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La Vénus Jōmon, grande oubliée du panthéon des arts japonais ?

The Jōmon Venus: the forgotten figure of the pantheon of Japanese art?
Chloé-Alizée Clément

Résumés

La « Vénus Jōmon » (3500-2400 av. notre ère), figurine anthropomorphe en argile ou dogū, est une œuvre emblématique de la période Jōmon (14000-Ier millénaire av. notre ère), découverte il y a moins de quarante ans non loin de Nagano, au centre du Japon. Depuis lors, sa signification évolue de manière spectaculaire : tantôt adorée et célébrée, tantôt négligée et oubliée, la Vénus Jōmon a eu un immense retentissement, dans le contexte de l’essor de l’école historique des Nihonjinron. Son histoire témoigne des mutations des politiques culturelles et de l’identité japonaises depuis les années 1980.

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Texte intégral

  • 1 Laurent Nespoulous & Pierre-François Souyri, Le Japon, des chasseurs-cueilleurs à Heian, -36 000 à (...)
  • 2 Les termes japonais employés dans cet article sont retranscrits via le système Hepburn. Comme il es (...)

1Perdue au cœur des Alpes japonaises, la petite ville de Chino veille sur un précieux trésor. Après deux heures de train depuis Tokyo, le voyageur téméraire doit encore sillonner en bus la vallée entre monts et lacs pour parvenir au musée municipal Togariishi. Cette institution dédiée à l’archéologie de la période Jōmon [縄文] (14000-Ier millénaire avant notre ère) présente les variantes locales de sociétés néolithiques qui ne pratiquent pas l’agriculture1. Un écrin immense accueille dans la deuxième salle d’exposition une figurine d’argile anthropomorphe, dite « dogū » [土偶], sur un piédestal presque plus élevé qu’elle2. Le nom de cette perle de la région des grands lacs retrouvée en 1985 ? La Vénus Jōmon.

Figure 1. Dispositif de présentation de la Vénus Jōmon au musée de Togariishi. Photographie de l'autrice, 2024.

  • 3 « Notice no 29 : figurine », Maison de la culture du Japon (MCJP), Jōmon, l’art du Japon des origin (...)

2Tourner autour du dispositif permet de suivre les circonvolutions qui ornent son épaisse coiffure quadrangulaire. Admiré de profil, le haut-relief du nez dénote parmi les sobres incisions de son visage rond, marquant ses yeux et sa bouche. Son torse nu, dépourvu de bras, est plaqué de deux petits seins. Il est facile de repérer de face le sexe féminin stylisé entre ses hanches évasées, dites « en cœur3 ». L’ensemble repose sur deux courtes jambes, assez larges pour maintenir la sculpture debout. Leur léger décalage attire la curiosité : cette figurine aux formes équilibrées par ailleurs s’avancerait-elle vers le public qui lui fait face ?

3Fruit d’une erreur ou volontaire, cette asymétrie ne remet aucunement en question le savoir-faire de ses concepteurs. Tête, seins, hanches ou fesses, tous les volumes saillants ont été conçus à part puis placés sur une âme d’argile4. Quelques jointures apparues avec le temps marquent la fine couche de mica noir qui recouvre l’ensemble. Elle a toutefois gardé son aspect brillant, hérité de sa cuisson à basse température (entre 600 et 800 °C) à même le sol.

  • 5 Harada Masayuki, « Les dogū dans l’univers de Jōmon », MCJP, Jōmon : naissance de l’art dans le Jap (...)
  • 6 La période Jōmon est historiquement divisée en six phases, correspondant aux évolutions observées d (...)

4Ce procédé technique résulte d’une longue évolution, parsemée de détours, de tentatives et d’échanges techniques, depuis le Jōmon naissant (14000-9500 AEC)5. D’abord hautes de quelques centimètres et dépourvues d’appendice, ces pièces anthropomorphes se transforment et se multiplient au fil des périodes. Trois figurines sont ainsi connues pour le Jōmon naissant, puis une soixantaine pour le Jōmon archaïque (9500-5000 AEC)6. Le Jōmon moyen (3500-2400 AEC) représente un âge d’or pour la production de dogū, tant en termes de nombre que de diversité stylistique. Les corps, les visages, les motifs employés se distinguent selon les régions.

5Le chef-d’œuvre du musée de Togariishi représente le style élaboré dans la région de Chino durant l’optimum climatique de l’holocène. Les Alpes japonaises jouissent alors d’un environnement favorable au mode de vie des populations Jōmon, chasseurs-cueilleurs sédentaires. Tanabatake constituerait un centre important, compte tenu des nombreuses ressources disponibles à proximité (gisements de mica et d’obsidienne, forêts). Sa taille dépasse celle des sites voisins avec lesquels les villageois interagissaient sans doute7.

  • 8 MCJP, Jōmon, l’art du Japon des origines, op. cit. note 3.
  • 9 Simon Kaner, « Encountering Dogū », S. Kaner (dir.) The Power of Dogū: Ceramic Figures from Ancient (...)
  • 10 S. Kaner, art. cité note 9, p. 30.

6Durant le Jōmon moyen, les dogū se développent en trois dimensions. Leurs jambes s’évasent si bien qu’elles tiennent dorénavant à la verticale. Des monticules retrouvés dans les habitations villageoises correspondraient dès lors à d’anciens autels privés destinés à accueillir ces statuettes8. La coiffure élaborée de la Vénus Jōmon évoque également d’autres exemples régionaux produits à la même époque9. Sa nudité caractéristique est plus rare, mais loin d’être unique. Elle a inspiré son surnom de « Vénus nue », utilisé dans les premiers rapports de fouilles10. Des vêtements de tissu, aujourd’hui disparus, auraient pu la parer au même titre que les autres figurines.

Figure 2. Vénus Jōmon de profil. Courtoisie du musée de Togariishi, Chino, 2024.

  • 11 Ibid.
  • 12 Jonathan Reynolds, « Les parcs archéologiques de Sannai Maruyama et Yoshinogari. Identité culturell (...)
  • 13 S. Kaner, art. cité note 9, p. 36.

7Au-delà de ses caractéristiques formelles ou de sa finesse d’exécution, la Vénus de Tanabatake se distingue parmi les 18 000 dogū connues à ce jour pour son état de conservation11. La plupart sont en effet retrouvées dans un état parcellaire, brisées et mélangées à d’autres dans des fosses, à proximité du cimetière au centre du village. Des années sont parfois nécessaires pour fouiller toutes les cachettes d’un site tant cette pratique est commune et récurrente au Jōmon moyen. La protection du site Sannai Maruyama (préfecture d’Aomori), l’un des villages les plus densément peuplés du Jōmon moyen, ne survient ainsi qu’après plus de quarante ans de fouilles, en 199412. Si l’ensemble du site de Tanabatake n’échappe pas à cette règle, l’enterrement de la Vénus semble avoir fait l’objet d’un soin particulier. Les archéologues l’ont ainsi découverte non brisée, couchée sur le flanc droit dans une fosse individuelle13.

  • 14 François Macé, « Mangeurs de châtaignes et de praires, rêveurs de formes et de dieux, les hommes de (...)
  • 15 L. Nespoulous & P.-F. Souyri, op. cit. note 1, p.126 ; S. Kaner, art. cité note 9, p. 35. Réf. Souy (...)
  • 16 Fujimori Eiichi, « 縄文時代農業論とその展開 » [Jōmon jidai noko-ron to sono tenkai, Développement d’hypothèses (...)
  • 17 L. Nespoulous, « Art et préhistoire au Japon : les Jōmon. Une discussion entre Jean-Paul Demoule et (...)

8Les raisons de ce traitement privilégié échappent aux chercheurs, tout comme le sens des rites associés aux dogū. Leur signification a sans doute évolué au fil des siècles et des régions, tout comme leurs traits formels. Compte tenu de la juxtaposition des cachettes avec les cimetières, François Macé, professeur émérite à l’Inalco, envisage un lien avec la pratique du chamanisme, le concept de mort et de funérailles14. Leur casse volontaire renverrait à leur fonction apotropaïque, destinée à conjurer les maladies, à protéger des dangers liés à la maternité, comme le suggère l’archéologue Ono Nobutaro, ou encore à préserver les ressources naturelles15. Le cas de la figurine de Tanabatake, unique à l’époque de son exhumation, fait l’objet d’interprétations similaires. Les qualificatifs de « Vénus », « déesse » ou « déesse-mère » employés de manière croissante depuis les publications de Fujimori Eiichi dans les années 1960 évoquent ainsi les statuettes produites par d’autres cultures néolithiques dans le monde16. Laurent Nespoulous enjoint cependant d’interpréter avec méfiance leur caractère divin17. Employer cette notion pour analyser ces sociétés dont les croyances, sans doute animistes ou totémistes, demeurent inconnues relève d’un anachronisme. Il encourage à dépasser cette interprétation, propre au système de pensée occidental contemporain, pour étudier l’objet en lui-même.

9Appréhendée au prisme de l’archéologie, de l’anthropologie et de l’histoire de l’art, la Vénus Jōmon fait l’objet depuis presque quarante ans de nombreuses hypothèses, parfois contradictoires. Chef-d’œuvre inégalé, déesse parmi tant d’autres ou emblème d’une période de 10 000 ans, ce trésor farouchement gardé possède un intérêt scientifique qui semble pourtant avoir été délaissé au profit de discours symboliques, au service des intérêts de son propriétaire, l’État japonais. Il convient donc de s’interroger sur la nature et l’évolution de ces significations en établissant la biographie de la Vénus Jōmon depuis sa découverte.

Une riche historiographie

  • 18 Sahara Makoto et Tanaka Migaku (dir.), Dictionnaire archéologique du Japon, Ebisu, no 29, 2002, p.  (...)
  • 19 Katō Shimpei, Kobayashi Tatsuo, & H. Fujimoto Tsuyoshi, 縄文文化の研究 [Jōmon bunka no kenkyū, Études sur (...)
  • 20 Sahara Makoto, « Problématiques générales de l’archéologie préhistorique et de la préservation des (...)
  • 21 Sahara Makoto & Tanaka Migaku (dir), 日本考古学辞典 [Nihon kōkogaku jiten, Dictionnaire archéologique du J (...)
  • 22 J.-P. Demoule & P.-F. Souyri, Archéologie et patrimoine du Japon, Paris, Éditions de la Maison des (...)
  • 23 L. Nespoulous, « Une histoire de la protohistoire japonaise : de la genèse de l’agriculture à la fo (...)
  • 24 Inada Takashi, « 1950年からの日本文化財保護法の展開と地域アイデンティティの形成 » [1950nen kara no nihonbukazai hogo-hō no tenka (...)
  • 25 Sainsbury Institute : www.sainsbury-institute.org [consulté en mai 2024].
  • 26 Bunkachō : www.bunka.go.jp/english/index.html [consulté en mai 2024]. Musée national de Tōkyō, ミュージ (...)
  • 27 MCJP, Jōmon : naissance de l’art dans le Japon préhistorique, op. cit. note 5.

10Si les objets de la période Jōmon suscitent la curiosité des savants et antiquaires depuis l’époque Edo, l’établissement de l’archéologie comme discipline au sens occidental du terme remonte aux débuts de l’ère Meiji. Les premières classifications qui en découlent, à commencer par l’étude chronotypologique de la poterie Jōmon de Yamanouchi Sugao (1902-1970), servent de point d’ancrage aux archéologues témoins des progrès technologiques de la seconde moitié du XXe siècle, comme Mizuno Seiichi (1905-1971) et Kobayashi Yukio (1911-1989)18. Cette génération forme les spécialistes actifs lors de la découverte de la Vénus Jōmon, comme Katō Shimpei, Kobayashi Tatsuo ou Fujimoto Tsuyoshi19. Les excavations réalisées durant les années 1970 et 1990 donnent lieu à une abondante littérature dont Sahara Makoto (1932-2002), auteur d’une trentaine de livres consacrés à l’époque Jōmon, fait figure de chef de file20. Avec d’autres archéologues comme Teshigawara Akira ou le spécialiste du Japon médiéval Tanaka Migaku, il œuvre pour le développement d’une coopération interdisciplinaire entre spécialistes japonais et étrangers21. L’intérêt des archéologues Jean-Paul Demoule et François Macé, ainsi que de l’historien suisse Pierre-François Souyri, donne lieu à une collaboration privilégiée avec les chercheurs francophones22. Ce contexte contribue à la formation de Laurent Nespoulous, auteur de la première thèse française consacrée à l’archéologie du Japon préhistorique et aujourd’hui directeur du département d’Études japonaises de l’Inalco23. Ses traductions des travaux d’archéologues japonais comme le préhistorien Inada Takashi rendent compte de l’évolution de la discipline archéologique et de la gestion patrimoniale japonaise à l’époque contemporaine24. Une coopération similaire existe avec l’Institut Sainsbury pour l’étude des arts et de la culture du Japon en Angleterre25. Ces personnalités sont mobilisées dans le cadre d’expositions d’importance nationale et internationale. Si elles travaillent le plus souvent à l’écriture de catalogues, elles peuvent également appartenir au commissariat aux côtés de conservateurs d’institutions muséales, comme le musée national de Tokyo, ou des spécialistes du Bunkachō, agence pour la culture dépendant du ministère de l’Éducation, de la Culture, des Sciences, des Technologies et du Sport (MEXT)26. Harada Masayuki est ainsi commissaire de l’exposition Jōmon : naissance de l’art dans le Japon préhistorique, présentée à la MCJP en 201827.

11Exposer sur le territoire japonais permet de rassembler plus aisément un grand nombre d’objets et de chefs-d’œuvre conservés à l’échelle locale. La Vénus Jōmon quitte souvent ses terres natales pour être exposée quelques mois ailleurs, comme en 2012 au musée Miho, non loin de Kyoto, dans le cadre du dispositif Dogū, a Cosmos28. Sa présence lors de l’exposition Jōmon. 10 000 Years of Prehistoric Art in Japan organisée en 2018 par le musée national de Tokyo attire à son tour une foule de visiteurs29. Deux institutions situées à l’étranger, la Maison de la culture du Japon (MCJP) et le British Museum, ont également eu le privilège de l’accueillir à trois reprises en 1998, 2009 et 2018. L’étude des catalogues et des archives produits lors de ces événements permet de mieux connaître les dispositifs et les discours qui la mobilisent. Croisées avec une perspective historiographique rendant compte des transformations de la discipline archéologique, ces données permettront de retracer l’évolution de la signification de la Vénus de Tanabatake et de sa réception lors de sa découverte, de son classement, puis de ses différentes présentations au public.

Un cas unique : de la découverte à la consécration

  • 30 Harada Masayuki, « 18. Trésor national, figurine dite “Vénus Jōmon” », MCJP, Jōmon : naissance de l (...)

12Selon Harada Masayuki, auteur de la notice de la figurine dans le catalogue de l’exposition de la MCJP en 2018, la Vénus Jōmon doit son prestigieux statut à son état de conservation et à sa beauté plastique30. Ces atouts indéniables n’auraient cependant pas joué en sa faveur si sa découverte n’avait pas pris place dans un contexte politique et disciplinaire privilégié.

13Le site de Togariishi est mentionné pour la première fois dans le bulletin de la Société anthropologique de Tokyo par Kodaira Koheiji, archéologue né dans le village qui jouxte le site. Avec son collègue Yawata Ichiro, il devient le mentor de Miyasaka Fusakazu, premier chercheur à fouiller le site en employant une méthodologie académique entre 1940 et 1942.

14Exposer le fruit de ses recherches tient particulièrement à cœur au responsable des fouilles ainsi qu’aux sociétés savantes locales qui lui viennent en aide. La situation financière du Japon, critique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, empêche cependant le gouvernement ou la préfecture d’allouer un quelconque budget aux actions culturelles. Quelques institutions privées se développent toutefois à l’échelle locale grâce aux initiatives de collectionneurs philanthropes. Miyasaka Fusakazu suit leur exemple et fonde en 1952 le premier musée de Togariishi dans l’une de ses anciennes demeures. Ce projet pionnier bénéficie heureusement bientôt de la relance économique nationale. Des bâtiments modernes sont conçus pour le musée en 1955 puis en 1979 par la ville de Chino. L’actuelle structure, datant de 1998, illustre quant à elle la fastueuse période que connaît l’archéologie japonaise durant les trente dernières années du XXe siècle.

Le produit d’une archéologie japonaise dynamique

  • 31 Le livret blanc est un document publié annuellement par le MEXT faisant état de ses politiques ache (...)
  • 32 Claude Constantin, « Un problème majeur de l’archéologie nationale : le financement de l’archéologi (...)
  • 33 Ibid.

15D’après le livre blanc du Bunkachō, le nombre de fouilles quadruple entre 1973 et 1983, passant de 1 243 à 5 10531. Habu Junko, de l’université de Berkeley, souligne que ce nombre double encore jusqu’en 1995, atteignant ainsi 10 490. À titre de comparaison, 3 400 opérations archéologiques ont été menées cette même année en France32. L’anthropologue constate également la croissance fulgurante du budget consacré aux chantiers. À la hauteur d’un milliard de yens en 1970, il dépasse les 100 milliards de yens au début des années 1990 pour connaître un pic de 132 milliards de yens (environ un milliard d’euros) en 1997. La France ne consacrait alors que 500 millions de francs, soit 120 millions d’euros à l’archéologie préventive33.

16Contrairement au ministère de la Culture français, le Bunkachō ne subventionne qu’une part infime de l’archéologie japonaise. Le nombre de fouilles programmées et donc financées reste constant depuis les années 1970, de l’ordre de quelques centaines par an. Les entreprises de sauvetage constituent l’écrasante majorité des chantiers en raison de l’aménagement croissant du territoire japonais. Les zones concernées, souvent occupées de longue date, font régulièrement l’objet de fouilles préventives financées par l’aménageur selon le principe du « casseur-payeur34 ». La Vénus de Tanabatake est elle-même découverte lors de la construction d’une zone industrielle35.

  • 36 Habu J., op. cit. note 31, p. 21.
  • 37 L. Nespoulous & P.-F. Souyri, op. cit. note 1, p. 479.

17La gestion des fouilles relève essentiellement des municipalités ou des préfectures depuis les années 1990. L’État se défait alors de cette compétence au profit d’institutions spécialisées, adaptées aux spécificités locales36. Ces entités s’associent le plus souvent à des chercheurs issus de réseaux privés spécialisés dans l’archéologie préventive, majoritaires parmi les 7 000 archéologues japonais employés durant les années 1990. Ce nombre dépasse de deux fois et demie celui recensé à la même époque par l’Association pour les fouilles archéologiques nationales en France. L’archéologie japonaise demeure depuis l’une des plus actives au monde37.

18Bien que gérées à l’échelle locale, ces découvertes constituent un enjeu national. Une loi de protection des biens culturels est ainsi dédiée à leur protection dès 195038. Elle propose un système de classement inspiré de la loi de conservation des trésors nationaux de 1929 et mis en application par le tout jeune Comité de protection des biens culturels (文化財保護委員会, bunkazai hogo iinkai), devenu en 1968 le Bunkachō. Les sites et pièces archéologiques tels que la Vénus Jōmon, désignés comme « biens culturels enfouis » (埋蔵文化財, maizō bunkazai) peuvent désormais être protégés au titre de l’un des six ensembles patrimoniaux prévus39. Selon Inada Takashi, cette législation souple favorise une archéologie fondée sur le principe de prévention plutôt que de prospection. La Vénus Jōmon est inscrite au titre de bien culturel matériel40. Une hiérarchie est instaurée au sein même de cette catégorie, selon la valeur historique, scientifique ou artistique de l’objet. Le cas le plus courant est l’inscription en tant que « bien culturel matériel » (登録有形文化財, tōroku yūkei bunkazai). Vient ensuite le classement (指定, shitei) comme « bien culturel important » (重要文化財, jūyō bunkazai) et enfin comme « trésor national » (国宝, kokuhō). La Vénus Jōmon fait partie de ces rares élus.

Être ou devenir un trésor national ?

  • 41 Philippe Pelletier, L’Invention du Japon, Paris, Éditions Le Cavalier Bleu, 2020.
  • 42 Ce sujet est largement abordé par Laurent Nespoulous dans sa thèse.
  • 43 Befu Harumi, Hegemony of Homogeneity, Melbourne, Trans Pacific Press, 2001, p. 53-56.

19Cette désignation bien actée aujourd’hui n’allait pas de soi lors de la découverte de la statuette. Les avancées scientifiques incitent d’abord les archéologues d’après-guerre à reconsidérer leur objet d’étude privilégié, la céramique, afin de redéfinir les bornes chronologiques de la période Jōmon. L’intérêt pour les dogū, connues depuis l’époque Edo, demeure assez secondaire jusqu’aux années 1980 et 1990. La multiplication des fouilles archéologiques va alors de pair avec la popularité des « Nihonjinron », que Philippe Pelletier traduit par « japanologies »41. Afin de définir les origines et les caractéristiques du peuple japonais, les auteurs de ces ouvrages mobilisent souvent les données découvertes lors de fouilles archéologiques sans disposer eux-mêmes d’une formation dans ce domaine. Il n’est pas rare que des parallèles soient dressés entre les modes de vie des populations Jōmon et celui des Japonais actuels qui en seraient les descendants, une hypothèse largement critiquée au Japon comme à l’étranger42. L’influence de ces discours est toutefois considérable, comme le montre l’anthropologue Befu Harumi43. Les chantiers archéologiques génèrent un véritable enthousiasme : leur couverture médiatique locale et nationale donne lieu à l’intervention de ces « experts » en dépit de leur formation souvent lacunaire.

20Effectuée dans un contexte sociopolitique favorable, la découverte de la Vénus de Tanabatake en 1986 réoriente les projecteurs vers les dogū. Son état de conservation, bien supérieur à celui de ses congénères brisées, suscite autant de questions teintées d’admiration que le soin apporté à son enfouissement. La Vénus est la première sculpture découverte à jouir de ce qui est alors considéré comme un privilège unique : elle ne peut que constituer un chef-d’œuvre parmi les dogū. À ces considérations s’ajoutent la fierté et l’engagement de citoyens locaux, prêts à tout mettre en œuvre pour faire reconnaître ce trésor à titre national. La ville de Chino encourage ce mouvement qui suit l’exemple de Sannai Maruyama, protégé en 1994 et bientôt intégré dans un parc archéologique44.

21La valeur scientifique et esthétique de la Vénus de Tanabatake lui permet finalement d’obtenir le titre de trésor national le 15 juin 1995. La figurine jouit d’un double privilège, puisqu’elle est la première œuvre Jōmon à décrocher ce titre qui la place au sommet de la hiérarchie du patrimoine japonais. Désormais, cette période n’est plus représentée par la céramique, objet du quotidien et support d’étude par excellence, mais par une sculpture anthropomorphe dont la fonction, uniquement symbolique, échappe aux archéologues. La Vénus Jōmon devient ainsi le support d’interprétations issues de l’imaginaire collectif, qui relèvent davantage de problématiques contemporaines qu’elles ne révèlent son sens durant le Japon préhistorique. Sa désignation comme œuvre d’art en est l’exemple le plus flagrant.

Vénus japonaise, Vénus universelle

  • 45 Ibid.

22Riche de ce nouveau statut, la Vénus Jōmon peut désormais représenter la préhistoire, voire la culture japonaise dans son ensemble. Sa restauration durant la seconde moitié des années 1990 renforce sa structure et sa légitimité en tant que trésor national. L’opération consiste en effet à renforcer les jonctions entre les différents appendices qui la composent et à combler certaines pertes du revêtement de mica. Une partie de la fesse gauche est remodelée avec un tel soin que la frontière entre l’ajout et le matériau d’origine se trouve estompée. Constater cette frontière est d’autant plus difficile qu’elle n’est presque jamais évoquée dans les publications concernant la figurine45. Elle vient ainsi tromper le regard du spectateur, qui imagine observer l’objet en l’état dans lequel il a été enterré, conservé par miracle.

  • 46 Jean Davallon, L’Exposition à l’œuvre. Stratégies de communication et médiation symbolique, Paris, (...)
  • 47 Kitazawa Noriaki, Satō Dōshin & Mori Hitoshi, 美術の日本近現代史 : 制度, 言說, 造型 [Bijutsu no Nihon kin-gendaish (...)

23Cette impression peut être renforcée par le contexte d’exposition. Permanents ou temporaires, les dispositifs de présentation mobilisent des biens dont les caractéristiques corroborent les discours qui les sous-tendent46. Avant de rejoindre ses quartiers au musée de la ville de Chino, la statuette est montrée de manière temporaire dès l’achèvement de sa restauration en raison de sa valeur symbolique pour le Japon. L’exposition Jōmon, l’art du Japon des origines qui se tient du 29 septembre au 28 novembre 1998 à la MCJP constitue un cas d’école. Son organisation dépend de la Fondation du Japon, établissement créé en 1972 par le gouvernement japonais afin de gérer son réseau et son action culturelle à l’étranger47. Si elle ne dépend pas directement, comme l’Institut français ou les alliances françaises, du ministère des Affaires étrangères japonais, cette fondation est étroitement associée à l’action internationale du gouvernement. Elle organise chaque année avec le Bunkachō une exposition patrimoniale à l’étranger.

  • 48 Comités japonais et français de parrainage de la Maison de la culture du Japon, Concours pour la Ma (...)
  • 49 Fondation pour l’étude de la langue et l’étude de la civilisation japonaise : www.fondationdefrance (...)
  • 50 Ibid.
  • 51 Pascal Meunier, « Visite du Premier ministre au Japon », Note de synthèse no 851/AS/PM/SC, 11 juill (...)

24En 1998, la MCJP accueille ainsi la Vénus de Tanabatake et d’autres pièces Jōmon à l’occasion de son premier anniversaire. Cette exposition doit servir les objectifs de la nouvelle institution. D’abord conçue comme un lieu de dialogue entre les cultures, elle concrétise le lien privilégié qui unit le Japon et la France48. La création, en 1974, de la Fondation pour l’étude de la langue et de la civilisation japonaise ou Fonds Tanaka constitue une étape clé dans ce rapprochement, accélérant la collaboration scientifique entre les deux pays49. Le mouvement s’accélère à l’aube des années 1990, alors que leurs intérêts se rejoignent de plus en plus. Les observateurs français établis au Japon constatent le désir du gouvernement d’incarner un rôle de grande puissance politique. Cette entreprise implique le renouvèlement de son image culturelle à l’étranger, qui limite encore les dialogues multilatéraux. La France, quant à elle, ne peut plus compter sur l’image positive dont elle jouit au Japon. Figée, datée et remplie de clichés, elle n’encourage pas le développement de relations plus approfondies50. Les deux parties s’emploient ainsi durant les années 1990 à renouveler leurs liens bilatéraux et l’image culturelle dont ils jouissent l’une vis-à-vis de l’autre51. Des saisons annuelles de grande envergure, comme l’année du Japon en France, ponctuées d’expositions temporaires, sont privilégiées pour redorer ces identités.

  • 52 MCJP, Jōmon, l’art du Japon des origines, op. cit. note 3, p. 144-147.

25L’exposition Jōmon répond aux objectifs de ce programme en présentant une facette peu connue en France de l’archipel. Tout comme au Japon, ces œuvres plébiscitées par le système patrimonial doivent incarner les prémices de la culture, de l’art, de l’identité japonaise actuelle. Les deux partenaires, riches d’expériences, appliquent leur méthodologie commune. La majorité des préparatifs (liste des œuvres, textes des salles, catalogue) est effectuée au Japon. Plutôt que de reprendre le contenu d’expositions déjà présentées au Japon comme elle en a d’habitude, l’équipe propose ici un dispositif inédit. Les cinquante pièces accueillies en France proviennent en effet de presque autant de collections disséminées dans tout l’archipel52. La Vénus Jōmon exclue, vingt-trois d’entre elles, c’est-à-dire près de la moitié, sont classées comme biens culturels importants. Plutôt que de proposer un panorama de l’art Jōmon, le dispositif offre à voir ses plus beaux exemples en réunissant les œuvres les plus précieuses de chaque institution.

  • 53 Ibid.
  • 54 François Macé, « Jōmon, l’art du Japon des origines (exposition) », Encyclopædia Universalis.

26Ce message est adapté au public français. La nature des œuvres, principalement des céramiques et des figurines, réunies autour de la Vénus Jōmon, facilite l’établissement de parallèles entre les productions similaires issues des cultures néolithiques européennes. Un lien est ainsi créé entre ces deux aires culturelles au détriment des questions chronologiques, pourtant déterminantes dans l’histoire de l’archéologie japonaise. Les œuvres présentées ne remontent qu’au deuxième Jōmon (5000-Ier millénaire AEC) et plus exactement au Jōmon moyen. L’accent est explicitement mis sur cette période, désignée dans le catalogue comme le moment d’apogée de la culture Jōmon53. Comme le rappelle François Macé, la beauté et la perfection des objets comptent davantage que l’exposition de faits archéologiques et de la diversité des productions Jōmon54. La Vénus Jōmon est ainsi présentée dans ce dispositif pour sa valeur artistique avant sa valeur archéologique.

27Réunir peu d’œuvres permet de les mettre davantage en valeur dans le parcours. Figurant seule sur la couverture du catalogue et l’affiche de l’exposition, la Vénus de Tanabatake est le premier objet à stimuler la curiosité du visiteur à l’entrée du dispositif. Présentée sur un piédestal entourée des autres dogū, elle fait figure de chef-d’œuvre parmi les trésors du Japon. Ses caractéristiques féminines et ses formes rondes incitent les néophytes à effectuer un rapprochement anachronique avec les Vénus paléolithiques européennes, comme la Vénus de Willendorf. Ce dispositif enrichit ainsi la figurine japonaise d’une signification nouvelle, universelle. Rattachée à une production commune au monde entier, elle cristallise désormais le passé du Japon et même de l’humanité.

28Grâce à cette exposition qui marque les esprits, la période Jōmon, incarnée par la Vénus Jōmon, n’est plus réservée à la connaissance d’une élite. L’aube des années 2000 constitue un nouveau tournant pour la recherche archéologique du Japon. Désormais employées au service de sa diplomatie culturelle, les productions Jōmon font l’objet d’études croisées, issues de la coopération entre archéologues français et internationaux. Le colloque international Archéologie, ethnologie et mise en valeur du patrimoine : expériences japonaises et européennes organisé en octobre 2001 par la Maison franco-japonaise de Tokyo avec le concours du musée du Louvre permet de croiser les approches pluridisciplinaires de scientifiques japonais, comme Sahara Makoto, Inada Takashi, Ishii Susumu, avec les recherches francophones de Jean-Paul Demoule, Christophe Marquet ou Pierre-François Souyri. L’âge d’or de l’archéologie prend néanmoins subitement fin à la suite du scandale entourant l’archéologue Fujimura Shinichi, surpris en train de trafiquer un site archéologique. Cette révélation remet en question l’ensemble de la chronologie préhistorique japonaise et la crédibilité des découvertes des décennies antérieures. Les coupes budgétaires du début des années 2000 freinent définitivement la discipline, contrainte d’analyser une nouvelle fois des données et des hypothèses considérées alors comme acquises. Une lueur d’espoir demeure puisque le décès en 2002 de Sahara Makoto, promoteur des coopérations archéologiques internationales et pluridisciplinaires, ne semble pas ralentir ce mouvement, qui poursuit son développement au-delà des frontières de l’archipel.

Un chef-d’œuvre parmi les autres ?

  • 55 J. Reynolds, art. cité note 12.
  • 56 Voir à ce sujet Mizoguchi Kōji, Archaeology, Society and Identity in Modern Japan, Cambridge, New Y (...)

29Malgré ces problématiques scientifiques, la période Jōmon n’a jamais été aussi populaire sur le territoire japonais. Des milliers de touristes parcourent chaque année les sites inscrits au patrimoine national, à commencer par Sannai Maruyama. En plus des restes découverts, diverses reconstitutions matérielles d’habitats ou de scènes incarnées par des figurants immergent les visiteurs dans le quotidien de ceux qui, dans leur imaginaire, incarnent leurs ancêtres55. Ces dispositifs spectaculaires transmettent néanmoins une vision trop synthétique des connaissances sur l’époque Jomon, souvent inexacte sur le plan scientifique56. Leur aspect dynamique, voire participatif, dissimule un propos vieillissant qui n’est plus enrichi par la recherche scientifique. Le cas de Sannai Maruyama est loin d’être isolé : la médiation proposée par les nombreux parcs archéologiques de l’archipel atténue considérablement la frontière séparant le factuel de l’imaginaire.

30Déconstruire ce propos constitue un enjeu de l’archéologie du Japon. Le point de vue de chercheurs étrangers contribue à renouveler les discours plébiscités jusqu’ici. Tout comme de la pertinence des parcs archéologiques, une remise en question du caractère unique et représentatif de la Vénus de Tanabatake semble s’imposer.

Un trésor, des trésors

31La fondation, en 1999, de l’Institut pour l’étude des arts et de la culture japonaise grâce à la donation de Sir Robert et Lady Sainsbury participe au développement de la coopération internationale en archéologie japonaise. Son équipe binationale est composée de chercheurs rattachés pour la plupart à l’université d’East Anglia, comme Nicole Coolidge Rousmaniere, première directrice et professeure d’art et de culture japonaise, Watanabe Toshio, chercheur émérite en arts et patrimoine japonais, ou Simon Kaner, spécialiste de la préhistoire japonaise et commissaire de l’exposition The Power of Dogū: Ceramic Figures from Ancient Japan, présentée au British Museum en 2009.

  • 57 Doi Takashi, « Dogū: Representing the Body in the Jōmon Archipelago », S. Kaner, op. cit. note 9, p (...)

32Contrairement au dispositif de la MCJP, l’événement résulte d’une coopération multilatérale entre le Bunkachō, la Fondation du Japon et le Sainsbury Institute. Les trois institutions mobilisent leurs différentes compétences scientifiques, muséologiques et patrimoniales afin de produire un discours inédit sur les dogū, étayé par la présentation du patrimoine japonais. D’après Doi Takashi du Bunkachō, seule une exposition avait jusqu’alors pris un parti similaire : Dogū et masques d’argile (土偶と土面, Dogū to Domen) proposée par le musée d’art Suntory de Tokyo en 1969, qui se limitait aux simples représentations de figures humaines en argile de l’art Jōmon57.

  • 58 S. Kaner, « Editor’s Preface », op. cit. note 9, p. 15.

33La viabilité d’un projet aussi ambitieux dépend de sa capacité à servir les objectifs des différentes parties. Le prestigieux Sainsbury Institute est en mesure de présenter le résultat de dix années de recherches illustrées par 200 œuvres parmi les plus célèbres, mises à disposition par ses homologues japonais. Ce prêt enrichit réciproquement l’image culturelle du Japon dans le monde anglo-saxon. Par ailleurs, contrairement à l’exposition de 1998, l’installation du British Museum illustre la production de dogū depuis les débuts de la période Jōmon. Rassembler ces objets pourvus d’une valeur artistique et scientifique met en valeur l’ancienneté et l’étendue chronologiques de l’époque Jomon, mais aussi la précédence du Japon dans le domaine des arts du feu. Plus que jamais, la présentation des dogū, « puissantes images qui transcendent la simple représentation d’humains et d’animaux », s’effectue au bénéfice du Japon58.

  • 59 Ibid.
  • 60 François Berthier, « L’art japonais à l’époque néolithique », op. cit. note 8, p. 108.

34La Vénus Jōmon sert de nouveau ce double discours dès la préface de l’exposition59. En tant que trésor national, elle est de nouveau mise en valeur dans le catalogue, dont la photographie en dernière page la présente de dos pour mettre en avant le présumé mouvement de ses jambes. De nouvelles recherches permettent de mieux comprendre le contexte de son enfouissement, déjà étudié par François Berthier en 1998. La statuette aurait pu être inhumée dans le cimetière de Tanabatake avec des restes humains, disparus en raison de l’acidité des sols60.

35La Vénus Jōmon ne jouit cependant plus de l’exclusivité que lui réservait l’exposition de la MCJP. En effet, elle partage désormais son statut de trésor national avec deux autres pièces du Jōmon tardif : la « figurine creuse » de Chobonaino, promue en 2007, et la « figurine aux mains jointes » de Kazahari, nommée peu avant l’exposition du British Museum. Du fait de leur statut commun, toutes les trois sont mises en avant dans une partie spécifique intitulée « Dogū: National Treasures ». Par ailleurs, la couverture du catalogue montre la Déesse masquée, conservée tout comme la Vénus Jōmon au musée de Chino61. Si elle est encore seulement classée bien culturel important en 2009, elle devient la cinquième dogū nommée trésor national en 2014, suivant la Déesse Jōmon de la préfecture de Yamagata en 2012.

Une œuvre en voie de dé-signification ?

  • 62 Douglas Bailey, « The Chobonaino Dogū : Understanding a Late Jōmon Figure from Hakodate », S. Kaner (...)

36La figurine de Tanabatake n’est désormais plus la seule à bénéficier d’un traitement privilégié, d’un surnom intime. Bien qu’elle soit le premier chef-d’œuvre Jōmon inscrit sur la liste des trésors nationaux du Japon, les nouvelles entrées de la liste concurrencent son statut d’image par excellence de cette période du fait de leurs caractéristiques. La figurine creuse de Chobonaino fait en outre l’objet d’une restauration poussée, mise en valeur par un article entier dans le catalogue de l’exposition du British Museum, tandis que la récente découverte de la Déesse masquée, trouvée seule dans une cavité couchée sur le flanc, est davantage mise en avant62. Ce discours n’est pas sans rappeler la présentation de sa voisine du musée de Chino, dont on ne souligne plus la prépondérance dans le domaine artistique ou le caractère unique.

  • 63 Miho Museum : www.miho.jp/en/exhibition/秋季特別展「土偶・コスモス」/ [consulté en mai 2024].

37Un propos encore plus synthétique est développé lors de l’exposition Dogū: a Cosmos proposée en 2012 au musée de Miho. Pour la première fois, la Vénus de Tanabatake n’accompagne aucun discours scientifique. Ses décors, son visage humanoïde, ses formes anecdotiques, tous les traits qui l’associent à la production de cette période sont plus faciles à souligner via les autres dogū classées trésors nationaux. Seule son introduction dès la préface de l’exposition, encore une fois en premier, semble la distinguer des autres. Désignée comme l’aboutissement d’une recherche plastique initiée au début de l’ère Jōmon, elle ne fait l’objet d’aucune analyse critique. Le texte invite au contraire à imaginer sa symbolique d’alors, laissant la part belle à l’interprétation : « A-t-elle été enterrée dans une tombe ou était-elle vénérée comme une déesse63 ? »

38Si la nomination d’autres sculptures au même rang que la Vénus de Tanabatake entraîne la diminution de sa présence dans les discours sur l’époque Jōmon, elle ne suffit pas à expliquer cette disparition des propos scientifiques. La découverte de la figurine a engendré une avancée considérable pour l’archéologie japonaise. Sa valeur historique justifiait son classement en 1995. Aurait-elle en revanche connu un destin aussi exceptionnel par la suite si d’autres œuvres avaient auparavant reçu ce titre ?

Figure 3. Tampon à l’effigie de la Vénus Jōmon et de la Vénus masquée à la gare de Chino. Photographie de l'autrice, 2024. Au Japon, de nombreux lieux publics et culturels mettent à disposition ce type de matériel afin que les visiteurs conservent un souvenir de leur passage.

39Seule pièce Jōmon à en jouir de 1995 à 2007, la Vénus fait l’objet d’une valorisation extrême fondée sur le caractère « unique » du contexte de sa découverte et de ses caractéristiques artistiques. La ville de Chino élabore à l’échelle régionale une stratégie de mise en avant en nommant des lignes de transport et des routes en son nom. De nombreux produits dérivés, affichages et tampons à collectionner reprennent son image dans la région des Alpes japonaises (fig. 3). Surmobilisée dans les discours et les productions matérielles, la Vénus Jōmon finit par incarner de fait, au Japon, le chef-d’œuvre Jōmon, voire le trésor national par excellence. Cette signification toujours d’actualité légitime sa présence dans les expositions concernant cette période et les monographies des trésors nationaux du Japon, comme l’exposition Jōmon : 10 000 Years of Prehistoric Art in Japan organisée au musée national de Tokyo du 3 juillet au 2 septembre 201864.

40Un tel discours n’est cependant plus justifié en dehors des frontières de l’archipel. Une seule exposition à la MCJP n’a pas suffi à propager jusqu’en France le rayonnement dont elle jouit au Japon. Le discours accentuait alors avant tout son statut de meilleure représentante de l’art Jōmon plutôt que ses caractéristiques intrinsèques. Quatre autres dogū peuvent désormais l’incarner, peut-être mieux qu’elle.

41Sa présence lors de l’exposition Jōmon : naissance de l’art dans le Japon préhistorique à l’occasion de la saison des Japonismes, en 2018, s’impose pour des raisons historiographiques, comme un hommage au précédent succès de la MCJP65. Elle semble toutefois hors de propos dans un dispositif qui n’aborde les chefs-d’œuvre Jōmon plus seulement pour leur valeur artistique et historique, mais aussi comme objets de la vie quotidienne. Tout comme vingt ans plus tôt, le Bunkachō et la Fondation du Japon incitent les visiteurs français à tisser des liens entre les œuvres exposées et leur propre bagage culturel. Le discours de l’exposition de 2018 encourage non pas cette fois la mobilisation de connaissances, mais plutôt un rapprochement avec des réflexions sociales contemporaines. La relation des populations Jōmon à la nature est notamment mise en parallèle avec les interrogations concernant le rapport entre l’être humain et son environnement. Cette idée sous-tend également l’exposition Fukami, une plongée dans l’esthétique japonaise, organisée elle aussi à l’occasion des Japonismes66.

  • 67 Harada Masayuki, « 18. Trésor national, figurine dite “Vénus Jōmon” », op. cit. note 5, p. 88.

42Contrairement aux autres dogū, la Vénus Jōmon n’est pas tout à fait intégrée dans cette réflexion. Son importance historiographique, qui aurait pu mettre en évidence la longévité des relations culturelles franco-japonaises, est à peine effleurée dans la notice que le catalogue lui dédie. Sa découverte, sa nomination et les hypothèses entourant sa fonction rituelle, pourtant soulignées par le catalogue de 1998, ne sont pas mentionnées67. Seuls un hommage à sa beauté et une mention de son statut figurent à l’appel, sans analyse ou discussion. L’existence matérielle de la Vénus Jōmon semble effacée : elle est uniquement donnée à voir à travers son statut législatif. Comment, dès lors, l’intégrer dans un discours scientifique si l’on n’observe plus sa matérialité ?

Conclusion : le retour à la matérialité comme solution ?

43Quelle idée de se rendre à Chino pour voir la Vénus Jōmon alors que ses reproductions photographiques et dérivées abondent ! Trois bus par jour pour se rendre au musée de Toragiishi depuis la gare locale sauvent encore de l’oubli sa nature matérielle : un intriguant paradoxe pour un chef-d’œuvre aussi connu par les Japonais, friands de pèlerinages religieux, ou presque, sur les traces de l’histoire de leur pays. Comment cette œuvre, encore enterrée pour l’éternité il y a moins de quatre décennies, a-t-elle pu être tour à tour analysée, classée, célébrée, honorée, dépossédée, écartée, remplacée puis presque oubliée en aussi peu de temps ? La richesse de son histoire mérite pourtant d’être soulignée au même titre que son intérêt matériel.

44La ville de Chino a sans doute constaté la perte de vitesse de son précieux trésor dans la très concurrentielle compétition des chefs-d’œuvre Jōmon, tant à l’échelle locale que nationale. Se reposer sur ses lauriers après le classement de 1995 et l’ouverture de l’actuel musée d’archéologie en 1998 l’a sans doute empêchée de remarquer l’inadaptation de ses infrastructures aux évolutions de la recherche archéologique et des discours plébiscités, et à la demande croissante d’un public avide d’expérience. La construction d’un parc archéologique municipal devrait permettre de réduire le gouffre qui la sépare des autres villes bénéficiant d’un tel patrimoine. Cette opportunité permettrait à la Vénus de Tanabatake de retrouver son souffle dans l’univers contemporain. Prendre en considération sa matérialité pour étayer un discours scientifique semble cependant indispensable pour lui permettre d’exister aux côtés de la Vénus masquée, dont l’image est désormais privilégiée par la ville pour représenter l’histoire de la culture Jōmon non loin du lac Suwa, situé à une centaine de kilomètres à peine du mont Fuji, attraction touristique par excellence.

Figure 4. Suwa : un lac au cœur des Alpes japonaises. Photographie de l’autrice, 2024.

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Notes

1 Laurent Nespoulous & Pierre-François Souyri, Le Japon, des chasseurs-cueilleurs à Heian, -36 000 à l’an mille, Paris, Belin, 2023, p. 53.

2 Les termes japonais employés dans cet article sont retranscrits via le système Hepburn. Comme il est de coutume au Japon, les noms de famille des personnes concernées précèdent leur prénom.

3 « Notice no 29 : figurine », Maison de la culture du Japon (MCJP), Jōmon, l’art du Japon des origines (catalogue d’exposition de la MCJP, 29 septembre-28 novembre 1998), Paris, MCJP, 1998.

4 Site de la ville de Chino : www.city.chino.lg.jp/uploaded/attachment/13295.pdf [consulté en mai 2024].

5 Harada Masayuki, « Les dogū dans l’univers de Jōmon », MCJP, Jōmon : naissance de l’art dans le Japon préhistorique (catalogue d’exposition de la MCJP, 17 octobre-8 décembre 2018), Paris, MCJP, 2018, p. 25.

6 La période Jōmon est historiquement divisée en six phases, correspondant aux évolutions observées dans le domaine de la poterie. Les progrès de la recherche durant la deuxième moitié du XXe siècle ont cependant révélé l’étendue chronologique ainsi que les variations géographiques du système économique Jōmon, correspondant à un Néolithique non agraire. Les bornes employées pour chaque phase peuvent varier d’un auteur à l’autre. Cet article se réfère aux propositions de Laurent Nespoulous et Pierre-François Souyri dans leur récent ouvrage, op. cit. note 1, p. 53.

7 Vénus Jōmon, site du musée archéologique de Chino : www.city.chino.lg.jp/site/togariishi/1755.html [consulté en mai 2024].

8 MCJP, Jōmon, l’art du Japon des origines, op. cit. note 3.

9 Simon Kaner, « Encountering Dogū », S. Kaner (dir.) The Power of Dogū: Ceramic Figures from Ancient Japan (catalogue d’exposition du British Museum, Londres, 10 septembre-22 novembre 2009), Londres, British Museum Press, 2009, p. 29.

10 S. Kaner, art. cité note 9, p. 30.

11 Ibid.

12 Jonathan Reynolds, « Les parcs archéologiques de Sannai Maruyama et Yoshinogari. Identité culturelle et préhistoire dans le Japon contemporain », Perspective, no 1, 2020, p. 329-345. En ligne : journals.openedition.org/perspective/19488 [consulté en mai 2024].

13 S. Kaner, art. cité note 9, p. 36.

14 François Macé, « Mangeurs de châtaignes et de praires, rêveurs de formes et de dieux, les hommes de Jōmon », Jōmon, l’art du Japon des origines, op. cit. note 3, p. 44, 45.

15 L. Nespoulous & P.-F. Souyri, op. cit. note 1, p.126 ; S. Kaner, art. cité note 9, p. 35. Réf. Souyri & Nespoulous, p. 126

16 Fujimori Eiichi, « 縄文時代農業論とその展開 » [Jōmon jidai noko-ron to sono tenkai, Développement d’hypothèses sur l’agriculture Jōmon], 考古学研究 [Kokogaku Kenkyu, Études archéologiques], no 10 (2), 1963, p. 21-33. Une carte présentée lors de l’exposition du British Museum mettait en perspective ces différentes productions. S. Kaner, art. cité note 9, p. 38, 39.

17 L. Nespoulous, « Art et préhistoire au Japon : les Jōmon. Une discussion entre Jean-Paul Demoule et Inada Takashi », Perspective, no 1, 2020, p. 24. En ligne : journals.openedition.org/perspective/17408 [consulté en janvier 2024].

18 Sahara Makoto et Tanaka Migaku (dir.), Dictionnaire archéologique du Japon, Ebisu, no 29, 2002, p. 191-192. En ligne : www.persee.fr/doc/ebisu_1340-3656_2002_num1_1313 [consulté en janvier 2024].

19 Katō Shimpei, Kobayashi Tatsuo, & H. Fujimoto Tsuyoshi, 縄文文化の研究 [Jōmon bunka no kenkyū, Études sur la culture Jōmon], 10 vol., Tōkyō, Yūzankaku, 1983.

20 Sahara Makoto, « Problématiques générales de l’archéologie préhistorique et de la préservation des sites au Japon », Jean-Paul Demoule & P.-F. Souyri (dir.), Archéologie et patrimoine du Japon, Paris, Maison des sciences de l’Homme, 2008, p. 12.

21 Sahara Makoto & Tanaka Migaku (dir), 日本考古学辞典 [Nihon kōkogaku jiten, Dictionnaire archéologique du Japon], Tokyo, Sanseidō, 2002.

22 J.-P. Demoule & P.-F. Souyri, Archéologie et patrimoine du Japon, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’Homme, 2008.

23 L. Nespoulous, « Une histoire de la protohistoire japonaise : de la genèse de l’agriculture à la formation des sociétés archaïques complexes du Ve millénaire avant notre ère au VIe siècle de notre ère », thèse de doctorat en histoire, Hautes Études Asie-Pacifique, sous la direction de Jean-Paul Demoule (Paris 1) et François Macé (Inalco), Paris, Inalco, 2007.

24 Inada Takashi, « 1950年からの日本文化財保護法の展開と地域アイデンティティの形成 » [1950nen kara no nihonbukazai hogo-hō no tenkai to chiiki aidentiti no keisei, L’évolution de la protection du patrimoine au Japon depuis 1950 : sa place dans la construction des identités régionales], Ebisu, no 52, 2015. En ligne : journals.openedition.org/ebisu/1576 [consulté en mai 2024].

25 Sainsbury Institute : www.sainsbury-institute.org [consulté en mai 2024].

26 Bunkachō : www.bunka.go.jp/english/index.html [consulté en mai 2024]. Musée national de Tōkyō, ミュージアムヒストリー 東京国立博物館―150年のあゆみ [Histoire du musée national de Tōkyō-150 ans d’histoire], Tōkyō, Yoshikawa Kobunkan, 2022.

27 MCJP, Jōmon : naissance de l’art dans le Japon préhistorique, op. cit. note 5.

28 Miho Museum : www.miho.jp/en/exhibition/秋季特別展「土偶・コスモス」/[consulté en mai 2024].

29 Tokyo National Museum : www.tnm.jp/modules/r_free_page/ index.php?id=1906&lang=en [consulté en mai 2024].

30 Harada Masayuki, « 18. Trésor national, figurine dite “Vénus Jōmon” », MCJP, Jōmon : naissance de l’art dans le Japon préhistorique, op. cit. note 5, p. 88.

31 Le livret blanc est un document publié annuellement par le MEXT faisant état de ses politiques achevées ou en cours durant l’année précédente. Disponible en ligne : www.mext.go.jp/en/publication/whitepaper/index.htm [consulté en mai 2024]. Habu Junko, Ancient Jōmon of Japan, Cambridge, UK, New York, NY, USA, Cambridge University Press, 2004, p. 20-22.

32 Claude Constantin, « Un problème majeur de l’archéologie nationale : le financement de l’archéologie préventive », Bulletin de la Société préhistorique française, tome 94, no 1, 1997. p. 3. En ligne : www.persee.fr/doc/bspf_0249-7638_1997_num_94_1_10593 [consulté en mai 2024].

33 Ibid.

34 Inada T., art. cité note 24.

35 Chino Museum : www.city.chino.lg.jp/site/togariishi/1757.html

36 Habu J., op. cit. note 31, p. 21.

37 L. Nespoulous & P.-F. Souyri, op. cit. note 1, p. 479.

38 Inada T., art. cité note 24. Les trois principales révisions de cette loi datent de 1954, 1975 et 2004.

39 Buried Cultural Properties, Bunkacho : www.bunka.go.jp/english/policy/ cultural_properties/introduction/buried_properties/ [consulté en mai 2024].

40 Ibid. : « Productions culturelles matérielles telles que les bâtiments, les peintures, les sculptures, les objets d’art et d’artisanat, les textes anciens possédant une grande valeur historique ou artistique pour notre pays (ainsi que les terrains ou autres biens immobiliers avec lesquels ils prennent leur valeur), de même que les documents archéologiques ou tout autre document historique ayant une grande valeur scientifique. »

41 Philippe Pelletier, L’Invention du Japon, Paris, Éditions Le Cavalier Bleu, 2020.

42 Ce sujet est largement abordé par Laurent Nespoulous dans sa thèse.

43 Befu Harumi, Hegemony of Homogeneity, Melbourne, Trans Pacific Press, 2001, p. 53-56.

44 Jōmon Japan : jōmon-japan.jp/wp-content/uploads/2013/07/pamphlet_7 sannaimaruyama-en.pdf [consulté en mai 2024].

45 Ibid.

46 Jean Davallon, L’Exposition à l’œuvre. Stratégies de communication et médiation symbolique, Paris, L’Harmattan, p. 75-76. Fondation du Japon, Exhibition Report, 1972-2012, Tokyo, Japan Foundation, 2014.

47 Kitazawa Noriaki, Satō Dōshin & Mori Hitoshi, 美術の日本近現代史 : 制度, 言說, 造型 [Bijutsu no Nihon kin-gendaishi: seido, gensetsu, zōkei, Histoire du Japon moderne et contemporain via l’art : institutions, discours et pratiques], Tōkyō, Tōkyō Bijutsu, 2014.

48 Comités japonais et français de parrainage de la Maison de la culture du Japon, Concours pour la Maison de la culture du Japon à Paris (catalogue de l’exposition présentée au Pavillon de l’Arsenal, Paris, septembre-novembre 1990), Paris, Pavillon de l’Arsenal/L’Architecture d’Aujourd’hui, 1994.

49 Fondation pour l’étude de la langue et l’étude de la civilisation japonaise : www.fondationdefrance.org/fr/annuaire-des-fondations/fondation-pour-l-etude-de-la-langue-et-de-la-civilisation-jap [consulté en mai 2024].

50 Ibid.

51 Pascal Meunier, « Visite du Premier ministre au Japon », Note de synthèse no 851/AS/PM/SC, 11 juillet 1990, La Courneuve, Archives diplomatiques, Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques, Coordination géographique, 1970-1990, Généralités et visites, côte no 280ORV213.

52 MCJP, Jōmon, l’art du Japon des origines, op. cit. note 3, p. 144-147.

53 Ibid.

54 François Macé, « Jōmon, l’art du Japon des origines (exposition) », Encyclopædia Universalis.

55 J. Reynolds, art. cité note 12.

56 Voir à ce sujet Mizoguchi Kōji, Archaeology, Society and Identity in Modern Japan, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 2006.

57 Doi Takashi, « Dogū: Representing the Body in the Jōmon Archipelago », S. Kaner, op. cit. note 9, p. 47, 48.

58 S. Kaner, « Editor’s Preface », op. cit. note 9, p. 15.

59 Ibid.

60 François Berthier, « L’art japonais à l’époque néolithique », op. cit. note 8, p. 108.

61 Venus masquée, Musée archéologique de Chino : www.city.chino.lg.jp/site/togariishi/1754.html [consulté en mai 2024].

62 Douglas Bailey, « The Chobonaino Dogū : Understanding a Late Jōmon Figure from Hakodate », S. Kaner, op. cit. note 9, p. 60-69.

63 Miho Museum : www.miho.jp/en/exhibition/秋季特別展「土偶・コスモス」/ [consulté en mai 2024].

64 Tokyo National Museum : www.tnm.jp/modules/r_free_page/ index.php?id=1906&lang=en [consulté en mai 2024].

65 Japonismes 2018. Rapport d’activité, 2019. En ligne : www.jpf.go.jp/j/about/area/japonismes/pdf/japonismes2018_report_fr.pdf [consulté en mai 2024].

66 Hasegawa Yuko, Fukami, une plongée dans l’esthétique japonaise (catalogue d’exposition de l’hôtel Salomon de Rotschild, Paris, 14 juillet-21 août 2018), Paris, Flammarion/Japan Foundation, 2019.

67 Harada Masayuki, « 18. Trésor national, figurine dite “Vénus Jōmon” », op. cit. note 5, p. 88.

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Légende Figure 1. Dispositif de présentation de la Vénus Jōmon au musée de Togariishi. Photographie de l'autrice, 2024.
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Légende Figure 2. Vénus Jōmon de profil. Courtoisie du musée de Togariishi, Chino, 2024.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/34779/img-2.jpg
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Légende Figure 3. Tampon à l’effigie de la Vénus Jōmon et de la Vénus masquée à la gare de Chino. Photographie de l'autrice, 2024. Au Japon, de nombreux lieux publics et culturels mettent à disposition ce type de matériel afin que les visiteurs conservent un souvenir de leur passage.
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Légende Figure 4. Suwa : un lac au cœur des Alpes japonaises. Photographie de l’autrice, 2024.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Chloé-Alizée Clément, « La Vénus Jōmon, grande oubliée du panthéon des arts japonais ? »Les Cahiers de l’École du Louvre [En ligne], 23 | 2024, mis en ligne le 12 décembre 2021, consulté le 18 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/34779 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12ydl

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Auteur

Chloé-Alizée Clément


Doctorante en co-encadrement à l’École du Louvre et à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, Chloé-Alizée Clément mène des recherches sur la diplomatie culturelle du Japon, et plus particulièrement sur les coopérations muséales franco-japonaises entre 1974 et 2019, sous la direction de Laure Schwartz (fondation Baur, Genève) et Laurence Badel (Paris-1). À l’École du Louvre, elle enseigne les travaux dirigés devant les œuvres au musée des Arts et Métiers et accompagne les étudiants de licence en tant que tutrice.

Chloé-Alizée Clément is a doctoral student at the École du Louvre and the Université Paris-1 Panthéon-Sorbonne. Her research, under the supervision of Laure Schwartz (Fondation Baur, Geneva) and Laurence Badel (Paris-1), focuses on Japan’s cultural diplomacy and more specifically on the cooperation between French and Japanese museums between 1974 and 2019. For the École du Louvre, she lectures in front of works of art at the Musée des Arts et Métiers and tutors undergraduate students.

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