Les commencements : Re-commencer le fait religieux dans les zones évacuées et dévastées de l’après-Grande Guerre
Résumé
Le re-commencement du fait religieux durant l’après-Grande Guerre en territoire évacué et dévasté n’a pu être réalisé qu’accompagné des changements plus ou moins brutaux de la société ; ainsi, en mettant l'accent sur la sociologie religieuse liée l’évolution sociale et à l’évolution des idées, on arrivera à comprendre comment ce retour de la pratique a été possible. Le cadre théorique étant posé, il convient de circonscrire ce thème à un cas précis, celui du recommencement du fait religieux dans les zones rouges de la sortie de la Grande Guerre sur le front occidental de la ligne germano-britannique. À l’ouest de Lille, il n’y a plus un seul édifice debout en 1919, plus d’église ni de temple, plus de prêtre ni de pasteurs ni de fidèles, plus d’organisation ni sociale ni administrative. Tout est à reconstruire dans tous les sens du mot. Durant des kilomètres et des kilomètres, on ne voit que des ruines de maisons, d’édifices publics, d’églises et de chapelles, d’industries et d’estaminets alors que la densité y était, avant le conflit, très forte, proche de 300 h/km2 sur quasiment tous les points de ce territoire ruralo-industriel. Et pourtant, peu à peu, en dépit des ruines et des dévastations, la vie a repris. Parmi les manifestations du retour à la continuité du début du XXe siècle, il est intéressant de se pencher sur les modes de réintégration du fait religieux dans le quotidien des habitants revenus dans leurs localités d’avant l’occupation et l’évacuation. Trois contours particuliers de la question retiendront l’attention : 1) la réintégration du fait religieux et ses aspects 2) sa refondation et ses processus 3) sa reproduction et ses continuités.
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1Maurice Halbwachs, en 1924, écrivait :
- 1 Maurice Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris : Librairie Félix Alcan, 1925. Paris : L (...)
On est assez étonné lorsqu'on lit les traités de psychologie où il est traité de la mémoire, que l'homme y soit considéré comme un être isolé. Il semble que, pour comprendre nos opérations mentales, il soit nécessaire de s'en tenir à l'individu, et de sectionner d'abord tous les liens qui le rattachent à la société de ses semblables. Cependant c'est dans la société que, normalement, l'homme acquiert ses souvenirs, qu'il se les rappelle, et, comme on dit, qu'il les reconnaît et les localise.1
- 2 Ibid., p. 8.
- 3 Maurice Halbwachs, « La doctrine d'Émile Durkheim », 1918, Revue philosophique, LXXXV, p. 353-411.
2La réflexion de Maurice Halbwachs se dirigeait alors vers les groupes sociaux qui offrent, disait-il, à chaque instant les moyens de se reconstruire, à condition de se tourner vers eux et d’adopter, au moins temporairement, leurs façons de penser2. Alors pourquoi n'en serait-il pas ainsi à propos de la question du re-commencement du fait religieux durant l’après-Grande Guerre en territoire évacué et dévasté ? C’est sur cette piste que, déjà, Durkheim s’inscrivait en soulignant que « les progrès dans l'ordre intellectuel » ne peuvent s'expliquer « que par les changements de la société »3. C’est également dans cette direction qu’ira ce propos en mettant l'accent sur la sociologie religieuse et en liant l’évolution sociale et l’évolution des idées.
3Le cadre théorique étant posé, il convient de circonscrire le cas concret étudié, celui du recommencement du fait religieux dans les zones rouges de la sortie de la Grande Guerre. En effet, dans un secteur comme celui d’Armentières à Lens, sur le front occidental de la ligne germano-britannique, il n’y a plus un seul édifice debout en 1919, plus d’église ni de temple, plus de prêtre ni de pasteurs ni de fidèles, plus d’organisation ni sociale ni administrative. Tout est à reconstruire dans tous les sens du mot. Durant des kilomètres et des kilomètres, on ne voit que des ruines de maisons, d’édifices publics, d’églises et de chapelles, d’industries et d’estaminets alors que la densité y était, avant le conflit, très forte, proche de 300 h/km2 sur quasiment tous les points de ce territoire ruralo-industriel du sud-ouest de Lille. Et pourtant, peu à peu, en dépit des ruines et des dévastations, la vie a repris. Parmi les manifestations du retour à la continuité du début du XXe siècle, il est intéressant de se pencher sur les modes de réintégration du fait religieux dans le quotidien des habitants revenus dans leurs localités d’avant l’occupation et l’évacuation.
4Trois contours particuliers de la question retiendront l’attention : 1) la réintégration du fait religieux et ses aspects 2) sa refondation et ses processus 3) sa reproduction et ses continuités
I La réintégration du fait religieux dans la zone du front : ses aspects
- 4 Philippe Dufour, Monographie de la paroisse d’Illies, Illies, 1898-1902. Opuscule conservé aux Arch (...)
5Le pays de Weppes, qui est le cadre géographique de notre étude, situé au sud-ouest de Lille, est un lieu où l'offre religieuse est ouverte et où la norme est un mélange de croyances, les pratiques catholique ou réformée relevant davantage du rituel que de l'engagement spirituel. La particularité de ce territoire est en effet de posséder deux cultes et de nombreux rebouteux, sorcières et autres guérisseurs des âmes. Existaient ainsi, avant la Grande Guerre, quantité de chapelles, d’oratoires en plein champ et d’églises paroissiales qui étaient autant de signes de la vitalité du modèle catholique, mais cette région avait vu également s’y établir au XVIIIe siècle un temple protestant à Ligny-le-grand regroupant, pour leur culte, les familles réformées et dispersées des localités rurales environnant le hameau. Ces possibilités de pratiques religieuses ne faisaient pourtant pas le plein des sièges et des bancs des lieux de culte car l’abbé Philippe Dufour, curé d’Illies, se plaignait en 1898 de ces mineurs « dont le mauvais esprit détruisait la foi catholique4 ». Ce foisonnement, assez rare dans le Nord de la France, est complètement anéanti avec la guerre de 1914-1918 dont les combats destructeurs et plusieurs batailles meurtrières ont amené la ruine économique et matérielle des communes. Dans ces conditions, il faut se demander quels sont été les aspects de la réintégration du fait religieux dans ce secteur du front occidental.
1) Les aspects temporels et/ou principiels de la réintégration du fait religieux dans la zone rouge
- 5 La semaine religieuse du Diocèse de Lille, Lille, Desclée-de Brouwer et Cie, publication hebdomadai (...)
6La question des sources disponibles est très importante pour analyser les aspects de la réintégration du fait religieux au sud-ouest de Lille, inchangé durant les quatre années du front germano-britannique. Et il faut convenir que les documents qui pourraient étayer cet examen sont minces, le temple, les églises et les sacristies, lieux d’archivage de l’histoire des communautés, ayant été détruits pas des obus incendiaires. Il n’y a plus de sources disponibles du côté de la communauté des réformés qui est elle-même en recherche pour réécrire l’histoire de son temple à la campagne, un cas unique dans la région nord de la France. Ce sont donc les sources relatives au culte catholique, souvent extérieures au secteur puisque les documents présents ont été anéantis durant la guerre, qui serviront pour analyser cette période durant laquelle tous déplorent à la fois le petit nombre des pratiquants et leur trop grande tiédeur. Parmi ces documents, rares, le plus intéressant à consulter est La semaine religieuse du Diocèse de Lille5, seul bulletin à reparaître rapidement après l’armistice de novembre 1918, les journaux paroissiaux n’étant à nouveau distribués qu’au début des années 1930. Il faudra, pour nuancer ce point de vue officiel, s’orienter vers ce qui apporte un autre regard, je veux parler des documents privés et des sources littéraires.
7Ce que montrent, à longueur des pages de La semaine religieuse du Diocèse de Lille, les divers éditoriaux et articles, ce sont les aspects de la réintégration du fait religieux dans la zone rouge. Un exemple : la première lettre de Monseigneur Alexis Armand, évêque du tout récent diocèse de Lille, créé en 1913.
Nos très chers frères,
- 6 Ibid., n° 3, 6 juillet 1919, p. 35-38.
La paix est enfin signée ! (…) Le traité stipule la restauration de notre France du Nord. Elle est effroyablement mutilée ; elle ressemble aux grands blessés de cette terrible guerre ; elle ne peut attendre. (…)
Nous possédons l’instrument de la paix mais la réalité, le repos durable, reste à conquérir. (…) Car Celui qui « vint à nous comme un Roi plein de douceur, c’est le Christ, Prince de la paix » (Luc XI, 21). (… ) Aussi nous nous sentons pressés de vous répéter le mot de l’apôtre : « C’est bien d’avoir la paix avec l’ennemi. C’est beaucoup mieux d’avoir la paix avec Dieu, notre allié. » (…)
On parle beaucoup de relever nos ruines matérielles. Relevons avant tout, n’est-ce-pas ? cette triple institution qui, il faut en convenir, est ébranlée.
- Que le statut divin du mariage consolide indissolublement nos familles.
- Que les lois divines et austères qui prescrivent à la race de croître et de se multiplier soient courageusement observées.
- Que le travail qui fait de l’homme l’associé du Créateur soit accepté d’un cœur vaillant.
La place d’honneur, que les yeux de vos enfants verront réservée dans votre maison au Christ aimant et adoré, chacun d’eux sera incliné à la lui donner dans son cœur et dans sa vie. (…)
Donné à Lille, dans l’octave du Sacré-Cœur, en la vigile de Saint Pierre et Saint Paul, Alexis Armand, Evêque de Lille.6
8Les aspects temporels et principiels de la réintégration du fait religieux sont ici savamment distillés dans la première lettre pastorale de l’évêque de Lille « à l’occasion de la signature du traité de paix ». Sur le plan chronologique, les étapes sont tracées avec précision : 1) La région lilloise, « effroyablement mutilée » « ne peut attendre ». 2) Les ruines matérielles sont certes importantes à relever mais ce sont les ruines de l’Eglise institutionnelle, « ébranlée », qu’il faut reconstruire d’abord. 3) Ce qui compte, par conséquent, c’est de remettre en route les fondements défendus par l’Eglise. Sur le plan principiel, on remarque deux champs assignés par l’évêque pour le reconquête des âmes par l’Eglise, à savoir, sur le plan social et collectif, le mariage « indissoluble », la procréation « austère » et le travail « accepté », et, sur le plan privé et intime, la place donnée au Christ « dans son cœur et dans sa vie ». Ces deux aspects, temporels et principiels, sont lus en chaire dans toutes les églises et chapelles publiques afin que nul ne les ignore.
2) Les aspects structurants et/ou fondateurs de la réintégration du fait religieux dans la zone rouge
9Le même numéro de la Semaine religieuse du Diocèse de Lille, sous le titre « Chronique diocésaine », comprend huit rubriques qui sont présentées comme des instantanés souriants évoquant la vie des paroisses mais qui sont en réalité les axes de l’action religieuse dans le secteur à remobiliser, celui de la zone rouge du front.
Titre de la rubrique |
Contenu structurant et/ou fondateur |
Ordination |
5 prêtres, 1 diacre, 6 sous-diacres, 14 ordres mineurs, 3 cloitrés. |
Le Te deum à Saint-Maurice de Lille |
Merci à Dieu pour la paix Cérémonie présidée par l’évêque, avec le concours des autorités civiles et militaires Foule innombrable Soldats qui « firent généreusement le sacrifice de leur vie pour le salut de la Patrie » |
Avis concernant la fête de Monseigneur |
Sa Grandeur recevra le Clergé, l’Université, les Œuvres de Dames |
Reconnaissance au Sacré Cœur de Jésus |
Plus de 700 personnes firent la communion réparatrice et, à quelques jours de là, le divin Sauveur nous a donné la victoire. |
Renaissance religieuse et restaurations |
A Armentières, un grand nombre d’hommes participe au cortège vers la nouvelle église provisoire ; précédés par les membres du conseil municipal, ils ferment la marche. |
Un document pontifical |
L’abbé Bethléem (auteur de l’Index des « mauvais livres ») a reçu l’approbation du Souverain Pontife. |
Offrandes diverses |
Anonymes : 100 fr, 500 fr, 100 fr. Pour les prêtres nécessiteux : 100 fr. |
Nouvelles de Cambrai et de la région |
Procession du Saint-Sacrement Les causes des Filles de la Charité : 1-la canonisation de la bienheureuse Jeanne d’Arc 2- la béatification de Madeleine Fontaine, immolée sous la Terreur |
Figure Les huit rubriques de la « Chronique diocésaine », Semaine religieuse du Diocèse de Lille, du numéro 3, à la date du 9 juillet 1919
Source : La semaine religieuse du Diocèse de Lille, Lille, Desclée-de Brouwer et Cie, publication hebdomadaire, Nouvelle série commençant en juin 1919.
10Les rubriques analysées mettent en évidence les aspects fondateurs de la réintégration du fait religieux dans l’agglomération lilloise. En effet, même si l’objet de cette étude est étroit, limité à la zone rouge, les sermons et les articles de La semaine religieuse du Diocèse de Lille dévoilent que le souci du clergé est territorial, à savoir rétablir son influence sur tous les fidèles de son diocèse qui furent dispersés par l’exode imposé par les Allemands. En premier, se réimplanter socialement. Il est nécessaire, dans cette optique, d’avoir à soi toutes les catégories démographiques, et en particulier les hommes beaucoup moins assidus aux offices religieux, d’où cette insistance : « un grand nombre d’hommes ». En second, affirmer son identité religieuse. Les points qui viennent à l’appui de ce principe sont : « c’est Dieu qui donne la paix, c’est le Sauveur qui a donné la victoire ». En troisième, repenser les équilibres. L’Eglise s’affiche dans une configuration républicaine : il est important d’associer « les autorités civiles et militaires » au cortège introduit par l’évêque.
11Les aspects structurants sont les rouages que le diocèse remet en place afin d’assurer la pratique et le suivi de cette pratique. Le clergé est la donne primordiale, un clergé compétent, formé, diversifié. A cet effet, le bulletin signale 29 ordinations, nombre considérable étant donné que l’armistice n’a eu lieu que depuis sept mois. Cela doit signifier pour les lecteurs que l’Eglise a retrouvé du souffle, et que c’est sans doute la seule institution à avoir aussi vite réinstallé ses formations, preuve, s’il en était besoin, qu’elle reste - ou redevient - le moteur de la société locale. Car toute la société est balayée par cette vague d’ordinations : les nouveaux prêtres iront irriguer les paroisses du diocèse ; devant la tâche immense qui les attend, ils seront aidés par des diacre et sous-diacres au nombre de sept ; de plus, 14 religieux enseignants arrivent en renfort pour la mission essentielle de la transmission des valeurs chrétiennes dans le cadre des écoles privées ; enfin, il est même des vocations de moines cloîtrés qui se consacreront à la prière destinée à plaire à Dieu. On est ainsi en présence d’une réinvention de l’institution ecclésiale dans un territoire où tout est à réintégrer, et en premier le fait religieux. Or, ces univers mentaux liés à l’Eglise se sont réactualisés avec célérité et efficacité.
3) Les aspects nécessaires et accessoires de la réintégration du fait religieux dans la zone rouge
- 7 Halbwachs Maurice, « La doctrine d'Émile Durkheim », 1918, Revue philosophique, LXXXV, p. 353-411.
12L’Eglise, – les Eglises - dans cette partie de l’agglomération lilloise, font partie des Cadres sociaux de la mémoire7. Elles étaient, avant l’invasion allemande et tous les troubles qu’elle a entrainés, l’environnement sociopolitique de la communauté des villages et bourgades du pays de Weppes. Environnement sociologique parce que les prêtres catholiques, les pasteurs réformés et les structures d’encadrement de la jeunesse et des soins étaient principalement le fruit du prosélytisme religieux des divers courants d’opinion qui traversaient ces familles de pensée. Environnement politique parce que, dans un département radical, radical-socialiste et socialiste, un des seuls cantons à maintenir majoritairement un vote conservateur porté par les élites catholiques est le canton de La Bassée. Il apparaît donc que le fait religieux fait partie de l’univers mental des villages anéantis de l’ex-zone rouge du front. Lorsque le retour des réfugiés est autorisé en 1919, et que les habitants revenus ne retrouvent de leur passé que des ruines envahies par des rats et des arbres ensauvagés, il est des remémorations qui surgissent. Dans les images des lieux absents qui viennent tout à-coup s’imposer avec la force des choses disparues à jamais, l’église, la place, le cimetière avec ses croix et ses tombes, le temple, la maison du desservant, les chapelles votives, tout cela ressurgit mentalement comme des repères abolis.
- 8 Halbwachs Maurice, Les cadres sociaux de la mémoire, op. cit., p 94.
Ce monde éloigné, où l'on se souvient d'avoir souffert, n'en exerce pas moins une attraction incompréhensible sur celui qui y a passé et qui semble y avoir laissé et y rechercher à présent la meilleure partie de lui-même. C'est pourquoi, et sous réserve de quelques exceptions, nous pouvons dire que la grande majorité des hommes est sensible, à des instants plus ou moins fréquents, à ce qu'on pourrait appeler la nostalgie du passé.8
- 9 Chantal Dhennin-Lalart, « Jeanne, et vice-versa », Colloque La pitié qu’il y avait au royaume de Fr (...)
13Cette « nostalgie du passé », selon la formule de Maurice Halbwachs, est l’élément nécessaire de la réintégration du fait religieux, mais elle passe par des aspects accessoires qui, parce qu’ils sont culturels, différent d’une personne à l’autre, d’un groupe social à l’autre. Parmi eux, se trouve la personne de Jeanne d’Arc que le clergé catholique réintroduit durant ces années de sortie de guerre comme un modèle de vaillance porté par la foi, modèle à proposer à cette société désorientée par tant de vicissitudes. Il n’est en effet pas anodin, dans ces circonstances, de songer au choix de Jeanne d’Arc pour surmonter le monument aux morts de La Bassée, auquel tous les hommes de l’art et de l’administration départementale - qui devaient donner leur accord en vue de l’élévation de ces édifices commémoratifs - se sont opposés. Dans le territoire du Nord qui a le plus souffert de la dévastation du conflit, et qui reste le plus en retard pour entamer sa lente remontée en prospérité, il faut voir, derrière le combat en faveur de la statue de Jeanne la guerrière, la réintégration par l’Eglise d’un espace public qui sera ainsi marqué autant par une connotation patriotique que par le côté militant de la figure de Jeanne9. Si l’objectif de l’encadrement religieux de la sortie de la Grande guerre était de s’inscrire à nouveau dans les espaces publics pour marquer les esprits, pour la zone rouge du front en général et pour La Bassée en particulier, le but est atteint avec Jeanne et son étendard trônant sur la place du chef-lieu de canton à peine relevé de ses ruines.
II La re-fondation du fait religieux dans la zone rouge du front : ses processus
14La re-fondation du fait religieux dans la zone rouge du front, avec la réintégration des hommes du culte et des lieux cultuels, s’opère selon des processus qu’il est opportun de mettre en évidence. Seront convoqués, pour étudier ces processus, la Semaine religieuse du diocèse de Lille et L’Echo d’Illies, organe de presse paroissial.
1) Franchir les territoires et parvenir jusqu’aux communes dévastées
15La Semaine religieuse du diocèse de Lille du 12 mars 1921, par exemple, inventorie les haltes de l’« Itinéraire de Sa Grandeur Monseigneur Quilliet, évêque de Lille, pour l’administration du Sacrement de Confirmation en 1921 » ; et il s’agit d’un vrai marathon à la rencontre des foules rassemblées partout dans le diocèse, au rythme de deux étapes par jour, tous les jours. Indiquons ici quelques unes des étapes de l’évêque dans le canton de La Bassée :
Avis à MM. les curés,
- 10 Semaine religieuse du diocèse de Lille, n° 47, 12 mars 1921, p. 747-748.
1° Sa Grandeur administrera le Sacrement de Confirmation dans l’église dont le nom est marqué en italiques.
2° Monseigneur sera reçu à l’entrée de l’église avec le cérémonial habituel (Ordo 1921, page 134).
3° Monsieur l’Archidiacre interrogera les enfants.
4° Monsieur le Curé de la paroisse où se donne la Confirmation fera le rapport accoutumé.
5° A l’issue de la cérémonie, Monseigneur recevra les représentants des œuvres paroissiales.
Mardi 10 mai 1921
10 h : Loos (N.-D. de Grâce), Ennequin (Sainte-Anne),
3 h : Fournes, Beaucamps, Fromelles, Aubers, Le Maisnil.
Mercredi 11 mai
10 h : Marais de Lomme, Lomme (Sacré Cœur), Englos,
2 h 30 : Ennetières, Radinghem, Bois-Grenier, Prémesques, Sequedin.
Jeudi 12 mai
10 h : La Bassée, Illies, Salomé, Hantay,
3 h : Sainghin, Wicres, Marquillies.
Signé : Hector Raphaël, Evêque de Lille.10
- 11 Semaine religieuse du diocèse de Lille, n° 53, 4 juin 1921, p. 842.
- 12 Annette Becker, La Guerre et la foi, De la mort à la mémoire, 1914-1930, Paris, Armand Colin, 1994, (...)
16L’aboutissement de cette pérégrination de l’évêque, à la rencontre des paroissiens de son diocèse, est au rendez-vous ; le succès populaire escompté a bien été rencontré par Hector Raphaël, évêque de Lille : « (Monseigneur) remercie ses prêtres et ses diocésains de résultats si consolants et si rassurants pour l’avenir religieux de notre région du Nord. »11 Et non content de tels déplacements en masse des fidèles des paroisses, le diocèse propose aussitôt, dans le même numéro, une nouvelle ‘Tournée de Confirmation’ cette fois avec Monseigneur Herscher, archevêque de Laodicée. Ce scénario d’une rencontre entre le haut clergé et les paroissiens, prévue à présent dans le canton de La Bassée selon le calendrier du parcours paroissial pour juin et juillet 1921, est très caractéristique. D’une part, ainsi que le dit Annette Becker à propos de l’appel à des ecclésiastiques venus de loin, on peut parler du « débordement » (géographique)12 des autorités catholiques qui font venir des personnalités venues, comme ici, de Laodicée, en Phrygie, un territoire turc. D’autre part, des faits expliquent cette présence étrangère : le manque de prêtres à cause des décès de la guerre, les vocations insuffisantes pour couvrir tous les besoins ecclésiastiques, et surtout la volonté de l’imminence de la reprise en main de la jeunesse du Nord. Il faut rappeler à cet égard que la reconstruction du fait religieux se voit aussi et surtout dans la pastorale, concrétisée ici par l’importance que le clergé accorde à la confirmation, un sacrement considéré comme alors comme essentiel puisqu’il s’adresse aux jeunes gens sortis du catéchisme des enfants. L’évêque de Lille, d’ailleurs, concrétise ouvertement ce souhait de rester proche des adolescents par un communiqué dont les termes démontrent bien ce souci :
- 13 Semaine religieuse du diocèse de Lille, ibid., n° 53, 4 juin 1921, p. 842.
Monseigneur l’Evêque est heureux de constater que, même dans les régions dévastées, grâce au zèle de MM. les curés et à la bonne volonté, à l’esprit de foi des paroissiens, écoles, patronages, œuvres multiples d’avant-guerre renaissent de toutes parts.
Il insiste aujourd’hui pour que soient reconstituées partout les œuvres d’action religieuse intense qui organiseront, développeront et fortifieront encore notre vie diocésaine et paroissiale :
1° Les Comités catholiques qui regroupent l’élite de nos hommes,
2° La Ligue patriotique des Françaises qui atteint et associe entre elles l’élite de nos femmes chrétiennes,
3 ° La Jeunesse catholique qui forme l’élite de nos jeunes gens.
Trois congrès spéciaux réuniront, à des dates différentes qui seront indiquées ultérieurement, ces divers groupements. Chaque paroisse tiendra à y être représentée.
Pour unir le diocèse au Congrès Eucharistique National qui s’ouvre à Paray-le-Monial le dimanche 5 juin, Nous engageons Messieurs les Curés à faire chanter, soit au cours de la procession, soit au salut du soir, l’hymne Auctor beate sæculi, et à lire, devant le Saint Sacrement exposé, l’acte d’hommage au Sacré-Cœur de Jésus qui se trouve dans l’ordo page 141, sous le n° 15.13
- 14 Danielle Tartakowsky, Le pouvoir est dans la rue, Paris, Aubier, 1998.
- 15 Semaine religieuse du diocèse de Lille, ibid., n° 53, 4 juin 1921, p. 845. « La messe a été célébré (...)
- 16 Semaine religieuse du diocèse de Lille, ibid., p. 842-850.
- 17 Semaine religieuse du diocèse de Lille, Nouvelle série, n° 73, 26 novembre1921, p. 1104.
17L’offre de l’évêque, dictée par la volonté de « reconstituer partout les œuvres d’action religieuse intense », est dirigée vers tous les âges : l’école privée et le patronage pour les enfants ; la Jeunesse catholique pour les jeunes gens ; les Comités, Ligues et Congrès pour les adultes. L’intermédiaire entre ces cibles et l’évêque prescripteur est le curé de paroisse cité deux fois dans le communiqué. Le rôle du prêtre est donc primordial : faire chanter les foules, lire un « acte d’hommage » au Sacré-Cœur, et obtenir des volontaires pour les congrès spéciaux car « chaque paroisse tiendra à y être représentée ». On remarque également l’insistance pour organiser la liturgie, pour remettre en route les processions et faire venir des fidèles au « salut du soir ». L’occupation de l’espace public, déjà tradition évidente avant la guerre, revient avec force durant l’Entre-deux-guerres comme l’a analysé Danielle Tartakowsky.14 Les prétextes sont multiples : « les fêtes commémoratives qui glorifient l’héroïque résistance des alliés », les messes célébrées dans les ruines15 avec, ensemble, les autorités civiles, militaires et religieuses, la remise des croix de guerre aux villes, les Assemblées Générales des étudiants de l’Université Catholique de Lille, les Congrès de la CFTC, Confédération française des travailleurs chrétiens, la semaine des écrivains catholiques, les Semaines Sociales16, la réunion de la Coopérative diocésaine des églises dévastées17.
2) Circuler pour marquer les espaces
18Grâce à cette présence – ou à cause de - , la pratique religieuse « se réchauffe », selon le mot de l’évêque de Lille :
La foi, qui s’attiédit dans les champs, se réchauffe dans les agglomérations urbaines […] comme dans le Nord où l’autorité religieuse est unanime à constater un mouvement, d’ailleurs antérieur à la guerre de 1914, par suite duquel le nombre d’hommes pratiquants est sensiblement plus élevé qu’avant la Séparation.
- 18 Semaine religieuse du diocèse de Lille, Nouvelle série, n° 71, 12 novembre 1921, p. 1075-1077.
On peut donc estimer que, pour l’ensemble du territoire, Paris et les trois départements d’Alsace et de Lorraine mis à part, sur les 34 millions d’individus qui peuplent notre République, 10 millions environ sont des catholiques pratiquants, 16 à 17 millions s’acquittent plus ou moins des devoirs imposés par l’Eglise, et 6 à 7 millions ne sont chrétiens que de nom.18
- 19 Christophe Deguffroy, La Bassée, 1919-1933, Histoire d’une Reconstruction, op. cit. p. 154.
19On ne dispose pas, au niveau local, de l’estimation sur le nombre de pascalisants ou de pratiquants entre 1919 et 1939 à l’exception de l’année 1933 où le journal paroissial d’Illies dit que « la mission de l’an dernier et, cette année, le ‘retour de mission’ en mars, laissent espérer que les Pâques, l’an prochain, l’emporteront sur 1931 », ce qui fait supposer une pratique assez modérée, dans l’ensemble. Dans les paroisses du doyenné de La Bassée et dans le diocèse, il doit en être de même si l’on en juge par l’insistance de l’évêque à vouloir enrôler les « élites » : rien n’est gagné auprès des hommes, des femmes et des jeunes gens des paroisses du secteur sinistré. En outre, en dépit de la concurrence entre les mairies et l’Etat, d’une part, et les paroisses d’autre part, pour la reconstruction des édifices religieux ainsi que le remplacement des baraquements de culte ou des églises provisoires, un phénomène se dessine : l’Eglise reconnaît officiellement la République comme interlocuteur valide, mais, en échange, elle demande l’application plus rapide de la loi des dommages de guerre en ce qui concerne les lieux à caractère ecclésiastique. Les édifices cultuels sont les derniers bâtiments à être reconstruits ; c’est d’ailleurs selon leur date de reconstruction que l’on juge du moment de la fin de la sortie de guerre. Le cas de La Bassée est typique : la première pierre de l’hôtel de ville monumental est posée en 1924 tandis que celle de l’église l’est en 1926 ; l’inauguration de cet hôtel de ville s’effectue en 1927 et la consécration de l’église non achevée a lieu en 1930.19
- 20 Danielle Tartakowsky et Michel Pigenet (dir.), Histoire des mouvements sociaux, op. cit.
- 21 Léon Bocquet, Le fardeau des jours, op. cit. p. 203-205.
20Si l’on constate la tonalité à la fois volontariste et traditionnelle du discours de l’Eglise dans le canton de La Bassée, il n’y a pas, durant ces années 1920 et 1930, de manifestation des paroisses qui aurait été associée à la droite parlementaire. Les prêtres du secteur sont dans la maitrise anthropologique de l’action20 ; aussi les autorités de tout bord n’ont rien à craindre des onze curés qui sont consensuels avec les autorités politiques. Léon Bocquet le montre dans Le fardeau des jours quand il fait dire au prêtre de Willy des paroles proches des thèses communistes, tout en les réfutant : « Je devrais être le dernier à tenir des soviets ». Le quidam auquel il s’adresse, nommé Berlou, est interloqué mais intéressé par de tels propos. L’abbé Pastoureau vitupère en effet contre « la déprimante constatation des égoïsmes féroces et des vénalités », et, alors qu’il évoque « le sursaut libérateur » qui serait peut-être « salutaire », il est pessimiste sur le constat de la misère sociale qui s’insinue dans un milieu autrefois protégé de telles perspectives de vie mauvaise : « Il y a si grande pitié et détresse, une telle misère physique et morale qu’on se demande si un bouleversement ne va pas s’imposer.21 » Il est pourtant bien seul à sentir et à dire ce sentiment de déconsidération et de déclassement. Personne d’autre dans le roman n’accompagne la communauté qui reste un groupe en souffrance et incompris. Le malaise de chacun s’extériorise mal. Ainsi, en dépit de la reconstruction, des maisons plus belles et des fêtes obligées où chacun retrouve des voisins qu’il connaît peu, le canton a l’impression de vivre une réalité insoupçonnée par les personnalités civiles et religieuses qui se déplacent à tour de bras pour les inaugurations qui se succèdent.
3) Echanger, convaincre, s’installer
21La méthode des autorités ecclésiastiques, reconduite comme avant la guerre, est la mobilisation populaire. Le numéro 3 de la Semaine religieuse du diocèse de Lille en montre le cheminement sous le titre « Renaissance religieuse et restaurations ».
A Bois-Grenier, le 15 juin, a eu lieu la bénédiction de la nouvelle église.
Jour de fête pour ce malheureux pays qui veut revivre, et pour qui l’essentiel est d’abord et avant tout de revivre de sa foi religieuse, si intense autrefois.
A quatre heures de l’après-midi, tout le village est réuni près de la petite baraque qui, depuis mars dernier, abrite le divin Maître et son représentant.
Monsieur le doyen d’Armentières procède à la bénédiction de la nouvelle église, église provisoire construite en briques et en bois, qui est un modèle de simplicité élégante et pratique, et qui s’élève sur les ruines de l’ancien patronage, à côté des ruines de l’ancienne église qui n’est plus qu’un souvenir.
22Cette rencontre des habitants sinistrés est une manière d’échanger avec eux car il faut remarquer, en effet, que ni le clergé diocésain ni le clergé local n’ont vraiment pris la mesure de la réalité de la population nouvelle qui habite à présent, depuis l’armistice, dans les communes de la zone rouge du front. Elle est différente, à bien des égards, de la population d’avant-guerre : les adultes hommes issus de la région ne sont pas nombreux alors qu’auparavant ils formaient un groupe plus important que celui des femmes ; les hommes et femmes, en outre, sont séparés en deux entités célibataires, masculines et féminines, sans que des unions s’effectuent entre eux ; les étrangers isolés ou mariés sont invisibles pour le clergé ; les jeunes qui reviennent d’évacuation, qui ne sont pas soudés entre eux puisqu’ils ne se connaissent pas depuis l’enfance, qui découvrent l’environnement déstabilisant des ruines, des baraquements et de la promiscuité, ne reçoivent pas le regard approprié à leur type de besoin. L’adéquation entre la société nouvelle issue de la guerre dans le canton et les méthodes d’encadrement de l’Eglise n’a pas eu lieu.
- 22 Jules Romains, Les hommes de bonne volonté, XIX, Cette grande lueur à l’Est, Paris, Flammarion, 194 (...)
23Le clergé peine à convaincre tandis que la gauche, de son côté, parvient s’engouffrer dans les interstices laissés par l’attente d’une écoute des problèmes de chacun. Même divisée entre partisans de la révolution et réformistes, elle reste le mouvement populaire qui donne l’espoir d’une vie meilleure pour un tiers des habitants du canton. Cependant ses tendances politiques qui se critiquent très ouvertement parviennent à désarçonner plus d’un électeur sympathisant. On constate peu de votes dans les onze communes en faveur des communistes et de la « grande lueur à l’Est »22 qui illumine leur parcours durant la décennie 1920 : les intellectuels de la révolte absolue sont mal compris par les populations absorbées par leurs dommages de guerre. Un de nos témoins de la période qui ne cache pas ses sympathies révolutionnaires, François Rucho, pourtant acteur des manifestations politiques qui ont alimenté la vie sociale de l’Entre-deux-guerres, vit à cette époque des jours trop compliqués au niveau santé et argent pour pouvoir se consacrer comme il voudrait au développement de ses idées. La preuve, son journal personnel n’évoque ni les élections de 1924, ni la victoire du Cartel. Il ne parle pas non plus de la crise de 1929-1932 et encore moins des ligues qui ont eu pour effet d’engager le processus du Front populaire. Plus surprenant encore, il n’y a nulle trace dans son récit des inaugurations, Te Deum et autres reconstructions réelles et symboliques de sa commune d’origine.
24C’est peut-être comme si l’enfouissement intérieur de la Grande Guerre avait empêché l’expression. Ce qui compte, essentiellement, pour chacun, c’est de s’installer. Le clergé veut réinstaller les lieux cultuels. Les fermiers veulent réinstaller leur exploitation. Les industriels veulent réinstaller leurs machines et relancer leur production. Les artisans et les petits commerçants veulent réinstaller leurs ateliers et leur échoppe. Les quidams veulent réinstaller leur habitation, extérieur et intérieur. Le retour est devenu vite le temps du chacun pour soi tant les manques individuels et familiaux sont flagrants. Voici ce qu’en dit François Rucho, témoin et acteur de cette période de sortie de guerre, et ce titre, reflet du temps :
- 23 François Rucho, François Rucho, op. cit., p. 20.
Depuis notre retour à Illies, nous avions eu l’occasion d’acheter du terrain et d’y faire bâtir d’abord une buanderie. Et ensuite la maison. Après un court retour aux mines, j’ai travaillé à la reconstruction dans la charpente et la menuiserie à Aubers et Fromelles, chez Laurent Castel. Puis, en 1924, les Allemands ayant réoccupé la Ruhr et supprimé les paiements des dégâts de guerre, me voilà obligé de retourner aux mines. Et le métier a vite fait de me réduire à néant.
Mon état de santé, des suites de mes blessures de guerre, était plutôt lamentable.23
25Il faut donc constater que les habitants de la zone déshéritée entre Armentières et Lens, s’ils ont la Grande Guerre en mémoire corporelle et sociétale, n’en parlent pas, trop rivés qu’ils sont à la résolution de leurs problèmes matériels. Ils n’expriment ni la douleur des traces intimes ni le désenchantement de leur vie nouvelle. L’Eglise, en dépit de la visite des évêques et doyens, et malgré la présence sur place du clergé local qui comprend, pour la vivre, la situation des fidèles, ne semble pas en mesure de répondre aux attentes spécifiques de cette portion de société éprouvée.
III La reproduction du fait religieux dans la zone du front : ses continuités
26L’idée de Maurice Halbwachs, en 1925, date de la parution des Cadres sociaux de la mémoire, est que la reproduction du fait religieux n’est en rien une réalité tangible durant les années 1920 :
- 24 Halbwachs Maurice, Les cadres sociaux de la mémoire, op. cit., p 97.
Tandis qu'à la vie terrestre le chrétien en préfère une autre qui, pour lui, est au moins aussi réelle que celle-là et qu'il place dans l'avenir, l'homme sait bien que le passé n'existe plus, et il est bien obligé de s'adapter au seul monde réel, qui est celui où il vit maintenant. Il ne se retourne vers le temps disparu que par intermittences, et il n'y demeure jamais longtemps.
D'autre part, comment ne pas voir que si l'homme était, dans la société, comme un ressort toujours tendu, si son horizon, se limitait à l'ensemble de ses contemporains, et même de ceux de ses contemporains qui l'entourent, si le souci s'imposait perpétuellement à lui de se conformer à leurs coutumes, à leurs goûts, à leurs croyances et à leurs intérêts, il pourrait bien s'incliner devant les lois sociales, mais il les subirait comme une dure et continue nécessité, et, n'envisageant dans la société qu'un instrument de contrainte, aucun élan généreux et spontané ne le porterait vers elle. Il n'est donc pas mauvais que, lorsqu'il se repose de l'action et se retourne, à la manière d'un voyageur, pour reconnaître le chemin qu'il a parcouru, il y découvre tout ce que la fatigue, l'effort, la poussière soulevée, et le souci d'arriver à temps et au but, l’empêchaient de contempler.24
27Pour le sociologue français Maurice Halbwachs, élève de Henri Bergson et d’Emile Durkheim qui ont tous deux influencé son œuvre, la reproduction d’un phénomène – ici religieux – est davantage « un instrument de contrainte » qu’un « élan généreux et spontané ». On pressent, par cette analyse, que la reproduction du fait religieux dans la zone du front se fera sur le mode d’une continuité difficile.
1) Continuité difficile due à un tissu sociétal fragmenté
- 25 Philippe Dufour, Monographie de la paroisse d’Illies (1902), op. cit., p. 6.
28La configuration du territoire entre Armentières et Lens en une structure bourg-hameaux est un facteur déterminant pour la continuité difficile de la pratique ainsi que pour la tiédeur de la communauté religieuse. Le déplacement de deux, voire de trois kilomètres, à pied ou en vélo, deux fois par dimanche pour les offices, la messe et/ou les vêpres, discrimine ceux qui ont une longue distance à parcourir et affaiblit leur assiduité. Le phénomène est identique pour la réception de l’hostie qui ne peut s’effectuer qu’à jeun : les pratiquants des centres-bourgs peuvent à loisir se rendre au baraquement provisoire de l’église afin de communier avant la messe et ainsi prendre un petit-déjeuner copieux avant d’assister aux cérémonies du culte catholique ; l’aller-retour avant les offices religieux n’est pas possible, par contre, pour les habitants des hameaux qui confortent leur habitude de ne point associer messe et communion. C’est un reproche du curé Dufour qui dit que « la difficulté des communications les a tenus à l’écart des centres25 ».
29La perte des repères matériels et la banalisation des marques du sacré sont également un des facteurs de la continuité difficile de la pratique. Qu’on en juge : alors que, durant les processions d’avant la guerre, il était recommandé de s’incliner lors du passage des prêtres habillés de leurs ornements liturgiques traditionnels, voilà que ces chasubles et les bannières ont été employés par les occupants allemands à tapisser les murs des espaces de vie des soldats, faisant une couche isolante à leurs casinos et autres blockhaus, rembourrés ainsi de tissus épais et chauds. Une des premières visions des réfugiés de retour dans le secteur est en effet celle des bunkers allemands emplis d’objets religieux de toute sorte :
- 26 Léon Bocquet, Le fardeau des jours, op. cit., p. 67.
Il se trouva un baraquement, plus vaste, en retrait du bourg et lové au revers d’un talus. Des cloisons à banquettes le divisaient en compartiments à peu près égaux. Un tapissier d’occasion avait agrémenté les panneaux d’étoffes claires que les broderies dorées encadraient et qui cachaient mal leur provenance : les bannières de l’église, les chasubles et les ornements sacerdotaux découpés par bandes et lés multicolores composaient cette décoration insolite. Théâtre de campagne, salle des café-concert, villa de plaisance d’officiers, on ne savait au juste. En tout cas, on avait godaillé copieusement dans ce décor d’opéra et de sacristie ; un monceau de bouteilles vides, les unes à marque munichoise, les autres au goulot argenté encore ligoté de fil de fer, dénonçait, aux abords de l’établissement, de franches beuveries de bière et de champagne. Des valses germaniques avaient accompagné la ripaille ou l’orgie, car un piano fracassé encombrait la première pièce.26
30La continuité avec l’avant-guerre est rendue difficile, troisièmement, à cause de la montée des idées « ultra-humanitaires ». Les réfugiés, partis, forcés à partir, ont confronté leurs idées et leurs croyances avec celles des autres communautés qu’ils ont côtoyées. Ils sont désormais à même de comprendre l’interculturalité et, par là, de relativiser possiblement leur propre foi en Dieu ou en l’homme.
- 27 Léon Bocquet, Le fardeau des jours, op. cit., p. 103.
Emile Le Pureux s’abreuvait avec Anthime, bourgeois hier, aujourd’hui socialiste depuis son contact avec les prolétaires des faubourgs ouvriers et sa fréquentation des bibliothèques populaires. Il y avait lu, pêle-mêle, et mal digéré des poètes, des romanciers, des théoriciens de la cité nouvelle. Il s’y était gavé de thèses séditieuses et de rêveries ultra-humanitaires. Il ne jurait plus que par Hugo, Zola, Karl Marx, ces prophètes. Il avait culotté, sans y entendre, Notre-Dame de Paris, La Terre, Travail, Fécondité, ces évangiles. Devant les ruraux ébahis, il déclamait des tirades. Il prêchait la réconciliation universelle et la fraternité, en menaçant du poing les châteaux démolis et les églises effondrées.
- J’ai lu Les Misérables !, tonitruait-il.
Il en voulait au curé de ne pas être évêque ou pape, au gouvernement de manquer de poigne.27
31« Cité nouvelle ». « Rêveries ultra-humanitaires ». « Réconciliation universelle et fraternité ». Ces formules ne font pas appel au fond religieux précédent. Autres mondes. Voilà donc bien que l’évacuation a métamorphosé ses habitants. Le changement de la donne culturelle chez les réfugiés de la zone rouge est la marque nouvelle d’une foi qui, décidément, se trouve dans une continuité difficile.
2) L’impossibilité de restaurer le fait religieux comme avant la Grande Guerre
- 28 Danielle Tartakowsky et Michel Pigenet (dir.), Histoire des mouvements sociaux en France de 1814 à (...)
- 29 Stéphane Audoin-Rouzeau et Christophe Prochasson (dir.), Sortir de la Grande Guerre, Le monde et l’ (...)
32La reprise en main post - Grande Guerre, appelée par Danièle Tartakowsky la « structuration des mouvements »28, démontre l’impossibilité de restaurer le fait religieux comme avant 1914. Les besoins personnels et familiaux minimaux sont assurés, les maisons se reconstruisent avec davantage de confort, du carrelage au sol, des espaces à vivre plus grands, et – pour beaucoup - de l’électricité ; mais il faut passer maintenant au regain collectif. Or, la dislocation d’une société cantonale qui a été fragmentée par des vécus différents durant la Grande Guerre demande du temps pour que les groupes communaux nouveaux trouvent leurs marques du vivre ensemble. De plus, l’afflux des hommes de la reconstruction, venus tout exprès des autres régions de France et de l’étranger pour les opportunités professionnelles d’une région en redémarrage, complique le sentiment d’unité sociale, quasiment impossible à établir et qu’il n’est pas facile d’évaluer. Une vision globale de cet état de fragmentation ou de cohésion communale et cantonale n’est guère possible29, aussi il faut s’en tenir à des témoignages partiaux sur des actions collectives tentées par les Eglises et les organismes laïcs pour souder une communauté qui ne l’est plus. Les voyages en font partie.
- 30 Chantal Dhennin-François, Une commune rurale du Nord entre les deux guerres : vie quotidienne et me (...)
Le pèlerinage annuel à Lourdes, organisé par la paroisse, attire toujours des fidèles. Pour beaucoup, ce voyage sera le seul important de leur vie. Aussi en ramène-t-on souvenirs et photographies qu’on gardera précieusement dans la famille. La paroisse organise aussi, pour ses œuvres, un voyage à Ypres et à la Panne. Voilà ce qu’en dit l’Echo d’Illies (août 1933) : ‘Les chers jeunes gens et jeunes filles de nos œuvres se souviendront longtemps de leurs belles excursions à Ypres - La Panne. Favorisés, le 3 et le 17 juillet, par le plus beau des temps, ils furent, les uns et les autres, d’une tenue impeccable. Où irons-nous l’an prochain ?’.30
- 31 « Penser l’ouverture des frontières : Les défis éthiques », Ethique publique, juin 2014. (Les mouve (...)
- 32 Danielle Tartakowsky, Les droites et la rue, Paris, Editions de La Découverte, 2014.
33Durant l’Entre-deux-guerres, on voyage peu.31Les habitants se contentent des excursions proposées par l’encadrement local. L’Eglise du diocèse de Lille « offre », par exemple, la possibilité de se rendre durant une semaine à Lourdes ce qui permet à des populations peu argentées de se déplacer. Grands croyants et pratiquants irréguliers sont confondus dans ces expéditions ferroviaires à l’autre bout de la France. Pour bien des pèlerins de Lourdes, qui ne se déplacent plus depuis leur exode de la Grande Guerre, la semaine permet de trouver à moindre coût l’opportunité d’un périple dépaysant. « La musique », c’est à dire la fédération des harmonies municipales, présente également des sorties qui soulèvent de l’intérêt, comme le voyage annuel à Malo-les-Bains, faisant une concurrence d’attractivité avec les suggestions des paroisses. Danielle Tartakowsky32 rappelle que les voyages et les manifestations publiques font partie de la culture religieuse inculquée par les clergés locaux d’Europe occidentale ; ces voyages sont des formes de mobilisations des esprits qui s’inscrivent dans la droite ligne du poids par lequel l’Eglise souhaite encadrer ses ouailles. Le vocabulaire employé par le journal paroissial d’Illies, « chers jeunes gens et jeunes filles », pour parler des participants aux virées en autocar, marque un encadrement de la jeunesse, un contrôle qui est typique du pouvoir que les autorités catholiques entendent exercer sur cette catégorie. La cible est clairement l’édification de cette population dans le principe des mœurs souhaitées par le clergé : « Ils furent, les uns et les autres, d’une tenue impeccable. » Il s’agit d’une pression contournée sur le style de vie des habitants, et le résultat est jugé concluant puisque le compte-rendu se félicite de la qualité des relations des jeunes gens et des jeunes filles entre eux. Et, lorsque l’on parle des voyages, concurrents, de « la musique », il est bien entendu qu’on se trouve dans le cadre d’une confrontation toute particulière avec l’autre clan d’en face.
- 33 Ibid.
34Pourquoi l’Eglise occupe-t-elle une place si décisive dans la structuration de ces voyages et de ces manifestations, se demande encore Danielle Tartakowsky ? « Il y a chez les catholiques une tradition d’occupation de l’espace et un goût des mouvements de masse organiquement initiés et organisés par eux33 », dit-elle. Avançons quelques hypothèses à propos de l’influence de l’Eglise dans le Nord. D’abord, cette tradition et ce goût étaient déjà existants avant la guerre ; ils ne sont que réactivés avec la sortie de guerre et durant l’Entre-deux-guerres afin de faire revenir vers les autels des pratiquants tiédis par les contacts divers de la Grande Guerre. En second lieu, le jeune diocèse de Lille, divisé durant la guerre entre territoire occupé et territoire non-occupé, s’efforce de réassurer son unité. En outre, enfin, l’Eglise, catholique surtout, cherche à enclencher un retour à la foi chez les habitants, déboussolés par la violence physique et mentale du conflit.
3) Le fait religieux durant la sortie de guerre : une amnésie collective plutôt qu’un recommencement ?
- 34 Léon Bocquet, Le fardeau des jours, op. cit. p. 203-205.
35L’abbé Pastoureau, du Fardeau des jours de Léon Bocquet (1924), vitupère contre « la déprimante constatation des égoïsmes féroces et des vénalités », et, alors qu’il évoque « le sursaut libérateur » qui serait peut-être « salutaire », il est pessimiste sur le constat de la misère sociale qui s’insinue dans un milieu autrefois protégé de telles perspectives de vie mauvaise : « Il y a si grande pitié et détresse, une telle misère physique et morale qu’on se demande si un bouleversement ne va pas s’imposer.34 » Il est pourtant bien seul à sentir et à dire ce sentiment de déconsidération et de déclassement. En particulier, dans la Semaine religieuse du diocèse de Lille, personne ne vient accompagner les communautés paroissiales qui restent des groupes en souffrance et incompris. Ainsi, en dépit de la reconstruction, des maisons plus belles et des fêtes obligées où chacun découvre des voisins qu’il connaît peu, l’ex-zone rouge a l’impression de vivre une réalité insoupçonnée par les personnalités ecclésiastiques et administratives qui se déplacent à tour de bras pour les inaugurations qui se succèdent.
- 35 Semaine religieuse du diocèse de Lille, Nouvelle série, n° 4, 20 juillet 1919, « Denier du culte », (...)
Car la vérité qui saute aux yeux, sitôt qu’on y réfléchit, c’est que, trop souvent, le véritable indigent du village c’est, avec les maîtres et les maîtresses de nos écoles libres, là où il y en a, le curé. …
Avant la guerre, avec des prodiges d’économie, le maigre budget d’un curé pouvait faire face aux nécessités essentielles de la vie. Aujourd’hui, … ce n’est pas seulement la viande et le pain, dont on peut se priver, qui sont hors de prix, mais c’est tout le reste dont on ne peut se passer, jusqu’aux pommes de terre. Le lait, les œufs, le bois, le charbon, l’éclairage, le linge, les vêtements, les chaussures, tout.
Il y a en outre un certain rang à tenir, des aumônes à faire, quelques livres indispensables à acheter.
Pour remédier à cela, deux choses sont recommandées. D’abord une contribution plus élevée au Denier du Culte. … Ensuite, le retour aux vieilles coutumes des dons en nature, redevances bénévoles, peu onéreuses pour ceux qui s’en acquitteraient ainsi.35
- 36 Semaine religieuse du diocèse de Lille, Nouvelle série, n° 5, 3 août 1919, « Avis concernant les pa (...)
36Il est vrai que la situation des prêtres dans les régions dévastées est devenue plus délicate avec la guerre puisque, eux aussi, sont logés dans des baraquements36. Pourtant, si les demandes d’augmentation du Denier du culte et celle du Panier du curé semblent légitimes car les prêtres des paroisses dévastées sont aussi pauvres que leurs fidèles, il est d’autres articles dans le journal du diocèse qui prouvent que l’Eglise ne se trouve toujours pas du côté des personnes dans le besoin. On a l’impression d’une amnésie collective de la part des autorités ecclésiastiques qui voient « le rang à tenir » plutôt que l’écoute. Certes, les curés vont utiliser les sommes glanées pour « des aumônes à faire », mais, justement, la dignité des villageois qui ont tout perdu ne les incite pas à quémander une aumône.
- 37 Paul Ricœur, Histoire et Vérité, Paris, Le Seuil, 2001, p. 82.
- 38 Ibid., p. 1.
37Il convient, enfin, pour s’interroger sur le postulat amnésie-recommencement, d’étudier ce qu’en a dit Paul Ricœur (1913-2005) qui s’est très tôt intéressé aux problématiques soulevées par l’histoire tragique du XXe siècle et dont il a voulu en éclairer l’esprit dans le sens d’un humanisme chrétien optimiste37. Et Paul Ricœur, à cet égard, s’engage dans le débat des représentations du passé, réactivées ou non, recommencées ou non. Pour lui, les excès des résurgences du passé sont à bannir. Le philosophe se fait plutôt l’apôtre du « refus des troubles [suscités] par l’inquiétant spectacle que donnent le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs, pour ne rien dire de l’influence des commémorations et des abus de mémoire et d’oubli.38 » L’idée d’une politique de la juste mémoire est à cet égard un de ses thèmes civiques avoués. Paul Ricœur, dans cette optique, se met donc du côté d’une refondation, d’un recommencement plutôt que d’une aléatoire continuité. Le fait religieux, dans ce sens, est par conséquent une recherche active et volontaire, dirigée contre l’oubli, ce que l’on a constaté par ailleurs dans la zone de l’ex-front.
Bilan
38Le cas du re-commencement du fait religieux durant la sortie de la Grande Guerre dans la zone rouge du front occidental est donc, d’après les éléments archivistiques apportés, à la fois une réintégration dont les aspects montrent un côté nécessaire et un autre accessoire, une re-fondation pensée par les autorités ecclésiastiques sur un modèle ancien à régénérer, et surtout une reproduction destinée à créer des continuités.
39Pourtant, les fidèles visés par le re-commencement du fait religieux ont changé, eux qui sont allés sur les routes de l’exode, eux qui ont côtoyé tant de nations et de sociétés diverses sur les champs de bataille comme sur les lieux d’hébergement ou de cantonnement où ils étaient assignés. Afin de se sortir d’une emprise dans laquelle ils ne se reconnaissent plus, les paroissiens se sont orientés vers une sorte d’amnésie collective confortée d’ailleurs par la concurrence nouvelle sur laquelle se buttent les camps laïcs et religieux.
- 39 Michel Foucault, Sécurité, territoire, population : cours au Collège de France, 1977-1978, Paris, G (...)
40Michel Foucault, pour conclure ce point sensible de la continuité du fait religieux durant les moments de grands bouleversements, fait remarquer d’ailleurs que, plutôt que de parler de transformation du fait religieux, il convient plutôt de se pencher sur la question de la gouvernementalité39. Le pouvoir pastoral, par ce biais, n’est plus théologie ni même sacré ; il est surtout un cadre d’analyse autant philosophique qu’historique. Ainsi, avec ce nouvel objet de science religieuse, on arrive à voir dans l’étude précise qui nous intéresse un enjeu de maintien de domination sociopolitique.
Notes
1 Maurice Halbwachs, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris : Librairie Félix Alcan, 1925. Paris : Les Presses universitaires de France : Nouvelle édition, 1952, p. 7.
2 Ibid., p. 8.
3 Maurice Halbwachs, « La doctrine d'Émile Durkheim », 1918, Revue philosophique, LXXXV, p. 353-411.
4 Philippe Dufour, Monographie de la paroisse d’Illies, Illies, 1898-1902. Opuscule conservé aux Archives diocésaines de Lille et réédité à Aubers, Ed. Cercle Historique d’Aubers, fascicule n° 12, 1988. Extrait de l’introduction.
5 La semaine religieuse du Diocèse de Lille, Lille, Desclée-de Brouwer et Cie, publication hebdomadaire, Nouvelle série commençant en juin 1919.
6 Ibid., n° 3, 6 juillet 1919, p. 35-38.
7 Halbwachs Maurice, « La doctrine d'Émile Durkheim », 1918, Revue philosophique, LXXXV, p. 353-411.
8 Halbwachs Maurice, Les cadres sociaux de la mémoire, op. cit., p 94.
9 Chantal Dhennin-Lalart, « Jeanne, et vice-versa », Colloque La pitié qu’il y avait au royaume de France, Jeanne politique : la réception du mythe à l’époque moderne et contemporaine en France et à l’étranger, Limoges, les jeudi 22 et vendredi 23 octobre 2015, Actes en cours de parution aux PULIM.
10 Semaine religieuse du diocèse de Lille, n° 47, 12 mars 1921, p. 747-748.
11 Semaine religieuse du diocèse de Lille, n° 53, 4 juin 1921, p. 842.
12 Annette Becker, La Guerre et la foi, De la mort à la mémoire, 1914-1930, Paris, Armand Colin, 1994, p. 119-123.
13 Semaine religieuse du diocèse de Lille, ibid., n° 53, 4 juin 1921, p. 842.
14 Danielle Tartakowsky, Le pouvoir est dans la rue, Paris, Aubier, 1998.
15 Semaine religieuse du diocèse de Lille, ibid., n° 53, 4 juin 1921, p. 845. « La messe a été célébrée dans les ruines de l’église Saint Vaast d’Armentières. De cet autel, le tabernacle est arraché, les colonnettes sont brisées ; les marches sont dégradées, les personnages qui décoraient les bas-reliefs sont décapités. A travers toute une partie de l’abside, les obus ont fait des plaies béantes. […] Près du trône où siège Mgr l’Evêque de Lille, une colonne brisée presque à ras du parvis, sert de base à une tribune improvisée. »
16 Semaine religieuse du diocèse de Lille, ibid., p. 842-850.
17 Semaine religieuse du diocèse de Lille, Nouvelle série, n° 73, 26 novembre1921, p. 1104.
18 Semaine religieuse du diocèse de Lille, Nouvelle série, n° 71, 12 novembre 1921, p. 1075-1077.
19 Christophe Deguffroy, La Bassée, 1919-1933, Histoire d’une Reconstruction, op. cit. p. 154.
20 Danielle Tartakowsky et Michel Pigenet (dir.), Histoire des mouvements sociaux, op. cit.
21 Léon Bocquet, Le fardeau des jours, op. cit. p. 203-205.
22 Jules Romains, Les hommes de bonne volonté, XIX, Cette grande lueur à l’Est, Paris, Flammarion, 1946.
23 François Rucho, François Rucho, op. cit., p. 20.
24 Halbwachs Maurice, Les cadres sociaux de la mémoire, op. cit., p 97.
25 Philippe Dufour, Monographie de la paroisse d’Illies (1902), op. cit., p. 6.
26 Léon Bocquet, Le fardeau des jours, op. cit., p. 67.
27 Léon Bocquet, Le fardeau des jours, op. cit., p. 103.
28 Danielle Tartakowsky et Michel Pigenet (dir.), Histoire des mouvements sociaux en France de 1814 à nos jours, Paris, La Découverte, 2012.
29 Stéphane Audoin-Rouzeau et Christophe Prochasson (dir.), Sortir de la Grande Guerre, Le monde et l’après-1918, op. cit., Introduction Partie III « Sortir de la guerre, ou Sortir de l’occupation », p. 212.
30 Chantal Dhennin-François, Une commune rurale du Nord entre les deux guerres : vie quotidienne et mentalités à Illies, 1919-1939, op. cit., p. 95.
31 « Penser l’ouverture des frontières : Les défis éthiques », Ethique publique, juin 2014. (Les mouvements migratoires qui se sont intensifiés entre 1840 et 1914 ont ralenti après 1914.)
32 Danielle Tartakowsky, Les droites et la rue, Paris, Editions de La Découverte, 2014.
33 Ibid.
34 Léon Bocquet, Le fardeau des jours, op. cit. p. 203-205.
35 Semaine religieuse du diocèse de Lille, Nouvelle série, n° 4, 20 juillet 1919, « Denier du culte », p. 50.
36 Semaine religieuse du diocèse de Lille, Nouvelle série, n° 5, 3 août 1919, « Avis concernant les paroisses des régions dévastées », p. 67.
37 Paul Ricœur, Histoire et Vérité, Paris, Le Seuil, 2001, p. 82.
38 Ibid., p. 1.
39 Michel Foucault, Sécurité, territoire, population : cours au Collège de France, 1977-1978, Paris, Gallimard/ Le seuil, 2004, p. 111.
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Référence électronique
Chantal Dhennin-Lalart, « Les commencements : Re-commencer le fait religieux dans les zones évacuées et dévastées de l’après-Grande Guerre », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [En ligne], 21 | 2019, mis en ligne le 15 juillet 2019, consulté le 20 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cerri/2876 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cerri.2876
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