D’objet prédéfini à objet construit, l’approche du territoire religieux : le cas du diocèse en histoire religieuse contemporaine
Résumés
L’histoire diocésaine, genre institutionnel de l’écriture de l’histoire religieuse par le clergé savant jusqu’à la fin du XIXe siècle, évolue singulièrement dans la première moitié du XXe siècle. Elle se transforme sous l’impulsion de Gabriel Le Bras, qui impose l’enquête sur les pratiques comme mode d’investigation. Son influence et les apports de la sociologie renouvellent dès lors la relation entretenue par le chercheur et l’espace étudié. Le diocèse, considéré jusqu’alors comme le territoire de l’exercice du pouvoir devient pour l’historien contemporain un territoire des pratiques et des communautés, des dynamiques internes à l’Église catholique d’aujourd’hui.
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Mots-clés :
diocèse, espace, Gabriel Le Bras, historiographie, monographie, socio-histoire, territoirePlan
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1Le rapport historique entretenu par l’Église catholique à l’espace est un rapport de pouvoir, institutionnel, administratif, établi sur le long terme, mais qui s’est modifié, intrinsèquement, avec l’ouverture de l’Église au monde moderne. L’étude du catholicisme s’est construite sur l’observation de l’exercice de ce pouvoir et du contrôle de l’espace par l’autorité, au travers des histoires abbatiales et épiscopales inscrites dans une époque où l’historien du catholicisme est un clerc.
2La lente mais définitive appropriation de l’histoire du catholicisme par le monde universitaire au XXe siècle encouragea la recherche décléricalisée à envisager le diocèse autrement que comme territoire de l’autorité, dans des approches qui s’écartent de la stricte étude des rapports de pouvoir qui y sont circonscrits.
3Ce territoire originel de l’historiographie catholique qu’est le diocèse, a longtemps fourni au chercheur un cadre permettant un travail spécifique et périodisé, consacré aux temps de l’exercice de la « théocratie épiscopale ». L’évolution des « sciences historiques », l’interrogation sur la pratique religieuse en période de sécularisation au long du XXe siècle, les modifications internes à l’Église catholique postconciliaire qui valorisent d’avantage aujourd’hui la communauté dans un espace qui est surtout celui du vécu social, tous ces éléments invitent l’historien à d’autres lectures spatiales. Malgré tout, le diocèse demeure un territoire qui n’est pas absent des préoccupations de recherche contemporaines, mais dans des perspectives et des questionnements renouvelés depuis plusieurs décennies. On peut donc esquisser un tableau de l’évolution de la place du diocèse dans une historiographie pluriséculaire, et de mesurer la prise en compte du territoire diocésain par l’historien afin d’apprécier les perspectives actuelles de l’étude de ce territoire historique spécifique à l’Église catholique.
1. Espace et temps : les moments de l’histoire diocésaine
4La distinction subtile mais nécessaire entre espace et territoire peut se faire (c’est un des fondements de l’approche contemporaine des questions spatiales de l’historien ou de l’anthropologue). Elle n’apparaissait pas comme une distinction pertinente dans l’historiographie religieuse ancienne puisque l’espace de référence est historiquement un espace maîtrisé et encadré, institutionnalisé, le territoire issu des découpages administratifs de l’Église catholique : la province ecclésiastique, le diocèse, la paroisse, plus rarement le doyenné. Cette géographie religieuse de l’espace telle que définie par l’Église fut celle, concentrique, du pouvoir épiscopal, dans le cadre d’une province ecclésiastique pour l’archevêque ou, plus couramment et plus formellement, de l’évêque en son diocèse.
a. Une histoire ecclésiastique
- 1 On peut se référer à l’article d’O. Poncet, « La Gallia Christiana (1656) des frères de Sainte-Mar (...)
- 2 Mort en 1897, le chanoine Albanès n’en rédigea que le premier volume, paru en 1895, les autres fur (...)
5Depuis la fin du moyen-âge, l’histoire de l’Église catholique fut une histoire ecclésiastique du pouvoir et de l’exercice du pouvoir. Cette histoire s’établissait à partir autour des figures des « princes de l’Église » que furent les évêques et les abbés, détenteurs et dispensateurs de la règle, de la loi, de la parole évangélique dans un espace soumis à leur autorité. Ce fut donc à un genre adapté que se conformèrent les clercs-historiens du temps, de l’ancien régime au premier XIXe siècle, dans la tradition des gesta episcoporum et des gesta abbatum. La place occupée par la monographie épiscopale dans l’historiographie ancienne s’imposait alors comme l’affirmation d’un espace organisé, celui du diocèse, et d’un temps dominé, celui de l’épiscopat. C’est au cours de l’époque moderne que se forge l’idée de collection intégrale des histoires composées localement, et de les restituer, pour des raisons apologétiques autant que politiques, en une somme de l’histoire épiscopale et abbatiale nationale. Ce genre académique et universel de la catholicité occidentale est illustré au XVIIe siècle en France par la Gallia christiana1 des frères de Sainte-Marthe, et l’on trouve des travaux semblables en Italie (Italia christiana) ou en Espagne (España sagrada). Cette approche épiscopale encyclopédique de l’histoire religieuse, complétée et rééditée par les bénédictins et les mauristes, perdura jusqu’au début du XXe siècle avec la reprise de l’entreprise éditoriale des deux frères en une Gallia christiana novissima, Histoire des archevêchés, évêchés et abbayes2. L’ambition des deux directeurs successifs, les chanoines Albanès et Chevalier, clairement annoncée par ce titre, ne s’éloignait pas de celle de leurs prédécesseurs, l’apport scientifique à l’étude historique de la religion n’étant alors que balbutiant.
- 3 Bibliographie de l’abbé V. Carrière par B.-A. Pocquet du Haut-Jusse, Revue d'histoire de l'Église (...)
- 4 Abbé V. Carrière, « Pour refaire la “Gallia Christiana”. Chronologie et biographies épiscopales », (...)
- 5 SHEF. Créée en 1914. On peut se référer à l’article de G. Le Bras, « La Société d’histoire ecclési (...)
- 6 RHEF. Fondée en 1910. Revue qui est aujourd’hui encore une publication incontournable pour le cher (...)
- 7 V. Carrière, Introduction aux études d’histoire ecclésiastique locale, Paris, Letouzey et Ané, 193 (...)
6L’évolution des sciences historiques invita l’historien à une relecture critique : l’abbé Victor Carrière3 appelait à une refonte4 de la Gallia christiana, dans la dynamique impulsée par la toute nouvelle Société d’histoire ecclésiastique5 et de la Revue d’Histoire de l’Église de France6 dont il fut le directeur. Sa contribution essentielle, L’introduction aux études d’histoire ecclésiastique locale7, demeure l’entreprise d’échafauder un matériel d’usage pour l’historien du catholicisme, entreprise à laquelle collaborèrent clercs et laïcs, spécialistes ecclésiastiques comme universitaires. Sans sortir du traditionnel cadre d’étude institutionnel ou ecclésiastique cette « somme technique » profitait du rapprochement initié entre Église et université avec la SHEF. L’intitulé nous éclaire pourtant sur les prétentions et les limites de ce vaste projet : histoire « ecclésiastique », qui s’inscrit donc dans le courant séculaire de l’histoire épiscopale ; histoire « locale » comme héritage d’un XIXe siècle de l’érudition, des sociétés savantes nourries de l’intérêt pour l’histoire régionale. Cette somme technique mise en œuvre par Victor Carrière ne survivra pas au renouvellement de la pensée historique insufflée par les Annales et particulièrement à l’intérêt porté à l’histoire sociale tel qu’il commence à se développer durant l’entre-deux guerre.
b. Un changement épistémologique
- 8 On rappellera avec intérêt cette phrase d’A. Siegfried dans l’introduction à son Tableau politique (...)
- 9 L. Febvre, « Vivre l’histoire, propos d’initiation », Paris, A. Colin, 1953, p. 19-20, cité par B. (...)
7C’est Gabriel Le Bras, juriste de formation, canoniste puis directeur de recherche à l’EHESS, qui imprima une approche différente à l’étude religieuse locale et régionale. Sa méthode n’était pas tant celle d’un historien que celle d’un statisticien, en ce sens l’influence des sciences historiques apparues avec l’école méthodiste puis renouvelée avec les Annales fut réelle8. Mettant en œuvre une démarche « sociologique » sous forme d’enquêtes, Le Bras adoptait une approche principalement sérielle qui se fixait comme objectif de comptabiliser la pratique des fidèles. Ce fut donc à un changement d’objet et à un glissement méthodologique que l’on assistait en passant de l’histoire institutionnelle à l’histoire des pratiques, ou tout au moins, à l’observation quantitative de celles-ci. Ce déploiement épistémologique s’effectuera dans le champ vaste et parfois mal délimité de ce que l’on a appelé plusieurs décennies durant la « sociologie religieuse ». L’histoire religieuse des débuts du XXe siècle ne put échapper à l’influence des idées des Annales, même si cette influence demeurait restreinte ou tardive durant l’entre-deux-guerres. Elle s’avéra déterminante dans les orientations prises par les historiens du catholicisme, celles d’un champ d’étude historique élargi, tel que le prescrivait Lucien Febvre : « il n’y a pas d’histoire économique et sociale. Il y a l’histoire tout court, dans son unité. L’histoire qui est sociale, toute entière par définition »9.
- 10 Essentiellement dans une optique de réponse pastorale à la déprise religieuse. On se référera volo (...)
- 11 Essentiellement établies à partir des résultats des enquêtes avant visites paroissiales des évêque (...)
8Ce changement de la nature de l’investigation historique détermina un usage différent du territoire, le territoire diocésain se prêtant volontiers à une mesure de la pratique telle que l’entrevoyaient Le Bras et plus tard le chanoine Boulard. Pour ce dernier, cette comptabilisation affichait l’ambition d’alerter les autorités catholiques sur la déprise religieuse générale, celle des campagnes en particulier, en effectuant des relevés par paroisse et par arrondissement10. En élaborant un matériau statistique, ce type d’enquête ouvrait la voie à l’étude « sociologisante » des territoires du catholicisme contemporain11.
c. L’« âge d’or » de la monographie diocésaine
- 12 On notera que l’essentiel des contributeurs sont membres de la SHEF. Cf. C. Sorrel, « Échelles et (...)
- 13 Aspects de l’histoire sociale et politique du Loir-et-Cher, 1848-1914, soutenue en 1962.
- 14 La sociabilité méridionale, Confréries et associations dans la vie collective en Provence oriental (...)
- 15 Archaïsme et modernité en Limousin au XIXe siècle, 1845-1880, soutenue en 1973.
9Ce temps de l’enquête sur les pratiques, de l’« histoire des mentalités » dans lequel s’inscrivit l’histoire religieuse des décennies d’après-guerre, imprégna la monographie diocésaine. Désormais, dans sa pratique du territoire du diocèse, le chercheur, s’attache à l’articulation sociale du culte, à la place qu’occupent les catholiques dans le maillage sociétal autant, sinon plus, qu’au seul exercice du pouvoir épiscopal. De nombreuses études monographiques consacrées aux diocèses furent rédigées entre 1960 et 1980, au point de redevenir un genre éditorial à part entière, essentiellement sous tutelle universitaire12, avec la parution de la collection « Histoire des diocèses de France » chez Beauchesne, dans les années 1970. Cette floraison d’études monographiques concordait avec la départementalisation des approches historiennes : les thèses proposées invitaient le chercheur à formuler une approche locale ou régionale plus aisée à structurer qu’une approche globale, compte tenu des contraintes académiques de l’exercice. Les décennies 1960-1970 virent se multiplier les travaux à l’échelle du département comme celles de Georges Dupeux sur le Loir-et-Cher13, de Maurice Agulhon sur la Provence orientale14 ou d’Alain Corbin sur le Limousin15… Le regain de dynamisme de la monographie diocésaine prolongeait l’élan donné par les travaux de G. Le Bras en se traduisant par d’importants travaux universitaires, respectivement ceux de Christiane Marcilhacy et Gérard Cholvy ou d’Yves-Marie Hilaire. Ces travaux valorisaient alors les approches régionales approfondies ainsi que des études plus étroitement locales à cette époque de l’émergence de la microstoria.
10Malgré cela l’intérêt porté par le chercheur au diocèse comme territoire d’étude semblait diminuer à la fin du XXe siècle, et la traduction éditoriale de ce moindre intérêt se manifesta en particulier par la cessation de parution de la collection de l’Histoire des diocèses de France à l’approche des années 1990. Les raisons de cette distance récente prise entre la recherche en histoire religieuse contemporaine et le diocèse peuvent s’expliquer par des évolutions épistémologiques autant que par le renouvellement des équipes de recherche, renouvellement synonyme d’une faible hérédité trans-générationnelle du genre monographique diocésain...
2. L’appropriation du territoire diocésain par le chercheur
11Cet intérêt, alors presque systématique, porté aux territoires à échelles restreintes, invite à se poser la question déterminante du rapport entretenu par le chercheur à l’objet de sa recherche.
- 16 C. Langlois, « Trente ans d’histoire religieuse », Archives des sciences sociales des religions 63 (...)
- 17 On a noté l’importance des travaux de l’abbé Carrière et l’ampleur historiographique et méthodolog (...)
12Ainsi que l’exprime Claude Langlois, « chacun conçoit l’histoire religieuse comme il la connaît, comme il l’a apprise puis pratiquée »16, les caractéristiques essentielles de l’historiographie religieuse avant le XXe siècle procédaient en partie de la condition de l’historien, presqu’inévitablement membre du clergé avant la seconde moitié du XIXe siècle. L’identité de l’historien du catholicisme évoluant lentement, le statut conféré à l’espace d’étude ne se modifia guère pendant des décennies : l’histoire religieuse fut une histoire institutionnelle au cours d’un long XIXe siècle qui se prolongea jusqu’à l’entre-deux guerres17. Dans ce contexte nourri par la tradition historiographique, l’espace diocésain demeurait avant tout celui de l’exercice du pouvoir temporel, celui de l’épiscopat, et fut essentiellement un territoire abordé par l’historien comme cadre structurant les études mises en chantier.
a. Quand l’historien franchit (ou non) les limites du territoire
- 18 Une majorité de spécialistes d’histoire ancienne ou moderne.
- 19 C. Sorrel, « Échelles et espaces », op. cit., p. 226.
- 20 Ibid.
- 21 C. Langlois, « Des études d’Histoire ecclésiastique locale à la sociologie religieuse historique. (...)
13Si la pertinence de l’espace du diocèse fut peu remise en question durant une longue durée, l’histoire telle que l’élaboraient l’abbé Carrière et les contributeurs de L’Introduction était marquée par leur confession ou leur profession18, et ne se déployait guère au-delà des terrains balisés par une histoire ecclésiastique déjà ancienne. Le XIXe siècle historien fut celui de l’héritage d’une « érudition » classique qui avait « pour corollaire la monographie locale »19. Et cette érudition classique s’intéressait plus volontiers à l’histoire religieuse ante-concordataire en s’apparentait, comme le rappelle C. Sorrel, à une » histoire cumulative20 » dans l’esprit de la refonte perpétuelle de la Gallia christiana. L’influence des travaux de la Société d’Histoire Ecclésiastique et la place qu’occupait l’Institut Catholique dans la recherche historique religieuse furent déterminantes. Les vœux d’une démarche innovante en histoire locale formulés par l’abbé Carrière (qui s’attacha pourtant personnellement à sa nouvelle Gallia Christiana ecclésiastique !) et ses collaborateurs demeurèrent à peu près lettre morte jusqu’au début des années 1930. Les renouvellements épistémologiques des Annales touchaient encore peu une société de spécialistes ancrés dans des pratiques appartenant à un genre amené à disparaître comme le soutient Claude Langlois : « […] la parution de cette somme [l’Introduction de Carrière] coïncide avec le déclin irrémédiable d'une historiographie dont les auteurs veulent livrer le modèle achevé : l'historien y lit son explicite épitaphe »21.
- 22 Cité par C. Langlois, « Des études d’Histoire ecclésiastique locale… », op. cit., p. 332.
- 23 La deuxième partie est intitulée « Le diocèse », p. 232-300.
- 24 Abbé Carrière, Introduction, op. cit., vol. 2, p. 231.
- 25 Ibid.
- 26 Qui fut professeur d’histoire à la Faculté des Lettres de Bordeaux.
14Gabriel Le Bras soulignait lui aussi l’inamovibilité des centre d’intérêts des membres de la SHEF et partant de la RHEF : « Sur vingt articles [publiés dans le RHEF entre 1914 et 1939], deux concernent l’Antiquité, six le Moyen âge, neuf l’époque moderne, trois l’époque contemporaine, répartition qui ne saurait étonner »22. Ce constat étonne peu lorsque l’on sait que la SHEF était assez largement composée de chartistes-médiévistes. Cette dominante de chercheurs peu rompus à l’observation immédiate de l’évolution des phénomènes contemporains éclaire la propension « cléricale-conservatrice » de la SHEF et de la RHEF. Ainsi lorsque Victor Carrière proposait, dans le second volume des Introduction aux études d’histoire ecclésiastique locale23, de « refaire la Gallia christiania » (c’est le titre du chapitre V), l’abbé n’envisageait rien de plus que de « combler de-ci de-là quelques lacunes, de redresser quelques erreurs… »24. Nulle part n’est-il question d’une histoire autre qu’épiscopale ou abbatiale, dans la droite lignée de l’histoire alors conçue par les frères Sainte-Marthe, et dont l’abbé estimait qu’elle présentait de l’Église « une image fidèle de son glorieux passé »25. Toujours dans le même ouvrage, Albert Dufourcq26 conseille, dans le paragraphe intitulé « Comment concevoir l’histoire d’un diocèse de France », de s’intéresser de façon quasi exclusive à l’autorité épiscopale et à son exercice dans le diocèse.
b. Le territoire transformé par le chercheur
- 27 C. Langlois, « Des études d’Histoire ecclésiastique locale… », op. cit, p. 329.
- 28 Selon les mots de l’abbé F. Mourret, cité par J.-D. Durand, « L’Histoire religieuse en France », i (...)
- 29 On peut lire l’article d’É. Poulat, « Aux origines du “Groupe de Sociologie des Religions” et de s (...)
- 30 Le « groupe de sociologie des religions », créé en 1954, sera encadré par G. Le Bras et comptait p (...)
15C’est pourtant durant cette même période des années 1930 que la recherche en histoire religieuse évolua sensiblement, avec l’apparition d’une certaine perméabilité aux orientations scientifiques du moment, celles données par les Annales. Cette « histoire religieuse plus centrée sur le terrain privilégié d’expérimentation de l’histoire des mentalités, l’histoire moderne »27 contribua à opérer un changement méthodologique dans l’approche de l’histoire du catholicisme en s’affranchissant d’une histoire ecclésiastique vivace dans l’entourage de la SHEF où certains défendaient toujours la tradition apologétique de « l’histoire du règne de la vérité »28. Cette évolution constituait une novation que l’on doit à Gabriel Le Bras, membre de la SHEF et rédacteur à la RHEF, et qui proposa un examen des pratiques religieuses en enquêteur et statisticien des habitudes et usages cultuels (messes, Pâques, confession…). Cette attitude modifia implicitement le rapport du chercheur à l’espace en faisant du diocèse un territoire d’appréhension statistique des pratiques et non plus seulement l’espace où, dans une logique historique institutionnelle, se produit et s’articule un pouvoir dont l’historien rend compte. On peut y lire l’influence de Lucien Febvre29 qui invita G. Le Bras à rejoindre l’École Pratique30 au moment de la création de la VIe section, celle des « Sciences économiques et sociales ».
16La tentative de dresser un état des lieux par l’observation des pratiques consistait déjà en soi à prendre une distance avec les travaux de la SHEF. Ne s’attardant plus à la reconstruction permanente de la Gallia christiana ou à une histoire hagiographique augmentée, ce fut à une déconstruction des certitudes que s’appliquait l’observation affinée des comportements usuels de la pratique du catholicisme contemporain. Paroisse, doyenné, diocèse ne furent plus seulement les éléments nodaux de la diffusion du pouvoir, mais les axes d’un rouage sociologique d’habitudes cultuelle et d’appartenance à une communauté. L’évolution qui s’imposait dans l’approche diocésaine de l’écriture de l’histoire religieuse n’était pas seulement méthodologique, elle changeait d’objet :
- 31 G. Le Bras, « Statistiques et histoire religieuses. Pour un examen détaillé et pour une explicatio (...)
Une carte générale est indispensable pour chaque diocèse, avec des hachures ou des couleurs qui laissent apercevoir au premier coup d’œil l’état florissant, moyen ou misérable de la religion dans chaque district. En marge ou au-dessous sera porté le pourcentage, par doyenné, des conformistes, des pratiquants et des personnes pieuses. On peut aussi faire une carte par archiprêtré, en inscrivant dans le compartiment de chaque doyenné ces mêmes pourcentages31.
- 32 Dont G. Cholvy souligne qu’elle fut plus « pratique » que « théorique », maintenant à distance his (...)
- 33 G. Le Bras, « Statistiques et histoire religieuses. Pour un examen détaillé et pour une explicatio (...)
- 34 G. Le Bras, « Un programme. La géographie religieuse », Annales d’histoire sociale 8/1, 1945, p. 87 (...)
- 35 J.-P. Terrenoire la caractérise comme d’inspiration « vidalienne » dans « Cartographie et analyse (...)
17Dès lors que l’étude diocésaine devenait « analytique », le territoire tel que le concevait Le Bras n’était plus un objet « en soi » : il s’imposait sur un mode heuristique en délimitant un champ de recherche parfois très étroit dans une construction intellectuelle plus large. Ainsi la méthode « sociologique »32 initiée ici nécessitait le recours à l’enquête la plus fine possible, à l’échelle de la paroisse le plus souvent, lorsque l’attention de Le Bras se portait dès 193133 sur la pratique réelle. Cette comptabilité qui ouvrait la voie à l’analyse socio-religieuse fut reprise après-guerre par le chanoine Fernand Boulard qui entreprit de cartographier la France rurale et la France urbaine, cartographies de l’ancrage des pratiques (messalisants, messants, pascalisants…). Si Boulard généralisait la méthode de Le Bras, ce fut ce dernier qui, insistant sur l’importance de la « géographie religieuse »34, inspira une génération de chercheurs pour lesquels l’histoire religieuse s’identifiait désormais avec l’enquête sociologique. Au plus fort de son développement, la méthode « Le Brasienne »35 subira pourtant la critique de sa relative inertie épistémologique. Mais cette critique était d’autant mieux supportée par les tenants du cadre diocésain que l’appel lancé plus de trente ans auparavant par G. Le Bras fut entendu et relayé par plusieurs jeunes historiens dans les années 1960-70.
c. Héritages intellectuels dans le monde universitaire
- 36 Le diocèse d’Orléans sous l’épiscopat de Mgr Dupanloup, 1849-1878, Sociologie religieuse et mental (...)
- 37 G. Cholvy, Religion et société au XIXe s. : le diocèse de Montpellier. Il s’agit de sa thèse d’éta (...)
- 38 Y.-M. Hilaire, La vie religieuse des populations du diocèse d’Arras, 1840-1914, sous la direction (...)
- 39 Le diocèse d’Orléans…, op. cit.
- 40 Géographie religieuse de l’Hérault, op. cit.
- 41 La vie religieuse des populations du diocèse d’Arras…, op. cit.
- 42 Il en va ainsi pour V. Adoumié dans sa thèse sur L’Action catholique dans le diocèse d’Aire et Dax (...)
- 43 La formation en géographie humaine de cette génération de chercheurs comptait pour beaucoup dans l (...)
18Les travaux de J. Pérouas pour l’époque moderne, et ceux de C. Marcilhacy36 pour l’époque contemporaine, dans leurs thèses soutenues au début de la décennie 1960-70, soulignaient l’intérêt du monde universitaire pour la socio-histoire. Chez les géographes comme chez les historiens, l’étude départementale était alors privilégiée pour des raisons qui tenaient autant des héritages rétroactifs (Siegfried, Le Bras) qu’à l’amplification de l’observation sociale et culturelle du territoire par le chercheur. Cette mise en œuvre universitaire d’une démarche d’enquête autour de la pratique religieuse diocésaine s’élaborait avec les travaux de Gérard Cholvy ou d’Yves-Marie Hilaire dans leurs thèses respectives sur les diocèses de Montpellier37 (1973) et d’Arras38 (1976). Le lien entre ces nouvelles approches du territoire religieux fut un lien de parenté intellectuelle avec Gabriel Le Bras. Première à situer ses recherches dans cette filiation explicite, Christiane Marcilhacy introduisait ainsi son travail : « …nous avons trouvé le schéma de notre plan de recherches dans le programme de travail que le professeur Le Bras a mis au point il y a quelques années déjà pour les enquêtes de ce type »39.De même Gérard Cholvy écrivait, en première page de la version publiée de sa thèse d’état : « …nous entendions répondre à l’appel lancé par G. Le Bras en 1931 […]. La méthode consistait à associer une sociologie du quantifiable à une étude plus descriptive mais non exhaustive des faits marquants de l’histoire diocésaine »40.Yves-Marie Hilaire se recommandait lui aussi clairement d’une« invitation à la recherche sur le diocèse d’Arras, lancée par Gabriel Le Bras, [est] à l’origine de cette thèse »41.Ces liens auront survécu à la mort des deux introducteurs de la méthode sociologique en histoire religieuse42. Cet attachement à la méthode de G. Le Bras et de F. Boulard est à mettre en rapport avec l’épanouissement d’un genre diffusé par des universitaires ayant eux-mêmes contribué à sa floraison43. Ce fut le cas particulier de Louis Girard qui encadra les thèses de C. Marcilhacy, de C. Langlois, de G. Cholvy et d’Y.-M. Hilaire…
- 44 On peut s’appuyer sur l’analyse de C. Sorrel sur la critique formulée à l’endroit de l’histoire dé (...)
- 45 C. Charle (dir.), Histoire sociale, histoire globale ? Actes du colloque des 27-28 janvier 1989, P (...)
- 46 En particulier F. Auriac et R. Brunet (dir.), Espaces, jeux, enjeux, Paris, Fayard, 1986.
- 47 Lire à ce propos les échanges nourris entre partisans d’échelles distinctes in C. Charle, op. cit.
- 48 Dont les travaux vont imposer une nouvelle définition de l’organisation diocésaine.
- 49 G. Cholvy, Religion et société au XIXe siècle, cité par C. Sorrel, « Échelles et espaces », op. ci (...)
19Autre innovation des années 1970, celle du changement d’échelle44, comme l’indique la tenue de colloques45 ou la publication d’ouvrages pluridisciplinaires46 nombreux à remettre en cause les territoires d’étude traditionnels et interrogeant les acquis de la monographie régionale. La recherche sociologique se doublant d’investigation anthropologique, l’échelle régionale paraissait s’imposer moins pertinemment comme cadre à l’individu dans son espace vécu, tel que l’envisageait notamment la micro-histoire47. D’autre part, l’épuisement du genre monographique fut aussi un phénomène de « fin de génération ». Si quelques-uns des auteurs des thèses initiatrices des années 1960-70 ont suscité de l’intérêt chez leurs étudiants (on peut citer la filiation Girard-Cholvy-Sorrel), les apôtres de la monographie diocésaines se font de plus en plus rares. Le territoire du diocèse, envisagé comme un objet déterminant la réflexion du chercheur, semble ne plus s’imposer, à quelques exceptions près de travaux articulés autour des relations d’autorité dans un contexte historique qui est celui d’avant Vatican II48. Mais il arrive encore qu’un futur candidat à la recherche en histoire religieuse soit encouragé par un directeur d’études à parfaire ses compétences sur un territoire limité qui offre des sources en général variées et (plus ou moins) accessibles : offrant un relatif confort au chercheur débutant, l’étude d’un diocèse peut alors apparaître comme un choix de « compromis entre un essai d’histoire globale […] et une étude exclusive des phénomènes religieux49 ».Mais si la monographie diocésaine peut encore séduire un étudiant de second cycle pour l’établissement de son mémoire, les thématiques contemporaines suscitent, malgré tout, des travaux plus en conformité avec les axes de recherche actuels mis en œuvre par les laboratoires.
3. Relectures contemporaines du territoire diocésain
- 50 Voir l’article de G. Cuchet, « Le dernier problème de Fernand Boulard : la rupture de la pente rel (...)
- 51 Cité par C. Sorrel dans « Le chanoine Boulard, un inconnu célèbre », op. cit., p. 15.
20L’usage des études statistiques, telles qu’envisagées par Le Bras et Boulard périclite, au moins en partie, à partir des années 198050. La pastorale rurale est d’une moindre actualité, et Boulard le disait lui-même : « c’est au niveau de la ville […] ou de la zone urbaine que l’Église commence à se trouver efficacement face des problèmes précis et complexes de la vie sociale à christianiser »51. Cet intérêt porté aux phénomènes religieux urbains accompagne l’évolution démographique de la société française mais aussi les préoccupations des chercheurs. Il est le marqueur de la mise en retrait d’une approche centrée sur l’espace institutionnel, qu’il soit diocésain ou départemental.
a. Une nécessaire adaptation aux questionnements contemporains
- 52 Cf. supra.
- 53 C. Sorrel, « Échelles et espaces », op. cit., p. 235.
- 54 Ibid.
- 55 Un aperçu des sujets de mémoire (maîtrises, DEA puis masters) de l’Université de Bordeaux III mont (...)
- 56 Cf. les articles de M. Lagrée, C. Langlois, C. Sorrel, cités supra.
21Paru il y a plusieurs décennies, l’article sur la monographie diocésaine de Claude Langlois dénotait le manque d’approches urbaines ou locales dans l’historiographie religieuse contemporaine52, annonçant implicitement le déclin d’un genre au profit d’études entreprises à d’autres échelles ou sur d’autres territoires. Cet examen critique s’articulait autour des limites de l’approche diocésaine par ailleurs signalées : territoire du pouvoir plus que de la pratique ; espace imposé plus que vécu ; « atomisation du savoir »53 et « fallacieuse totalisation »54 de l’improbable somme des particuliers pour restituer le tout (à savoir l’histoire de l’Église par ses diocèses)… On ajoutera que le difficile accès aux sources de certaines Églises locales peut rendre inopérante une approche strictement diocésaine. Si l’espace départemental-diocésain a longtemps été l’espace de référence pour de nombreux étudiants, les apprentis-chercheurs ne sont plus nombreux à s’en satisfaire, faute d’approches originales susceptibles d’un renouvellement du genre. Un examen, même rapide, des productions de recherche de quelques universités suffirait à en souligner l’importance désormais toute relative. Perdure toutefois l’intérêt « pédagogique » d’une approche cadrée institutionnellement qui serait encore opératoire en Second Cycle55, avec le diocèse comme territoire « pour se faire la main et se forger l’esprit ». Pour autant, si la mort annoncée de l’étude diocésaine dans les nombreuses études historiographiques des années 1980-200056 apparaissait à certains comme inéluctable, elle fut repoussée incessamment. Pour le moins devenu un objet d’étude historiographique, la monographie diocésaine n’a pas totalement disparu des préoccupations de la recherche. On insistera d’une part, sur l’héritage de Le Bras et de Boulard qui perdure par l’incorporation de leur méthode aux outils de l’histoire religieuse, constituant encore pour le chercheur, et surtout pour le jeune chercheur, un préalable utile à l’originalité scientifique. On notera encore que le diocèse demeure un espace opératoire en tant que territoire intégrant un espace religieux urbain souvent prépondérant. À ces deux titres, il demeure un espace fondamental du catholicisme où se déploient et interagissent les fidèles, les paroisses, les communautés religieuses ; un espace institutionnel accueillant les dynamiques nouvelles du catholicisme ; un espace permettant aussi l’observation des marges à partir d’un territoire séculaire.
b. La monographie diocésaine et la recherche actuelle
- 57 Dont les thématiques et la production, au regard du nombre d’étudiants en second et troisième cycl (...)
- 58 Depuis sa thèse sur le diocèse d’Annecy sous la direction de G. Cholvy à ses travaux plus récents (...)
- 59 À la fois dans l’intitulé de la thèse de C. Sorrel, mais aussi comme espace de référence de travau (...)
- 60 Sur 17 thèses soutenues en histoire religieuse contemporaine au sein du LARHRA, on ne distingue qu (...)
22Ces travaux aux approches spatiales qui s’appuient sur le territoire du diocèse ont contribué à construire une géographie universitaire particulière. Les universités et les laboratoires les plus actifs à traiter des aspects spatio-religieux historiques sont généralement des héritiers indirects de la « génération monographique » des années Marcilhacy-Cholvy-Hilaire. Le cas du LARHRA57 rattaché à Lyon II et Lyon III est éclairant à la fois par les axes de recherches qui s’y développent et par l’importance des équipes de chercheurs spécialisés en histoire religieuse contemporaine, dont fait partie Christian Sorrel. Sa production personnelle, depuis sa thèse sur le diocèse de Chambéry58 à ses travaux plus récents sur la Savoie, mais aussi les thématiques régionales développées par ses étudiants de deuxième et troisième cycle, sont révélateurs de l’évolution des approches spatiales comme de l’enracinement dans la filiation avec la génération précédente, celle de Gérard Cholvy en particulier. Dans les travaux encadrés par C. Sorrel, l’espace d’investigation retenu s’avère plus volontiers être celui de la « région » culturelle ou religieuse, la « Savoie » par exemple59 et non pas le diocèse. Il semblerait donc que le cadre diocésain, trop strict pour rendre compte des évolutions socio-culturelles du XXe siècle, soit en quelque sorte condamné à être occulté par des territoires redéfinis par la recherche contemporaine60. On prendra garde toutefois à ne pas surévaluer le rôle déterminant du directeur de thèse dans les contraintes spatiales qui s’imposent au jeune chercheur, compte tenu du nombre particulièrement restreint de travaux doctoraux laissant apparaître un bornage territorial clair. Le thésard peut lui-même être demandeur d’un sujet monographique sans orientations préalables de l’enseignant.
- 61 Notamment celle de l’accès aux sources : les documents de l’Église postérieurs à 1905 constituent (...)
- 62 N. Champ, « La paroisse concordataire. Un espace religieux entre contraintes administratives et as (...)
- 63 Au cœur des diocèses, une importance particulière étant accordée à la communauté de fidèles par la (...)
- 64 Pour citer le Pape François lors de la catéchèse de l’audience générale du 12 juin 2013.
23Le temps du chanoine Boulard ou de Gabriel Le Bras semble être désormais un temps daté de la référence historique à l’espace « structurel et structurant » du diocèse. Si Boulard envisageait déjà l’importance de la ville dans toute statistique utile à une pastorale future, le chercheur d’aujourd’hui s’attarde à l’intérieur d’espaces qui ne possèdent plus l’hypothétique homogénéité que l’histoire ecclésiastique prêtait au diocèse avant le XXe siècle. Pour un certain nombre de raisons61, le XIXe siècle a été largement surreprésenté dans les études monographiques diocésaines. Alors que la paroisse s’affirme (ou plutôt se réaffirme après un XIXe siècle de « restauration paroissiale »62) comme le véritable espace de la vivacité chrétienne à l’époque contemporaine. Cet espace variant dans ses limites et dans sa conformation, selon qu’il soit rural ou urbain, selon qu’il soit de centre-ville ou de périphérie... Cette accentuation des différenciations socio-spatiales, la remise en question de l’homogénéité spatiale du fait religieux, sont des filtres de lecture nécessaires à la compréhension du catholicisme depuis Vatican II63. La recherche s’adapte donc non seulement aux changements épistémologiques mais aussi aux réalités comme aux représentations auxquelles se confrontent les fidèles, fidèles passés en deux siècles d’une sujétion silencieuse au pouvoir épiscopal, à ce retour au « peuple de Dieu »64 actif et parfois revendicatif de l’après-Concile.
c. Nouvelles approches spatiales
- 65 Journée d’étude du 24 novembre 2011 sur les « matériaux Boulard » et leur héritage, organisé par l (...)
24Le récent colloque publié autour de l’« approche sérielle et spatiale en histoire religieuse »65 est un hommage au chanoine Boulard. Hommage en forme de bilan critique de l’approche statistique en histoire religieuse dont l’objet et la forme ont évolué depuis les années 1950. La tendance de la recherche actuelle confirme ainsi les dispositions à un recentrage de la réflexion sur une pratique locale à l’échelle de la paroisse, ou vers les marges d’un catholicisme actif mais souvent isolé (statistiquement) dans l’espace urbain. L’approche urbaine du fait religieux est donc en lien avec les évolutions spatiales des territoires « vécus » du catholicisme autant que ceux de l’exercice « réel » du pouvoir de l’Eglise. En effet, la dispersion des paroisses et le resserrement du maillage urbain militent en faveur d’une action de l’Église au cœur des villes. Dès lors l’épuisement d’une approche strictement diocésaine signifie moins désintérêt que recentrage sur d’autres territoires, ceux des paroisses urbaines, et d’autres époques d’étude, celle de l’après-Vatican II par exemple.
- 66 Religion et Territoire. L’espace public entre présence confessionnelle et sécularisation dans la F (...)
- 67 N. Champ, op. cit., p. 8.
- 68 Cf. supra, thèses soutenues au LARHRA. On y ajoutera un travail en cours qui intéresse, ici, notre (...)
25Une autre échelle d’usage qui demeure opérante pour un travail de recherche sur le catholicisme est celle du département. Mais si l’espace départemental s’accorde à une recherche sur le religieux (nombreuses furent et sont les « monographies départementales » d’étude du religieux), l’écart entre diocèse et département témoigne de la singularité de l’approche et des choix de recherche. Département impliquant un cadre républicain, diocèse un cadre clérical, la qualification que s’impose le chercheur est alors interprétative du contenu, le territoire n’étant ni tout à fait objet spéculatif, ni tout à fait prétexte. Il n’en demeure pas moins, dans l’intitulé d’une thèse, un champ lexical déterminant. Dans une approcheterritoriale originale, Nicolas Champ66 s’appuie sur l’« espace public » devenu sous la plume du chercheur, l’« espace des structures et des communautés civiles qui sont parties prenantes dans la construction religieuse des territoires »67. Le propos de cette thèse illustre que le territoire d’étude ne s’impose alors plus comme cadre préalable, héritage institutionnel invariable, mais comme espace en composition, espace que le vécu, la pratique et l’organisation religieuse des individus structurent en territoire. Sans doute ce cheminement de la réflexion centrée sur le lien entre l’individu et l’espace définit-il le plus justement les interrogations de la recherche actuelle. Et cette recherche continue à se nourrir de thèses aux thèmes originaux, d’une actualité éditoriale et des rencontres fréquentes qui constituent les dénominateurs de l’importance pérenne accordée à l’idée d’espace dans le vaste champ de l’histoire religieuse contemporaine68.
Conclusion
- 69 G. Cuchet, Faire de l’histoire religieuse dans une société sortie de la religion, Paris, Publicati (...)
26L’espace du diocèse est une réalité toujours présente dans la géographie institutionnelle du catholicisme ; l’espace du diocèse comme objet de recherche ne disparaît pas, il se modifie, et s’adapte à de nouvelles exigences intellectuelles. Entre évolution épistémologique et problématiques nouvelles, le rapport intime entretenu par le chercheur et le territoire diocésain se transforme au cours du XXe siècle oscillant entre intérêt et désaffection. Si, avec le temps, l’usage de ce champ d’étude n’est pas abandonné, il appelle à un renouvellement des approches dans une remise en question multiforme. Le cadre institutionnel, largement étudié, ne suffit plus à rendre compte de la réalité vivante du catholicisme d’aujourd’hui. La monographie diocésaine porte aussi le poids de l’obsolescence épistémologique qu’aura entretenu l’histoire cléricale jusqu’au début du XXe siècle, dont elle hérite pesamment au point de sembler ne plus être que la trace évanescente « d’une comète qui ne s’offre déjà plus à nos regards »69. Le diocèse demeure pourtant un espace de vitalité, celui des communautés qui l’animent, celui des fidèles qui s’organisent et pratiquent une foi qui cimente ou divise. Perspectives sociologiques et spatiales originales, exigences interdisciplinaires, nouvelles définitions du rapport du croyant à l’espace où se déploie sa foi et au territoire où s’ancre ses pratiques, n’excluent pas le recours à l’échelle historique du diocèse : elles invitent simplement à une relecture spatiale du catholicisme contemporain.
Notes
1 On peut se référer à l’article d’O. Poncet, « La Gallia Christiana (1656) des frères de Sainte-Marthe : une entreprise gallicane ? », Revue d’Histoire des religions 3 (2009), p. 375-397.
2 Mort en 1897, le chanoine Albanès n’en rédigea que le premier volume, paru en 1895, les autres furent publiés entre 1899 et 1920.
3 Bibliographie de l’abbé V. Carrière par B.-A. Pocquet du Haut-Jusse, Revue d'histoire de l'Église de France 33/122 (1947), p. 12-24.
4 Abbé V. Carrière, « Pour refaire la “Gallia Christiana”. Chronologie et biographies épiscopales », Revue d'histoire de l'Église de France 19/83 (1933), p. 206-218.
5 SHEF. Créée en 1914. On peut se référer à l’article de G. Le Bras, « La Société d’histoire ecclésiastique de la France de 1914 à 1939 », Revue d'histoire de l'Église de France 26/110 (1940), p. 5-13.
6 RHEF. Fondée en 1910. Revue qui est aujourd’hui encore une publication incontournable pour le chercheur en histoire religieuse.
7 V. Carrière, Introduction aux études d’histoire ecclésiastique locale, Paris, Letouzey et Ané, 1934-1940, 3 vol.
8 On rappellera avec intérêt cette phrase d’A. Siegfried dans l’introduction à son Tableau politique de la France de l’Ouest sous la Troisième République, paru en 1913 : « en établissant des cartes électorales selon cette méthode de continuité, j’ai surtout essayé de distinguer, dans la répartition géographique des opinions, ce qui présente un caractère de stabilité. Mais ce qui change n’en est pas moins intéressant… » (Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2010 [1964], p. 17). Opinions politiques ici, mais religieuses là, ou usages de la pratique chez G. Le Bras et F. Boulard… Cette démarche est aussi celle de Lucien Febvre, telle qu’entrevue par P. Bourdelais et B. Lepetit : « Elle [La région] doit permettre de multiplier les comparaisons et l’observation des répétitions » (« Histoire et espace » in F. Auriac et R. Brunet [dir.], Espaces, jeux, enjeux, Paris, Fayard, 1986, p. 19).
9 L. Febvre, « Vivre l’histoire, propos d’initiation », Paris, A. Colin, 1953, p. 19-20, cité par B. Lepetit, « De l’échelle en histoire », in J. Revel (dir.), Jeux d'échelle. La micro-analyse à l'expérience, Paris, Gallimard-Le Seuil, 1995, p. 72.
10 Essentiellement dans une optique de réponse pastorale à la déprise religieuse. On se référera volontiers au n° 20 de Chrétiens et Sociétés, Des chiffres et des cartes… Approches sérielles et spatiales en histoire religieuse, sous la direction de C. Sorrel, édité en 2013 par les équipes du RESEA et du LARHRA, en particulier la contribution de C. Sorrel : « Le chanoine Boulard, un inconnu célèbre », p. 9-42.
11 Essentiellement établies à partir des résultats des enquêtes avant visites paroissiales des évêques. Leur compilation initiée par Le Bras et effectuée par l’intermédiaire du CNRS est publiée dans les volumes des Répertoires des visites pastorales de la France, chez Brepols, 4 volumes parus entre 1977 et 1985.
12 On notera que l’essentiel des contributeurs sont membres de la SHEF. Cf. C. Sorrel, « Échelles et espaces : le diocèse. Réflexions sur l’historiographie française contemporaine », in B. Pellistrandi (dir.), L’histoire religieuse en France et en Espagne, Actes du colloque de la Casa de Velázquez, Madrid, 2004, p. 228.
13 Aspects de l’histoire sociale et politique du Loir-et-Cher, 1848-1914, soutenue en 1962.
14 La sociabilité méridionale, Confréries et associations dans la vie collective en Provence orientale la fin du XVIIIe siècle, soutenue en 1966.
15 Archaïsme et modernité en Limousin au XIXe siècle, 1845-1880, soutenue en 1973.
16 C. Langlois, « Trente ans d’histoire religieuse », Archives des sciences sociales des religions 63/1 (1987), p. 86.
17 On a noté l’importance des travaux de l’abbé Carrière et l’ampleur historiographique et méthodologique de son projet, mis en œuvre au milieu des années 1930, de proposer une Introduction aux études d'histoire ecclésiastique locale, qui réunit des universitaires et chercheurs laïcs et des membres du clergé. Près d’un tiers des contributeurs à l’ouvrage sont des ecclésiastiques, et un tiers des laïcs sont archivistes/conservateurs, souvent issus de l’Ecole des Chartes.
18 Une majorité de spécialistes d’histoire ancienne ou moderne.
19 C. Sorrel, « Échelles et espaces », op. cit., p. 226.
20 Ibid.
21 C. Langlois, « Des études d’Histoire ecclésiastique locale à la sociologie religieuse historique. Réflexions sur un siècle de production historiographique », Revue d'histoire de l'Église de France 62/69 (1976), p. 333.
22 Cité par C. Langlois, « Des études d’Histoire ecclésiastique locale… », op. cit., p. 332.
23 La deuxième partie est intitulée « Le diocèse », p. 232-300.
24 Abbé Carrière, Introduction, op. cit., vol. 2, p. 231.
25 Ibid.
26 Qui fut professeur d’histoire à la Faculté des Lettres de Bordeaux.
27 C. Langlois, « Des études d’Histoire ecclésiastique locale… », op. cit, p. 329.
28 Selon les mots de l’abbé F. Mourret, cité par J.-D. Durand, « L’Histoire religieuse en France », in J.-D. Durand (dir.), Le monde de l’histoire religieuse. Essais d’historiographie, Chrétiens et sociétés, Documents et mémoires n° 16, RESEA, Université Lyon 3, 2012, p. 143.
29 On peut lire l’article d’É. Poulat, « Aux origines du “Groupe de Sociologie des Religions” et de ses Archives », Archives des sciences sociales des religions 136 (octobre-décembre 2006), p. 25-37.
30 Le « groupe de sociologie des religions », créé en 1954, sera encadré par G. Le Bras et comptait parmi ses membres, É. Poulat, F.A. Isambert, H. Desroches et J. Maître. Cf. É. Poulat, op. cit.
31 G. Le Bras, « Statistiques et histoire religieuses. Pour un examen détaillé et pour une explication historique de l’état du catholicisme dans les diverses régions de la France », Revue d'histoire de l'Église de France 17/77, 1931, p. 435.
32 Dont G. Cholvy souligne qu’elle fut plus « pratique » que « théorique », maintenant à distance historiens et sociologues des religions… (« L’approche régionale du fait religieux. Retour sur un itinéraire de recherche » Annales du Midi 285 [jan-mars 2014], p. 73-85).
33 G. Le Bras, « Statistiques et histoire religieuses. Pour un examen détaillé et pour une explication historique de l’état du catholicisme dans les diverses régions de la France », op. cit., p. 425-449. L’apport essentiel du chanoine se conclura par la mise en œuvre des Matériaux pour l’histoire religieuse du peuple français
34 G. Le Bras, « Un programme. La géographie religieuse », Annales d’histoire sociale 8/1, 1945, p. 87-112.
35 J.-P. Terrenoire la caractérise comme d’inspiration « vidalienne » dans « Cartographie et analyse écologique quantitative de la pratique religieuse rurale et urbaine en France », Sociétés contemporaines 49-50 (2003/1), p. 64 et p. 65. Accessoirement, C. Langlois insiste sur un aspect particulier de la démarche, qui n’est pas tant le fruit d’une avancée épistémologique mais d’une « historiographie régressive » (« Des études d’Histoire ecclésiastique locale… », op. cit,, p. 342) qui pousse le clergé à accorder de l’importance des travaux de statistiques socio-religieuse face à la déchristianisation et la perte des vocations….
36 Le diocèse d’Orléans sous l’épiscopat de Mgr Dupanloup, 1849-1878, Sociologie religieuse et mentalités collectives, soutenue en 1962 sous la direction de L. Girard. La version publiée de sa thèse secondaire, Le diocèse d’Orléans au milieu du XIXe siècle, fut préfacée par G. Le Bras.
37 G. Cholvy, Religion et société au XIXe s. : le diocèse de Montpellier. Il s’agit de sa thèse d’état, soutenue sous la direction de L. Girard. Sa thèse de 3e cycle, Géographie religieuse de l’Hérault, s’inscrivait directement dans la continuité des travaux de Le Bras, qui fut préfacier de la version publiée.
38 Y.-M. Hilaire, La vie religieuse des populations du diocèse d’Arras, 1840-1914, sous la direction de L. Girard.
39 Le diocèse d’Orléans…, op. cit.
40 Géographie religieuse de l’Hérault, op. cit.
41 La vie religieuse des populations du diocèse d’Arras…, op. cit.
42 Il en va ainsi pour V. Adoumié dans sa thèse sur L’Action catholique dans le diocèse d’Aire et Dax du début des années trente au milieu des années soixante, soutenue en 1993 sous la direction de M. Agostino : la référence aux enquêtes de sociologie religieuse conçues et mises en œuvre par le chanoine Boulard y est soulignée.
43 La formation en géographie humaine de cette génération de chercheurs comptait pour beaucoup dans l’approche spatiale retenue et qui consistait à « partir de l’espace et le découper afin d’en rechercher les différences internes » (Cf. G. Cholvy, Géographie religieuse de l’Hérault., p. 76).
44 On peut s’appuyer sur l’analyse de C. Sorrel sur la critique formulée à l’endroit de l’histoire départementale par les Annales dès les années 1960 (C. Sorrel, « Échelles et espaces », op. cit., p. 229).
45 C. Charle (dir.), Histoire sociale, histoire globale ? Actes du colloque des 27-28 janvier 1989, Paris, Éditions de la MSH, 1993).
46 En particulier F. Auriac et R. Brunet (dir.), Espaces, jeux, enjeux, Paris, Fayard, 1986.
47 Lire à ce propos les échanges nourris entre partisans d’échelles distinctes in C. Charle, op. cit.
48 Dont les travaux vont imposer une nouvelle définition de l’organisation diocésaine.
49 G. Cholvy, Religion et société au XIXe siècle, cité par C. Sorrel, « Échelles et espaces », op. cit. p. 230.
50 Voir l’article de G. Cuchet, « Le dernier problème de Fernand Boulard : la rupture de la pente religieuse du milieu des années 1960. Sociologie religieuse et “crise catholique” dans le dernier tiers du XXe siècle » dans C. Sorrel (dir.), Des chiffres et des cartes, op. cit., p. 43-72.
51 Cité par C. Sorrel dans « Le chanoine Boulard, un inconnu célèbre », op. cit., p. 15.
52 Cf. supra.
53 C. Sorrel, « Échelles et espaces », op. cit., p. 235.
54 Ibid.
55 Un aperçu des sujets de mémoire (maîtrises, DEA puis masters) de l’Université de Bordeaux III montre par exemple une faible représentation du diocèse comme thème d’étude en histoire religieuse contemporaine avec une tendance au recours plus marqué à l’échelle urbaine dans les années 1990-2000 (sur 641 mémoires répertoriés numériquement entre 1953 et 2004, 27 s’intéressent à l’histoire religieuse locale, 18 intitulés affichent un territoire apparent qui est diocésain dans un cas, paroissial dans 3 cas, urbain dans 8 cas…). Évidemment le prédicat est statistiquement réducteur : le contenu d’un mémoire peut s’appuyer sur un territoire précis indépendamment de son intitulé.
56 Cf. les articles de M. Lagrée, C. Langlois, C. Sorrel, cités supra.
57 Dont les thématiques et la production, au regard du nombre d’étudiants en second et troisième cycles, en fait un des laboratoires incontournables en Histoire religieuse contemporaine dans le champ de la recherche française.
58 Depuis sa thèse sur le diocèse d’Annecy sous la direction de G. Cholvy à ses travaux plus récents sur la Savoie.
59 À la fois dans l’intitulé de la thèse de C. Sorrel, mais aussi comme espace de référence de travaux d’étudiants effectués sous sa direction.
60 Sur 17 thèses soutenues en histoire religieuse contemporaine au sein du LARHRA, on ne distingue qu’une seule thèse identifiant explicitement le territoire diocésain comme espace d’étude (indication présente dans l’intitulé de la thèse) ainsi qu’une thèse consacrée à un espace paroissial, et une autre consacrée à un espace urbain : E. Deloche, Le Diocèse d’Annecy de la Séparation à Vatican II (1905-1962), sous la direction de C. Sorrel, 2009, N. Malabre, Le religieux dans la ville du premier vingtième siècle. La paroisse Notre-Dame Saint-Alban d’une guerre à l’autre, sous la direction d’É. Fouilloux, 2006 ; O. Chatelan, Les catholiques et la croissance urbaine dans l'agglomération lyonnaise pendant les Trente Glorieuses (1945-1975), sous la direction de D. Pelletier, 2009. Sur l’ensemble des thèses en cours en histoire religieuse contemporaine (en 2013), aucune n’est explicitement spatialisée.
61 Notamment celle de l’accès aux sources : les documents de l’Église postérieurs à 1905 constituent des fonds privés, ceux des évêchés en particuliers, dont la communication est souvent restreinte.
62 N. Champ, « La paroisse concordataire. Un espace religieux entre contraintes administratives et aspirations communautaires », in B. Médrignac, D. Pichot, L. Plouchart et G. Provost (dir.), La paroisse, communauté et territoire. Constitution et recomposition du maillage paroissial, Rennes, PUR, 2013, p. 134.
63 Au cœur des diocèses, une importance particulière étant accordée à la communauté de fidèles par la révision du droit canonique de 1983. Lire à ce sujet l’article de O. Bobineau, « Historie du pouvoir de la paroisse catholique romaine : entre coopération et domination », in B. Médrignac, D. Pichot, L. Plouchart et G. Provost (dir.), op. cit., p. 113-126.
64 Pour citer le Pape François lors de la catéchèse de l’audience générale du 12 juin 2013.
65 Journée d’étude du 24 novembre 2011 sur les « matériaux Boulard » et leur héritage, organisé par le LARHRA, sous la direction de C. Sorrel.
66 Religion et Territoire. L’espace public entre présence confessionnelle et sécularisation dans la France du XIXe siècle. Le cas de la Charente-Inférieure, thèse de doctorat d’histoire soutenue à Bordeaux II en 2009, sous la direction de M. Agostino.
67 N. Champ, op. cit., p. 8.
68 Cf. supra, thèses soutenues au LARHRA. On y ajoutera un travail en cours qui intéresse, ici, notre réflexion : « Les espaces du catholicisme français contemporain : dynamiques et recompositions d’un paysage religieux éclaté », par V. Herbinet sous la direction de C. Sorrel, Lyon 2. Il s’agit d’un travail sur la recomposition de l’espace du religieux par le dynamisme communautaire.
69 G. Cuchet, Faire de l’histoire religieuse dans une société sortie de la religion, Paris, Publications de la Sorbonne, 2013.
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Référence électronique
Frédéric Knerr, « D’objet prédéfini à objet construit, l’approche du territoire religieux : le cas du diocèse en histoire religieuse contemporaine », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [En ligne], 15 | 2016, mis en ligne le 15 février 2016, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cerri/1553 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cerri.1553
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