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Lectures critiques

Sylvio Hermann De Franceschi, Daniel-Odon Hurel, Brigitte Tambrun (dir.), Le Dieu Un : Problèmes et méthodes d’histoire des monothéismes. Cinquante ans de recherches françaises (1970-2020)

Jérôme Lagouanère
Référence(s) :

Turnhout, Brepols, « Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences Religieuses » 194, Série « Histoire et prosopographie » 16, 2022, 912 pages

Texte intégral

1Le Laboratoire d’Études sur les Monothéismes (LEM, UMR 8584), qui a succédé à partir de 1998 au Centre d’Études des Religions du Livre (CERL) créé en 1970, constitue une institution à part dans le paysage de la recherche française par son objet d’étude, l’étude des trois monothéismes, et par sa méthodologie, un travail collectif qui met en relation philologues, philosophes et historiens. De fait, les actes du colloque qui s’est tenu les 12 et 13 octobre 2020 sur le Campus Condorcet pour fêter les cinquante ans de la fondation du CERL non seulement nous donnent à lire un bilan méthodologique et prosopographique de la recherche française en sciences religieuses, mais, plus encore, nous invitent à réfléchir sur les enjeux méthodologiques et institutionnels des sciences religieuses dans un paysage de la recherche internationale en constantes évolutions.

2Ces actes s’ouvrent sur une préface de Michel Tardieu (« Un laboratoire pas comme les autres », p. 5-21), qui fut directeur du CERL de 1984 à 1991, qui évoquent ses souvenirs hauts en couleurs, mais aussi comment, dès sa création, le CERL tire ses racines de ses liens avec la Ve section de l’EPHE à travers les figures d’Henry Corbin, d’Henri-Charles Puech, d’Alexandre Kojève, mais aussi de Raymond Queneau. C’est dire assez combien la naissance et le développement du CERL ont partie liée avec l’effervescence intellectuelle française autant qu’avec les évolutions institutionnelles de la recherche française et internationale. De fait, dans deux riches et denses articles, Sylvio Hermann de Franceschi, actuel directeur du LEM, mène une réflexion historique, philosophique et méthodologique qui interroge le fondement même la démarche du CERL. Dans le premier (« Histoire de la philosophie et sciences des religions. Les origines intellectuelles du CERL et le moment philosophique des années 1930 : Étienne Gilson, Alexandre Koyré et Jean Baruzi », p. 45-100), il s’attache à l’étude de l’archéologie des paradigmes qui ont conduit à la fondation du CERL. Il montre ainsi que l’importance qu’Henry Corbin a accordé à la mystique et à l’ésotérisme traduit la triple influence d’Étienne Gilson, Alexandre Koyré et Jean Baruzi en même temps que sa méthodologie d’historien des religions peut se comprendre à la confluence de l’approche gilsonienne et de la méthode baruzienne. De fait, d’emblée, l’étude des monothéismes, ici l’étude de la mystique et de l’ésotérisme, appelle à un questionnement méthodologique qu’il s’agisse du rapport du chercheur à son objet, de l’importance à accorder aux sources, aux lexiques, ou au cadre historiographique. C’est ce que montre très finement le second article (« Des Religions du Livre aux Monothéismes. Changement de paradigmes et continuités scientifiques dans un laboratoire de sciences religieuses (1970-2020) », p. 101-141). Le passage du CERL au LEM, comme le montrent parfaitement ces pages, n’obéit pas seulement aux contraintes institutionnelles induites par les profondes mutations du monde de la recherche en Europe à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Plus profondément, il traduit une évolution du paradigme à travers lequel le fait monothéiste est compris. La création du CERL reposait en effet sur le paradigme herméneutique qui devait beaucoup à Henry Corbin pour qui l’étude comparée des trois monothéismes se fondait d’abord sur l’étude de leurs exégèses. Ce paradigme herméneutique s’ouvrait à une philosophie des religions, au centre des convictions méthodologiques de Paul Vignaux, comme le note le rapport d’activité de 1972 :

« Toutes ces études, à base philologique et exégétique, ont permis d’aborder de front les grands thèmes de spéculation philosophique sur la cosmologie : éternité du monde, création ex nihilo, conçue parfois comme émanation éternelle, théorie de la double création, une création d’être intelligents précédant celle du monde » (cité p. 125).

3Cette articulation entre exégèse et philosophie s’incarne de fait dans les deux premières publications collectives du CERL consacrée, pour l’une, à l’étude des premiers versets de la Genèse (In principio. Interprétations des premiers versets de la Genèse : Paris, Collection des Études Augustiniennes, « Série Antiquité » 51, 1973) ; pour l’autre, à la ‘métaphysique de l’Exode’, ou plutôt à son dépassement (Dieu et l’Être. Exégèses d'Exode 3, 14 et de Coran 20, 11-24 : Paris, Collection des Études Augustiniennes, « Série Antiquité » 78, 1978).

4Cependant, l’évolution du laboratoire, où, progressivement, historiens et philologues viennent à l’emporter en nombre sur les philosophes, amène à un changement de centre de gravité scientifique de la philosophie à l’histoire. D’autre part, le concept de « Religions du Livre », qui traduit l’influence d’Henry Corbin, vient à être remis en cause dans les années 1990 au profit du concept de monothéisme. Enfin, les évolutions institutionnelles, consécutives à la fois aux évolutions des politiques de recherche (rattachement en 1992 à la section 32 du CNRS « Mondes anciens et médiévaux »), mais aussi au rattachement de nouvelles institutions (rattachement de la Nouvelle Gallia Judaica en 1995, dont les locaux s’installèrent de 2003 à 2014 à Montpellier grâce à Danièle Iancu-Angu, avant de revenir à Villejuif, puis sur le campus Condorcet à Aubervillers ; rattachement de l’Institut d’Études Augustiniennes en 2002 ; rattachement du CERCOR en 2007), amenèrent à une refonte structurelle du laboratoire menée par Philippe Hoffmann qui fut directeur du CERL, puis de LEM de 1998 à 2009.

5La première partie de ces actes est consacrée aux fondateurs du CERL (« Origines et maîtres fondateurs »). Pierre Lory propose ainsi une étude importante sur la figure d’Henry Corbin (« Henry Corbin, entre philosophie et science des religions », p. 145-165). Il montre ainsi que le projet scientifique corbinien est en gestation dès les années 1930 avant de se définir comme une démarche phénoménologique fondée sur une véritable sympathie épistémologique à l’égard des auteurs traités et que l’on retrouve dans ses travaux sur la sagesse islamique. Irène Caiazzo s’intéresse à la figure de Paul Vignaux, qui fut le premier directeur du CERL (« Paul Vignaux, un médiéviste militant », p. 167-178), et montre comment toute sa réflexion épistémologique se construit en réaction à l’épistémologie d’Étienne Gilson, dont il fut pourtant l’élève. En outre, faut-il le rappeler, Paul Vignaux joua un rôle important dans l’histoire du syndicalisme français puisqu’il fut à l’origine de la création du SGEN en 1937 et participa à la création de la CFDT à la suite de la scission au sein de la CFTC. Le troisième fondateur du CERL est Georges Vajda auquel Paul B. Fenton consacre son article (« La contribution de Georges Vajda à l’étude de la mystique juive », p. 179-203). Il souligne comment Georges Vajda fut, avec Gershom Scholem, un acteur essentiel du renouvellement des études consacrées à la Kabbale au xxe s., et l’influence jouée par les cours de Louis Massignon ou d’Étienne Gilson dans sa réflexion méthodologique. Une dernière contribution de Sylvio Hermann de Franceschi (« Le Centre d’Études des Religions du Livre : l’esprit de l’institution. Genèse de l’identité scientifique d’une équipe de recherche en sciences humaines des années 1970 aux années 1980 », p. 205-295) s’attache enfin à montrer la progressive consolidation du laboratoire dans les années 1970, laquelle repose sur une place importante accordée au comparatisme.

6La deuxième partie de l’ouvrage interroge, quant à elle, le concept même de monothéisme (« Perspectives sur les monothéismes »). Philippe Portier mène ainsi une réflexion globale sur la place et l’enjeu de l’étude des monothéismes dans le débat public contemporain, en montrant, d’une part, son développement dans la recherche française soutenu par les pouvoirs publics ; d’autre part, son rôle dans le débat public au sein des démocraties occidentales (« Les monothéismes dans le débat démocratique. Une exploration des propositions contemporaines », p. 299-322). Claire Soussen, pour sa part, décrit comment le CERL, puis le LEM ont su fédérer deux approches mais complémentaires de l’étude du judaïsme : d’une part, une approche érudite illustrée par les travaux de Georges Vajda et de Charles Touati qui relève de l’histoire culturelle et dont les objets d’étude sont la mystique, la philosophie, l’histoire des sciences ; d’autre part, une approche illustrée par Bernhard Blumenkranz qui relève de l’histoire sociale, qui a pour ambition, à partir de sources très variées, d’étudier la science juive de manière décloisonnée à l’intérieur de la société globale (« Les études juives au CERL puis au LEM. Entre histoire culturelle et histoire sociale », p. 323-343). Mathieu Terrier, quant à lui, s’intéresse à la recherche islamologique menée au CERL, puis au LEM (« Les origines du Coran entre herméneutique et histoire. Aperçu sur cinquante ans de recherches islamologiques au CERL/LEM », p. 345-369). Il met notamment en évidence, d’une part, que la question des origines du Coran constitue un élément de continuité dans les recherches islamologiques menées au CERL, puis au LEM ; d’autre part, que deux approches méthodologiques différentes se sont succédé : d’abord l’approche herméneutique et phénoménologique d’Henry Corbin ; ensuite, l’approche historico-critique illustrée notamment par les travaux de Mohammad Ali Amir-Moezzi. Dans son article (« Gnose et manichéisme au CERL et au LEM », p. 371-411), Anna Van den Kerchove met à jour l’importance du CERL, puis du LEM dans le développement des connaissances scientifiques sur la gnose et sur le manichéisme grâce notamment aux travaux fondamentaux de Michel Tardieu, puis de Jean-Daniel Dubois. La question de la mystique est un objet fondamental dans les travaux des trois fondateurs du CERL, Henry Corbin, Paul Vignaux et Georges Vajda et constitue de fait un élément central de l’identité scientifique du laboratoire. Cependant, l’objet scientifique de la mystique pose de redoutables problèmes définitoires et épistémologiques qui peuvent sans doute expliquer sa progressive dissolution dans les programmes collectifs du laboratoire, comme l’analyse Simon Icard dans sa contribution (« La mystique au CERL et au LEM », p. 413-433). Enfin, Jean-Pierre Brach montre comment Antoine Faivre, qui fut très vite membre statutaire du laboratoire, fonda véritablement une nouvelle discipline académique, l’histoire des courants ésotériques, en s’interrogeant sur les critères dont la présence combinée permettait de désigner comme ésotérique telle ou telle doctrine (« L’histoire des courants ésotériques. La naissance d’une spécialité ? », p. 435-451).

7La troisième partie de ces actes propose, pour sa part, un état des recherches menées sur les origines du christianisme et en patristique au CERL, puis au LEM. Pierluigi Piovanelli propose ainsi un bilan des études sur les origines du christianisme qui met en valeur l’importance des travaux de Pierre Geoltrain, de Simon-Claude Mimouni et de Pierluigi Piovanelli, tout en en soulignant les évolutions épistémologiques (« De la sémiotique au néo-historicisme. Le chantier des origines du christianisme à l’EPHE, au CANAL et au CERL/LEM (1972-2017) », p. 455-467). De fait, si les travaux de Pierre Geoltrain traduisent une influence de la sémantique structurale d’Algirdas Julien Greimas et de l’anthropologie, ceux de Simon-Claude Mimouni, centrés sur l’histoire des communautés judéo-chrétiennes nazoréennes de Palestine et de Jérusalem, et ceux de Pierluigi Piovanelli, centrés sur la figure du Christ historique, traduisent une inflexion néo-historiciste dans l’étude des origines du christianisme. Pour leur part, Anne-Catherine Baudoin et Jean-Daniel Dubois montrent, dans leur contribution (« Des ‘Apocryphes du Nouveau Testament’ aux ‘Apocryphes chrétiens anciens’ », p. 469-489), comment, à l’initiative de chercheurs de Suisse romande et de membres du CERL, ont été repensés les fondements des nouvelles éditions des textes apocryphes chrétiens, et comment cette réflexion a abouti à redéfinir à nouveaux frais les concepts même d’apocryphe et d’apocryphité. Florence Jullien, pour sa part, s’intéresse aux travaux menés au sein du CERL, puis du LEM sur les christianismes orientaux (« Au défi de la pluridisciplinarité : les christianismes orientaux au CERL/LEM », p. 491-526). Elle montre notamment que les christianismes orientaux doivent être compris à l’aune d’une interculturalité née de contacts et d’échanges avec les milieux dans lesquels ils se sont développés, mais aussi de contacts avec des cultures exogènes auxquelles les chrétiens, souvent minoritaires, ont été confrontés. De fait, la nature intrinsèquement interculturelle de cet objet d’étude a rendu nécessaire le développement de pratiques de recherches interdisciplinaires afin de rendre compte de la complexité de ce phénomène global. Alain Le Boulluec, qui fut directeur du CERL de 1991 à 1998, propose un état des travaux fondamentaux menés en patristique grecque au sein du laboratoire (« La patristique grecque à la croisée de plusieurs chemins », p. 527-545). Il évoque ainsi les travaux de référence de chercheurs dont l’influence dans ce domaine du savoir reste prégnante encore de nos jours, notamment les travaux d’Antoine Guillaumont sur la tradition alexandrine d’Origène ; de Pierre Nautin ; d’Alain Le Boulluec lui-même sur le concept même d’hérésie ou sur le rôle essentiel de Clément d’Alexandrie et d’Origène dans la confrontation entre hellénisme et christianisme ; enfin, à l’heure actuelle, ceux de Marie-Odile Boulnois sur Cyrille d’Alexandrie. Michel-Yves Perrin s’intéresse, quant à lui, à la place des études sur Augustin au CERL, puis au LEM, qui furent toujours au cœur des questionnements philosophiques soulevés par le laboratoire, comme le soulignent à eux seuls les travaux de Pierre Hadot. De fait, cet ancrage augustinien se matérialisa pleinement en 2002 par le rattachement de l’Institut d’Études Augustiniennes au LEM (« Les études augustiniennes du CERL au LEM », p. 547-564).

8La quatrième partie de l’ouvrage est consacrée à la place de la philosophie au sein du CERL, puis du LEM. La première contribution, due à Olivier Boulnois, propose une ample réflexion sur le rapport entre philosophie et religion qui trace les linéaments de la spécificité des travaux philosophiques au sein du CERL, puis du LEM (« Penser le monothéisme. Le LEM et la philosophie de la religion », p. 567-596). De fait, Olivier Boulnois souligne ainsi que l’originalité des travaux du CERL, puis de LEM en sciences religieuses repose sur l’émergence d’un nouveau paradigme épistémologique fondée sur le comparatisme et la dissémination, afin de prendre en compte la diversité « rebelle » des doctrines et des philosophies conformément aux intuitions de Paul Vignaux, l’un des trois fondateurs du CERL. De fait, le CERL, puis le LEM ont toujours joué un rôle à part dans le paysage français et international de la recherche philosophique, dont les contributions qui suivent soulignent toute l’importance. Philippe Hoffmann, qui fut directeur du LEM de 1998 à 2009, rappelle l’importance des travaux de Pierre Hadot, qui fut directeur du CERL de 1973 à 1983, dans le renouvellement des études sur le néo-platonisme, et notamment le néo-platonisme tardif (« Le néoplatonisme au Centre d’Études des Religions du Livre. L’œuvre de Pierre Hadot (1922-2010) », p. 597-608). Catherine Köning-Pralong montre comment le traitement de la philosophie médiévale au CERL a conduit à un tournant épistémologique majeur à l’initiative de Paul Vignaux en rompant avec les orientations de l’Encyclique Aeterni Patris de 1879 et avec la place préférentielle accordée au thomisme qui s’avère encore prégnante dans les travaux d’Étienne Gilson. Enfin, Julie Brumberg-Chaumont étudie l’évolution de la place accordée à la philosophie au sein du CERL, puis de LEM et souligne, que, si la philosophie est implicitement présente dans les travaux menés actuellement par le laboratoire, néanmoins sa présence contrastée répond aux stratégies scientifiques différenciées selon les moments et les personnalités des chercheurs (« La philosophie au LEM », p. 627-651).

9La cinquième et dernière partie de l’ouvrage s’intéresse enfin aux travaux menés au sein du CERL, puis du LEM sur la genèse des modernités (« Modernités chrétiennes »). Daniel-Odon Hurel, actuel directeur adjoint du LEM, propose un important état de l’art des travaux menées sur le monachisme au sein du CERL à la suite des travaux d’Antoine Guillaumont, puis au sein du LEM notamment depuis le rattachement du CERCOR (« L’histoire du monachisme et des institutions régulières au CERL/LEM. Pour une approche phénoménologique (Antiquité-xxe s.) », p. 655-676). Philippe Castagnetti, pour sa part, souligne dans son article que l’attention récemment portée aux procès de canonisation de l’époque moderne témoigne du développement d’approches transversales dans les recherches menées au sein du LEM depuis vingt ans (« Sainteté et canonisation : la maturation d’une thématique du CERCOM au LEM-CERCOR », p. 677-699). Rappelant la place essentielle accordée à l’exégèse au CERCOR depuis sa création, Annie Noblesse-Rocher souligne l’importance décisive des travaux de Gilbert Dahan et de Bernard Roussel, respectivement dans notre appréhension de l’exégèse médiévale et de l’exégèse moderne (« L’exégèse chrétienne médiévale et moderne au LEM », p. 701-713). Hubert Bost, quant à lui, montre comment la création en 1964 d’une chaire intitulée « Histoire et théologie de la Réforme » à la ve section de l’EPHE et confiée alors à Richard Stauffer, puis l’évolution de son intitulé en 1995 à l’initiative de Bernard Roussel, puis en 2003 à l’initiative d’Hubert Bost lui-même traduisent une prise en compte de la complexité et de la diversité des christianismes et de la nécessaire articulation entre histoire de l’exégèse, anthropologie et socio-histoire (« Réforme(s), protestantisme(s) : théologie, exégèse et culture », p. 715-750). Enfin, Sylvio Hermann de Franceschi étudie dans une ample contribution le processus d’intégration de la théologie, et plus précisément de la théologie catholique, dans le champ propre de l’historien, de l’époque moderne à l’époque contemporaine, qui induit de traiter la théologie comme un objet historique à part entière (« Le travail et la production théologiques au défi d’une approche non confessante. L’entrée de la théologie catholique des époques moderne et contemporaine dans les territoires de l’historien », p. 751-800). L’ouvrage s’achève par un important dossier prosopographique (p. 801-890) réalisé par Claire Raynal composé de la liste des membres statutaires du laboratoire aux différents époques majeures de son histoire, des principaux rapports d’activité rédigés par le laboratoire, de souvenirs de membres du laboratoire ou d’état des travaux actuels par les principaux directeurs de recherche ou d’institutions.

10Cet ouvrage constitue ainsi une contribution majeure pour comprendre les enjeux des sciences religieuses dans la recherche française et internationale ces cinquante dernières années. Tout en offrant de précieux états de l’art dans les principaux domaines et disciplines des sciences religieuses, il nous offre également, et peut-être même encore plus profondément, une réflexion terriblement actuelle sur les enjeux de la recherche en sciences religieuses, et plus largement en sciences humaines, en n’éludant pas les problèmes institutionnels et méthodologiques posés par la création et le développement d’un laboratoire. Problèmes de locaux, de financements, de rattachements institutionnels ; implications de ces problèmes administratifs et institutionnels dans la structuration d’un programme scientifique commun ; articulation des travaux personnels des chercheurs et des travaux collectifs du laboratoire ; évolution des paradigmes méthodologiques et épistémologiques afin de saisir au plus près la spécificité et la complexité des phénomènes étudiés ; nécessité d’élaborer des supports pertinents (création de collections de texte, de collections de monographie, de revues etc.) pour diffuser les savoirs ainsi construits : ce sont tous ces aspects de la vie concrète d’un laboratoire de recherche que cet ouvrage nous découvre. En définitive, ces actes nous amènent à mener une réflexion épistémologique et institutionnelle sur les conditions mêmes des travaux en sciences religieuses et en sciences humaines dans un milieu de la recherche, en France et à l’international, en profonde mutation.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jérôme Lagouanère, « Sylvio Hermann De Franceschi, Daniel-Odon Hurel, Brigitte Tambrun (dir.), Le Dieu Un : Problèmes et méthodes d’histoire des monothéismes. Cinquante ans de recherches françaises (1970-2020) »Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [En ligne], 25 | 2023, mis en ligne le 04 juillet 2023, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cerri/6230 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cerri.6230

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Auteur

Jérôme Lagouanère

Jérôme Lagouanère est Maître de Conférences HDR en Langue et Littérature Latines à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, membre de l’équipe de recherche CRISES et membre associé du Centre d’Études Patristiques (ex-IEA) /Laboratoire d’Étude sur les Monothéismes (UMR8584 CNRS/PSL/Sorbonne Université). Après une thèse intitulée Intériorité et réflexivité dans la pensée de saint Augustin préparée sous la direction du Professeur émérite Patrice Cambronne et publiée en 2012 dans la Collection des Études Augustiniennes, il a mené des travaux sur la question du sujet et de l’altérité dans la philosophie antique, tout particulièrement dans l’œuvre d’Augustin. Il a édité ou co-édité plusieurs ouvrages collectifs (Tertullianus Afer. Tertullien et la littérature chrétienne d’Afrique : Turnhout, Brepols, « Instrumenta Patristica et Mediaevalia » 70, 2015 ; La Naissance d’autrui, de l’Antiquité à la Renaissance : Paris, Classiques Garnier, 2019 ; (avec Régis Burnet, Régis Courtray et Maguelone Renard), Du Jésus des Écritures au Christ des théologiens. Les Pères de l’Église, lecteurs de la vie de Jésus : Turnhout, Brepols, « Cahiers de Biblia Patristica » 24, 2023) et prépare une nouvelle édition critique et une traduction du De animae quantitate d’Augustin qui paraîtra dans la collection de la Bibliothèque Augustinienne.

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