Conversions religieuses et mutations sociales en Égypte, enjeux et perspectives
Résumé
Ces dernières années, en Égypte, des affaires spectaculaires de conversions ont saturé l’espace médiatique, dans le contexte de heurts confessionnels récurrents. À divers égards, le début des années 2000 marque un tournant important dans le jeu communautaire égyptien, aboutissant à fragiliser les fidélités primaires. Ainsi, des activistes coptes commencent à investir la scène militante, à distance du clergé. Par ailleurs, le surgissement de tensions confessionnelles reflète paradoxalement une porosité croissante des frontières communautaires. Ainsi, le phénomène conversionnel en Égypte donne à voir des mutations sociodémographiques majeures et illustre l’émergence de nouvelles sociabilités. Dans un contexte conflictuel, la question des conversions interroge l’état de la législation égyptienne en matière de droit personnel et de liberté d’expression, un enjeu fondamental de la transition politique en cours en Égypte. Cet article examine les modalités de développement des conversions religieuses en Égypte et les enjeux qu’elles revêtent. L’auteure se base sur des données théoriques et empiriques collectées lors d’une thèse consacrée aux conversions évangéliques et à l’évolution des relations islamo-chrétiennes au Moyen-Orient.
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Mots-clés :
chrétiens d’orient, conversions, droit personnel, Égypte, islam, liberté de religion, monde arabe, prosélytisme, protestants évangéliques, révolutions arabesPlan
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- 1 Nous entendons par « réislamisation » la visibilité croissante de l’islam, devenu un élément centr (...)
1Depuis la « révolution » de 2011, l’Égypte est secouée de crises politiques ponctuées de heurts interconfessionnels provoqués, bien souvent, par des affaires retentissantes de conversions portées sur la scène publique. Pour saisir la signification et les soubassements sociologiques de tels évènements, il convient de les replacer dans leur histoire longue. Au cours du XXe siècle, la réislamisation et le repli concomitant des coptes ont conduit à une forte polarisation du jeu communautaire dans le pays1. Dans un contexte politique fort troublé, la religion a bien souvent fait l’objet de récupération politique. Cet article met en évidence les enjeux et défis des conversions religieuses en Égypte. Nous nous basons pour ce faire de données recueillies lors d’un terrain de thèse effectué entre 2009 et 2012 dans le pays. Après un retour sur l’histoire récente des chrétiens d’Égypte pour éclairer le temps présent, nous nous intéressons au cas de Mohamed Hégazi, premier musulman égyptien à avoir réclamé le changement officiel de son inscription religieuse sur son état civil. À maints égards, le début des années 2000 marque un tournant important dans le jeu communautaire égyptien, contribuant à relativiser les fidélités primaires. En premier lieu, l’activisme militant porté par des coptes met en lumière une défiance grandissante d’un grand nombre d’entre eux vis-à-vis de leur clergé. En second lieu, le surgissement de tensions confessionnelles témoigne paradoxalement d’une multiplication des relations interreligieuses. Enfin, la thématique des conversions en Égypte donne à voir des mutations sociales de grande ampleur qui témoignent de changements profonds dans la société, permettant l’émergence de nouvelles sociabilités.
1. Tensions communautaires et conversions en Égypte
2En Égypte, des affaires de conversion sont au cœur des tensions qui, parfois, dégénèrent en affrontement ouvert entre chrétiens et musulmans. Considérés dans l’histoire longue de l’Égypte, ces évènements sont relativement récents et les relations entre chrétiens et musulmans ont été, sur le temps long, marquées beaucoup plus par le bon voisinage. Il convient de revenir sur l’histoire récente du pays afin de saisir les enjeux d’un tel phénomène dans l’Égypte contemporaine. Ces scandales entourant des affaires de conversions se produisent alors que la présence même des chrétiens au Moyen-Orient suscite des interrogations inquiètes.
a. Les relations complexes entre chrétiens et musulmans en Égypte
- 2 Voir par exemple J.-P. Valognes, Vie et mort des chrétiens d'Orient : Des origines à nos jours, Fa (...)
- 3 http://pewforum.org/uploadedFiles/Topics/Religious_Affiliation/Christian/Christianity-fullreport-w (...)
3Le thème du reflux des chrétiens d’Orient connaît aujourd’hui un succès particulier. Des spécialistes annoncent régulièrement la diminution dramatique voire la disparition imminente des chrétiens dans la région2. Quel crédit accorder à ces sombres pronostics ? En Égypte, le nombre de chrétiens semble incertain, oscillant entre 5 à 20 % selon les sources. Une telle indétermination est à elle seule révélatrice : elle informe sur le caractère éminemment stratégique du poids démographique des chrétiens qui détermine aux yeux de l'Église copte, en particulier, leurs positions au sein de la société égyptienne. Ainsi, les représentants ecclésiastiques tendent à surestimer l’importance numérique des chrétiens égyptiens. Une étude récente de Pew Research réalisée à partir des données du recensement de 2006 révèle que la population chrétienne approcherait les 6 %3.
4Or, les coptes représentaient 8 % environ des Égyptiens au XVIIIe siècle. Cette diminution est donc avérée mais moins massive qu’on le dit, et est à mettre en rapport avec le départ des chrétiens étrangers opéré au milieu du XXe siècle et à un moindre taux de fécondité des chrétiennes ainsi qu’à une plus forte émigration chrétienne.
5Les coptes orthodoxes représentent 95 % des chrétiens égyptiens, les autres appartiennent aux confessions catholique et protestante, qui sont le fruit des missions occidentales opérées à partir du XVIIIe siècle.
6Il n’existe pas de « communauté » copte unifiée mais une population particulièrement hétérogène : les coptes de Moyenne et Haute Égypte sont des ruraux, majoritairement analphabètes. Leur agir religieux donne à voir des dévotions populaires caractéristiques qui ont peu en commun avec la religiosité de leurs coreligionnaires évoluant en milieu urbain, plus éduqués, établis au Caire ou à Alexandrie (près des 40 % d’entre eux), et dont le mode d’organisation confessionnelle est beaucoup moins marqué par le repli identitaire.
- 4 P. Droz-Vincent, « Quel avenir pour les autoritarismes dans le monde arabe ? », Revue française de (...)
- 5 Dans le domaine musical par exemple, voir S. Gabry, « Processus et enjeux de la patrimonialisation (...)
- 6 D. El Khawaga, Le Renouveau copte : la communauté comme acteur politique, Paris, IEP, Thèse de doc (...)
7L’intégration des coptes dans la communauté nationale égyptienne a été facilitée par la fin du système de dhimmitude, accomplie progressivement à partir du milieu du XIXe siècle, avec les réformes de Mohammed (ou Mehemet) Ali, la fin de l’impôt de capitation ou jyzia (en 1855), puis leur intégration dans l’armée égyptienne, un an plus tard. La pleine égalité de tous les Égyptiens, indépendamment de leur confession, est affirmée par le khédive Tawfiq, inscrite dans la loi en 1913 puis confirmée par la constitution en 1922. Enfin, le ralliement des coptes à la cause indépendantiste et aux grandes batailles nationalistes dans le cours du siècle (guerres israélo-arabes, nationalisation du Canal de Suez) témoigne de leur pleine insertion dans la société égyptienne. Longtemps impliqués au sein du parti Wafd, les chrétiens aiment à rappeler qu’ils ont œuvré aux côtés des musulmans pour l’indépendance égyptienne4. Les coptes ont ainsi refusé de céder aux sirènes séparatistes des autorités impériales britanniques et des missionnaires chrétiens. Parallèlement, est né un mouvement de renouveau copte de grande ampleur, qui s’est concrétisé par la fondation d’un réseau d’institutions éducatives et culturelles destinées à faire pièce aux missions catholiques et protestantes. L’emprunt de méthodes de prédication et d’organisation caractéristiques du protestantisme est l’un des traits les plus remarquables de ce renouveau. L’un des moments essentiels de cette réforme a consisté en la fondation par le prêtre copte Habib Girgis des Écoles du Dimanche, en 1918. Un réseau d’écoles à destination des coptes visait en outre à supplanter l’œuvre éducative des missions étrangères. Le pape Cyrille vi (1959-1971) a donné son plein essor à ce mouvement et ses efforts ont été poursuivis par son successeur au patriarcat, Chenouda III. Outre le développement d’écoles coptes, il s’est agi également de promouvoir une culture et une tradition singulières pour édifier une conscience identitaire spécifiquement copte5. Dina El Khawaga évoque une « re-ghettoïsation » opérée par les clercs de l’Église à partir des années 1950, faisant de l'Église l’intermédiaire obligé entre coptes et autorités égyptiennes6. On remarque ainsi que le mouvement particulariste copte, souvent décrit comme s’étant développé en réaction à la réislamisation des années 1970 voire à l’islamisme, est bien antérieur. Il semble toutefois que l’essor de l’islamisation ait encouragé son évolution sur le mode du repliement identitaire.
8Au long de ce XXe siècle si mouvementé, les relations entre chrétiens et musulmans n’ont pas toujours été idylliques mais elles ont été marquées beaucoup plus par la coexistence pacifique que par la rupture et le conflit. Comment expliquer alors que durant la dernière décennie leurs relations aient pu autant se tendre ? Il convient de revenir tout d’abord sur les évènements spectaculaires que l’on qualifie de « révolution » qui ont totalement modifié la scène politique égyptienne et bousculé un peu plus son paysage religieux.
b. La révolution, les chrétiens et les islamistes
- 7 L. Guirguis, (dir.) Conversions religieuses et mutations politiques en Égypte, éd. Non Lieu, 2008.
9Un mouvement insurrectionnel d’à peine plus de deux semaines a abouti, le 11 février 2011, à la chute du raïs égyptien, au pouvoir depuis près de trois décennies. Les élections présidentielles de 2012 ont porté au pouvoir Mohamed Morsi, premier président égyptien démocratiquement élu. Mais après une présidence fort contestée, Morsi a été victime d’un coup d’État militaire, un an plus tard, en juillet 2013. Aujourd’hui, l’Égypte connaît une des phases les plus critiques de son histoire. Bien que la révolution ait donné lieu à des moments forts de fraternisation entre chrétiens et musulmans, des affrontements les ont de nouveau opposés depuis. Les cas de conversions, comme ceux de Wafaa Constantin et Camélia Chehata, épouses de prêtres apparemment converties à l’islam et recluses dans des couvents, sont au cœur de ces incidents7.
- 8 Parmi les affrontements les plus graves de ces dernières années, il faut citer ceux d’El-Kosheh en (...)
10De tels évènements prennent place dans un contexte troublé où les salafistes ont pris une importance grandissante dans la conquête morale des esprits, contribuant à répandre une conception littéraliste et rigoriste de l’islam. Si la majorité d’entre eux répugnent à recourir à la violence, c’est bien souvent de leurs rangs qu’ont émergé des individus qui, au prétexte de libérer les converties, ont attaqué des églises8. Du côté chrétien, des prêtres coptes ne brillent guère par leur esprit de concorde et recourent parfois à de violentes provocations, ce qui en dit long sur la force de ce sectarisme confessionnel.
11Disparu en mars 2012, Chenouda III, patriarche des coptes d’Égypte depuis 1971, a accru son contrôle sur sa communauté en contrepartie d'une attitude conciliante avec les autorités politiques. Le pape a ainsi obtenu de durcir les conditions du divorce entre coptes, ce qui expliquerait les conversions de femmes de prêtres qui ne voient que cette solution pour divorcer. En représailles, le patriarche pouvait faire pression sur elles, officiellement pour s’assurer que leur choix n’était pas contraint. Le cantonnement de ces femmes serait considéré par les autorités coptes comme une mesure de protection contre leur gré.
12Dans un contexte aussi conflictuel, la question des conversions au christianisme interroge naturellement l’état du droit égyptien, lequel s’avère, en l’espèce, de compréhension malaisée autant qu’incomplet.
2. Les conversions au regard du droit
13En 2007, un Égyptien anciennement musulman provoquait un précédent en réclamant auprès de la Cour administrative que la mention de sa religion soit modifiée sur ses papiers d’identité. Ce cas est spectaculaire et a saturé l’espace médiatique. Il permet surtout de mettre en lumière les enjeux sociaux majeurs que revêt ce débat. À partir de cet exemple, nous analysons les modalités du phénomène des conversions en Égypte et leurs ressorts sociojuridiques.
a. Le cas Hégazi
14Affirmant qu'il avait embrassé le christianisme neuf ans plus tôt, Mohamed Hégazi, âgé de 30 ans et marié à une femme musulmane elle-même convertie, réclamait ainsi la reconnaissance légale de sa conversion, afin que ses deux enfants disposent de documents chrétiens officiels. L’affaire a été fortement médiatisée lorsque des soutiens et critiques de Hégazi se sont affrontés par tribunes interposées. En janvier 2008, le tribunal administratif du Caire a rejeté sa requête en arguant notamment d’un trouble à l’ordre public. Bien qu'il n'y ait pas d'interdiction légale relative à la conversion en Égypte, les convertis au christianisme sont ainsi confrontés à l’absence d’encadrement légal de ces conversions. En effet, si la loi exige qu’un « organisme compétent » valide en premier lieu les conversions à l’islam, Al-Azhar en l’espèce, nulle structure équivalente n’existe pour les musulmans désireux de devenir chrétiens. La Cour suprême administrative a cependant statué en 12 février 2010 en faveur de personnes converties à l’islam et désireuses de revenir au christianisme en modifiant la mention de leurs cartes nationales d'identité.
- 9 A. Gomaa, On Faith, Washington Post-Newsweek, 21 Juillet 2010.
- 10 El Watan, « L’engagement de la mosquée d’Al Azhar contre le salafisme », 24 janvier 2008.
15Pour sa part, M. Hégazi affirme qu’il souhaite mobiliser les vues exprimées par le Grand Mufti, le cheikh Ali Gomaa lors d’un entretien que ce dernier a accordé au Washington Post. Le cheikh Gomaa est très apprécié des protestants égyptiens pour ses vues libérales. Hégazi affirme qu’il considère les opinions du Grand Mufti comme une fatwa (un décret religieux) sur le sujet de la conversion. Dans l'article en question, Gomaa affirme que « la question (de l’apostasie) est une question de conscience, cela se passe entre l'individu et Dieu. » et ne doit pas faire l’objet d’un traitement « terrestre ». Sur le forum en ligne intitulé » Sur la foi » diffusé conjointement par le Washington Post et Newsweek, qui a publié les vues de Gomaa sur l'islam et l'apostasie, le 21 juillet 2010, le mufti déclare que « la question essentielle qui nous intéresse est : une personne qui est musulmane peut-elle choisir une religion autre que l'islam ? La réponse est oui, elle le peut parce que le Coran dit : « À vous votre religion, et à moi la mienne » [Coran, 109 :6], « Quiconque le veut, qu'il croit, et quiconque ne le souhaite pas, laissez-le à ses croyances » [Coran, 18 :29] et « Il n'y a pas de contrainte en religion. La bonne direction est distincte de l'erreur » [Coran, 2 :256]. Gomaa ajoute : « Ces versets du Coran évoquent la liberté que Dieu accorde à tous les gens. Mais d'un point de vue religieux, l'acte d'abandonner sa religion est un péché punissable par Dieu au Jour du Jugement. Si le débat porte simplement sur le rejet par une personne de sa foi, il ne saurait exister de châtiment terrestre »9. De même, le cheikh Mohamed Sayed Tantaoui10, imam d'Al-Azhar depuis 1996, décédé en 2010, a jugé peu avant sa disparition qu'un musulman qui renonce à sa foi ne saurait être inquiété dès lors qu’il ne s’implique pas dans des campagnes pour combattre l'islam. En d’autres termes, pour Tantaoui, si les musulmans doivent prendre des mesures contre l'apostat, cela ne doit en aucun cas être justifié parce qu’il a renoncé à la foi, mais plutôt parce qu'il serait impliqué dans des activités concrètes pour nuire aux intérêts et à la paix de la communauté musulmane.
- 11 Innocence of Muslims, fréquemment traduit en français par L’Innocence des musulmans, est un film i (...)
- 12 Lors de notre entretien, Hégazi nous a affirmé avoir été torturé par les services de police lors d (...)
16Le cas Hégazi est exemplaire car il s’agit du premier Égyptien converti au christianisme à demander à l'État de modifier la mention de sa religion sur sa carte d'identité. Lorsque nous le rencontrons en février 2012, le converti nous annonce qu’il demeure en Égypte pour mener des affaires personnelles, en particulier judiciaires car son épouse et ses enfants ont trouvé refuge en Europe. Pour cela, Hégazi a bénéficié du soutien de l’organisation protestante évangélique Youth With A Mission (YWAM). Depuis, Hégazi est revenu en Égypte. Il s’est fait interpeller par la police durant l’hiver 2013 en compagnie d’un missionnaire américain. Hégazi a été employé par la chaine de télévision évangélique américaine El Tariq (La Voie) qui a été dirigée en Égypte par Joseph Nasrallah. Ce dernier est connu pour avoir collaboré au film très controversé l’Innocence des musulmans considéré comme islamophobe11. Cet exemple illustre le fait que certains individus contribuent aux tensions communautaires en faisant fond sur la polarisation entre chrétiens et musulmans. Pour autant, cela ne remet aucunement en question la sincérité du cheminement spirituel de Mohamed Hégazi qui a conduit à sa conversion. En recourant aux tribunaux et en faisant une telle publicité sur sa conversion, il a aussi mis en péril sa vie peut être et certainement, sa sécurité12.
b. Les religions minoritaires dans la législation égyptienne
17Le 16 octobre 2011, le pouvoir militaire intérimaire publiait un décret modifiant les dispositions du code pénal afin d'interdire expressément la discrimination religieuse. La discrimination était déjà interdite par la Constitution, mais le code pénal ne disposait pas d’articles contraignants et de peines adaptées.
- 13 Le Hatt-i-Humayun est l’un des décrets des Tanzimat, ces réformes de réorganisation du statut des (...)
18Les dispositions de l'article 11 sont inclues au deuxième chapitre du code pénal consacré aux « délits liés à la religion et à la lutte contre les discriminations » que l’article 161 définit comme « toute action ou absence d'action, qui conduit à une discrimination entre les personnes ou contre une secte en raison du sexe, de l'origine, la langue, la religion ou la croyance ». Il établit une amende de 30 000 livres égyptiennes (3800 euros) au minimum et de 50 000 livres égyptiennes (6300 euros) au maximum et/ou une peine d'emprisonnement pour les auteurs d'actes de discrimination. L'article ajoute des peines plus sévères pour les responsables gouvernementaux qui auraient commis de telles discriminations, avec une peine minimale d'emprisonnement de trois mois et/ou une amende minimale de 50 000 à 100 000 livres égyptiennes (6300 à 12 600 euros). Le droit de la famille, comprenant le mariage, le divorce, le versement d’une pension alimentaire, la garde d’un enfant, et l'inhumation, est fondé sur la religion d'un individu. Seuls l’islam sunnite, le christianisme et le judaïsme sont reconnus officiellement. En cas de conflit familial opposant une femme chrétienne et son mari musulman, les tribunaux appliquent le droit inféré à la loi islamique. Par ailleurs, l'interprétation contemporaine d’un décret ottoman de 1856, encore partiellement en vigueur, impose aux non-musulmans l’obtention d’un décret présidentiel pour construire de nouvelles églises et des synagogues13.
c. Les conversions et la difficile application du droit
- 14 Les convertis à l'islam ne rencontrent en général pas de difficulté pour obtenir une carte d'ident (...)
19Le gouvernement égyptien s’est-il jusqu’à présent opposé aux conversions de musulmans au christianisme ? Il semble en vérité que le pouvoir égyptien s’est moins opposé à la conversion comme changement de foi qu’à son potentiel d’agitation sociale. Plusieurs facteurs nous permettent d’établir ce constat. Ainsi, en constatant la tournure passionnelle prise par la thématique générale des conversions, le gouvernement égyptien a décidé en 2005 d’empêcher les conversions à l’islam. En effet, le régime égyptien a demandé à Al Azhar de ne plus honorer les demandes de conversion à l’islam, pour satisfaire les exigences de l’Église copte. C’est seulement après la révolution, le 22 mai 2011 que les « sessions d'orientation » destinées aux chrétiens souhaitant se convertir à l'islam ont été rétablies14. Par conséquent, ce n’est pas la conversion au christianisme en elle-même qui a posé problème aux autorités égyptiennes, mais les mobilisations sociales et politiques qu’elle peut provoquer, sources de danger pour un pouvoir autoritaire.
20En vérité, le converti au christianisme est confronté à un vide juridique. Au contraire, la conversion à l’islam est l’objet de réglementations du ministère de la Justice qui précisent que l’Autorité ministérielle notariale (Maslahat esh shahr el aqqari) est en charge de l’enregistrement et de la validation (tawthik) de ces conversions. Conformément à la loi 68 de 1947, les bureaux des notaires publics doivent valider tous les documents nécessaires pour les ressortissants égyptiens. La législation comporte un chapitre intitulé « Validation des Déclarations de (conversion à) l'islam » qui comprend des procédures détaillées à suivre pour officialiser la conversion d'un individu à l'islam. Mais rien de tel n’existe pour les musulmans souhaitant devenir chrétiens.
21Plus qu'un refus de la conversion au christianisme, le gouvernement égyptien a manifesté une volonté de contrôle social. En effet, même au sein de l’islam, la conversion est affaire de sécurité. Ainsi, les candidats âgés de plus de 16 ans doivent déposer une demande auprès des bureaux locaux de la Direction de la sécurité du ministère de l'Intérieur. La police, à son tour, met en place une rencontre entre le converti potentiel et un représentant religieux de sa religion d’origine (en général, un prêtre) qui peut ainsi « conseiller » au converti potentiel de demeurer dans sa foi actuelle. Le candidat à la conversion peut à ce stade retirer sa demande « s'il accepte l'avis de ses coreligionnaires ». Dans le cas contraire, il reçoit une autorisation pour valider sa conversion à l'islam au bureau du notaire local. De telles dispositions ont été prises par le gouvernement de Moubarak pour satisfaire une requête de feu le pape Chenouda qui tentait d’empêcher les conversions à l’islam.
22Dans le cas de convertis au christianisme, pour empêcher que le tribunal administratif n’autorise le changement d’affiliation, en vertu de la loi 143/1994 permettant à un individu de modifier ou de corriger les informations contenues sur ses documents d'identité, le gouvernement infère de l’absence de loi spécifique sur cette question et recourt à l'article 1 qui stipule que « dans les cas non régis par la législation et où il n'existe pas de pratique coutumière administrative, les juges doivent appliquer les principes de la sharia ».
23Il arrive que le gouvernement recoure à l'article 98 (f) du Code pénal pour criminaliser les entreprises prosélytiques ou autres expressions de vues peu orthodoxes au plan religieux, y compris la conversion de musulmans au christianisme. L'article prévoit, entre autres choses de sanctionner toute manifestation d’« injure et de dénigrement de toute religion révélée, ou portant atteinte à l'unité nationale et la convivence sociale ». Dès lors, les autorités peuvent empêcher le prosélytisme ou l’officialisation d’une conversion en arguant d’un trouble à l'ordre public.
- 15 F. Kaoues, Histoire du protestantisme au Moyen-Orient, du XIXe siècle à nos jours, PUR, à paraître (...)
24Ces conversions ne sont certes pas un phénomène massif en Egypte. Elles mobilisent cependant l’opinion publique et les médias et tranchent avec l’insuccès des entreprises conversionnelles passées15. Plusieurs évènements survenus au tournant du XXI siècle expliquent les changements à l’œuvre dans ce domaine.
3. Aux origines du phénomène conversionnel : un turning point au début des années 2000
25Pendant plus d’un siècle d’évangélisation, les missionnaires chrétiens ne sont guère parvenus à entraîner de mouvement massif de conversions, en particulier à destination de musulmans. La réislamisation, ajoutée au communautarisme copte ont abouti à rigidifier en effet les frontières communautaires, sur le mode du repli. Qu’est-ce qui peut justifier le récent phénomène, encore modeste certes, mais bien réel, de conversions ? Nous mobilisons trois facteurs pour expliquer cette évolution. En premier lieu, les heurts confessionnels signalent paradoxalement la porosité croissante des frontières communautaires. Par ailleurs, les mutations sociodémographiques à l’œuvre ces dernières années dans le pays ont modifié la nature des relations interreligieuses. Enfin, on peut mettre en évidence un desserrement progressif de l’emprise de l’Église sur ses ouailles, un phénomène mis en lumière par l’essor de nouvelles formes de militances coptes qui se déploient à distance des clercs.
a. Heurts confessionnels et conversions : le cas Shehata
26Souvent déclenchés pour un motif bénin, les heurts confessionnels dégénèrent parfois en affrontements sanglants. Nombre de ces conflits ont pour origine des affaires réelles ou supposées de conversions religieuses.
- 16 CBN News, Interview de Zacharia Boutros par C. Mitchell, Coptic Priest Fearlessly Spreading Gods W (...)
- 17 El-Shuruq el-Jadid, 1er mai 2011, p. 3.
27Le 30 Avril 2011, le ministère public réclamait la libération de Camilia Shehata, l’épouse d'un prêtre d’el-Minya qui s’était convertie à l'islam et était recluse dans la Cathédrale copte orthodoxe de Saint-Marc. Cependant, l'Église refusa de recevoir l'assignation en arguant qu’il s’agissait d’une ingérence dans ses affaires intérieures. En réaction, un salafiste, le cheikh Abou Yahya menaça d'empêcher les coptes de célébrer Pâques jusqu’à la libération de la femme. Il stigmatisait « l’arrogance » des chrétiens qui, depuis les croisades auraient pris le parti des ennemis de l’islam et de l’Égypte, ce qui, on l’a vu, dénote une interprétation pour le moins hâtive de l’histoire du pays. Ces propos font écho, en miroir inversé, à ceux tenus par le polémiste Zacharia Boutros. Ce dernier, un prédicateur born again établi aux États-Unis, affirme en effet régulièrement sur les chaînes satellitaires évangéliques telles que CBN que les musulmans d’Europe ont pour intention cachée de dominer l’Europe16. Au nombre des provocations, il faut en outre citer la déclaration du journal indépendant Sawt el-Oumma qui publia l’avis exprimé par un dirigeant salafiste d’Alexandrie, Yasser Burhami, lequel affirmait que les coptes devraient s’acquitter de l’impôt de capitation qui prévalait dans l’Empire ottoman, la jizya. Cette provocation était suivie de deux manifestations de salafistes et de coptes devant le siège du Ministère de la défense, les uns réclamant la libération des converties recluses dans les églises, les autres la réouverture d’églises fermées après des affrontements17.
28Dans un rapport sur la période 2008-2010, l'organisation de défense des droits de l'homme égyptienne EIPR (Egyptian Initiative for Personal Rights)18 décompte 53 faits de violence confessionnelle dans les 17 gouvernorats sur les 29 que comptent le pays, surtout en Moyenne et Haute-Égypte, dont la majorité ont pour victimes des chrétiens. Fragilisés par leur statut minoritaire, les chrétiens pâtissent des dysfonctionnements criants des institutions égyptiennes. Façonnée par une culture du « tout répressif », la police a tendance à réprimer sans faire de distinction entre victimes et agresseurs. Souvent, les femmes sont au cœur de ces rumeurs, chaque groupe accusant l'autre d'avoir séquestré et converti une de « ses » femmes. Paradoxalement, ces affaires sont aussi le signe de la multiplication des contacts et des relations amoureuses entre personnes de confessions différentes. Elles témoignent enfin d’une véritable panique morale qui s’empare des fondamentalistes musulmans comme chrétiens face à la porosité des frontières communautaires.
b. Evolution sociodémographique, un facteur d’explication ?
- 19 É. Denis, op.cit.
29L’une des hypothèses explicatives que nous proposons concernant ces tensions sur fond de rumeurs de conversions concerne l’évolution des migrations internes au pays qui affecte les équilibres communautaires. Alors que la distribution géographique des chrétiens en Égypte se caractérisait par une grande stabilité depuis le début du XXe siècle, les années 1990 ont commencé à marquer un changement inédit19.
- 20 Si le nombre de chrétiens dans la capitale demeure presque inchangé, É. Denis remarque que des loc (...)
- 21 Éric Denis utilise des données statistiques officielles égyptiennes faisant état de la distributio (...)
- 22 L’intolérance religieuse n’est pas un argument explicatif suffisant puisque les allégeances politi (...)
30L’étude réalisée par Éric Denis à la fin des années 1990 fournit des données utiles pour notre analyse. Ainsi, dans la région de Qena par exemple, les chrétiens représentent désormais 10 % de la population, trois fois plus qu’il y a 30 ans. Ce mouvement migratoire interne qui s’est accéléré dans les années 1990 renforce donc considérablement la proportion de chrétiens en Moyenne-Égypte au détriment du Caire et du Delta. Cette tendance est d’autant plus marquée que la population musulmane de la région a fortement diminué ces dernières décennies. Ce renversement qui illustre des stratégies migratoires différenciées entre coptes et musulmans au plan inter-régional n’est pas sans conséquence sur le tissu économique et social dans la région. Ce qui nous intéresse ici est qu’une telle rupture recoupe également la carte des conflits confessionnels qui ne concerne que peu les larges communautés urbaines du Caire et d’Alexandrie20. Le basculement des équilibres inter-communautaires n’est sans doute pas étranger à la hausse des conflits confessionnels qui se produisent dans ces mêmes localités et villages. Si l’on se souvient que le système économique en zone rurale fait la part belle aux alliances claniques et familiales, de telles ruptures ne sont pas sans conséquences21. Éric Denis suggérait déjà, à la fin des années 1990 qu’« un sentiment d’envahissement et d’appropriation économique et politique de ces villes peut y être mobilisé par des extrémistes et y trouver une adhésion populaire plus aisément qu’ailleurs »22. Un exemple nous permet d’illustrer ce fait : lors d’un conflit qui a opposé deux familles chrétienne et musulmane dans le gouvernorat de Guizeh, en 2011, le motif de cette dispute fut la relation supposée d’une jeune fille musulmane et d’un jeune homme copte. Or, la jeune fille était promise en mariage à un cousin. Des rumeurs laissèrent entendre que cette jeune femme avait une liaison avec un chrétien et pouvait être convertie de force, ce qui eut pour conséquence d’opposer frontalement les acteurs en présence. Du mariage des deux jeunes gens auquel le père du futur marié tenait tant dépendait la distribution de parcelles de terres et l’organisation de l’économie familiale. Ici, l’intolérance religieuse se mêlait à des facteurs économiques, en lien avec la terre.
- 23 P. Fargues, « Violences et démographie en Égypte », dans Phénomène de la violence politique, persp (...)
- 24 Ibid.
- 25 N. Gole, La laïcité républicaine et l’islam public, Le Seuil 2005/4 - n° 115, p. 83.
31Le démographe Philippe Fargues démontre que la distribution géographique des faits de violence en Égypte n’est pas homogène ; elle se concentre dans quelques gouvernorats23. Fargues établit, dans son étude de l'économie de la violence en Égypte, que cette dernière surgit au croisement de dynamiques démographiques et d'une crise économique et sociale, sur fond de répression en hausse, et surtout, de la dissolution des équilibres régulateurs. Ainsi, observe-t-il « la violence politique est fortement associée à la mixité confessionnelle » mais bien davantage à l’évolution de cette mixité24. Cela confirmerait notre hypothèse sur le fait que la modification des équilibres socio-démographiques est un facteur très important expliquant ces heurts. Dans cette situation transitionnelle que connaissent les Égyptiens, il semble que la frustration sociale, politique et économique ne trouve pas d’exutoire. Lorsque les instances de contrôle et de compromis qui existent au sein d’une société pour juguler la violence s’effritent, la violence éclate. C’est cette dissolution des cadres normatifs et de contrôle, née de la perturbation des hiérarchies familiales et communautaires, qui constitue certainement l’un des facteurs explicatifs du surgissement de ces violences interreligieuses, sur fond de conversions. Dans le cas européen, la sociologie Nilüfer Göle a mis en évidence le fait que l’islam fait débat en Europe lorsque les individus (musulmans et non musulmans) se disputent les mêmes espaces d’influence normative et culturelle25.
32Dans le cas égyptien, c’est aussi d’une trop grande proximité que naît le malaise et non pas comme on le pense souvent du fait de différences irréductibles. De tels rapprochements facilitent naturellement la possibilité de se convertir à la foi de l’autre.
c) Activisme copte et autonomisation relative
33Au début des années 2000, un mouvement égyptien, Kifayah, prenait de plus en plus d’importance. C’est en son sein que de nombreux activistes coptes se sont essayés à la militance, comme Hani Jaziri qui a fondé, en 2006, une première organisation non gouvernementale puis en 2009, le mouvement Coptes d' Égypte. Dès 2010, Jaziri est au nombre de ces militants coptes qui, pour la première fois, s’inscrivent réellement en rupture avec l’Église et organisent des manifestations qui les conduisent jusque sur la place Tahrir pour protester contre des crimes commis contre les coptes. Ces mobilisations qui ont investi les rues du Caire avant la révolution de janvier 2011 ont sans nul doute été décisives dans la survenue de ces évènements.
- 26 À Maspero, face à la télévision d’Etat, une manifestation conduite en octobre 2011 a été violemmen (...)
34Face au foisonnement d’organisations coptes qui ont vu le jour depuis lors, Hani Jaziri, accompagné d’un autre militant, Jamil Ubayd, ont fondé une entité appelée le Conseil de la communauté copte en 2012, pour composer un front uni face à l'État et l'Église. Ce Conseil regroupe des organisations comme l’Union des jeunes de Maspero, la Coalition des Coptes d’Égypte, ou les Coptes sans discriminations. Une autre organisation au nom évocateur s’est associée à ce mouvement, les Frères chrétiens. Comme leur nom l’indique, les responsables de ce mouvement entendent répondre en miroir inversé à l’essor des Frères musulmans26. Ces militants rejettent catégoriquement toute référence à l'article 2 de la Constitution qu’ils tiennent pour une institutionnalisation de la discrimination envers les non-musulmans. Si une partie non négligeable de ces organisations chrétiennes, notamment l’Union de Maspéro attirent des individus à l’engagement « laïc », à tout le moins non religieux, d’autres s’expriment explicitement en tant que chrétiens. Quoi qu’il en soit, l’ensemble de ces acteurs refusent la mainmise des clercs sur leurs affaires et s’organisent résolument à distance de la hiérarchie cléricale copte. Cette moindre emprise de l’Église sur ses ouailles facilite ainsi la pénétration du discours évangélique et favorise plus généralement la relativisation des appartenances primaires, à commencer par les affinités religieuses, préalable à certaines conversions.
Conclusion : Les enjeux sociaux des conversions
35Le phénomène conversionnel et les heurts qu’il provoque révèlent les mutations sociales profondes que connaît l’Égypte.
36Si la législation égyptienne n’interdit nullement le prosélytisme, les personnes qui se livrent à cet exercice sont arrêtées par la police au motif d’injures à l’une des trois « religions célestes »- l’islam, le christianisme ou le judaïsme - ou d’incitation aux conflits communautaires.
37Pour des musulmans égyptiens convertis au christianisme, l’impossibilité d’enregistrer officiellement leur nouvelle foi pose le problème essentiel de la transmission de leur culture chrétienne à leurs enfants. En effet, le droit de la famille incluant des institutions aussi essentielles que le mariage, le divorce et l'héritage est régi par la religion. Certains convertis se sont résolus à obtenir de faux documents reconnaissant leur nouvelle foi, mais cela les expose à des risques de poursuites pénales et à des peines de prison s’il est reconnu qu’ils ont falsifié des documents d’état civil. Ainsi, les Égyptiens qui sont nés musulmans et souhaitent se convertir au christianisme (ou) à toute autre religion sont confrontés au risque de discrimination sociale, y compris l'annulation automatique du mariage entre le converti et son épouse musulmane. En plus de ces lois et politiques restrictives, les attitudes de la société envers la conversion religieuse, qu’il s’agisse des communautés musulmanes ou chrétiennes, demeurent très négatives et hostiles. Pour ces raisons, peu de convertis d’origine musulmane ont initié les démarches officielles pour modifier la mention de leur religion sur leurs papiers d’identité. En théorie, la récente constitution de 2014 qui stipule, dans son article 6 qu'aucun Égyptien ne saurait être dépossédé de ses papiers d'identité devrait résoudre cette question. Mais il reste à savoir si cela sera effectivement respecté. À cet égard, le phénomène conversionnel et les problèmes légaux qu’il pose sont révélateurs des évolutions nécessaires en matière de droit personnel et de liberté d’expression, un enjeu fondamental de la transition politique en cours en Égypte.
Notes
1 Nous entendons par « réislamisation » la visibilité croissante de l’islam, devenu un élément central de l’égyptianité.
2 Voir par exemple J.-P. Valognes, Vie et mort des chrétiens d'Orient : Des origines à nos jours, Fayard, 1994 ; ou A. Sfeir, Chrétiens d'Orient : Et s'ils disparaissaient ?, Bayard Jeunesse, 2009.
3 http://pewforum.org/uploadedFiles/Topics/Religious_Affiliation/Christian/Christianity-fullreport-web.pdf. Luis Lugo, directeur de Pew Center remarque ainsi qu' « en Égypte, la population chrétienne est deux fois moins nombreuse que ce que les médias affirment généralement ».
4 P. Droz-Vincent, « Quel avenir pour les autoritarismes dans le monde arabe ? », Revue française de science politique, vol. 24, 2004, N° 6, pp. 945-979.
5 Dans le domaine musical par exemple, voir S. Gabry, « Processus et enjeux de la patrimonialisation de la musique copte », Égypte/Monde arabe, N° 5-6, 2009, pp. 133-158.
6 D. El Khawaga, Le Renouveau copte : la communauté comme acteur politique, Paris, IEP, Thèse de doctorat en sciences politiques, 1993.
7 L. Guirguis, (dir.) Conversions religieuses et mutations politiques en Égypte, éd. Non Lieu, 2008.
8 Parmi les affrontements les plus graves de ces dernières années, il faut citer ceux d’El-Kosheh en janvier 2000, les émeutes d'Alexandrie en 2005, l’attaque d’une église copte dans le quartier cairote d’Imbaba le 7 mai 2011. Enfin, l’attentat perpétré contre l’Église des Saints (Al-Qiddissine) à Alexandrie dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 2011 a causé la mort de 22 personnes. Depuis, une rumeur, alimentée par les révélations de l’avocat copte Ramzi Mamdouh, soutient que l’attentat aurait été orchestré par les autorités afin de discréditer l’opposition islamiste. À l'heure actuelle, on ne connaît toujours pas l’identité des auteurs de cette attaque.
9 A. Gomaa, On Faith, Washington Post-Newsweek, 21 Juillet 2010.
10 El Watan, « L’engagement de la mosquée d’Al Azhar contre le salafisme », 24 janvier 2008.
11 Innocence of Muslims, fréquemment traduit en français par L’Innocence des musulmans, est un film islamophobe qui aurait été réalisé en 2012 par Nakoula Basseley Nakoula, un copte égyptien établi en Californie sous le pseudonyme de « Sam Bacile ». Ce film stigmatisant l’islam a suscité des manifestations hostiles jalonnées de violences dans de nombreux pays musulmans.
12 Lors de notre entretien, Hégazi nous a affirmé avoir été torturé par les services de police lors de ses premières interpellations.
13 Le Hatt-i-Humayun est l’un des décrets des Tanzimat, ces réformes de réorganisation du statut des communautés minoritaires, ou dhimmitude, dans l’Empire ottoman. Ce décret établi en 1856 fut décisif en tant qu’il reconnaissait les peuples constituant le monde musulman dans leur individualité citoyenne et qu’il éliminait le système des communautés, ou millets, dont les représentants servaient jusqu’alors d’intermédiaire entre les individus et les dirigeants ottomans. Mais les dispositions qui furent ajoutées en 1934 par les politiciens égyptiens l’ont en partie vidé de sa substance en ajoutant 10 conditions pour restreindre la construction et la réparation des églises en Égypte H. Sharkey, American Evangelicals in Egypt : Missionary Encounters in an Age of Empire, Princeton Press, 2008, p. 58.
14 Les convertis à l'islam ne rencontrent en général pas de difficulté pour obtenir une carte d'identité faisant mention de leur nouvelle religion. Toutefois, à la suite de vastes manifestations coptes en décembre 2004 protestant contre la conversion à l'islam qu'ils jugeaient « forcée » de l'épouse d'un prêtre copte, une section des mukhabarat (services de renseignement et de sécurité) en charge des affaires religieuses requérait auprès d’Al-Azhar, l'autorité religieuse en charge d’approuver initialement la conversion à l'islam, de faire obstacle aux conversions à l'islam afin d'éviter de nouveaux troubles communautaires. Le rapport conjoint de Human Rights Watch (HRW) et Egyptian Initiative for Personnal Rights (EIPR) cite des cas de chrétiens dont les demandes de conversion à l’islam ont été rejetées. Ces personnes ont fait appel des décisions à la Cour de justice administrative du Caire, et le tribunal a statué en leur faveur. Dans l'ensemble de ces décisions, le tribunal a estimé que restreindre le droit des plaignants à se convertir à l'islam violait la loi 143 de l'état civil de 1994 et l'article 46 de la Constitution qui garantissent la liberté de croyance. Le tribunal a également déclaré que les préoccupations de sécurité ne pouvaient justifier de priver certains citoyens de leurs droits. Prohibited Identities, Rapport conjoint HRW/EIPR, novembre 2007.
15 F. Kaoues, Histoire du protestantisme au Moyen-Orient, du XIXe siècle à nos jours, PUR, à paraître fin 2014.
16 CBN News, Interview de Zacharia Boutros par C. Mitchell, Coptic Priest Fearlessly Spreading Gods Word, Sept. 23, 2009.
17 El-Shuruq el-Jadid, 1er mai 2011, p. 3.
19 É. Denis, op.cit.
20 Si le nombre de chrétiens dans la capitale demeure presque inchangé, É. Denis remarque que des localités telles que Samalut, Maragha, Bani Mazar, et Mallawi ont vu le poids de leur population chrétienne augmenter très sensiblement ; en quelques années, les chrétiens de Mallawi sont passés de 19 % à 31 % de la population totale et Aba Qurqas est devenue la localité la plus peuplée de chrétiens en Égypte, à hauteur de 66 % de ses habitants.
21 Éric Denis utilise des données statistiques officielles égyptiennes faisant état de la distribution géographique des chrétiens, à partir du recensement de 1996. Nous n’avons pu actualiser ses résultats dans la mesure où les statistiques officielles du dernier recensement en 2006 ne font plus mention du critère communautaire dans la distribution géographique des Égyptiens, comme cela était le cas 10 ans plus tôt.
22 L’intolérance religieuse n’est pas un argument explicatif suffisant puisque les allégeances politiques ne recoupent pas toujours les appartenances communautaires. Par exemple, E. Denis cite le cas du district de Maragha où un député chrétien, grand propriétaire foncier, était réélu régulièrement depuis 20 ans par les administrés, chrétiens comme musulmans.
23 P. Fargues, « Violences et démographie en Égypte », dans Phénomène de la violence politique, perspectives comparatistes et paradigme égyptien, Les Dossiers du CEDEJ, Le Caire, 1994.
24 Ibid.
25 N. Gole, La laïcité républicaine et l’islam public, Le Seuil 2005/4 - n° 115, p. 83.
26 À Maspero, face à la télévision d’Etat, une manifestation conduite en octobre 2011 a été violemment réprimée par les militaires, provoquant la mort de 26 personnes, presque toutes coptes. L'Union des jeunes de Maspero s’est constituée à la suite de ces évènements tragiques.
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Référence électronique
Fatiha Kaoues, « Conversions religieuses et mutations sociales en Égypte, enjeux et perspectives », Cahiers d’études du religieux. Recherches interdisciplinaires [En ligne], Numéro spécial | 2014, mis en ligne le 18 novembre 2014, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cerri/1381 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cerri.1381
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