À propos d’une monographie sur le château des comtes d’Albon : la résidence lignagère au service d’un ancrage territorial et symbolique
J.-M. Poisson (dir.), avec la collaboration de V. Buccio, Le château des comtes d’Albon (Drôme), recherches historiques et archéologiques (1993-2006), Lyon/Avignon, CIHAM- Éditions, 2022 (Mondes médiévaux, 6).
Entrées d’index
Mots-clés :
mottes, fouilles archéologiques, édition, comptes de châtellenie, principautés, Albon, Dauphiné, dauphins de Viennois, Guigonides, royaume de BourgogneNotes de la rédaction
Historique
Reçu : 15 septembre 2023 – Accepté : 15 avril 2024
Texte intégral
1Le château des comtes d’Albon, publié sous la direction de Jean-Michel Poisson – maître de conférences émérite, EHESS – avec la collaboration de Vincent Buccio – attaché de conservation du patrimoine, chef du Service départemental d’archéologie des Alpes-de-Haute-Provence – à la fin de l’année 2022, inaugure le grand format (21 x 29,7 centimètres) destiné aux publications archéologiques dans la collection Mondes médiévaux des éditions du CIHAM, rattachées au laboratoire CIHAM-UMR 5648 – Histoire, archéologie, littérature des mondes chrétiens et musulmans médiévaux.
- 1 Jean-Michel Poisson a passé toute sa carrière à l’EHESS, depuis sa fondation en 1977 jusqu’à son dé (...)
- 2 Voir C. Mazard, « À l’origine d’une principauté médiévale : le Dauphiné, xe-xie siècle. Le temps de (...)
- 3 Sur cette notion, voir A. Guerreau-Jalabert, « Parenté », in J. Le Goff et J.-C. Schmitt (dir.), Di (...)
2Dans la droite tradition interdisciplinaire de ce laboratoire1, et comme l’indique le sous-titre de l’ouvrage, cette publication déroule les acquis de longues recherches menées sur le terrain et dans les archives au cours des années 1990-2000. Elle réunit à cet effet une synthèse des recherches historiques et topographiques (livre I, 39 pages), une monographie de fouille archéologique (livre II, 177 pages) et un riche dossier documentaire (annexe, 60 pages), fruits de la collaboration de vingt-deux chercheurs et chercheuses. L’ensemble est consacré au château de la Tour d’Albon (commune d’Albon, Drôme), « berceau » des comtes éponymes, devenus au xiiie siècle dauphins de Viennois. Le lignage des Guigonides, possessionné à la fois en Viennois méridional et dans la région de Grenoble quand on l’identifie avec certitude à l’extrême fin du xe siècle2, s’est en effet affirmé comme topolignée3 dans le dernier quart du xie siècle, en liant son pouvoir naissant au terroir d’Albon situé dans la moyenne vallée du Rhône, aux confins du Viennois et du Valentinois. La résidence qu’ils y édifient alors a longtemps gardé un rôle symbolique essentiel pour la dynastie, bien que ses aventures politiques l’aient amenée à se tourner toujours plus vers Grenoble et les Alpes dans les siècles suivants, en raison notamment de leurs affrontements prolongés avec les comtes de Savoie. Le château d’Albon était installé à 336 mètres d’altitude sur les rebords occidentaux d’un éperon allongé délimitant la plaine de la Valloire au sud, et surplombait d’environ 150 mètres les terres alluviales de la vaste plaine du Rhône, à 1,5 kilomètre à l’est du bourg tardo-antique et médiéval de Saint-Romain d’Albon et à 30 kilomètres au sud de Vienne. De cette résidence, il reste aujourd’hui encore, bien visible depuis la vallée du Rhône, la tour carrée érigée sur une motte fossoyée dans le courant du xiiie siècle qui a donné son nom au site.
- 4 J.-M. Poisson, « De la villa au castrum : l’habitat rural dans la châtellenie dauphinoise d’Albon d (...)
- 5 A. Matthys, J.-M. Poisson et J. de Meulemeester, « Structures emmottées : une comparaison d’exemple (...)
- 6 Ces mélanges ont été rassemblés par P. Collomb, J.-L. Gaulin et L. Moulinier-Brogi à l’occasion du (...)
- 7 L’ouvrage lui est dédié. Pour plus d’informations sur les travaux de cet archéologue spécialiste du (...)
- 8 Inscrit aux Monuments historiques depuis 1982, le site a été classé en juin 2012. Sur les difficult (...)
- 9 S’il est annoncé que « l’ensemble des comptes de la châtellenie a été édité par Frédéric Chartrain (...)
3L’ouvrage comprend une large part d’inédit. Plusieurs publications synthétiques concernant les travaux menés autour Albon avaient déjà vu le jour au fil des années4, de même que des articles comparatifs sur les mottes réinsérant le cas d’Albon dans un panorama historiographique plus global5. Ceux-ci, dispersés dans de nombreux ouvrages ou revues n’étaient cependant pas toujours très accessibles, et leur réédition en 2018 dans un même volume rassemblant des travaux de Jean-Michel Poisson a constitué une première étape pour redonner de la visibilité à ce dossier6. Mais une présentation détaillée des résultats des prospections et fouilles, menées entre 1993 et 2002 par une équipe internationale dirigée par Jean-Michel Poisson et Johnny de Meulemeester – professeur à l’université de Gand, † 20097 –, manquait encore à l’appel. Par ailleurs, la présente monographie, si elle se concentre avant tout sur la publication de recherches effectuées entre 1993 et 2006, intègre aussi les données issues des fouilles archéologiques préventives menées en 2012 sous la direction de Benjamin Michaudel – pour le Bureau d’investigations archéologiques Hadès – à l’occasion de la mise en valeur du site au titre de son classement aux Monuments historiques8. Le dossier documentaire propose quant à lui, parmi de nombreux autres textes, un regeste comprenant quelques sources inédites des xiiie-xviiie siècles (p. 242-243) et surtout quelques extraits des comptes de la châtellenie d’Albon jusque-là inédits (p. 287-289) et transcrits de longue haleine : les comptes conservés portent sur soixante-treize années entre 1312 et 1454, et vingt-trois années ont désormais été transcrites. Cette édition se concentre avant tout sur des passages issus de seize comptes différents et concernant plus particulièrement les réfections architecturales du château des comtes d’Albon, avec l’objectif premier de nourrir la réflexion archéologique9.
- 10 La question a suscité d’innombrables ouvrages depuis les travaux fondateurs de Jan Dhondt et Jean-F (...)
- 11 F. Demotz, La Bourgogne, dernier des royaumes carolingiens, 855-1056 : roi, pouvoirs et élites auto (...)
- 12 Les travaux sur l’histoire du royaume de Bourgogne se sont multipliés depuis la fin du xxe siècle e (...)
4La problématique de l’ouvrage est celle, classique mais toujours actuelle dans l’historiographie médiéviste française, de la naissance des principautés après la fin de l’empire carolingien10. Plus précisément, le contexte est ici celui des décennies encadrant la fin du royaume de Bourgogne-Provence11, qui s’est développé dans l’espace de la Francia media au tournant des ixe-xe siècles12 : le cas du comté d’Albon, à l’origine de la principauté du Dauphiné, se présentait comme un cas d’étude idéal au regard du potentiel archéologique du site de la résidence matricielle des Guigonides, et de la relative richesse de la documentation textuelle concernant la lignée et sa résidence conservée pour la période des ixe-xie siècles (126 documents). L’approche privilégiée est donc avant tout territoriale : il s’agit de comprendre, sur le temps long, les évolutions d’un site castral d’importance, tout autant que son rôle dans la structuration de l’habitat du terroir environnant et dans l’ascension d’une famille de l’aristocratie régionale.
- 13 Idée présente, par exemple, chez M. Colardelle et C. Mazard, « Les mottes castrales et l’évolution (...)
- 14 Voir J.-M. Pesez, « Approches méthodologiques d’un recensement général des fortifications de terres (...)
- 15 Les auteurs ne donnent pas d’exemple. Voir pour la région les cas de la motte de Villars-les-Dombes (...)
- 16 Outre une chronologie moins resserrée qu’initialement évoquée, l’emmottement est parfois tardif dan (...)
- 17 Ainsi, la présence très limitée des mottes dans le diocèse de Genève continue d’interroger, voir M. (...)
5La réflexion est par suite également typo-chronologique : à l’origine de l’étude de la tour d’Albon se trouvait aussi le souci de déterminer précisément la date de construction de sa motte, cette forme architecturale étant alors traditionnellement considérée comme l’une des plus emblématiques du développement de pouvoirs féodaux au tournant des xe-xie siècles13. Les auteurs rappellent cependant les limites et difficultés de cette approche, soulignées de longue date par les archéologues médiévistes14. Surtout, au fil des investigations la motte d’Albon, en fait édifiée dans le courant du xiiie siècle, s’est finalement imposée comme un exemple parmi d’autres de la faveur prolongée des élites de différents rangs durant toute la seconde moitié du Moyen Âge pour cette forme architecturale15. Cela pousse d’ailleurs les auteurs à considérer que la motte serait peu à peu devenue « une sorte de nécessité psychologique » (p. 61) pour l’aristocratie : le symbole par excellence de la domination seigneuriale. Le cas d’Albon vient donc nourrir la réflexion de l’historiographie régionale sur la diffusion des mottes castrales, moins homogène dans le temps16 et l’espace17 qu’elle n’y paraissait de prime abord.
- 18 G. de Manteyer, Les origines du Dauphiné de Viennois, Gap, 1925, 2 vol.
- 19 J.-P. Poly, « Le Sermorens au miroir de l’évêque », in É. Bournazel et J.-P. Poly (dir.), Les féoda (...)
- 20 Mais celle-ci remet en question (sans trancher) l’idée que le domnus Guigo de 933-934 soit une tige (...)
- 21 C. Mazard (« À l’origine… », ibid., p. 10, n. 12) s’inscrit contre cette hypothèse en s’appuyant su (...)
- 22 Sur ces vicomtes, voir aussi G. Castelnuovo, « Les élites des royaumes de Bourgogne (milieu ixe-mil (...)
- 23 Sur ce point, voir en particulier L. Ripart, « Du royaume aux principautés… », op. cit., p. 260-263
6Après une courte introduction posant le contexte géographique et scientifique des recherches (p. 13-17), le « livre I » est donc logiquement une « enquête historique et topographique », qui s’attache en premier lieu à retracer « l’émergence d’un pouvoir régional » (p. 19-26) en replaçant l’évolution du terroir d’Albon dans l’histoire des entités politiques englobantes, depuis l’époque burgonde jusqu’au xiie siècle. Les auteurs font ensuite le point sur les origines de la dynastie des Guigonides, en discutant pour ce faire les thèses classiques de Georges de Manteyer18 et celles plus récentes de Jean-Pierre Poly19, ce qui les amène à écarter certaines des filiations mises en avant par ces derniers : avec la famille des Rostaing du Vivarais, avec le « brigand des Alpes » Aimon. Mais, tout en rappelant qu’il n’est guère possible d’identifier assurément des membres de la parentèle avant 996, ils maintiennent l’idée d’une filiation avec un domnus Guigo, connu pour avoir donné avec son épouse Gandalmode une vigne, située à Vion en Ardèche, à Cluny en 933-934 – en récusant cependant l’idée autrefois avancée que les Guigonides aient été à l’origine des « sires de Vion ». Leurs conclusions rejoignent donc dans l’ensemble celles de Chantal Mazard, souvent citée20, mais d’autres auteurs ont eu depuis des avis fort différents, notamment sur la filiation avec les Rostaing, et l’on aurait aimé voir leurs points de vue discutés21. D’autres aspects de la constitution du patrimoine sont cependant explorés : le rôle et le statut des douaires, et la possibilité d’une alliance des Guigonides avec les vicomtes de Vienne, possessionnés dans les mêmes espaces et qui s’effacent de la documentation au moment où ceux-là surgissent22 ; l’importance du contrôle du siège épiscopal de Grenoble, et plus temporairement de celui de Valence, dans l’essor politique de la famille est en revanche passée sous silence23.
- 24 Il s’agit des châteaux d’Albon, Clérieux, Serves, Vals, Moras et Chevrières, cf. C. Mazard, « À l’o (...)
- 25 L. Ripart, « Du royaume aux principautés… », op. cit., p. 272 (n. 75) et 274 (n. 83).
- 26 Voir, pour des comparaisons en France, le bilan réalisé par A. Renoux, « Châteaux, palais et habita (...)
- 27 Vraisemblablement édifié dans le dernier tiers du xiiie siècle, après que Géraud Adhémar de Monteil (...)
- 28 A. Clavier, Le château des dauphins : Beauvoir-en-Royans, Grenoble, 20092 [1998].
7Ce premier livre s’attache de fait surtout à synthétiser les données disponibles concernant le substrat antique et alto-médiéval du terroir d’Albon, en interrogeant en particulier le capital symbolique de cet espace. La question sous-jacente est celle de l’identification d’Albon à la parochia Epaonensis, lieu du concile « d’Epaone » de 517 qui eut pour objectif de réorganiser l’Église du royaume burgonde. Le débat est ancien et a donné lieu à beaucoup d’identifications concurrentes – entre autres la commune proche d’Épinouze –, et les auteurs prennent donc le temps de la démonstration en ayant soin de mobiliser les données les plus récentes. Les arguments sont tant toponymiques – la filiation dans les sources textuelles des formes Epaone/Eppaone/Ebbaone/Ebaone/Albonne – que topographiques – centralité d’Albon dans le royaume burgonde – et archéologiques – identification de certaines églises du terroir, ruinées ou encore en élévation, avec des édifices évoqués dans les textes, richesse des matériaux de construction retrouvés, présence d’épitaphes et de sarcophages historiés qui attestent d’une occupation élitaire tardo-antique dans le terroir. Au terme de la démonstration, le terroir d’Albon s’affirme comme une terre de domination ancienne, marquée par la présence royale et qui a accueilli des événements clefs, dont on peut imaginer que le prestige continue de rejaillir sur les lieux : le concile d’Epaone susmentionné – localisé dans le hameau de Saint-Romain d’Albon –, mais aussi l’assemblée réunie en 879 à Mantaille, résidence carolingienne située à cinq kilomètres à vol d’oiseau de Saint-Romain, où le comte Boson fut élu roi de Provence. On comprend dès lors l’attrait qu’ont pu trouver très tôt les Guigonides à ce terroir, et l’importance symbolique durable qu’a pu revêtir pour eux leur château, qui est réorganisé en un véritable palais au tournant des xie-xiie siècles. L’idée que la mémoire de ce prestige ait poussé les Guigonides à attacher leur lignage à Albon, plutôt qu’à un autre des six châteaux qui leur appartiennent déjà en Viennois en 107024, séduit, en particulier quand on considère que cet ancrage se matérialise au moment où ceux-ci se trouvent écartés du siège épiscopal de Grenoble par les courants réformateurs et doivent trouver une nouvelle source de légitimité, comme l’a démontré Laurent Ripart25. Le palais des comtes d’Albon reste au demeurant modeste en comparaison d’autres résidences princières de cette époque26, et surtout par rapport à d’autres palais de la région édifiés à partir de la fin du xiie ou au xiiie siècle : ainsi, par exemple, le palais des Adhémar à Montélimar27, ou le propre palais delphinal de Beauvoir-en-Royans, autre résidence emblématique des Dauphins à compter de la fin du xiiie siècle et agrandie par le dernier dauphin Humbert28. De fait, le choix de l’édification d’une tour sur motte à Albon au xiiie siècle (cf. infra), montre l’affirmation du rôle militaire du site, désormais « forteresse de frontière » (p. 55), au détriment de sa fonction résidentielle : les Dauphins ne semblent plus y séjourner après le xiiie siècle, même quand ils sont présents dans le terroir d’Albon, et l’ancien palais est peu à peu laissé à l’abandon (p. 48-53). Ces évolutions des xive et xve siècles sont surtout connues grâce aux comptes de la châtellenie d’Albon, et la première partie du livre s’achève sur une brève présentation du corpus des comptes conservés et des châtelains que ces sources permettent d’identifier (p. 53-55).
- 29 G. Fournier, Le peuplement rural en Basse Auvergne durant le haut Moyen Âge, Paris, 1962.
- 30 M. de Boüard, « De l’aula au donjon. Les fouilles de la motte de La Chapelle, à Doué-la-Fontaine (x(...)
- 31 L. Blondel, Châteaux de l’ancien diocèse de Genève, Genève, 1956. Je remercie chaleureusement Flore (...)
- 32 Par exemple l’emblématique article de L. Blondel, « L’architecture militaire au temps de Pierre II (...)
- 33 D. de Raemy, Châteaux, donjons et grandes tours dans les États de Savoie (1230-1330). Un modèle : l (...)
- 34 Voir J.-D. Morerod et J. Bujard, « Colombier (Neuchâtel), de la villa au château. L’archéologie à l (...)
- 35 Voir Neuchâtel et le royaume de Bourgogne, in Revue historique neuchâteloise, 150/3-4 (2013).
- 36 Sur cette archéologie rhônalpine, voir le panorama historiographique dressé par L. d’Agostino, « L’ (...)
- 37 M. Colardelle et alii, « Premiers résultats… », op. cit.
- 38 E. Boucharlat, M. Bois, A. Bouvier et C. Mazard, Châteaux de terre : de la motte à la maison-forte. (...)
- 39 M. Fixot, « La motte et l’habitat fortifié en Provence médiévale », Château-Gaillard, 7 (1975), p. (...)
- 40 D. Mouton, « Deux mottes dans un terroir provençal en transformation : Saint-Paul-Lès-Durance, xie-(...)
- 41 Fouilles non publiées du site castral de Notre-Dame. Voir par exemple M. Varano et D. Mouton, « All (...)
- 42 Parmi d’autres : M. Bois, Le sud du département de la Drôme entre le xe et le xiiie siècle : l’orga (...)
- 43 Pour les mottes du Dauphiné, A. Bouvier et alii, « La motte castrale de Décines-Charpieu (Rhône) », (...)
- 44 J.-M. Poisson, « Mottes castrales… », op. cit., 2007, réédité in Id., Châteaux médiévaux dans l’esp (...)
- 45 B. Oury et alii, Fortifier les Alpes au Moyen Âge (ve-xvie siècles), du Rhône à la Durance, Projet (...)
8Le « livre II » constitue la majorité de l’ouvrage et est consacré à l’« enquête archéologique » (p. 59-234). Il débute par une présentation du « contexte de la recherche » (p. 59-62) dans lequel s’insère l’étude de la motte d’Albon, c’est-à-dire le développement depuis les années 1960 de l’archéologie castrale en France, et plus spécifiquement de l’étude des fortifications de terre du Moyen Âge central. Les auteurs évoquent ainsi les études réalisées par les précurseurs que furent Gabriel Fournier en Auvergne29 et Michel de Boüard à Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire)30, et leurs nombreuses émulations, d’abord dans le Nord-Ouest autour de l’université de Caen, puis dans toute la France – bibliographie sélective avec une à deux références emblématiques par région (p. 59, n. 1). Pour compléter ce panorama national dressé par les auteurs, on peut rappeler pour l’espace de l’ancien royaume de Bourgogne-Provence le rôle précurseur dans les années 1950 des travaux de l’archéologue suisse Louis Blondel sur les châteaux de l’ancien diocèse de Genève31, puis sur ceux du Valais32. Ses travaux ont été renouvelés depuis par ceux de Daniel de Raemy pour l’espace des États de Savoie, notamment sur les châteaux d’Yverdon et de Chillon33. On citera encore les sites de Colombier (Milvignes)34 et de Neuchâtel35, sur les rebords du lac du même nom, comme exemples intéressants pour l’étude du développement des premiers châteaux dans l’ancienne région de Transjurane – diocèses de Genève, Lausanne et Sion. Côté français, les espaces de la Savoie, du Bugey et du Dauphiné ont fait l’objet d’enquêtes archéologiques approfondies depuis les années 197036, impulsées en premier lieu par les universités lyonnaises, que l’on pense aux fouilles de Jean-François Reynaud et de Bernard Demotz en Bugey et Savoie, ou aux investigations inaugurées par Chantal Mazard et Michel Colardelle pour le Dauphiné37, prolongées ensuite dans le cadre de plusieurs projets collectifs jusqu’à la fin du xxe siècle38. Enfin, la partie provençale de l’ancien royaume de Bourgogne a fait l’objet, notamment, des travaux de Michel Fixot39, puis de Daniel Mouton40, et, plus récemment, de Mariacristina Varano41. Tous ces travaux ont donné lieu à de nombreux inventaires et études de cas42, mais les publications de ces dernières restent cependant relativement rares et succinctes, bien qu’une nouvelle vague de parutions – dont fait partie la monographie de la tour d’Albon – soit à signaler ces dernières années43. Cette dernière témoigne d’un renouveau des recherches en castellologie après une période d’atonie dans les années 2000, en partie due à l’essor de l’archéologie préventive, rarement amenée à intervenir sur ce type de sites44. Dans le sud-est de la France, et à Lyon en particulier, la mise en place du projet collectif de recherche « Fortifier les Alpes au Moyen Âge (ve-xvie siècle) : du Rhône à la Durance » (2019-2022) coordonné par Benjamin Oury45, et réunissant plusieurs générations de chercheurs et chercheuses, est un autre exemple de ce dynamisme.
9La présentation du déroulé des opérations de terrain (p. 62-68) fait suite à cette contextualisation historiographique, en prenant soin de dresser également un historique des recherches les plus anciennes menées sur le site, des écrits d’érudits de la fin du xixe siècle aux mystérieuses fouilles restées anonymes – malgré un rapport de qualité retrouvé au Service régional de l’archéologie ! – entreprises entre 1965 et 1967. Le récit par année du déroulé des campagnes de fouilles entreprises de 1994 à 2002 permet ensuite de justifier les choix méthodologiques réalisés au fil des ans, en fonction des spécificités du terrain et des observations réalisées au gré des campagnes. Après cette introduction, les données de la fouille sont présentées par secteur (p. 68-174), au nombre de cinq, et qui correspondent peu ou prou à un bâtiment ou une pièce – A : l’église ; B : l’écurie (bâtiment à l’est de l’aula) ; C : l’aula palatiale ; D : le donjon ; E : la camera attenante à l’aula. Pour chaque secteur, le processus de fouille est de même rappelé, avant que ne soient présentées d’abord les structures retrouvées et, dans un second temps, le détail de la stratigraphie, pour aboutir à une présentation synthétique phasée par secteur, et dans un dernier moment à une restitution du phasage du site dans sa globalité.
- 46 Thierry Gonon, qui étudie les deux moules, avance pourtant plutôt une datation du xiie siècle (p. 9 (...)
- 47 Voir entre autres D. Martinez et alii, « L’église paléochrétienne de l’établissement fortifié de ha (...)
- 48 A. Matthys et alii, « Structures emmottées… », op. cit., p. 141.
10Les fouilles ont permis de documenter les phases d’occupation antérieure à la motte jusque-là insoupçonnées sur une partie de l’éperon (environ 800 m2 ?), malgré les limitations nécessairement entraînées par la présence de la tour et le souci de préserver la stabilité du tertre. Elles ont révélé l’existence d’une chapelle orientée (secteur A), édifiée dès les ixe-xe siècles et qui persiste tout au long de l’histoire du site malgré d’importantes reconfigurations architecturales. Dans sa première élévation, elle est de dimensions réduites (12 x 6 m), dotée d’une nef unique certainement charpentée et d’un chœur semi-circulaire vraisemblablement voûté, inscrit dans un chevet rectangulaire ; son élévation remploie, au milieu de blocs de molasse et de moellons de granit local, un certain nombre de terres cuites architecturales antiques, certainement prélevées à proximité. On peut signaler aussi la découverte de deux structures de fontes de cloches sous le dallage de cette nef primitive46. À côté de cette chapelle, dans les secteurs B et C, on retrouve plusieurs structures de stockage agricole creusées ou en matériaux périssables – silos, possible grenier sur poteaux et petit bâtiment annexe à la fonction indéterminée. De fait, aucun édifice résidentiel n’est identifié pour cette phase, alors même qu’un oppidum est mentionné par les sources dès 926, et un castrum en 1070. Un faisceau d’indices permet néanmoins aux auteurs de formuler l’hypothèse qu’une telle résidence ait pu être ensevelie sous la motte – anomalies révélées par les prospections électriques, mur affleurant à la surface de la motte à proximité de la tour, position périphérique des bâtiments découverts par rapport au cœur du replat ensuite emmotté, porte de la chapelle ouvrant justement vers le sud et ce replat… Ce dispositif d’emmottement opportuniste de bâtiments antérieurs est par ailleurs désormais bien documenté par l’archéologie, et les auteurs mobilisent les exemples français bien connus de Doué-la-Fontaine (Maine-et-Loire), Villars-les-Dombes (Ain), Mirville (Seine-Maritime), Olby (Puy-de-Dôme) ou encore Niozelles (Alpes-de-Haute-Provence) pour appuyer leur propos. On peut ajouter à ce corpus le site toujours en cours de fouille de La Couronne à Molles (Allier), une forteresse de hauteur de l’Antiquité tardive encore occupée à l’époque carolingienne et partiellement emmottée au tournant des xe-xie siècles47, mais aussi plusieurs sites belges – mottes de Kessel, de Werken, etc.48.
- 49 Cette organisation, comme les dimensions de l’aula (23 x 9 m), rappelle celles de l’aula comtale d’ (...)
- 50 Pour des exemples belges de cette architecture ottonienne, voir A. Matthys et alii, « Structures em (...)
- 51 « La Tour d’Albon… », op. cit. Voir aussi J.-M. Poisson, « Le château des comtes d’Albon (“La Tour” (...)
11Avant l’édification de la motte, qui n’intervient que dans une troisième phase d’occupation, le site connaît déjà d’importantes modifications à la fin du xie ou au début du xiie siècle. En lieu et place des structures agricoles de la première phase, arasées et/ou comblées, est alors édifié un imposant palais résidentiel avec étage, long de quarante mètres et large de dix mètres, comprenant une aula monumentale (secteur C) et une camera (secteur E). Les auteurs soulignent l’aspect ostentatoire du bâti : sa mise en œuvre, sur le rebord occidental du replat, a nécessité d’importants travaux de terrassements pour agrandir la plateforme ; la réalisation est dans l’ensemble soignée, et sa façade occidentale, bien visible depuis la vallée, est encore monumentalisée par l’adjonction de quatre contreforts. Des fragments sculptés de console de cheminée et d’enduits polychromes attestent de la richesse des décors intérieurs, qui devaient néanmoins être réservés à l’étage de l’aula : le sol en terre battue du rez-de-chaussée, possiblement recoupé par quelques silos et portant de nombreuses traces de feu, permet d’attribuer une fonction technique à cet espace et d’inférer la présence d’une cuisine, dans une partie au moins49. C’est pour l’étude de ce palais que le croisement avec les sources écrites se révèle des plus fructueux : à l’aide des procès-verbaux de visites du château et de commandes et d’inspections de travaux du début du xve siècles, les auteurs peuvent proposer des restitutions précises des aménagements en bois (planchers et charpentes) du bâtiment dès sa construction. Dans le même temps, la chapelle (secteur A) connaît aussi d’importantes modifications : sa longueur est doublée pour des raisons que les auteurs peinent à déterminer. Ils posent l’hypothèse d’une travée de chœur qui aurait pu accueillir plusieurs desservants. Son architecture est particulièrement soignée, avec des élévations en blocs de molasse bien taillés, et comme en atteste la découverte d’éléments d’architecture moulurés, de fragments d’enduits peints et de vitraux. Un mur vient relier la chapelle au palais, qui lui est perpendiculaire : l’ensemble paraît structuré autour d’un espace central, toujours inaccessible aux investigations du fait de son emmottement postérieur. Ces évolutions relèvent de toute évidence d’un unique programme de construction et témoignent du souci des Dauphins de bâtir une résidence qui reflète et accompagne leur nouveau rang princier, prenant inspiration à cet effet sur le modèle des résidences ottoniennes selon les auteurs (p. 186), même si plus de précisions sur ce point auraient été souhaitables50. Jean-Michel Poisson et Johnny de Meulemeester ont souligné ailleurs que le choix fait par les comtes d’Albon de ce style architectural pour leur résidence emblématique, dans les décennies consécutives à l’annexion du royaume de Bourgogne par l’Empire romain germanique, a pu être une manière de manifester leur appartenance à l’aristocratie impériale51.
- 52 Sur les caractéristiques architecturales et la diffusion de ce modèle dans la moyenne vallée du Rhô (...)
- 53 Au contraire de Moras, devenue l’une des châtellenies les plus rentables du Dauphiné, à la suite de (...)
12Lors de la phase 3, dans le courant du xiiie siècle, une motte – tertre circulaire d’environ quarante-six mètres de diamètre – surmontée d’un donjon carré (secteur D) est accolée à cet ensemble, témoin de l’évolution fonctionnelle du site, qui d’un lieu de résidence princière devient plus spécifiquement militaire et défensif. Cette tour n’a pas été fouillée – à l’exception d’un petit sondage en 2012 –, pour des raisons de préservation du monument, mais a fait l’objet d’une étude de bâti qui a permis de retracer les étapes de sa construction. Sa forme quadrangulaire et ses aménagements correspondent au modèle des tours maîtresses largement diffusé dans la région au xiie siècle, et encore au xiiie siècle52. Après l’édification de la motte, une partie des remblais est par ailleurs recreusée pour accoter au palais un bâtiment annexe, possiblement une grange (secteur B). La chapelle (secteur A) est dotée d’une nouvelle abside semi-circulaire, doublée d’une absidiole, mais voit sa nef fortement raccourcie, sa moitié occidentale étant désacralisée et accueillant vraisemblablement des activités artisanales. Une enceinte, qui part de la tour et délimite un espace d’environ six hectares en direction de l’ouest, est édifiée, semble-t-il, en parallèle de la motte ; elle est en tout cas mentionnée dans le censier (Probus) de 1250-1267, et postérieure aux réfections de la chapelle datées du début du xiiie siècle. Il s’agit là de la première enceinte maçonnée attestée pour le site, sa défense étant visiblement assurée jusque-là par un système de remblais en terre et de fossés sur le flan oriental plus exposé. Sa construction est achevée avant la fin du xve siècle, et associe différentes mises en œuvre, un appareil plus soigné semblant être privilégié pour les secteurs les plus stratégiques ou au rôle d’ostentation – porte d’accès au bourg, proximité de la motte. Cette courtine enserre un espace vide de construction, le pratum – essentiellement sur le versant occidental de la colline, qui accueillait peut-être une place publique et une halle – et le bourg castral en contrebas. Les auteurs se livrent à un essai de restitution de l’organisation du bourg castral en croisant une nouvelle fois données archéologiques et sources textuelles, et entreprennent d’identifier et replacer les différentes portes de l’enceinte. À ce titre, reporter sur le plan général du site (fig. 182, p. 165) les portes localisées par l’étude des textes aurait été éclairant. Ce développement est l’occasion de souligner l’effet limité de l’édification du château d’Albon sur la réorganisation du terroir, alors même que le nom d’Albon s’est imposé à l’ensemble de la zone environnante depuis le courant du xiie siècle : une organisation polynucléaire se maintient autour de plusieurs pôles répartis dans le terroir53. Le village ecclésial de Saint-Romain demeure de surcroît le noyau de peuplement principal, aussi certainement parce que la forteresse n’est plus que rarement fréquentée par les Dauphins à compter du xive siècle, soit peu après l’édification de la tour et de l’enceinte.
13Le donjon, en effet, étroit – 7,20 m de côté mais seulement 5 m en interne – et dénué d’équipements de confort, n’est pas adapté à un véritable usage résidentiel, rôle toujours dévolu au palais. Mais ce dernier montre dès lors les signes d’une dégradation progressive, attestée par l’archéologie comme par les textes, qui permettent de la situer dans le tournant des xive-xve siècles. De fait, l’emmottement de la plateforme fait presque intégralement disparaître les espaces de circulation extérieure. Des réfections importantes se constatent malgré tout au niveau du mur mitoyen entre aula et camera (phase 4), tandis que le bâtiment annexe (secteur B) est désormais désigné comme une écurie. La fonction avant tout défensive du site est maintenue jusqu’à l’abandon et au démantèlement de la forteresse, à l’exclusion de la tour, dans le courant du xvie siècle.
- 54 A. Bouvier et alii, « La motte castrale… », op. cit.
- 55 Voir en dernier lieu M. Colardelle et alii, L’habitat fortifié…, op. cit.
- 56 L. Bourgeois (dir.), Une résidence…, op. cit.
14Cette synthèse stratigraphique est complétée par les études de mobilier, présentées à la suite. En premier lieu l’étude céramologique – Bruna Maccari-Poisson, p. 188-198 – signale la relative modestie du corpus (6 952 fragments) : cette remarque semble pouvoir être étendue au reste du mobilier, avec des lots du même ordre de grandeur que ceux de la motte castrale de Décines-Charpieu54, plutôt que ceux des « poids lourds » que constituent par exemple les sites de Charavines55 ou d’Andone56. Malgré le nombre restreint de formes recomposables, l’étude montre bien les apports de ce corpus pour mettre en perspective les séries régionales documentées par les fouilles des années 1980-1990, abondamment mobilisées ; l’ensemble témoigne d’une grande homogénéité, où se distinguent de rares importations méridionales et un unique tesson d’importation espagnole. Le corpus confirme, par ailleurs, le caractère limité de l’occupation du site à compter des xive-xve siècles, après une occupation continue depuis les ixe-xe siècles. Le verre (p. 198-199), abondamment présent mais très dégradé – 227 éléments identifiés sur plusieurs centaines –, a été retrouvé, sauf exceptions, dans des niveaux datés des xiiie-xive siècles, et les auteurs soulignent que cela est habituel des séries connues pour la France méridionale. Les rares fragments de verre à vitre ont été retrouvés dans la chapelle, les autres édifices n’ayant visiblement pas eu de fenêtres vitrées ; le reste des fragments identifiés relève du mobilier de table – nombreux fragments de verres à pied, principalement des tiges ; rares fragments de gobelets. Le petit mobilier est étudié par Amélie Aude Berthon (p. 200-216), à l’exception des fers de trait étudiés par Valérie Serdon-Provost (p. 217-220) : ces derniers correspondent à une quarantaine de carreaux d’arbalète, rapprochés de types datés des xiiie-xive siècles, certains pouvant être un peu antérieurs (xie-xiie siècles). Le site d’Albon a livré 724 objets (607 identifiés), principalement métalliques – majoritairement en fer, mais avec un beau lot en alliage cuivreux –, avec une minorité d’objets en plomb, matière dure ou lithique, ainsi que céramique (hors vaisselier). Le nombre d’objets tombe à 184 une fois exclus les clous de construction et de ferrage, dont 113 déterminés, et 64 d’entre eux ont été ici redessinés. Ces objets ne permettent pas d’établir des marqueurs sociaux particuliers pour les habitants de la tour d’Albon, mais Amélie Aude Berthon explique que cela est habituel des corpus médiévaux, souvent très homogènes. On retrouve un peu de mobilier équestre – équipement du cheval et du cavalier –, mais aussi quelques éléments propres aux activités cynégétiques ou aux jeux, de facture modeste ; surtout du mobilier domestique – outillage domestique et artisanal, nombreux accessoires de costume, une serrure et quelques clefs – et du mobilier de construction. L’inventaire de l’ensemble des objets indéterminés est aussi donné. S’ensuit un catalogue des monnaies, dû à Jean-Michel Poisson et Vincent Borrel (p. 221-226), documentant vingt-neuf émissions, dont une seule dessinée, les autres étant reproduites sous forme de photographies. Une belle étude du lapidaire, avec synthèse et catalogue, clôt l’étude du mobilier (p. 227-228) ; elle est suivie par un catalogue des US du bâti de la tour – p. 229-230, relevés et listing renvoyés dos à dos. On regrettera l’absence d’une étude de la faune du site, mobilier qui n’est par ailleurs jamais évoqué dans l’ensemble de la monographie.
- 57 Si l’on comprend le souci d’alléger la mise en page, on aurait pu imaginer au moins l’ajout d’une l (...)
15Comme d’usage pour les monographies archéologiques, cet ouvrage est donc un travail collectif, qui associe au texte de synthèse les contributions autonomes de six spécialistes, et qui intègre les analyses ou illustrations de quatorze collaborateurs et collaboratrices. Ceci explique quelques inévitables discontinuités entre les différentes productions. De ce fait, la présence tout au long de la présentation archéologique de paragraphes conclusifs, résumant les acquis des différentes phases et contributions, est particulièrement profitable, offrant, malgré quelques répétitions – quelques paragraphes sont reproduits à l’identique –, une vision claire et synthétique de l’évolution du château des comtes d’Albon et de son terroir du xe au xvie siècle, même lors d’une lecture rapide. On peut relever de même le soin apporté à l’homogénéisation des différents relevés vectorisés, en plan comme en coupe, et notamment les plans de phasage – par exemple ill. 207, p. 187 – d’une grande clarté qui contribuent à unifier l’ensemble. On regrettera cependant que le plein potentiel de cette abondante documentation (234 figures) n’ait pas toujours été exploité : l’absence de légende souvent57, le manque de lisibilité ou l’oubli ponctuellement de certains numéros d’unités stratigraphiques, surtout l’absence complète de renvois aux figures – à l’exception de l’étude céramologique – dans le corps du texte ne permet pas toujours de suivre facilement le détail de la démonstration. Ce dernier problème, quelque peu atténué par l’intégration des illustrations au fil du texte, reste prégnant notamment lors de l’étude du petit mobilier ou dans le cadre du catalogue lapidaire, ce dernier étant dénué d’illustrations puisque l’ensemble des éléments recensés ont été mobilisés et représentés (photos ou dessins) à différents moments du texte principal, illustrations qu’il faut donc rechercher manuellement. On aurait souhaité aussi, enfin, que certaines illustrations aient été imprimées en plus grand format, en particulier les belles aquarelles de restitution réalisées par Bruno Clarys.
16Le dossier documentaire final (60 pages) est un grand atout de cette publication, et prouve s’il le fallait que le sujet de l’ouvrage est autant la résidence de la famille d’Albon que la famille elle-même et le personnel associé à la gestion de sa résidence : conscients de l’extrême dispersion des sources textuelles propres à cette famille, les auteurs proposent non seulement un précieux « regeste des documents connus concernant Albon et les Guigonides jusqu’au xiie siècle » (p. 237-243), qui malgré son titre comprend des documents dont la datation peut aller jusqu’en 1791, et qui permettra à quiconque de naviguer à travers les diverses éditions déjà anciennes ou de se reporter aux fonds d’archives ; mais ils intègrent en plus une réédition de la plupart des sources conservées de 831 à 1100, soit environ 80 textes (p. 249-280). À cela s’ajoutent une liste des châtelains d’Albon de 1243 à 1730 (p. 244-246), un classement par ordre chronologique du personnel palatin et curial des comtes d’Albon attesté par les textes (p. 247-248), une table des différents comptes des châtelains delphinaux d’Albon avec leur cote d’archive lorsqu’ils ont été conservés (p. 281-285), les extraits des comptes inédits de la châtellenie d’Albon susmentionnés et des procès-verbaux de visite des xive et xve siècles (p. 291-296). On trouve enfin les références des sources et de la bibliographie mobilisée (12 pages) : cette dernière est substantielle et pourra être consultée indépendamment à profit.
- 58 L. Ripart, Les fondements…, op. cit. ; Id., « Le royaume de Bourgogne (888-début du xiie siècle) », (...)
- 59 F. Demotz, La Bourgogne…, op. cit. ; Id., « Le processus seigneurial en zone royale bourguignonne : (...)
- 60 Pour un aperçu des mécanismes d’ascension des pouvoirs seigneuriaux hors du centre domanial des Rod (...)
- 61 Ainsi N. Payraud, Châteaux…, op. cit. ; B. Oury, Exploitation minière et implantation castrale en D (...)
- 62 F. Guillot (dir.), avec la collaboration de N. Portet, Le castrum de Montréal-de-Sos, 16 ans de rec (...)
- 63 J.-B. Marquette et Y. Laborie (dir.), Labrit, castrum de la Grande Lande : aux origines de la famil (...)
17Le château des comtes d’Albon constitue donc une synthèse bienvenue, et une nouvelle référence incontournable, pour la connaissance de l’un des lignages aristocratiques majeurs de la moyenne vallée du Rhône à compter du Moyen Âge central, dont la genèse reste finalement assez peu évoquée par l’historiographie la plus récente et continue d’interroger. Pour en apprécier tous les mécanismes, les éléments rassemblés ici pourront être considérés à la lumière des apports de l’historiographie des deux dernières décennies sur le développement de principautés et autres pouvoirs seigneuriaux dans les dernières années du royaume de Bourgogne. En particulier, les travaux de Laurent Ripart – pour les Humbertiens surtout, mais aussi pour les Guigonides déjà58 – et François Demotz – ce dernier s’étant récemment penché sur l’essor (quelque peu avorté) d’une autre topolignée, celle des Mont en Transjurane59 – ont ainsi fortement mis en avant le rôle de l’effacement progressif du pouvoir royal rodolphien dans l’affirmation de principautés et de seigneuries aux confins du domaine royal60. La publication des fouilles du château d’Albon, dont les vestiges découverts sont essentiellement postérieurs à cette période fondatrice néanmoins, participe encore à étoffer les connaissances sur les châteaux du Dauphiné, aussi alimentées par plusieurs thèses récentes61. La documentation textuelle abondante compilée ainsi que les nombreuses planches de mobilier que l’ouvrage recèle en feront à coup sûr un excellent outil pour les chercheurs et chercheuses s’intéressant à la région, ou plus généralement aux résidences élitaires du second Moyen Âge. L’ouvrage rejoint de fait le nombre encore trop limité de monographies sur des sites élitaires du Moyen Âge central, notamment sur les mottes. On pourra évoquer pour finir les publications récentes des monographies de deux sites similaires, dont la lecture croisée pourra nourrir la réflexion : le castrum de Montréal-de-Sos des comtes de Foix (Ariège)62, et le château à motte des Albret à Labrit (Landes)63, là aussi édifié sur leurs terres ancestrales dans la perspective d’une valorisation dynastique. Au-delà de la simple étude de cas, la réflexion menée à l’échelle du terroir d’Albon, sur plus de mille ans, vient poser la question de l’origine des mottes castrales et étudier le terreau duquel surgit cette forme architecturale. Elle interroge également l’existence d’une forme de mémoire des lieux et de leur importance symbolique, et questionne les stratégies des élites pour capter cet héritage, tout en décortiquant les modalités de leur ancrage territorial sur le long terme, entre continuités et renouvellements.
Notes
1 Jean-Michel Poisson a passé toute sa carrière à l’EHESS, depuis sa fondation en 1977 jusqu’à son départ en retraite en 2016 ; il en est encore aujourd’hui membre associé, de même que Vincent Buccio.
2 Voir C. Mazard, « À l’origine d’une principauté médiévale : le Dauphiné, xe-xie siècle. Le temps des châteaux et des seigneurs », in V. Chomel (éd.), Dauphiné, France. De la principauté indépendante à la province (xiie-xviiie siècles), Grenoble, 1999, p. 7‑35, ici p. 11-12, ou encore L. Ripart, « Du royaume aux principautés (Savoie-Dauphiné, xe-xie siècles) » in C. Guilleré, J.-M. Poisson, L. Ripart et C. Ducourthial (éd.), Le royaume de Bourgogne autour de l’an Mil, Chambéry, 2008, p. 247-276, ici p. 248. Les origines du lignage font encore quelque peu débat, cf. infra note 21.
3 Sur cette notion, voir A. Guerreau-Jalabert, « Parenté », in J. Le Goff et J.-C. Schmitt (dir.), Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Paris, 1999, p. 861‑876.
4 J.-M. Poisson, « De la villa au castrum : l’habitat rural dans la châtellenie dauphinoise d’Albon de la fin de l’Antiquité au xiie siècle », in L. Feller, P. Mane et F. Piponnier (éd.), Le village médiéval et son environnement. Études offertes à Jean-Marie Pesez, Paris, 1998, p. 571‑586 ; Id., « Le stockage des grains en silos sur le site castral d’Albon (Drôme), xie-xiiie s. », in J. de Meulemesteer et P. Gillet (dir.), Mélanges d’archéologie médiévale. Liber amicorum en hommage à A. Matthys, Namur, 2006, p. 168‑177 ; J.-M. Poisson et J. de Meulemeester, « La Tour d’Albon (Drôme, France) et le Dauphiné : relation entre le symbolisme d’un château dynastique et l’évolution de son territoire », in G. Helmig, B. Scholkmann et M. Untermann (dir.), Centre – Region – Periphery : Medieval Europe, Hertingen, 2002, p. 91-95.
5 A. Matthys, J.-M. Poisson et J. de Meulemeester, « Structures emmottées : une comparaison d’exemples fouillés récemment en Belgique et en Rhône-Alpes », in G. de Boe et F. Verhaeghe, Military studies in Medieval Europe. Papers of the « Medieval Europe Brugge 1997 », Bruges, 1997, t. 11, p. 139‑148 ; J.-M. Poisson, « Mottes castrales et autres fortifications médiévales de terre et de bois : état de la question en France », in S. Felgenhauer-Schmiedt, P. Csendes et A. Eibner (éd.), Motte – Turmhügelburg – Hausberg. Zum europäischen Forschungsstand eines mittelalterlichen Burgentypus, Beiträge zur Mittelalterarchäologie in Österreich, Vienne, 2007, p. 47‑60.
6 Ces mélanges ont été rassemblés par P. Collomb, J.-L. Gaulin et L. Moulinier-Brogi à l’occasion du départ en retraite de J.-M. Poisson. J.-M. Poisson, Châteaux médiévaux dans l’espace rhodanien : territoires, constructions, économie, Lyon, 2018.
7 L’ouvrage lui est dédié. Pour plus d’informations sur les travaux de cet archéologue spécialiste du phénomène castral, notamment en Belgique, cf. P. Mignot et J.-M. Poisson, « In Memoriam Johnny De Meulemeester 1946-2009 », in P. Ettel, A.-M. Flambard Héricher et T. E. McNeill, Château et représentations, Caen, 2018, p. 3-4.
8 Inscrit aux Monuments historiques depuis 1982, le site a été classé en juin 2012. Sur les difficultés entraînées par ce classement, voir l’article de J. Tardieu, J. O. Guilhot et F. Goven, « La mise en valeur, au risque de la destruction : l’exemple de la tour d’Albon (Drôme) », in Archéologie et monuments historiques, Paris, 2014, p. 72-77.
9 S’il est annoncé que « l’ensemble des comptes de la châtellenie a été édité par Frédéric Chartrain sur la plateforme castellanie.net » (p. 286), il n’a pas été possible de retrouver les comptes en question sur le site après vérification (au 11 juin 2023).
10 La question a suscité d’innombrables ouvrages depuis les travaux fondateurs de Jan Dhondt et Jean-François Lemarignier. On citera entre autres nombreuses références, pour la région au sens large : J.-P. Poly, La Provence et la société féodale : 879-1166. Contribution à l’étude des structures dites féodales dans le Midi, Paris, 1976 ; M. Gaillard, M. Margue, A. Dierkens et H. Pettiau (éd.), De la mer du Nord à la Méditerranée : Francia Media, une région au cœur de l’Europe (c. 840-c. 1050), Luxembourg, 2011. Plus généralement, on pourra consulter : B. Demotz, G. Bischoff, J.-M. Cauchies et P. Racine (éd.), Les principautés dans l’Occident médiéval : à l’origine des régions, Turnhout, 2008 ; ou encore le récent ouvrage de G. Bührer-Thierry, S. Patzold et J. Schneider (éd.), Genèse des espaces politiques (ixe-xiie siècle). Autour de la question spatiale dans les royaumes francs et post-carolingiens, Turnhout, 2018. Voir infra pour les références propres à la Bourgogne rodolphienne, irriguées par cette problématique.
11 F. Demotz, La Bourgogne, dernier des royaumes carolingiens, 855-1056 : roi, pouvoirs et élites autour du Léman, Lausanne, 2008, a mis en avant l’année 1056 (date de la mort de l’empereur germanique Henri III, dernier roi couronné de Bourgogne), comme borne de la fin du royaume, plutôt que celle traditionnellement avancée de 1032, année de la mort du dernier roi rodolphien Rodolphe III. C’est dans les mêmes années que le pouvoir politique des Guigonides s’affirme : ils portent le titre de « comte » (comes) sans précision géographique vers 1034-1035, de « prince de la province de Grenoble » (Gratianopolitanae provinciae princepts) en 1050, et enfin de « comte du château d’Albon » (Wigo Dei indultu oppidi Albionis comes) en 1079. Voir L. Ripart, « Du royaume aux principautés… », op. cit., p. 267 (n. 63), 272 (n. 74) et 274 (n. 83).
12 Les travaux sur l’histoire du royaume de Bourgogne se sont multipliés depuis la fin du xxe siècle et l’article de G. Sergi, « Genesi di un regno effimero : la Borgogna di Rodolfo I », Bollettino storico-bibliografico subalpino, 87 (1989), p. 5-44. En plus des nombreux travaux monographiques cités au long de cette note de lecture, on renvoie vers les ouvrages collectifs suivants : P. Paravy (dir.), Des Burgondes au Royaume de Bourgogne, ve-xe siècle : espace politique et civilisation, Grenoble, 2002 ; C. Guilleré et alii, Le royaume de Bourgogne…, op. cit. ; A. Wagner et N. Brocard (dir.), Les Royaumes de Bourgogne jusqu’en 1032 à travers la culture et la religion, Turnhout, 2018 ; J. Nowak et J. Rüdiger (dir.), Zwischen Basel und Marseille : Das Burgund der Rudolfinger (9.-11. Jahrhundert), Bâle, 2019 ; et vers la récente thèse de V. Borrel, Évolutions, circulations, et utilisations monétaires médiévales sur l’espace du royaume de Bourgogne-Provence ou royaume d’Arles et de Vienne (Haut Moyen Âge, Moyen Âge central, viiie-début xive siècle), thèse de doctorat, université Paris sciences et lettres, Paris, 2020.
13 Idée présente, par exemple, chez M. Colardelle et C. Mazard, « Les mottes castrales et l’évolution des pouvoirs dans les Alpes du Nord. Aux origines de la seigneurie », Château-Gaillard, 11 (1983), p. 69-89, ici p. 74.
14 Voir J.-M. Pesez, « Approches méthodologiques d’un recensement général des fortifications de terres médiévales », Château-Gaillard, 12 (1985), p. 79-90, ou encore E. Zadora-Rio, « Les essais de typologie des fortifications de terre médiévales en Europe : bilan et perspectives », Archéologie médiévale, 15 (1985), p. 191‑196 ; présentation historiographique dans L. Bourgeois, « Les résidences des élites et les fortifications du haut Moyen Âge en France et en Belgique dans leur cadre européen : aperçu historiographique (1955-2005) », Cahiers de civilisation médiévale, 49-194 (2006), p. 113‑141.
15 Les auteurs ne donnent pas d’exemple. Voir pour la région les cas de la motte de Villars-les-Dombes (Ain), également fouillée par Jean-Michel Poisson et du château de Clermont (Chirens, Isère), fouillé par Chantal Mazard. Cf. J.-M. Poisson, « Église et château sur le site de Villars (Ain) : archéologie et histoire », in P. Guichard, M.-T. Lorcin et M. Rubellin (dir.), Papauté, monachisme et théories politiques, t. 2 (Les Églises locales), Lyon, 1994, p. 763-775, et C. Mazard, « Chirens (Isère). Château de Clermont », Archéologie médiévale, 22 (1992), p. 487-488. Plus largement en France, voir les exemples des mottes de Boves (Somme, xe-xvie siècle) et Guéramé (Sarthe, jusqu’aux xiiie-xive siècles) : A. Valais, L. Schmitt et E. Coffineau, « La motte castrale de Guéramé à Courgains (Sarthe), aux confins du Maine et du Perche », Revue archéologique de l’Ouest, 27 (2010), p. 149-170 ; ou encore de Labrit (Landes, voir infra) ; un retour sur cette diffusion durable est proposé dans A. Renoux, « Châteaux, palais et habitats aristocratiques fortifiés et semi-fortifiés », in J. Chapelot (dir.), Trente ans d’archéologie médiévale en France : un bilan pour un avenir, Caen, 2010, p. 239-256, en particulier p. 241-242.
16 Outre une chronologie moins resserrée qu’initialement évoquée, l’emmottement est parfois tardif dans la trajectoire des sites considérés (cf. infra).
17 Ainsi, la présence très limitée des mottes dans le diocèse de Genève continue d’interroger, voir M. Colardelle et alii, « Premiers résultats des recherches sur les “mottes” médiévales en Dauphiné et en Savoie », Archéologie médiévale, 9 (1979), p. 65‑95, et plus récemment L. Benoît, Bâtir et habiter un château dans l’ancien diocèse de Genève (xiie-xvie siècles) : formes, organisations et constructions, thèse de doctorat en histoire, université Lyon 2, Lyon, 2022, p. 192.
18 G. de Manteyer, Les origines du Dauphiné de Viennois, Gap, 1925, 2 vol.
19 J.-P. Poly, « Le Sermorens au miroir de l’évêque », in É. Bournazel et J.-P. Poly (dir.), Les féodalités, Paris, 1998, p. 111-206.
20 Mais celle-ci remet en question (sans trancher) l’idée que le domnus Guigo de 933-934 soit une tige des Guigonides, en soulignant que le cognomen Guigo est très répandu au xe siècle dans la région, cf. C. Mazard, « À l’origine… », op. cit. p. 10-11.
21 C. Mazard (« À l’origine… », ibid., p. 10, n. 12) s’inscrit contre cette hypothèse en s’appuyant sur la thèse de P.-Y. Laffont, Châteaux, pouvoirs et habitats en Vivarais, xe-xiiie siècles, thèse de doctorat en histoire, université Lyon 2, Lyon, 1998, 4 vol. ; mais celui-ci a revu sa position à la lueur des travaux de L. Grimaldi, Le Viennois du monde carolingien au début des temps féodaux, fin du ixe-xie siècle : évolution institutionnelle et sociale, thèse de doctorat en histoire du droit, université de Clermont 1, Clermont-Ferrand, 2002, dont il résume les principaux apports dans P.-Y. Laffont, Châteaux du Vivarais : pouvoirs et peuplement en France méridionale du Haut Moyen Âge au xiiie siècle, Rennes, 2009, p. 104 (n. 12 et 13), p. 120-122 et n. 34. La thèse de L. Grimaldi est malheureusement introuvable aujourd’hui en bibliothèque. G. Giordanengo – Le droit féodal dans les pays de droit écrit : l’exemple de la Provence et du Dauphiné, Rome, 1988, p. 5-25 et tableau hors texte –, ainsi que L. Ripart – Les fondements idéologiques du pouvoir des premiers comtes de Savoie (de la fin du xe au début du xiiie siècle), thèse de doctorat en histoire, université de Nice, 1999, p. 172-186 –, et A. Le Coq – « La trajectoire des Guigues d’Albon : réseaux et lieux de pouvoir, xe-xiie siècle », Florilegium, 29 (2012), p. 201‑227 – n’évoquent pas les Rostaing et font débuter l’histoire des Guigonides avec les traditionnels actes de 996. La plupart de ces travaux se trouvent dans la bibliographie finale de l’ouvrage, mais ils ne sont pas toujours cités en note.
22 Sur ces vicomtes, voir aussi G. Castelnuovo, « Les élites des royaumes de Bourgogne (milieu ixe-milieu xe siècle) », in R. Le Jan (dir.), La royauté et les élites dans l’Europe carolingienne, du début du ixe aux environs de 920, Lille, p. 383-408, n. 74-77, mais qui interrompt son propos avant la fin du xe siècle.
23 Sur ce point, voir en particulier L. Ripart, « Du royaume aux principautés… », op. cit., p. 260-263.
24 Il s’agit des châteaux d’Albon, Clérieux, Serves, Vals, Moras et Chevrières, cf. C. Mazard, « À l’origine… », op. cit., p. 12.
25 L. Ripart, « Du royaume aux principautés… », op. cit., p. 272 (n. 75) et 274 (n. 83).
26 Voir, pour des comparaisons en France, le bilan réalisé par A. Renoux, « Châteaux, palais et habitats… », op. cit., p. 246-247 et 250 ; à l’étranger, voir le palais ottonien d’Ename en Belgique : D. Callebaut, « Résidences fortifiées et centres administratifs dans la vallée de l’Escaut (ixe-xie siècle) », in P. Demolon, H. Galinié, et F. Verhaeghe (éd.), Archéologie des villes dans le Nord-Ouest de l’Europe (viie-xiiie siècle), Caen, 1994, p. 93-112.
27 Vraisemblablement édifié dans le dernier tiers du xiiie siècle, après que Géraud Adhémar de Monteil ait été reconnu feudataire direct de l’Empire en 1164. M. Bois, « Le château des Adhémar à Montélimar », in 150e session du Congrès archéologique de France, Moyenne vallée du Rhône, 1992, Paris, 1995, p. 208-221 ; Id., « Les palais des Adhémar à Saint-Paul-Trois-Châteaux et à Montélimar (Drôme) du milieu du xiie au milieu du xiiie siècle », in P. Boucheron et J. Chiffoleau (dir.), Les Palais dans la ville. Espaces urbains et lieux de la puissance publique dans la Méditerranée médiévale, Lyon, 2004, p. 57-73.
28 A. Clavier, Le château des dauphins : Beauvoir-en-Royans, Grenoble, 20092 [1998].
29 G. Fournier, Le peuplement rural en Basse Auvergne durant le haut Moyen Âge, Paris, 1962.
30 M. de Boüard, « De l’aula au donjon. Les fouilles de la motte de La Chapelle, à Doué-la-Fontaine (xe-xie siècle) », Archéologie médiévale, 3 (1973), p. 5‑110.
31 L. Blondel, Châteaux de l’ancien diocèse de Genève, Genève, 1956. Je remercie chaleureusement Florentin Briffaz pour ses conseils bibliographiques concernant la castellologie suisse et savoyarde.
32 Par exemple l’emblématique article de L. Blondel, « L’architecture militaire au temps de Pierre II de Savoie. Les donjons circulaires », Genava, 13 (1935), p. 271-321, et d’innombrables notices dans la revue Vallesia. Voir A. Donnet et L. Blondel, Châteaux du Valais, 19822 [1963], p. 5-12 pour un bilan de cette production.
33 D. de Raemy, Châteaux, donjons et grandes tours dans les États de Savoie (1230-1330). Un modèle : le château d’Yverdon, Lausanne, 2004, 2 vol. ; Id. (dir.), Chillon, la chapelle, Lausanne, 1999.
34 Voir J.-D. Morerod et J. Bujard, « Colombier (Neuchâtel), de la villa au château. L’archéologie à la recherche d’une continuité », in R. Windler et M. Fuchs (dir.), De l’antiquité tardive au haut Moyen Âge (300-800). Kontinuität und Neubeginn, Bâle, 2002, p. 49-57, et plus récemment C. de Reynier, J. Bujard et C. Piguet, Colombier, de la villa romaine au château. 2000 ans d’histoire monumentale, Neuchâtel, 2020.
35 Voir Neuchâtel et le royaume de Bourgogne, in Revue historique neuchâteloise, 150/3-4 (2013).
36 Sur cette archéologie rhônalpine, voir le panorama historiographique dressé par L. d’Agostino, « L’archéologie des châteaux des Alpes du Nord : nouvelles approches, nouvelles méthodes ? », in J. Coppier et H. Maurin (dir.), Aux sources de l’histoire des châteaux, Annecy, 2016, p. 28-41.
37 M. Colardelle et alii, « Premiers résultats… », op. cit.
38 E. Boucharlat, M. Bois, A. Bouvier et C. Mazard, Châteaux de terre : de la motte à la maison-forte. Histoire et archéologie médiévale dans la région Rhône-Alpes. Catalogue d’exposition, juin 1987-décembre 1988, Lyon, 1987 ; M. Bois, M.-P. Feuillet, P.-Y. Laffont, C. Mazard, J.-M. Poisson et E. Sirot, « Approche des plus anciennes formes castrales dans le royaume de Bourgogne-Provence (xe-xiie s.) », Château-Gaillard, 16 (1994), p. 57‑68 ; I. Remy, « Étude archéologique et architecturale du site castral de Ratières (Drôme) », Archéologie du Midi médiéval, 13 (1995), p. 171-185. Pour un rappel du développement de cette historiographie régionale, et du rôle joué par Jean-Michel Poisson, on renvoie à L. Schneider, « Introduction à une archéologie médiévale sereine », in J.-M. Poisson (dir.), Châteaux médiévaux…, op. cit., p. 9‑12.
39 M. Fixot, « La motte et l’habitat fortifié en Provence médiévale », Château-Gaillard, 7 (1975), p. 67-93.
40 D. Mouton, « Deux mottes dans un terroir provençal en transformation : Saint-Paul-Lès-Durance, xie-xiiie siècles », Archéologie médiévale, 24 (1994), p. 199‑249 ; Id., Mottes castrales en Provence : les origines de la fortification privée au Moyen Âge, Paris, 2008 ; Id., La Moutte d’Allemagne-en-Provence : un castrum précoce du Moyen Âge provençal, Arles, 2015.
41 Fouilles non publiées du site castral de Notre-Dame. Voir par exemple M. Varano et D. Mouton, « Allemagne-en-Provence (Alpes-de-Haute-Provence). Notre-Dame », Archéologie médiévale, 51 (2021), p. 242-243.
42 Parmi d’autres : M. Bois, Le sud du département de la Drôme entre le xe et le xiiie siècle : l’organisation du terroir, fortifications et structures d’habitat, thèse de doctorat en histoire et civilisation, université de Provence, Aix-Marseille, 1993, 4 vol. ; M.-P. Estienne, Châteaux médiévaux dans les Baronnies : xe-xive siècles, Lyon, 2008 ; P.-Y. Laffont, Atlas des châteaux du Vivarais, xe-xiiie siècles, Lyon, 2004.
43 Pour les mottes du Dauphiné, A. Bouvier et alii, « La motte castrale de Décines-Charpieu (Rhône) », Archéologie médiévale, 22 (1992), p. 231‑307 reste l’une des publications les plus étoffées ; sur l’habitat élitaire autour de l’an Mil, l’incontournable ouvrage de M. Colardelle et É. Verdel (éd.), Les habitats du lac de Paladru (Isère) dans leur environnement. La formation d’un terroir au xie siècle, Paris, 1993 vient d’être complété par une imposante monographie de 1 100 pages : M. Colardelle, J.-P. Moyne et É. Verdel (éd.), L’habitat fortifié de Colletière à Charavines et le pays du lac de Paladru au xie siècle, Caen, 2024, 2 vol. Depuis la synthèse sur Albon, est également paru M.-C. Bailly-Maître (dir.), Vivre en montagne au Moyen Âge. Les objets racontent l’histoire de l’argenteria de Brandis. Huez-Alpe d’Huez, xiie-xive siècles, Lyon, 2024.
44 J.-M. Poisson, « Mottes castrales… », op. cit., 2007, réédité in Id., Châteaux médiévaux dans l’espace rhodanien…, op. cit., 2018, p. 183 (n. 20).
45 B. Oury et alii, Fortifier les Alpes au Moyen Âge (ve-xvie siècles), du Rhône à la Durance, Projet collectif de recherches, rapport final de synthèse 2020-2022, Ciham-UMR 5648, Lyon, 2023.
46 Thierry Gonon, qui étudie les deux moules, avance pourtant plutôt une datation du xiie siècle (p. 90) au regard de comparaisons régionales.
47 Voir entre autres D. Martinez et alii, « L’église paléochrétienne de l’établissement fortifié de hauteur de La Couronne à Molles (Allier, Auvergne) », Archéologie médiévale, 48 (2018), p. 1‑36.
48 A. Matthys et alii, « Structures emmottées… », op. cit., p. 141.
49 Cette organisation, comme les dimensions de l’aula (23 x 9 m), rappelle celles de l’aula comtale d’Andone (commune de Villejoubert, Charente). Voir L. Bourgeois (dir.), Une résidence des comtes d’Angoulême autour de l’an Mil : le castrum d’Andone (Villejoubert, Charente), Caen, 2009.
50 Pour des exemples belges de cette architecture ottonienne, voir A. Matthys et alii, « Structures emmottées… », op. cit., avec une référence au palais d’Ename (Belgique) déjà évoqué, qui associe dans un seul bâtiment de plan rectangulaire les trois pôles aula/camera/capella. Voir D. Callebaut, « Résidences fortifiées… », op. cit.
51 « La Tour d’Albon… », op. cit. Voir aussi J.-M. Poisson, « Le château des comtes d’Albon (“La Tour”, commune d’Albon) » in M. Bois et C. Burgard, Fortifications et châteaux dans la Drôme : des premières positions défensives aux châteaux de plaisance, Paris, 2004, p. 46-48, ici p. 48.
52 Sur les caractéristiques architecturales et la diffusion de ce modèle dans la moyenne vallée du Rhône, voir notamment P.-Y. Laffont, Châteaux du Vivarais…, op. cit., p. 240-250 et M. Bois, Le sud de la Drôme…, op. cit., t. 1, p. 141-146.
53 Au contraire de Moras, devenue l’une des châtellenies les plus rentables du Dauphiné, à la suite de l’incastellamento de la population environnante impulsé par les Guigonides selon N. Payraud, Châteaux, espace et société en Dauphiné et en Savoie : du milieu du xiiie siècle à la fin du xve siècle, thèse de doctorat en histoire, université Lyon 2, Lyon, 2009, p. 140-193 ; Id., « Aux origines du Dauphiné : les châteaux de Moras et de Mantaille autour de l’an mil », communication inédite dans le cadre de la journée d’étude organisée par Philippe Mignot et Jean-Michel Poisson, Archéologie des résidences aristocratiques du xe siècle dans la Francia Media, mai 2011, texte disponible en ligne [https://shs.hal.science/halshs-00998020].
54 A. Bouvier et alii, « La motte castrale… », op. cit.
55 Voir en dernier lieu M. Colardelle et alii, L’habitat fortifié…, op. cit.
56 L. Bourgeois (dir.), Une résidence…, op. cit.
57 Si l’on comprend le souci d’alléger la mise en page, on aurait pu imaginer au moins l’ajout d’une légende générique en annexe à laquelle se référer au besoin.
58 L. Ripart, Les fondements…, op. cit. ; Id., « Le royaume de Bourgogne (888-début du xiie siècle) », in T. Deswarte et G. Bührer-Thierry (dir.), Pouvoirs, église et société dans les royaumes de France, de Germanie et de Bourgogne, de 888 au début du xiie siècle, Paris, 2008, p. 72-98 ; Id., « Du royaume aux principautés… », op. cit. ; et Id., « Le royaume rodolphien de Bourgogne (fin ixe-début xie siècle) », in M. Gaillard et alii, De la mer du Nord à la Méditerranée…, op. cit., p. 429-452.
59 F. Demotz, La Bourgogne…, op. cit. ; Id., « Le processus seigneurial en zone royale bourguignonne : l’exemple des Mont (ixe-xie siècle) », Bulletin du Centre d’études médiévales d’Auxerre, 22.1 (2018), en ligne [https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cem/15205].
60 Pour un aperçu des mécanismes d’ascension des pouvoirs seigneuriaux hors du centre domanial des Rodolphiens, mais toujours dans la zone d’influence royale, voir P. Ganivet, Recherches sur l’évolution des pouvoirs dans les pays lyonnais de l’époque carolingienne aux lendemains de l’an mil, thèse de doctorat en histoire du droit, université de Clermont-Ferrand 1, Clermont-Ferrand, 2000.
61 Ainsi N. Payraud, Châteaux…, op. cit. ; B. Oury, Exploitation minière et implantation castrale en Dauphiné médiéval (xe-xve siècles) : surveiller, organiser et prélever la production minière, thèse de doctorat en histoire, EHESS, Paris, 2018, 3 vol. ; L. Benoît, Bâtir…, op. cit.
62 F. Guillot (dir.), avec la collaboration de N. Portet, Le castrum de Montréal-de-Sos, 16 ans de recherches archéologiques sur une fortification des Pyrénées ariégeoises, Carcassonne, 2017.
63 J.-B. Marquette et Y. Laborie (dir.), Labrit, castrum de la Grande Lande : aux origines de la famille d’Albret, Bordeaux, 2021.
Haut de pagePour citer cet article
Référence électronique
Anna Lafont-Chardin, « À propos d’une monographie sur le château des comtes d’Albon : la résidence lignagère au service d’un ancrage territorial et symbolique », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA [En ligne], 28.1 | 2024, mis en ligne le 19 juillet 2024, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cem/20720 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/123jk
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page