l'occasion de joindre à leurs efforts, pour l'amélioration de l'état religieux de leur pays, des soins généreux pour la conversion des malheureux habitants des contrées encore privées de la connaissance de l'Évangile »1.
3La première partie de cet article donnera un aperçu de la pensée philosophique néocriticiste d’Henri Bois. La deuxième partie tentera ensuite de montrer comment le néocriticisme amène Henri Bois à étudier et à rencontrer les religions non chrétiennes, et comment ces rencontres ont modifié sa conception de la mission.
Le néocriticisme d’Henri Bois
- 2 H. Bois, « Une leçon d’ouverture », Critique philosophique, 1888, t. II, p. 436. La ponctuation es (...)
- 3 H. Bois, “Observations préliminaires à la théorie de la connaissance”, Cours, notes, lettres et pa (...)
4Henri Bois est né le 12 juillet 1862 à Montauban et meurt le 11 septembre 1924 à Mâlon, dans le Gard. Son père, Charles Bois, était professeur à la faculté de théologie protestante de Montauban, la faculté réformée calviniste de France à cette époque, et appartenait au clan des protestants orthodoxes, opposé au clan des protestants libéraux. Henri Bois lui-même y enseignera la morale, la philosophie, la théologie pratique et la théologie systématique, et sera l’un des principaux artisans de son transfert à Montpellier en 1919. Dans sa leçon d’ouverture de 1888, Henri Bois affirme que, depuis les apôtres jusqu’à Ritschl, « il n’y a pas eu et il n’y a pas un seul système de théologie qui ne repose, de l’aveu ou à l’insu de l’auteur, sur... de la philosophie »2. Dans la philosophie, il s’intéresse surtout à l’épistémologie. Il estime en effet « que la dogmatique chrétienne commence par assurer une base à la connaissance humaine en général, pour en pouvoir offrir une à la connaissance chrétienne en particulier » et « que si l’on entre dans cet ordre d’idées, on se trouvera amené à développer et à préciser, plus que ne le font généralement les dogmaticiens, la théorie de la connaissance en général »3.
- 4 H. Bois, De la connaissance religieuse, Paris, Fischbacher, 1894, désormais DLCR p. 118.
- 5 H. Bois, « Kant et le néocriticisme », Cours, notes, lettres et papiers manuscrits Boîte I (1901), (...)
- 6 H. Bois, Le sentiment religieux, Paris, Fischbacher, 1902, p. 17. Par ailleurs, Henri Bois refuse (...)
- 7 H. Bois, Le sentiment religieux, op. cit., p. 19.
- 8 Cf. H. Bois, La valeur de l’expérience religieuse, Paris, Noury, 1908 (1906), désormais LVER p. 15 (...)
- 9 H. Bois, “Morale et religion”, Revue de Théologie et des Questions Religieuses, Montauban, 1905, d (...)
- 10 Mor&Rel, p. 225.
- 11 Mor&Rel p. 225-226.
5Le néocriticisme d’Henri Bois se caractérise par l’importance qu’il accorde au temps comme catégorie ou concept de l’entendement. Pour lui, le temps comporte la simultanéité d’une part et la succession d’autre part, toutes deux constituant les catégories à l’origine de la conscience morale. L’importance du temps se traduit par le rôle central que joue la conscience morale dans la philosophie et la théologie d’Henri Bois. Dès 1894, il estime que, « comme la religion est fonction de la morale, il conviendra d’étudier les postulats et les faits moraux. »4 En 1901, dans un cours intitulé « Kant et le néocriticisme », il dit que « la morale est comme une révélation de la chose en soi »5. Henri Bois étudie la théorie de la connaissance en général et celle de la connaissance religieuse en particulier. Dans cette dernière, c’est surtout l’étude de l’expérience religieuse qui retient son attention. Il sonde alors les éventuels liens entre sentiment moral et sentiment religieux : « Le sentiment moral et le sentiment religieux sont […] deux espèces distinctes de sentiments, quoique dans l’état normal ces sentiments soient si étroitement mêlés que l’observation superficielle soit portée à les confondre »6. Henri Bois estime que le sentiment moral est un sentiment rattaché à une loi, à une idée qui fait partie intégrante et profonde de notre nature, tandis qu’il voit dans le sentiment religieux « un sentiment rattaché à un être qui est distinct de nous, que nous situons comme un moi spécifique hors de notre moi »7. Pour le croyant, pense-t-il, la loi vient de Dieu, et le sentiment religieux entraîne donc le sentiment moral. Dans l’expérience religieuse, l’idéal moral et religieux, incarné en tant que personne libre, se révèle au subconscient8. Cette révélation se traduit, selon Henri Bois, par les phénomènes religieux et le sentiment religieux quand elle accède à la conscience. La psychologie peut étudier ce mécanisme comme quand « elle étudie les autres phénomènes mentaux, et ramener les inspirations, les révélations, les élans vers le bien, les lumières et les grâces divines, à une poussée du subconscient, à une efflorescence du subconscient dans le domaine de la conscience claire et réfléchie »9. Mais, si la psychologie s’arrête là, l’expérience religieuse nous conduit plus loin encore, explique-t-il. En effet, si l’incroyant « continue en disant : je nie qu’il y ait autre chose que l’épanouissement extérieur des données latentes du sujet »10, le croyant, selon Henri Bois, est en droit de rétorquer : « Votre négation n’est pas une preuve ; je me crois libre de préférer l’affirmation, et, pour des raisons d’ordre métaphysique, j’affirme qu’une action métaphysique, une action surnaturelle de Dieu, s’est exercée sur le moi subconscient avant et pendant sa poussée explosive dans la conscience »11.
- 12 Cf. l’analyse qu’Henri Bois fait d’un article d’Émile Durkheim (cf. É. Durkheim, « De la définition (...)
6Le sentiment religieux ne se résume pas non plus au sentiment social, dans le sens durkheimien de ce terme. À la théorie durkheimienne de l’origine collective du phénomène religieux12, Henri Bois répond que dans l’histoire, ce furent souvent les génies religieux, comme les prophètes ou les réformateurs, qui étaient à l’origine de nouvelles croyances collectives et traditions religieuses. Pour Durkheim, une obligation implique un commandement, et donc une autorité extérieure qui commande, et qui, dans le strict cadre de l’expérience, ne peut être que la société qui prescrit les dogmes et rites à adopter. Pour Henri Bois, la religion est individuelle à son origine, mais le sentiment religieux lui-même contient, à côté des sentiments individuels, des sentiments sociaux. Pour lui, il y a des croyances, héritées de la société entre autres, avant, pendant et après l’expérience religieuse.
- 13 Mor&Rel, p. 220. Par ailleurs, certains points de la pensée d’Henri Bois sont comparables à celle (...)
- 14 Henri Bois se reconnaît plus proche de François Pillon que de Charles Renouvier sur bien des point (...)
- 15 H. Bois, Lettres de direction spirituelle, Tome 2, Neuilly, La Cause, 1931, désormais LDS2, p. 27.
- 16 Cf. aussi BOIS Henri, Le dogme grec et l’essence du christianisme, Paris, Fischbacher, 1893, désor (...)
7En plaçant la conscience morale en son centre, le néocriticisme d’Henri Bois présente une certaine proximité avec le néokantisme axiologique de l’école de Bade. Pour Henri Bois, la Critique de la raison pratique est le point focal de la pensée kantienne, tout le reste n’en est que l’introduction13. En fait, Henri Bois se situe lui-même entre Charles Renouvier et Henri Bergson. D’Henri Bergson, il retient, comme François Pillon14, la critique du temps spatial ; par contre, il rejette la notion bergsonienne du temps comme durée pure : « Ce qui me paraît exact dans Bergson, c’est la critique du temps spatial. Mais sa conception du temps durée pure me paraît inadmissible. La durée qui est continue est par-là même spatiale. Il n’a pas réussi à s’affranchir du temps spatial. Sa durée, qui est une continuité d’éléments qualitativement hétérogènes, est contradictoire. Car l’hétérogénéité qualitative implique la discontinuité »15. L’histoire, selon Henri Bois, est donc faite de discontinuité et de sauts qualitatifs16.
- 17 LVER p. 80-81.
- 18 DLCR p. 182.
8Pour Henri Bois, l’antithèse entre le noumène et le phénomène se transforme en une antithèse entre l’espace et l’esprit. Dieu est esprit pur, or là où il n’y a plus de temps il n’y a plus d’esprit17. Cela conduit Henri Bois à une conception anthropomorphique de Dieu. « La connaissance religieuse s’occupe de ce que Dieu est dans le temps et dans l’espace pour nous. Car Dieu, en créant, est entré, par là même, résolument et personnellement dans le temps et dans l’espace »18. Par ailleurs, Henri Bois estime qu’il existe une différence de degré au niveau de la liberté. Dieu, en tant qu’être moral, est forcément, pour lui, un être personnel doué de liberté, mais d’une liberté qui diffère de celle de l’homme : la liberté de Dieu est parfaite ; celle de l’homme est imparfaite.
Conséquences sur la compréhension de la Mission
- 19 L’éclectisme de Victor Cousin ou de Michel Nicolas au 19e s. propose une description historique de (...)
9Héritier, sur ce point, de l’éclectisme de Victor Cousin et de Michel Nicolas, un de ses prédécesseurs à la faculté de Montauban, le néocriticisme d’Henri Bois présente un intérêt marqué pour les traditions religieuses et philosophiques de l’Asie19. Henri Bois s’intéresse dès le début de sa carrière et jusqu’à la fin de sa vie à la religion en général, et pas seulement au christianisme. Mais sa position de théologien sur la question du statut qu’il convient d’accorder aux religions non chrétiennes semble évoluer au fil des années.
- 20 Cité par H. Bois, « Études sur le Congrès des Religions », Cours et manuscrits, op. cit., p. 101.
- 21 Ibid. p. 104.
- 22 Ibid. p. 20.
10En analysant le Congrès des Religions de Chicago (en 1893) et les préparatifs à celui de Paris (en 1900), il apprend à mieux connaître les religions non chrétiennes tout en craignant que ces congrès n’effacent les différences entre les religions et ne conduisent à sous-estimer la spécificité – c’est-à-dire, à ses yeux, la supériorité – du christianisme. S’appuyant sur un article de M. Charbonnel paru dans la Revue de Paris pour lancer dans le public l’idée d’un Congrès des religions à Paris, il considère que ces Congrès sont motivés par un « symbolisme panthéiste ». Charbonnel affirme en effet que « le rôle des membres de ce Congrès sera de retrouver, sous les formes multiples que prend l’idée religieuse à travers les peuples, et sous les symboles dogmatiques dans lesquelles elle s’exprime, ce qu’il y a d’essentiel, de permanent et d’universel dans cette idée »20. Henri Bois critique la conception du Congrès, pour qui « la religion est envisagée comme purement subjective, réduite à un état purement interne et émotif. On reconnaît au fond non des religions particulières, différentes les unes des autres, mais des degrés différents de religion »21. S’étonnant que tous les participants soient conviés à s’associer dans une prière chrétienne (l’oraison dite dominicale qui appelle Dieu « Notre Père »), il affirme qu’en réalité, « pour un bouddhiste, un brahmaniste, un musulman, Dieu n’est pas le même Dieu que pour un chrétien ; ils n’ont pas la même conception de la paternité de Dieu et de la filialité humaine »22.
- 23 Mircea Eliade pense que la rencontre avec le bouddhisme au Japon aurait converti la théologie des (...)
- 24 L’intérêt qu’Henri Bois porte aux religions et aux philosophies de l’Inde détonne par rapport à la (...)
- 25 Cf. A. Arnal, La pensée religieuse du doyen Bois, Montpellier, Dubois & Poulain, 1925, p. 62.
11En 1922, deux ans avant sa mort, Henri Bois donne une conférence au 18e congrès national de la Fédération française des Associations chrétiennes d’étudiants (FFACE) sous le titre : « La valeur absolue du christianisme ». Il y fait part de son expérience d’une rencontre avec des bouddhistes lors d’une mission à l’île de Yézo (Hokkaido, au Japon) en 190723. Quinze ans plus tard, Henri Bois considère cette rencontre comme un moment particulièrement impressif de son existence, dont le souvenir l’émeut encore24. À l’issue de cette rencontre Henri Bois retient un proverbe japonais qu’il aimera citer souvent par la suite : « Bien des chemins montent au Fuji-Yama, mais du sommet c’est un même ciel que l’on contemple. »25
12Dans quelle mesure la théologie des religions d’Henri Bois et sa conception de la mission chrétienne évoluent-elles après son séjour à Hokkaido ? Pour le déterminer, il convient de resituer son discours dans le contexte des débats de la théologie protestante française de son temps.
Le protestantisme au XIXe siècle et la mission
- 26 Cf. par exemple A. Encrevé, Protestants français au milieu du XIXe siècle, Genève, Labor et Fides, (...)
- 27 Les divergences portent principalement sur la question de la mission, les méthodes critiques philo (...)
13Le protestantisme réformé du XIXe siècle est marqué par un nouveau climat théologique. Plusieurs courants de pensée s’affrontent, sous-tendus par l’influence de la théologie allemande et du romantisme26, et par la diffusion de la critique historique de la Bible. Apparaissent alors deux courants principaux : orthodoxe (ou évangélique) et libéral27.
- 28 Cf. J.-M. Mayeur et A. Encrevé, Les protestants, vol. 5 de Dictionnaire du monde religieux dans la (...)
- 29 E. Pressensé (de), Jésus-Christ, son temps, sa vie, son œuvre, Paris, Meyrueis, 1866, p. 39.
- 30 Ibid. p. 44.
- 31 Ibid. p. 44.
- 32 Ibid. p. 44.
- 33 Ibid. p. 40.
- 34 Ibid. p. 46.
- 35 Cf. ibid. p. 61.
- 36 Ibid. p. 65. La position de l’orthodoxie réformée, qui exclut toute possibilité de salut dans les (...)
14L’orthodoxie réformée adopte une position classiquement exclusiviste : en dehors du christianisme et de la confession explicite de Jésus-Christ, aucune religion ne peut procurer le salut. Les missionnaires protestants du début du XIXe siècle, largement issus de cette mouvance, prêchent la rupture avec les religions ancestrales des peuples originaires des terres de mission. En 1865, Edmond de Pressensé, considéré comme l’un des représentants modérés de cette tendance28, estime que le péché d’Adam et Ève a créé une rupture telle qu’aucune religion chrétienne ne peut conduire à Dieu en dehors du Christ. « L’histoire, dit-il, d’après la donnée chrétienne, s’ouvre par un grand conflit entre l’homme et Dieu. L’être libre qui a été fait le roi de la création terrestre, et qui devait en devenir le prêtre, succombe dans la mystérieuse épreuve, par laquelle il lui fallait passer pour apprendre qu’il s’appartient à lui-même et qu’il est capable du bien comme du mal »29. D’après lui, l’homme n’introduit dans sa vie « une idée divine que parce qu’il l’avait en lui auparavant. On peut conclure de l’universalité de cette idée divine qu’elle faisait partie du trésor primitif de la race ; n’étant pas empruntée au monde extérieur, elle descend de plus haut, elle vient de Dieu même et ramène à lui »30. Les cultes de la nature, dans certaines religions, ne sont pas le commencement de la religion, estime Pressensé. L’idée de Dieu, affirme-t-il, vient de « la préexistence de la religion dans le cœur humain »31. L’humain déchu ne songerait pas à diviniser les éléments de la nature « si l’idée divine n’était profondément enracinée en lui, si dans une période antérieure elle ne l’avait possédé tout entier. Ces religions ne sont possibles, dans l’abjection qu’elles supposent, que si l’homme a vécu au premier âge du monde d’une vie si profondément religieuse, que même dans l’excès de sa dégradation, il n’en peut rejeter le souvenir ou le besoin »32. Le but de toute religion consiste pour lui en une réconciliation entre Dieu et l’homme. « Or, toujours d’après le christianisme, dit-il, l’humanité à elle seule est incapable de ce retour douloureux et saint »33, ce qui disqualifie toute religion en dehors du Christ. Par ailleurs, Pressensé rejette l’idée selon laquelle le christianisme serait le produit naturel de l’ancien monde sans l’intervention de Dieu. Pour lui, au contraire, le christianisme est une œuvre divine, une création surnaturelle : « L’école naturaliste prétend que le christianisme a été non pas préparé, mais enfanté par l’ancien monde, qu’il est le produit de ses divers éléments et comme le confluents de ses courants, si bien qu’on peut l’expliquer par le simple concours, ou la combinaison de causes naturelles. Le christianisme, au contraire, se donne comme une œuvre divine, comme une création surnaturelle »34. Les religions non-chrétiennes contribuent à préparer l’accueil du christianisme en enflammant le désir de salut sans pouvoir l’assouvir35. Pour Pressensé, le croyant non chrétien est habité par « cet ardent besoin de purification, qui trouve une satisfaction toujours incomplète dans les sacrifices et les holocaustes au travers desquels la conscience entrevoit une satisfaction définitive »36.
- 37 Cf. J.-M. Mayeur et A. Encrevé, Les protestants, op. cit., p. 412ss.
- 38 Cité par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, Le christianisme et le bouddhisme : trois lettres adressé (...)
- 39 A. Réville, Prolégomènes de l’histoire des religions, Paris, Fischbacher, 1881, p. 87-88.
- 40 A. Réville, Manuel d’instruction religieuse, Paris, Librairie de la Suisse romande, 1866² (1863), (...)
- 41 A. Réville, Manuel d’instruction religieuse, Paris, Librairie de la Suisse romande, 1866² (1863), (...)
- 42 Ibid. p. 14.
15En face, l’un des chefs de file du protestantisme libéral, Albert Réville (1826-1906)37, titulaire de la chaire d’histoire des religions au collège de France, pense que « le Christianisme est le plus grand, le plus bel arbre de la forêt, mais enfin, il est dans la forêt et il est un arbre »38. Réville dit par ailleurs : « Il y a d’autres sortes de partis pris qui aveuglent dès l’origine, et qui sont du ressort de la disposition morale. Tel est l’a priori des hommes qui n’étudient l’histoire religieuse qu’avec l’idée préconçue de donner raison à l’une ou à l’autre des formes de religion qui se partagent l’humanité à l’heure actuelle. Il en est un autre, de tendance absolument opposée, non moins aveuglant. C’est l’a priori des hommes animés d’une haine secrète contre tout ce qui s’appelle religion, et qui n’y voient qu’une aberration prolongée de l’esprit humain »39. Réville croit en la capacité du christianisme à inclure d’autres religions : « Le christianisme, en absorbant ainsi le polythéisme, et tout en communiquant une vie nouvelle à l’ancien monde, perdit en pureté et en spiritualité sous l’influence des idées païennes »40. Pour Réville, tous les peuples ont toujours professé une religion quelconque ; ils ont toujours cru qu’au-dessus des apparences premières des choses se trouvait un être ou des êtres supérieurs à l’homme dont celui-ci dépendait et qu’il se sentait porté à vénérer. Réville en conclut que l’origine de la religion est la nature elle-même de l’esprit humain, chez qui la contemplation de l’univers éveille une disposition religieuse dont il apporte le germe avec lui41. Le sacrifice, selon Réville, se rapproche toujours davantage de l’homme lui-même. Du sacrifice végétal, certains évoluent en préférant le sacrifice animal, puis le sacrifice humain, parfois jusqu’à l’immolation des enfants, considérée comme le plus grand sacrifice auquel l’homme puisse se résoudre. L’idée de Dieu devient ainsi toujours plus spirituelle et absolue : l’homme réalise d’un côté que Dieu n’a besoin de rien et qu’il ne peut proprement rien donner à Dieu ; de l’autre, le seul vrai sacrifice est celui de ses désirs contraires à la volonté de Dieu. « C’est ainsi que, dans la pure religion évangélique, le sacrifice a été aboli quant à sa forme irrationnelle et conservé quant à sa substance, savoir la consécration de soi-même à Dieu par l’obéissance »42. Réville pense trouver une progression de la révélation divine et de l’idée de Dieu qui devient de plus en plus morale et personnelle, atteignant son accomplissement dans le Christ.
- 43 B. Reymond, « Ménégoz, Bultmann, Tillich : Réflexions sur trois étapes modernes du fidéisme protes (...)
- 44 E. Menegoz, Réflexions sur l’Évangile du salut, Paris, Sandoz et Fischbacher, 1879, § XXXVIII, p. (...)
16Vers la fin du XIXe siècle, le débat se déplace peu à peu vers la question de l’articulation entre doctrine et expérience religieuse. Pour les uns (les symbolo-fidéistes de la Faculté de théologie protestante de Paris, par exemple), la doctrine exprime notre manière de croire et n’a donc qu’une valeur relative ; seule l’expérience religieuse est décisive, et la théologie ne fait qu’analyser, interpréter et décrire l’expérience religieuse. Eugène Ménégoz, l’un des fondateurs du symbolo-fidéisme de l’école de Paris, fait un parallèle entre l’affirmation du Christ « le salut par foi », celle de Paul « le salut par la foi, sans les œuvres de la loi », celle de Luther « le salut par la foi, et non par les bonnes œuvres » et celle du fidéisme « le salut par foi, indépendamment des croyances ». La dernière affirmation peut être reformulée ainsi : « le salut par la foi, et non par les croyances »43. Ménégoz estime que certains docteurs « confondent, sous le terme de foi, deux choses bien distinctes : la consécration du cœur à Dieu, et l’adhésion de l’esprit à la vérité révélée ; ils confondent la foi et la croyance, et ils arrivent ainsi à substituer au dogme du salut par foi seule, le dogme du salut par la foi et par les croyances »44. En face des symbolo-fidéistes, d’autres (les protestants évangéliques dits orthodoxes) soutiennent que la doctrine définit ce qu’il faut croire, et la théologie détermine, structure et juge l’expérience religieuse.
La position d’Henri Bois
- 45 DLCR, p. 32-33. Il dit aussi : « La variation du langage entraîne la variation de la pensée, de mê (...)
17Henri Bois part de la position des protestants orthodoxes en la modifiant : doctrine et expérience sont, pour lui, indissociables sans qu’on puisse établir une prévalence de l’une sur l’autre ; la doctrine se trouve avant, pendant et après l’expérience religieuse non pour juger celle-ci mais plutôt pour être reformulée à sa lumière ; et inversement, l’expérience religieuse se trouve avant, pendant et après la doctrine. Il dit : « la vérité complète pour un homme religieux donné me semble résumée dans ces deux formules qu’il faut ensemble maintenir : 1° La doctrine avant, dans et après la vie. 2° La vie avant, dans et après la doctrine »45.
18Dans son livre De la connaissance religieuse, datant de 1894, Henri Bois reprend la théorie de la révélation étagée de Calvin, et la confronte au néocriticisme qui lui permet d’affirmer la personnalité de Dieu et son anthropomorphisme et lui fournit aussi un critère d’évaluation applicable à toute religion : le degré d’accomplissement de l’idéal moral et religieux dans la religion. De ce critère dépend la valeur morale et religieuse des expériences que la religion est capable de susciter. La conscience morale étant universelle, ce critère va également déterminer l’universalité de la religion analysée.
- 46 DLCR p. 119.
- 47 DLCR p. 119.
- 48 DLCR p. 119.
19Dès 1894, dans un écrit programmatique, Henri Bois présente son projet d’étude comparative des religions en suggérant que, pour étudier la religion, « il faudra d’abord la définir. C’est alors qu’on prendra pour sujet d’étude les hommes religieux actuels ; nous disions plus haut : les chrétiens »46. Afin de donner plus d’ampleur à la recherche, il se propose de « joindre au christianisme les deux grandes religions du mahométisme et du bouddhisme »47. Ne cachant pas sa visée apologétique, il souhaite « les étudier toutes les trois en elles-mêmes et en les comparant mutuellement pour arriver à définir l’essence de la religion. Cette étude, faite au point de vue et sous le contrôle de la théorie acquise de la connaissance religieuse, aura pour résultats d’une part de définir l’essence de la religion, union de l’être tout entier avec Dieu et réalisation pour l’homme de son idéal moral, et, d’autre part, de montrer que c’est le christianisme qui réalise le mieux l’idée de la vraie religion »48.
- 49 DLCR p. 250-252.
- 50 DLCR p. 252.
20À cette étape de l’évolution de sa pensée, Henri Bois reprend la thèse protestante orthodoxe de la rupture causée par le péché d’Adam et Ève en affirmant que la conscience, même dans cet état de déchéance, continue à révéler à l’homme qu’il est impuissant pour se relever par lui-même et que Dieu combat dans toute l’humanité l’influence du mal par l’influence du bien. C’est pourquoi tout n’est pas faux dans toute religion. En plus de cette révélation générale, Dieu révèle spécialement au peuple d’Israël autre chose et davantage que ce qu’il révèle ailleurs. Cette révélation spéciale atteint son apogée en Jésus-Christ, qui accomplit l’idéal moral et religieux49. L’accomplissement parfait de l’idéal moral en Jésus de Nazareth entraîne, selon Henri Bois, la valeur absolue du christianisme. La révélation en Jésus-Christ, dit-il, « est le critère et le juge des autres révélations tout individuelles et spéciales »50. L’accomplissement de l’idéal moral lui sert de critère pour évaluer toute religion.
- 51 H. Bois, « Le pessimisme de Hartmann », Cours, notes, lettres et papiers manuscrits Boîte I, IPT M (...)
- 52 LVER, p. 162.
- 53 Ibid. Ailleurs, dans La personne et l’œuvre de Jésus, Paris, Foi et Vie, 1917 (Orthez, 1905), p. 3 (...)
- 54 Report of Commission IV. World Missionary Conference, 1910, Edimburgh and London, Oliphant, Anders (...)
- 55 Le premier discours fait lors de la Conférence Missionnaire Mondiale d’Édimbourg par Lord Balfour, (...)
- 56 Cf. J.-Fr. Zorn, La Missiologie, Genève, Labor et Fides, 2004, p. 59ss.
21En 1906, Henri Bois applique ses critères d’évaluation aux religions de l’Inde, dans un cours intitulé « Le pessimisme ancien et moderne » où il étudie également la philosophie de Hartmann. Faute d’avoir une incarnation parfaite de l’idéal moral, toute religion devrait logiquement, selon Henri Bois, sombrer dans le pessimisme. Il conclut son analyse de la pensée de Hartmann en affirmant que, par ses erreurs et par ses vérités, elle « nous apparaît à bien des égards, quoique contre l’intention de son auteur, comme une puissante apologie du Christianisme »51. En effet, là où cet idéal moral et religieux se réalise et s’accomplit de manière parfaite, la révélation idéale peut être atteinte. Par une obéissance à la volonté de Dieu et par une union constante avec son Esprit, Jésus a réalisé le type même de l’expérience religieuse normale et parfaite »52. Si bien que son obéissance « marque le terme d’une éducation séculaire, l’aboutissement d’un plan longuement et patiemment poursuivi »53. À la conférence missionnaire mondiale d’Édimbourg en 1910, ces propos d’Henri Bois se retrouvent, à peu de chose près, dans les conclusions de la commission IV, qui réfléchit sur l’attitude à adopter vis-à-vis des religions non chrétiennes54. La conférence missionnaire d’Édimbourg est convaincue de la valeur presque sans limite du christianisme, et de la civilisation occidentale qui l’accompagne, et pense que le progrès qui en résulte pourra améliorer la condition de vie tant matérielle que spirituelle partout dans le monde55. La Première Guerre mondiale commencera à relativiser cette certitude, mais il faudra attendre la conférence missionnaire de Whitby, au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, pour qu’un profond changement d’approche de la mission se mette en place56.
- 57 Cf. « La valeur absolue du christianisme », Le Semeur (FFACE), 24ème année, n° 4 et 5, février-mar (...)
- 58 Cf. par exemple LDS2 p. 21 ; ou encore H. Bois, « Lettre d’Henri Bois à son fils G. » 12 avril 191 (...)
- 59 LVER, p. 69.
22En 1922, Henri Bois ne mentionne plus le péché d’Adam et Ève qui entraîne l’exclusion des autres religions, mais insiste davantage sur la perfection morale du Christ qui fait que le christianisme possède une puissance d’assimilation susceptible de les inclure. Les religions, sont considérées comme des pédagogues qui conduisent au Christ, tant par leurs vérités que par leurs erreurs57. À partir de 1915 environ, les lettres de direction spirituelle qu’Henri Bois écrit aux étudiants montrent une évolution importante dans sa christologie, désormais dépouillée de tout détail jugé inutile et concentrée essentiellement sur la personnalité morale idéale du Christ58. La conversion, à laquelle la mission chrétienne invite toute personne, selon Henri Bois, consiste alors à accepter la rencontre et l’influence d’une telle personnalité morale et spirituelle unique. Le temps, catégorie de l’esprit, a besoin, selon Henri Bois, d’être dépouillé des concepts spatiaux afin d’accéder à une connaissance vraie, “par le dedans”, qui saisirait les faits spirituels « dans leur être même au lieu de les prendre une fois revêtus des symboles spatiaux qui les cachent et qui les faussent »59. Il s’agirait d’une connaissance profonde qui creuse en dessous de l’espace et du temps spatialisé. Henri Bois adopte ainsi une position intermédiaire entre celle des protestants libéraux et celle des protestants évangéliques.
- 60 LVAC, p. 361. L’idée de l’existence de « Christs anonymes » présents dans des religions non chréti (...)
23Certains contemporains d’Henri Bois, notamment ceux qui sont proches de la Société des Missions de Paris, ont jugé excessives son ouverture aux religions non chrétiennes. En fait, Henri Bois propose un changement notable par rapport à l’attitude chrétienne de son milieu vis-à-vis des autres religions, du fait de l’influence durable du néocriticisme sur sa pensée, mais aussi par ses riches correspondances avec les étudiants du monde entier et par ses rencontres lors de voyages à l’étranger. Parmi ses propos marqués par l’esprit d’ouverture, citons ce passage de sa conférence de Bordeaux en 1922 : « Dieu est à l’œuvre partout, dans le monde […]. Avant d’être à l’œuvre dans le Christ, Dieu était à l’œuvre dans bien des membres de l’humanité qui auraient pu devenir des Christs s’ils étaient allés jusqu’au bout dans la voie de la sainteté et de l’obéissance »60.
- 61 Cf. LVAC p. 360.
- 62 Cf. LVAC p. 363.
- 63 Cf. LVAC p. 362.
- 64 LVAC p. 363.
24Pourtant, Henri Bois n’entend pas renoncer à l’exigence d’une mission visant à la conversion des non chrétiens. À ceux de ses coreligionnaires libéraux qui estiment la mission inutile en raison du caractère relatif de toute vérité religieuse, Henri Bois oppose les paroles du Jésus johannique : « Je suis la vérité » (Jn.14,6)61, et du Jésus matthéen : « Je suis venu non pour abolir mais pour accomplir » (Mat.5,17)62. Elles signifient, dans son interprétation, que les religions non chrétiennes trouvent leur accomplissement dans la vérité du christianisme. Henri Bois ne dit pas que toutes les religions sont fausses mise à part la religion chrétienne. Toutefois, ce que Dieu a commencé ailleurs, il a pu l’accomplir uniquement en Jésus le Christ63, si bien que le christianisme peut « absorber toutes les parties de vérité qu’il ne possèderait pas explicitement ou implicitement. La puissance vivante qui est capable d’utiliser tous les efforts religieux de l’humanité et de les faire tourner à son véritable bien, au triomphe de la vérité et de la sainteté et de Dieu, c’est le Christ ! »64.
25Au terme de ce rapide aperçu de la pensée d’Henri Bois, nous retenons la manière avec laquelle sa théologie chrétienne des religions non chrétiennes, articulée à sa philosophie néocriticiste, est transformée par ses expériences au contact d’autres religions, que ce soit par son analyse des Congrès des religions, par ses cours sur les Religions de l’Inde et le Bouddhisme ou par sa rencontre personnelle avec les bouddhistes sur l’Île d’Hokkaido. La dernière étape de sa pensée concerne la capacité du christianisme à se convertir : le christianisme qu’il entend présenter possède une identité, une vitalité, une puissance d’assimilation et de croissance telle qu’il est capable d’inclure toute vérité révélée ailleurs par l’intermédiaire de personnalités qui auraient pu devenir des Christs.
Notes
1 « La Société des Missions évangéliques chez les peuples non chrétiens établie à Paris aux chrétiens évangéliques de France », Paris, 2 décembre 1822.
2 H. Bois, « Une leçon d’ouverture », Critique philosophique, 1888, t. II, p. 436. La ponctuation est dans le texte.
3 H. Bois, “Observations préliminaires à la théorie de la connaissance”, Cours, notes, lettres et papiers manuscrits Boîte XVI-1 (17-18 déc. 1895 et 6 jan. 1896), IPT Montpellier, p. 15.
4 H. Bois, De la connaissance religieuse, Paris, Fischbacher, 1894, désormais DLCR p. 118.
5 H. Bois, « Kant et le néocriticisme », Cours, notes, lettres et papiers manuscrits Boîte I (1901), p. 6.
6 H. Bois, Le sentiment religieux, Paris, Fischbacher, 1902, p. 17. Par ailleurs, Henri Bois refuse d’assimiler le sentiment religieux au sentiment moral (p. 26). Les deux sentiments seraient identiques si l’on disait que l’obligation, c’est Dieu en nous, agissant de manière constante, prévisible et immuable, ce qui n’est pas le cas selon Henri Bois. Le sentiment religieux couvre un champ beaucoup plus vaste par rapport au sentiment moral : « Qui dit religion, dit autre chose et plus qu'obligation, il dit surnaturel moral » (p. 21). “Surnaturel” signifie ici action libre et personnelle de Dieu.
7 H. Bois, Le sentiment religieux, op. cit., p. 19.
8 Cf. H. Bois, La valeur de l’expérience religieuse, Paris, Noury, 1908 (1906), désormais LVER p. 153 et 162.
9 H. Bois, “Morale et religion”, Revue de Théologie et des Questions Religieuses, Montauban, 1905, désormais Mor&Rel, p. 225.
10 Mor&Rel, p. 225.
11 Mor&Rel p. 225-226.
12 Cf. l’analyse qu’Henri Bois fait d’un article d’Émile Durkheim (cf. É. Durkheim, « De la définition des phénomènes religieux », L’Année sociologique, 1899, Paris : « Les phénomènes religieux consistent, d’après lui [Durkheim], en croyances et en pratiques obligatoires. Or tout ce qui est obligatoire est d’origine sociale. Car une obligation implique un commandement, par conséquent une autorité qui commande. Et si l’on s’interdit, comme on le doit, de dépasser le domaine de l’expérience, le seul être pensant qui soit plus grand que l’homme, c’est la société. C’est donc elle qui prescrit au fidèle les dogmes qu’il doit croire et les rites qu’il doit observer. » (Le sentiment religieux, op. cit., p. 23) Or, selon Henri Bois, « l’histoire nous révèle l’initiative d’une conscience individuelle et l’action de cette conscience sur les autres à l’origine de toute nouvelle religion. […] Les prophètes, les apôtres, les Réformateurs sont des créateurs sociaux bien plus que des produits sociaux. » (Le sentiment religieux, op. cit., p. 24).
13 Mor&Rel, p. 220. Par ailleurs, certains points de la pensée d’Henri Bois sont comparables à celle de Troeltsch. Cf. par exemple le personnalisme de Troeltsch dans E. Troeltsch, Die Absolutheit des Christentums und die Religionsgeschichte, Mohr, Tübingen und Leipzig, 1902, p. 97 (nous nous référons à la traduction qu’en propose Rosino Gibellini dans Panorama de la théologie au 20e s., Paris, Cerf, 1994, p. 15, qui insiste davantage sur le caractère personnel de Dieu que ne le fait celle proposée par Jean-Marc TÉTAZ dans Œuvres III, Paris-Genève, Cerf-Labor et Fides, 1996, p. 143). Henri Bois ne cite pas Troeltsch et ne l’a visiblement pas lu. Pourtant, il lisait très bien l’allemand, et leurs théologies des religions ont un certain nombre de points communs.
14 Henri Bois se reconnaît plus proche de François Pillon que de Charles Renouvier sur bien des points.
15 H. Bois, Lettres de direction spirituelle, Tome 2, Neuilly, La Cause, 1931, désormais LDS2, p. 27.
16 Cf. aussi BOIS Henri, Le dogme grec et l’essence du christianisme, Paris, Fischbacher, 1893, désormais LDG p. 122-123. Dans LVER p. 150, Henri Bois critique une “pensée panthéiste de l’histoire religieuse” ou encore l’idée d’une évolution de l’histoire des religions par simple valeur cumulative (LVER p. 178-179).
17 LVER p. 80-81.
18 DLCR p. 182.
19 L’éclectisme de Victor Cousin ou de Michel Nicolas au 19e s. propose une description historique des religions orientales, mais cela n’a pas suscité d’analyse philosophique par la suite, peut-être parce que l’éclectisme se veut être le terme qui explique l’ensemble de l’histoire de la philosophie. Henri Bois est assez critique vis-à-vis de l’éclectisme tout en en étant tributaire, peut-être inconsciemment : « Il attire à soi la vérité totale pour s'en nourrir, et si l'on cherche quelque part, non pas les abstractions capables de fournir je ne sais quel éclectisme ou quel syncrétisme superficiel et mort, mais la puissance vivante » (LVAC p. 364). Cf. RICOEUR Paul, Histoire et vérité, Paris, Seuil, 1967 (1955), p. 53.
20 Cité par H. Bois, « Études sur le Congrès des Religions », Cours et manuscrits, op. cit., p. 101.
21 Ibid. p. 104.
22 Ibid. p. 20.
23 Mircea Eliade pense que la rencontre avec le bouddhisme au Japon aurait converti la théologie des religions de Paul Tillich. Cf. M. Eliade, « Paul Tillich and the History of Religions », dans Jerald C. BRAUER (éd), The Future of Religions, New York, Harper & Row, 1966, p. 33-5, cité par Marc Boss, « Tillich in dialogue with Japanese Buddhism », in Russel Re Manning (ed.), The Cambridge Companion to Paul Tillich, Cambridge, Cambridge University Press, 2008.
24 L’intérêt qu’Henri Bois porte aux religions et aux philosophies de l’Inde détonne par rapport à la tendance générale de la réflexion philosophique du 20e s., si l’on en croit Roger-Pol Droit, dans son livre L’oubli de l’Inde : « aucune grande problématique philosophique, au 20e s., ne la [l’Inde] prend réellement en considération, fût-ce de manière critique » (DROIT Roger-Pol, L’oubli de l’Inde, Paris, PUF, 1989, p. 16).
25 Cf. A. Arnal, La pensée religieuse du doyen Bois, Montpellier, Dubois & Poulain, 1925, p. 62.
26 Cf. par exemple A. Encrevé, Protestants français au milieu du XIXe siècle, Genève, Labor et Fides, 1986, p. 101.
27 Les divergences portent principalement sur la question de la mission, les méthodes critiques philologiques et historiques dans l’étude de la Bible, la place plus ou moins importante accordée à l’émotion et à l’affectivité, en lien avec la mentalité du romantisme, la manière de définir qui est membre de l’Église, la laïcité et la séparation entre l’Église et l’État, la manière de comprendre la théorie de la connaissance.
28 Cf. J.-M. Mayeur et A. Encrevé, Les protestants, vol. 5 de Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, Paris, Beauchesne, 1993, p. 393ss.
29 E. Pressensé (de), Jésus-Christ, son temps, sa vie, son œuvre, Paris, Meyrueis, 1866, p. 39.
30 Ibid. p. 44.
31 Ibid. p. 44.
32 Ibid. p. 44.
33 Ibid. p. 40.
34 Ibid. p. 46.
35 Cf. ibid. p. 61.
36 Ibid. p. 65. La position de l’orthodoxie réformée, qui exclut toute possibilité de salut dans les religions non-chrétiennes, évolue au fil du temps pour aboutir, lors de la Conférence missionnaire mondiale de 1910 à Édimbourg, à une volonté d’inclure toutes les religions dans le christianisme. Cf. J.-Fr. Zorn et al., La conférence missionnaire mondiale Édimbourg 1910, Paris, Karthala éditions, 2010.
37 Cf. J.-M. Mayeur et A. Encrevé, Les protestants, op. cit., p. 412ss.
38 Cité par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, Le christianisme et le bouddhisme : trois lettres adressées à M. L’Abbé Deschamps vicaire général de Chalons, Chalons, T. Martin, 1880, p. VI.
39 A. Réville, Prolégomènes de l’histoire des religions, Paris, Fischbacher, 1881, p. 87-88.
40 A. Réville, Manuel d’instruction religieuse, Paris, Librairie de la Suisse romande, 1866² (1863), p. 120.
41 A. Réville, Manuel d’instruction religieuse, Paris, Librairie de la Suisse romande, 1866² (1863), p. 11.
42 Ibid. p. 14.
43 B. Reymond, « Ménégoz, Bultmann, Tillich : Réflexions sur trois étapes modernes du fidéisme protestant », Sciences religieuses 8/2, 1979, p. 153.
44 E. Menegoz, Réflexions sur l’Évangile du salut, Paris, Sandoz et Fischbacher, 1879, § XXXVIII, p. 38.
45 DLCR, p. 32-33. Il dit aussi : « La variation du langage entraîne la variation de la pensée, de même que celle-ci peut entraîner celle-là. » (p. 20).
46 DLCR p. 119.
47 DLCR p. 119.
48 DLCR p. 119.
49 DLCR p. 250-252.
50 DLCR p. 252.
51 H. Bois, « Le pessimisme de Hartmann », Cours, notes, lettres et papiers manuscrits Boîte I, IPT Montpellier, p. 72.
52 LVER, p. 162.
53 Ibid. Ailleurs, dans La personne et l’œuvre de Jésus, Paris, Foi et Vie, 1917 (Orthez, 1905), p. 31, il dit : « L’originalité et l’essence du christianisme, c’est la personne du Christ. »
54 Report of Commission IV. World Missionary Conference, 1910, Edimburgh and London, Oliphant, Anderson & Ferrier, p. 267-268.
55 Le premier discours fait lors de la Conférence Missionnaire Mondiale d’Édimbourg par Lord Balfour, qui vient de quitter ses fonctions de premier ministre britannique, le montre assez bien : « Les nations de l’Orient sont en train de s’éveiller. Elles ont deux aspirations : elles recherchent les lumières et la liberté. Seul parmi toutes les religions, le christianisme est capable de rencontrer ces besoins à leur plus haut niveau. Il ne saurait y avoir de christianisme sans liberté, et la liberté est pleine de dangers sans le cadre que les idéaux chrétiens lui fournissent. Il y a dans le christianisme une force qu’on ne rencontre dans aucune autre religion, capable d’élever l’homme et de l’ennoblir, et cela parce qu’il a ses racines et son fondement dans le don de soi et dans l’amour » (Lord Balfour cité dans History and Records of Edinburgh Conférence, London, Oliphant, 1919, p. 145, traduction de Jean-François Zorn dans un cours intitulé L’altérité religieuse, un défi pour la mission chrétienne, “Cours n° 2 : La Conférence universelle des missions d’Edimbourg (1910)”, IPT Montpellier, 2008-2009).
56 Cf. J.-Fr. Zorn, La Missiologie, Genève, Labor et Fides, 2004, p. 59ss.
57 Cf. « La valeur absolue du christianisme », Le Semeur (FFACE), 24ème année, n° 4 et 5, février-mars 1922, désormais LVAC p. 363-364.
58 Cf. par exemple LDS2 p. 21 ; ou encore H. Bois, « Lettre d’Henri Bois à son fils G. » 12 avril 1916, Évangile et liberté, décembre 1968.
59 LVER, p. 69.
60 LVAC, p. 361. L’idée de l’existence de « Christs anonymes » présents dans des religions non chrétiennes sont aussi proposées, plus tard, par des théologiens catholiques comme Karl Rahner ou Raymond Panikkar (cf. Le Christ et l’Hindouisme : une présence cachée, Paris, Centurion, 1972 (The Unknown Christ of Hinduism, Londres, Darton, Longman and Todd, 1964), p. 11-12, cité par Jacques Dupuis, dans La rencontre du christianisme et des religions, Paris, Cerf, 2002, p. 93 : « Il y a une Présence vivante du Christ dans l’hindouisme. […] Le Christ n’est pas seulement à la fin, il est au commencement. […] Le Christ n’est pas seulement le but ontologique que poursuit l’hindouisme ; il en est aussi le véritable inspirateur, et sa grâce est la force conductrice, quoique cachée, qui pousse l’hindouisme vers la plénitude de sa découverte »).
61 Cf. LVAC p. 360.
62 Cf. LVAC p. 363.
63 Cf. LVAC p. 362.
64 LVAC p. 363.
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Référence électronique
Mino Randriamanantena, « Le néocriticisme d’Henri Bois et ses conséquences missiologiques », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [En ligne], Numéro spécial | 2011, mis en ligne le 07 février 2011, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cerri/740 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cerri.740
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