Topographie et structures de l’abbaye de Château-Chalon : xie-xviiie siècle
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Mots-clés :
abbaye, moniales bénédictines, chanoinesses, topographie monastique, architecture religieuse, archéologie du bâtiKeywords:
abbey, Benedictine nuns, Canonesses, monastic topography, religious architecture, building archeologyPlan
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Historique
Reçu : 8 janvier 2024 – Accepté : 26 février 2024
Texte intégral
1. Introduction
- 1 G. Moyse, « Les origines du monachisme dans le diocèse de Besançon (ve-xe siècles) », Bibliothèque (...)
- 2 Die Urkunden Lothars I. und Lothars II., éd. T. Schieffer, MGH, Diplomatum Karolinorum, III, Berlin (...)
- 3 J.-P. Jacob et Y. Jeannin, « Franche-Comté », Gallia, 44/2 (1986), p. 246‑259.
1L’abbaye Notre-Dame de Château-Chalon (Jura), située à 5 km au nord de l’abbaye de Baume-les-Messieurs, aurait été fondée, selon la tradition, par le patrice de Bourgogne Norbertus et sa femme Eusebia vers le troisième quart du viie siècle1. Toutefois, la première mention connue du monastère provient d’une charte de donation de Lothaire II à l’archevêque de Besançon en date de 8692. Le village actuel prend place en bordure de plateau, formant un éperon barré occupé au moins dès l’âge du fer3. La structuration précoce de ce bourg monastique est lisible au moins dès l’époque romane, avec une église paroissiale parallèle à l’abbatiale du monastère. Le site abbatial est situé au sud de l’éperon, à 440 m d’altitude ; il occupait une superficie d’environ 6 000 m2 (fig. 1).
2Au sud de la paroissiale médiévale, il ne subsiste aujourd’hui en élévation complète que la porterie, l’hôtellerie, le colombier, le noviciat et cinq maisons canoniales. À la Révolution, l’abbaye des chanoinesses est vendue au titre des biens nationaux. D’abord rachetée en sous-main par l’abbesse, celle-ci se résout à la vendre à plusieurs particuliers en 1805, ce qui conduit à la destruction de la majeure partie du site.
- 4 A. Guichard, « Essai historique sur l’ancienneté de l’abbaye de chanoines de Château-Chalon dans le (...)
- 5 I. Rosé, Odon de Cluny (vers 879-942). Itinéraire et ecclésiologie d’un abbé réformateur entre aris (...)
- 6 Bulle du Pape Luce III en date du 25 février 1182, dans B. de Vrégille, R. Locatelli et G. Moyse (é (...)
- 7 R. Locatelli, Sur les chemins de la perfection…, op. cit., p. 478.
3L’abbé Guichard a supposé en 1892, mais sans aucune preuve, que la règle adoptée à l’origine était celle de saint Colomban4. Nous savons, en effet, que les moniales suivaient la règle de saint Benoît au moins dès le xe siècle5. Au xiie siècle, les religieuses pouvaient élire librement leur abbesse et coopter des postulantes6. La sécularisation, précoce, débute à la fin du siècle suivant, à l’instar de l’abbaye de Baume-les-Dames7.
- 8 M. Marchandon de La Faye, L’abbaye de Château-Chalon : notice suivie de deux inventaires de 1742 à (...)
- 9 M.-J. Roulière-Lambert (dir.), Château-Chalon fameuse et puissante, Lons-le-Saunier, 2007.
- 10 C. Sapin et S. Bully, Monastères en Europe occidentale (ve-xe s.). Topographie et structures des pr (...)
- 11 B. Brasleret, Topographie et structures de l’abbaye de Château-Chalon : xie-xviiie siècles, master (...)
4La seule monographie sur Château-Chalon date de 18938. Il faut attendre les années 2000 pour voir les recherches redémarrer : d’abord en 20079, puis en 2012 grâce au projet collectif de recherche « Monastères en Europe occidentale (ve-xe siècle), topographie et structures des premiers établissements monastiques en Franche-Comté et en Bourgogne »10. Les prospections géophysiques réalisées pour ce PCR ont été réétudiées dans le cadre de notre master11. L’étude croisée des archives, des vestiges lapidaires et du bâti subsistant a permis de proposer une synthèse sur l’évolution topographique de cette abbaye, de la période romane à la Révolution.
2. L’abbaye moderne restituée
- 12 Archives départementales du Jura [désormais abrégé ADJ], 51 Fi 167, plan de l’abbaye de Château-Cha (...)
- 13 Archives départementales du Doubs [désormais abrégé ADD], 113 H 4, liasse – 5 cahiers papiers – inv (...)
5Un seul plan de l’abbaye nous est connu, celui dressé en 1792 lors de la mise en vente de l’abbaye (fig. 2)12. À l’origine il comportait une numérotation détaillant la fonction de chacune des pièces, mais la légende associée ne nous est pas parvenue. Toutefois, l’étude des six visites de l’abbaye de 1590 à 1786 a permis de reconstituer cette légende à 95 % (fig. 3)13.
Fig. 2 – Plan de l’abbaye de Château-Chalon, 1792 (Archives dép. du Jura, 51 Fi 167 ; cl. B. Brasleret).

6Ces visites donnaient également le cheminement de salle en salle emprunté par les membres du parlement de Franche-Comté, qu’il est possible de rapprocher du plan de 1792. La compréhension globale et inédite de la topographie abbatiale au xviiie siècle nous a amenés à conduire une étude rétrospective et chrono-topographique. On peut ainsi situer, entre autres, la salle d’assemblée ou salon abbatial, au sud du grand vestibule, le logis abbatial accolé à l’ouest, avec les cuisines et les caves au nord-ouest. Le noviciat se trouvait sans grande surprise à l’extrême est.
7Le plan est très détaillé, excepté au niveau de l’église monastique. Il a fallu combler ce manque grâce au cadastre de 1827 (fig. 4) et aux plans de 1838 (fig. 5).
Fig. 4 – Extrait du cadastre de 1827, avec superposition du plan schématique restituable de l’abbatiale tracé en noir (Archives dép. du Jura, 3PPLAN/1304 ; DAO B. Brasleret).

Fig. 5 – Restitution du chœur de l’église Notre-Dame (souligné en orange) sur le plan de 1838 de l’école des filles (Archives dép. du Jura, 5 E 228-82 ; DAO S. Bully et B. Brasleret).

8On note qu’en 1827, le bas-côté sud était encore en élévation et réutilisé comme habitation ou dépendance. Ce levé du début du xixe siècle complète le plan de 1792 en précisant l’emplacement des salles 36 et 37 (parcelle cadastrale 561) puis 38, 39 et 40 (parcelle cadastrale 576). Une partie du vestibule et de la maison d’Éternoz était encore visible, tout comme la sacristie (parcelle cadastrale 556). Cette dernière, qui n’apparaissait pas sur le plan de 1792, s’observe sur celui de 1838. Ses dimensions et son emplacement sont confirmés par l’étude des visites de l’abbaye. Le chœur occupait la croisée et les ailes d’un transept en légère saillie et se terminait à l’est par un chevet plat. Cette caractéristique est confirmée par le plan de 1838 dont une restitution par symétrie permet de reconstituer le chœur (cf. fig. 5).
9L’élément ultime qui est venu confirmer cette restitution du plan est le résultat des prospections géophysiques. L’étude de ces données éclaire l’emplacement de l’abbatiale, tout en révélant des structures antérieures au plan restitué (fig. 6).
10Au niveau de l’entrée de l’abbatiale, on observe un large mur de façade détecté entre 0,25 et 1,25 m de profondeur (Str. A). Plus intéressant encore, on note une zone de forte réflectivité de plan quadrangulaire (Str. B). Il s’agit vraisemblablement du vestige d’un porche d’entrée de forme quadrangulaire. Accolé juste à l’est, un mur (Str. C), de plus faible épaisseur, semble parallèle à la structure A. On peut l’interpréter comme un ancien mur de façade, implanté dans l’alignement exact du mur de la façade occidentale de la paroissiale romane. La structure D est perpendiculaire aux Str. A et C. C’est le mur du collatéral sud. Une structure (Str. E) parallèle à la structure D est difficile à interpréter, on pourrait y voir le vestige d’un gouttereau antérieur ou d’une tombe. Sont ensuite visibles des structures maçonnées (Str. F et G). L’emplacement de la structure F pourrait correspondre au mur d’échiffre de l’escalier, qui descendait dans la cave construite en 1838 sous le transept nord (cf. fig. 5). Quant à la structure G, elle peut être le vestige du mur sud de cette cave. Les structures H et I sont les murs du transept sud. Enfin la structure J est légèrement incurvée, la possibilité d’une abside n’est pas à exclure, même si elle est spéculative. La structure K est un vestige du mur sud du chevet. On peut interpréter la structure L comme la trace d’un remblaiement. La structure M fut réalisée au xixe siècle pour bloquer ce remblai, car au sud du chevet, le niveau de sol était environ 2 m en contrebas de celui de l’église. Enfin, on distingue peut-être un vestige du pilier d’angle nord-ouest du cloître (Str. N).
11Après avoir vérifié le plan de l’église, nous l’avons ajouté au plan d’ensemble de l’abbaye qui fut lui-même recalé sur le cadastre actuel (fig. 7). Ce travail a nécessité, dans le même temps, l’étude exhaustive des autres éléments de l’abbaye. Il fut nécessaire d’analyser avec soin chaque bâtiment, afin de tenter une datation grâce à une étude archivistique puis une étude du bâti.
3. Une église abbatiale romane
12Les différentes sources apportent quelques éléments caractéristiques indiquant une datation plausible de l’église. Elle comportait des piles octogonales et un voûtement antérieur à l’époque gothique si l’on en croit les descriptions par Vayssière des vestiges du collatéral nord :
- 14 L.-A. Vayssière, Obituaire abbatiae Castri-Caroli ou notice des abbesses religieuses et bienfaiteur (...)
Mais au lieu d’être décorés de pilastres, les piliers se présentaient avec leurs formes massives, et l’on s’était contenté d’en abattre les angles […]. Les voûtes, qui étaient les voûtes d’arêtes, venaient s’amortir d’une façon assez maladroite dans de gros pilastres en maçonnerie correspondant aux doubleaux14.
- 15 ADJ, 113 H 5, procès-verbal d’une visite après décès de l’abbesse en date du 6 avril 1660, fol. 36.
- 16 Cette crypte a été détruite vers 1725. F. I. Dunod de Charnage la décrit ainsi (Histoire des Séquan (...)
- 17 L. Delobette, « La diffusion du culte de saint Nicolas dans le diocèse de Besançon au Moyen Âge », (...)
13Ensuite, la mention d’un espace voûté sous l’église, au vocable de saint Nicolas, en 166015, permet de confirmer l’existence d’une crypte déjà connue par les écrits de Dunod de Charnage16. Ce vocable est très présent dans le canton de Poligny dès le début du xie siècle17, suggérant une datation probablement au moins romane. Enfin, la gravure du portail gothique, réalisé par Dunod de Charnage en 1735 (fig. 8), met en évidence une phase de construction à la période gothique, vers 1170-1180. On note que le tailloir du trumeau est un chapiteau roman remployé (cf. fig. 8), nous l’avons d’ailleurs retrouvé durant la rédaction de ce mémoire de recherche (fig. 9).
Fig. 8 – Portail de l’abbatiale. Estampe publiée par Dunod de Charnage, 1735 (en orange, le chapiteau de la fig. 9).

Fig. 9 – Chapiteau corinthisant provenant du trumeau du portail gothique (situé actuellement au pied du mur de soutènement ouest de l’abbaye), fin xie-début xiie siècle (cl. B. Brasleret).

14Cela indique une possible récupération du chapiteau dans une partie détruite lors des travaux d’agrandissement (?), attestant une phase de construction romane antérieure au portail gothique. La superposition de deux chapiteaux est sans comparaison dans l’histoire de l’architecture. Le remploi d’un chapiteau roman dans ce portail gothique, lui-même unique en son genre en Franche-Comté, reflète une volonté de conserver de manière ostentatoire un fragment du passé de l’abbaye.
15La visite de 1786 décrit le portail en ces termes :
L’église qu’ils ont d’abord reconnut être précédée d’un grand vestibule ouvert, voûté de trois bonnets avec embranchements, le tout d’un genre gothique, que dans ce vestibule se trouve l’ancienne porte de l’église où sont placées de droite et de gauche huit figures ou statue représentant les fondateurs.
16Cette description permet d’expliquer pourquoi nous observons deux accès sur le plan de 1792. Le second est d’ailleurs mentionné en 1786 : « refaire de quatre toises de crepissage à l’entrée de la seconde porte de l’église au-dessous du clocher. »
17La localisation du portail gothique n’implique donc pas que toute l’église lui est contemporaine. D’ailleurs, on a vu que les descriptions de Vayssière ne font pas pencher en faveur de cette hypothèse. L’étude des structures révélées par la géophysique nous amène à proposer non pas une reconstruction de toute l’église à l’époque gothique, mais plutôt un simple agrandissement de deux travées et d’un vestibule. Le chevet plat pourrait dater de cette même période, de même que la construction du transept. La forme courte de ce dernier s’explique probablement par la préexistence de la paroissiale au nord.
- 18 J. Bujard, « Un monastère du Haut Moyen Âge révélé par l’archéologie : Saint-Pierre de Vautravers »(...)
18Après interprétation des données de la prospection géophysique, on se rend compte que l’abbatiale possédait, à une certaine époque, quasiment les mêmes dimensions que la paroissiale. Leur façade occidentale est placée sur le même axe, mais la paroissiale – probablement contrainte par le chemin préexistant à l’est – est légèrement moins longue. Cet alignement des façades occidentales rappelle celui ayant eu lieu aux xie-xiie siècles, pour prendre un exemple proche, au prieuré Saint-Pierre de Vautravers à Môtiers (Suisse)18.
4. Un cloître roman
19Les hypothèses émises précédemment sont importantes pour le dispositif claustral. Les éléments que l’on pouvait interpréter comme étant les vestiges des galeries du cloître sur le plan de 1792 n’étaient en réalité qu’un porche et un passage modernes, tous deux voûtés. On sait par l’analyse des inventaires, que le cloître semble avoir disparu dans les années 1740. Quant à la citerne actuelle, elle était située dans le jardin du cloître, probablement au pied de la galerie ouest pour récupérer les eaux pluviales. Ainsi l’aile ouest restituée devait s’arrêter au niveau de la façade de l’église (fig. 10).
Fig. 10 – Plan de l’abbaye en 1792 avec ajout du cloître : superposition et ajustement du plan de 1792 sur le cadastre actuel (D. Vuillermoz, S. Bully et B. Brasleret, in Château-Chalon si bien perchée, Lons-le-Saunier, 2020).

20Le vestibule ouvrait aussi vers le sud, avant que cet accès ne soit condamné par la salle d’assemblée, qui a causé la création d’une seconde entrée, d’où l’appellation « ancienne porte de l’église » en 1786. Des sondages pourraient confirmer cette hypothèse.
21Concernant l’architecture du cloître, les archives sont muettes. Des fragments sculptés – une base de colonnes jumelles en calcaire (34 x 22 x 15 cm) datant de la fin du xie ou du début du xiie siècle (fig. 11) et un chapiteau à crochet en calcaire (30 x 22 x 20 cm) de la fin xiie-début xiiie siècle (fig. 12) – donneraient une idée de sa physionomie, s’ils proviennent bien de ce cloître.
22Ces deux pièces suggèrent un agrandissement du cloître, parallèlement à celui de l’église. On semble bien déceler des phases de construction successives durant ces périodes. À partir de là, beaucoup d’interprétations sont possibles.
23En sus de celui de l’abbatiale romane, on peut proposer un plan hypothétique restitué du cloître à la même période (fig. 13). La limite entre les ailes ouest et sud semble d’ailleurs s’être fossilisée jusqu’à aujourd’hui au niveau des maisons canoniales.
Fig. 13 – Plan hypothétique restitué du cloître, de l’abbatiale et du chevet de la paroissiale de Château-Chalon, à la fin du xie-début du xiie siècle (B. Brasleret).

24Quoi qu’il en soit, il n’était pas possible d’agrandir le cloître au sud à cause de la falaise. Il a pu, en revanche, connaître un agrandissement à l’ouest, à l’instar de l’abbatiale, ce qui expliquerait sa forme rectangulaire à l’époque moderne.
- 19 ADD, 113 H 5, procès-verbal d’une visite après décès de l’abbesse en date des 7 et 22 février 1645 (...)
25La vie communautaire ayant été abandonnée par les chanoinesses vers le début du xive siècle, le cloître a perdu de son utilité originelle. Les religieuses s’établirent dans les bâtiments claustraux préexistants et dans de nouvelles maisons au sud-ouest de la plateforme. Le manque de place a probablement justifié l’érection de la maison abbatiale dans la partie ouest du jardin du cloître à une date inconnue19 – peut-être aux environs des xiiie-xive siècles. Elle sera déplacée à l’ouest de la plateforme sous l’abbatiat de Françoise Élisabeth de Watteville (1742-1775), lors de la destruction du cloître, laissant place libre pour la construction d’une douzième maison canoniale, dite maison d’Éternoz. L’extension de la plateforme vers l’ouest a été privilégiée au moins depuis l’époque moderne, comme le montrent les murs de soutènements massifs, qui ont créé dans le même temps les caves (fig. 14).
5. Conclusion
26L’indigence des études préalablement consacrées à l’abbaye a nécessité une analyse globale des structures. Le recoupement de toutes les données – archivistiques, archéologiques, sources orales, etc. – a permis de redonner une certaine épaisseur à l’histoire architecturale de cette abbaye de moniales puis de chanoinesses. Améliorer la connaissance de la topographie du site au xviiie siècle, grâce à l’analyse des inventaires, a constitué une première étape indispensable. L’étude chrono-topographique a révélé un plan abbatial relativement figé, hérité de l’époque romane. L’église a, semble-t-il, été allongée vers l’ouest à l’époque gothique, une extension vers l’est étant impossible du fait du relief naturel de l’éperon barré. Ces contraintes topographiques se révèlent aussi déterminantes pour les ailes sud et est du cloître, dont l’emplacement a subsisté depuis l’époque romane. L’espace très restreint du site, combiné à l’abandon de la vie communautaire dès le xive siècle, a aussi participé à cette organisation hors du commun caractérisée par la douzaine de maisons canoniales implantées en bordure de la falaise et par la maison abbatiale placée dans le jardin du cloître.
- 20 J. Bujard, « Un monastère du Haut Moyen Âge… », op. cit.
- 21 S. Bully, « Archéologie des monastères du premier millénaire dans le Centre-Est de la France. Condi (...)
27L’église abbatiale romane reconstituée révèle des similitudes importantes avec la paroissiale. On serait presque tenté de parler de chantier de construction conjoint voire de peu successif. Nous insisterons sur l’intérêt de cet exemple d’église double (monastique/paroissiale) moins connu que dans d’autres lieux, désormais bien perceptible, et envisager même une origine préromane. Ce phénomène est bien attesté au Moyen Âge, notamment non loin de Château-Chalon dans le Jura suisse20 aussi bien qu’en Franche-Comté à Saint-Claude, Luxeuil ou Gigny21. Enfin, les découvertes des vestiges du chœur, du chapiteau roman du portail et d’autres éléments architecturaux apportent de nombreuses pistes de réflexion sur l’évolution architecturale ultérieure de l’abbatiale, transformations qui pourraient être confirmées par de futurs sondages archéologiques.
Notes
1 G. Moyse, « Les origines du monachisme dans le diocèse de Besançon (ve-xe siècles) », Bibliothèque de l’école des Chartes, 131/2 (1973), p. 103-106, 126 et 147-148.
2 Die Urkunden Lothars I. und Lothars II., éd. T. Schieffer, MGH, Diplomatum Karolinorum, III, Berlin, 1966, n° 33, p. 438-440.
3 J.-P. Jacob et Y. Jeannin, « Franche-Comté », Gallia, 44/2 (1986), p. 246‑259.
4 A. Guichard, « Essai historique sur l’ancienneté de l’abbaye de chanoines de Château-Chalon dans le comté de Bourgogne, ou sentiment sur la fondation de cette illustre abbaye », Mémoires de la Société d’émulation du Jura, 5/2 (1892), p. 269-271.
5 I. Rosé, Odon de Cluny (vers 879-942). Itinéraire et ecclésiologie d’un abbé réformateur entre aristocratie carolingienne et monde féodal, thèse de doctorat d’histoire médiévale, sous la dir. de M. Lauwers, université Nice Sophia-Antipolis, 2005, p. 836. D’après les Sancti Odonis abbatis collationum libri, éd. PL 133, 1853, col. 605, on peut supposer qu’il s’agissait bien des religieuses de Château-Chalon, voir R. Locatelli, Sur les chemins de la perfection. Moines et chanoines dans le diocèse de Besançon vers 1060-1120, Saint-Étienne, 1992, p. 478.
6 Bulle du Pape Luce III en date du 25 février 1182, dans B. de Vrégille, R. Locatelli et G. Moyse (éd.), Regesta pontificum Romanorum : Gallia pontificia. La papauté et les églises et monastères en France avant 1198, t. 1 (Diocèse de Besançon), Göttingen, 1998, p. 154-160.
7 R. Locatelli, Sur les chemins de la perfection…, op. cit., p. 478.
8 M. Marchandon de La Faye, L’abbaye de Château-Chalon : notice suivie de deux inventaires de 1742 à 1762, Paris, 1893.
9 M.-J. Roulière-Lambert (dir.), Château-Chalon fameuse et puissante, Lons-le-Saunier, 2007.
10 C. Sapin et S. Bully, Monastères en Europe occidentale (ve-xe s.). Topographie et structures des premiers établissements en Franche-Comté et Bourgogne. Troisième année du PCR, DRAC-SRA Bourgogne, Dijon, 2012.
11 B. Brasleret, Topographie et structures de l’abbaye de Château-Chalon : xie-xviiie siècles, master 2 recherche, université de Franche-Comté, Besançon, 2020.
12 Archives départementales du Jura [désormais abrégé ADJ], 51 Fi 167, plan de l’abbaye de Château-Chalon, 1792.
13 Archives départementales du Doubs [désormais abrégé ADD], 113 H 4, liasse – 5 cahiers papiers – inventaires des biens. Visites de l’abbaye, 1733-1786 ; et 113 H 5, liasse – 3 cahiers papiers – inventaires des sanctuaires, titres et papiers de l’abbaye, 1590-1660.
14 L.-A. Vayssière, Obituaire abbatiae Castri-Caroli ou notice des abbesses religieuses et bienfaiteurs de l’abbaye noble de Château-Chalon, Lons-le-Saunier, 1876, p. 15.
15 ADJ, 113 H 5, procès-verbal d’une visite après décès de l’abbesse en date du 6 avril 1660, fol. 36.
16 Cette crypte a été détruite vers 1725. F. I. Dunod de Charnage la décrit ainsi (Histoire des Séquanois et de la province séquanoise, de l’église de Besançon jusque dans le sixième siècle, et des abbayes nobles du comté de Bourgogne… depuis leur fondation jusqu’à présent, Dijon, 1735) : « Mme de Watteville, dernière abbesse, l’a fait orner et réparer, en sorte qu’elle est propre et belle, mais pour y mettre le chœur au niveau de la nef, on a détruit une chapelle souterraine qui étoit dessous ce chœur, et probablement du tems de la fondation. »
17 L. Delobette, « La diffusion du culte de saint Nicolas dans le diocèse de Besançon au Moyen Âge », in F. Roth (dir.), Lorraine, Bourgogne et Franche-Comté, mille ans d’histoire, Moyenmoutier, 2011, p. 91-113.
18 J. Bujard, « Un monastère du Haut Moyen Âge révélé par l’archéologie : Saint-Pierre de Vautravers », Archéologie suisse, 41/2 (2018), p. 51-55.
19 ADD, 113 H 5, procès-verbal d’une visite après décès de l’abbesse en date des 7 et 22 février 1645 : « Et ayant bien admis qu’en la maison de Rye enclavée au cloistre. »
20 J. Bujard, « Un monastère du Haut Moyen Âge… », op. cit.
21 S. Bully, « Archéologie des monastères du premier millénaire dans le Centre-Est de la France. Conditions d’implantation et de diffusion, topographie historique et organisation », in Bulletin du Centre d’études médiévales d’Auxerre, 13 (2009), p. 257-290, en ligne [https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cem/11085].
Haut de pageTable des illustrations
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Titre | Fig. 1 – Vue satellitaire du site abbatial (Géoportail, 2019). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cem/docannexe/image/20830/img-1.jpg |
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Titre | Fig. 2 – Plan de l’abbaye de Château-Chalon, 1792 (Archives dép. du Jura, 51 Fi 167 ; cl. B. Brasleret). |
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Titre | Fig. 3 – Légende reconstituée du plan de 1792 (B. Brasleret). |
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Titre | Fig. 4 – Extrait du cadastre de 1827, avec superposition du plan schématique restituable de l’abbatiale tracé en noir (Archives dép. du Jura, 3PPLAN/1304 ; DAO B. Brasleret). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cem/docannexe/image/20830/img-4.jpg |
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Titre | Fig. 5 – Restitution du chœur de l’église Notre-Dame (souligné en orange) sur le plan de 1838 de l’école des filles (Archives dép. du Jura, 5 E 228-82 ; DAO S. Bully et B. Brasleret). |
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Titre | Fig. 6 – Étude des données géophysiques après restitution du plan (B. Brasleret). |
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Titre | Fig. 7 – Plan de masse restitué de l’abbaye de Château-Chalon en 1792 (B. Brasleret). |
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Titre | Fig. 8 – Portail de l’abbatiale. Estampe publiée par Dunod de Charnage, 1735 (en orange, le chapiteau de la fig. 9). |
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Titre | Fig. 9 – Chapiteau corinthisant provenant du trumeau du portail gothique (situé actuellement au pied du mur de soutènement ouest de l’abbaye), fin xie-début xiie siècle (cl. B. Brasleret). |
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Titre | Fig. 10 – Plan de l’abbaye en 1792 avec ajout du cloître : superposition et ajustement du plan de 1792 sur le cadastre actuel (D. Vuillermoz, S. Bully et B. Brasleret, in Château-Chalon si bien perchée, Lons-le-Saunier, 2020). |
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Titre | Fig. 11 – Base de colonnes jumelles romane (cl. B. Brasleret). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cem/docannexe/image/20830/img-11.jpg |
Fichier | image/jpeg, 540k |
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Titre | Fig. 12 – Chapiteau à crochet (cl. B. Brasleret). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cem/docannexe/image/20830/img-12.jpg |
Fichier | image/jpeg, 868k |
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Titre | Fig. 13 – Plan hypothétique restitué du cloître, de l’abbatiale et du chevet de la paroissiale de Château-Chalon, à la fin du xie-début du xiie siècle (B. Brasleret). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cem/docannexe/image/20830/img-13.jpg |
Fichier | image/jpeg, 260k |
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Titre | Fig. 14 – Dessin de restitution de l’abbaye en 1792 (B. Brasleret). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cem/docannexe/image/20830/img-14.jpg |
Fichier | image/jpeg, 175k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Baptiste Brasleret, « Topographie et structures de l’abbaye de Château-Chalon : xie-xviiie siècle », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA [En ligne], 28.1 | 2024, mis en ligne le 19 juillet 2024, consulté le 12 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cem/20830 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/123jh
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