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L’objet « laïcité ». Questionnements transdisciplinaires d’une spécificité française ?

The Object “laïcité”. Transdisciplinary Approaches of a French Specificity
Anne Lancien

Résumés

Cette contribution s’interroge sur l’impact du modèle spécifique de séparation État/religions adopté par la France sur les questionnements et analyses de l’objet « laïcité » menés par des chercheurs français. Les multiples croisements de problématiques, thématiques et temporalités nous permettent de croire que ce modèle influence leurs recherches et engendre des présupposés qui freinent toute potentielle objectivité. Notre étude développe en outre les tentatives de dépassement de ce biais analytique et postule une convergence récente des approches de chercheurs français avec celles de leurs homologues européens. Notre travail a été mené à partir de l’analyse de travaux d’une cinquantaine de chercheurs en sciences sociales et humaines.

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Texte intégral

Introduction

1Cet article vise à démontrer que l’appréhension et la construction de l’objet religieux sont étroitement dépendantes du contexte dans lequel elles sont menées. Sur le plan théorique, nous inscrirons notre analyse dans une logique wébérienne, en partant du postulat que les questionnements posés par les scientifiques quant à leur objet de recherche sont orientés par leurs valeurs, par l’environnement social dans lequel ils évoluent. Le sociologue parlait à ce titre de « rapport aux valeurs », de « présuppositions » qui conditionnent le travail scientifique. Les questionnements des chercheurs ne sont pas seulement liés à la logique interne de la discipline, à la spécificité de l’objet « religieux » mais dépendent également de leur rapport particulier aux valeurs associées à celui-ci.

  • 1  Rares sont cependant les scientifiques qui défendent cette conception.

2Sur le plan empirique cette fois, plutôt que de nous intéresser aux faits « religieux », nous avons choisi d’axer notre analyse sur la « laïcité ». La laïcité s’avère en effet particulièrement intéressante dans le cadre de notre étude car elle correspond à une réalité spécifique à la France, certains parlant même « d’exception française »1. La laïcité revêt dans ce pays des caractéristiques que l’on ne retrouve pas ailleurs. La « version » française des relations État-religions se distingue du reste du monde par le modèle de séparation stricte qu’elle revêt, refusant a priori toute reconnaissance des cultes, tout financement public de ceux-ci, limitant largement voire interdisant leur présence dans les espaces civiques et publics.

3La problématique de cette contribution est donc de savoir si les chercheurs français adoptent un questionnement et mènent une construction spécifique de l’objet laïcité, liés à l’environnement particulier dans lequel ils ont élaboré leur analyse. Formulé autrement, il s’agit de comprendre si la spécificité française de la laïcité relève seulement d’un régime de séparation État-religions propre au pays ou si elle s’étend également aux questionnements et analyses des scientifiques en la matière. Nous ne chercherons pas à démontrer la diversité des approches des scientifiques français quant à l’objet laïcité ; au contraire, nous essaierons de mettre en lumière les similitudes de leurs analyses, les particularités de leur approche, toutes disciplines des sciences humaines et sociales confondues, spécificités qui les distinguent de celles de chercheurs d’autres nationalités.

4Notre étude se développera en deux temps. Nous tenterons de démontrer dans un premier temps que l’objet « laïcité » relève d’une analyse propre aux sciences humaines et sociales françaises. Le second temps sera consacré d’une part aux tentatives de dépassement de ce biais analytique, d’autre part aux convergences récentes des approches des chercheurs français avec celles de leurs homologues européens. Cette analyse se fonde sur les travaux d’une cinquantaine de chercheurs en sciences humaines et sociales, historiens, géographes, politistes, juristes, sociologues, philosophes ou encore anthropologues. Nous avons limité notre étude aux travaux utilisés dans nos propres recherches, sans prétendre à l’exhaustivité.

1. L’objet « laïcité » : une analyse propre aux sciences humaines et sociales françaises ?

  • 2  Nous posons ici les deux concepts, laïcisation et sécularisation, comme quasi-synonymes, afin de f (...)
  • 3  « La différenciation des sphères d’activités entre la religion, l’économie et la politique dans le (...)

5Malgré diverses tentatives d’élaboration de théories générales du processus de sécularisation ou de laïcisation2, entendu, dans son sens large, comme « the differentiation of spheres of activity in modern societies between religion, the economy and the polity »3, force est de constater que les approches scientifiques restent marquées par leur contexte national d’élaboration. Ainsi que l’explique Laurent Amiotte-Suchet, sociologue et anthropologue enseignant à la Faculté de Théologie et de Sciences des Religions de Lausanne, il est possible de distinguer les approches scientifiques sur la sécularisation réalisées dans les pays d’ancien monopole catholique de celles menées dans les pays d’influence protestante. Pour reprendre les propos de l’auteur, dans les pays marqués par une forte influence du catholicisme,

L’accent est mis sur l’opposition État/religion de laquelle découlent des analyses en terme de différenciation et d’exclusion. L’autonomisation de l’individu, comme caractéristique de la modernité, s’est jouée sur le plan politique (logique d’émancipation). Sécularisation et laïcisation sont régulièrement associées pour décrire le processus par lequel s’est jouée la désinstitutionalisation de la religion comme système englobant.

6À l’inverse, toujours selon Laurent Amiotte-Suchet, dans les pays protestants,

  • 4  Citations reprises d’un cours dispensé par l’enseignant en 2011-2012.

L’accent est mis sur la prise de distance des individus avec le dogme et les logiques de réappropriation/requalification des énoncés. L’autonomie de l’individu, comme caractéristique de la modernité, s’est jouée sur le plan religieux (logique d’individualisation). Les analyses insistent donc sur la sécularisation comme processus de privatisation et d’individualisation des rapports à la religion (passage de l’appartenance héritée à l’appartenance choisie)4.

7Ces constats montrent que l’appréhension et la construction de l’objet sécularisation peuvent diverger selon le contexte d’élaboration. Qu’en est-il du cas français ? Une analyse d’une cinquantaine de travaux de chercheurs sur la laïcité confirme le propos de Laurent Amiotte-Suchet. Les questionnements les plus fréquemment posés par ces scientifiques relèvent du rapport entre l’État et les religions, qu’il s’agisse de la nature du lien, de son évolution, de la transcription de ce rapport dans les textes législatifs ou constitutionnels, des références à la relation entre l’État et la religion dans les textes fondateurs du christianisme, de l’islam, du judaïsme, des fondements d’une morale laïque, etc.

  • 5  Le musée pédagogique, créé en 1878, correspond aujourd’hui à l’Institut français de l’éducation.

8Autre thématique largement privilégiée par les chercheurs français : la place du religieux à l’école. Là encore ce questionnement peut s’expliquer par le contexte national. La laïcité française émerge, pour la majorité des auteurs, à l’époque des Lumières. Celle-ci fut marquée par le désir d’émancipation des individus vis-à-vis de l’Église catholique. Cette émancipation devait s’opérer, entre autres, par une rupture avec l’enseignement dispensé par l’Église, par la mise en place d’une éducation laïque, neutre, seule susceptible de permettre aux hommes d’accéder à la raison, de leur garantir une liberté de conscience. Les oppositions entre laïcs et catholiques sur cette question furent nombreuses et houleuses, les derniers heurts remontant seulement aux années 1980-1990. On retrouve l’influence de cette histoire spécifique dans les questionnements des chercheurs quant à l’objet laïcité : rares sont en effet les travaux qui ne comportent pas un développement sur la question scolaire, quelle que soit la discipline concernée. On observe parallèlement une certaine marginalisation des travaux académiques portant sur les établissements privés. En effet, à la laïcisation de l’école menée sous la IIIe République fut associée la création du Musée pédagogique, sur lequel s’appuyèrent des sciences de l’éducation naissantes5. Celles-ci concentrèrent alors largement leurs analyses sur l’école laïque.

9D’autres thématiques sont relativement absentes des travaux français. Nous pouvons ici prendre l’exemple de l’impact de la Réforme des XVIe-XVIIe siècles sur l’émergence de la modernité. Alors que leurs collègues anglo-saxons y voient un élément fondateur de ce processus, les scientifiques français abordent rarement celle-ci, si ce n’est pour minimiser son influence. C’est le cas de l’analyse menée par le philosophe Henri Pena-Ruiz :

  • 6  H. Pena-Ruiz, Dieu et Marianne, Paris, PUF, 2011, p. 63.

Sur le plan de l’avènement de la liberté de conscience, la Réforme a bien esquissé le mouvement, notamment en solidarisant le sacerdoce universel et le libre examen du fidèle, mais elle ne l’a fait qu’à l’intérieur d’une confession. C’est pourquoi Kant, à la différence de Hegel, voyait davantage dans les Lumières que dans celui de la Réforme le principe et la promesse d’une véritable libération de la conscience et du jugement des hommes6.

10L’auteur, bien entendu, s’inscrit dans l’héritage de Kant et non dans celui de Hegel. La généralisation est sans doute hâtive et il existe des contre-exemples dans les travaux de chercheurs français, par exemple les analyses de Patrick Cabanel en histoire ou de Philippe Büttgen en philosophie. Que la Réforme ait eu une influence ou non sur la laïcité française, sur la modernisation de l’État français importe peu dans le cadre de cette étude. Ce qui peut surprendre cependant, et qui nous intéresse ici, c’est la rareté de son évocation dans les travaux français en comparaison avec les analyses anglo-saxones, pour la compréhension d’un processus pourtant a priori similaire, la modernité.

  • 7  L’expression est empruntée à Anthony Giddens, La transformation de l’intimité. Sécularité, amour e (...)
  • 8  Cette typologie est empruntée à P. Kahn, La laïcité, Paris, Le cavalier bleu, 2005.

11Au-delà de ces thématiques privilégiées ou non par les chercheurs français dans la construction de leur objet, l’analyse de la laïcité est étroitement dépendante en France de la temporalité des débats et événements qui traversent la société sur ce thème. Alors que la laïcité avait suscité de vives controverses au cours de la première moitié du XXe siècle, la question tend à disparaître après la Seconde Guerre mondiale, au profit de thématiques davantage centrées sur l’économique et le social. La laïcité opposait jusqu’à cette date catholiques et partisans d’une République neutre vis-à-vis des religions. Les premiers ont rallié le camp républicain après 1945 alors que la République s’est concentrée sur d’autres débats – notamment la décolonisation et la guerre d’Algérie. Durant la même période, les travaux relatifs aux questions de laïcité ont été relativement rares (à titre d’illustration, le catalogue SUDOC répertorie 79 ouvrages portant le terme « laïcité » dans leur titre entre 1945 et 1979, contre 585 depuis). La question a suscité un nouvel engouement à partir des années 1980. Celui-ci peut d’une part s’expliquer par les mobilisations de 1983-1984 et de 1993 relatives aux questions scolaires ; d’autre part par un intérêt nouveau de la société pour des problématiques telles que la singularité culturelle des individus (dont leur religion), la « démocratisation de l’intimité »7 (qui amène les pouvoirs publics à investir les questions liées à la sexualité, à la vie, à la mort, champs relevant auparavant de la sphère privée, du domaine de la morale et de la religion), intérêt nouveau pour l’immigration et l’intégration (notamment celle des populations d’origine musulmane), ou encore pour des thématiques liées à la définition-même de la République (avec des débats autour des questions de citoyenneté, de souveraineté, de laïcité). Parallèlement, les études relatives à la laïcité se sont multipliées : histoire de la laïcité, théories de la laïcité, approches juridiques et institutionnelles, sociologie des comportements religieux8. De nouvelles thématiques scientifiques ont émergé de ces débats : question du rapport entre islam et laïcité, lien entre genre et laïcité, tentatives de redéfinition du concept, puisqu’il n’existe alors plus de consensus quant à sa signification exacte. L’analyse menée par Pierre Rosanvallon sur la démocratie peut à ce titre s’appliquer à la laïcité :

  • 9  P. Rosanvallon, « L’histoire du mot “démocratie” à l’époque moderne » in M. Gauchet et alii., Situ (...)

Si la [laïcité (démocratie dans le texte de l’auteur)] recueille maintenant sans peine la quasi-unanimité des suffrages […], sa définition est ainsi loin de susciter le même accord, dès lors, du moins, qu’on ne se contente plus des formules convenues et des paraphrases usuelles. […] Il n’est guère de mot dans la langue politique dont la définition pratique soit sujette à plus de variations. D’où d’ailleurs la tendance permanente à l’appuyer sur la béquille d’un adjectif9.

12On le voit dans les travaux des scientifiques, la laïcité est désormais plurielle, ouverte, apaisée, positive, identitaire, combattive, etc.

13Dans la continuité du renouvellement des études portant sur la laïcité, une chaire « Histoire et sociologie des laïcités » fut créée en 1991 à l’EPHE. La France n’est certes pas le seul pays à proposer un enseignement spécifique sur les questions de laïcité ou de sécularisation (notons par exemple la chaire d’études sur la sécularisation de l’Université de Gröningen ou celle de droit, religion et laïcité de l’Université de Sherbrooke) ; malgré tout les universités à disposer de telles chaires professorales restent l’exception.

14Dernier point illustrant notre propos : une déclaration universelle de la laïcité a récemment été rédigée et signée par plus de 200 universitaires de près de 30 pays10. Cette déclaration est née de la collaboration entre trois chercheurs, Jean Baubérot, français, Micheline Milot, canadienne et Roberto Blancarte, mexicain. L’objectif du texte était de « dégager la laïcité d’une vision uniquement française »11. La démarche était particulièrement intéressante, l’objectif fut-il pour autant atteint ? L’appréhension de la laïcité parvint-elle à dépasser les « présuppositions » des trois chercheurs ? La déclaration précise qu’

un processus de laïcisation émerge quand l’État ne se trouve plus légitimé par une religion ou une famille de pensée particulière et quand l’ensemble des citoyens peuvent délibérer pacifiquement, en égalité de droits et de dignité, pour exercer leur souveraineté dans l’exercice du pouvoir politique. En respectant les principes indiqués, ce processus s’effectue en lien étroit avec la formation de tout État moderne qui entend assurer les droits fondamentaux de chaque citoyen (article 5).

  • 12  Jean Baubérot explique à ce titre : « Exprès, peu de Français ont été contactés puisque l’objectif (...)
  • 13  Voir le graphique de la répartition des signataires par pays, en annexe. Répartition opérée à part (...)

15La modernité semble ici envisagée via un prisme propre aux pays de tradition catholique, selon la différenciation pré-décrite de Laurent Amiotte-Suchet. L’article cité met l’accent sur la séparation État/religions comme facteur de laïcisation, plus que sur une prise de distance de la société vis-à-vis des dogmes, une individualisation des croyances. Il insiste sur l’émancipation politique, plus que sur l’autonomie religieuse. D’autre part, la déclaration fut exposée pour la première fois le jour-même du centenaire de la loi de 1905, devant le Sénat français. Peu d’universitaires français furent contactés afin de renforcer l’idée que la laïcité pouvait être un concept, une réalité et un objet d’étude qui dépasse nos frontières nationales12. Malgré tout, plus du tiers des signataires (37 %) sont français13. Si l’on s’intéresse exclusivement aux pays européens, 96,5 % des signataires sont issus de pays de tradition catholique, donc sans doute plus sensibles à l’approche de la laïcité avancée par la déclaration (voir les documents 1 et 2 en annexe).

16L’objectif-même du texte ne relève-t-il pas finalement d’un questionnement purement franco-français, malgré la diversité géographique des signataires ? Cette déclaration souligne bien la difficulté pour les chercheurs français de dépasser leur rapport si particulier à la laïcité.

2. Tentatives de dépassement du biais analytique et convergence progressive des approches scientifiques européennes

  • 14  J.-P. Willaime, « The Cultural Turn in the Sociology of Religion in France », Sociology of Religio (...)

17Conscients du risque de biais analytique de leurs recherches, un certain nombre de scientifiques ont tenté de dépasser leurs « présuppositions » par un travail réflexif mené sur leurs pratiques et interrogations. Tout d’abord, quelques chercheurs ont rappelé la nécessité de détacher l’objet laïcité de son contexte d’élaboration, objectif similaire à celui de la déclaration universelle. C’est le cas, entre autre, de Jean-Paul Willaime, sociologue, qui souligne « l’importance d’extraire ce concept du contexte dans lequel il a émergé (la France) afin d’éviter ses connotations idéologiques »14. Dans la même logique, Françoise Champion, également sociologue, explique qu’« en France, avec toute la charge symbolique attachée à la séparation de l’Église et de l’État de 1905, la question de la laïcité comprise comme « séparation » structure nos représentations des rapports Église(s) / État, et, plus globalement, de la place et du rôle de la religion dans la société. Mais c’est une manière de voir française qui ne va pas de soi, notamment dans les pays protestants ». Autre démarche pour éviter que ces présuppositions ne constituent un frein à la scientificité des recherches : la multiplication depuis quelques années des analyses comparatives entre modèle français et approches européennes, de même que l’augmentation des références étrangères, anglo-saxonnes ou autres, dans les bibliographies des auteurs depuis les années 1990. Apparaissent ainsi des références à des théoriciens incontournables de la sécularisation, tels que l’américain Peter Berger ou l’allemand Thomas Luckmann.

  • 15  P. Portier & J. Lagrée (éd.), La modernité contre la religion ? Pour une nouvelle approche de la l (...)

18Au-delà de ce travail réflexif, l’ouverture à d’autres questionnements et constructions de l’objet laïcité a pu être réalisée via la publication d’ouvrages ou l’organisation de colloques comprenant des contributions de chercheurs non français. Citons à titre d’illustration le travail coordonné par Philippe Portier et Jacqueline Lagrée, respectivement politologue et philosophe, travail intitulé La modernité contre la religion ? Pour une nouvelle approche de la laïcité15.Cet ouvrage comprend des contributions d’Ilan Greilsammer, professeur à Tel-Aviv, de James Ceaser, chercheur américain ou encore de Jorge Enrique Precht Pizarro, universitaire chilien. De même, le colloque organisé par le GSRL (Groupe Sociétés, Religions, Laïcités) en avril 2013 sur le thème « Laïcité, Laïcités, Reconfiguration et nouveaux défis » a ouvert l’analyse de la laïcité grâce aux contributions de sociologues, historiens et anthropologues issus de diverses aires géographiques. Ces chercheurs ont permis d’élargir les enjeux spécifiques à la laïcité française en proposant un regard sur la laïcité propre à leur société d’origine, argentine, canadienne, japonaise ; sur sa mise en place dans les pays arabes, africains, etc.

19Cette ouverture devrait se poursuivre positivement grâce à l’engouement récent des géographes pour les phénomènes religieux. Lors du festival international de géographie de St-Dié de 2002, dont le thème était « religion et géographie », Gérard Dorel, géographe et directeur scientifique de l’organisation, déclarait ainsi :

  • 16  Extrait de l’intervention de Gérard Dorel à St-Dié, intitulée « Religions et géographie : ces croy (...)

la géographie des phénomènes religieux, et plus généralement la géographie du sacré et du symbolique est un domaine aujourd’hui en plein épanouissement dans la géographie universitaire française […]. Le fait religieux a longtemps été négligé par les géographes. On en voudra pour preuve que le seul ouvrage français de géographie traitant spécifiquement du thème du religieux, celui de Pierre Deffontaines, ait été publié en…194816.

  • 17  Frédéric Dejean est pas ailleurs l’auteur d’un blog sur l’approche spatiale des religions et du fa (...)

20La multiplication des thèses de géographie portant sur la question religieuse confirme les propos du géographe. Citons entre autres exemples la thèse de Lucine Endelstein soutenue en 2008 portant sur « une géographie du renouveau religieux : judaïsme et expérience urbaine en quartier cosmopolite : Paris, 19e arrondissement » ; ou celle de Frédéric Dejean, soutenue en 2010 et intitulée « les dimensions spatiales et sociales des Églises évangéliques et pentecôtistes en banlieue parisienne et sur l’île de Montréal »17.

  • 18  Les contributions furent réalisées par Jean-Paul Willaime, sociologue, et Jean-Robert Ragache, his (...)

21Les recherches associant géographie et laïcité demeurent plus marginales. Deux contributions furent consacrées à la géographie et à la géopolitique de la laïcité lors du festival de St-Dié en 2002, contributions néanmoins proposées par deux non-géographes18. Ainsi le champ de la géographie de la laïcité reste-t-il encore largement à conquérir ; il devrait positivement renforcer l’ouverture de cet objet au-delà de nos frontières nationales.

  • 19  Expression empruntée à Danièle Hervieu-Léger.
  • 20  Voir à ce titre J.-P. Willaime, op. cit.
  • 21  S. Denefle, Sociologie de la sécularisation. Être sans-religion en France à la fin du XXe siècle, (...)

22Enfin, de nouvelles thématiques soulignent une volonté de rupture avec la construction traditionnelle de l’objet laïcité : il s’agit de l’intérêt récent pour le non-croyant, le « sans religion », ou encore pour « l’individualisme religieux de la modernité »19. On s’éloigne ici largement des approches traditionnelles de la laïcité ou de la sécularisation analysée via les rapports État/religions ou l’émancipation politique des citoyens. On insiste cette fois sur l’individu, l’absence de lien à la religion, la privatisation des rapports à la religion. Jean-Paul Willaime y voit l’influence du déclin du marxisme et du structuralisme au sein des sciences sociales et humaines françaises20. Nous ajoutons à ces facteurs explicatifs la volonté de dépasser une analyse franco-française de l’objet laïcité, d’ouvrir celui-ci à d’autres questionnements. Les travaux de Danièle Hervieu-Léger21 ou de Sylvette Denefle, anthropologue et sociologue, sont précurseurs en la matière.

  • 22  Voir à ce titre l’article de Philippe Portier, publié dans Futuribles, « États et Églises en Europ (...)

23Seconde hypothèse de cette deuxième partie : alors qu’on observerait aujourd’hui une convergence progressive des modèles de sécularisation à l’échelle de l’Europe22, un tel rapprochement caractériserait également les questionnements et construction de cet objet d’étude entre les chercheurs ; alors qu’on constate un mouvement de « déconfessionnalisation » dans des pays tels que l’Angleterre, l’Espagne ou la Norvège et une certaine « réassociation » entre État et religions en France, un croisement des problématiques s’effectuerait entre les chercheurs européens. La question qui s’impose aujourd’hui communément dans les travaux des scientifiques de la sécularisation concerne la post-modernité (ou ultra-modernité, ou modernité tardive, ou modernité avancée, peu importe la terminologie retenue ici). De même, on observe une convergence de la construction de cet objet entre chercheurs européens. Jean-Paul Willaime souligne à ce titre:

  • 23  « L’étude sociologique des phénomènes religieux n’est plus seulement une analyse en termes de déte (...)

no longer is the sociological study of religious phenomena simply an analysis of social determinants; it becomes instead, in France as elsewhere, the study of symbolic mediations, examining their influence on both social bonds and the formation of individuals as active subjects23.

24Ce constat dressé pour la sociologie peut s’appliquer, nous semble-t-il, à l’ensemble des sciences humaines et sociales. Cette ultramodernité serait caractérisée par un « ré-enchantement du monde », une religiosité des sociétés toujours prégnante mais dont les modalités et caractéristiques auraient évolué. À cette problématique commune s’ajoute celle des migrants, de même que la question de l’intégration européenne. Ces débats bousculent de façon positive les traditionnelles interrogations sur l’objet sécularisation partout en Europe, permettent une confrontation plus intense et plus riche des travaux. Surtout, cerner un rapprochement des paradigmes des sciences de la laïcité en Europe permet de mieux comprendre ce qui distingue la sécularisation de cette aire géographique de celle du reste du monde. Des problématiques très stimulantes, telle celle proposée par Grace Davie, sociologue, philosophe et anthropologue, ouvrent alors de nouvelles perspectives à ce champ de recherches :

  • 24  « La sécularisation est-elle intrinsèque ou extrinsèque au processus de modernisation ? En d’autre (...)

is secularization intrinsic or extrinsic to the modernization process? In other words, is Europe secular because it is modern (or at least more modern than other parts of the world), or is it secular because it is European, and has developed along a distinctive pathway unlikely to be repeated elsewhere24?

Conclusion

25Alors que ces journées d’études portant sur « le fait religieux interrogé par les chercheurs. Constructions disciplinaires » proposaient d’insister sur les divergences d’approches de l’objet religion selon les disciplines scientifiques, notre contribution a pris le parti d’en cerner les similitudes, tout en se limitant à l’étude des sciences humaines et sociales. Les multiples croisements de problématiques, thématiques et temporalités nous permettent de croire que le modèle spécifique de laïcité construit et adopté par la France influence les questionnements des chercheurs, engendre un certain nombre de présupposés qui freinent largement ou empêchent toute potentielle objectivité du scientifique.

26Nous avons en outre émis l’hypothèse d’une convergence croissante des questionnements et thématiques des chercheurs européens concernant la laïcité. Une question demeure cependant : la convergence dans l’appréhension de cet objet traduit-elle véritablement une ouverture croissante, une réflexivité efficace des chercheurs français ou n’est-elle que le reflet d’un rapprochement des « présuppositions » des scientifiques européens ? Il faudra poursuivre l’analyse de ces travaux durant les années à venir pour pouvoir confirmer ce qui n’est en l’état actuel qu’une simple hypothèse.

  • 25  « Des sociologues de toutes sortes sont à la recherche de nouveaux paradigmes pour interpréter la (...)

27Une dernière question pour conclure : ces tentatives de dépassements du biais analytique, ce rapprochement entre approches françaises et études européennes sont-ils autant de facteurs qui confirmeraient une révolution paradigmatique des sciences de la religion françaises, entendue au sens de Kuhn ? C’est l’interrogation posée par Jean-Paul Willaime dans son article « The cultural turn in the sociology of religion in France ». Nous nous rangeons à sa conclusion, que nous appliquons à l’ensemble des sciences humaines et sociales: « sociologists of all kinds are in search of new paradigms for interpreting religion, a search that implies new, different and rather more dispersed theoretical frameworks than has been the case so far »25. La révolution paradigmatique est en cours. Elle reste toutefois inachevée.

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Notes

1  Rares sont cependant les scientifiques qui défendent cette conception.

2  Nous posons ici les deux concepts, laïcisation et sécularisation, comme quasi-synonymes, afin de faciliter la comparaison entre les travaux français et étrangers sur ces notions, tout en ayant conscience qu’une telle approche est contestable.

3  « La différenciation des sphères d’activités entre la religion, l’économie et la politique dans les sociétés modernes » (B. S. Turner, « Introduction : the comparative sociology of de-secularization »,in B. S. Turner [éd.], Secularization, Londres, Sage, 2010, p. x).

4  Citations reprises d’un cours dispensé par l’enseignant en 2011-2012.

5  Le musée pédagogique, créé en 1878, correspond aujourd’hui à l’Institut français de l’éducation.

6  H. Pena-Ruiz, Dieu et Marianne, Paris, PUF, 2011, p. 63.

7  L’expression est empruntée à Anthony Giddens, La transformation de l’intimité. Sécularité, amour et érotisme dans les sociétés modernes, Rodez, Le Rouergue/Chambon, 2004. Voir également l’article de Denis Pelletier, « Les évêques de France et la République de l’intime (1968-2005) », in C. Béraud, F. Gugelot et T. Saint-Martin, Catholicisme en tensions, Paris, Éditions de l’EHESS, 2012.

8  Cette typologie est empruntée à P. Kahn, La laïcité, Paris, Le cavalier bleu, 2005.

9  P. Rosanvallon, « L’histoire du mot “démocratie” à l’époque moderne » in M. Gauchet et alii., Situations de la démocratie, Paris, Gallimard, 1993, p. 28.

10  Déclaration disponible sur http://www.lemonde.fr/idees/article_interactif/2005/12/09/declaration-universelle-sur-la-laicite-au-xxie-siecle_718769_3232.html

11  J. Baubérot, « Présentation de la Déclaration universelle sur la laïcité au XXIe siècle », allocution présentée lors du colloque « la Déclaration universelle sur la laïcité au XXIe siècle et la sécularisation dans pays asiatiques », Tokyo, 2009, p. 53. Disponible sur http://utcp.c.u-tokyo.ac.jp/publications/2009/04/secularizations_et_laicites_ut/

12  Jean Baubérot explique à ce titre : « Exprès, peu de Français ont été contactés puisque l’objectif consistait à dégager la laïcité d’une vision uniquement française ».

13  Voir le graphique de la répartition des signataires par pays, en annexe. Répartition opérée à partir de la liste des signataires publiée sur le site du Monde, à la date du 12 décembre 2005.

14  J.-P. Willaime, « The Cultural Turn in the Sociology of Religion in France », Sociology of Religion 65 (2004), p. 377.

15  P. Portier & J. Lagrée (éd.), La modernité contre la religion ? Pour une nouvelle approche de la laïcité, Rennes, PUR, 2010.

16  Extrait de l’intervention de Gérard Dorel à St-Dié, intitulée « Religions et géographie : ces croyances, représentations et valeurs du social au culturel qui modèlent le monde ». Contribution disponible sur : http://archives-fig-st-die.cndp.fr/actes/actes_2002/dorel/article.htm

17  Frédéric Dejean est pas ailleurs l’auteur d’un blog sur l’approche spatiale des religions et du fait religieux – blog aujourd’hui en veille – qui propose de nombreux liens sur la thématique géographie et religions, doublés d’analyses stimulantes sur la question (http://geographie-religions.com/)

18  Les contributions furent réalisées par Jean-Paul Willaime, sociologue, et Jean-Robert Ragache, historien et ancien Grand Maître du Grand Orient de France.

19  Expression empruntée à Danièle Hervieu-Léger.

20  Voir à ce titre J.-P. Willaime, op. cit.

21  S. Denefle, Sociologie de la sécularisation. Être sans-religion en France à la fin du XXe siècle, Paris, L’Harmattan, 1997. D. Hervieu-Léger, Le pèlerin et le converti. La religion en mouvement, Paris, Flammarion, 1999.

22  Voir à ce titre l’article de Philippe Portier, publié dans Futuribles, « États et Églises en Europe, vers un modèle commun de laïcité ». L’auteur parle de « croisement de trajectoires », de convergence progressive des régimes de séparation État-religions, vers une « séparation coopérative », conséquence du processus de globalisation. À noter que cette thèse ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté scientifique. D’autres auteurs défendent davantage l’idée d’une « modernisation plurielle » : en réaction au processus de globalisation, les États auraient tendance à « consolider » leur approche traditionnelle de la relation entre État et religions.

23  « L’étude sociologique des phénomènes religieux n’est plus seulement une analyse en termes de déterminants sociaux ; elle est devenue, en France comme ailleurs, l’étude des médiations symboliques, à travers l’examen de leur influence sur les liens sociaux et sur la formation des individus comme sujets actifs » (J.-P. Willaime, op. cit., p. 377).

24  « La sécularisation est-elle intrinsèque ou extrinsèque au processus de modernisation ? En d’autres mots, l’Europe est-elle séculaire parce qu’elle est moderne (ou du moins plus moderne que d’autres parties du monde) ou est-elle séculaire parce qu’elle est européenne et qu’elle s’est développée selon un cheminement spécifique, qui ne se reproduira probablement pas ailleurs » (G. Davie, « Religion in Europe in the 21st Century : the Factors to Take into Account », in B. S. Turner, op. cit., vol. 2, p. 324).

25  « Des sociologues de toutes sortes sont à la recherche de nouveaux paradigmes pour interpréter la religion, une recherche qui implique des cadres théoriques nouveaux, différents et un peu plus épars que ce qui se faisait jusqu’à présent » (J.-P. Willaime, op. cit., p. 388).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Anne Lancien, « L’objet « laïcité ». Questionnements transdisciplinaires d’une spécificité française ? »Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [En ligne], 15 | 2016, mis en ligne le 15 février 2016, consulté le 12 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cerri/1525 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cerri.1525

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Auteur

Anne Lancien

Anne Lancien, doctorante au Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (GSRL, EPHE), ATER à l’Université François Rabelais de Tours. Ses thèmes de recherche portent sur la sociologie et l’histoire de la laïcité, la sociologie des mobilisations, la Ligue de l’enseignement.
Principales publications :
« Réflexivité et militantisme : analogie ou antonymie ? – réflexivité et expertise militante au sein de la Ligue de l’enseignement, 1959-1990 », ¿ Interrogations ? 19 (2014). Disponible en ligne sur : http://www.revue-interrogations.org/Reflexivite-et-militantisme
« Adenauer, de Gasperi, Schuman et le principe de subsidiarité : un « spillover culturel » ? une approche constructiviste de l’intégration européenne », L’Europe en formation 370 (2013). Disponible en ligne sur : http://0-www-cairn-info.catalogue.libraries.london.ac.uk/resume.php?ID_ARTICLE=EUFOR_370_0133
« Expertise militante et Ligue de l’enseignement sous la Ve République », actes du séminaire Université Lyon II – Éducation, Cultures et Politiques – Ligue de l’enseignement, « La Ligue de l’Enseignement, un objet politique à identifier, des origines à nos jours ».
Disponible en ligne sur : http://fr.calameo.com/books/0000262228e94f18a76f4

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