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À la recherche de la fidélité perdue du Sūtra du diamant : reconstruire l'Original des textes bouddhiques à partir de sources sanskrites

In search of the Diamond Sūtra’ s lost fidelity : reconstruct the Original of Buddhist texts from Sanskrit sources
Emilie Wang

Résumé

As a prevalent Buddhist text, the Diamond Sūtra translated into Chinese by Kumārajīva in the fifth century is the subject of inter-lingual studies, in comparison with the Sanskrit versions. Hence his translation is supposed to be less faithful on the textual level. The primordial method in the Buddhist research refers to critical edition, used at its origin to Western sacred and classical texts. The question arises about the “Original” regarding to “Eastern sacred texts” : we discuss the question around “the language of the Buddha”, then situation of Sanskrit versions and comparative study of the Sūtra questioned, with some reflections on interaction of the religions from point of view of the “translation”.

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Texte intégral

Introduction - Kumārajīva : « La belle infidèle » pour la traduction chinoise

  • 1 Deux suppositions les plus courantes, mais d’après une recherche récemment publiée, il y a une autr (...)
  • 2 « Kumārajīva tenait essentiellement à gagner à ses idées un public encore assez mal préparé à les s (...)

1Il s’avère être un consensus que la traduction chinoise est moins littérale et fidèle que la traduction tibétaine face à l’original sanskrit, due majoritairement à « l’approche flexible » au sein de sa culture conventionnelle. Le traducteur Kumārajīva (Jiumoluoshi 鳩摩羅什, 344-413 ou 350-4091) est considéré en être le fondateur2.

2La vision standard à l’égard de « l’authenticité » des textes bouddhiques du Grand Véhicule, est d’estimer que « l’original sanskrit » prédomine, ensuite de s’appuyer sur « automatismes grammaticaux tibétains », puis de recourir aux « traductions chinoises » en dernier ressort.

  • 3 La mise en œuvre n’aboutit pas à une datation définitive non plus : elle a été accomplie pendant «  (...)

3Pour remettre en examen cette « pré-supposition », le Sūtra du diamant sert du sujet idéal comme exemple : la traduction de Kumārajīva est l’un des textes les plus répandus et populaires dans la culture du bouddhisme d’Extrême-Orient d’hier jusqu’aujourd’hui, elle est devenue la cible des débats vis-à-vis d’études comparatives. En effet, à part la première version chinoise rendue au début du Ve siècle par Kumārajīva : Jingang bore boluomi jing 金剛般若波羅蜜經)3, il nous est parvenues cinq autres versions chinoises, plusieurs recensions sanskrites (Vajracchedikā Prajñāpāramitā), la traduction tibétaine, la recension khotanaise et de multiples textes de référence.

  • 4 P. Cornu, Sūtra du diamant, et autres Sūtra de la voie médiane, Paris, Fayard, 2013, p. 8-9.

4Nous avons facilement trouvé des propos similaires aux ceux susmentionnés chez les spécialistes du Sūtra. En tant que traducteur de l’une des versions françaises, Philippe Cornu considère que « l’original sanskrit a été retrouvé » et que » Kumārajīva [...] n’hésitait pas à abréger les longueurs de l’original indien », c’est pour cela que Cornu a effectué la nouvelle traduction française à partir de la version tibétaine : « Cette traduction (tibétaine) [...] suit très fidèlement son modèle sanskrit, comme c’est le cas de la plupart des traductions tibétaines4 ». Du côté de la bouddhologie chinoise d’aujourd’hui, il y a également des recherches inter-linguales aboutissant aux mêmes conclusions sans toutefois de manière éclectique : on se fait confronter au dilemme entre la méthodologie occidentale et l’esthétique traditionnelle.

5Avant de soulever toutes questions autour de la traduction chinoise, relatives au caractère de la langue chinoise, à la position de traducteurs, etc., il faut sans doute tenir compte des conditions a priori vis-à-vis des « originaux sanskrits ».

Le sanskrit, la langue du Bouddha et les textes-source bouddhiques

6Dans la discipline de la traduction, il est incontournable d’opérer une mise en parallèle entre le texte-source et le texte-cible. Il apparaît que le critère permettant de critiquer une traduction est de s’appuyer sur le sens et la forme de l’original. Toutefois, en regard des autres littératures, les activités de traduction bouddhique s’avèrent plus compliquées à étudier, en raison de l’histoire et des circonstances particulières de son expansion.

7Du fait que la tradition indienne fait prévaloir l’oralité, les textes étaient transmis de bouche à oreille, n’ont été mis par écrit que longtemps après leur composition. Le sanskrit est censé être « la langue de prédilection » servant de base à toutes les fins pour les Indiens, notamment dans le domaine religieux. En réalité, le processus de sanskritisation a été graduel et ne s’est jamais complètement étendu à tous les champs ; il l’était bel et bien dans les domaines scientifique et technique et était la seule langue sacrée pour l’ancienne religion védique, dont le statut phare s’est mis à décliner très tôt dans le cadre de l’évolution de l’hindouisme.

  • 5 F. Edgerton, Buddhist Hybrid Sanskrit – Language and literature, Banaras, Banaras Hindu University, (...)
  • 6 Voir aussi la conclusion Lin Li-kouang, L’aide-mémoire de la vraie loi, Paris, Adrien-Maisonneuve, (...)

8Il nous est loin de reconstruire la scène historique, la question de la « langue d’origine » du bouddhisme reste un sujet de débats. Un certain nombre de chercheurs se mettent en quête d’attester l’existence d’« une langue originelle » : le Bouddha (VIe -Ve siècle avant notre ère) a commencé sa prédication à Magadha, à l’Est de l’Inde, lui et ses disciples auraient parlé une langue moyen-indienne servant de « langue de prédilection », soit le dialecte māgadhī ou sa forme dérivée l’ardha-māgadhī. D’autres spécialistes tels que Franklin Edgerton5 et Étienne Lamotte prennent appui sur l’enseignement du Bouddha, tel qu’il est véhiculé par les textes : celui-ci se montre « souple et libéral »6 envers l’usage de multiples langues. En ce sens, les premières compilations se sont également imposés dans des langues autres que le sanskrit. 

  • 7 P. S. Filliozat, Le Sanskrit, Paris, PUF, [1992] 2010, p. 29, 110.
  • 8 Pour faciliter la lecture, nous gardons l’usage courant de Deux branches bouddhistes en français : (...)

9À la limite de témoignages textuels qui nous sommes parvenus, pour le bouddhisme ancien (celui des Dix-huit écoles anciennes, étant progressivement apparues à partir du IVe siècle avant notre ère), l’héritage principal du bouddhisme Petit Véhicule, est l’école qui s’est répandue à Ceylan et en Asie du Sud-Est7 (le Theravāda) ; la langue canonique est le « pāli »8. Puis un certain nombre de textes en gāndhārī ont également été retrouvés au Nord-Ouest de l’Inde et dans la province chinoise Xinjiang. Pour le Grand Véhicule (qui semble apparaître vers les premiers siècles de notre ère), dont le Sūtra du diamant fait partie, le sanskrit est considéré comme la première langue de référence de nos jours, mais les textes en sanskrit proprement dits ont été compilés fort plus tardivement que l’on supposait.

  • 9 S. Karashima « Underlying Language of Early Chinese Translations of Buddhist Scriptures », in Studi (...)

10En effet, une grande partie des manuscrits bouddhiques en sanskrit n’ont pas été conservés au sein de territoire indienne actuelle, la majorité des copies existantes datent du XIe siècle et proviennent principalement du Népal et du Tibet, en dehors d’un moindre nombre de manuscrits exhumés en Asie centrale datés du Ie ou IIe siècle et d’autres à Gilgit ou à Xinjiang datés à peu près du début VIe siècle de notre ère9.

  • 10 Cf. D. Boucher, « On Hu and Fan again : the Transmission of “Barbarien” manuscripts to China », JIA (...)
  • 11 La plupart des chercheurs supposent que des termes et des textes traduits aux premiers siècles en C (...)

11Du côté des « textes-source » pour les traductions chinoises, aux premiers siècles, en héritant la tradition indienne, un certain nombre de textes étaient transmis de manière orale. Il est difficile d’identifier leur langue-source définitive ; les Chinois désignaient souvent la langue d’origine par termes « hu胡 » ou « fan梵 »10. Tous les deux pourraient signifier ce qui est « indien », « étranger » (du Nord ou de l’Ouest), ce qui provient des « contrées occidentales » (Xinjiang actuel) ou même « de l’Asie centrale », or la diversité des langues parlées dans cette aire géographique aux contours assez vagues est considérable11. Il est relativement certain que les traductions chinoises datant d’époques ultérieures, après la dynastie des Tang (après VIIe siècle), ont été rendues directement à partir des écrits en sanskrit standardisé (fan à l’usage établi), ramenés par les moines chinois à leur retour de l’Inde.

Les recensions sanskrites du Sūtra du diamant

12Après avoir éclairé la situation générale entre le sanskrit et « les langues » d’expression du bouddhisme indien, abordons à présent la question de « l’original sanskrit » du Sūtra du diamant. Alors que chaque version chinoise représente un témoignage textuel traduit d'un original remontant à une époque désignée, les versions sanskrites existantes sont des éditions contemporaines publiées depuis la fin du XIXe siècle, dont la majorité ont été reconstruites à partir de plus d’un texte/manuscrit.

  • 12 F. Max Müller, « Vagrakkhedikā », Buddhist texts from Japan (Anecdota Oxoniensia, Aryan Series vol. (...)
  • 13 Les informations relatées par Max Müller ne sont pas précises, pour savoir davantage sur les détail (...)

13La première recension a été éditée par Max Müller, intitulée Vajracchedikā-prajñāpāramitā-sūtra, publiée par Anecdota Oxoniensia en 188112. Il l’a recomposé à partir de quatre documents provenant des pays différents13 : deux manuscrits découverts au Japon, deux impressions xylographiques issues de la Chine. La reconstruction est basée principalement sur ces deux dernières, avec peu de référence à ceux du Japon.

14Sans parler de l’original d’une traduction quelconque, les documents utilisés par Max Müller ne peuvent pas même être considérés comme « de simples manuscrits originaux » en témoignage d’une certaine époque : ils sont des copies ou imprimés transmis au cours du temps. C’est à partir de là certains chercheurs contemporains ont relancé l’étude sur ces sources ; Paul Harrison a attesté que les deux copies du Japon sont correctement reproduites à partir des manuscrits rapportés par Ennin (792-862) au retour de son séjour en Chine (838-847), et qui seraient la « source originelle » des copies japonaises. Cependant, la datation d’impressions issues de la Chine reste à certifier.

  • 14 Voir l’introduction dans F. Max Müller, op. cit.

15Max Müller a ignoré les nuances stylistiques entre ces textes, il déclare que tous ces documents sont « semblables dans l’ensemble » et qu’il lui semble inutile de mettre en page leurs différences de manière exhaustive, parmi lesquelles la majorité sont des « erratum ». Bien que les copies japonaises soient relativement plus courtes que les autres documents, il considère que cela arrive aux scribes d’« originaux sanskrits », d’élaguer l’original sanskrit14. À la fin de son introduction, il souligne l’importance primordiale de la version sanskrite, par rapport aux traductions chinoises, sans laquelle « on ne comprend pas le sens authentique du Sūtra ».

  • 15 F. E. Pargiter, « Vajracchedikā in the Original Sanskrit, Stein Ms., D. III. 13b », in Manuscript R (...)

16En 1900, un manuscrit a été exhumé dans les vestiges d’un site d’habitation à Dandan Uiliq (au Nord-Est de Khotan) par Sir Aurel Stein lors de sa première expédition au Turkestan Oriental. Celui-là a ensuite été reconstruit et édité par Frederick Eden Pargiter en 191615.

  • 16 Ibid., p. 177.
  • 17 Cf. E. Conze, Vajracchedikā Prajñāpāramitā : edited and translated with introduction and glossary, (...)

17Le manuscrit est daté de la fin du Ve au début du VIe siècle de notre ère. Il composé de 19 folios numérotés, dont cinq sont perdus et plusieurs passages sont illisibles à cause du support détérioré. Pargiter l’a transcrit en caractères romains et a restauré certains passages manquants avec confrontation de la version de Max Müller. Il suppose que les contenus entre les recensions sanskrites sont similaires, raison pour laquelle il ne les a pas expliqués et annotés exhaustivement : par rapport à la version de Max Müller, le style est plus concis, bien qu’il y ait des phrases supplémentaires et qu’il s’en différencie parfois énormément16. Selon Conze, la différence principale entre la version de Max Müller et ce manuscrit est « l’omission des phrases-formule et répétitions redondantes »17. Partageant ce constat, la majorité des chercheurs ultérieurs présument que le style de ce manuscrit s’approcherait de l’original de la traduction de Kumārajīva.

18Pargiter est la seule personne qui ait édité l’intégralité du manuscrit, mais la version ne met pas en valeur le manuscrit : ce manuscrit attend une relecture avec une méthode éditoriale et une technique électronique renouvelées ; bien que fragmentaire, il y a suffisamment de parties qui permettent de poser des jalons dans l’histoire du texte.

19En 1931, un grand nombre de manuscrits sur écorce de bouleau ont été découverts par des habitants locaux dans un ancien site de tours bouddhiques près de Gilgit, parmi lesquels il y a le Sūtra du diamant. Le style d’écriture et la datation des manuscrits établis par les spécialistes ne donnent pas lieu à un consensus, soit environ du Ve au VIIe siècle. Le manuscrit contient sept folios numérotés, correspondant à la dernière moitié du texte, au niveau du contenu. Bien que le texte soit incomplet, il est dans un assez bon état de conservation, relativement lisible, et a fait l’objet de plusieurs éditions.

  • 18 N. P. Chakravarti, in G. Tucci, Minor Buddhist Text, Part 1, Serie Orientale Roma IX, Roma, Ismeo, (...)
  • 19 Ibid, p. 176.

20En 1956, Niranjan Prasad Chakravarti l’a édité et transcrit en caractères romains avec annotation en anglais18. Il constate que l’écriture s’avère moins développée, donc plus ancienne que celle du Turkestan Oriental susmentionnée, ce qui conduirait à une datation supposée du début du Ve siècle. Se confrontant à la version de Max Müller, Chakravarti a corrigé ce qui représente selon lui : « les omissions et les erreurs au niveau de l’orthographe »19. Mais selon Conze, le style d’écriture est en une langue plus sanskritisée, ce qui impliquerait qu’il puisse être daté d’une époque plus tardive que le manuscrit du Turkestan Oriental. D’après la généalogie textuelle générale, les textes composés en sanskrit hybride sont datés plus anciens que ceux en sanskrit standardisé.

  • 20 N. Dutt, Gilgit Manuscripts, vol. IV, Delhi, Sri Satguru Publications, 1959, p. 139-170.
  • 21 Ibid, vol. IV, p. 141.

21Ultérieurement, Nalinaksha Dutt a pris la charge d’éditer l’ensemble des manuscrits de Gilgit, conservés actuellement à New Delhi. On a publié de 1939 à 1959 quatre tomes d’ouvrages, le Sūtra du diamant étant donc répertorié dans le dernier volume20. Dutt le date du IVe siècle. En outre, il a comblé la partie manquante du texte à partir de la version de Max Müller21.

  • 22 G. Schopen, « The Manuscript of the Vajracchedikā Found at Gilgit », in Studies in the Literature o (...)
  • 23 B. Oguibénine, « Vajracchedikā Prajnāpāramitā, Manuscrit de Gilgit », Initiation pratique à l’étude (...)

22Plusieurs décennies après, en 1989, Gregory Schopen a publié une édition annotée avec une traduction anglaise, en accusant durement les deux éditions précédentes d’être erronées et remplies de distorsions textuelles22. Il a essayé de montrer au maximum le « style » du manuscrit original sans ajouter d’autres éléments grammaticaux ou de ponctuation, sans compléter la partie manquante par d’autres versions non plus. La « fiabilité » de son travail a été confirmée par les chercheurs postérieurs : en 1996, Boris Oguibénine a reproduit l’édition de Schopen pour un chapitre de son ouvrage pédagogique sur le sanskrit bouddhique en se justifiant par le fait que « les éditions précédentes sont fautives23. »

  • 24 P. Harrison, « Vajracchedikā Prajñāpāramitā » (avec Shōgō Watanabe) et « Vajracchedikā Prajñāpārami (...)

23Aux environs de la même époque, durant les guerres civiles des Talibans au cours des années quatre-vingt-dix en Afghanistan, de nombreux manuscrits bouddhiques ont été vendus à l’étranger, parmi eux figure un nouveau manuscrit du Sūtra du diamant. Il est bien conservé, copié sur écorce de bouleau, et est probablement en provenance d’un monastère situé à Bamiyan. Paul Harrison l’a transcrit et reconstruit, en avançant un grand degré de ressemblance entre ce manuscrit et celui de Gilgit. Il s’est avéré que les deux sont rédigés dans la même écriture : « Gilgit / Bamiyan ornate type », sont donc datés de la même époque, soit du VIe au VIIe siècle de notre ère, et proviennent en outre de la même aire géographique et culturelle, le Grand Gandhara ; étant donné la fiabilité de l’édition de Schopen pour le manuscrit de Gilgit, Harrison l’a choisie en combinant avec la reconstruction du manuscrit de Bamiyan, ce qui a abouti à la version anglaise du Sūtra du diamant la plus récente publiée en 200624.

Edition critique : la philologie plus critique littéraire 

  • 25 Le tableau généalogique des manuscrits d’une même œuvre.

24Les trois manuscrits exhumés de Xinjiang, Gilgit et Bamiyan représentent des « sources originelles » dans la mesure où ils représentent le témoignage direct de textes ayant circulé à une certaine époque dans une région donnée. Toutefois, les datations de diffusion se basant sur la typologie de styles d’écriture demeurent non homogénéisés ; au niveau paléographique et philologique, l’identification de datation s’appuie sur le déchiffrement de l’écriture, problème de « stemma codicum »25, pour dire simplement : l’histoire de la littérature bouddhique.

  • 26 E. Conze, Vajracchedikā Prajñāpāramitā : edited and translated with introduction and glossary, Rome (...)
  • 27 G. Schopen, op. cit., p. 97.

25En dehors de ces éditions effectuées réellement à partir de la lecture ou relecture des manuscrits du premier plan, il existe de nombreuses éditions révisées ou reproduites à partir des éditions existantes. L’exemple le plus connu est la version d’Edward Conze. Depuis sa parution sous le titre de Vajracchedikā Prajñāpāramitā en 195726, en prenant la place de l’édition de Max Müller, ainsi qu’avec sa traduction anglaise, elles sont toutes les deux devenues les ouvrages de référence les plus répandues jusqu’à nos jours. En fait, l’auteur l’a éditée principalement à la base de la version de Max Müller, et annotée parallèlement à partir d’autres sources multiples : les versions de Pargiter et de Chakravarti, les traductions chinoises et tibétaines, la version khotanaise, des commentaires et sous-commentaires en sanskrit, chinois et tibétain notamment. Cependant, en la mettant en comparaison avec d’autres textes, le texte de base employé n’est pas simplement une romanisation mot-à-mot de celle de Max Müller : il a par exemple modifié des phrases qui lui paraissent ainsi plus convenables. Par exemple, Schopen a remarqué qu’un paragraphe dans Max Müller a été omis dans l’édition de Conze27.

  • 28 E. Conze, Buddhist Wisdom Books, Londres, George Allen and Unwin, 1958, p. 77-107.
  • 29 Notre traduction, voir E. Conze, Vajracchedikā Prajñāpāramitā, p. 3.

26La reconstitution de Max Müller apparaît déjà comme un mélange de quatre textes, et le fait que Conze l’ait mêlée avec d’autres sources accentue le problème de datation ainsi que d’autres questions philologiques et linguistiques. Si l’on considère que Max Müller est le fondateur de la combinaison anachronique dans le domaine, Conze serait le « parangon » de la méthode. Par titre d’un autre exemple, il a également édité le Sūtra du cœur en se fondant sur vingt-et-une versions distinctes28. À l’époque de Max Müller, les manuscrits du Turkestan Oriental et de l’Asie Centrale n’avaient pas encore été mis au jour, alors que Conze, qui a eu accès aux manuscrits plus anciens, était pourtant inconscient de leur valeur à l’échelon textuel : « Dans ma collation de celui-ci et du manuscrit suivant, j’ai ignoré les nuances sur l’orthographe...29. »

  • 30 C’est une ancienne méthode datée de la Renaissance pour l’édition des textes bibliques et gréco-lat (...)
  • 31 P. L.Vaidya, « Vajracchedika », Mahayana-sutra-samgraha, Buddhist Sanskrit Texts, No17, Part I, Dar (...)
  • 32 P. Harrison, op. cit., p. 92.

27Cette méthode dite « l’édition critique » ou « la méthode ecdotique »30 est longtemps un modèle dans le domaine d’étude bouddhique. Après leurs travaux pionniers, un certain nombre des éditions suivantes sont fondées sur les versions établies au lieu de faire une relecture philologique des manuscrits eux-mêmes. Les éditeurs apportent des modifications sans annotation exhaustive, comme celles de Vaidya31 et Joshi32, ce qui aboutit à un amalgame anachronique au détriment de la traçabilité historique. Comme nous avons évoqué plus haut, les manuscrits qui ont été découverts ultérieurement en Asie centrale ou aux contrées occidentales (Xinjiang), sont toutefois plus anciens et en un langage hybridé, par rapport aux manuscrits en sanskrit classique datés de l’époque tardive. Cela posera problème philologique si l’on s’applique à les condenser dans un seul corpus.

  • 33 B. Montoneri, Éclairages apportés par la reconstitution d’un texte sanskrit du Sūtra de diamant - é (...)

28Par ailleurs, l’objectif de la méthode recourt à la reconstruction d’un contenu « originel et authentique », à partir duquel on pourrait corriger les autres sources existantes, partant des manuscrits tardifs, on se réfère donc au norme à la sanskrit classique. Toutefois, ce qui est paradoxal est qu’il existe pas mal d’erreurs linguistiques dans la recension de Max Müller, ainsi que les rééditions ultérieures33. Nous sommes loin d’acquérir une édition normative proprement dite : les éditions n’ont pas cessé de susciter des débats entre elles.

L’étude comparative par le biais du sanskrit

29Quand on opère une reconstitution ou une annotation à partir de sources différentes, en mettant en page les décalages textuels, il s’agirait d’un travail préliminaire semblable à « la traduction comparée ». Il est donc incontournable de se poser la question de l’authenticité et du sens originel du texte. De même que Max Müller, Conze tend à contester la fiabilité de la traduction de Kumārajīva. Il estime que le décalage textuel (différences verbales, abréviations, omissions) entre la version de Kumārajīva et celle de Max Müller est dû majoritairement à « sa méthode de traduction » et à « son habitude d’élucidation ».

  • 34 « Scepticism, then is all very well, but it is no better than blind faith, when it chooses not to l (...)

30Certains chercheurs ont reconnu le fait qu’un grand nombre de textes bouddhiques aux premiers siècles ont été conservés dans leur intégralité par la traduction chinoise, mise par écrit dès leur introduction en Chine avec une datation relativement précise à l’aide des documentations et témoignages historiques, et qu’un grand nombre de traductions chinoises sont plus anciens et les manuscrits sanskrits existants. De là Harrison conteste la vision des chercheurs précédents : « le préjugé dû partiellement à l’incompréhension de la langue chinoise plus ancienne, relativement plus différenciée des versions ultérieures, difficile à étudier », d’où « le scepticisme » presque comme « croyance aveugle », qui n’est soutenu par aucun témoignage scientifique et qui ignore la généalogie textuelle dans l’histoire34.

  • 35 P. Harrison, « Resetting the diamond : Reflections on Kumārajīva’s Chinese translation of Vajracche (...)
  • 36 « Here we look the greater fidelity for Xuanzang to his Sanskrit texte, in strong contrast to Kumār (...)

31Certes, Harrison propose des hypothèses non pas moins assimilables que celles d’auparavant avec la même méthode, seulement qu’il dispose de sources « relativement anciennes » : les deux manuscrits du Gandhara, datés environ du VIe siècle, lui semblent tout à fait comparables à la fois à « la première version chinoise » de Kumārajīva au Ve, et à celle de son « adversaire » Xuanzang玄奘 au VIIe, dans le but d’effectuer une correction littérale d’un « texte original »35 : « nous nous apercevons que la version de Xuanzang est plus fidèle, au fort contraste de l’imprécision et du relâchement de Kumārajīva. »36

32Bien que l’étude soit basée sur des manuscrits supposés aussi anciens que « les » versions chinoises, ceux-là ne contiennent pas un texte intégral. Le manuscrit de Bamiyan que Harrison a édité ne peut pas être pour que la moitié du texte, il l’a combiné avec l’édition du manuscrit de Gilgit pour sa traduction anglaise ainsi que pour « son étude inter-linguale sino-sanskrite ». Nous présentons ci-dessous la chronologie de datation de principales versions sanskrites et chinoises publiées :

éditions sanskrites

source de manuscrit(s)

datation

versions chinoises

Pargiter (1916)

Turkestan Oriental

fin Ve s.-

début VIe s.

Kumārajīva (début Ve)

Harrison (2006)

Bamiyan

Ve (VIe) – VIIe s.

Bodhiruci (509)

Paramārtha (562)

Dharmagupta (592)

Xuanzang (648)

Schopen (1989)

Gilgit

Max Müller (1881)

Japon, Chine

847 ?

Yijing 義淨 (703)

33Du côté des recherches récemment effectuées dans le monde chinois, qui sont influencées par le courant de la bouddhologie occidentale, le sanskrit est aussi considéré comme la langue de référence. Faute de comparaisons réellement entreprises, certains chercheurs retraduisent (reconstruisent) les termes « du chinois au sanskrit » en fonction de dictionnaires. Cela soulève également d’autres problèmes terminologiques : étant donné que l’introduction de traductions bouddhiques en Chine s’est étendue sur plus d’un millénaire, l’on ne peut pas amputer le processus d’évolution historique qui a touché le sens associé aux termes chinois aussi bien que sanskrit.

34Il est évident que le recours aux manuscrits sanskrits pour l’étude comparative est justifié : du point de vue historique, le sanskrit était la langue commune utilisée pendant des millénaires dans la culture indienne, surtout après il est entré dans l’usage pour les textes bouddhistes ; il est l’une des langues indiennes qui véhicule le bouddhisme, aussi ancienne que « la langue du Bouddha. Un certain nombre de textes ont été transmis en sanskrit de façon exclusive que d’autres langues indiennes. Cependant, les langues indiennes ont certainement subi de remarquables évolutions au fil du temps, même après que les textes eurent été mis par écrit en sanskrit, les caractéristiques textuelles ont varié selon les régions et les périodes, d’où les différences entre les manuscrits d’Asie centrale, Xinjiang et les textes transmis en Chine et au Japon.

Conclusion

35Il semble qu’à l’époque où l’on a découvert les quatre documents plus tardifs uniquement, les comparatistes se sont astreints à les mettre en parallèle avec les traductions chinoises hâtivement. Suite aux publications des nouveaux manuscrits, qui offrent de nouveaux témoignages, il n’est plus suffisant de se cantonner à l’ancienne méthode et à des sources limitées. Cela demande non seulement une lecture paléographique et édition philologique plus rigoureuses, mais également une vision plus ouverte face aux sources de différentes cultures.

36Du point de vue de la langue d’arrivée, « la traduction chinoise » fait partie du corpus bouddhique, mais est également « chinois bouddhique », une des constituantes développées de la culture chinoises : les textes et positions de traducteurs sont à mettre en relation avec un contexte à la fois de l’étranger mais strictement chinois. En ce qui concerne le domaine croisé de la sinologie et la bouddhologie : non seulement le langage bouddhique joue un rôle important dans l’histoire de la langue chinoise, mais il est une source primordiale de la connaissance bouddhique dans sa propagation durant les premières époques sans mentionner son expansion ultérieure à l’Asie Orientale sous la forme sinisée. Afin de porter un regard nouveau sur le bouddhisme et sa relation avec les autres cultures, il faut donc prendre en compte non seulement l’étude de la langue chinoise, mais les éléments culturels des autres langues dont le sanskrit fait partie, attestés à différentes époques.

  • 37 Pour plus de details sur la discussion et bibliographie sur l’édition critique, cf. J. A. Silk, « E (...)

37En ce sens, il y a une vague rénovatrice vis-à-vis des études bouddhiques : certains chercheurs ont (r)édité le manuscrit tel qu’il paraît, au lieu de le corriger ou combler avec d’autres éditions, d’autres attachent de l’importance à chaque texte transmis37. Autrement dit, les textes traduits peuvent représenter directement les premières sources du texte en tant qu’un « Original » proprement dit.

38Ce qui est différent grandement des textes bibliques, est que l’« orature » bouddhique s’inscrit dans le cadre de l’activité du « traduire et réécrire » : d’un côté, on pourrait référer à la situation médiévale de la littérature romanesque, en regard de l’inter-textualité de l’ensemble du corpus bouddhique ; d’un autre côté, il est obligatoire d’axer l’approche sur le plan traductologique, de prendre en considération les questions autour de l’activité de traduction, telles que le moment d’énonciation des « textes originaux » et « textes traduits », les facteurs extérieurs relatifs à la traduction soit littérale soit sémantique, les discours en théorie et les études en pratique etc. L’optique ne peut se limiter dans le cadre philologique : que soient les textes en sanskrit ou en d’autres langues, de l’époque récente ou ancienne, aucun manuscrit existant ne saurait être substitué à l’Original : tous les originaux (oraux et écrits) de traductions chinoises sont perdus.

  • 38 Il est relativement évident de voir ce phénomène dans la traduction des textes philosophiques, que (...)

39Cela ne signifie pas que l’ancienne méthode de l’édition critique ne nous a apporté aucune valeur significative, elle permet également de replacer l’interprétation du corpus dans un contexte et en fait le produit d’une époque spécifique. La question à venir portera sans doute sur la méthodologie occidentale, son origine et interaction avec l’étude bouddhique, surtout au niveau théo-philosophique. En effet, suite à la catégorisation binaire de disciplines, on aurait ignoré le fait que l’activité de traduction dans l’Occident ainsi que dans l’Orient est en lien étroit avec l’histoire de la pensée, et vice versa. C’est justement depuis ces décennies, qu’on a remis en valeur l’épaisseur signifiante d’études de traduction. Certains traductologues ont pointé que la tendance sourcière (littéralisme vers les textes-source) ramène à l’« inconscient » à la recherche de la « langue de Dieu »38, avec laquelle la philologie dans l’étude bouddhique aurait également un rapport définitif. Pour en conclure et dialoguer avec l’esprit du Bouddha, si nous ne visons pas à restituer un « Ur-texte » d’un sūtra quelconque, nous sommes toutefois en mesure de recourir au « fond » du canon bouddhique : « souple et libéral », qu’il soit tourné vers la langue de départ ou vers la culture d’arrivée.

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Notes

1 Deux suppositions les plus courantes, mais d’après une recherche récemment publiée, il y a une autre possibilité de la date de naissance en 367, à la base de deux manuscrits de Dunhuang, pour les détails, voir S. Hureau, « Kumārajīva’s date of birth », Kumārajīva, Philosopher and Seer, New Delhi, Indira Gandhi National Centre for the Arts, 2015, p. 1-16.

2 « Kumārajīva tenait essentiellement à gagner à ses idées un public encore assez mal préparé à les saisir. Il lui importait donc d’être intelligible pour tous les lettrés chinois, et pour cela de mettre à leur portée et d’adapter à leur usage les textes qu’il traduisait. » (Demiéville, 1950), cité dans S. Zacchetti, « Mind the Hermeneutical Gap : A Terminological issue in Kumārajīva’s version of the Diamond Sūtra », présenté dans le colloque international du bouddhisme chinois à Foguang shan (Taïwan) en 2013, publié par Foguang daxue en 2015, p. 158

3 La mise en œuvre n’aboutit pas à une datation définitive non plus : elle a été accomplie pendant « les années » de l’ère Hongshi弘始 (après 401) durant le règne de l’empereur Yao Xing姚興 (394-416) d’après les catalogues historiques.

4 P. Cornu, Sūtra du diamant, et autres Sūtra de la voie médiane, Paris, Fayard, 2013, p. 8-9.

5 F. Edgerton, Buddhist Hybrid Sanskrit – Language and literature, Banaras, Banaras Hindu University, 1954, p. 5-6.

6 Voir aussi la conclusion Lin Li-kouang, L’aide-mémoire de la vraie loi, Paris, Adrien-Maisonneuve, 1949, p. 227-228. É. Lamotte, Histoire du bouddhisme indien, des origines à l’ère Saka, Louvain, Publications Universitaires, 1958, p. 607.

7 P. S. Filliozat, Le Sanskrit, Paris, PUF, [1992] 2010, p. 29, 110.

8 Pour faciliter la lecture, nous gardons l’usage courant de Deux branches bouddhistes en français : le Petit Véhicule pour le bouddhisme du Sud d’Asie alors que le Grand Véhicule pour le bouddhisme du Nord d’Asie. Par rapport au dernier, dans le premier c’est la langue pāli qui est pris pour le standard de l’étude comparative inter-linguale.

9 S. Karashima « Underlying Language of Early Chinese Translations of Buddhist Scriptures », in Studies in Chinese Language and Culture : Festschrift in Honour of Christoph Harbsmeier on the Occasion of his 60th Birthday, Oslo, Hermes Academic Publishing, 2006, p. 355-366.

10 Cf. D. Boucher, « On Hu and Fan again : the Transmission of “Barbarien” manuscripts to China », JIABS (2000), No 23, p. 7-28.

11 La plupart des chercheurs supposent que des termes et des textes traduits aux premiers siècles en Chine se baseraient sur des langues régionales au lieu du sanskrit ; il s’agit des parlers moyen-indiens, des dialectes d’Asie Centrale ou des contrées occidentales comme la gāndhārī, le bactrian, l’ancien khotanais, le tokharien, ou bien du sanskrit hybride mêlé de ces langues.

12 F. Max Müller, « Vagrakkhedikā », Buddhist texts from Japan (Anecdota Oxoniensia, Aryan Series vol. 1, Part 1), Oxford, Clarendon Press, 1881, p. 15-46.

13 Les informations relatées par Max Müller ne sont pas précises, pour savoir davantage sur les détails, voir P. Harrison, Manuscripts in the Schøyen Collection : Buddhist manuscripts BMSC vol. III, Oslo, Hermes Academic Publishing, 2006. p. 90-91(introduction sur l’ensemble des éditions sanskrites parues), et « Experimental core samples of Chinese translations of two Buddhist sūtras analysed in the light of recent Sanskrit manuscript discoveries » in Journal of the International Association of Buddhist Studies, 2008, No31, p. 205-249, qui porte en partie sur la datation des sources de Max Müller.

14 Voir l’introduction dans F. Max Müller, op. cit.

15 F. E. Pargiter, « Vajracchedikā in the Original Sanskrit, Stein Ms., D. III. 13b », in Manuscript Remains of Buddhist Literature Found in Eastern Turkestan, 1916, p. 176-195.

16 Ibid., p. 177.

17 Cf. E. Conze, Vajracchedikā Prajñāpāramitā : edited and translated with introduction and glossary, Rome, Ismeo, 1957, p. 3.

18 N. P. Chakravarti, in G. Tucci, Minor Buddhist Text, Part 1, Serie Orientale Roma IX, Roma, Ismeo, 1956, p. 182-192.

19 Ibid, p. 176.

20 N. Dutt, Gilgit Manuscripts, vol. IV, Delhi, Sri Satguru Publications, 1959, p. 139-170.

21 Ibid, vol. IV, p. 141.

22 G. Schopen, « The Manuscript of the Vajracchedikā Found at Gilgit », in Studies in the Literature of the Great Vehicle : Three Mahāyāna Buddhist Texts, (1989), p. 89-139.

23 B. Oguibénine, « Vajracchedikā Prajnāpāramitā, Manuscrit de Gilgit », Initiation pratique à l’étude du Sanskrit bouddhique, Paris, Picard, 1996, p. 252.

24 P. Harrison, « Vajracchedikā Prajñāpāramitā » (avec Shōgō Watanabe) et « Vajracchedikā Prajñāpāramitā : A New English Translation of the Sanskrit Text Based on Two Manuscripts from Greater Gandhāra », Manuscripts in the Schøyen Collection : Buddhist manuscripts BMSC vol. III, Oslo, Hermes Academic Publishing, 2006. p. 89-159.

25 Le tableau généalogique des manuscrits d’une même œuvre.

26 E. Conze, Vajracchedikā Prajñāpāramitā : edited and translated with introduction and glossary, Rome, Ismeo, 1957, p. 27–63.

27 G. Schopen, op. cit., p. 97.

28 E. Conze, Buddhist Wisdom Books, Londres, George Allen and Unwin, 1958, p. 77-107.

29 Notre traduction, voir E. Conze, Vajracchedikā Prajñāpāramitā, p. 3.

30 C’est une ancienne méthode datée de la Renaissance pour l’édition des textes bibliques et gréco-latins, que l’on pourrait remonter à la tradition occidentale liée à l’histoire d’Écriture et Littérature. Différente de la simple « édition », « recension » sur le plan éditorial, les éditeurs, en tant que philologues et critiques littéraires, disposent de plus de droit en donnant leurs leçons au cours de la reconstruction ainsi que dans leur traduction sous la forme annotée, soit une comparaison analytique avec d’autres versions, soit leurs remarques sur le plan textuel, etc. Ce qui est identique entre les deux est que l’on édite le corpus à la base d’un texte « originel » ou « le plus ancien ».

31 P. L.Vaidya, « Vajracchedika », Mahayana-sutra-samgraha, Buddhist Sanskrit Texts, No17, Part I, Darbhanga, Mithila Institute, 1961, p. 75-89. L’éditeur a même daté le manuscrit de Gilgit plus tardif que la version de Max Müller.

32 P. Harrison, op. cit., p. 92.

33 B. Montoneri, Éclairages apportés par la reconstitution d’un texte sanskrit du Sūtra de diamant - évolution de la Vajracchedika en Chine entre le Ve et le VIIIe siècle, thèse pour l’obtention du docteur à l’Université d’Aix-en-provence, 1999, p. 27, 28.

34 « Scepticism, then is all very well, but it is no better than blind faith, when it chooses not to look at the evidence. », P. Harrison, « Experimental core samples of Chinese translations », p. 217.

35 P. Harrison, « Resetting the diamond : Reflections on Kumārajīva’s Chinese translation of Vajracchedika », in Journal of Historical and Philological Studies of China’s Western Regions, Pékin, Science Press, 2010.

36 « Here we look the greater fidelity for Xuanzang to his Sanskrit texte, in strong contrast to Kumārajīva’ looseness and imprecision. », ibid, p. 441.

37 Pour plus de details sur la discussion et bibliographie sur l’édition critique, cf. J. A. Silk, « Establishing/Interpreting/translating : Is It Just That Easy », JIABS 36/37 (2015), p. 205-226. En réalité, il semble que la philologie des textes bibliques a la même confrontation vis-à-vis de la transmission textuelle, voir p. 215.

38 Il est relativement évident de voir ce phénomène dans la traduction des textes philosophiques, que Ladmiral appelle « inconscient théologique », en dépit de toutes sécularisation et laïcisation. J. R. Ladmiral, « Pour une philosophie de la traduction », Revue de Métaphysique et de Morale 94 (1989), p. 20.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Emilie Wang, « À la recherche de la fidélité perdue du Sūtra du diamant : reconstruire l'Original des textes bouddhiques à partir de sources sanskrites »Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [En ligne], 20 | 2018, mis en ligne le 31 octobre 2018, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cerri/2751 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cerri.2751

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Auteur

Emilie Wang

Docteur en études bouddhiques à l’INALCO. Enseignante du Département de langues et littératures étrangères à l'Université Jiaotong de Xi’an, Chine. Champs de recherche : bouddhisme chinois, étude comparative sanskrite-chinoise, traductologie, critique littéraire.Publications : « L’étude comparative bouddhique sanskrite-chinoise sous l’angle de vue traductologique, exemple du Sūtra du diamant », Babel Revue internationale de la traduction, 2020, vol. 66(6) : 928 – 949. « L’Écrivain moins son œuvre – alternances de la subjectivité dans Roland Barthes par Roland Barthes », Études françaises, 2017, no 104 : 84-88.« L’Épreuve de "l’Étranger", comparaison des versions chinoises-taiwanaises », Forum de la traduction, mars 2016(1) : 8-16.(https://inalco.academia.edu/EmilieWang?from_navbar=true) Le Sūtra du diamant traduit en chinois par Kumārajīva au début du Ve siècle, fait l’objet des études inter-linguales en comparaison avec les versions sanskrites. De là sa traduction est censée être moins fidèle sur l’échelon textuel. La méthode principale dans le domaine bouddhologique renvoie à l’édition critique, employée à son origine aux textes sacrés et classiques occidentaux. La question se pose alors sur l’« Original » vis-à-vis de « textes sacrés orientaux » : nous allons aborder le questionnement autour de « la langue du Bouddha », ensuite les versions sanskrites et l’étude comparative du Sūtra, puis des réflexions sur l’interaction de religions du point de vue de la « traduction ».

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