L’ésotérisme. Thèmes, motifs et acteurs d’une culture en train de se faire
Résumés
La notion d’ésotérisme fait ici l’objet d’une approche croisée, entre études culturelles et psychologie sociale, afin d’en expliciter le sens et d’en montrer l’actualité dans un contexte de sécularisation avancée. En partant des schèmes qui constituent l’imaginaire, des figures qui structurent la narration et des acteurs qui témoignent d’un vécu, il s’agit d’expliquer le développement d’une culture proprement ésotérique. Chemin faisant, nous mettrons en tension cette culture minoritaire avec la culture dominante et tenterons de sonder ses potentialités sociales et politiques.
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- 1 Voir A. Piette, La religion de près. L’activité religieuse en train de se faire, Paris, Métailié, (...)
1Comme l’anthropologue Albert Piette s’évertuait à observer les religions au plus près, pour y déceler l’activité religieuse en train de se faire1, nous aborderons l’ésotérisme à travers les faits et les images qui le définissent pour tenter de poser (et disposer) les éléments d’une culture en train de se faire. Cette approche par la culture offre l’avantage d’analyser un matériau composite d’un point de vue pluridisciplinaire : de l’histoire des phénomènes religieux aux méthodes de réalisation de soi sans oublier, bien sûr, les multiples points d’ancrage dans la réalité sociale. Chemin faisant, nous verrons comment une culture minoritaire s’inscrit dans le contexte d’une culture « dominante » pour en révéler les aspérités profondes tout en se posant comme une vision alternative du monde. Ce jeu de va-et-vient entre les profondeurs et la surface du monde social correspond finalement bien à un objet ésotérique qui ne cesse de se voiler au fur et à mesure qu’il apparaît. Son mode d’être se manifestant dans le secret.
- 2 Voir. J.-P. Laurant, Le regard ésotérique, Paris, Bayard, 2001.
2Pour bien en saisir le sens, il convient de revenir sur l’histoire d’une notion aux contours mouvants. La première occurrence du terme « ésotérisme » date de 1828 ; elle naît sous la plume de Jacques Matter pour qualifier les doctrines liées au gnosticisme chrétien des premiers siècles. Son sens est cependant très évasif, comme le souligne Jean-Pierre Laurant, pour qui l’ésotérisme reste un « mot-autobus » ou encore un « mot-valise », c’est-à-dire un mot dont les significations varient au gré des interprétations2. Quant à son étymologie, elle signifie approximativement « au-dedans » ou « à l’intérieur » et désigne de façon très large l’ensemble des connaissances transmises au sein de cercles d’initiés. Ainsi, le terme « ésotérisme » recoupe l’adjectif « ésotérique », beaucoup plus ancien, puisqu’il est utilisé dès le premier siècle de notre ère pour distinguer deux sortes de textes chez Aristote : ceux destinés à tous les lecteurs sont dits « exotériques » tandis que les enseignements réservés à quelques-uns sont dits « ésotériques ».
3Au début du XXe siècle, la plasticité du terme finit par épouser un lexique très vague dans lequel on retrouve les catégories « occulte », « mystère », « initié » mais aussi les adjectifs « étrange », « inconnu », caché », etc. Il faut attendre le début des années 1960 pour que l’ésotérisme se fixe dans un terreau fertile, la contre-culture, et devienne un objet de curiosité pour le grand public. Deux événements marquants ponctuent cette effervescence même si, là encore, il est difficile de proposer une définition claire du contenu de l’ésotérisme.
- 3 Depuis cette date, l’ouvrage a fait l’objet de rééditions constantes pour dépasser aujourd’hui les (...)
- 4 J. Bergier, L. Pauwels, Le matin des magiciens. Introduction au réalisme fantastique, Paris, Galli (...)
- 5 Plusieurs chapitres sont consacrés aux « sociétés secrètes nazies », à la « vérité sur les extrate (...)
4Le premier événement est la parution en 1960 et surtout le succès retentissant du Matin des magiciens co-écrit par le journaliste Louis Pauwels et l’aventurier Jacques Bergier. Cet ovni littéraire qui se situe à la croisée de l’essai d’anticipation, du roman de science-fiction et du manifeste spirituel fait l’objet de traduction dans de nombreuses langues pour atteindre les 500 000 exemplaires vendus en 19653. Quel est son contenu ? Le programme du « réalisme fantastique » tient dans une formule présentée dès la préface de l’ouvrage : procéder au « remariage inespéré de la raison, au sommet de ses conquêtes, avec l’intuition spirituelle »4. Mais ce sont les développements qui intriguent davantage puisque les auteurs parviennent à entremêler les découvertes scientifiques avec les mystères de la religion, les espoirs de la techno-science avec la mémoire des mythes, pour annoncer la naissance d’un nouveau monde fondé sur une conscience régénérée et élargie. L’ensemble des thématiques traitées, qui lorgnent parfois du côté du sensationnalisme5 (aspect luciférien du nazisme, vérité sur les extraterrestres, etc.), plonge le lecteur dans un ésotérisme diffus qui laisse croire à l’existence d’arrières-mondes. En tous les cas, le succès de l’ouvrage, prolongé par la création de la revue Planète en 1961, contribue à installer dans l’espace public des sujets décalés, souvent novateurs, dont la dimension ésotérique est prédominante.
5Le deuxième événement s’étire dans le temps pour prendre la forme d’un mode de pensée alternatif qui, né aux États-Unis à l’orée des années 1960, se diffuse dans toute l’Europe sous la notion de « contre-culture ». Il s’agit d’expérimenter de nouvelles formes de vie qui s’opposent aux canons de la culture dominante. Ce mouvement protéiforme ne se confond pas, bien sûr, avec l’essor d’une culture proprement ésotérique, mais participent également de la diffusion de thématiques spirituelles à connotations ésotériques. Ainsi, la remise en cause de l’ordre établi s’appuie sur la recherche de religiosités alternatives et met l’accent sur l’expérimentation de nouveaux états de conscience. Cette effervescence culturelle finit par déborder de son creuset originel pour toucher le grand public à travers, notamment, la popularisation du rock, l’essor du cinéma fantastique ou l’organisation de grands festivals. Dans ce contexte, l’ésotérisme se présente comme une culture en gestation qui se confond en grande partie avec une forme d’occultisme populaire. Le succès posthume du « magicien noir » Aleister Crowley ou les représentations carnavalesques du fondateur de l’Église de Satan, Anton Szandor LaVey, participent de cet intérêt pour la dimension ambivalente et sulfureuse de l’existence humaine.
- 6 A. Faivre, L’ésotérisme, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 4e éd., 2007 [1992], p. 15-16. Préci (...)
- 7 Voir A. Faivre, Accès de l’ésotérisme occidental, vol. 1 et 2, Paris, Gallimard, coll. » Bibliothè (...)
6Les années 1970 modifient progressivement cette image avec la prise en compte de l’objet ésotérique par la recherche scientifique. Le linguiste François Secret crée la première « chaire d’ésotérisme » à l’École Pratique des Hautes Études à Paris à laquelle succédera l’historien Antoine Faivre qui en proposera une vision élargie et, surtout, une définition précise. Comment faut-il appréhender ce nouveau champ de recherche ? Faivre écarte d’emblée le terme « ésotérisme » pour lui préférer la notion de « forme de pensée ésotérique ». Cette pensée, qui possède sa propre logique interne, repose sur quatre critères distinctifs : l’idée de correspondance universelle, la description d’une nature vivante, l’imagination active et l’expérience de la transmutation6. Dès lors, la pensée ésotérique peut être repérée dans le long cours de l’histoire et identifiée sous le nom de plusieurs courants : hermétisme, théosophie, franc-maçonnerie, kabbale chrétienne, alchimie, etc7. Précisons que Faivre s’intéresse exclusivement à l’ésotérisme occidental qu’il fait débuter à l’époque de la Renaissance même si les racines de plusieurs de ses doctrines plongent dans un passé lointain. Nous sommes donc en présence d’un mode de pensée moderne qui se tient dans les contreforts du paysage intellectuel : d’abord, comme une sorte de dissidence par rapport aux institutions religieuses établies et, ensuite, comme une forme d’alternative à la raison des Lumières conquérantes.
- 8 P.-A. Taguieff, La foire aux illuminés. Ésotérisme, théorie du complot, extrémisme, Paris, Mille e (...)
- 9 E. A. Tiryakan, « Ésotérisme et exotérisme en sociologie (la sociologie à l’âge du Verseau) », Cah (...)
7La diffusion des recherches académiques a permis, en définitive, de bien différencier les thématiques en vogue dans la culture populaire – ce que Pierre-André Taguieff a dénommé un « ésotérisme de pacotille »8 – d’une forme de pensée présente dans l’histoire des idées. Cette lecture volontiers savante, aussi pertinente soit-elle, risque cependant d’enfermer l’objet ésotérique dans un cadre strictement historique sans chercher à voir et à comprendre ses affleurements à la surface du monde social. D’où la nécessité de prendre également en compte une analyse plus sociologique pour ce qui concerne, notamment, les formes contemporaines de l’ésotérisme. Les études pionnières d’Edward Tiryakan ont par exemple mis en lumière l’existence d’une culture ésotérique qui se situe dans le « sous-sol culturel » de la société occidentale – un sous-système « latent » de la société pour reprendre l’expression de Talcott Parsons9. Le sociologue américain avance d’ailleurs une interprétation étonnante du phénomène : cette culture mouvante, souterraine, se manifesterait plus franchement pendant les périodes de grands bouleversements et constituerait ainsi l’un des principaux vecteurs de la modernisation.
- 10 Voir F. Champion, « Les sociologues de la postmodernité religieuse et la nébuleuse mystique ésotér (...)
8En partant de cette dernière interprétation, tout en la complétant avec celles précédemment citées, il est possible d’élaborer une synthèse qui s’appuie sur la notion de « culture ésotérique ». Deux observations préalables. L’emploi du terme « culture » me semble plus pertinent que celui de « sous-culture » ou de « contre-culture » dans la mesure où la modernité tardive se présente sous une forme pluriculturelle, c’est-à-dire un espace où coexistent plusieurs cultures sans qu’il soit possible d’établir une quelconque hiérarchie. On peut simplement signaler que la culture ésotérique est une culture minoritaire qui se différencie de la culture de masse ; elle touche un public plus restreint qui n’en reste pas moins diversifié dans ses composantes sociales. De la même façon, on peut écarter la notion de « champ », tel que Pierre Bourdieu a pu le définir, afin de bien distinguer la constitution d’un espace culturel aux contours mouvants par rapport à un lieu de production sociale qui met en concurrence des acteurs clairement identifiés, à partir de règles posées par ces mêmes acteurs. Sur ce point, la sociologue Françoise Champion a par exemple décrit la formation d’une « nébuleuse mystique ésotérique »10 qui se caractérise par la nature poreuse, fragile et incertaine des groupes qui la composent.
9En dépit de cette dimension évanescente, il est tout de même possible de circonscrire les frontières de cet espace en partant d’une observation simple : celle des produits culturels (livres et objets) que l’on trouve dans les librairies dites « ésotériques ». En effet, le classement opéré par la majorité de ces librairies laisse apparaître trois grandes composantes de la culture ésotérique.
- 11 Nom de la célèbre collection créée en 1946 par l’orientaliste Jean Herbert chez Albin Michel. Dest (...)
101/ La première composante peut être identifiée sous l’étiquette « Traditions et voies spirituelles ». En règle générale, il ne s’agit pas du rayon le plus volumineux, mais sans doute du plus « prestigieux », dans le sens où il renvoie aux principaux courants de la pensée ésotérique et déborde sur tous les sujets attachés aux traditions religieuses. Les spécialistes de l’ésotérisme côtoient les grandes figures de la mystique, les historiens des religions et les « sages » contemporains pour proposer une approche à la fois théorique et pratique des « spiritualités vivantes »11. Ces ouvrages s’adressant prioritairement à un public « cultivé », féru d’ésotérisme et de religions.
112/ La deuxième composante, davantage hétéroclite, peut être synthétisée sous l’étiquette « Nature et formes de néo-paganisme ». Elle regroupe toutes les thématiques qui tentent de repenser les liens que l’homme entretient avec son environnement et qui se matérialisent dans des courants aussi divers que le druidisme, le néo-chamanisme, l’éco-féminisme, le channeling, etc. Les personnes intéressées par ces approches tendent à multiplier les contacts dans une perspective plus ou moins syncrétique et à privilégier la dimension expérimentale par rapport à la connaissance doctrinale. D’où la multiplication des conférences bio, des stages de méditation, des semaines nature, etc.
123/ La troisième composante, souvent la plus importante en volume et assurément la plus rentable, concerne tout ce qui a trait à la catégorie « Santé et développement personnel ». La gamme de l’offre est très large et revêt plusieurs formes : les livres, les talismans, les huiles essentielles, les cristaux, les supports de divination, etc. Quant aux « écoles » identifiées, cela va du « coaching de vie » aux psychologies transpersonnelles en passant par les thérapies alternatives et les courants du New Age. Le public, naturellement plus nombreux, se distingue par un pourcentage élevé de femmes.
- 12 S. Moscovici, « The Conspiracy Mentality », in C. F. Graumann, S. Moscovici (éd.), Changing Concep (...)
13Ces trois composantes ne sont pas hermétiques les unes aux autres ; elles cohabitent dans un espace dédié à une culture ésotérique dont les frontières se déplacent au gré de l’offre et de la demande. Il s’agit également d’un espace concurrentiel où s’affrontent des « petits entrepreneurs de biens de salut » et se joue la définition légitime de l’ésotérisme. En partant de ce terrain d’observation, et étant donné la diversité et la plasticité de cette culture, je souhaite l’aborder avec les outils élaborés par la psychologie sociale et, plus précisément, les thêmata et les figurae définis par Serge Moscovici12. Selon cette approche, les thêmata (schèmes cognitifs) constituent un complexe imaginaire, une plate-forme de représentation sur laquelle vont se greffer des figurae (motifs directeurs) ; l’ensemble formant un cadre cohérent et dynamique pour la pratique des acteurs. Cette approche a le mérite, nous semble-t-il, de montrer comment une culture (une mentalité) s’inscrit dans une société historique donnée, dont elle est en partie le produit, tout en élaborant des stratégies pour s’en démarquer. Et dans ce jeu d’aller et de retour (culture minoritaire/culture dominante, imaginaire singulier/représentations générales, discours de rupture/langage commun), nous tenterons d’évaluer les potentialités de cette culture en train de se faire.
1. Les thêmata comme structure de l’imaginaire ésotérique
14La culture ésotérique repose sur quelques grands schèmes, compris comme des moteurs de l’image, qui vont constituer le soubassement de son imaginaire, la trame directrice de son mode de pensée. Sans prétendre à l’exhaustivité, je vais reprendre trois de ces thèmes fondateurs pour les apprécier au regard de ce qui fait l’histoire de l’ésotérisme et les interroger dans le cadre plus large de la culture commune.
151/ Le premier thème directeur, sans doute le plus central quoique difficile à dénommer, est celui du Soi (culture de soi). Il se décline effectivement sous de multiples formulations en fonction des courants ésotériques pris en compte : réalisation spirituelle, quête du bonheur, recherche de bien-être, équilibre des énergies, etc. Il s’agit en quelque sorte de transposer l’antique devise de Socrate, « Connais-toi toi-même », dans le contexte de la modernité tardive. D’où l’insistance sur deux éléments liés : d’abord, la centralité de la subjectivité individuelle qui constitue le ressort de toute recherche intérieure et, ensuite, l’importance accordée aux « technologies de soi », c’est-à-dire à tous les programmes ou dispositifs qui accompagnent voire sanctionnent l’état d’avancement de l’impétrant.
16Ce thème directeur est d’autant plus saillant qu’il traverse tout l’imaginaire ésotérique depuis l’émergence de ses premiers courants à la période de la Renaissance : l’individu (le Moi) a toujours été envisagé comme un état d’être qui doit être dépassé par l’acquisition d’une connaissance spécifique en vue d’atteindre une forme de réalisation (le Soi). Ainsi, l’imaginaire ésotérique se différencie de la perspective religieuse qui s’articule autour d’une communauté de croyants encadrée par des autorités instituées comme il se démarque de la perspective moderne qui, en mettant l’accent sur la rationalité instrumentale, tend à nier la dimension spirituelle de l’être. Cet entre-deux historique, entre théologies dogmatiques et rationalisme triomphant, explique la position marginale de la pensée ésotérique, sans compter son attrait pour le culte du secret et son organisation en conventicules d’initiés.
- 13 Ch. Taylor, L’âge séculier, tr. P. Savidan, Paris, Seuil, coll. « Les livres du nouveau monde », 2 (...)
17Pourtant, on peut aujourd’hui s’interroger sur son actualité, c’est-à-dire sa lente remontée à la surface du monde social, dans le contexte d’une sécularisation avancée. En effet, l’intérêt pour le développement personnel (souci de soi) peut résulter de deux mouvements a priori opposés : soit comme une réaction au processus de sécularisation avec la recherche de nouvelles formes de transcendances (individuelles et techniques), soit comme un effet de ce même processus avec l’éclatement du champ religieux sous la forme de religiosités multiples. En vérité, les deux interprétations se complètent pour montrer que la « sécularité » est un paradigme qui évolue en fonction des « conditions de la croyance »13. Dans ce contexte, la pensée ésotérique a cheminé dans les contreforts du paysage intellectuel pour trouver son terrain de prédilection – son espace mental – dans la modernité tardive dont elle est à la fois le produit et le prolongement.
- 14 D. Bisson, « Ésotérisme, nature et spiritualité. Variations autour de la notion d’“écologie spirit (...)
182/ Le deuxième thème structurant est celui de la Nature (rapport à la nature). Selon l’approche ésotérique, la nature est essentiellement un moyen, et non pas une fin, qui permet à l’être de recouvrer toutes ses réalités, et d’atteindre ainsi un équilibre parfait au sein du monde vivant. Précisément, cette « écologie de l’être »14 repose sur trois composantes : d’abord, une conception ordonnée du cosmos qui inclut l’homme dans l’ordre de l’univers ; ensuite, une conception médiatrice de la nature qui manifeste le caractère divin de la réalité ; enfin, une ouverture sur l’être qui fait de la nature l’un des principaux supports de sa réalisation. En définitive, la connaissance de la nature et la connaissance de la divinité sont intimement liées, l’une révèle l’autre et inversement, par l’intermédiaire de son interprète privilégié : l’homme.
- 15 J-M. Pelt, « Pour une méta-écologie » dans E. Drewermann (éd.), Écologie et spiritualité, Paris, A (...)
19À l’image du thème précédent, cette approche irriguait déjà les premières doctrines ésotériques comme une alternative à la conception objectivante de la nature développée par la spéculation théologique et amplifiée par la connaissance scientifique. Elle reçoit aujourd’hui un reflet particulier dans le contexte de la crise écologique. Le souci de la nature ne constitue pas, là encore, une exclusivité de la culture ésotérique, mais fait l’objet d’un traitement particulier qui contribue à étoffer le débat sur la scène publique. Ainsi, des auteurs comme Jean-Marie Pelt ou Pierre Rabhi se sont inspirés de cette interprétation pour l’élargir dans le sens d’une « méta-écologie » qui « intégrera nécessairement la puissance spirituelle de l’homme, seule capable d’assurer la paix dans la nature et parmi les hommes »15. Le rapport entre l’être et la nature est de nouveau mis en perspective même s’il ne se cantonne plus à une recherche de perfection personnelle.
203/ Le troisième thème important, directement lié aux précédents, est celui du Corps (souci du corps). Selon l’approche ésotérique, le corps est indissociable de deux termes qui en déterminent le sens : d’une part, l’énergie qui constitue un réseau complexe de fluides et de forces et, d’autre part, l’interconnection qui permet à cette énergie de circuler et d’assurer l’équilibre général entre les mondes (homme, nature, cosmos). À l’image de la nature, le corps est donc compris comme un support de réalisation qui, selon la loi de correspondance, révèle en dernier ressort l’harmonie universelle.
- 16 Voir Y. Constantinides, Le nouveau culte du corps. Dans les pas de Nietzsche, Paris, François Bour (...)
21Si ce thème affleure dans plusieurs courants ésotériques anciens (alchimie, magie, etc.), il est davantage présent, voire prédominant, dans les formes contemporaines de l’ésotérisme liées à la santé du corps et de l’âme. En cela, il participe également à l’éclosion dans l’espace public d’un « nouveau culte du corps »16, fondé sur la mise en scène de soi et l’essor des technologies, tout en cherchant à s’en différencier par la dimension spirituelle. On le voit, les points de contact entre une culture spécifique et la culture commune contribuent à l’essor d’un fait social, l’attention portée au corps, tout en multipliant les façons de l’appréhender.
22Pour conclure cette première partie, il faut préciser que les trois schèmes retenus se mélangent les uns aux autres et se renforcent mutuellement. Ainsi, l’épanouissement de soi, la fécondité de la nature et l’harmonie des corps constituent autant de variables qui s’ajusteront de façon différente dans un imaginaire en perpétuelle évolution. D’où l’importance des figures qui relient les schèmes dans des constructions dynamiques.
2. Les figurae comme modélisation de la pensée ésotérique
23Les schèmes directeurs se déploient dans un complexe imaginaire qui va être mis en mouvement par des figures spécifiques. On peut considérer ces dernières comme des connecteurs, voire des vecteurs, qui vont relier les images entre elles pour les activer dans une narration cohérente, un récit qui fait sens. Trois motifs nous semblent déterminants dans cette mise en forme de la pensée ésotérique.
241/ La première figure, la plus centrale et la plus difficile à appréhender, est celle du secret. Elle traverse tout l’imaginaire ésotérique comme une sorte de motif en pointillé, une figure sous-jacente, qui explique en dernier ressort, non pas la raison, mais l’impulsion qui pousse l’homme à partir à la recherche de lui-même. Comment saisir cette dimension spécifiquement ésotérique du secret ?
- 17 Voir G. Simmel, Secret et sociétés secrètes, Paris, Circé, coll. « Poches », 2009.
- 18 Voir Wouter J. Hanegraaff, Western Esotericism and the Science of Religion, Louvain, Peeters, 1998
25Du point de vue sociologique, Georg Simmel a montré que le secret était une composante essentielle de l’ordre social ; il permettait un extraordinaire élargissement de la vie tout en reliant la partie invisible (l’être intime) avec la partie visible (l’être collectif) du monde17. À cela s’ajoute un ensemble de « secrets conventionnels », c’est-à-dire de secrets régulés par des normes, qui maintiennent du jeu dans les relations sociales. Du point de vue ésotérique, le secret comporte une dimension plus profonde, insondable et inexprimable, qui se loge au cœur de l’être et qui renvoie à sa relation avec le « tout Autre ». Ainsi, tous les discours ésotériques tournent-ils autour de cette dimension avec la volonté de s’en approcher, par vagues successives, et d’en effleurer le sens dernier. Le chercheur Wouter J. Hanegraaff insiste sur ce processus gradué de connaissances qui doit libérer l’être de son secret ou, plus exactement, libérer le secret dans l’être18. D’où la dialectique éso/exotérique qui situe le secret sur une ligne de partage, entre le manifeste et le caché, caractérisant la relation que l’homme entretient avec la divinité (présence/absence). Le souci de soi, en lien avec le corps et la nature, ne peut se comprendre qu’à partir de ce motif central qui en informe le contenu, aussi divers soit-il.
- 19 Bruno Etienne, « Confréries, ordres religieux, sectes, sociétés secrètes, ou le religieux et le po (...)
262/ La seconde figure est celle de l’initiation, comprise comme le principal mode d’accès au secret ésotérique. En partant de son expérience maçonnique, Bruno Etienne parle du « mystère intérieur central » comme d’un « archétype expérimental » (Jung) inscrit dans les profondeurs de la conscience19. Il serait donc possible d’approcher ce mystère au moyen de techniques, mises en ordre dans un procès initiatique, qui provoquent une transformation de l’être.
- 20 Voir R. Guénon, Aperçus sur l’initiation, Paris, Éditions Traditionnelles, 1946 ; Initiation et ré (...)
- 21 D. Hervieu-Léger, La religion pour mémoire, Paris, Cerf, 1993, p. 218.
27À la suite d’Arnold Van Gennep, l’anthropologue Victor Turner a montré que l’initiation marquait le passage de l’enfance à la vie adulte dans les sociétés traditionnelles selon un rituel en trois actes : séparation, transition, incorporation. L’ésotériste français, René Guénon, en a proposé une lecture moderne en détachant l’initiation d’une forme de socialité communautaire pour la réancrer dans le contexte du monde moderne20. Ainsi, l’accent est davantage mis sur la dimension subjective d’une expérience de nature spirituelle, toujours selon une procédure en trois actes (qualification, transmission, actualisation), qui se déroule en règle générale au sein de « fraternités électives »21 (Weber). Ce motif initiatique, s’il fait l’objet de modélisations très différentes en fonction des courants ésotériques pris en compte, n’en reste pas moins central dans son objectif affiché : la métamorphose du soi.
283/ La troisième figure joue également un rôle moteur dans l’articulation des schèmes puisqu’elle en constitue la structure première, autrement dit le schéma grammatical : il s’agit du symbole. En effet, le langage symbolique se distingue de l’activité analytique (raison) comme de l’activité croyante (foi) pour s’appuyer sur la dimension intuitive et synthétique de la connaissance.
- 22 R. Alleau, La science des symboles, Paris, Payot et rivages, 1996 [1976], p. 60.
29Sa compréhension reste cependant équivoque. Pour les uns, le langage symbolique se rattache à la sémiologie et ne fait que traduire, par un jeu complexe de signes, la dimension socioculturelle d’un groupe humain. Pour les autres, il prend sa source au cœur même des traditions religieuses et rejaillit, à travers les commémorations mythiques et rituelles, sur l’organisation sociale. La démarche de René Alleau, lui-même spécialiste d’ésotérisme, dépasse ces conceptions antagoniques pour prendre en compte le symbole dans sa nature essentielle comme dans son processus dynamique. Il rappelle que ce langage échappe aux logiques cognitives par son « orientation sacrale », sa relation au « tout Autre » tout en permettant de relier « l’anthropos et le cosmos par la puissance du logos qui n’est pas ici langage mais verbe et parole “ressuscitée”, “re-créée”, au-delà du sens culturel et social des “mots de la tribu” »22. Ainsi, la fonction symbolique donne accès à une « surréalité » dont l’esprit est le réceptacle et la raison l’interprète fragile et incertaine. Cette conception correspond tout à fait au mode de pensée ésotérique qui utilise le symbole comme une sorte de médium, entre l’homme et la divinité, particulièrement opérant dans les séquences initiatiques et suffisamment ambigu – nature réversible du symbole – pour approcher le secret.
30En définitive, les figurae permettent aux thêmata de s’agencer dans de multiples constructions intellectuelles qui vont participer à la densification de la culture ésotérique. Un troisième élément doit être pris en compte : les acteurs qui sont en charge de cultiver cet espace pour en faire un engagement concret et une forme de vie.
3. Les acteurs comme support de l’engagement ésotérique
- 23 Terme utilisé par Marc Augé pour traduire l’accélération de la modernité à partir de trois moments (...)
31Nous avons vu que la forme de pensée ésotérique s’inscrivait dans une histoire à contre-courant, une histoire volontiers souterraine, qui se transmettait dans des cercles confidentiels. On pouvait, dès lors, parler d’une contre-culture qui se forgeait dans les sous-sols d’une société occidentale dont la culture dominante s’articulait autour de la production et de la consommation. L’essor des valeurs postmatérialistes dans un monde qui devenait de plus en plus moderne (« surmodernité »23) a finalement libéré un espace dans lequel la culture ésotérique s’est engouffrée. Dans ce contexte, l’engagement ésotérique, s’il n’est pas nouveau, tend à s’élargir et à se fixer dans un paysage religieux contemporain en pleine mutation. En cela, il est à la fois l’indicateur d’une culture en train de se faire et le révélateur des religiosités multiples qui surgissent de la surmodernité. Il est possible de circonscrire cette forme d’engagement à partir de trois caractéristiques majeures.
321/ Un engagement fluide qui privilégie les réseaux au détriment des structures et qui se déploie dans un système « rhizomatique » (Deleuze) à dimension internationale. C’est le fonctionnement de nombreux groupes ésotériques (écoles de méditation, centres néo-bouddhiste, enseignements zen, etc.) qui forment des communautés virtuelles au gré des allers et venues des personnes connectées et qui organisent des manifestations ponctuelles pour regrouper les « disciples » – adeptes les plus avancés et/ou les plus motivés – autour de célébrations collectives et de pratiques communes.
- 24 La communalisation est l’activité sociale qui se fonde « sur le sentiment subjectif des participan (...)
332/ Un engagement affinitaire qui privilégie les « communalités » ouvertes aux communautés fermées24. Dans ce cadre, l’individu se méfie des grands idéaux comme des figures tutélaires de l’autorité pour mieux privilégier les liens affinitaires qui se développent au sein de groupes ouverts et qui se prolongent dans les réseaux virtuels. Notons que cet engagement souple n’interdit pas la constitution de « fraternités électives » dans lesquelles les liens, plus étroits, se fondent sur une histoire partagée (lignée croyante) et des valeurs multiséculaires (tradition).
- 25 Voir D. Shayegan, La lumière vient de l’Occident, Paris, Éditions de l’Aube, Coll. « Essai », 2005 (...)
343/ Un engagement pluriel qui multiplie les cercles d’appartenance en fonction des itinéraires personnels et des bricolages conceptuels. Daryush Shayegan a insisté sur ces phénomènes d’hybridation pour bien mettre en lumière la multiplicité des références, sans hiérarchie spécifique, dans la construction d’une « identité d’Arlequin »25. D’où la volonté de rejeter les affiliations religieuses au profit des constructions personnelles et la mise à distance des traditions constituées au profit des « esthétiques croyantes ».
35Au vu de ces caractéristiques, très rapidement esquissées, on devine que l’engagement ésotérique, pluriel et diffus, ne débouche pas sur une vision homogène du monde. Il n’en reste pas moins un vecteur de sens et une plate-forme de pratiques qui vont rejaillir dans l’espace social. D’où l’interrogation suivante : comment identifier puis évaluer les effets de la culture ésotérique dans l’espace public commun ?
Conclusion : une culture dissidente ?
36Selon Simmel, les nouvelles formes de croire rejaillissent dans les rapports sociaux et contribuent de façon plus ou moins explicite à faire évoluer les systèmes politiques. Il est cependant difficile de sonder cette réalité pour ce qui concerne une culture, tel que l’ésotérisme, dont les manifestations sont plurielles et parfois très éloignées les unes des autres. En tout état de cause, cette culture véhicule bien une forme de pensée et un style de vie qui se rattachent directement aux mutations contemporaines du religieux. C’est à travers ces deux notions que je voudrais explorer quelques pistes de recherche relatives à l’impact d’une culture minoritaire sur le monde social.
- 26 A. Giddens, « L’émergence de la politique de la vie », Écologie Politique 11-12 (hiver 1994), p. 1 (...)
- 27 Voir R. Liogier, Souci de soi, conscience du monde. Vers une religion globale ?, Paris, Armand Col (...)
37Anthony Giddens utilise la formulation « politique de la vie »26 pour évoquer les questions qui touchent aux valeurs fondamentales de l’être humain et aux rapports que celui-ci entretient avec la société. Selon cette définition, on peut dire que la culture ésotérique regroupe des individus qui se reconnaissent dans une manière de penser, de sentir et d’agir sans pour autant faire système et encore moins devenir idéologie. C’est pourquoi cette « politique » au sens large ne s’oppose pas à un type de société en particulier, mais fait prévaloir ses thématiques dans un espace public à petite échelle – ceux qui participent de cette culture. Il n’empêche que ces thématiques peuvent également s’inscrire dans des débats plus généraux et contribuer ainsi à diffuser une vision alternative du monde. Nous avons vu que la lecture ésotérique de la nature trouvait un écho grandissant dans une société traversée par la crise écologique, et pouvait même déboucher sur une « écologie spirituelle » portée par des personnalités reconnues dans l’espace public et souvent étrangères à la culture ésotérique (Jean-Marie Pelt, Pierre Rabhi, etc.). De la même façon, cette culture ne se fait pas hors-sol et s’inscrit naturellement dans des tendances plus lourdes comme l’essor des valeurs post-matérialistes, la pluralité des formes d’appartenance et les nouvelles modalités d’accès au religieux. À chaque fois, l’ésotérisme profite de ces évolutions pour jouer sa propre partition et se positionner dans l’espace des représentations sociales. Raphaël Liogier a par exemple mis en parallèle la quête de soi avec l’ouverture au Tout, le rapport intime avec les lointains infinis, l’enracinement local avec la conscience planétaire, pour annoncer la naissance d’une « religion individuo-globale »27 dont l’ésotérisme constitue, assurément, l’un des principaux canaux de diffusion.
- 28 Voir P. Sloterdijk, Tu dois changer ta vie, Paris, Libella/Maren Sell, 2011, chap. VI « Première e (...)
38Cette « politique de la vie » doit également être mise en correspondance avec une « politique de l’émancipation » qui peut se définir, toujours selon la perspective dessinée par Giddens, comme les transformations que l’on cherche à opérer sur soi-même. La question est de savoir comment ces transformations rejaillissent dans l’espace socio-politique. Trois niveaux méritent ici d’être pris en compte. En premier lieu, la plongée dans la culture ésotérique s’accompagne très souvent d’une mise à distance de la société, ne serait-ce que pour se défaire de certains conditionnements et prendre pied dans son espace intérieur. De façon imagée, Peter Sloterdijk évoque la nécessité de quitter le camp de base ordinaire, de faire sécession (un moment) avec le monde commun, pour apprendre à se gouverner soi-même28. En second lieu, l’inscription dans des engagements fluides et affinitaires n’interdit pas la constitution de modes de socialisation alternatifs, des « espace-enclaves » dit l’anthropologue James C. Scott, qui favorisent le regroupement entre soi. À cela s’ajoute la mise en place de dispositifs spécifiques, en particulier les techniques spirituelles, qui permettent de s’habituer à vivre « une autre vie dans cette vie ». En troisième lieu, le retour dans le monde se fait en règle générale sous le signe du témoignage avec la volonté de mettre en avant son nouveau statut existentiel. L’idée que « la transformation du monde passe par la transformation de soi » pourrait être la devise de tout engagement ésotérique. Elle consiste à contourner le lieu du politique, c’est-à-dire l’espace conflictuel des luttes partisanes, pour prendre appui sur un ressort plus élémentaire : sa propre existence, laquelle porte témoignage d’autres formes de vie possibles que celles encloses dans les structures du monde social.
39Pour conclure ce tour d’horizon, il convient d’insister sur la nature spécifique d’une culture en train de se faire qui réfute toute forme d’engagement politique et/ou religieux pour s’en tenir à une vision générale (et plurielle) du monde qui rejaillit dans autant de trajectoires personnelles. Sur ce point également, la culture ésotérique rejoint la culture commune dans sa défiance du pouvoir politique et son corollaire : la nécessité d’inventer de nouvelles formes de participation à la chose publique.
Notes
1 Voir A. Piette, La religion de près. L’activité religieuse en train de se faire, Paris, Métailié, coll. « Leçons de choses », 1999.
2 Voir. J.-P. Laurant, Le regard ésotérique, Paris, Bayard, 2001.
3 Depuis cette date, l’ouvrage a fait l’objet de rééditions constantes pour dépasser aujourd’hui les deux millions d’exemplaires vendus.
4 J. Bergier, L. Pauwels, Le matin des magiciens. Introduction au réalisme fantastique, Paris, Gallimard, 1960, p. 14.
5 Plusieurs chapitres sont consacrés aux « sociétés secrètes nazies », à la « vérité sur les extraterrestres », aux « momies tibétaines », aux « mystères de l’Atlantide », etc.
6 A. Faivre, L’ésotérisme, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 4e éd., 2007 [1992], p. 15-16. Précisons que l’auteur ajoute deux autres critères jugés plus secondaires : la pratique de la concordance et les modalités de la transmission. Ce modèle ne doit d’ailleurs pas être considéré comme une catégorisation stricte et définitive de la discipline, mais plutôt comme un cadre général d’analyse qu’il faut moduler en fonction des terrains d’études.
7 Voir A. Faivre, Accès de l’ésotérisme occidental, vol. 1 et 2, Paris, Gallimard, coll. » Bibliothèque des sciences humaines », 1996 (1re éd. du vol. 1 : 1986).
8 P.-A. Taguieff, La foire aux illuminés. Ésotérisme, théorie du complot, extrémisme, Paris, Mille et une nuits, 2005, p. 88. Ironique, Taguieff écrit : « Soyons clair : cet ésotérisme de bazar est aux traditions ésotériques ce que le carnaval de Nice est aux Mystères d’Eleusis » (ibid.).
9 E. A. Tiryakan, « Ésotérisme et exotérisme en sociologie (la sociologie à l’âge du Verseau) », Cahiers internationaux de sociologie 52 (19è année, janvier-juin 1972), p. 48.
10 Voir F. Champion, « Les sociologues de la postmodernité religieuse et la nébuleuse mystique ésotérique », Archives des sciences sociales des religions 67/1 (1989), p. 155-169.
11 Nom de la célèbre collection créée en 1946 par l’orientaliste Jean Herbert chez Albin Michel. Destinée à présenter les grands textes de la sagesse hindoue, la collection s’ouvre progressivement à toutes les voies spirituelles (soufisme, cabale, bouddhisme zen, etc.) et rencontre un succès croissant. Elle se décline désormais en série de poche et embrasse une conception de plus en plus large de la sagesse : promotion du dialogue interreligieux, mise en exergue d’écrivains et d’artistes en lien avec la question spirituelle, philosophie du bien-être, etc.
12 S. Moscovici, « The Conspiracy Mentality », in C. F. Graumann, S. Moscovici (éd.), Changing Conceptions of Conspiracy, New York-Berlin-Heidelberg, Springer Verlag, 1987, p. 151-169.
13 Ch. Taylor, L’âge séculier, tr. P. Savidan, Paris, Seuil, coll. « Les livres du nouveau monde », 2011 [2007], p. 15.
14 D. Bisson, « Ésotérisme, nature et spiritualité. Variations autour de la notion d’“écologie spirituelle” », in L. Bertina, R. Carnac, A. Fauches, M. Gervais (dir.), Nature et religions, Paris, CNRS Éditions, 2013, p. 170.
15 J-M. Pelt, « Pour une méta-écologie » dans E. Drewermann (éd.), Écologie et spiritualité, Paris, Albin Michel, coll. « Espaces libres », 2006, p. 11.
16 Voir Y. Constantinides, Le nouveau culte du corps. Dans les pas de Nietzsche, Paris, François Bourin éditeur, coll. « Actualité de la philosophie », 2013.
17 Voir G. Simmel, Secret et sociétés secrètes, Paris, Circé, coll. « Poches », 2009.
18 Voir Wouter J. Hanegraaff, Western Esotericism and the Science of Religion, Louvain, Peeters, 1998.
19 Bruno Etienne, « Confréries, ordres religieux, sectes, sociétés secrètes, ou le religieux et le politique de substitution » dans F. Fregosi (dir.), Bruno Etienne, le fait religieux comme fait politique, La Tour d’Aigues, Éditions de l’Aube, coll. « Monde en cours », 2009, p. 267.
20 Voir R. Guénon, Aperçus sur l’initiation, Paris, Éditions Traditionnelles, 1946 ; Initiation et réalisation spirituelle, Paris, Éditions Traditionnelles, 1952.
21 D. Hervieu-Léger, La religion pour mémoire, Paris, Cerf, 1993, p. 218.
22 R. Alleau, La science des symboles, Paris, Payot et rivages, 1996 [1976], p. 60.
23 Terme utilisé par Marc Augé pour traduire l’accélération de la modernité à partir de trois moments « excessifs » : un excès de temps (surabondance des événements et accélération de l’histoire), un excès d’espace (multiplication des flux et effacement des frontières), excès d’individu (subjectivisation des expériences et fin des grands récits). Voir M. Augé, Non-lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Le Seuil, Coll. « La librairie du XXe siècle », 1992.
24 La communalisation est l’activité sociale qui se fonde « sur le sentiment subjectif des participants d’appartenir à une même communauté » (in M. Weber, Economie et Société. Les catégories de la sociologie, Paris, Plon, Coll. « Pocket », 1991, p. 75).
25 Voir D. Shayegan, La lumière vient de l’Occident, Paris, Éditions de l’Aube, Coll. « Essai », 2005, p. 71.
26 A. Giddens, « L’émergence de la politique de la vie », Écologie Politique 11-12 (hiver 1994), p. 137-158.
27 Voir R. Liogier, Souci de soi, conscience du monde. Vers une religion globale ?, Paris, Armand Colin, 2012.
28 Voir P. Sloterdijk, Tu dois changer ta vie, Paris, Libella/Maren Sell, 2011, chap. VI « Première excentricité ».
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Référence électronique
David Bisson, « L’ésotérisme. Thèmes, motifs et acteurs d’une culture en train de se faire », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [En ligne], 15 | 2016, mis en ligne le 15 février 2016, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cerri/1513 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cerri.1513
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