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Les métamorphoses du chaos : le Non-Être chez Plotin, Jamblique et dans les cosmogonies méditerranéennes

Andreea-Maria Lemnaru-Carrez

Résumé

Cette étude entend aborder la question du Non-Être dans sa double dimension : en-deçà de l'être (la χώρα du Timée), et au-delà de l'être. Il s'agit en particulier d'étudier l'Un comme Non-Être selon la première hypothèse du Parménide chez Plotin et Jamblique, après avoir rappelé la genèse de ce concept chez Platon et Aristote. Nous y analysons également le passage du Non-Être à l'être dans la cosmogonie égyptienne telle qu'elle est développée par Jamblique en De Mysteriis VII et VIII, avant de montrer en quoi la figure du chaos aquatique des mythologies égyptienne et orphique pourrait constituer l'origine de l'Un comme Non-Être néoplatonicien.

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Texte intégral

  • 1 F163 et f164 OC p. 106 Des Places. Selon Hans Lewy, Chaldean Oracles and Theurgy, p. 297, il s'agir (...)
  • 2 Platon, Timée, 50 c1 ; d,7 ; 51 a7.

1Le statut du Non-Être (μὴ ὄν) antécosmogonique dans la philosophie antique mérite une attention toute particulière, dans la mesure où il est au fondement de toutes les ontologies, depuis les présocratiques qui ne le désignent pas encore comme tel aux néoplatoniciens, qui lui accordent un rôle majeur dans leur métaphysique. Et plus spécifiquement, la manière dont le concept mythologique de Chaos a influencé et permis de développer le concept de Non-Être montre la relation étroite qu'entretient le fond religieux à la théorisation philosophique. Dans les Oracles Chaldaïques, le βάθος1, abîme infernal, est un résidu de l'état pré-cosmique du monde qui désigne tour à tour le Tartare composé de la matière primordiale ἄμορφος2 et ἀειδής du Timée, et l'Empyrée. Le passage du Non-Être à l'Être semble correspondre, dans l'histoire de la pensée, à celui du μύθος au λόγος. Cette étude souhaiterait contribuer à montrer en quoi le premier constitue le fondement du second et interroger cette opposition classique, qui ne s'est jamais révélée plus obsolète qu'à travers l'inclusivisme philosophique et religieux de la tradition néoplatonicienne.

  • 3 Pour une bibliographie extensive sur Jamblique, voir l'article du Dictionnaire des Philosophes Anti (...)
  • 4 Sur l'Ecole Néoplatonicienne d'Apamée, voir “Le philosophe Jamblique et son école”, p. 29. In Revue (...)
  • 5 Sur les origines syriennes de Jamblique, voir P. Athanassiadi, La lutte pour l’orthodoxie dans le p (...)
  • 6 Cf. Photius, cod. 181, p. 317.12-14 Zintzen.
  • 7 Il s'agit d'une météorite noire adorée entre autres dans le culte de Cybèle, rapportée à Rome en 20 (...)
  • 8 Voir les écrits que R. TURCAN lui a consacrés, en particulier Héliogabale et le sacre du roi soleil (...)
  • 9 DM VII,4 p. 189 Saffrey ; VII,5 p. 191 et surtout 192 : Σχεδὸν γὰρ καὶ τοῦτο αἴτιον νυνὶ γέγονε τοῦ (...)
  • 10 Jamblique aborde les mystères de Sabazios, des Corybantes et de la Mère des Dieux en DM III,9 p. 88 (...)
  • 11 Voir A.-J. FESTUGIERE, Personal religion among the Greeks, University of California Press, Berkeley (...)

2L'empereur Julien était, comme on le sait, un fervent disciple du « divin Jamblique » et plus particulièrement de son commentaire perdu sur les Oracles Chaldaïques. Selon Bidez, le sage de Chalcis3 « réforma le mysticisme païen du IVème siècle en l'adaptant aux traditions religieuses de l'Orient4 ». Jamblique était en effet un prince syrien5 hellénisé, descendant d'une dynastie de prêtres-rois, les Sampsigéramides, qui régnaient sur Emèse et s'occupaient du culte d'Elagabal, comme nous l'apprend Damascius dans sa Vie d'Isidore6. Adoré sous la forme d'un bétyle7 introduit à Rome par le scandaleux Marcus Aurelius Antoninus qu'on surnomma Héliogabale8, ce dieu était associé à la figure de Sol Invictus, qui ne semble pas étranger à l'orientation philosophique de Jamblique. La sensibilité patriote et traditionaliste de ce dernier, à une époque où le divorce entre philosophie et θεία ἐπίπνοια n'était pas encore consommé, est palpable dans sa défense des noms barbares9 contre la traduction en grec et sa tentative de restauration du prestige des religions orientales, en particulier la théurgie, la divination (certes, surtout celle des oracles grecs officiels) et les initiations mystériques10, qui participaient de ce que le père Festugière qualifiait de « religion personnelle11 ».

  • 12 La présente étude se fondera sur l'édition d'H.D Saffrey et A.-P. Segonds du De Mysteriis (la Répon (...)
  • 13 Cf. DM VII,4 p. 189 ; I,11 p.28 ; VII,1 p. 186 éd. Saffrey sur la συμβολικὴ (ou ἱερατικῆ) μυσταγωγί (...)
  • 14 DM I,I éd. Saffrey p. 3, ἔνια δὲ καὶ τὴν ὅλην ἀπαιτεῖ παρ' ἡμῶν μυσταγωγίαν, » certains sujets exig (...)
  • 15 Sur cette question, qui dépasse l'horizon de la présente étude, cf. notamment I. TANASEANU-DOBLER, (...)
  • 16 Lors de son exposé sur le rôle des différentes entités surnaturelles dans la théurgie, et en partic (...)
  • 17 Durant l'expérience théurgique, qui est une forme de κατοκωκή divine l'enthousiaste devient « tout (...)

3Le titre que Ficin attribua au De Mysteriis12 semble fondé sur le propos des VIIème et VIIIème chapitres de l'ouvrage, entièrement consacrés à la théologie égyptienne, ainsi que sur la démarche initiatique13 de Jamblique, qui annonce dès les premiers paragraphes de son traité son intention d'exposer « l'intégralité de la mystagogie14 » à Porphyre. La théurgie15 apparaît chez Jamblique comme une structure mystique et rituelle essentiellement initiatique16 dans la mesure où les éléments symboliques du mythe conduisent l'initié à une union mystique avec la divinité qui s'empare de lui17.

  • 18 FESTUGIERE emploie largement cette notion dans sa Révélation d'Hermès Trismégiste. Elle fait même l (...)
  • 19 Voir l'introduction d'H.D. Saffrey et d'A.-P. Segonds du De Mysteriis, p. XXIV-XXV et p. LXI-LXXI.
  • 20 Cf. Jamblique De Mysteriis, éd. Saffrey, p. 1 : « Le dieu, prince de l’éloquence, Hermès, depuis (...)
  • 21 Cette étude se rapportera à l'excellente édition de G. Kolpaktchy, Le Livre des Morts des Anciens E (...)

4Le père Festugière, Segonds et le père Saffrey ne consacrent que peu de temps à l'élément égyptien dans leur édition du De Mysteriis, insistant avant tout sur la fiction18 égyptienne19 du prêtre Abammon s'adressant à son disciple Anébon, et sur l'égyptophilie largement répandue chez les historiens et philosophes hellénisés depuis la période classique. Cette dimension du De Mysteriis, qui peut prêter à confusion au premier abord, ne doit toutefois pas voiler l'élément religieux véritablement égyptien de la pensée de Jamblique. Honorant les innombrables traités d'Hermès Trismégiste dès le premier paragraphe du De Mysteriis20 , Jamblique écrit son ouvrage sous le patronage de Thoth, gardien des scribes et incarnation du Verbe premier dans le Livre des Morts Egyptien21.

  • 22 Voir notamment R. GRIESHAMMER, Nun, in Lexikon der Ägyptologie, 4, Wiesbaden 1982, par. 534–535 ; H (...)
  • 23 Sur l'Un ineffable, voir notamment A. LINGUITI, « Giamblico, Proclo e Damascio sul principio anteri (...)
  • 24 Damascius, De Principiis, t. I, éd. L.G Westerink et J. Combès, Belles Lettres, 1986 (éd. Ruelle I (...)
  • 25 Ibid. (éd. Ruelle I, 24-25) p. 36.

5Mais quels sont les fondements philosophico-religieux de cette révérence envers l'Egypte dans l'oeuvre de Jamblique ? En quoi la cosmogonie égyptienne, et en particulier la figure du Chaos aquatique, le Noun22 (mww nwn) permet-elle de mieux comprendre le concept néoplatonicien de Non-Être, en particulier chez Plotin et Jamblique ? S'agit-il d'une néoplatonisation du processus cosmogonique ? Comment la tradition néoplatonicienne aborde-t-elle la question du Non-être, et faut-il l'identifier à l'Un ineffable23 de Jamblique et de Damascius « totalement enseveli dans le silence » (πάντῃ σιγώμενον24), distinct de l'Un-Être (ἓν ὄν25) de Jamblique ? De quel Non-Être s'agit-il, et quel rapport entretient-il avec la matière ? Enfin, faut-il entendre ce néant au sens de rien, ou à l'inverse, de matrice contenant toutes choses en puissance ?

6Cette étude s'attachera donc à mener une enquête historiographique de la question du Non-Être dans la tradition platonicienne, puis chez Plotin, père du néoplatonisme, en particulier du point de vue de son héritage présocratique et aristotélicien, et enfin, chez Jamblique, avant d'aborder l'élément proprement égyptien (et secondairement orphique) de son système métaphysique.

  • 26 Voir leur introduction au De Mysteriis, On the mysteries, Atlanta : Society of Biblical Literature, (...)
  • 27 D.C. CLARK, « Egyptian Neoplatonic Theology in the De Mysteriis », The International Journal of the (...)
  • 28 J. ASSMANN, « La théorie de la “parole divine” (mdw ntr) chez Jamblique et dans les sources égyptie (...)
  • 29 Voir G. FOWDEN, The Egyptian Hermes, Princeton : Princeton University Press, 1993, p. 131-142.
  • 30 Pour une introduction à la question, cf. notamment R. T. Rundle Clark, Myth and symbol in Ancient E (...)

7Nous nous proposons enfin, à la suite de l'édition d'E.C Clarke, Dillon, et Hershbell26, et des travaux de D. C. Clark27, de J. Assmann28 et de G. Fowden29, de poursuivre l'enquête consacrée au rôle de la religion égyptienne30 dans le néoplatonisme du point de vue du passage du Non-Être à l'Être.

  • 31 Sur l'élément égyptien chez Platon, cf. E. VOEGELIN, « Plato's Egyptian Myth », in The Journal of P (...)
  • 32 274e-275.
  • 33 18B.

8Rappelons tout d'abord, sans toutefois nous y attarder, la longue tradition d'intérêt pour l'Egypte invoquée comme autorité théologique et philosophique. Selon Diodore de Sicile (I,9,6), l'origine des dieux serait à rechercher en Egypte. Strabon (17, 1, 29) fait mention des voyages d'Eudoxe et de Platon31 lui-même à Héliopolis, qui invoque la figure de Thot comme dieu civilisateur, créateur de l'écriture et de l'astronomie dans le Phèdre32 et le Philèbe33.

  • 34 Voir l'édition de P. W. Van der Horst des fragments qui s'y rapportent, Chaeremon : Egyptian priest (...)
  • 35 Sept des vingt-six fragments édités par Van der Horst proviennent en effet des œuvres de Porphyre, (...)
  • 36 Voir les notes 149-185 de M. Gabriele dans son édition du περὶ ἀγαλμάτων : Porfirio, Sui Simulacri, (...)

9Chérémon34, prêtre égyptien et philosophe stoïcien, s'applique selon les témoignages de Clément d'Alexandrie, d'Origène et de Psellus, mais surtout de Jamblique et Porphyre35, à l'exégèse symbolique des hiéroglyphes et de la théologie égyptienne, tandis que Plutarque, quant à lui, y consacre son De Iside et Osiride. Porphyre, enfin, dans le neuvième fragment du περὶ ἀγαλμάτων, aborde la théologie égyptienne avant Jamblique, faisant ainsi montre d'une connaissance réelle en la matière36.

10Le néoplatonisme accorde une primauté métaphysique à la question de l'Un comme Non-Être (μὴ ὄν), et se distingue dans sa valorisation de l'indéterminé et l'infini non comme imperfection dévalorisée, mais comme absolu vers lequel l'âme se doit de tendre.

  • 37 Ennéades VI,9 (t. V, 2ème partie), éd. E. Bréhier, Belles Lettres, 2003, 10 p. 186 (édition de poch (...)

11L'individualité n'y est ni cultivée ni célébrée, à l'inverse de l'ontologie grecque classique. C'est, en effet, vers une véritable dissolution de soi que doit tendre le philosophe néoplatonicien, culminant dans une ἔνωσις ineffable avec l'Un. Comme l'écrivait Lacombe, l'attitude du sage plotinien vise foncièrement à abolir toute distinction entre l'âme individuelle et le cosmos, dans l'identification du centre métaphysique de chacun avec le centre universel : ὥσπερ κέντρῳ κέντρον συνάψας37.

  • 38 Ennéade VI,9 ibid. 11 p. 187. Dans sa volonté d'abolir la distance qui sépare l'âme de l'Un, qui do (...)
  • 39 Ennéade VI,9 11 ibid.
  • 40 Ibid. Τὸ δὲ ἴσως ἦν οὐ θέαμα, ἀλλὰ ἄλλος τρόπος τοῦ ἰδεῖν, ἔκστασις καὶ ἅπλωσις καὶ ἐπίδοσις αὑτοῦ.

12Pour Plotin, l'âme de celui qui avance seul vers le seul (μόνου πρὸς μόνον), c'est-à-dire l'Un, devient l'Être lui-même38. Toute distance entre le sujet et l'objet est abolie durant l'expérience mystique d'union à l'Un ; « il n'y a plus deux choses, comme le sujet qui voit ne fait qu'un avec l'objet qui est vu auquel il s'unit39 » (ἐπεὶ τοίνυν δύο οὐκ ἦν). Cette union transcende la simple contemplation, puisqu'elle est « extase, simplification et abandon de soi-même »40. L'oeuvre plotinienne esquisse une hénologie que Jamblique reprendra en la complexifiant, avant que Proclus n'en multiplie les termes pour les organiser systématiquement : les questions de l'Un et du Non-Être deviennent alors les problématiques suprêmes de la théologie, à laquelle l'ontologie classique se voit subordonnée.

Le Parménide et la question du Non-Être dans la tradition platonicienne

  • 41 M. Dixsaut « Platon et le logos de Parménide », dans Etudes sur le Poème de Parménide, sous la dire (...)
  • 42 Cf. J. Trouillard, L'Un et l'âme selon Proclos, Belles Lettres, 1972, p. 110. Dans les écoles néopl (...)
  • 43 Proclus, In Platonis Theologiam, I, 7-8, éd. Saffrey et Westerink, Belles Lettres, 1969, p. 31-32.
  • 44 Voir l'édition récente de ce commentaire de Damascius : Commentaire sur le Parménide, publié aux Be (...)
  • 45 Cf. Proclus, In Parmenidem, t. VI, éd. C. Luna et A.-P. Segonds, Belles Lettres, 2017, 1082.10 p. 6 (...)
  • 46 Proclus nous rapporte également l'opinion de Jamblique selon qui Un de l'âme correspondrait au κυβε (...)

13Depuis Plotin, le dialogue du Parménide41 (avec le Timée) constitue la clef de voûte de la tradition néoplatonicienne42. Proclus, qui le compare aux autres dialogues comme « le parfait à l'imparfait43 » et l' « universel au particulier » lui a consacré un long commentaire (ainsi que Damascius44 après lui), dans lequel l'importance du Non-être dans la tradition néoplatonicienne se voit systématisée et développée. Proclus considérait d'ailleurs qu'il y avait un « germe de non-être45 » (τι σπέρμα ἐκείνου τοῦ μὴ ὄντος) présent en chacun de nous, et que ce dernier n'était rien de moins que l'Un de l'âme (τὸ ἓν τῆς ψυχῆς)46.

  • 47 265b-c.
  • 48 Voir notamment DM I,19 p. 44 ; DM II,6 p. 61 ; III,7 p. 86 ; X,6 p. 216 éd. Saffrey.
  • 49 Proclus, In Parmenidem, VI ibid., 1082, 12-16 p. 63-64.
  • 50 Cf. J. Trouillard, L'Un et l'Âme selon Proclos, Belles Lettres, 1972, p. 138

14Fidèle au penchant mystique et théurgique de Jamblique qui valorisait l'enthousiasme du Phèdre47 et l'extase du traité VI,9 de Plotin (celle-ci devient chez lui une ἀναγωγὴ48désignée comme telle), Proclus nous enjoint à partir en quête du Non-être sous le mode inspiré (ἐνθεαστικῶς) et non sous le mode imaginatif (φανταστικῶς)49. Comme l'avait bien vu J. Trouillard50, la théologie négative n'est pas ici la cause de l'expérience mystique, mais son effet et sa médiation.

15Le passage premier du Non-Être à l'Être correspond ontologiquement à celui du chaos primordial au cosmos (d'un en-deçà de l'Être à l'Être), tandis que l'επιστροφή néoplatonicienne réalise le retour de l'individualité dissociée de l'être à l'Un transcendant. Si la première hypothèse du Parménide examine les conséquences d'une identité entre l'Un et l'Être, la seconde quant à elle s'attache à étudier l'Un comme Non-Être.

  • 51 Pour un rappel de ces neuf hypothèses, cf. J. Trouillard, L'Un et l'Âme selon Proclos, Belles Lettr (...)
  • 52 Dans le Livre des Morts Egyptien, ce non-être en-deçà de l'Être qui n'est pas le Noun mais une figu (...)
  • 53 Cf. Proclus, In Parmenidem, t. V, éd. et trad. A.-P. Segonds et C. Luna, 137 B 1-5, V 1035.19 p. 96 (...)

16Platon décline ces deux options ontologiques sous la forme de neuf hypothèses51, dont la première et la septième aboutissent au Non-Être : ainsi que nous le verrons, et comme le soulignera Proclus, 1) une première forme du Non-Être, l'Un au-delà de l'Être, transcendant, ineffable et absolu de Jamblique, principe premier antérieur à l'Un-Être et distinct de lui, et 2) une seconde forme, en-deçà de l'Être52 (ἓν καὶ τὸ τῶν ὄντων ἐξῃρημένον, καὶ τὸ συνὸν τοῖς οὖσιν, ὃ καὶ μετὰ τοῦ ὄντος ὑφίστησι τὰς πολλὰς τάξεις τῶν ὄντων, καὶ ἔτι τρίτον τὸ καταδεέστερον τοῦ ὄντος53).

  • 54 Platon, Parménide, éd. et trad. A. Diès, Belles Lettres, 1965, 163d.
  • 55 Ibid.

17Dans la septième hypothèse du Parménide, Platon fonde son argumentation sur une définition de l'Être comme détermination. Or puisque le naître et le périr sont la participation de l'âme à l'Être suivie par la perte de celui-ci, c'est à dire fondamentalement un processus entropique (τὸ μὲν οὐσίας μεταλαμβάνειν, τὸ δ᾽ἀπολλύναι οὐσίαν54), « l'Un, qui ne naît ni ne périt, ne participe à l'Être sous aucun rapport55 » (τῷ ἑνὶ ἄρα, ἐπειδὴ οὐδαμῇ ἔστιν, οὔτε ἑκτέον οὔτε ἀπαλλακτέον οὔτε μεταληπτέον οὐσίας οὐδαμῶς).

  • 56 Leur autorité est notamment invoquée en Ennéades IV, 8 1 et 5 ; II, 1 2 ; II,4 7 et V,I 9.

18Fidèle au Parménide, Plotin, loin de revendiquer une rupture avec ses prédecesseurs, entendait quant à lui s'inscrire dans la tradition présocratique et revenir aux thèses originelles de Parménide, Héraclite, Empédocle et Anaxagore56.

L'Un comme Non-Être suressentiel chez Plotin

  • 57 Ennéades t. V, éd. E. Bréhier, Belles Lettres, 2012, V,I 10 p. 28. Pour cette expression caractéris (...)
  • 58 L'Un au-delà de l'Être, l'Un multiple (ἓν πολλά) qui correspond au Tout, c'est-à-dire à l'Être et a (...)
  • 59 Ennéades, t. VI 2ème partie, éd. E. Bréhier, Belles Letres, 2003 ; VI,9 3 p. 175.
  • 60 Cf. également Ennéade III,8 (30), Sur la contemplation ch. 10 ligne 3 « l'Un est au-delà de la vie  (...)
  • 61 Ennéade V,1 op. cit. 7 p. 24.

19Plotin, élève d'Ammonios Saccas et après lui, Jamblique et Proclus, semble adhérer à la première hypothèse du Parménide, selon laquelle l'Un n'est pas, dans la mesure où il est par-delà l'Être (ἐπέκεινα ὄντος57), bien qu'il se soit attaché à souligner les trois sens de l'Un58. Etant ontologiquement antérieur à l'Être lui-même qui émane de lui, et qu'il produit par débordement de soi, l'Un ne doit être confondu ni avec l'Être (ἀλλἀ πρὸ ἑκάστου, οὑδὲ ὄν59), ni avec le Noûs, ni avec la vie60 (καὶ τὸ ζῆν καὶ τὸ νοεῖν καὶ πάντα61).

  • 62 Cf. note 49.
  • 63 Enn. VI,9 5 op. cit. p. 178.
  • 64 Ibid. Il attribue la paternité de cette doctrine à Parménide : “Le premier qui ait professé cette d (...)
  • 65 Sur cette identité entre le Noûs et Saturne dans le néoplatonisme, cf. P. Hadot, « Ouranos, Kronos (...)
  • 66 L'identification entre Saturne et le Noûs est classique depuis Platon, cf. Cratyle, 396a-c (trad. V (...)

20En effet, comme il le rappelle notamment dans la Vème Ennéade lors de l'exposition de la procession des hypostases à partir de l'Un, celui-ci est suivi par l'Être et le Noûs (τὸ ὄν καὶ νοῦς62), et au trosième rang, par la nature de l'Âme. Il ajoute explicitement que « cette merveille antérieure au Noûs est l'Un, qui est non-être63 » (ὃ μὴ ὄν ἐστιν). Plotin, qui attribue la paternité de cette thèse à Parménide, associe le Noûs à l'Être (εἰς ταὐτὸ συνῆγεν ὂν καὶ νοῦν)64 et au premier démiurge : il s'agit de la figure de Saturne65 dévorant ses enfants66, car l'Intellect se nourrit de ses propres idées. C'est en ce sens que Plotin ajoute que « dans l'ordre des êtres, le Noûs est toutes choses ».

  • 67 Enn. V,1 8 op. cit. p. 26.
  • 68 “Au-dessus de l'Être est l'Un.” Enn. V,1 10 op. cit. p. 28.
  • 69 Cf. Platon, Parménide 164b op. cit. L'indétermination de l'Un comme Non-Être est établie dans la se (...)
  • 70 Sur la différenciation comme opération principale du processus cosmogonique, voir l'étude de J. Rud (...)

21En effet, l'Être ne peut se voir identifié à l'Un dans la mesure où il est déjà multiple (ὡς τοῦ ἑνὸς τούτου πολλὰ67). L'Un, en tant que principe au-delà de l'Être, est donc supérieur à l'Être (ἔστι μὲν τὸ ἐπέκεινα ὄντος τὸ ἕν68), qui procède de lui et lui doit toute sa force. Tandis que l'Un est indéterminé69 et indivisible, abstraction d'une indifférenciation70transcendante, l'Être-Noûs est déterminé et divisible, tout comme les essences qu'il contient.

  • 71 Proclus, In Parmenidem, t. VI op. cit. 1077.10 p.57.

22Par conséquent, pour Plotin, c'est de l'indivisible et de l'indéterminé que procèdent le divisible et le déterminé (οἷον μεριστῷ ἐξ ἀμερίστου). Après lui, Proclus précisera cette généalogie en affirmant que « l'Un engendre simplement toutes les divisions71 » , avant d'ajouter qu' « étant lui-même cause de toute opposition, il ne s'oppose à rien ».

  • 72 Damascius, éd. C.-E. Ruelle Dubitationes et solutiones de primis principiis, in Platonis Parmenidem(...)

23C'est en ce sens que l'on peut penser l'Être comme excès du Non-Être chez Plotin, entendu non pas comme rien, mais à l'inverse, ainsi que nous l'avons dit, comme matrice de toutes choses. Cet Un transcendant plotinien deviendra le premier principe ineffable de Damascius, qui dira de lui qu'il « est et n'est pas à la fois72 ».

  • 73 Heidegger, Beiträge zur Philosophie, Gesamtausgabe Bd. 65, Vittorio Klostermann, 2003, p. 266.

24Puisque l'Être est ce qui est déterminé et potentiellement limité dans sa manifestation, l'Être est précisément ce qui n'est pas, et le Non-être éternel ce qui est véritablement. Influencé par la tradition néoplatonicienne, Heidegger écrira plus tard que le néant (nichtiges Nichts) est « plus étant que tout étant73 » (seiender als jeglisches Seiende).

Le Non-Être comme en-deçà de l'Être

  • 74 Sur la question fondamentale du non-être chez Plotin et dans les traditions platonicienne et néopla (...)
  • 75 Ennéades II,V 25 éd. A.H. Armstrong, Loeb Classical Library, Harvard University Press, 1966, p. 168 (...)
  • 76 Ennéades II, V 4 ibid. p. 166-167.

25Cette association entre l'Un et le Non-Être74 comme matrice universelle nous conduit à rappeler que, comme nous le verrons plus loin, la χώρα du Timée constitue dans la tradition platonicienne une autre version du Non-Être. Tandis que l'Un est par-delà l'Être, la matière est en-deçà de lui, et cette antécédence leur confère à tous deux une forte dimension matricielle, le premier par le haut, et la seconde par le bas. Plotin distingue explicitement ces deux formes du Non-Être75 : l'ὕλη est quelque chose d'informe (ἀνείδεόν τι76), et à ce titre, elle est “le non-être au plus haut degré” (ἄρα μὴ ὄν οὖσα πλειόνως μὴ ὄν ἔσται).

  • 77 Pour une introduction au statut du non-être chez Aristote, voir les études d'E. Berti, “Être et non (...)
  • 78 Aristote, Oeuvres Complètes, dir. P. Pellegrin, Flammarion, 2014, Métaphysique, XII, 1069b-1070a p. (...)

26Or si la matière est bien le “non-être en acte” (ἐνεργείᾳ μὴ ὄν), elle est la “matière des êtres” (τῶν ὄντων ὕλη) parce qu'elle est tous les êtres en puissance (Ἢ ὅτι δυνάμει), affirme Plotin. C'est ici que l'on mesure l'héritage aristotélicien du maître de Porphyre, qui reprend les termes d'Aristote77. Accordant une attention toute particulière à la question du Non-Être, le Stagirite écrivait dans le XIIè livre de sa Métaphysique78 que tout provient de l'être en puissance ; c'est-à-dire du Non-Être en acte.

  • 79 Ennéades II,5 op. cit. p. 166-169.
  • 80 Aristote, Métaphysique Θ 10, 1051 a34-b1 ; K 11, 1067 b25-27 εἰ δὴ τὸ μὴ ὄν πλεοναχῶς ; Λ 2, 1069b (...)
  • 81 Aristote, Métaphysique IV, 1009a. Cf. également l'étude d'A.-J. Voelke “Vide et non-être chez Leuci (...)

27On peut donc par conséquent avancer l'hypothèse selon laquelle c'est de la matière entendue comme Non-Être en acte que proviennent toutes choses79. Aristote distinguait quant à lui trois formes de Non-Être (τριχῶς γὰρ τὸ μὴ ὄν) que les néoplatoniciens modifieront : le faux, le néant et l'Être en puissance80, rapportant la théorie de Démocrite selon laquelle tout provient du Non-être identifié au vide81 qui rendrait possible le mouvement des atomes.

  • 82 Aristote, en Métaphysique, IV, 1007a-b op. cit. p. 1789, reproche d'ailleurs à Anaxagore de ne parl (...)

28Or si l'Être déterminé et multiple naît du Non-être indivisible et indéterminé82, c'est par un processus non pas d'inversion ontologique, mais, comme nous l'avons dit précédemment, d'excès, c'est-à-dire de débordement. Dans la mesure où l'Un comme Non-Être n'est pas le néant au sens de rien, mais comme l'entendait Jamblique qui identifiait l'Un-Être (second principe après l'Un ineffable sur lequel nous reviendrons) au Tout, il n'est pas de discontinuité, sinon purement linguistique, entre le Non-Être et l'Être.

  • 83 Ennéades VI,9 11 p. 187 op. cit.

29Cependant, si l'Un est le Tout, il est un Tout antérieur à l'Être, qui n'est pas identifiable au cosmos dans sa forme manifeste, mais plutôt au chaos compris à la fois dans son acception hésiodique et égyptienne, comme nous le verrons plus loin. A cet égard, Plotin écrit dans son dernier traité que « ce qui est au-dessus de toutes choses est ce qui est avant toutes choses » (τῷ ὑπερβάντι πάντα τὸ ὅ ἐστι πρὸ πἀντων83).

De Mysteriis VII : symbologie et cosmogonie égyptiennes

30Chez le sage de Chalcis qui consacre une partie conséquente de son Protreptique à élaborer une véritable symbologie, les objets qui deviennent symboles annulent leurs limites concrètes, cessent d’être des fragments isolés pour s’intégrer dans un système ; mieux encore, ils incarnent en eux, en dépit de leur précarité sujette à la corruption et de leur caractère fragmentaire, tout le système en question par un effet miroir.

  • 84 DM I,18 p. 42.

31Ainsi, toute partie de la réalité sensible manifeste au moyen de la matière concrète une réalité nouménale principielle et abstraite, et tend par conséquent par sympathie ou communauté d'essence à coïncider avec le Tout. Cette essence, chez Jamblique, est un fondement métaphysique, un principe déterminant (ἀρχή), mais également une puissance (δύναμις) qui se manifeste dans la matière qui en est toujours le réceptacle84 nécessaire, bien que corruptible.

32Or Jamblique distingue soigneusement la philosophie symbolique, qui relève selon lui du Noûs, de l'imagination subjective à ses yeux trompeuse, pour s'adresser à Porphyre en ces termes :

  • 85 DM VII,2 p. 186.

Apprends donc, toi aussi, l'interprétation intellective des symboles (τὴν τῶν συμβόλων νοερὰν) selon la pensée égyptienne, en écartant la fausse représentation (εἴδωλον) de ces mêmes symboles que donne l'imagination (φαντασία), pour t'élever à la vérité intellective (τὴν νοερὰν ἀλήθειαν)85.

33Il nous faut remarquer ici que l'image et le processus de représentation (εἴδωλον) s'éloignent pour Jamblique de l'intellection noétique et écartent l'âme de la connaissance, tandis que le symbole, quant à lui, a l'honneur insigne d'être un prophète de l'ineffable, le langage même de ce qui n'a pas de Verbe. Chemin privilégié pour s'élever jusqu'à l'Un, le symbole assure chez Jamblique la fonction de liant entre l'Un, le Noûs, l'Âme du Monde et la matière.

34C'est ainsi qu'il attribue à la religion égyptienne un emploi supérieur des symboles en De Mysteriis, VII :

  • 86 DM VII,1 p. 185.

Imitant, en effet, la nature du Tout et la démiurgie des dieux, les [Égyptiens] font voir au moyen de symboles des copies des intellections secrètes, cachées et invisibles, tout comme d’une part la nature, au moyen de symboles, a d’une certaine façon imprimé aussi dans les formes visibles ses raisons cachées.86

  • 87 Sur cette caractéristique des symboles chez Jamblique, voir. M. J. Hermoso Félix, « Símbolo e intel (...)
  • 88 Sur cette question, voir notamment J. ASSMANN, « Creation through hieroglyphs : the cosmic grammato (...)

35Réalités intellectives87 qui révèlent et expriment les principes invisibles à l'oeuvre dans le cosmos88, les symboles révèlent l'essence même de la nature dans laquelle ils sont contenus.

  • 89 Cf. J. Dillon, On the Mysteries, op. cit. p. XXXIX. Pour le Noun dans les Textes des Pyramides, éd. (...)
  • 90 Voir note 2.

36Dillon, Clarke et Hershbell émettent l'hypothèse selon laquelle le premier symbole explicitement introduit par Jamblique, le limon, se référerait au Noun89 égyptien, divinité première représentant le stade d'indifférenciation du monde antérieur à l'être/démiurge/Noûs, c'est-à-dire au Non-Être néoplatonicien. Ne s'agit-il pas là également d'une référence à la χώρα du Timée, que nous avons évoquée plus haut, s'inscrivant dans le projet jamblichéen d'accorder les religions orientales et la tradition platonicienne90 ? En quoi la dimension aquatique du Noun (comme celle du chaos orphique) peut-elle nous éclairer sur une possible parenté entre ce principe mythologique antécosmogonique, la χώρα du Timée et le Non-Être néoplatonicien ?

  • 91 Cf. Textes des Pyramides op. cit. t. II, 711B et 711D p. 601.
  • 92 Cf. LME, ch. XXXVIII, p. 117 ainsi que ch. XV p. 91.

37Il nous faut en effet souligner un point déterminant dans l'identité indifférenciée du Noun : il s'agit des « eaux primordiales » (njw) qui précèdent toute existence dans les Textes des Pyramides91. Dans la cosmogonie héliopolitaine, le dieu Atoum, autogénéré et père de lui-même, surgit de cet océan originel : « Je suis le dieu Tum, sortant de l'Océan d'autrefois et parcourant les Abîmes du ciel », peut-on lire dans le Livre des Morts Egyptien, rédigé au XVIè siècle avant notre ère à partir des Textes des Pyramides92.

  • 93 Pour ce concept égyptien des enfers, où Rê descend chaque nuit pour combattre le serpent Apophis, v (...)
  • 94 Cf. A. VON LIEVEN, Grundriss des Laufes der Sterne, Copenhagen, Carsten Niebuhr Institute of Near E (...)

38La lumière, manifestation par excellence de l'Être, en est tout à fait absente : le Noun est plus obscur encore que les ténèbres de la Douat93, au-delà souterrain où séjournent les âmes des défunts94. Or si le Noun est l'élément aquatique primordial indifférencié, le limon, symbole de fertilité par excellence, totalise l'Être tout entier qui jaillit du Non-Être :

Par limon, entends donc tout ce qui est corporéiforme et matériel, ou bien ce qui est nourricier et fécond, ou bien toute forme matérialisée de la nature emportée dans les flots agités de la matière, ou bien tout ce qui reçoit le fleuve de la génération et se mêle à lui, ou bien tout ce qui préexiste, à titre de fondement, comme cause principielle (ἀρχηγὸν αἴτιον) des éléments et de toutes les puissances appartenant à ces éléments.
Telle étant la nature du limon, le dieu cause de la génération, de l’ensemble de la nature et de toutes les puissances appartenant aux éléments, en tant qu’il est supérieur à tout cela, immatériel, incorporel, surnaturel, inengendré, indivis, constitué tout entier de lui-même et en lui-même invisible, préside à toutes ces choses-là et enveloppe en lui même tout l’univers (τὰ ὅλα περιέχει).
Et parce qu’il a tout enveloppé et qu’il se communique à tous les êtres cosmiques (μὲν συνείληφε πάντα καὶ μεταδίδωσιν ἑαυτοῦ τοῖς κοσμικοῖς ὅλοις), il est apparu comme sortant d’eux (ἐξ αὐτῶν ἀνεφάνη), mais parce qu’il surpasse tout l’univers et qu’il est par lui-même éminent à l’extrême, il apparaît comme séparé, transcendant, suspendu en l’air et par lui-même déployé au-dessus des puissances et des éléments qui sont dans le monde.”

  • 95 Notamment en Timée 19A, 22E, et 23B.

39Cette référence de Jamblique au limon n'est, comme nous l'avons indiqué plus haut, pas sans rappeler la χώρα95 indéterminée du Timée, qui correspond quant à elle à l'état antécosmogonique du monde à l'état de chaos, c'est à dire de non-être au sens plotinien. Mais si elle est la materia prima, en-deçà de l'Être à partir duquel émergent toutes les formes, et en ce sens, principe premier du cosmos, le limon égyptien, postérieur aux eaux primordiales qui le précèdent, ne se développe que dans un deuxième temps.

  • 96 Voir notamment le f163 éd. Des Places, « Ne t'incline pas vers le monde aux sombres rayons (μελαναυ (...)
  • 97 H. Lewy, Chaldean Oracles and Theurgy, Institut d'Etudes Augustiniennes, Paris, 2010 (1956), p. 297
  • 98 Cf. H. Lewy op. cit ainsi que la série d'études publiées sous la direction d'H. SENG, Bibliotheca C (...)

40S'inspirant également des Oracles Chadaïques qui accordent un rôle fondamental au βυθός primordial dans la genèse de l'Être tout en s'éloignant de leur approche pessimiste de la matière, Jamblique reconnaît l'émanation (bien que dégradée) indirecte de l'Un dans la nature. Bien qu'abordé comme une menace d'anéantissement total dans les Oracles Chaldaïques96, l'abîme chaldaïque apparaît comme l'Un en-deçà de l'Être ἀνόητος du néoplatonisme, l'état chaotique de la matière selon les mots de H. Lewy97. Cet abîme primordial, antérieur à tout ordonnancement cosmogonique (διακόσμησις), est également l'horizon eschatologique des âmes : dans les Oracles Chaldaïques98, qui excèdent l'horizon de cette étude, il partage à la fois les caractéristiques du Chaos orphique et hésiodique et du Tartare.

  • 99 Platon, Timée, 50 c1 ; d,7 ; 51 a7. Sur l'ἀμορφια primordiale de la matière, voir A.-J. Festugière, (...)
  • 100 Ibid. Platon, Tim., 51a.

41La matière primordiale est, dans la doctrine platonicienne, traditionnellement ἄμορφος99 et ἀειδής100. On renconnaît ici l'un des grands principes de la physique grecque, qui postule (en dehors, cela s'entend, de la thèse atomiste) l'unité de l'ὑποκείμενον ou substrat unique qui supporte les changements de forme et de qualité des êtres matériels. Si la χώρα platonicienne n'a elle aussi qu'une existence virtuelle, protéiforme qui éclaire le cratère chaldaïque, la πρώτη ὕλη aristotélicienne est plus explicitement encore la nature en puissance.

Les formes du chaos : le Non-Être dans les cosmogonies orphique et égyptienne

  • 101 La question du chaos dans les cosmogonies méditerranéennes n'a pas été suffisamment approfondie par (...)
  • 102 Les Présocratiques, Pléiade, Gallimard, 1988, fragment LXIV d'Anaxagore p. 647
  • 103 Dans Eusèbe, Préparation Evangélique, I,10, 1-16.
  • 104 Cf. les fragments de Démocrite dans Les Présocratiques, op. cit. notamment p. 767-846.
  • 105 Anaximandre in Les Présocratiques, ibid. p. 28-29.
  • 106 Zénon, éd. H. V. Arnim, Stoicorum Veterum Fragmenta, 1924, fr. 104-105.
  • 107 Thalès, in Les Présocratiques, op. cit. p. 14-23, notamment le f. XIV p. 17. Proclus lui attribue e (...)

42L'idée d'une confusion originelle des substances101 est énoncée dans la tradition grecque dès le Vème siècle avant notre ère par Anaxagore102, voisine au récit de la cosmogonie phénicienne telle que nous rapporte Philon de Byblos103, probablement connu de Démocrite104 et d'Anaximandre105. Zénon rapproche le mot χάος du verbe « verser », χεῖν, le désignant comme σύγχυσις στοιχείων106. Il nous faut remarquer ici la présence de l'élément liquide, bien présent même s'il n'est pas explicitement nommé comme eau primordiale comme chez Thalès107.

  • 108 Ovide, Métamorphoses, I,5 et ss.
  • 109 La recherche consacrée à l'orphisme de ces dernières années a été particulièrement fertile. Sans pr (...)

43Le chaos hésiodique n'est pas le mélange désordonné et inquiétant d'Ovide108 : il est même capable d'enfanter, puisqu'il donne naissance à l'Erèbe et à la Nuit, eux-mêmes féconds. Il ne comporte cependant pas d'horizon eschatologique semblable à son pendant orphique109, récit nostalgique d'une unité néantologique initiale brisée par le démembrement de Zagreus par les Titans, où le passage à l'être apparaît comme une chute ontologique dans le multiple.

  • 110 Pour une tentative de reconstitution de la cosmogonie orphique, cf. J. RUDHARDT, Le thème de l'eau (...)
  • 111 Sur cette question, voir l'étude d'A. Boulanger, « L'Orphisme dans les Argonautiques d'Orphée ». In (...)

44Seul système mythologique à explicitement attribuer à l'eau le rôle d'une réalité primordiale antérieure à l'Être, la cosmogonie orphique110 influence massivement la pensée néoplatonicienne, puisque Proclus et Damascius sont deux sources majeures des Orphicorum Fragmenta. Rappelons qu'Orphée lui-même aurait été initié aux mystères Egyptiens111, tout comme Pythagore selon les témoignages de Porphyre, Jamblique et Hiéroclès.

  • 112 Orphicorum Fragmenta, fr. 54 éd. O. Kern = Damascius, De Principiis, t. I, p. 317 l. 15-21 éd. Ruel (...)
  • 113 Le dossier, aussi vaste que touffu, dépasse le cadre de cette étude, qui souhaite simplement introd (...)

45C'est cependant Damascius qui nous rapporte l'une des versions112 les plus limpides de la cosmogonie orphique113 dont nous disposions, à partir du récit d'Athénagoras, apologète chrétien du IIème siècle, qui décrivait l'émergence du limon à partir des eaux primordiales chaotiques et indifférenciées :

  • 114 Athenagoras, Legatio sive Supplicatio pro Christianis, Oxford, Clarendon Press, 1972, ch. 18, p. 20 (...)

L'eau avait été (d'après Orphée), l'origine de toutes les choses ; à partir de l'eau, du limon s'était constitué. De l'une et l'autre de ces substances un être vivant fut produit : un dragon (…). Son nom était Heraclès et Chronos.114

  • 115 Damascius, De Principiis, op. cit.
  • 116 Cette conception du non-être reprise par Plotin, puis par Jamblique et Proclus, trouvera une postér (...)
  • 117 Ibid.
  • 118 Ibid.

46Le dragon, qui correspond chez Damascius au troisième principe, est à la fois mâle et femelle115 et semble dès lors représenter le Tout issu du chaos primordial avant sa manifestation. Egalement antécosmogonique, il semble cependant postérieur au chaos aquatique116. Damascius ajoute que « celui-ci engendra un œuf immense qui plein de la force de celui qui l'avait engendré, se brisa en deux parties sous l'effet du frottement117 », motif de la différenciation première à partir d'une unique matière primordiale. Ainsi, lorsque l'oeuf se brise, la terre et le ciel sont distingués118.

  • 119 Cf. LME notamment ch. XLII p. 125 « Ô Oeuf cosmique, écoute-moi ! » ; ch. LIV p. 131 « Je suis l'Oe (...)

47Nous pouvons distinguer trois échelles du passage du Non-Être à l'Être dans la cosmogonie orphique de Damascius : 1) le chaos précosmique et sa transformation en cosmos d'une part, et 2) le chaos terrestre des eaux primordiales, matrice de la vie, et sa division en ciel et terre d'autre part et enfin 3) la figure de l'oeuf primordial, que nous retrouvons également dans les récits égyptiens119. En d'autres termes, l'acte géogonique répète l'acte cosmogonique.

  • 120 Cf. Les religions du Proche-Orient asiatique : textes babyloniens, ougaritiques, hittites, éd. R. L (...)

48Ces deux niveaux d'émanation de l'Être à partir du Non-Être semblent dès lors se confondre et se voir identifiés l'une à l'autre par un effet de téléscopage sympathique de correspondance entre microcosme et macrocosme. Rappelons enfin rapidement, sans nous y attarder, que la cosmogonie Babylonienne de l'Enuma Elish, comme les cosmogonies orphique et égyptienne, situe elle aussi la figure chaotique des eaux primordiales de Tiamat avant la séparation du ciel et de la terre.120

Les eaux primordiales géogoniques

  • 121 De Antro (L'antro delle Ninfe), éd. L. Simonini, Adelphi, 2010 (1986) 13 p. 55.
  • 122 Poetae Lyrici Graeci éd. Bergk, t. III, Teubner, 1882, p. 684.

49Avant Jamblique, Porphyre attribuait un rôle non pas cosmogonique ou géogonique, mais psychogonique à l'élément aquatique dans la descente des âmes sur Terre dans son De Antro Nympharum, et plus particulièrement aux Naïades qui vivent dans les mondes souterrains, puissances des eaux (τῶν ὑδάτων προεστώσας δυνάμεις121), qui veillent sur les sources et président dès lors à la génération, c'est-à-dire à la descente (καταβάσις ou κάθοδος) des âmes. Celles-ci auraient, selon un hymne à Apollon, « ouvert le passage aux sources des eaux spirituelles122 » (πηγὰς νοερῶν ὑδάτων, qui « jaillissent au-dessus de la terre dans toutes les rivières » (διὰ πάντα νάη ῥήξασαι).

  • 123 Dans son De Iside et Osiride, Plutarque l'identifiait à Isis, tandis qu'il identifiait Okeanos à Os (...)

50Après Jamblique, Proclus, dans sa platonisation des divinités géogoniques traditionnelles, invoque l'interprétation jamblichéenne de la fonction cosmologique d'Okeanos et de Thetys123, divinités aquatiques primordiales.

  • 124 Iamblichi Chalcidensis op. cit. In Tim. fr. 76 p. 191.
  • 125 Ibid.
  • 126 Ibid.

51Selon son habituelle assocation des figures théologiques aux principes aristotéliciens qui en émaneraient selon lui, Proclus identifie Okéanos à la cause médiane du mouvement (μέση κινητικὴ αἰτία124). Téthys, quant à elle, est désignée comme l'élément agissant de l'ἐνέργεια125, participé par les νοήσεις, les âmes, les natures et les δυνάμεις, ainsi que par certains lieux de la terre et de l'eau qui servent de fondations aux éléments (τῶν στοιχείων στερεταί τινες χῶραι ἢ τῆς γῆς καὶ τοῦ ὕδατος126). Dans la mesure où il s'agit d'un fragment du commentaire de Jamblique sur le Timée, il est intéressant de remarquer que l'usage de la χώρα y est associé à l'élément aquatique.

  • 127 Proclus, In Tim. 176,10 reproduit par J. Dillon dans Iamblichus, the Platonic Commentaries, op. cit (...)
  • 128 Voir le commentaire de J. Dillon au fr. 77 de l'In. Tim., ibid.

52Ajoutons également qu'ils apparaissent comme deux figures primordiales, ne résultant pas de l'union de principes antérieurs, dans la mesure où Proclus précise que contrairement à l'opinion de certains commentateurs, ils émanent κατὰ μίαν ἕνωσιν καὶ συμπλοκὴν τῶν δυνάμεων ἀδιαίρετον127, processus qu'il qualifie de γάμος. A travers leur continuité et leur nature médiatrice, Okeanos et Téthys représentent par conséquent l'inverse d'Ouranos et Ge, qui forment un couple d'extrêmes (ἀκρότητες128).

L'émergence du premier dieu des eaux primordiales et le passage à l'Être en De Mysteriis, VIII,2

53Après ce détour par les eaux troubles du chaos préontologique, revenons à l'acte cosmogonique égyptien chez Jamblique, qui présente Atum comme la cause de la nature et de toute génération, lui-même incréé et autocréé, “enveloppant en lui-même tout l'univers”. Atum, rayon de lumière de l'Être à partir des ténèbres du Noun, s'exprime ainsi dans le Livre des Morts Egyptien :

  • 129 LME XLII p. 125.

On ne saurait retrouver cette époque lointaine où le Ciel fut créé pour moi, où la Terre en fut séparée, où furent départagés les êtres nés du Ciel et ceux nés de la Terre. Une fois séparés, ils ne se réuniront plus à la Source première129.

54Interrogé par Porphyre sur la cause première (τὸ πρῶτον αἴτιον) et les premiers principes dans la théologie égyptienne dont il se revendique un adepte, sur leur nature et leur nombre, Jamblique lui expose un développement qui nous offre un aperçu de son système métaphysique :

Avant les êtres réellement êtres [les Intelligibles] et les principes des [entités] universelles (τῶν ὅλων ἀρχῶν), il y a un Dieu Premier (πρότερος), antérieur même au premier dieu et roi, demeurant immobile dans la solitude de son unité. En effet, rien ne lui est rattaché, ni intelligible ni quoi que ce soit d’autre, mais il est établi comme un modèle (παράδειγμα) du dieu qui, père de lui-même (αὐτοπάτορος), s’engendre lui-même (αὐτογόνου) et [est] seul père de lui-même (μονοπάτορος θεοῦ), le Bien réellement bien (τοῦ ὄντως ἀγαθοῦ) ; car il est quelque chose de supérieur et de premier, source de tout (πηγὴ τῶν πάντων) et fondement des êtres conçus comme premières idées (τῶν νοουμένων πρώτων ἰδεῶν ὄντων).
À partir de ce Premier, émane de lui-même comme un rayon lumineux le dieu qui se suffit à lui-même, et c’est pourquoi il est père de lui-même et principe de lui-même ; car celui-là est principe et dieu des dieux, monade issue de l’Un, antérieur à l’essence et principe de l’essence (προούσιος καὶ ἀρχὴ τῆς οὐσίας). De lui, en effet, dérivent la substantialité et l’essence (οὐσιότης καὶ ἡ οὐσία), et c’est pour cela qu’il est appelé « père de l’essence » (οὐσιοπάτωρ), car il est ce qui existe antérieurement à l’essence (τὸ προόντως ὄν) et le principe des intelligibles (τῶν νοητῶν ἀρχή), c’est pourquoi il est aussi dénommé « chef des intelligibles » (νοητάρχης).

  • 130 Voir J. Dillon Iamblichi Chalcidensis in Platonis dialogos commentariorum fragmenta. Leiden : Brill (...)

55Il s'agit là du passage de Jamblique le plus explicite au regard de son système métaphysique et théologique, que Dillon a reconstruit130 comme suit : l'Un-Ineffable, totalement seul et autarcique, suivi par l'Un simple, la limite et l'illimité (πέρας καὶ τὸ ἄπειρον), et enfin, l'Un-Être (τὸ ἕν ὄν), dernier terme de l'hypostase de l'Un et premier de celle du Noûs.

  • 131 J. Finamore, “Iamblichus, the Sethians, and Marsanes” in Gnosticism and Later Platonism themes, Fig (...)
  • 132 D.C Clark, « Iamblichus’ Egyptian Neoplatonic theology in De Mysteriis », the International Journal (...)

56Le dieu « premier, antérieur au premier dieu et roi » a été interprété alternativement par la recherche moderne comme l'Un ineffable et l'Un simple, mais J. Finamore131 et D.C Clark132 insistent sur la cohérence interne du système qui conduit à envisager plus aisément qu'il s'agisse là de l'Un simple.

  • 133 Dillon a justement relevé la critique de Proclus, in Parm. VII.1149, 26ff, qu'il pense relative à D (...)

57Jamblique développe en effet une théorie fondée sur l'émergence de la monade démiurgique à partir de ce « dieu premier » ( πρότερος) dont il déclare qu'il en est le παράδειγμα. Ce deuxième principe, en ce qu'il engendre l'essence, lui est antérieur (προούσιος), et présente la particuliarité d'être autogénéré selon Jamblique, et « père de lui-même »133. Cependant, il nous faut remarquer que son antériorité relativement à l'essence suppose qu'il s'apparente d'une certaine manière au Non-Être. Or Jamblique le présente comme un rayon lumineux qui émanerait de l'Un, qui semble dès lors s'identifier ici au non-être, suggérant une certaine proximité avec la première hypothèse du Parménide.

58Cette dyade semble suivie de trois instances métaphysiques : l'essence, la substance, et les intelligibles, formant un modèle théologique à cinq termes composé des deux premières hypostases plotiniennes. Cependant, si le dieu premier s'identifie à l'Un et le premier Dieu au Noûs démiurgique, Jamblique distingue clairement l'essence du démiurge d'une part, et la substance d'autre part.

  • 134 De principiis op. cit. paragraphe 43.
  • 135 Oracles Chaldaïques, éd. E. Des Places, Belles Lettres, 2010 (1971) p. 73.

59Damascius134 nous apprend par ailleurs que Jamblique, dans son commentaire perdu sur les Oracles Chaldaïques, exposait une théorie selon laquelle il y aurait deux premiers principes, le principe totalement ineffable (πάντη ἄρρητος ἀρχή) et le principe non coordonné à la triade intelligible (ἡ ἀσύντακτος πρὸς τὴν τριάδα ἀρχή), s'opposant à celle de Porphyre pour qui le tout premier principe est le père de la triade intelligible. Pour Pierre Hadot, Porphyre aurait identifié le Père des Oracles, c'est à dire le Dieu suprême, avec l'existence et l'Être pur, et aussi avec l'Un de Plotin (seconde hypothèse du Parménide), en opposition avec Plotin lui-même, puisque, comme nous l'avons vu, ce dernier distingue bien l'Un du Noûs. Jamblique pourrait quant à lui s'appuyer sur le fragment 27135 des Oracles Chaldaïques : « Dans le monde entier brille la triade dont la monade est le chef », distinguant ainsi la triade intelligible de la monade qui la dirige, en ajoutant au-dessus d'elles l'Ineffable, ou Premier Dieu. Jamblique désigne en effet le Premier dieu sous les termes « monade » et « chef des intelligibles », parenté de vocabulaire qui suggère un lien direct.

La mise en ordre du cosmos : Kmeph et la première opération magique

  • 136 Cf. infra, n. 146.
  • 137 Sur la vénération par le silence, thème récurrent des écrits hermétiques et de la pensée jamblichée (...)

Après s'être consacré à l'exposé ardu de son système métaphysique, et avoir répondu aux questions de Porphyre, Jamblique propose une seconde hiérarchie explicitement fondée sur la théologie égyptienne, sous la forme d'une troisième dyade théologique : celle d'Heka136 et de Kmeph, l'ouroboros qui tourne ses pensées vers lui-même et le premier œuvre magique.
Dans une autre mise en ordre, Hermès range en premier comme commandant des dieux célestes le dieu Kmèph qu’il dit être un intellect qui s’intellige lui-même et qui tourne ses intellections vers lui-même ; et encore avant ce dieu, il range l’Un indivis et aussi celui qu’il appelle « premier œuvre magique » (πρῶτον μάγευμα), qu’il nomme aussi Eiktôn (Εἰκτὼν ἐπονομάζει) ; par suite, dans cet arrangement on a le premier qui intellige et le premier intelligible (τὸ πρῶτον νοητόν), que l’on ne peut honorer que par le silence137 (διὰ σιγῆς μόνης θεραπεύεται).

Premier système

Deuxième système

Troisième système

Noun

Le Dieu Premier – l'Un ineffable

L'Un indivis

Atum

L'Un-Être

Kmeph, le premier qui intellige

Nature

le Noûs/le démiurge

Eiktôn-Héka, le premier intelligible

L'essence

Les Intelligibles

Tableau des trois cosmogonies et hiérarchies métaphysiques de Jamblique dans De Mysteriis VII et VIII

  • 138 Voir G. Fowden, The Egyptian Hermes, op. cit.

60Jamblique interpète donc Kmeph comme le processus d'autoréflexivité en soi, soit l'acte même de la pensée réflexive qui émane d'Heka – c'est à dire le Noûs démiugique. Mais il s'agit également, dans la tradition alchimique fondée sur le corpus hermétique qui s'enracine lui-même dans le livre de Thot égyptien138, du symbole du Mercure, c'est à dire de la matière primordiale dont émerge et dans laquelle se dissout le Tout.

  • 139 τὸν δημιουργόν, ὂν Κνὴφ οί Αἰγύπτιοι προσαγορεύσιν.
  • 140 Porfirio, Sui simulacri, op. cit., f9 p.99.
  • 141 Voir D. Clark, « Iamblichus's Egyptian Neoplatonic Theology in De Mysteriis », the International Jo (...)

61Chez Porphyre, « le démiurge, que les Egyptiens appellent Kmeph139 (…) fait sortir un œuf de sa bouche, et de celui-ci naît un dieu qu'ils appellent Ptah, et les Grecs Héphaïstos, en interprétant l'oeuf comme le cosmos140. » L'hellénisation du dieu égyptien Kematef sous la forme de Kmeph141 semble corrélée à sa signification dans la religion égyptienne tardive ; « celui qui a accompli son temps ».

  • 142 A. Pliankoff, Les chapelles de Toutânkhamon, Le Caire, 1951, planche IV.
  • 143 Il s'agit d'une formule rituelle directement adressée à la défunte, Neit : “Ah Neit, ta sœur la Ser (...)

62Représenté sous la forme d'un serpent qui se mord la queue, il symbolise la figure de l'éternité cyclique antérieure à la temporalité, dont les premières représentations figurées connues remontent à la 28ème dynastie, sur une chapelle du temple de Toutânkhamon142. Le Papyrus de Dama-Heroub, daté de la 21ème dynastie, figure Horus-Harpocrate entouré par un ouroboros. Bien qu'antérieur à la polarisation de l'Être, il est féminisé et désigné sous les termes de “serpente céleste” aux vertus purificatrices dans les Textes des Pyramides, notamment dans les stèles funéraires de Neit143.

  • 144  Zosime de Panopolis, Mémoires authentiques, VI : Diagrammes, Les Belles Lettres, p. 21.

63Il s'agit d'un symbole récurrent dans la religion égyptienne, représenté sur les murs des temples et les talismans magiques gréco-égyptiens jusqu'au premier siècle de notre ère – avant sa réapparition massive dans l'art et les écrits hermétiques de la Renaissance. Zosime de Panopolis, alchimiste égyptien du IIIème siècle, figure l'ouroboros sous forme de diagramme dans ses Mémoires144 après l'avoir décrit comme l'union de l'Un et du Tout, ou plutôt de l'Un qui contient de Tout en Puissance :

  • 145 Ἓν τὸ πᾶν καὶ δι' αὐτοῦ τὸ πᾶν καὶ εἰς αὐτὸ τὸ πᾶν καὶ εἰ μὴ ἒχοι τὸ πᾶν οὐδέν ἐστιν τὸ πᾶν.

Un [est] le Tout, par lui le Tout et vers lui [retourne] le Tout ; et si l'Un ne contient pas le Tout, le Tout n'est rien145. Un est le serpent, celui qui possède l'ios après les deux traitements.

  • 146 E. Oréal, “HÉKA, proton mageuma : une explication de Jamblique, De Mysteriis VIII, 3”, Revue d’Ég (...)
  • 147 Pour un exposé récent du rôle d'Heka dans la théologie égyptienne, voir R. K. Ritner The Mechanics (...)
  • 148 D.C Clark op. cit. (2008), p. 174.

64La seconde figure théologique de ce passage, Iktôn, a été identifiée à Heka, le dieu égyptien de la magie par Elsa Oréal146. Le terme, en égyptien, désigne également la puissance cosmogonique intrinsèque de la magie et l'acte magique lui-même147, permettant de comprendre la précision de Jamblique lorsqu'il qualifie Eiktôn de πρῶτον μάγευμα, premier acte magique. Selon D.C Clark, il conviendrait de l'identifier à l'Un-Être, troisème moment de l'hypostase de l'Un, dans la mesure où il est τὸ πρῶτον νοητόν148, hypothèse que nous suivons. Heka semble occuper un rôle similaire dans la religion égyptienne, comme le suggèrent les Textes des Sarcophages, où il s'exprime ainsi :

  • 149 R.K Ritner (1993) p. 17, cité par D.C Clark (2008) p. 175.

Ô toi qui est devant le Tout (…). Je suis celui que le dieu unique a fait avant l'existence de la dualité (…) lorsqu'il était seul. (…) Je suis le fils de celui qui a donné naissance au Tout, né avant que sa mère ne vienne au monde. (…) C'est à moi qu'appartenait l'univers avant que vous autres dieux ne veniez à l'être. (…) Je suis Heka.149.

  • 150 Porphyre, l'Antre des Nymphes, 27, 15-16.

65Antérieur aux êtres divins, Heka est la force magique créatrice unifiée, existant avant toute chose divisée, c'est à dire avant le Logos lui-même, c'est pourquoi il ne peut être vénéré qu'à travers le silence. Porphyre lui-même souligne le rôle du silence dans le culte des dieux noétiques hypercosmiques150, dans la mesure où ces derniers précèdent l'existence du monde physique, sans parler de l'incitation mystérique au silence et de son statut de principe inengendré dans la doctrine valentinienne.

66D'un point de vue systémique, dans ce passage fondamental des Textes des Sarcophages, Heka incarne le troisième terme de cette hiérarchie métaphysique et théologique composée de l'Un seul, du Tout, de l'acte magique cosmogonique et des dieux. Si nous superposons cet exposé à celui du De Mysteriis VIII,2, nous obtenons une place du Tout similaire à celle que lui accorde Jamblique, non comme résultat de l'action du Noûs, mais comme moment à part entière de la première hypostase.

  • 151 R.K Ritner (1993) p. 18, ibid.

67A l'appui de l'hypothèse consistant à identifier Heka à l'Un-Être de Jamblique, un autre texte des Sarcophages le définit comme un principe métaphysique autogénéré, proche de la notion grecque d'αὐθυπόστασις ; « it was Heka who came into being of himself151 ». Ιl convient également de souligner la convergence entre « avant l'existence de la dualité » et « τὸ ἕν ἀμερὲς ». Par ailleurs, cette position du dieu égyptien de la magie et son identification à l'Un-Être est tout à fait cohérente dans l'exposé de Jamblique dans la mesure où celui-ci entend articulier métaphysique et théurgie. L'acte théurgique permet ainsi au théurge de s'unir à l'Un-Être, c'est à dire au démiurge, avant l'ascension de l'âme vers l'Un ineffable.

  • 152 Voir également, pour un exposé détaillé, E. Hornung, Conceptions of god in ancient Egypt : the One (...)

68Et Jamblique de présenter la religion égyptienne non comme un polythéisme, mais comme un système proprement hénothéiste152 :

Et ainsi, depuis le haut jusqu’aux réalités dernières (τῶν τελευταίων) le traitement des principes chez les Égyptiens (τῶν ἀρχῶν Αἰγυπτίοις παραγματεία) commence par une unité et procède vers une multiplicité (ἀφ᾽ἑνὸς ἄρχεται, καὶ πρόεισιν εἰς πλῆθος), les multiples étant à leur tour régis par une unité, et la nature indéterminée étant partout maîtrisée par une certaine mesure déterminée et par la cause suprême unitaire de toutes choses.

69Articulée autour d'un principe unique capable de se décliner sous une multitude d'aspects, la religion égyptienne serait dès lors selon Jamblique caractérisée par le concept d'une divinité primordiale métamorphe, procédant vers une multiplicité avant de retourner à l'unité initiale. L'unique rayon de lumière blanche qui se sépare en couleurs différentes une fois qu'il traverse le prisme du réel. Dans le Livre des Morts Egyptiens, l'initié ou le défunt doit, à l'instar de ce principe divin, traverser toutes les formes archétypiques de l'être avant de « sortir au jour », et c'est la connaissance des noms divins de chaque forme qui lui permet de maîtriser l'art des métamorphoses.

  • 153 Voir l'ouvrage fondamental de K. Sethe, Amun und die acht Urgötter von Hermopolis, APAW 4, Berlin, (...)
  • 154 DM VIII,3 p. 196.

70L'ogdoade d'Hermopolis153 constitue la dernière cosmogonie évoquée en De Mysteriis VIII. Il s'agit selon Jamblique d' « une autre domination s’exerçant sur la totalité des éléments du monde créé et sur leurs puissances dont quatre sont masculines et quatre féminines154. »

  • 155 Voir Zivie-Coche, “L’Ogdoade thébaine à l’époque ptolémaïque et ses antécédents”, in Documen (...)
  • 156 Racine habituellement employée pour qualifier “l’inertie” d’une divinité encore dans le Noun (à l' (...)
  • 157 Zivie-Coche, op. cit. p. 178.
  • 158 De Mysteriis, VIII,2.

71Selon C. Zivie-Coche155, ces couples symbolisent « la masse originelle, indifférenciée, informe, illimitée et obscure » antérieure au cosmos, qui ajoute que l'inertie est une caractéristique et une épiclèse des Huit, les Nnyw156, « les Inertes157 », « ceux qui sont en repos », rappelant l'immobilité du principe premier chez Jamblique ; qui « demeure immobile (ἀκίνητος) dans la solitude de son unité158 ».

72Ces indices portent à penser que les quatre syzygies de principes antérieurs à la création auxquels se réfère Jamblique font référence aux puissances antérieures à la création du monde, existant en puissance dans le Non-Être. Sur le temple d'Hathor à Denderah, ces divinités sous représentées sous la forme de figures anthropomorphes à tête de grenouille pour les principes masculins, et à tête de serpent pour les principes féminins. C'est d'eux que naît le lotus primordial sur lequel émerge Râ – représenté sous la forme du scarabée Khepri à l'aube, d'Horus au zénith, et d'Atoum au crépuscule. Râ, à son tour, engendre Thot, le démiurge, en s'unissant au bouton de lotus, principe féminin.

Le Noun

L'ogdoade

Le lotus

Le bouton de lotus

Thot

Le monde

La cosmogonie des huit

73Si le commentaire de Jamblique sur les Oracles Chaldaïques ainsi que son περὶ θεῶν ont été perdus, l'analyse des éléments égyptiens dans De Mysteriis VII et VIII permettent de mettre au jour que le maître d'Apamée n'avait pas seulement connaissance des instances antécosmogoniques de la théologie égyptienne, mais qu'il en offre un exposé néoplatonicien complexe et précis. Celui-ci permet à la fois de mieux comprendre l'influence du concept religieux de chaos sur la métaphysique néoplatonicienne, le rôle essentiel du Non-Être dans la philosophie grecque, mais également d'éclairer le système cosmogonique égyptien, dans la mesure où ces passages de Jamblique sont les uniques (et donc infiniment précieux) témoignages d'exégèse philosophique dont nous disposions sur le sujet avec le traité de Plutarque, De Iside et Osiride.

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Notes

1 F163 et f164 OC p. 106 Des Places. Selon Hans Lewy, Chaldean Oracles and Theurgy, p. 297, il s'agirait de l'état chaotique de la matière (l'ὑλικὸς κόσμος de Proclus), antérieure à tout ordonnancement et exclue de la διακόσμησις.

2 Platon, Timée, 50 c1 ; d,7 ; 51 a7.

3 Pour une bibliographie extensive sur Jamblique, voir l'article du Dictionnaire des Philosophes Antiques ; Goulet R. (dir) Dictionnaire des philosophes antiques, III, p. 824-830. C.N.R.S. Editions, Paris, 2005.

4 Sur l'Ecole Néoplatonicienne d'Apamée, voir “Le philosophe Jamblique et son école”, p. 29. In Revue des Études Grecques, tome 32, fascicule 146-150,1919. p. 29-40.

5 Sur les origines syriennes de Jamblique, voir P. Athanassiadi, La lutte pour l’orthodoxie dans le platonisme tardif : de Numénius à Damascius, Les Belles Lettres, Paris, 2006, p. 153-155.

6 Cf. Photius, cod. 181, p. 317.12-14 Zintzen.

7 Il s'agit d'une météorite noire adorée entre autres dans le culte de Cybèle, rapportée à Rome en 204 avant J.C, avant que ne lui soit élevé un temple sur le Palatin, comme le relate Julien dans son Discours sur la Mère des Dieux. Les cultes d'Apollon, de l'Aphrodite de Paphos, de l'Artémis de Sardes étaient également caractérisés par la vénération des bétyles. Le benben (tertre émergeant du Noun primordial) du temple d'Héliopolis et la pierre noire de la Kaaba (vénérée à l'époque préislamique dans le culte d'Al-lat, qu'Hérodote identifie à Aphrodite Ourania dans Histoires, III,8) participent également de cette tradition largement répandue dans les religions méditerranéennes antiques. Sur le rôle des bétyles dans les religions antiques, voir notamment J. Schamp, « Apollon prophète par la pierre. » In : Revue belge de philologie et d'histoire, tome 59, fasc. 1, 1981. Antiquité. p. 29-49 ; F. Lenormant, « Le culte des bétyles chez les Chaldéens » in Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 12e année, 1868. p. 318-322 ; et dans le cas spécifique du néoplatonisme, l'étude de J. Aliquot, « Au pays des Bétyles : l’excursion du philosophe Damascius à Émèse et à Héliopolis du Liban. » In : Cahiers du Centre Gustave Glotz, 21, 2010. p. 305-328.

8 Voir les écrits que R. TURCAN lui a consacrés, en particulier Héliogabale et le sacre du roi soleil, Albin Michel, 1985 ainsi que Les cultes orientaux dans le monde romain, Les Belles Lettres, Paris, 2004, p. 174-180.

9 DM VII,4 p. 189 Saffrey ; VII,5 p. 191 et surtout 192 : Σχεδὸν γὰρ καὶ τοῦτο αἴτιον νυνὶ γέγονε τοῦ πάντα ἐξίτηλα καθεστηκέναι καὶ τὰ ὀνόματα καὶ τὰ τῶν εὐχῶν, διότι μεταβαλλόμενα ἀεὶ διὰ τὴν καινοτομίαν καὶ παρανομίαν τῶν ‘Ελλήνων οὐδὲν παύεται. Φύσει γὰρ ῞Ελληνές εἰσι νεωτεροποιοὶ καὶ ᾄττοντες ϕέρονται πανταχῇ, οὐδὲν ἔχοντες ἕρμα ἐν ἑαυτοῖς· οὐδ' ὅπερ ἂν δέξωνται παρά τινων διαϕυλάττοντες, ἀλλὰ καὶ τοῦτο ὀξέως ἀϕιέντες, πάντα κατὰ τὴν ἄστατον εὑρεσιλογίαν μεταπλάττουσιν· βάρβαροι δέ, μόνιμοι τοῖς ἤθεσιν ὄντες, καὶ τοῖς λόγοις βεβαίως τοῖς αὐτοῖς ἐμμένουσιν· Διόπερ αὐτοί τέ εἰσι προσϕιλεῖς τοῖς θεοῖς καὶ τοὺς λόγους αὐτοῖς προσϕέρουσι κεχαρισμένους· διαμείβειν τε αὐτοὺς κατ' οὐδένα τρόπον οὐδενὶ ἀνθρώπῳ θεμιτόν ἐστιν. Τοιαῦτα καὶ περὶ τῶν ὀνομάτων τῶν τε 
 ἀϕθέγκτων καὶ τῶν βαρβάρων μὲν καλουμένων ἱεροπρεπῶν δὲ ὄντων πρὸς σὲ ἀποκρινόμεθα. (« Oui, il est à peu près certain que c’est là qu’il faut chercher la cause pour laquelle non seulement les noms, mais aussi les prières ont actuellement perdu leur efficacité. Car les Grecs ont par nature le goût de la nouveauté, ils s’agitent en tous sens, parce qu’ils n’ont rien de stable en eux ; même ce qu’ils peuvent recevoir d’autrui, ils ne le gardent pas, mais l’abandonnent bientôt, parce qu’ils transforment tout grâce à leur facilité de parole qui est, elle-même, instable. Les Barbares, au contraire, sont stables dans leurs coutumes et persévèrent fermement dans les mêmes façons de parler. C’est pourquoi ils sont chéris des dieux, et leur adressent des paroles qui leur sont agréables, et il n’est permis à personne de les changer sous aucun prétexte. Voilà ce que nous te répondons au sujet des noms [divins], tant les ineffables que ceux appelés barbares, mais qui, en réalité, sont sacrés. »)

10 Jamblique aborde les mystères de Sabazios, des Corybantes et de la Mère des Dieux en DM III,9 p. 88-90 et III,10 p. 91-92 ainsi que ceux d'Abydos en VI,5 p. 182-183 et VI,7 p. 184-185 éd. Saffrey, et consacre la majeure partie du De Mysteriis à théoriser les fondements métaphysiques et les mécanismes de l'enthousiasme mystérique, divinatoire et théurgique.

11 Voir A.-J. FESTUGIERE, Personal religion among the Greeks, University of California Press, Berkeley and Los Angeles, 1960.

12 La présente étude se fondera sur l'édition d'H.D Saffrey et A.-P. Segonds du De Mysteriis (la Réponse à Porphyre) publiée aux Belles Lettres en 2013 (citée ci-après DM), bien qu'elle mobilise les commentaires de celle de J. Dillon, E.C Clarke et J. P. Hershbell publiée en 2004 par la Society of Biblical Literature.

13 Cf. DM VII,4 p. 189 ; I,11 p.28 ; VII,1 p. 186 éd. Saffrey sur la συμβολικὴ (ou ἱερατικῆ) μυσταγωγία. Sur les mystères platoniciens, ibid. p. XII-XIII. Pour le lien entre initiation et mort dans l'Egypte ancienne, cf. J. ASSMANN, « Death and Initiation in the Funerary Religion of Ancient Egypt », in W.K.Simpson (ed.), Religion and Philosophy in Ancient Egypt, Yale Egyptological Studies 3, 1989, p. 135-159.

14 DM I,I éd. Saffrey p. 3, ἔνια δὲ καὶ τὴν ὅλην ἀπαιτεῖ παρ' ἡμῶν μυσταγωγίαν, » certains sujets exigent de nous l'exposé de la mystagogie dans son entier ».

15 Sur cette question, qui dépasse l'horizon de la présente étude, cf. notamment I. TANASEANU-DOBLER, Theurgy in Late Antiquity : the invention of a ritual tradition, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 2013 et C. ADDEY, Divination and Theurgy in Neoplatonism : Oracles of the Gods. Ashgate studies in philosophy and theology in late antiquity, Farnham ; Burlington, 2014 ; G. SHAW, Theurgy and the Soul, the neoplatonism of Iamblichus, The Pennsylvania State University Press, 1994 ; C. VAN LIEFFERINGE, La Théurgie. Des Oracles Chaldaïques à Proclus. Centre international d'Étude de la Religion grecque antique, Liège, 1999.

16 Lors de son exposé sur le rôle des différentes entités surnaturelles dans la théurgie, et en particulier dans sa démonologie, Jamblique précise que « les démons assurent la garde des mystères indicibles » (τῶν ἀπορρήτων μυστηρίων οἱ δαίμονες ἐπιτροπεύουσι τὴν ϕυλακήν) en DM VI,6 p. 184 éd. Saffrey. Sur la démonologie platonicienne, cf. A. Timotin, La démonologie platonicienne, histoire de la notion de daimon de Platon aux derniers néplatoniciens, Philosophia Antiqua vol. 128, Brill, 2011.

17 Durant l'expérience théurgique, qui est une forme de κατοκωκή divine l'enthousiaste devient « tout entier chose du dieu » (ὅλη γίγνεται τοῦ θεοῦ) au moment où le feu divin descend en lui, cf. III,5 p. 83 sur les différents modes de possession et III,6 p. 84 sur la descente du feu divin.

18 FESTUGIERE emploie largement cette notion dans sa Révélation d'Hermès Trismégiste. Elle fait même l'objet d'un de ces chapitres ; “Fictions littéraires” pp. 325-378 dans la récente réédition de C. Luna, H.D Saffrey et N. Roudel publiée aux Belles Lettres (2014) avec l'addition de plusieurs index utiles à la navigation.

19 Voir l'introduction d'H.D. Saffrey et d'A.-P. Segonds du De Mysteriis, p. XXIV-XXV et p. LXI-LXXI.

20 Cf. Jamblique De Mysteriis, éd. Saffrey, p. 1 : « Le dieu, prince de l’éloquence, Hermès, depuis longtemps est à bon droit considéré par tous les prêtres comme commun, et celui qui préside à la véritable science concernant les dieux, est un seul et le même dans tout l’univers ; c’est justement à lui que même nos ancêtres consacraient les découvertes de leur savoir, en mettant le nom d’Hermès sur tous leurs ouvrages. » (Θεὸς ὁ τῶν λόγων ἡγεμών, ‘Ερμῆς, πάλαι δέδοκται καλῶς ἅπασι τοῖς ἱερεῦσιν εἶναι κοινός· ὁ δὲ τῆς περὶ θεῶν ἀληθινῆς ἐπιστήμης προεστηκὼς εἷς ἐστιν ὁ 
 αὐτὸς ἐν ὅλοις· ᾧ δὴ καὶ οἱ ἡμέτεροι πρόγονοι τὰ αὑτῶν τῆς σοϕίας εὑρήματα ἀνετίθεσαν, ‘Ερμοῦ πάντα τὰ οἰκεῖα συγγράμματα ἐπονομάζοντες.)

Sur cette question, voir A.-J. FESTUGIÈRE, La Révélation d'Hermès Trismégiste op cit, passim. et G. FOWDEN, The Egyptian Hermes, Princeton University Press, 1993 (1986), notamment le chapitre spécifiquement consacré à Jamblique p. 131-141. Proclus associera également Jamblique à la religion égyptienne et à l'hermétisme, cf. DILLON, Iamblichi Chalcidensis in Platonis Dialogos Commentariorum Fragmenta. op. cit. In Tim. f. 38 p. 141. Sur la figure de Thoth, cf. C.J BLEEKER, Hathor and Thoth : two key figures of Ancient Egyptian religion, Brill, 1977.

21 Cette étude se rapportera à l'excellente édition de G. Kolpaktchy, Le Livre des Morts des Anciens Egyptiens, Stock, 1993, fondée sur le texte hiéroglyphique publié par E.A Wallis Budge, K. Paul, Trench and Trübner, Londres, 1898. Nous la désignerons par l'abréviation LME.

22 Voir notamment R. GRIESHAMMER, Nun, in Lexikon der Ägyptologie, 4, Wiesbaden 1982, par. 534–535 ; H. BONNET, Achtheit, Nun, in Lexikon der ägyptischen Religionsgeschichte. 3. Aufl., Berlin 2000, S. 5f. ; S. 535f, ainsi que W. HELCK et E. OTTO, Nun, in Kleines Lexikon der Ägyptologie, Harrassowitz Verlag Wiesbaden, 1999, 206f ; J.P. ALLEN, « The Egyptian Concept of the World », dans D. O’CONNOR S. QUIRKE, Mysterious Lands, Londres, 2003, p. 27.

23 Sur l'Un ineffable, voir notamment A. LINGUITI, « Giamblico, Proclo e Damascio sul principio anteriore all’uno », Elenchos 9 (1988), p. 95-106. Cf. aussi P. Hoffmann, « L’expression de l’indiscible dans le néoplatonisme grec de Plotin à Damascius », in C. Lévy - L. Pernot (ed.), Dire l’évidence : philosophie et rhétorique antiques, L’Harmattan, Paris, 1997, p. 335-390.

24 Damascius, De Principiis, t. I, éd. L.G Westerink et J. Combès, Belles Lettres, 1986 (éd. Ruelle I 26-27) p. 39.

25 Ibid. (éd. Ruelle I, 24-25) p. 36.

26 Voir leur introduction au De Mysteriis, On the mysteries, Atlanta : Society of Biblical Literature, 2003, p. XXXVIII-XLVIII.

27 D.C. CLARK, « Egyptian Neoplatonic Theology in the De Mysteriis », The International Journal of the Platonic Tradition 2 (2008) p. 164-205.

28 J. ASSMANN, « La théorie de la “parole divine” (mdw ntr) chez Jamblique et dans les sources égyptiennes », en appendice à Images et rites de la mort dans l’Égypte ancienne : l’apport des liturgies funéraires. Quatre séminaires à l’École Pratique des Hautes Études – Section des Sciences Religieuses, 17-31 mai 1999, Paris : Cybele, 2000, p. 107-127.

29 Voir G. FOWDEN, The Egyptian Hermes, Princeton : Princeton University Press, 1993, p. 131-142.

30 Pour une introduction à la question, cf. notamment R. T. Rundle Clark, Myth and symbol in Ancient Egypt, Thames & Hudson, London, 1959 ; E. HORNUNG, Les dieux de l'Egypte : l'un et le multiple, Editions du Rocher, Paris, 1986 ; J. ASSMANN, The search for God in Ancient Egypt, Cornell University Press, Ithaca, 2001.

31 Sur l'élément égyptien chez Platon, cf. E. VOEGELIN, « Plato's Egyptian Myth », in The Journal of Politics, 9 (1947), p. 307-24 ; H. JOLY « Platon égyptologue », Silex 13 (1979), p. 255-266 ; article repris dans la Revue philosophique, 172 (1982). J. McEVOY, « Platon et la sagesse de l'Egypte », Kernos 6 (1993), p. 245-275 ; A. UZDAVINYS Philosophy as a rite of rebirth : from Ancient Egypt to Neoplatonism, Prometheus Trust, 2008.

32 274e-275.

33 18B.

34 Voir l'édition de P. W. Van der Horst des fragments qui s'y rapportent, Chaeremon : Egyptian priest and philosopher, E.J. Brill, Leiden, 1987 ; ainsi qu'H.R. Schwyzer, Chairemon : Klassisch-philologische Studien 4, Leipzig 1932.

35 Sept des vingt-six fragments édités par Van der Horst proviennent en effet des œuvres de Porphyre, en particulier du De Abstinentia et Sur les Statues. Il s'agit également des plus fournis.

36 Voir les notes 149-185 de M. Gabriele dans son édition du περὶ ἀγαλμάτων : Porfirio, Sui Simulacri, Milano, Adelphi, 2012, p. 258-286.

37 Ennéades VI,9 (t. V, 2ème partie), éd. E. Bréhier, Belles Lettres, 2003, 10 p. 186 (édition de poche).

38 Ennéade VI,9 ibid. 11 p. 187. Dans sa volonté d'abolir la distance qui sépare l'âme de l'Un, qui doit remonter à son origine par conversion, Plotin se rapproche de la vision de l'Advaita Vedanta, comme l'écrivait déjà E. Bréhier dans son étude consacrée à la philosophie plotinienne ; E. Bréhier, La philosophie de Plotin, Vrin, 1998. Pour cette question, voir également l'étude d'O. Lacombe. « Note sur Plotin et la pensée indienne ». In : École pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire 1950-1951, p. 3-17.

39 Ennéade VI,9 11 ibid.

40 Ibid. Τὸ δὲ ἴσως ἦν οὐ θέαμα, ἀλλὰ ἄλλος τρόπος τοῦ ἰδεῖν, ἔκστασις καὶ ἅπλωσις καὶ ἐπίδοσις αὑτοῦ.

41 M. Dixsaut « Platon et le logos de Parménide », dans Etudes sur le Poème de Parménide, sous la direction de P. Aubenque, Paris, Vrin, 1988, 215-253.

42 Cf. J. Trouillard, L'Un et l'âme selon Proclos, Belles Lettres, 1972, p. 110. Dans les écoles néoplatoniciennes, l'on étudiait les textes du manifeste au plus métaphysique et sacré : d'abord Aristote, puis Platon, principalement le Parménide et le Timée, ensuite les poèmes orphiques et les Oracles Chaldaïques. Sur ce sujet en particulier, voir C. D'Ancona, The Libraries of the Neoplatonists, Philosophie Antiqua : volume 107, Brill, 2007.

43 Proclus, In Platonis Theologiam, I, 7-8, éd. Saffrey et Westerink, Belles Lettres, 1969, p. 31-32.

44 Voir l'édition récente de ce commentaire de Damascius : Commentaire sur le Parménide, publié aux Belles Lettres, 2002 (1997) en deux tomes, et dont le texte fut établi par L.G Westerink avec la contribution d'A.-P. Segonds, et traduit par J. Combès.

45 Cf. Proclus, In Parmenidem, t. VI, éd. C. Luna et A.-P. Segonds, Belles Lettres, 2017, 1082.10 p. 63.

46 Proclus nous rapporte également l'opinion de Jamblique selon qui Un de l'âme correspondrait au κυβερνήτης du Phèdre, tandis qu'il identifiait le νοῦς à l'ἡνίοκος. Cf. Hermeias, In Phaedr. 150, 24ff reproduit dans DILLON, Iamblichi Chalcidensis in Platonis Dialogos Commentariorum Fragmenta, Prometheus Trust, 2009 (1973) fr. 6 p. 97.

47 265b-c.

48 Voir notamment DM I,19 p. 44 ; DM II,6 p. 61 ; III,7 p. 86 ; X,6 p. 216 éd. Saffrey.

49 Proclus, In Parmenidem, VI ibid., 1082, 12-16 p. 63-64.

50 Cf. J. Trouillard, L'Un et l'Âme selon Proclos, Belles Lettres, 1972, p. 138

51 Pour un rappel de ces neuf hypothèses, cf. J. Trouillard, L'Un et l'Âme selon Proclos, Belles Lettres, 1972, p. 112-113.

52 Dans le Livre des Morts Egyptien, ce non-être en-deçà de l'Être qui n'est pas le Noun mais une figure qui se rapproche du Tartare grec existe également, et se voit associé au serpent Apophis ; cf. LXIV p. 141, « Je ne crains pas les eaux de l'Abîme ».

53 Cf. Proclus, In Parmenidem, t. V, éd. et trad. A.-P. Segonds et C. Luna, 137 B 1-5, V 1035.19 p. 96.

54 Platon, Parménide, éd. et trad. A. Diès, Belles Lettres, 1965, 163d.

55 Ibid.

56 Leur autorité est notamment invoquée en Ennéades IV, 8 1 et 5 ; II, 1 2 ; II,4 7 et V,I 9.

57 Ennéades t. V, éd. E. Bréhier, Belles Lettres, 2012, V,I 10 p. 28. Pour cette expression caractéristique de la pensée plotinienne, cf. également Enn. II,4 16 ; III,9 9 ; IV,4 16 ; V,5 6 et VI,8 9.

58 L'Un au-delà de l'Être, l'Un multiple (ἓν πολλά) qui correspond au Tout, c'est-à-dire à l'Être et au Noûs, et enfin, l'Un à la fois un et multiple qui correspond à l'âme qui joint en elle les extrêmes et réalise ainsi l'harmonie suprême (ἓν καὶ πολλά). Cf. Ennéades V,1,8 ; VI,6,17 ; IV,2,2. Cf. également J. Trouillard, op. cit. p. 114-115. Sur l'unité comme relation qui surmonte le conflit ; ἐξ ἐναντίων λόγον εἶναι ἕνα, cf. Ennéades, t. III, éd. Bréhier, Belles Lettres, 2003 ; III, 2, 16, 50 p. 45.

59 Ennéades, t. VI 2ème partie, éd. E. Bréhier, Belles Letres, 2003 ; VI,9 3 p. 175.

60 Cf. également Ennéade III,8 (30), Sur la contemplation ch. 10 ligne 3 « l'Un est au-delà de la vie : il est cause de la vie » éd. J.F. Prudeau, dans Plotin traités 30-37, sous la direction de L. Brisson et J.-F. Pradeau, Paris, Flammarion, 2006.

61 Ennéade V,1 op. cit. 7 p. 24.

62 Cf. note 49.

63 Enn. VI,9 5 op. cit. p. 178.

64 Ibid. Il attribue la paternité de cette doctrine à Parménide : “Le premier qui ait professé cette doctrine est Parménide, qui identifie l'être et le Noûs et ne place pas l'être dans les choses sensibles : “Car, dit-il, la pensée est la même chose que l'être (τὸ γὰρ αὐτὸ νοεῖν ἐστί τε καὶ εἶναι).” Si les choses sensibles sont dépourvues d'être selon Plotin qui cite Parménide, c'est parce que la matière se situe selon lui et depuis Platon en-deçà de l'être et constitue par conséquent l'une des versions du non-être. Pour une étude de la notion de chôra chez Platon, voir notamment L.Brisson, « À quelles conditions peut-on parler de « matière » dans le Timée de Platon ? », Revue de métaphysique et de morale, vol. 37, no. 1, 2003, pp. 5-21.

65 Sur cette identité entre le Noûs et Saturne dans le néoplatonisme, cf. P. Hadot, « Ouranos, Kronos and Zeus in Plotinus’ treatise Against the Gnostics », in Neoplatonism and Early Christian Thought, 1981, Henry J. Blumenthal & Richard A. Marcus (eds), London, Variorum Reprint, p. 124-137 ; L. Oliveira, « A genealogia mítica Urano, Cronos et Zeus em Plotino », Revista de Estudos Filosóficos e Históricos da Antiguidade 25 (2008), p. 109-133 ; D.B Robison, « Krónos, Korónous and Krounós in Plato’s Cratylus » in The Passionate Intellect, Essays on the Transformation of Classical Traditions, 1995, Lewis Ayres (ed.), New Brunschwick – Londres, Transaction Publishers, p. 57-65 et J. Whittaker, « Epekeina nou kai ousias », Vigiliae Christianae 23 (1969), p. 91-104.

66 L'identification entre Saturne et le Noûs est classique depuis Platon, cf. Cratyle, 396a-c (trad. V. Cousin) : « Il est naturel que Jupiter soit le fils d'une intelligence supérieure ; et en effet le nom de Cronos [Saturne] est un composé de deux parties, dont la première, κόρος, signifie, non pas le fils, mais bien ce qu'il y a de plus pur dans l'intelligence, νόος. Cronos, à son tour, est fils d'Uranos (le Ciel) : on a très bien appelé Uranie, Οὐρανία, la contemplation des choses d'en haut (ὁρῶσα τὰ ἄνω), d'où vient l'intelligence pure, s'il en faut croire les hommes qui s'occupent des choses célestes et qui trouvent que le Ciel a été bien nommé Uranos. »

67 Enn. V,1 8 op. cit. p. 26.

68 “Au-dessus de l'Être est l'Un.” Enn. V,1 10 op. cit. p. 28.

69 Cf. Platon, Parménide 164b op. cit. L'indétermination de l'Un comme Non-Être est établie dans la septième hypothèse du Parménide ; où l'on peut lire que l’« Un qui n'est pas n'a, sous aucun rapport, aucune détermination. »

70 Sur la différenciation comme opération principale du processus cosmogonique, voir l'étude de J. Rudhardt, Le thème de l'eau primordiale dans la mythologie grecque, éd. Francke Berne, 1971, en particulier p. 16-17. Par définition, ce processus d'indifférenciation produit une multiplicité divisée à partir d'une unité indistincte.

71 Proclus, In Parmenidem, t. VI op. cit. 1077.10 p.57.

72 Damascius, éd. C.-E. Ruelle Dubitationes et solutiones de primis principiis, in Platonis Parmenidem, Paris, Klincksieck, 1889 (réimpr. Bruxelles, 1964 ; Amsterdam, 1966), t. II, p. 289, 1-4.

73 Heidegger, Beiträge zur Philosophie, Gesamtausgabe Bd. 65, Vittorio Klostermann, 2003, p. 266.

74 Sur la question fondamentale du non-être chez Plotin et dans les traditions platonicienne et néoplatonicienne, voir L. Palumbo, Il non essere e l'apparenza, sul « Sofista » di Platone, Loffredo, Naples, 1994 ; “L'idée du néant et le problème de l'origine radicale dans le néoplatonisme grec”, in Revue de métaphysique et de morale, 26, 1919, p. 443-475, ainsi que celle de J.-M. Narbonne, “Le non-être chez Plotin et dans la tradition grecque”, in Revue de Philosophie Ancienne, vol. 10, no. 1 (1992), p. 115-133, ainsi que J.M Rist, “The Indefinite Dyad and Intelligible Matter in Plotinus”, Classical Quaterly, 12, 1962, p. 99-107 ; P. Aubenque, “Plotin et le dépassement de l'ontologie grecque classique”, dans Le néoplatonisme, Paris, éditions du CNRS, 1971, p. 101-109 et D. O'Brien, “Le non-être dans la philosophie grecque : Parménide, Platon, Plotin”, dans Etudes sur le Sophiste de Platon, sous la direction de P. Aubenque, Naples, Bibliopolis, 1991, p. 317-364 et Le non-être. Deux études sur le Sophiste de Platon (International Plato Studies – vol. 6), Sankt Augustin, Academia, 1995 ; J. Laurent, « Sur des modalités d'existence du non-être. Du vide démocritéen à la matière plotinienne », Quaestio, 3 (2003), p. 61-70 ; M. Dixsaut « Le Non-Être, l'Autre et la négation dans le Sophiste », dans Etudes sur le Sophiste de Platon, ibid. ;. Plus généralement, sur la question du non-être dans la philosophie antique, voir le vol. 122, no. 3 de la Revue de Théologie et de Philosophie (1990) et notamment les contributions de J. Rudhardt ; “Dans quelle mesure et par quelles images les mythes grecs ont-ils symbolisé le néant ?” p. 303-312 ; F. Létoublon “La notion de non-être dans l'histoire de la langue grecque archaïque” p. 313-322 ; L. Couloumbaritsis “La logique du mythe et la question du non-être”, A.-J. Voelke “Vide et non-être chez Leucippe et Démocrite” p. 323-352 ; J. Brunschwig “Sur une façon stoïcienne de ne pas être” p. 389-404 ; D. O'Meara “La question de l'être et du non-être des objets mathématiques chez Plotin et Jamblique” p. 405-416 ; C. Guérard « La théologie négative dans l'apophatisme grec », Revue des sciences philosophiques et théologiques, 68, 1984, p. 183-199. Voir également le περὶ τοῦ μὴ ὄντος de Gorgias in McComiskey B., « Gorgias, On Non-Existence ; Sextus Empiricus, Against the logicians, l. 65-87 : translated from the Greek text in Hermann Diels's Die Fragmente der Vorsokratiker », Philosophy and Rhetoric, 30 (1), 1997, p. 45-49, reproduit par M.-L. Desclos, « Gorgias », dans Le néant : contribution à l'histoire du non-être dans la philosophie occidentale, sous la direction de J. Laurent et C. Romano, PUF, p. 60-63.

75 Ennéades II,V 25 éd. A.H. Armstrong, Loeb Classical Library, Harvard University Press, 1966, p. 168-169 et Porphyre, Sentences, 26.

76 Ennéades II, V 4 ibid. p. 166-167.

77 Pour une introduction au statut du non-être chez Aristote, voir les études d'E. Berti, “Être et non-être chez Aristote : contraires ou contradictoires ?” in Revue de Théologie et de Philosophie, vol. 122, no. 3, Le problème du non-être dans la philosophie antique (1990), p. 365-373 ; d'A. De Muralt, “L'être du non-être en perspective aristotélicienne” ibid. p. 385-388 ; de R. Bodéüs, « Les trois façons d'entendre le non-être selon Aristote », Diotima, 31 (2003), p. 79-88 ; de G. Sillitti, « Il non ente tra Platone e Aristotele », Cultura VI (1968), p. 474-488 et T.V Upton « Naming and non-being in Aristotle », Proceedings of the American Catholic Philosophical Association, 59 (1984), p. 275-288.

78 Aristote, Oeuvres Complètes, dir. P. Pellegrin, Flammarion, 2014, Métaphysique, XII, 1069b-1070a p. 1920. Aristote, comme Plotin après lui, fait également appel à l'autorité des philosophes présocratiques pour ce concept de la matière comme non-être en acte et matrice universelle de l'être, affirmant l'accord d'Anaximandre, Anaxagore, Empédocle et Démocrite sur cette question.

79 Ennéades II,5 op. cit. p. 166-169.

80 Aristote, Métaphysique Θ 10, 1051 a34-b1 ; K 11, 1067 b25-27 εἰ δὴ τὸ μὴ ὄν πλεοναχῶς ; Λ 2, 1069b 27-28 ; N2, 1089a 16 πολλαχῶς γὰρ καὶ τὸ μὴ ὄν ; Physique V 1, 225a 20-23.

81 Aristote, Métaphysique IV, 1009a. Cf. également l'étude d'A.-J. Voelke “Vide et non-être chez Leucippe et Démocrite” op. cit.

82 Aristote, en Métaphysique, IV, 1007a-b op. cit. p. 1789, reproche d'ailleurs à Anaxagore de ne parler que l'indéterminé, c'est-à-dire uniquement du Non-Être.

83 Ennéades VI,9 11 p. 187 op. cit.

84 DM I,18 p. 42.

85 DM VII,2 p. 186.

86 DM VII,1 p. 185.

87 Sur cette caractéristique des symboles chez Jamblique, voir. M. J. Hermoso Félix, « Símbolo e intelecto en la filosofía de Jámblico : en torno a De Mysteriis 2.11.20-41 », Logos. Anales del Seminario de Metafisica 47 (2014), p. 135-153. Sur la νωερά θεωρία de Jamblique, voir J. M. Dillon, « Iamblichus’ νοερἁ θεωρία of Aristotle’s Categories » et R.L. Cardullo, « La νοερἁ θεωρία di Giamblico come chiave di lettura delle Categorie di Aristotele : alcuni esempi », articles parus dans Syllecta Classica 8 (1997) [Iamblichus : the philosopher], aux p. 65-77 et 79-94 respectivement ; J. Opsomer, "An intellective perspective on Aristotle : Iamblichus the Divine", in A. Falcon (ed.), Brill’s Companion to the Reception of Aristotle in Antiquity, Brill, Leiden, 2016, p. 341-357.

88 Sur cette question, voir notamment J. ASSMANN, « Creation through hieroglyphs : the cosmic grammatology of Ancient Egypt », in S. La Porta and D. Shulman (ed.), The poetics of grammar and the metaphysics of sound and sign (Jerusalem studies in religion and culture 6), Leiden ; Boston 2007, p. 17-34 ; et J. ASSMANN « La théorie de la parole divine (mdw ntr) chez Jamblique et dans les sources égyptiennes » op. cit.

89 Cf. J. Dillon, On the Mysteries, op. cit. p. XXXIX. Pour le Noun dans les Textes des Pyramides, éd. C. Carrier t. I : Textes de la Pyramide d'Ounas et de Téti, Cybèle, Paris, 2009 ; 268D p. 111 qui se réfère à la « caverne du Noun », 310B p. 127 « ses victuailles sont dans le Noun » ; 318B p. 129 « qu'il s'unisse à ceux qui sont dans le Noun » ; 551B p. 215 « Va donc vers le Noun ! Pars donc vers le Flot » ; 132C p. 217 « Téti a été conçu dans le Noun » ; 593B p. 241 « les deux Seigneurs du Noun » (nb.wy Nw.w) et passim. Voir également C. Carrier, Textes des Pyramides t. II : textes de la Pyramide de Pépi Ier, Cybèle, Paris, 2009 ; 207B p. 539 « Puisses-tu te tenir sur les trônes du Noun », mais il nous faut remarquer qu'on y lit littéralement Nn(.t). Or Nounet, comme l'indique sa terminaison, incarne plus spécifiquement la dimension féminine du Noun. Le Ciel primordial, Nout (Nw.t) est également féminin, et souvent désigné comme mère du défunt (mw.t =f Nw.t) cf. op cit. notamment 638A p. 453 ; 1030D p. 787 et passim. Cf. enfin C. Carrier, Textes des Pyramides t. IV : Textes des Pyramides de Mérenrê, d'Aba, de Neit, d'Ipout et d'Oudjebten, Cybèle, Paris, 2010, 1778B p. 2261.

90 Voir note 2.

91 Cf. Textes des Pyramides op. cit. t. II, 711B et 711D p. 601.

92 Cf. LME, ch. XXXVIII, p. 117 ainsi que ch. XV p. 91.

93 Pour ce concept égyptien des enfers, où Rê descend chaque nuit pour combattre le serpent Apophis, voir les quatre tomes de la traduction d'A. Piankoff du Livre des Cavernes ; Le livre des Quererts I, BIFAO 41 (1942), Le Caire, p. 1-11 ; Le livre des Quererts 2, BIFAO 42 (1944), Le Caire, p. 1-62 ; Le livre des Quererts 3, BIFAO 43 (1945), Le Caire p. 1-50 ; Le livre des Quererts, BIFAO 45 (1947), Le Caire, p. 1-42.

94 Cf. A. VON LIEVEN, Grundriss des Laufes der Sterne, Copenhagen, Carsten Niebuhr Institute of Near Eastern Studies : Museum Tusculanum Press, 2007 par. 38, p. 60-61 ; O. NEUGEBAUER et R. A. PARKER, Egyptian astronomical texts, I : The early decans, Rhode Island, 1960, p. 54.

95 Notamment en Timée 19A, 22E, et 23B.

96 Voir notamment le f163 éd. Des Places, « Ne t'incline pas vers le monde aux sombres rayons (μελαναυγέα), sous lequel se tient un abîme (βυθὸς) pour toujours informe et amorphe. Celui-ci est ténébreux, sordide, fantômatique (εἰδωλοχαρὴς), dépourvu de Noûs (ἀνόητος), empli de précipices (κρημνώδης) et de voies sinueuses. Il fait éternellement tournoyer sa profondeur mutilée, dans son éternel mariage (αἰεὶ νυμφεύων) à un corps invisible, inerte et privé de souffle (ἄπνευμον). »

97 H. Lewy, Chaldean Oracles and Theurgy, Institut d'Etudes Augustiniennes, Paris, 2010 (1956), p. 297.

98 Cf. H. Lewy op. cit ainsi que la série d'études publiées sous la direction d'H. SENG, Bibliotheca Chaldaica / Band 1-7 (2009-2018), Universitätsverlag Winter, Heidelberg.

99 Platon, Timée, 50 c1 ; d,7 ; 51 a7. Sur l'ἀμορφια primordiale de la matière, voir A.-J. Festugière, Corpus Hermétique, tome I, Belles Lettres, Paris, 2011, p. 167.

100 Ibid. Platon, Tim., 51a.

101 La question du chaos dans les cosmogonies méditerranéennes n'a pas été suffisamment approfondie par la recherche malgré son importance capitale. Voir cependant les études introductives de J. Ternus, « Chaos. In Reallexikon für Antike und Christientum, II 1031 SS » et F. Lämmli, Von Chaos zum Cosmos (Bâle, 1962).

102 Les Présocratiques, Pléiade, Gallimard, 1988, fragment LXIV d'Anaxagore p. 647

103 Dans Eusèbe, Préparation Evangélique, I,10, 1-16.

104 Cf. les fragments de Démocrite dans Les Présocratiques, op. cit. notamment p. 767-846.

105 Anaximandre in Les Présocratiques, ibid. p. 28-29.

106 Zénon, éd. H. V. Arnim, Stoicorum Veterum Fragmenta, 1924, fr. 104-105.

107 Thalès, in Les Présocratiques, op. cit. p. 14-23, notamment le f. XIV p. 17. Proclus lui attribue en particulier l'apport de la géométrie aux Grecs à partir de l'Egypte. Ibid. f. 11 p. 14.

108 Ovide, Métamorphoses, I,5 et ss.

109 La recherche consacrée à l'orphisme de ces dernières années a été particulièrement fertile. Sans prétendre en restituer ici un panorama exhaustif, nous renverrons le lecteur aux études de L. Brisson, Orphée et l'orphisme dans l'Antiquité Gréco-Romaine, Aldershot, 1995 ; éd. P. Borgeaud, Orphisme et Orphée – en l'honneur de Jean Rudhardt, Genève, 1991 ; M. Détienne, Dionysos mis à mort, Gallimard, 1977 ; A. Bernabé, La théogonie orphique du papyrus de Derveni, Kernos 15 (2002), p. 91-129.

110 Pour une tentative de reconstitution de la cosmogonie orphique, cf. J. RUDHARDT, Le thème de l'eau primordiale dans la mythologie grecque, éd. Francke Berne, Fribourg, 1971, p. 12-18.

111 Sur cette question, voir l'étude d'A. Boulanger, « L'Orphisme dans les Argonautiques d'Orphée ». In Bulletin de l'Association Guillaume Budé, n° 22, janvier 1929, p. 30-46.

112 Orphicorum Fragmenta, fr. 54 éd. O. Kern = Damascius, De Principiis, t. I, p. 317 l. 15-21 éd. Ruelle op. cit. :Ὕδωρ ἦν, φησίν, ἐξ ἀρχῆς, καὶ ὕλη, ἐξ ἧς ἐπάγη ἡ γῆ”, δύο ταύτας ἀρχὰς ὑποτιθέμενος πρῶτον, ὕδωρ καὶ γῆν, ταύτην μὲν ὡς φύσει σκεδαστήν, ἐκεῖνο δὲ ὡς ταύτης κολλητικόν τε καὶ συνεκτικόν, τὴν δὲ μίαν πρὸ τῶν δυεῖν ἄρρητον ἀφίησιν· αὐτὸ γὰρ τὸ μηδὲ φάναιπερὶ αὐτῆς ἐνδείκνυται αὐτῆς τὴν ἀπόρρητον φύσιν·τὴν δὲ τρίτην ἀρχὴν μετὰ τὰς δύο γεννηθῆναι μὲν ἐκ τούτων, ὕδατός φημι καὶ γῆς, δράκοντα δὲ εἶναι κεφαλὰς ἔχοντα προσπεφυκυίας ταύρου καὶ λέοντος. (« Au début étaient l'eau et la matière, à partir de laquelle la terre se forma par solidification. Il suppose ainsi l'existence de deux premiers principes, l'eau et la terre, la terre étant naturellement divisible tandis que l'eau la lie et la maintient cohérente, mais il passe sous silence le principe unique antérieur aux deux premiers, qui est ineffable. Le fait même qu'il ne dise rien à son sujet montre que la nature de ce principe est inexprimable. Le troisième principe fut produit après ces deux premiers, tiré d'eux, j'entends de l'eau et de la terre : c'était un dragon qui avait une tête de taureau et une tête de lion, et au milieu un visage de dieu. »)

113 Le dossier, aussi vaste que touffu, dépasse le cadre de cette étude, qui souhaite simplement introduire le concept orphique du chaos tel que nous le rapporte la version de Damascius. Voir notamment les travaux de L. Brisson, Orphée et l'orphisme dans l'antiquité gréco-romaine, Aldershot :Variorum, 1995 ; M. Detienne, Dionysos mis à mort, Gallimard, Paris, 1977, P. Borgeaud (éd.), Orphisme et Orphée - en l’honneur de Jean Rudhardt, Genève, 1991 ; A. Laks et G.W. Most, Studies on the Derveni papyrus, Oxford, Clarendon Press, 2001 (1997) ; G. Betegh, The Derveni Papyrus : Cosmology, Theology and Interpretation, Cambridge University Press, 2004.

114 Athenagoras, Legatio sive Supplicatio pro Christianis, Oxford, Clarendon Press, 1972, ch. 18, p. 20 : ἦν γὰρ ὕδωρ

ἀρχὴ κατ’ αὐτὸν τοῖς ὅλοις, ἀπὸ δὲ τοῦ ὕδατος ἰλὺς κατέστη, ἐκ δὲ ἑκατέρων ἐγεννήθη ζῷον δράκων προσπεφυκυῖαν. ἔχων κεφαλὴν λέοντος , διὰ μέσου δὲ αὐτῶν θεοῦ πρόσωπον, ὄνομα Ἡρακλῆς καὶ Χρόνος. Οὗτος ὁ Ἡρακλῆς ἐγέννησεν ὑπερμέγεθες ᾠόν, ὃ συμπληρούμενον ὑπὸ βίας τοῦ γεγεννηκότος ἐκ παρατριβῆς εἰς δύο ἐρράγη. Τὸ μὲν οὖν κατὰ κορυφὴν αὐτοῦ Οὐρανὸς εἶναι ἐτελέσθη, τὸ δὲ κάτω ἐνεχθὲν Γῆ·

115 Damascius, De Principiis, op. cit.

116 Cette conception du non-être reprise par Plotin, puis par Jamblique et Proclus, trouvera une postérité chez Nicolas de Cues. Cf. son Dialogue à trois sur l'être en puissance, paragraphe 73, reproduit dans Le néant : contribution à l'histoire du non-être dans la philosophie occidentale, op. cit. p. 300 : « Dans ce non-être est donc tout ce qui peut être. Ainsi, il ne crée à partir de rien d'autre que de lui-même, puisqu'il est tout ce qui peut être. » Au dix-septième siècle, Angelus Silésius, grand nom de la mystique rhénane, écrira à son tour en ce sens que « des ténèbres vient la lumière, de la mort vient la vie ». Cf. L'errant chérubinique, trad. R. Munier, Paris, Arfuyen, 1993 (1ère éd. Paris, Planète, 1970), reproduit dans Le Néant, op. cit. p. 335-336. C'est dans ce même esprit que Jacob Bohme écrira que « Dieu a fait toutes choses du néant et ce néant est Dieu même ». De Signatura rerum, VI,8.

117 Ibid.

118 Ibid.

119 Cf. LME notamment ch. XLII p. 125 « Ô Oeuf cosmique, écoute-moi ! » ; ch. LIV p. 131 « Je suis l'Oeuf de l'Océan cosmique » et « je tourne en cercles autour de l'Oeuf cosmique » ; ch. LIX p. 134 « Voici que je monte la garde devant l'Oeuf cosmique de Gengen-Ur » ;

120 Cf. Les religions du Proche-Orient asiatique : textes babyloniens, ougaritiques, hittites, éd. R. Labat et A. Cacquot, Fayard-Denoël, Paris, 1970 p. 38 : « Lorsqu'en haut le ciel n'était pas encore nommé, qu'en bas la Terre n'avait pas de nom, que le primordial Apsou, de qui naîtront les dieux, la génitrice Tiamat, qui les enfantera tous, mêlaient en un seul tout leurs eaux. » Sur l'influence de la religion proche-orientale sur la cosmogonie hésiodique, cf. l'étude de P. Walcot, Hesiod and the Near-East. Cardiff, 1966.

121 De Antro (L'antro delle Ninfe), éd. L. Simonini, Adelphi, 2010 (1986) 13 p. 55.

122 Poetae Lyrici Graeci éd. Bergk, t. III, Teubner, 1882, p. 684.

123 Dans son De Iside et Osiride, Plutarque l'identifiait à Isis, tandis qu'il identifiait Okeanos à Osiris, « principe de la puissance d'où est tiré l'humide ». Cf. Plutarque, Oeuvres Morales, t. V 2ème partie, par. 33 et 34 p. 206-207. Cependant, Okéanos et Téthys chez Proclus viennent du Timée.

124 Iamblichi Chalcidensis op. cit. In Tim. fr. 76 p. 191.

125 Ibid.

126 Ibid.

127 Proclus, In Tim. 176,10 reproduit par J. Dillon dans Iamblichus, the Platonic Commentaries, op. cit. p. 366.

128 Voir le commentaire de J. Dillon au fr. 77 de l'In. Tim., ibid.

129 LME XLII p. 125.

130 Voir J. Dillon Iamblichi Chalcidensis in Platonis dialogos commentariorum fragmenta. Leiden : Brill, 1973, p. 29-39, et J. Dillon “Iamblichus of Chalcis” ANRW II.36.2 (1987) p. 880-890.

131 J. Finamore, “Iamblichus, the Sethians, and Marsanes” in Gnosticism and Later Platonism themes, Figures, and Texts, edited by J.D. Turner and R. Majercik, Atlanta : Society of Biblical Literature, 2000 : 225-257, p. 250.

132 D.C Clark, « Iamblichus’ Egyptian Neoplatonic theology in De Mysteriis », the International Journal of the Platonic Tradition 2 (2008) 164-205, Brill, p. 168-169.

133 Dillon a justement relevé la critique de Proclus, in Parm. VII.1149, 26ff, qu'il pense relative à De Mysteriis VIII,2, vis-à-vis des platoniciens qui accordent l'autogénération à l'Un lui-même. Proclus, quant à lui, considère que cette propriété n'appartient qu'au plan métaphysique suivant ; le Noûs, intellect démiurgique, et se range ainsi à l'avis de Jamblique. Voir J. Dillon, “Porphyry and Iamblichus in Proclus’ Commentary on the Parmenides” in Gonimos : Neoplatonic and Byzantine Studies Presented to Leendert G. Westerink at 75, edited by J. Duffy and J. Peradotto, Buffalo : Arethusa, 1988 (p. 21-48), p. 36-39.

134 De principiis op. cit. paragraphe 43.

135 Oracles Chaldaïques, éd. E. Des Places, Belles Lettres, 2010 (1971) p. 73.

136 Cf. infra, n. 146.

137 Sur la vénération par le silence, thème récurrent des écrits hermétiques et de la pensée jamblichéenne, voir le Peri thusiôn du néopythagoricien Apollonius de Tyane, cité aussi bien par Porphyre, dans son De Abstinentia (II, 34), que par Eusèbe (Prép. Evang. IV 12.1 – 13.1). Voir le comm. de M. Dzielska, Apollonius of Tyana in legend and history, Roma 1986, p. 136 sq. Même idée dans les Sentences pythagoriciennes et les Sentences de Sextus (reprises dans la Lettre à Marcella de Porphyre), sur lesquelles voir en dernier lieu les contributions de K. Prochenko au vol. VII du Dictionnaire des philosophes antiques, p. 851-860 et 895-904 respectivement.

138 Voir G. Fowden, The Egyptian Hermes, op. cit.

139 τὸν δημιουργόν, ὂν Κνὴφ οί Αἰγύπτιοι προσαγορεύσιν.

140 Porfirio, Sui simulacri, op. cit., f9 p.99.

141 Voir D. Clark, « Iamblichus's Egyptian Neoplatonic Theology in De Mysteriis », the International Journal of the Platonic Tradition 2 (2008) 164-205, en particulier p. 177-182.

142 A. Pliankoff, Les chapelles de Toutânkhamon, Le Caire, 1951, planche IV.

143 Il s'agit d'une formule rituelle directement adressée à la défunte, Neit : “Ah Neit, ta sœur la Serpente céleste t'a purifiée, sur les eaux célestes à l'entrée du lac” C. Carrier, Textes des Pyramides, t. IV, p. 2515, paragraphes 2103a-2103b.

144  Zosime de Panopolis, Mémoires authentiques, VI : Diagrammes, Les Belles Lettres, p. 21.

145 Ἓν τὸ πᾶν καὶ δι' αὐτοῦ τὸ πᾶν καὶ εἰς αὐτὸ τὸ πᾶν καὶ εἰ μὴ ἒχοι τὸ πᾶν οὐδέν ἐστιν τὸ πᾶν.

146 E. Oréal, “HÉKA, proton mageuma : une explication de Jamblique, De Mysteriis VIII, 3”, Revue d’Égyptologie 54 (2003), 279-285.

147 Pour un exposé récent du rôle d'Heka dans la théologie égyptienne, voir R. K. Ritner The Mechanics of Ancient Egyptian Magical Practice, Chicago : University of Chicago Press, 1993, p. 14-28

148 D.C Clark op. cit. (2008), p. 174.

149 R.K Ritner (1993) p. 17, cité par D.C Clark (2008) p. 175.

150 Porphyre, l'Antre des Nymphes, 27, 15-16.

151 R.K Ritner (1993) p. 18, ibid.

152 Voir également, pour un exposé détaillé, E. Hornung, Conceptions of god in ancient Egypt : the One and the Many. Cornell University Press, 1983.

153 Voir l'ouvrage fondamental de K. Sethe, Amun und die acht Urgötter von Hermopolis, APAW 4, Berlin, 1929.

154 DM VIII,3 p. 196.

155 Voir Zivie-Coche, “L’Ogdoade thébaine à l’époque ptolémaïque et ses antécédents”, in Documents de Théologies Thébaines Tardives (D3T 1) sous la direction de C. Thiers, Cahiers de l'ENIM 3, Montpellier, 2009, p. 167-225.

156 Racine habituellement employée pour qualifier “l’inertie” d’une divinité encore dans le Noun (à l'état prénatal) avant que sa volonté propre d’agir et de créer ne se soit manifestée.

157 Zivie-Coche, op. cit. p. 178.

158 De Mysteriis, VIII,2.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Andreea-Maria Lemnaru-Carrez, « Les métamorphoses du chaos : le Non-Être chez Plotin, Jamblique et dans les cosmogonies méditerranéennes »Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [En ligne], 20 | 2018, mis en ligne le 20 mai 2019, consulté le 09 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cerri/2755 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cerri.2755

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