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La lettre des frères pontifes contenant la Vita lyonnaise de saint Bénezet (1245) : une forgerie au service d’un récit fondateur lyonnais ?

Jean-Benoît Krumenacker

Résumés

Malgré la falsification de la bulle accompagnant le document original, le texte de la Vita lyonnaise de Bénezet est généralement considéré comme une authentique lettre des frères du pont au premier concile de Lyon. Jusqu’à aujourd’hui, ce texte a surtout été utilisé par les historiens avignonnais parlant du pont d’Avignon ou de Bénezet son fondateur, sans lien avec le contexte lyonnais de son écriture. Mais, en mettant en rapport ce document avec les archives lyonnaises, de nouvelles observations peuvent être faites qui, à la fois, excluent les frères avignonnais de la rédaction de ce document, mais surtout posent d’importants problèmes de dates et de cohérence interne. Ces éléments suggèrent alors une forgerie de la fin du Moyen Âge ou du début de la Renaissance pour donner une histoire au pont lyonnais qui ne semble pas en avoir au moment où les bourgeois lyonnais redécouvrent l’histoire de leur ville.

Haut de page

Notes de la rédaction

Historique
Reçu : 23 février 2024 – Accepté : 1er mars 2024

Texte intégral

  • 1 Bibliotheca hagiographica latina, Bruxelles, 1898, t. 1, p. 164, n° 1097-1100.
  • 2 Acta sanctorum, Aprilis, t. 2, Anvers, 1675, p. 257, § 12-16 ; Bibliotheca hagiographica latina, n° (...)
  • 3 D’après la ville actuelle de conservation.
  • 4 GParadin, Mémoires de l’histoire de Lyon, Lyon, 1573, p. 141-142.
  • 5 Montpellier, Bibliothèque universitaire historique de médecine, ms. H 97, vol. 32, pièce 112.
  • 6 La première édition, d’un auteur anonyme, a été réalisée en 1873 d’après la copie d’Étienne Baluze (...)
  • 7 A. Barré de Saint-Venant, Saint Bénezet, patron des ingénieurs, Bourges, 1889, p. 26-29 (traduction (...)
  • 8 F. Lefort, « Un manuscrit du xiiie siècle relatif à la construction des premiers ponts sur le Rhône (...)
  • 9 Pour une synthèse récente et fiable (et ne s’attardant donc pas sur Bénezet) sur le pont d’Avignon, (...)
  • 10 A. Breton, S. Gagnière, É. Mognetti et H. Pichou, « Saint Bénézet, dossier publié à l’occasion de l (...)
  • 11 F. Lefort, « Un manuscrit du xiiie siècle… », op. cit., p. 220-221.
  • 12 D.-M. Marié (Le pont Saint-Bénézet : étude historique et archéologique d’un ouvrage en partie dispa (...)

1La légende de saint Bénezet est connue1, entre autres, par deux Vitae médiévales : l’une dite avignonnaise2, la seconde dite lyonnaise, d’après leurs lieux de rédaction. Le texte de la Vita lyonnaise – parfois aussi appelée montpelliéraine3 – provient d’un unique parchemin portant la date de 1245, écrit et longtemps conservé à Lyon. Le texte est bien connu depuis le xvie siècle grâce à une traduction libre de Guillaume Paradin publiée dans ses Mémoires de l’histoire de Lyon4. Passé entre les mains de Samuel Guichenon puis de Laurent Pianello, auprès de qui Étienne Baluze en fait une copie, le parchemin original est retrouvé au xixe siècle à la bibliothèque universitaire de Montpellier dans le fonds Guichenon5, après plusieurs siècles de doute sur l’authenticité du texte présenté par Guillaume Paradin. Édité6 et traduit à la fin du xixe siècle par Adhémar Barré de Saint-Venant7 et par Francisque Lefort8, il a été ensuite utilisé par tous les historiens traitant de Bénezet ou du pont d’Avignon9. Il s’accorde, en effet, assez bien avec la Vita avignonnaise et apporte quelques détails supplémentaires, comme le nom du village d’origine du jeune homme ou son âge, qui ont été repris dans l’hagiographie de Bénezet dès l’époque moderne. Il assure également que Bénezet est le fondateur du pont sur le Rhône de Lyon, affirmation peu reprise, car difficilement assurée, mais que l’on retrouve quand même dans des travaux relativement récents10, sans recul sur la fiabilité de cette seule pièce. Pourtant, le document original de la Vita lyonnaise possède des éléments de falsification connus depuis longtemps. Le parchemin porte, en effet, une bulle de plomb du pape Innocent IV alors même que ce pontife n’est pas l’auteur du document, qui ne porte aucune trace des pratiques de la chancellerie pontificale. Guillaume Paradin en a pourtant fait une bulle d’Innocent IV et les auteurs postérieurs ont tenté d’expliquer la présence de cette bulle par un soutien du pape aux indulgences liées au document. À la fin du xixe siècle, F. Lefort montre néanmoins que la bulle est mal insérée et qu’il s’agit certainement d’une fraude11. L’authenticité du texte, qui concorde avec l’histoire avignonnaise, n’est néanmoins pas remise en cause12. Les historiens lyonnais n’ont, depuis Guillaume Paradin, pas prêté attention à cette pièce qui ne les concerne guère si ce n’est par l’allusion au pont de Lyon, rarement reprise. Or, avec l’éclairage de la documentation lyonnaise, cette pièce pose de nombreux problèmes qui permettent de suspecter une falsification plus importante et tardo-médiévale. Après avoir décrit le document de la Vita lyonnaise, nous présenterons les problèmes qu’il pose pour tenter de comprendre comment est née cette pièce.

1. La Vita de saint Bénezet

  • 13 A. Barré de Saint-Venant a compilé et traduit six de ces chroniques (Saint Bénezet…, op. cit., p. 5 (...)
  • 14 C. Neel, « Man’s Restoration : Robert of Auxerre and the Writing of History in the Early Thirteenth (...)
  • 15 Elle n’a été signalée curieusement qu’en 1984, voir A. Breton et alii, « Saint Bénézet… », op. cit.(...)
  • 16 On note plusieurs interventions à la première personne dans le récit de l’Anonyme sur Bénezet. Par (...)
  • 17 Avignon, Archives municipales, boîte Pintat 27/852.
  • 18 A. Barré de Saint-Venant, Saint Bénezet…, op. cit., p. 58-69.
  • 19 A. Barré de Saint-Venant, Saint Bénezet…, ibid., p. 87-90 ; D.-M. Marié, Le pont Saint-Bénézet…, op (...)

2La documentation médiévale autour de saint Bénezet est assez abondante et consiste en chroniques13, dans les deux Vitae ci-dessus et en une enquête copiée avec la Vita avignonnaise. Parmi les nombreuses chroniques, deux seulement sont indépendantes et quasi-contemporaines de Bénezet (†1184). La plus connue est la Chronologia de Robert d’Auxerre (1156-1212), qui est une source importante du Speculum historiale de Vincent de Beauvais14, que reprennent ensuite les autres chroniqueurs médiévaux. Robert d’Auxerre s’intéresse beaucoup à la croisade des Albigeois et évoque les événements avignonnais de la vie de Bénezet. La seconde chronique, celle de l’Anonyme de Laon (vers 1220), un prémontré d’origine anglo-saxonne, n’a eu aucune postérité et n’a été rattachée que très récemment aux études sur Bénezet15. S’intéressant plutôt aux affaires de Flandre et de Normandie, l’Anonyme de Laon paraît avoir vu personnellement Bénezet16 et décrit ses passages dans le nord de la France, probablement afin de quêter pour son pont, entouré d’une foule immense, du petit peuple jusqu’à des évêques et des abbés. Les deux Vitae, bien postérieures, présentent un récit surtout centré sur les miracles associés à la fondation du pont d’Avignon. La Vita avignonnaise est connue par un document de la seconde moitié du xiiie siècle17, ainsi que par des copies postérieures et une traduction médiévale en occitan18. L’office pour la fête de saint Bénezet, approuvé en 1331, comprend également des extraits de cette Vita avignonnaise19.

3La Vita lyonnaise est transmise par un feuillet de parchemin de 40 centimètres sur 40, muni d’une bulle de plomb d’Innocent IV avec lacs de soie rouge et jaune. Le texte est en fait une lettre constituée d’une suscription nommant son auteur – « Les frères qui poursuivent le pont sur le Rhône » – et ses destinataires – « les très saints pères en Christ archevêques, évêques, abbés, prieurs, doyens […] et tous les fidèles » –, suivie d’une introduction sur le signe éclatant de Dieu en Bénezet et la nécessité de répandre son histoire pour donner gratuitement ce qui a été reçu gratuitement (Mt 10, 8). Là commence véritablement la Vita du saint, qui est immédiatement suivie d’une liste d’indulgences accordées par des papes, des évêques et des abbés aux bienfaiteurs du pont. La souscription indique que la lettre a été donnée au concile de Lyon la seconde année du pontificat d’Innocent IV. Il y a là une erreur de date, remarquée depuis le xixe siècle, puisque le concile se tint dans la troisième année du pontificat de ce pape. Avec cette forme épistolaire, où la Vita est suivie de la liste des indulgences promises aux bienfaiteurs, on considère généralement que le document était associé aux campagnes de quêtes pour le pont, et rédigé à la fois en direction des fidèles pour obtenir des dons, et des autorités religieuses pour autoriser et soutenir ces quêtes.

  • 20 A. Barré de Saint-Venant (ibid., p. 62) propose d’y voir Charlemagne que l’on retrouve dans la Vita (...)
  • 21 Nous ne voyons pas en quoi la Vita lyonnaise l’est moins.

4Dans les grandes lignes, la Vita lyonnaise et la Vita avignonnaise ont un récit semblable. Alors qu’il garde le troupeau de sa mère, un enfant, prénommé Benoît, entend une voix divine qui lui commande d’aller bâtir un pont sur le Rhône. Guidé par un ange, il arrive à Avignon où il annonce sa mission. Rejeté une première fois, il rencontre le prévôt qui lui donne une énorme pierre pour se moquer de lui. Arrivant miraculeusement à la soulever, il convainc la ville de la volonté divine de sa mission. En dehors de cette trame principale, les deux récits divergent par bien des détails, en particulier pour les événements se déroulant à Avignon. La Vita avignonnaise est plus longue avec quelques éléments supplémentaires, comme le batelier juif blasphémateur qui extorque l’argent de Bénezet pour lui faire passer le Rhône. Du point de vue de la lettre du texte, il n’y a rien de semblable entre les deux Vitae, si ce n’est quelques mots épars et non significatifs. On ne peut donc établir aucune filiation entre elles et il faut exclure l’existence d’un ancêtre commun écrit. Seule la réponse de Bénezet à l’ange est la même dans les deux récits, à l’ordre des mots près : « Quis es tu domine qui loqueris mihi ? ». Mais il s’agit d’une réminiscence biblique (Ac 9, 5) et patristique. Quelques ressemblances existent néanmoins. L’auditoire, par exemple, réagit de la même façon à l’annonce de la volonté de Bénezet de bâtir un pont : convoquer de grands noms du passé qui n’ont pas tenté un pareil chantier. Les listes sont différentes : Dieu, Pierre, Paul et Charles20 sont invoqués dans la Vita avignonnaise, Auguste, Jules et Charlemagne dans la Vita lyonnaise, mais il est étrange de retrouver ce même trait dans les deux récits alors que la confrontation entre Bénezet et la foule est décrite très différemment. Qu’en conclure ? Il existe probablement une source commune aux deux récits mais sans tradition écrite commune. Les hagiographies sont des textes dont les réécritures peuvent être constantes et l’on a probablement ici des textes gardant une même trame générale et quelques traits marquants tout en étant entièrement recomposés. La vie de Bénezet, mise au point par les frères pontifes d’Avignon, c’est-à-dire la Vita avignonnaise, était d’ailleurs destinée à être racontée oralement par les quêteurs cherchant des dons pour l’œuvre du pont. Trompés par la date de 1245, les historiens ont généralement fait de la Vita lyonnaise une version antérieure de la Vita avignonnaise, plus développée et, selon Denis-Marcel Marié, plus merveilleuse21. Or, rien ne permet vraiment de l’affirmer.

  • 22 Sur l’histoire de ce document, voir C. Ducourthial, « Hors et dans la ville : l’emprise de l’Hôtel- (...)
  • 23 D.-M. Marié, Le pont Saint-Bénézet…, op. cit., p. 38-40.
  • 24 Sur les circonstances du début du pont de Lyon, voir J. Rossiaud, « Géochronologie des premiers pon (...)

5La Vita lyonnaise possède un épilogue complètement original par rapport aux autres récits sur Bénezet : après la fondation du pont d’Avignon, le saint part pour Rome afin d’obtenir du pape des indulgences et, revenant par Lyon, fonde également le pont de la Guillotière avec son hôpital pour éviter aux passants le danger de la traversée du fleuve. Cet ajout est la grande originalité de la Vita lyonnaise. Si le document est bien un faux tardo-médiéval, nous pensons que son but est l’insertion de ce passage pour justifier la fondation du pont de Lyon. Dans tous les cas, ce passage est une invention sans réalité historique, même si de nombreux auteurs avignonnais ont accepté ou jugé possible cette attribution à Bénezet. La plus ancienne pièce relative au pont de la Guillotière à Lyon, une bulle de Lucius III donnée à Vérone en 1183 ou 1184, dont l’authenticité est discutée22, mentionne un frère Étienne comme fondateur du pont de Lyon. Denis-Marcel Marié réfute ce passage de la Vita et penche pour une confusion volontaire entre Bénezet et cet Étienne23. Le contexte politique lyonnais, dans lequel le pont est au cœur de conflits juridiques entre la seigneurie d’Ainay et la souveraineté archiépiscopale, rend impossible cette intervention de Bénezet24. En outre, on explique mal l’absence de toute tradition autour de Bénezet à Lyon, mais surtout le silence des chroniqueurs contemporains à ce sujet : Lyon est une ville bien plus importante qu’Avignon à cette époque et les deux ponts sont des ouvrages de grande ampleur. Pourquoi les chroniqueurs, en particulier l’Anonyme de Laon qui ne se préoccupe guère du Midi, auraient-ils attribué à Bénezet le pont d’Avignon et non celui de Lyon ? Un passage par Lyon pour revenir de Rome ne correspond, par ailleurs, à aucune réalité géographique. La voie d’Italie partant de Lyon et passant par Chambéry permet le passage du Mont-Cenis, mais n’est pas la voie la plus directe pour revenir à Avignon. Surtout, cette voie d’Italie possède dès l’Antiquité une bifurcation dans la plaine du Dauphiné permettant au retour d’aller soit au nord-ouest vers Lyon en traversant le Rhône, soit au sud-ouest vers Vienne en restant sur la rive gauche du fleuve. Avignon se trouvant au sud de Vienne et sur la même rive, il est incompréhensible que Bénezet se retrouve à Lyon.

6Il est étonnant d’offrir publiquement en 1245, soixante ans après la fondation présumée du pont de Lyon par Bénezet, un récit assurément faux et que des témoins vivants pourraient démentir. Si le récit n’était pas contredit par le contexte local, sa proximité avec les faits serait une preuve en faveur de son authenticité. Le fait que l’on puisse prouver, au contraire, que le récit est faux, montre qu’il leur est largement postérieur. La date de 1245 et le contexte allégué constituent donc une falsification.

7Il existe, par ailleurs, quelques éléments pouvant rattacher notre Vita lyonnaise à la chronique de l’Anonyme de Laon. Des morceaux de phrases de l’introduction de la Vita lyonnaise peuvent, en effet, être mis en parallèle avec le texte de la chronique. La ressemblance est superficielle, mais on ne trouvait pas de tels parallèles entre les deux Vitae (tab. 1).

Tab. 1 – Similitudes entre la chronique de l’Anonyme de Laon et la Vita lyonnaise.

Chronique de l’Anonyme de Laon

Vita lyonnaise

Juvenis nomine Benedictus, qui opus a seculis inauditum, pontem super Rodanum […] inchoavit et in magna parte complevit.

Puer quidam Benedictus nomine […] onus importabile […] aggressus est, quod ex magna parte completum est ; a seculis enim est inauditum ut aliquis supra Rodanum pontem insiperet.

  • 25 Cela n’explique néanmoins pas son passage à Lyon au retour de Rome. Après avoir reçu des indulgence (...)

8Les deux textes sont également les seuls à donner le lieu d’origine de Bénezet, absent de la tradition écrite avignonnaise. Pour l’Anonyme de Laon, il s’agit du castellum Amillau dans la province de Narbonne, Almilla d’après la Vita lyonnaise. Le toponyme pose quelques problèmes : il est relativement fréquent dans le sud de la France, mais on ne connaît aucun castellum de ce nom. Les identifications traditionnelles au Villard en Ardèche et à Hermillon en Maurienne ne remontent pas au-delà de l’époque moderne et proviennent certainement de la publication par Guillaume Paradin de la Vita lyonnaise. Peut-être l’Anonyme de Laon, qui semble avoir rencontré Bénezet, a-t-il mal compris son lieu d’origine ? Si c’était le cas, la transmission du toponyme à la Vita lyonnaise attesterait d’un lien de copie. Même si le toponyme n’est pas erroné, ce détail, absent des sources avignonnaises et commun à ces deux documents, peut suggérer un lien entre eux. Les déplacements de Bénezet dans le nord de la France, jusqu’à Langres au moins d’après la chronique anonyme, pourraient également justifier sa présence à Lyon25, ce que l’on retrouve dans la Vita lyonnaise. Ces quelques éléments ne peuvent pas prouver la lecture de la chronique anonyme par le rédacteur de la Vita lyonnaise, mais permettent de la supposer, ce qui serait remarquable au vu du peu de postérité de cette chronique. Étant donné la date de cette dernière, il paraît peu probable qu’elle reprenne, à l’inverse, la Vita lyonnaise ou un état antérieur de celle-ci.

  • 26 F. Lefort, « Un manuscrit du xiiie siècle… », op. cit., p. 216.
  • 27 On parle parfois à Lyon d’un viguier ou lieutenant du sénéchal de Lyon à la fin du xiie et au début (...)
  • 28 D.-M. Marié le notait déjà (Le pont Saint-Bénézet…, op. cit., p. 36) et cela nous a été confirmé pa (...)

9Sur le texte de la Vita mentionnons rapidement quelques autres étrangetés. Le notable que le document avignonnais nomme prévôt est appelé viguier (villicus civitatis) dans le texte lyonnais. Comme il n’y a pas de viguier à Avignon, Francisque Lefort essaye d’expliquer que cela provient du contexte lyonnais d’écriture26, mais ce titre n’existe pas non plus à Lyon27. L’origine de ce détail est donc obscure. De même, Bénezet fonde le pont lyonnais pour remplacer le resserrement dangereux (arcto periculoso) où l’on passait auparavant. Mais le problème du passage du Rhône à Lyon est, au contraire, que le fleuve s’étend largement en rive gauche. On voit alors mal ce que le texte peut désigner. S’agit-il seulement d’un topos littéraire sans aucune réalité géographique ? Enfin, plus étonnant et pouvant étayer l’hypothèse d’une falsification postérieure, l’adresse de la suscription – Sanctissimis in Christo patribus archiepiscopis, episcopis, abbatibus, prioribus, decanis… – est extrêmement étrange et apparemment tout à fait unique pour une simple confrérie locale28.

2. La liste des indulgences

10Les indulgences qui suivent le texte de la Vita et qui sont accordées aux bienfaiteurs de l’œuvre du pont sont les suivantes : une rémission d’un an et quarante jours par le pape [Innocent IV], quarante jours par son prédécesseur Grégoire IX, quarante jours par l’archevêque de Lyon, 2 769 jours par les archevêques de Reims, Bourges, Tours, Bordeaux, Rouen, Sens, Vienne, Tarentaise, Arles et de leurs suffragants, et enfin le bénéfice des prières et œuvres des établissements dépendants des abbés de Cluny, Cîteaux, Prémontré, la Chaise-Dieu, Saint-Michel-de-Cluse, des Chartreux et des Hospitaliers.

  • 29 D.-M. Marié, Le pont Saint-Bénézet…, ibid., p. 36. Il pense néanmoins que les indulgences correspon (...)
  • 30 Les indulgences à la suite de la Vita lyonnaise nomment deux papes, un seul pour les indulgences du (...)
  • 31 A. Barré de Saint-Venant, Saint Bénezet…, op. cit., p. 84-86 ; D.-M. Marié, Le pont Saint-Bénézet…,(...)
  • 32 Lyon, Archives municipales, DD 307, pièce 1.
  • 33 D.-M. Marié, Le pont Saint-Bénézet…, op. cit., p. 40.
  • 34 La destruction du pont lors de la prise de la ville est néanmoins probablement relative, cf. S. Bal (...)

11Cette liste d’indulgences n’a guère intéressé les auteurs avignonnais. Elle résolvait pourtant une question que plusieurs se sont posés : qui a écrit le document ? La suscription nomme clairement l’auteur, les fratres pontem super Rodanum, mais sans indiquer leur ville. Or, il existe une confrérie du pont à Avignon comme à Lyon. À l’exception de Denis-Marcel Marié, qui penche explicitement pour Lyon sans se justifier29, mais en estimant que les Lyonnais ont usurpé les indulgences avignonnaises, la plupart des auteurs avignonnais sont plutôt d’avis qu’il s’agit des frères de l’œuvre du pont d’Avignon venus au concile de Lyon. Les indulgences accordées au pont d’Avignon sont relativement bien connues. Adhémar Barré de Saint-Venant a édité, en particulier, une liste des indulgences jusqu’à Jean XXII, mais ne s’étonne guère de la discordance, pourtant importante30, avec celles présentées à la suite de la Vita lyonnaise, pas plus que Denis-Marcel Marié qui reprend cette liste31. Nous avons retrouvé dans les archives lyonnaises une liste de la fin du xive siècle des indulgences accordées aux bienfaiteurs du pont de Lyon32, où, au contraire, la correspondance est presque parfaite. Il n’existe que trois différences mineures : une confusion sur le nombre de jours remis par Innocent IV – cent d’après la liste lyonnaise ou un an et quarante jours d’après la Vita lyonnaise –, une autre confusion de jours dans l’indulgence de l’archevêque de Lyon (quarante ou cinquante) et la présence, sur la liste d’une dizaine d’archevêques ayant donné une indulgence commune, de l’archevêque de Vienne dans la Vita alors qu’il est absent dans la pièce d’archive lyonnaise. Nous pouvons donc attester que la Vita lyonnaise est bien liée à la confrérie autour du pont de Lyon. Il peut sembler étrange, néanmoins, que la ville de l’œuvre ne soit jamais indiquée explicitement. Cela pourrait cependant s’expliquer si le document était destiné à des quêtes et que des députés de l’œuvre du pont l’accompagnent et le complètent oralement. Reste néanmoins un paradoxe difficilement explicable. Le récit de la fondation du pont d’Avignon occupe 80 % de la Vita et est ponctué de miracles et d’interventions divines quand le voyage en Italie puis la fondation du pont de Lyon ne représentent que 20 % du récit à la fin et ne sont l’objet d’aucun événement merveilleux alors même que les auteurs de la lettre se présentent comme les frères d’un pont Dei revelatione inceptum. Cela a pu effectivement conduire nombre d’auteurs à penser qu’il s’agissait bien des frères du pont d’Avignon. Le paradoxe réside surtout dans le fait que, dans une situation de concurrence entre les œuvres charitables (dont les ponts) pour obtenir des libéralités des bienfaiteurs, l’œuvre du pont de Lyon présente longuement sa concurrente avignonnaise comme inspirée par Dieu avant d’expédier en quelques phrases sa propre fondation sans aucun signe divin. Pour Denis-Marcel Marié, les frères lyonnais ont inventé la fondation de leur pont par Bénezet pour bénéficier de son aura et financer leur œuvre « peu fortunée33 ». Il estime par ailleurs que les indulgences sont bien celles du pont d’Avignon et auraient donc été aussi usurpées par les Lyonnais, ce qui est faux comme nous l’avons montré. Mais, outre le fait qu’on ne connaît rien des ressources respectives des deux ponts à cette époque – Lyon connaît d’ailleurs un essor économique au xiiie siècle et est le siège de la papauté depuis 1244 alors qu’Avignon a été assiégée et prise par les croisés en 122634 –, on comprend mal pourquoi les frères lyonnais ne valorisent pas leur pont dans leur récit s’ils veulent obtenir des dons.

  • 35 Les indulgences sont classées selon le type de donataire jusqu’au milieu du xive siècle puis chrono (...)

12La liste d’indulgences du pont que nous avons trouvée dans les archives lyonnaises était probablement destinée à être affichée non loin du pont pour inciter les passants à donner dans un tronc qui se situait devant la chapelle du Saint-Esprit à l’entrée du pont. Ce placard, qui compte seize items, a été copié vers 1400, mais porte les traces de compilations antérieures35. Le texte a probablement été copié à de nombreuses reprises depuis les premières indulgences du xiiie siècle et mis à jour. Dans ce document comme dans la Vita, les indulgences sont rapidement décrites et plusieurs de ces descriptions sont quasiment identiques dans les deux pièces. Notons également que, dans ces deux documents, l’indulgence de Grégoire IX apparaît après celle d’Innocent IV contre l’ordre chronologique. Pour le texte des indulgences, malgré quelques divergences dans les descriptions, les deux textes ont certainement un ancêtre commun.

  • 36 Lyon, Archives municipales, DD 306, pièce 2. Il s’agit de la pièce attribuée par erreur à Innocent  (...)
  • 37 J.-B. Martin, Conciles et bullaire du diocèse de Lyon : des origines à la réunion du Lyonnais à l (...)
  • 38 Une inscription sur le pont, relevée au xviie siècle, atteste de sa participation au financement du (...)
  • 39 Dans la liste des indulgences, on a successivement Innocent IV avec 100 jours, Alexandre IV avec un (...)
  • 40 Aucun pape ni même aucun évêque ne donnent deux indulgences pour le pont. De manière générale, aux (...)

13Plusieurs des indulgences de la Vita posent d’importants problèmes de datation. La lettre contenant la Vita est, en effet, censée avoir été donnée au concile de Lyon en 1245. Or, Innocent IV est réputé avoir concédé des indulgences au pont de Lyon seulement en 1254 ! À vrai dire, on ne conserve pas l’original de la bulle d’indulgence du pape, mais on possède toujours celle demandant aux évêques de laisser publier ces indulgences dans leur diocèse, donnée à Anagni en septembre 125436. Habituellement, les deux documents sont donnés simultanément ou presque et on ne comprend guère pourquoi le pape aurait attendu neuf ans et son retour à Rome pour accorder ce document aux frères du pont. Lors de son séjour lyonnais, Innocent IV a pris l’œuvre du pont sous sa garde en 124737, probablement donné de l’argent pour sa construction38, mais il ne semble pas avoir donné d’indulgences. La différence entre la Vita et la liste des indulgences du pont sur le nombre de jours remis par Innocent IV s’explique bien mieux par une simple erreur de copie postérieure à 125439, que par l’existence de deux indulgences données par ce pontife40, dont l’une aurait disparue.

14La confrontation entre le placard lyonnais et la Vita est encore plus embêtante pour l’indulgence accordée par l’archevêque de Lyon (tab. 2).

Tab. 2 – Comparaison entre la Vita lyonnaise et la liste des indulgences du pont du Rhône de Lyon.

Vita lyonnaise

Liste des indulgences du pont du Rhône de Lyon (Lyon, Archives municipales, DD 307)

Dominus Lugdunensis archiepiscopus XL dies peccata oblita, vota fracta, si ad ea redierint, offensas patrum et matrum sine manuum injectione, et omnibus sacerdotibus et clericis qui istud negotium fideliter procuraverint et elemosinas suas transmiserint quicquid in divinis horis per negligentiam omiserint totum misericorditer relaxat.

Item recolende memorie dominus Petrus de Sabaudia quondam Lugdunensis archiepiscopus dum in dicto archiepiscopata electus fuerat, cum tunc sue dignitatis insinia [sic] a sede apostolica nondum receperat, videlicet palium in quo plenitudo officii archiepiscopalis consistit, reverendo in Christo patri domino Aymoni dei gratia Gebennensis episcopo commisit ut ipse auctoritate sua quinquaginta dies de injunctis eis penitentiis, necnon peccata oblita, vota fracta, si ad ea redierint, offensas patrum et matrum sine injectione manuum et omnibus et singulis sacerdotibus et clericis qui istud negotium fideliter procuraverint et helemosinas transmiserint quicquid in divinis horis per negligentiam omiserint totaliter misericorditer in domino relaxavit.

  • 41 B. Galland, Deux archevêchés entre la France et l’Empire : les archevêques de Lyon et les archevêqu (...)

15Les deux indulgences semblent être identiques avec une description semblable, mais la Vita l’accorde à un archevêque anonyme alors que le placard donne le nom de l’archevêque, Pierre de Savoie, et les circonstances dans lesquelles elle a été donnée. Cela permet de dater assez précisément cette indulgence de 1308 ou 1309, puisque Pierre de Savoie a été élu archevêque de Lyon en 1308 et qu’il est consacré avant 1310. On connaît un autre acte de Pierre de Savoie, « alors archevêque élu » de Lyon concernant le pont de la Guillotière : la cession de l’œuvre du pont41, pour des raisons politiques et économiques, à l’abbaye de Hautecombe, qui se trouve dans le diocèse de Genève. Cela pourrait expliquer la présence de l’évêque de Genève ainsi que la volonté de l’archevêque de Lyon de relancer les dons pour son pont avec une indulgence. Il y a donc une cohérence assez forte du contexte dans le développement proposé par le placard lyonnais.

  • 42 La première partie se trouve dans d’autres indulgences avec un texte similaire, la seconde et l’ass (...)
  • 43 L’auteur du placard calcule que l’on peut gagner un peu plus de 4 515 années de remise de purgatoir (...)

16La description du contenu de l’indulgence n’est pas une formule standard que l’on retrouverait dans d’autres indulgences et qui pourrait expliquer la similitude42. De même, les circonstances d’octroi dans le placard sont trop précises pour que l’on puisse imaginer qu’elles sont le fruit de l’extrapolation d’un copiste après le xive siècle sur une indulgence d’avant 1245. L’hypothèse de l’existence de deux indulgences distinctes, que l’on pourrait aussi appliquer à celle d’Innocent IV, est peu crédible du fait même du but du placard : présenter toutes les grâces accordées aux bienfaiteurs du pont pour convaincre les donateurs43. Il serait peu compréhensible que le copiste élimine des indulgences, même douteuses ou en double, et cela n’expliquerait d’ailleurs pas la similitude des descriptions. Reste l’hypothèse de la fraude : après 1310, on aurait recopié l’indulgence en supprimant tous les éléments d’identification pour l’ajouter à la Vita, qui aurait donc été composée après cette date.

17L’hypothèse d’une fraude tardo-médiévale permettrait aussi d’expliquer la conservation exceptionnelle de ce document. À part cette lettre contenant la Vita, on ne connaît aucun acte des frères pontifes lyonnais, qui ont pourtant possédé le pont pendant près d’un siècle et demi. Les quelques informations sur les premiers siècles du pont à Lyon viennent presque exclusivement des cartulaires d’Ainay. Aucun titre d’avant 1334, année de l’acquisition de l’œuvre du pont par le consulat, ne semble être parvenu jusqu’aux archives municipales, à l’exception de cette lettre et de trois bulles pontificales de Lucius III, d’Innocent IV et d’Urbain IV. Les procédures de la fin du Moyen Âge et de l’époque moderne ne citent d’ailleurs que des pièces toujours conservées. A contrario, cette lettre n’avait aucune raison de se trouver dans les archives lyonnaises. Elle était, en effet, destinée à être envoyée aux clercs qui pouvaient faciliter les dons pour le pont et a une utilité immédiate qui ne justifie pas sa conservation. Elle n’atteste, en effet, d’aucun droit ou propriété de l’œuvre du pont. Même si la conservation des documents du Moyen Âge jusqu’à aujourd’hui comporte une part de hasard, il est quand même extrêmement curieux que la seule pièce que nous possédions des frères du pont, qui est aussi quasiment la seule pièce relative au pont avant 1334 conservée par la ville, soit un document de la pratique courante, qui ne prouve rien et qui n’a aucune valeur patrimoniale.

18L’ensemble de ces éléments : erreur sur la date, indulgences probablement postérieures au document, suscription insolite, incohérence de la valorisation du seul pont d’Avignon… constituent une présomption assez forte en faveur d’une contrefaçon effectuée au plus tôt au xive siècle, mais vraisemblablement plus tard. On peut supposer que la liste des indulgences de la Vita a été composée à partir de la liste authentique des indulgences du pont de Lyon en sélectionnant les pontifes jusqu’à la date voulue, 1245, et en prenant les indulgences communes des archevêques et des abbés dont on pourrait justifier l’octroi par leur réunion au concile de Lyon. Comme l’absence de l’archevêque de Lyon pouvait sembler étrange, l’anonymisation d’une indulgence postérieure d’un archevêque de Lyon a fait l’affaire.

3. Le contexte de la falsification

19Si falsification il y a et si l’on exclut l’explication de Denis-Marcel Marié, qui ne voit qu’une fraude des frères du pont lyonnais de 1245 à la recherche de fonds, il faut bien trouver une raison qui expliquerait la construction de ce document. Contrairement à de nombreux faux médiévaux, en effet, ce document ne fonde aucun droit ni possession, sinon des indulgences dont la municipalité a des listes plus complètes par ailleurs. Comme l’histoire de Bénezet existe à Avignon, au moins dans une version occitane et une version latine, il faut que la Vita lyonnaise introduise un élément qui paraît essentiel à son inventeur pour qu’il se soit pris la peine de composer cette mise en scène des frères pontifes de Lyon au concile au lieu de simplement reprendre et faire circuler la légende avignonnaise. Dans le contexte lyonnais, le seul élément que le document ajoute à la tradition avignonnaise est l’attribution à Bénezet du pont de la Guillotière. C’est vraisemblablement la raison pour laquelle ce document a été rédigé.

  • 44 Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 5447. Le titre est bien évidemment factice.
  • 45 Après 1505 pour le texte sur la Tarasque, vers 1510 d’après Anne Schoysman (« Pierre Sala “antiquai (...)
  • 46 Outre quelques différences orthographiques, on ne peut guère noter qu’un ministris (Antiquités de L (...)

20Jusque-là, la première attestation connue de la Vita lyonnaise était sa traduction dans les Mémoires de l’histoire de Lyon du chanoine Guillaume Paradin, parues en 1573. Le manuscrit bien connu des Antiquités de Lyon44, copié au début du xvie siècle45, qui a appartenu à Pierre Sala, en conserve néanmoins une copie antérieure passée jusqu’à présent inaperçue. La copie de toute la lettre des frères pontifes contenant la Vita est quasi-parfaite46 et le copiste ajoute même à la fin une description de la bulle d’Innocent IV attachée au document et la mention que l’original se trouve à l’hôtel de ville. En outre, il lui attribue la date de 1242.

  • 47 A. Schoysman, « Pierre Sala… », op. cit.
  • 48 Anne Schoysman lie à Pierre Sala les dessins des sceaux que l’on retrouve dans le même cahier que l (...)

21Ce manuscrit des Antiquités de Lyon est un recueil de nombreux textes copiés par des mains différentes ayant, pour la plupart, trait à l’histoire de Lyon. Notre Vita lyonnaise est la toute première pièce du recueil avec le titre « Comment le pont d’Avignon fut commencé miraculeusement ». La même main copie ensuite une autre pièce d’archives, un traité de paix entre l’archevêque et les Lyonnais de 1208, puis une petite anecdote sur un lac près de Pierre-Scize disparu en 1388. On a ensuite une reproduction du sceau de la ville puis, d’une autre écriture, un traité sur les anciennes pompes funéraires de Jean Lemaire de Belges47 et d’autres pièces que nous ne détaillerons pas ici. Notons néanmoins que l’on trouve parmi ces autres textes des récits de légendes de fondation de monuments lyonnais et des récits concernant la basse vallée du Rhône, en particulier la découverte d’un squelette de géant près de Valence en 1456 et la légende de la Tarasque, monstre légendaire hantant les environs de Tarascon. Pierre Sala, dont on retrouve un ex-libris à la fin du manuscrit, est le commanditaire d’au moins une partie de l’ouvrage, voire probablement de l’ensemble, même si le caractère composite du manuscrit ne permet pas d’exclure plusieurs origines ou une constitution en plusieurs fois. Au début du récit concernant la Tarasque, Pierre Sala indique ainsi qu’il a pris le texte d’après un manuscrit très ancien d’une église de Tarascon. Les premiers folios, dont la Vita, n’ont malheureusement aucun élément qui permettent de les lier indiscutablement à Pierre Sala48, même si la mention que les copies ont été prises d’après les originaux des archives ne rend pas cette attribution improbable.

  • 49 Le plus ancien connu, celui d’Étienne de Villeneuve, ne donne pas d’actes avant le milieu du xiiie  (...)
  • 50 Lyon, Archives départementales du Rhône, 10 G 686.
  • 51 Par exemple, au début de l’acte : « In nomine domini nostri Iesu Christi, O. dux Burgundie rex dei (...)

22Le traité de paix de 1208, qui suit la Vita dans le recueil, a également été pris d’après l’original selon le copiste. Cet original n’existe pas actuellement dans les archives de la ville. Il serait étonnant qu’il n’y ait jamais été puisque la municipalité ne fut instituée qu’en 1320. Les cartulaires municipaux ne mentionnent pas non plus ce traité49. Il existe néanmoins un original dans les archives du chapitre de Saint-Jean50, partie prenante de ce traité. Pourquoi avoir copié uniquement ces deux pièces l’une après l’autre ? Elles n’ont rien en commun si ce n’est d’être liées à Lyon et n’étaient apparemment pas conservées ensemble. L’intention du copiste est difficile à expliquer. De façon assez curieuse, alors que les originaux de la Vita et du traité de 1208 présentent une écriture très proche et que la même main les transcrit dans les Antiquités de Lyon, la transcription du traité est, contrairement à celle de la Vita, très mauvaise51. Que penser de cette dissymétrie ? Les conditions de transcription étaient-elles très différentes ? L’un des deux textes aurait-il été pris d’après une bonne ou mauvaise copie et non d’après l’original comme indiqué ? Faut-il y voir une étape de la forge de la Vita ?

  • 52 GParadin, Mémoires…, op. cit., p. 141.
  • 53 P. Béghain, « Paradin Guillaume », in P. Béghain, B. Benoit, G. Corneloup et B. Thévenon (dir.), Di (...)
  • 54 La transcription est corrigée par rapport à Pierre Sala, mais G. Paradin dit aussi tirer la pièce d (...)
  • 55 On la retrouve dans les Antiquités et recherches d’André Duchesne (1609) puis très marginalement ju (...)

23Le manuscrit de Pierre Sala a certainement été la source de Guillaume Paradin. Ce dernier, en effet, donne également pour la lettre la date de 1242 que proposait le manuscrit tout en notant qu’elle était fausse52. On sait que Guillaume Paradin a utilisé des manuscrits d’histoire de Lyon possédés par des notables lyonnais, en particulier le Lugdunum priscum de Claude Bellièvre53. Les Antiquités de Lyon n’ont jamais été mentionnées comme sources des Mémoires de l’histoire de Lyon, mais on y retrouve bien, outre cette histoire des ponts de Lyon et d’Avignon, le traité de paix de 1208 (p. 135) assorti de quelques notes tirées des marges du manuscrit de Pierre Sala54, ainsi que d’autres éléments qui montrent que Guillaume Paradin y a eu accès. Avec l’édition de Guillaume Paradin, cette version de l’histoire de Bénezet, restée jusque-là confidentielle, acquiert une grande renommée. Les historiens d’Avignon comme les hagiographes s’en emparent, alors même que les historiens lyonnais l’ont plutôt abandonnée55. Il faut dire que cette histoire a de la concurrence à Lyon, puisque l’Hôtel-Dieu du pont du Rhône, que Bénezet aurait fondé avec le pont selon la Vita, est traditionnellement attribué au roi Childebert Ier et à la reine Ultrogothe selon une légende bien ancrée jusqu’au xixe siècle. Le pont, au contraire, pendant la période médiévale puis moderne ne semble pas avoir de fondateur bien identifié. Au xvie siècle, le cardinal Andrea Minucci écrit dans sa description de Lyon qu’il a été construit par les Romains. À l’époque moderne, Papire Masson copie de son côté une inscription, sans date, qui attribue une grande partie des travaux du pont à Innocent IV, qui passe alors, pour certains historiens lyonnais, pour le fondateur du pont. L’attribution à Bénezet, probablement trop étranger à la ville, est inexistante au Moyen Âge et paraît rester très marginale après Guillaume Paradin.

  • 56 J. Rossiaud, « La chapelle du Saint-Esprit du pont du Rhône à Lyon : un édifice modeste injustement (...)

24En travaillant sur la chapelle du Saint-Esprit, Jacques Rossiaud avait cependant constaté que dans les années 1530-1560, le consulat faisait dire des messes « en l’honneur du fondateur du pont ». La chapelle, accolée au pont, appartient avec lui à la ville depuis le xive siècle et des messes quotidiennes y sont célébrées. Mais, pendant toute la période médiévale, ces offices sont dits en faveur de l’âme des bienfaiteurs du pont. À cause d’une erreur de transcription56, Jacques Rossiaud identifie ce fondateur au Saint-Esprit comme dans la légende de fondation du Pont-Saint-Esprit. S’il fallait reconnaître au contraire Bénezet dans ce fondateur, cela permettrait d’attester que la légende lui attribuant le pont circule alors dans les milieux consulaires lyonnais, peu après l’écriture, probablement pour Pierre Sala, mais de toute façon dans ces mêmes milieux consulaires, du manuscrit des Antiquités de Lyon. Ce récit, qui semble inconnu auparavant, émerge donc au début du xvie siècle au sein des élites lyonnaises qui peuvent lui donner une institutionnalisation avec les messes de la chapelle du pont, mais aussi une plus large diffusion grâce à Guillaume Paradin.

  • 57 S. Balossino, Le pont d’Avignon…, op. cit., introduction, § 1-10.

25La Renaissance lyonnaise est un moment de construction des récits mythiques lyonnais. Vers 1510, Jean Lemaire de Belges fait du roi gaulois légendaire Lugdus le fondateur de Lyon vers 1630 av. J.-C., alors qu’au même moment Symphorien Champier fait de la ville une colonie d’Athènes en rapprochant le nom d’Ainay de celui de la cité grecque. Le manuscrit des Antiquités de Lyon rapporte également la fondation de l’abbaye de l’Île-Barbe par le centurion Longin. Pierre Sala, Bellièvre et de nombreux autres riches lyonnais s’intéressent aux restes anciens et à l’histoire de leur ville. Si, à côté de ces récits extraordinaires, l’histoire de Bénezet peut sembler commune et assez peu antique, elle permet de donner une histoire et un fondateur à un pont qui ne semble pas en avoir. Elle permet surtout de le lier à celui d’Avignon, considéré encore à la fin du xve siècle comme une merveille par les visiteurs étrangers qui ne manquent pas de le louer57.

4. Conclusion

26Dans une documentation lyonnaise devenue abondante à partir du milieu du xive siècle, Bénezet n’est jamais associé au pont. Aucune tradition relative à son passage à Lyon n’existe dans l’histoire locale jusqu’à ce qu’apparaissent dans la première moitié du xvie siècle le manuscrit des Antiquités de Lyon et sa copie d’une pièce des archives de la ville. Presque simultanément, le consulat commence à faire dire des messes pour le « fondateur du pont », fondateur malheureusement non explicité mais dont on ne voit pas qui il peut être sinon Bénezet. Ce récit, circulant probablement dans les milieux consulaires lyonnais, obtient une large audience avec la publication des Mémoires de l’histoire de Lyon de Guillaume Paradin, qui apporte les détails de la Vita lyonnaise, dont certains semblent tirés de la Chronique anonyme de Laon, aux hagiographes avignonnais. L’apparition du récit coïncide également avec l’invention d’une mythologie de l’histoire de Lyon dans ces mêmes milieux consulaires. Alors que le pont du Rhône ne semble pas avoir de fondateur à Lyon, probablement parce que ce sont les pouvoirs ecclésiastiques et seigneuriaux qui l’ont pris en charge au xiie siècle, ce récit, assurément faux, permet de le rattacher au plus célèbre fondateur de pont, dont l’œuvre est encore considérée comme une merveille à voir à Avignon. En soi, ce contexte ne rend pas forcément inauthentique la pièce à l’origine du récit. Denis-Marcel Marié puis d’autres auteurs après lui ont d’ailleurs considéré qu’il s’agissait d’une simple fraude des frères lyonnais du pont de 1245 qui usurpent le fondateur et les indulgences d’un pont, prétendu plus favorisé que le leur. Mais les nombreuses erreurs et incohérences qu’elle contient permettent de suggérer fortement qu’il s’agit plutôt d’une forgerie tardo-médiévale ou Renaissance, réutilisant le récit avignonnais de la vie de Bénezet ainsi que des éléments propres au pont de Lyon, réunis dans une mise en scène autour du premier concile de Lyon qui donne un cadre crédible au document tout en le rapprochant chronologiquement des faits relatés. En ne se fondant pas sur la documentation lyonnaise, les historiens avignonnais n’ont pas vu les problèmes que posait cette pièce et l’ont généralement acceptée, malgré la falsification du sceau remarquée depuis longtemps, parce qu’elle confortait le récit bien connu de la vie de Bénezet. Comme pour bien d’autres mythes lyonnais des origines, celui-ci ne semble pas avoir eu une grande postérité. On le retrouve, très marginalement depuis l’époque moderne jusqu’à aujourd’hui, dans des histoires de Lyon, mais il ne semble jamais avoir eu de véritable ancrage dans la mémoire locale. Venu le temps des troubles de religion, les milieux consulaires eux-mêmes semblent s’en détourner et le fondateur du pont n’est plus mentionné dans les messes de la chapelle du pont. Il est probable que ce document soit né quelque part dans ces milieux consulaires et lettrés. Avec son manuscrit des Antiquités de Lyon, Pierre Sala est un bon suspect, d’autant plus qu’il s’intéresse aux récits de fondations, a accès aux archives et connaît de nombreux récits de la basse vallée du Rhône. Mais il peut tout aussi bien n’être qu’un innocent relais d’une pièce forgée par un autre et qui l’a intéressé au point de la copier.

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Notes

1 Bibliotheca hagiographica latina, Bruxelles, 1898, t. 1, p. 164, n° 1097-1100.

2 Acta sanctorum, Aprilis, t. 2, Anvers, 1675, p. 257, § 12-16 ; Bibliotheca hagiographica latina, n° 1100.

3 D’après la ville actuelle de conservation.

4 GParadin, Mémoires de l’histoire de Lyon, Lyon, 1573, p. 141-142.

5 Montpellier, Bibliothèque universitaire historique de médecine, ms. H 97, vol. 32, pièce 112.

6 La première édition, d’un auteur anonyme, a été réalisée en 1873 d’après la copie d’Étienne Baluze (Analecta juris pontificii, 12e série, CXe livraison, col. 1137-1138).

7 A. Barré de Saint-Venant, Saint Bénezet, patron des ingénieurs, Bourges, 1889, p. 26-29 (traduction française), p. 81-83 (texte original).

8 F. Lefort, « Un manuscrit du xiiie siècle relatif à la construction des premiers ponts sur le Rhône à Avignon et Lyon », Travaux de l’Académie nationale de Reims, 76 (1884-1885), p. 208-219.

9 Pour une synthèse récente et fiable (et ne s’attardant donc pas sur Bénezet) sur le pont d’Avignon, voir : S. Balossino, Le pont d’Avignon : une société de bâtisseurs (xiie-xve siècle), Avignon, 2021, en ligne [https://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eua/5735].

10 A. Breton, S. Gagnière, É. Mognetti et H. Pichou, « Saint Bénézet, dossier publié à l’occasion de l’exposition tenue au Musée du Petit-Palais de novembre 1984 à février 1985 », Mémoires de l’Académie du Vaucluse, 5 (1984), p. 103 et 126-127. Sur bien des points, les auteurs acceptent avec naïveté la légende de Bénezet.

11 F. Lefort, « Un manuscrit du xiiie siècle… », op. cit., p. 220-221.

12 D.-M. Marié (Le pont Saint-Bénézet : étude historique et archéologique d’un ouvrage en partie disparu, Versailles, 1953, p. 36-37) reprend les arguments de F. Lefort sur la fraude du sceau, mais ne la considère que comme une simple supercherie qui n’entache pas l’authenticité de la pièce.

13 A. Barré de Saint-Venant a compilé et traduit six de ces chroniques (Saint Bénezet…, op. cit., p. 50-51).

14 C. Neel, « Man’s Restoration : Robert of Auxerre and the Writing of History in the Early Thirteenth Century », Traditio, 44 (1988), p. 253-274.

15 Elle n’a été signalée curieusement qu’en 1984, voir A. Breton et alii, « Saint Bénézet… », op. cit., p. 100.

16 On note plusieurs interventions à la première personne dans le récit de l’Anonyme sur Bénezet. Par ailleurs, l’Anonyme ne semble plus faire d’emprunt livresque après 1160, cf. I. Guyot-Bachy, La Flandre et les Flamands au miroir des historiens du royaume, xe-xve siècle, Villeneuve-d’Ascq, 2017, p. 112.

17 Avignon, Archives municipales, boîte Pintat 27/852.

18 A. Barré de Saint-Venant, Saint Bénezet…, op. cit., p. 58-69.

19 A. Barré de Saint-Venant, Saint Bénezet…, ibid., p. 87-90 ; D.-M. Marié, Le pont Saint-Bénézet…, op. cit., p. 30.

20 A. Barré de Saint-Venant (ibid., p. 62) propose d’y voir Charlemagne que l’on retrouve dans la Vita lyonnaise.

21 Nous ne voyons pas en quoi la Vita lyonnaise l’est moins.

22 Sur l’histoire de ce document, voir C. Ducourthial, « Hors et dans la ville : l’emprise de l’Hôtel-Dieu de Lyon des origines au xixe siècle », in Y. Marec (dir.), Hôpital, ville et citoyenneté, Mont-Saint-Aignan, 2021, p. 62, n. 5.

23 D.-M. Marié, Le pont Saint-Bénézet…, op. cit., p. 38-40.

24 Sur les circonstances du début du pont de Lyon, voir J. Rossiaud, « Géochronologie des premiers ponts sur le Rhône (1185-1351) », Revue d’histoire de Lyon, 2-3 (2017-2018), p. 49-66.

25 Cela n’explique néanmoins pas son passage à Lyon au retour de Rome. Après avoir reçu des indulgences, Bénezet aurait dû revenir à Avignon pour les faire enregistrer et copier puis organiser les quêtes pour le pont, avant de partir vers le nord de la France.

26 F. Lefort, « Un manuscrit du xiiie siècle… », op. cit., p. 216.

27 On parle parfois à Lyon d’un viguier ou lieutenant du sénéchal de Lyon à la fin du xiie et au début du xiiie siècle, mais le terme traduit le latin vicarius.

28 D.-M. Marié le notait déjà (Le pont Saint-Bénézet…, op. cit., p. 36) et cela nous a été confirmé par des spécialistes des lettres pontificales au Moyen Âge. Nous avons néanmoins trouvé une suscription proche sur un document de 1249, également pour annoncer la publication d’indulgence, mais émanant du chapitre cathédral de Lyon (Lyon, Archives départementales du Rhône, 10 G 570). L’écriture de ce document est très proche de celle de la Vita lyonnaise.

29 D.-M. Marié, Le pont Saint-Bénézet…, ibid., p. 36. Il pense néanmoins que les indulgences correspondent à celles d’Avignon. Prenant une liste des indulgences du pont d’Avignon, il écrit que cette liste « diffère peu de [ceux de] la membrane montpelliéraine [lyonnaise] » (p. 42), alors que les discordances sont majeures (voir note suivante).

30 Les indulgences à la suite de la Vita lyonnaise nomment deux papes, un seul pour les indulgences du pont d’Avignon avant 1245, aucun archevêque n’est commun (voir supra pour Lyon, uniquement des prélats du Midi pour Avignon) aux deux listes et seuls les abbés des ordres « internationaux » se retrouvent pour les deux ponts.

31 A. Barré de Saint-Venant, Saint Bénezet…, op. cit., p. 84-86 ; D.-M. Marié, Le pont Saint-Bénézet…, op. cit., p. 41-42.

32 Lyon, Archives municipales, DD 307, pièce 1.

33 D.-M. Marié, Le pont Saint-Bénézet…, op. cit., p. 40.

34 La destruction du pont lors de la prise de la ville est néanmoins probablement relative, cf. S. Balossino, Le pont d’Avignon…, op. cit., chap. 4, § 28-46.

35 Les indulgences sont classées selon le type de donataire jusqu’au milieu du xive siècle puis chronologiquement.

36 Lyon, Archives municipales, DD 306, pièce 2. Il s’agit de la pièce attribuée par erreur à Innocent III par D.-M. Marié et par A. Breton et alii.

37 J.-B. Martin, Conciles et bullaire du diocèse de Lyon : des origines à la réunion du Lyonnais à la France en 1312, Lyon, 1905, n° 1157.

38 Une inscription sur le pont, relevée au xviie siècle, atteste de sa participation au financement du pont, cf. P. Masson, Descriptio fluminum Galliae, qua Francia est, Paris, 1618, p. 400-401.

39 Dans la liste des indulgences, on a successivement Innocent IV avec 100 jours, Alexandre IV avec un an et 40 jours puis Grégoire IX. Une simple erreur de ligne en choisissant les deux pontifes d’avant 1245 (Innocent IV et Grégoire IX) permet d’expliquer la confusion qui ne peut arriver néanmoins qu’après l’indulgence d’Alexandre IV, élu pape en 1254.

40 Aucun pape ni même aucun évêque ne donnent deux indulgences pour le pont. De manière générale, aux xiiie et xive siècles, les indulgences pontificales pour les ponts sont rares, cf. J. Mesqui, « Grands chantiers de ponts et financements charitables au Moyen Âge en France », in Tecnologia y Sociedad : Las grandes obras públicas en la Europa Medieval, Pampelune, 1995, p. 160. En outre, il paraît étrange que le rédacteur de la liste des indulgences, dont le but est d’attirer les donateurs, ait enlevé une indulgence, même douteuse, et cela d’autant plus que la Vita, qui attesterait d’une indulgence de 1245, se trouve dans les archives de la ville.

41 B. Galland, Deux archevêchés entre la France et l’Empire : les archevêques de Lyon et les archevêques de Vienne, du milieu du xiie siècle au milieu du xive siècle, Rome, 1994, p. 501 ; J. Rossiaud, « Géochronologie… », op. cit., p. 62.

42 La première partie se trouve dans d’autres indulgences avec un texte similaire, la seconde et l’assemblage des deux apparemment non.

43 L’auteur du placard calcule que l’on peut gagner un peu plus de 4 515 années de remise de purgatoire par an !

44 Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 5447. Le titre est bien évidemment factice.

45 Après 1505 pour le texte sur la Tarasque, vers 1510 d’après Anne Schoysman (« Pierre Sala “antiquaire” dans le manuscrit BnF fr. 5447 : notes philologiques sur le “Traité des anciennes pompes funeralles” de Jean Lemaire », Studi Francesi, 156 (2008), p. 554-564, en ligne [https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/studifrancesi/]), vers 1520 d’après la notice de la BnF.

46 Outre quelques différences orthographiques, on ne peut guère noter qu’un ministris (Antiquités de Lyon) à la place de nuncius (Vita) et l’absence de ipsius dans « de assensu ipsius lugdunensis ecclesie ».

47 A. Schoysman, « Pierre Sala… », op. cit.

48 Anne Schoysman lie à Pierre Sala les dessins des sceaux que l’on retrouve dans le même cahier que la Vita (« Pierre Sala… », ibid., n. 4). Mais la lune et le croissant que l’on y retrouve, s’ils sont aussi sur les armes de Pierre Sala, apparaissent également sur les sceaux de la ville et on ne peut donc pas affirmer que ces symboles renvoient à Pierre Sala.

49 Le plus ancien connu, celui d’Étienne de Villeneuve, ne donne pas d’actes avant le milieu du xiiie siècle.

50 Lyon, Archives départementales du Rhône, 10 G 686.

51 Par exemple, au début de l’acte : « In nomine domini nostri Iesu Christi, O. dux Burgundie rex dei gratia Lugdunensis episcopus, P. eadem gratiam matisconensis episcopus, honorabilis dictus abbas… » au lieu de « In nomine domini nostri Iesu Christi, O. dux Burgundie, R. dei gratia Lingonensis episcopus, P. eadem gratiam matisconensis episcopus, A. Bonevallis dictus abbas… »

52 GParadin, Mémoires…, op. cit., p. 141.

53 P. Béghain, « Paradin Guillaume », in P. Béghain, B. Benoit, G. Corneloup et B. Thévenon (dir.), Dictionnaire historique de Lyon, Lyon, 2009, p. 958.

54 La transcription est corrigée par rapport à Pierre Sala, mais G. Paradin dit aussi tirer la pièce des archives municipales, probablement par copie des Antiquités.

55 On la retrouve dans les Antiquités et recherches d’André Duchesne (1609) puis très marginalement jusqu’à aujourd’hui.

56 J. Rossiaud, « La chapelle du Saint-Esprit du pont du Rhône à Lyon : un édifice modeste injustement méconnu », in G. Bruyère et D. Régnier-Roux (dir.), Archives et architecture, Mélanges en mémoire de François-Régis Cottin, Lyon, 2015, p. 71. J. Rossiaud a probablement repris l’inventaire de la série CC qui donne pour la cote CC893-2 des extraits de transcription, dont une mention de « la messe ordinaire et journelle par eulx dite et célébrée en la chappelle du fondateur » ce qui, pour J. Rossiaud, identifiait le fondateur au Saint-Esprit. Mais la pièce originale donne bien, comme dans toutes les autres mentions semblables sur d’autres cotes : « la messe ordinaire et journelle par eulx dite et célébrée en la chappelle de Saint-Espérit du pont du Rosne, en l’honneur du fondateur ». L’auteur de la transcription a oublié un morceau de la phrase et le Saint-Esprit n’est donc pas le fondateur du pont.

57 S. Balossino, Le pont d’Avignon…, op. cit., introduction, § 1-10.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Benoît Krumenacker, « La lettre des frères pontifes contenant la Vita lyonnaise de saint Bénezet (1245) : une forgerie au service d’un récit fondateur lyonnais ? »Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA [En ligne], 28.1 | 2024, mis en ligne le 19 juillet 2024, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cem/20615 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/123jc

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Auteur

Jean-Benoît Krumenacker

Université Grenoble-Alpes, Luhcie

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