« Le fauteuil d’amour » du prince de Galles : la légende à l’épreuve des archives
Résumés
Pendant toute la seconde partie du XIXe siècle et la première moitié du XXe, la maison Soubrier (1818-) a fourni en meubles de qualité, une clientèle aisée, aussi bien française qu’étrangère, particuliers, institutions et sociétés privées. Dans le milieu de l’érotisme, elle est connue pour avoir réalisé autour de 1900, une commande particulière émanant du Chabanais, maison close la plus célèbre et la plus courue de Paris, le « fauteuil d’amour » du prince de Galles, futur Édouard VII. L’étude du fonds d’archives Soubrier donné à la bibliothèque du musée des Arts Décoratifs en 2017 par les descendants actuels de la maison, a livré des informations inédites qui éclairent l’histoire de cette pièce de mobilier exceptionnelle.
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Keywords:
nineteenth century, furniture, Faubourg Saint-Antoine, Maison Soubrier, Prince of Wales, joinery, armchair, eroticism, brothels, ChabanaisPlan
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1Pendant toute la seconde partie du XIXe siècle et la première moitié du XXe, la maison Soubrier (1818-) située 14 rue de Reuilly dans le faubourg Saint-Antoine, a fabriqué et commercialisé des meubles de qualité, exécutés selon des méthodes traditionnelles, et essentiellement inspirés des styles historiques malgré une incursion dans l’Art nouveau autour de 1900 et de brillants développements dans l’Art déco dans l’entre-deux guerres. À la fin du XIXe siècle, sa production est de deux ordres : une production haut de gamme et luxueuse constituée de créations réalisées sur mesure afin de répondre aux commandes particulières d’une clientèle privilégiée, et une production de petite série, mais toujours d’excellente qualité, destinée à la bourgeoisie aisée.
- 1 Je remercie Louis et Jean-Marie Soubrier pour l’intérêt qu’ils prennent à mes recherches et pour le (...)
- 2 Date la plus ancienne jusqu’à laquelle j’ai pu remonter concernant la formation de la maison. Contr (...)
- 3 Elle propose à la location une collection de meubles et d’objets de tous styles et de toutes époque (...)
- 4 Leora Auslander, Taste and power: furnishing modern France, Berkeley, University of California, 199 (...)
2En 2017, les descendants actuels de la famille Soubrier1 ont fait don de l’intégralité du fonds d’archives de la maison au musée des Arts décoratifs de Paris (MAD). Constitué de plus de six cent registres, catalogues, livres de modèles, livres de comptabilité, dessins, photographies et plans, il est exceptionnel du fait de son ampleur et de sa diversité. Son étude permet de faire revivre cette entreprise emblématique du faubourg Saint-Antoine, et d’appréhender le fonctionnement d’une maison d’ameublement traditionnelle de 18182 jusqu’à la fin des années 1960. Celle-ci, qui existe toujours en ayant néanmoins modifié son activité3, n’a jamais fait l’objet de recherches approfondies : quelques historiens d’art la signalent dans leurs ouvrages mais faute d’avoir pu explorer le fonds d’archives, ils ne lui consacrent à chaque fois que quelques lignes et une ou deux photographies4.
- 5 Soub 412, No 4 G.L, du 12 mai 1909 au 31 janvier 1911, commande 2205, p. 218 du 8 octobre 1910.
- 6 Romi, Maisons closes dans l’histoire, l’art, la littérature et les mœurs, Paris, 1965, éditions Ser (...)
3Les livres de modèles de la maison Soubrier présentent des milliers de dessins de meubles de tous types et de tous styles, de l’armoire à glace au prie-Dieu. Dans le milieu de l’érotisme, l’entreprise est célèbre pour avoir fabriqué et livré au tournant du XXe siècle, une pièce de mobilier unique, « une chaise longue modèle spécial5 », au Chabanais, maison close alors la plus célèbre de Paris, installée au 12 de la rue du même nom. Celle-ci est actuellement conservée dans les locaux de la maison Soubrier. Sous la plume des journalistes et dans la littérature, ce siège bénéficie de différentes appellations : « fauteuil », « chaise » ou « siège » « d’amour » ou « de volupté », ou encore « chaise-cheval6 ». Il est entouré d’une légende qui en attribue l’usage, voire la commande, au prince de Galles, futur Édouard VII (1841-1910) qui fréquentait régulièrement l’établissement. Les découvertes inédites faites dans le fonds d’archives déposé au MAD nous permettent de préciser la nature de la collaboration qui lia la maison d’ébénisterie et la maison de plaisir, notamment dans les années 1910. En ce qui concerne le fauteuil, l’étude de deux écritures trouvées dans un registre de comptabilité éclaire d’un jour nouveau et inattendu le contexte de sa commande et de sa réalisation.
I. Le fauteuil et son corpus
Figure 1.
« Fauteuil d’amour », 1911, bois laqué blanc rechampi doré, 196 x 154 x 77 cm, collection privée.
© Maison Soubrier.
- 7 Le fauteuil mesure 1,96 m. de long, 0,77 m. de large et 1,54 m. de haut.
- 8 Soub 412, N° 4 G.L, du 12 mai 1909 au 31 janvier 1911, p. 283, commande 2342 du 28 janvier 1911, Fo (...)
4Le modèle de « fauteuil d’amour » actuellement conservé par les Soubrier, qui l’ont racheté en 1986 lors d’une vente aux enchères à l’hôtel Drouot, fait partie de ces meubles qui attestent de la compétence des artisans et du niveau d’excellence atteint par la production de la maison (fig. 1). Sa silhouette générale souple, élégante et déliée lui confère l’allure d’un traîneau qui aurait été croisé avec une table de gynécologue, comme le suggère la présence d’une paire d’étriers en bronze7. Complétés par deux cale-pieds pivotants du même métal fixés sur le socle, ils trahissent sa fonction érotique. Ce fauteuil avait en effet été conçu pour faciliter les ébats d’un quinquagénaire bedonnant, en l’occurence, et si l’on en croit la légende, le prince de Galles, futur Édouard VII. L’assise du siège et son dossier très incliné vers l’arrière forment une ligne continue et reposent sur quatre pieds très hauts, aux lignes souples, qui se divisent dans leur partie inférieure pour se raccorder au socle ; dans le prolongement des pieds antérieurs, s’élancent deux bras aux extrémités enroulées en crosse. La ligne de l’ensemble est harmonieuse. Il faut insister sur le raffinement et la qualité d’exécution de ce siège qui a dû poser aux menuisiers de la maison Soubrier un certain nombre de difficultés techniques : les lignes courbes, la longueur et le profil des différentes pièces formant la structure du fauteuil n’ont pu être obtenues qu’en utilisant des planches de grande taille que les menuisiers ont débillardées, c’est-à-dire taillées en diagonale, ce qui exigeait une certaine virtuosité. Le fauteuil est réalisé en bois peint laqué blanc rechampi doré, ce qui ne correspond pas aux teintes d’origine, sur lesquelles une écriture tirée d’un livre d’atelier du fonds d’archives nous renseigne : « bois sculpté laqué vert œuf de cane très soutenu, bandes & tiges en or rouge, les feuilles or citron et bien verni vieux8 ». Cette différence s’explique par le fait que, rapidement après le rachat du siège à Drouot en 1986, comme il se trouvait dans un état de grand délabrement, Louis Soubrier, a choisi de le faire laquer en blanc rechampi doré. Le socle et l’assise sont recouverts d’une soierie à motifs fleuris qui n’est bien évidemment plus celle d’origine. L’ornementation du fauteuil, moulures, motifs végétaux et floraux, aussi finement dessinés que sculptés, témoignent de l’excellence des dessinateurs et des sculpteurs employés par la maison. Les montants supérieurs du siège, destinés à servir de poignées, s’enroulent élégamment à leurs extrémités et sont ornés d’une délicate bague de branchage. Les motifs d’anémone et de feuillage suivent les surfaces chantournées du meuble qu’elles couvrent d’une floraison printanière.
Figure 2.
Anonyme, dessin du « fauteuil d’amour », s. d, encre sur papier, 28 x 19,5 cm, collection privée.
© M.Mariez © Maison Soubrier
Figure 3.
Anonyme, « Fauteuil d’amour », photographie, s. d., 24 x 18 cm, Maison Soubrier.
© M. Mariez.
- 9 Entretien du 25/01/2023.
5Deux documents conservés dans les archives de la maison Soubrier prouvent que le siège est bien sorti de leurs ateliers : un lavis (fig. 2) réalisé par un dessinateur dont le nom demeure inconnu et une photographie du meuble terminé (fig. 3). Il existe quelques différences entre les deux documents. La structure de siège n’a pas changé, empruntant ses lignes sinueuses au style Louis XV, particulièrement adapté à ce meuble de plaisir. Il rappelle en effet une période où depuis la Régence jusqu’à la veille de la Révolution (Les Liaisons dangereuses publiées en 1882 par Choderlos de Laclos se fondent sur des faits s’étant produits dans les années 1770), le libertinage et les voluptés de la chair avaient été élevés au rang d’institution dans certains groupes sociaux privilégiés. L’ornementation du fauteuil pris en photo à la sortie des ateliers, présente des variations par rapport au lavis : aux motifs rocaille de coquilles, fleurs et feuillages retenus initialement par le dessinateur, ont été préférés des motifs relevant de l’Art nouveau : moulures en coup de fouet, fleurs et feuilles naturalistes. Le fauteuil actuellement conservé par les Soubrier correspond à celui présenté sur cette photographie, qu’il s’agisse de sa structure ou de son décor sculpté. Une comparaison des deux, fondée sur un examen minutieux du premier et des détails agrandis de la seconde, montre qu’il s’agit sans aucun doute du même fauteuil, à un élément près qu’explique Louis Soubrier : quand il a racheté le fauteuil en 1986, celui-ci avait perdu la barre placée à l’arrière du châssis, visible sur le cliché. Il a donc adapté la garniture à ce manque9.
- 10 Entretien du 13/03/2024 avec Philip Youngberg, vice-président de M.S. Rau.
6Meuble très célèbre dans le milieu de l’érotisme, il a fait l’objet de copies. À l’heure actuelle, l’auteur a pu identifier clairement quatre autres spécimens de fauteuil de ce type (il en existe probablement d’autres discrètement conservés à travers le monde). Ils partagent un point commun : nous ne disposons d’aucune information relative à leur origine et à leur histoire. L’un était proposé à la vente en 2020 par un célèbre antiquaire de la Nouvelle-Orléans, M.S. Rau Antiques ; mis en vente en février 2020 au prix de 68 000 dollars, il a été acheté par le Musée du sexe de New York10. Il diffère en deux points du modèle détenu par les Soubrier : l’assise du siège est plate et ne comporte ni le double renflement ni la découpe concave de la ceinture au niveau de l’assise. Le décor, finement sculpté, bien que moins fourni, semble très proche ; les motifs de fleurs et de feuilles Art nouveau reprennent fidèlement celles du fauteuil Soubrier.
- 11 Je n’ai pu obtenir davantage d’informations de la maison Mercier & Fils.
7Il en va tout autrement d’un modèle mis en vente aux enchères à Lille le 15 avril 2018 par la maison Mercier & Cie qui l’avait estimée entre 12 000 à 15 000 euros. Il est un peu plus court que le modèle Soubrier ; comme pour le spécimen de chez Rau Antiques, son assise est plate ; les motifs sculptés à décor d’acanthe et de fleurettes de style Napoléon III sont différents ; il ne comporte ni étriers ni cale-pieds, ces derniers étant remplacés par une barre de bois laqué. La notice du catalogue de ventes fait remonter sa fabrication à l’époque Napoléon III. Si le fait était avéré, il ne s’agirait pas d’un modèle antérieur à celui-ci11, dont se serait inspiré le modèle Soubrier. Il serait donc l’occurence la plus ancienne de ce type de fauteuil. En effet, s’il est tentant d’imaginer que ce modèle ait pu s’inspirer d’un modèle façonné par un menuisier en sièges exerçant son talent et sa fantaisie au siècle de Boucher, aucune trace matérielle d’un siège de ce type, aucun témoignage, qu’il soit littéraire ou pictural, ne nous permet d’étayer cette hypothèse. Le « fauteuil d’amour » semble bien être une création du XIXe siècle.
- 12 Auteur de The Private Lives of the Tudors, 2017, Paperback, 464 p.
- 13 « there is a very faithful replica of the sex chair that we were able to borrow for the series. » (...)
- 14 Il s’agit d’Arturo Andreoli, sans que l’on sache si celui-ci l’a lui-même fabriqué ou s’il n’en éta (...)
8En 2019, la Smithonian Channel, chaîne de télévision américaine payante, diffusa une série intitulée Private Lives of the Monarchs dont le premier épisode est consacré à la reine Victoria. Il fait intervenir Tracy Borman12, historienne et conservatrice auprès des Britain’s Historic Palace, qui présente une copie du fauteuil, en précisant bien qu’il s’agit d’une « copie très fidèle » et que l’original se trouve à Paris13. Aucune information n’est donnée quant au propriétaire et au lieu de conservation de l’objet. Il suffit de jeter un coup d’œil à ce spécimen pour constater que, loin des assertions de l’historienne, il s’agit d’une réplique très simplifiée et plutôt sommaire du modèle, avec ses montants extrêmement larges renforcés sur leur face interne par des étais de section carrée, et son décor doré formé de motifs appliqués et non pas sculptés. Nous sommes loin de l’élégance du fauteuil Soubrier et de la bonne facture des deux modèles précédents. Un quatrième spécimen du fauteuil est conservé au Sex Machines Museum de Prague auquel il a été vendu en 1996 par un artisan spécialisé dans la création de décors de cinéma14. Comme dans la version anglaise, les éléments de la structure sont épais, leur découpe simplifiée faisant disparaître leurs galbes ; quant au décor sculpté, il est également sommaire. Il ressort de l’examen de ce corpus que le modèle détenu par les Soubrier se distingue par la qualité de sa réalisation et de son esthétique.
- 15 Lot no 374, fauteuil mécanique circa 1900, maison Dupont, vente du 06 novembre 2016, Bonham-Cornett (...)
- 16 À ne pas confondre avec celui, aujourd’hui disparu, qui meublait la chambre à coucher de son hôtel (...)
- 17 Inv. 18176, Paris, musée des Arts décoratifs.
- 18 Autre maison close de haut vol. Les lieux de prostitution étaient souvent nommés par le numéro de l (...)
9Il est difficile de faire entrer le « fauteuil d’amour » du Prince de Galles dans un quelconque corpus. Son raffinement et sa qualité d’exécution empêchent qu’on l’assimile à des fauteuils tel que celui, d’une fonctionnalité très crue, mis en vente lors de la liquidation de la collection du musée de l’érotisme de Paris15. Ses caractéristiques le rapprochent en revanche d’autres meubles célèbres créés pour des lieux de plaisir, qu’il s’agisse de maisons closes ou d’hôtels particuliers : lit dit « de la Païva16 » en forme de conque en acajou massif, commandé aux environs de 1860 ; lit de parade de Valtesse de la Bigne17 réalisé vers 1875 par Édouard Lièvre (1828-1886) ou lit de la chambre Régence de la maison close du « 6, rue des Moulins18 » signé Mercier Frères (1828-1985) et récompensé lors de l’Exposition universelle de 1889, tous trois forts exubérants dans leur structure comme dans leur décor. Le fauteuil du prince s’en distingue néanmoins sur deux points : sa sobriété, ainsi que le fait d’afficher une structure totalement et très clairement destinée à une fonction érotique.
II. Entre tradition orale et légende
10Outre le fait qu’elle s’inscrit dans l’histoire de l’érotisme et du mobilier, l’étude du fauteuil du prince de Galles présente un autre intérêt : il constitue un bon exemple de la façon dont se forgent ces légendes qui jalonnent l’histoire de l’art. Le récit orchestré au fil du temps autour du « fauteuil d’amour », débute par une tradition orale qui, dans les milieux des plaisirs parisiens de la Belle-Époque, évoque la fréquentation assidue du Chabanais par le prince de Galles, futur Édouard VII.
- 19 Toutes ces informations ainsi que celles qui suivent sont tirées de Nicole Canet, Le Chabanais : hi (...)
- 20 Levic-Torca 1910, p. 140.
- 21 Chronique des tribunaux, article reproduit dans N. Canet, op. cit. note 19, p. 114.
- 22 N. Canet, op. cit. note 19, p. 59.
- 23 Voir photographie reproduite p. 269 dans N. Canet, op. cit. note 19.
11C’est en septembre 1877 qu’Alexandrine Jouannet (1845-1899) qui se faisait également appeler Mme Darcourt, Fatma ou Kelly (ce dernier surnom étant le plus connu), ouvre au 12, rue Chabanais, dans un immeuble de huit étages à façade étroite, une maison close qui allait très vite devenir la plus courue de Paris et gagner une notoriété internationale pour le luxe de ses installations et le raffinement de ses trente-cinq pensionnaires19. Cette réussite était due à la personnalité hors norme de sa fondatrice : d’une grande beauté, très élégante, fascinée par l’Orient, elle dota l’établissement d’un décor à l’orientale peuplé de créatures vêtues à la turque. Ses goûts personnels, déclinés dans des décors luxueux, correspondaient parfaitement aux attentes d’évasion d’une clientèle masculine raffinée pour laquelle plaisir sexuel et plaisir esthétique étaient liés, le dépaysement faisant partie de la prestation proposée. Les aménagements intérieurs étaient en effet d’une « richesse inouïe20 » comme en témoignent les divers guides du Paris nocturne de l’époque. Alexandrine Jouannet avait eu recours aux fournisseurs les plus réputés dans tous les domaines, MM. Leemans et Collet, par exemple, pour les somptueuses étoffes qui habillaient fenêtres et mobilier21. En 1877, lors de la visite d’inspection qui précéda l’ouverture de l’établissement courant septembre, le Service Actif des Mœurs fit figurer sur son rapport l’estimation suivante : « les travaux, l’ameublement et la décoration ont déjà coûté près de 200 000 francs22 ». Des artistes de renom n’ont pas hésité à participer à sa décoration : en 1880, le peintre Charles Toché (1851-1916) qui, à la même époque, travaillait aux fresques historiques et allégoriques de la grande galerie du château de Chenonceau, réalisa huit peintures murales mises sous-verre pour décorer les murs du salon de présentation Louis XV, situé au second étage de l’immeuble23. L’endroit était fréquenté par l’élite de la société masculine française (membres du Jockey Club, hommes politiques, artistes, écrivains, etc.), monarques et dignitaires étrangers pour lesquels une visite au Chabanais constituait un passage obligé lors d’un séjour parisien.
- 24 N. Canet, op. cit. note 19,p. 183 et 185. Mme Canet a racheté les plaques de ces photographies et e (...)
12Parmi ceux-ci, l’un des plus prestigieux et des plus assidus aurait été le prince de Galles, futur Édouard VII. C’est en 1886 que la reine Victoria (1819-1901) autorisa son fils à effectuer des voyages à l’étranger. Paris constitua l’une de ses destinations préférées jusqu’en 1901, année de son accession au trône qui sonna le glas de ses escapades parisiennes. La capitale lui permettait d’assouvir son goût pour les plaisirs et les femmes – qui lui valut le surnom de « Dirty Bertie » ou « d’Edward the Caresser » – et d’occuper l’oisiveté d’un prince que sa mère tenait à l’écart des affaires de l’État. Lors de ses visites au Chabanais, le prince aurait occupé la chambre indienne du cinquième étage. Comme son nom l’indique, celle-ci était décorée d’un riche ameublement sculpté laqué rouge à rehauts d’or ; le plafond et les murs étaient recouverts de glaces et de panneaux laqués. Cette chambre était flanquée d’un boudoir décoré dans le même style, au milieu duquel trônait le fameux « fauteuil d’amour ». Des photographies anciennes non datées de ces deux pièces sont reproduites dans l’ouvrage de Nicole Canet24.
- 25 Ils sont nombreux, voir par exemple : Levic-Torca et Léon Roze, Paris-noceur, Paris, J. Fort, 1910, (...)
- 26 Entretien avec Nicole Canet du 31/02/2023.
- 27 N. Canet, op. cit. note 19, p. 179. La boîte à musique fait partie de la collection de Mme Canet.
- 28 Romi, Maisons closes dans l’histoire, l’art, la littérature et les mœurs, Paris, 1965, éditions Ser (...)
- 29 Alphonse Boudard, Romi, L’Âge d’or des maisons closes, Paris, 1990, 188 p., p. 90. Romi en possédai (...)
13De tous les écrits sur le sujet, qu’il s’agisse d’ouvrages ou d’articles rédigés par des historiens ou des journalistes, aucun ne remet en cause les visites du prince de Galles au Chabanais, alors que, paradoxalement mais de façon compréhensible au vu de l’identité du personnage, aucun document, aucun témoignage de première main, ne confirme les faits. Ni du côté de la maison close, réputée pour sa discrétion légendaire, ni du côté des guides du Paris nocturne ou des récits égrenant les souvenirs des noceurs de l’époque25. Quant aux archives de la police, elles sont, sans surprise, muettes sur le sujet26. Seul souvenir supposé du prince, une boîte à musique qui porte sur le devant, gravée sur une plaquette en ivoire, l’inscription sibylline : « De la part du Prince, pour Madame Kelly, Le Chabanais-Paris27. » Bien que la tradition identifie ce prince avec le futur Édouard VII, il faut se souvenir que d’autres princes, réels ou d’opérette, fréquentaient l’endroit. Des caricatures du prince en galante compagnie, souvent publiées sous forme de cartes postales circulaient à l’époque. Elles constituent les seuls témoignages concrets parvenus jusqu’à nous de sa présence dans la maison de plaisir. Les ouvrages rédigés par le duo Alphonse Boudard (1925-2000)/Romi (1905-1995) en présentent deux, l’une anonyme, datée de 190028, l’autre signée de Roger et ainsi légendée : « Caricature du prince de Galles entouré des dames du Chabanais, publié en 190329 », dans une revue à parution capricieuse « L’Indiscret ».
- 30 N. Canet, op. cit. note 19, rapport de police reproduit p. 295
14Après la mort du roi en 1910, la rumeur continua à se propager pour s’amplifier dans les années 1920, à la suite d’une initiative de Maurice Jalabert (1878-1961). Il avait repris le bail du Chabanais le 11 avril 1920 et demanda aux autorités de police l’autorisation de faire visiter les lieux à des touristes, qui s’y rendaient en autocar et s’acquittaient d’un droit d’entrée de cinquante francs. Cette permission fut également accordée à la maison close, du 6, rue des Moulins, et ce, pour la même raison qu’au Chabanais : parce qu’elle « possédait un ameublement artistique30. » Il faut préciser qu’à cette époque, la fréquentation du Chabanais était en baisse, et que le nouveau tenancier, en homme d’affaire avisé, avait peut-être trouvé là une source de recettes complémentaires. D’après Alphonse Boudard et Romi, les sous-maîtresses qui faisaient fonction de guides, agrémentaient la visite de commentaires pittoresques au sujet de leurs clients les plus prestigieux, au rang desquels le prince de Galles.
- 31 A. Boudard et Romi, op. cit. note 29, p. 124. Les auteurs ne citent pas leur source. Il est possibl (...)
« Tous les jours, l’une des sous-maîtresses, très digne, était chargée de commenter la visite : “Mesdames et messieurs, au fond de cette chambre où venait coucher le roi d’Angleterre, vous apercevez la baignoire à tête de femme dans laquelle Sa Majesté faisait verser du champagne pour faire prendre un bain aux plus jolies pensionnaires de la maison… À gauche, vous voyez le fauteuil d’amour qui fut spécialement fabriqué pour le futur roi par la maison Soubrier, du Faubourg Saint-Antoine31.” »
15 Ce témoignage est l’un des premiers qui associe le prince au fauteuil. Il en est un autre, dans le domaine de la photographie : une série de clichés des différentes pièces du Chabanais ont en effet été prises au début du XXe siècle, montrant entre autres la chambre indienne dévolue au prince et le fauteuil trônant dans le boudoir attenant (fig. 4).
Figure 4.
Anonyme, « Fauteuil d’amour », s. d., Le Chabanais, épreuve argentique, tirage moderne à partir du négatif verre. Légende de la photographie figurant dans le livre Le Chabanais de Nicole Canet : Anonyme, Le siège d’amour du Prince de Galles, Photographie, collection Nicole Canet.
© Galerie Au Bonheur du jour.
- 32 Voir photo de l’« État des objets vendus » dans N. Canet, op. cit. note 19, p. 354.
16Enfin, dernier jalon dans l’élaboration de la légende, la vente aux enchères le 8 mai 1951 par maître Rheims, d’une partie du mobilier du Chabanais. Ce dernier ne semble guère avoir contribué à diffuser la rumeur puisqu’il présenta le fauteuil d’amour” sous la dénomination peu engageante de « lit médical32 ». Le journal Radar (1949-1962), par contre, surfant sur la légende, relate ainsi la vente dans un article du 20 mai :
- 33 Radar, 20 mai 1951, p. 14. La baignoire aurait également été commandée par le prince.
« Le fauteuil d’un genre très “parisien” que le même monarque [Édouard VII] affectionnait entre tous, et construit d’après ses plans, connut un moindre succès [que la baignoire en forme de sirène] : 32 000 francs. Un antiquaire le disputa à un inconnu, puis abandonna la partie. On soupçonne l’inconnu d’avoir acheté pour le compte de l’ambassade du royaume cité plus haut. On l’a, en effet, entendu bredouiller au moment de dire son nom. Simple déduction toutefois33. »
- 34 Hôtel Drouot, salle n° 13, vente du dimanche 20 avril 1986 à 14 heures par le ministère de Maître H (...)
17En réalité, le fauteuil fut acheté par un antiquaire, Jacques Lejeune, qui le céda très vite à Alain Vian, frère de l’artiste Boris Vian, qui le remit à son tour en vente à Drouot en 1986 où il fut racheté par la famille Soubrier pour 246 030 francs34. L’article de Radar nous donne sur le siège une information nouvelle, qui circulait néanmoins peut-être depuis longtemps : le fait que le prince aurait lui-même dessiné les plans du fauteuil. Il s’agit d’une donnée invérifiable et sans doute fantaisiste. Depuis les Années folles et jusqu’à nos jours, ce seront toujours ces mêmes informations pittoresques que reprendront les personnes qui traiteront du sujet, écrivains, journalistes ou même historiens.
III. Le fauteuil, un objet muséal
- 35 A. Boudard et Romi, op. cit. notes 29 et 31.
18« Pendant les Années folles, le Chabanais, rempli de souvenirs prestigieux et de meubles précieux, avait un caractère de musée national » soulignaient en 1990, Boudard et Romi35. Objet de curiosité et de fantasme, « le fauteuil d’amour » s’est vu investi, dans les années 1980, d’une valeur muséale. Il a en effet été présenté à plusieurs reprises dans des expositions d’envergure nationale et internationale. Dans le cadre d’une réflexion sur la création et le développement d’une légende, il faut remarquer que de façon constante, les cartels et les commentaires de catalogues en reprennent les éléments, contribuant ainsi à sa propagation.
- 36 Fantasy furniture, du 19 septembre au 22 octobre 1989, National Academy of Design, New York.
- 37 Bruce M. Newman, Meubles insolites, Paris, Flammarion, 1989, p. 7.
- 38 Pauly & Cie, Rocking chair, 1890, Newell Art Gallery.
- 39 Fauteuil, bois sculpté, fin XIXe siècle-début XXe siècle, Newell Art Gallery.
- 40 François-Rupert Carabin, Fauteuil, 1893, noyer et fer forgé, Musée d’art moderne et contemporain de (...)
- 41 B. Newman, op. cit. note 37, p. 133.
19C’est avec l’exposition intitulée Fantasy furniture qui se déroula à New York en 1989 sur la 5e avenue36, que débute le parcours muséal du fauteuil. L’esprit de cet événement consistait avant tout à présenter des pièces caractérisées par une « fantastique capacité inventive […] un style spirituel et ironique, fait d’imagination et de fantaisie37 ». Bruce Newman, collectionneur-marchand new-yorkais à la tête de la galerie Newell Art Gallery et commissaire de l’exposition, a présenté le fauteuil dans la section du « Style Belle-Époque » » parmi, entre autres et pour se limiter aux sièges, un rocking-chair vénitien en bois argenté en forme de coquille géante38, un fauteuil relevant du style « Forêt noire39 » dont le dossier et les pieds postérieurs sont formés par le corps d’un ours dressé sur ses pattes, et une chaise de François Rupert Carabin40 (1862-1932) dont le revers du dossier est flanqué d’une femme nue agenouillée. Pour Newman, ces pièces étaient « le résultat d’une fantaisie débridée stimulée par l’esprit intrinsèquement festif » d’une époque dont : « La décoration intérieure reflétait l’optimisme et les violentes impulsions qui l’[…] animaient41. » Dans l’ouvrage édité à la suite de l’exposition et traduit en français sous le titre de Meubles insolites, il commente en ces termes la photographie du fauteuil :
- 42 B. Newman, op. cit. note 37, p. 133.
« On apprend, de source parisienne, que parmi ces dignitaires, Édouard VII, futur roi d’Angleterre, était connu pour y faire beaucoup plus que de simples visites de courtoisie, puisqu’il fit créer un mobilier spécialement à son usage. Ce “siège d’amour” fabriqué sur mesure par M. Soubrier en 1890, se complétait d’étriers permettant à Édouard VII de goûter les charmes de deux dames à la fois42. »
- 43 L’Amore, dall’Olimpo all’alcova, Mole Antoniellana, Turin, 29 mai-4 octobre 1992.
- 44 Jean-Jacques Lequeu, Et nous aussi nous serons mères, car…, 1794, crayon et aquarelle, H. 0,635 ; L (...)
20 En 1992, à Turin, lors de l’exposition L’Amore, dall’Olimpo all’alcova43, le fauteuil trône dans la section « Les lieux de libertinage ». Loin de se borner à présenter un univers de maisons closes (seules deux photos de chambres du Chabanais et une du 6, rue des Moulins, sont présentées) le commissaire Giulio Macchi, préfère dans cette partie de la manifestation, exposer des dessins d’architectures de la saline royale d’Arc-et-Senans, exécutés par Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806) : Oikéma (temple de la régulation des passions) et Cénobie (temple de la Paix et de la Justice, maisons de plaisir. Jean-Jacques Lequeu (1757-1826), autre architecte singulier, est également à l’honneur avec ses étranges dessins de figures lascives44. Il s’agit là de deux architectes visionnaires et énigmatiques. Plutôt que d’exposer les lieux réels du libertinage, Giulio Macchi choisit de montrer des projets ou des réalisations utopiques et irréelles et place ainsi « le fauteuil de volupté » dans une perspective où le rêve et le fantasme l’emportent sur la réalité triviale d’un lupanar.
- 45 L’image dans le tapis, Cercle de l’Arsenal de la XLVe Biennale de Venise, 9 juin au 30 août 1993.
- 46 Lettre de Jean Digne à Louis Soubrier du 9 mars 1993. Archives privées Soubrier.
- 47 Lettre de Jean de Loisy à Louis Soubrier du 15 mai 1993. Archives privées Soubrier.
21 En 1993, l’exposition L’image dans le tapis, présentée dans le cadre de la Biennale de Venise45 par l’Association française d’Action Artistique (AFAA) et dont l’organisation a été confiée à Jean de Loisy, conservateur des Galeries contemporaines du Centre Georges Pompidou, relève d’un esprit assez proche de celle de New York, Fantasy furniture, puisqu’« elle associe à de nombreux objets liés à la tradition du merveilleux et des cabinets de curiosité prêtés par des institutions internationales, quinze artistes de générations différentes comme Calder, Jean-Michel Alberola ou Gérard Gasiorowski46. » Jean de Loisy dans un courrier adressé à Louis Soubrier dit avoir remarqué le fauteuil dans le catalogue de l’exposition L’Amore, « non seulement au titre de son étrangeté mais aussi par sa qualité de forme et de réalisation47. » Le fil conducteur de l’exposition consiste à confronter des œuvres d’époques et de provenances très diverses mais dont le point commun est de distiller une idée d’hermétisme, source « d’infinies exégèses », celles-ci paraissant :
« l’écho d’un bruit insistant et peut-être secret, contenu telle une image, dans un tapis persan […] Cette rumeur qui accompagne la relative opacité de leurs œuvres devient, différemment pour chacun, mais avec la même précision obsessionnelle, partie intégrante de l’effet poétique qu’ils produisent. »
- 48 Jacques Gautier d’Agoty, Ange anatomique, 1748, H. 0,55 ; L. 0, 45 m, collection Kerchache.
22Sont rassemblées ici des œuvres ambiguës qui suscitent à la fois admiration et répulsion comme l’Ange anatomique de Jacques Gautier d’Agoty48. Dans son commentaire du fauteuil, Jean de Loisy revient sur la notion de secret en rappelant la discrétion dont a été entourée sa fabrication, le mystère, source de bien des fantasmes, de son mode d’emploi et, au sein de la famille Soubrier, le silence qui planait autour de la réalisation de cette pièce de mobilier. Dans l’esprit de cette exposition, le fauteuil de volupté d’Édouard VII est un objet doté d’une charge poétique puissante.
- 49 Paris 1900 : la ville spectacle, sous la direction d’Isabelle Collet et Dominique Lobstein, cat. ex (...)
- 50 Henri Gervex, Une soirée au pré Catelan, 1909, huile sur toile, H. 2, 17 ; L. 3, 18 m, Paris, musée (...)
- 51 René-Xavier Prinet, Le Balcon, 1905-1906, huile sur toile, H. 1, 61 ; L. 1, 91 m, Caen, musée des B (...)
- 52 Albert Brichaut, Recueil de photographies sur les maisons closes parisiennes, accompagné d’un mémoi (...)
- 53 Cat. exp. cité note 49, p. 396.
- 54 Ibid., p. 396.
- 55 Ibid., p. 296.
23En 2014, au Petit Palais, dans l’exposition Paris 1900, la ville spectacle, le fauteuil est présenté dans la section « Paris la nuit » ; à l’intérieur d’un pavillon reconstituant l’atmosphère d’une maison close, il devient le symbole de « la féminisation et de l’érotisation de l’image de la capitale dans la seconde moitié du XIXe siècle49 ». Cette érotisation comporte deux aspects opposés l’un à l’autre : autour de 1900, le monde de la nuit et des plaisirs est une source d’inspiration inépuisable pour de nombreux artistes fascinés par les couleurs, le dynamisme, la liberté qui dans un mouvement effréné entraînent les acteurs de la scène nocturne parisienne. Il y a ceux qui choisissent le côté de la lumière et de la splendeur comme Henri Gervex (1852-1929) dans Une soirée au pré Catelan50 ou René-Xavier Prinet (1861-1946) dans Le Balcon51, et ceux qui à l’inverse, explorent le côté de l’ombre et de la misère comme Degas ou Steinlen. En 1900, en réaction au développement d’une littérature scientifique consacrée à la prostitution et à ses corollaires, les maladies vénériennes, plusieurs reportages photographiques avaient été commandés par les directions des maisons closes, afin de rassurer leur clientèle. Des photos d’Albert Brichaut52 figuraient dans l’exposition. Elles montrent des lieux propres et raffinés comme le Chabanais, dotés d’un personnel sain, souriant et élégant. Le fauteuil du prince de Galles joue le même rôle que ces photographies : son luxe et son raffinement visent à occulter une réalité triviale et à haut risque sanitaire. Le cartel désigne le siège comme le « Fauteuil, dit de “volupté” ou “d’amour” du prince de Galles53 ». Il était accompagné d’un dessin conservé par les Soubrier, ainsi légendé : « Dessin préparatoire pour le fauteuil d’Edouard VII au Chabanais, vers 1900, Lavis, 19,5 x 28 cm, collection particulière54 ». Dans le catalogue de l’exposition, la notice qui accompagne la photographie pleine page du siège, reprend tous les éléments de la légende et en particulier son utilisation par le prince qui est évoqué « se livrant à de pacifiques joutes avec deux ou trois employées de la maison55. »
- 56 Carolus-Duran, Mademoiselle de Lancey, 1876, huile sur toile, H. 1, 57 ; L. 2, 11 m, Paris, musée d (...)
- 57 Henri Gervex, Madame Valtesse de la Bigne, huile sur toile, H. 2, 05 ; L. 1, 20 m, Paris, musée d’O (...)
- 58 Cat. exp. cité note 49, p. 396.
- 59 Splendeurs & misères : images de la prostitution, 1850-1910, sous la direction de Nienke Bakker, Is (...)
24 L’exposition Splendeurs et misères : images de la prostitution, 1850-1910, qui s’est déroulée du 22 septembre 2015 au 17 janvier 2016 au musée d’Orsay, fait de l’opposition entre les deux aspects de la nuit parisienne évoqués dans la manifestation précédente, son fil directeur ; l’exposition offre son apothéose au « fauteuil de voluptés ». Vedette de la section « Maisons closes », il trônait au centre d’une salle entièrement tendue de rouge, entouré des portraits de courtisanes célèbres comme Mademoiselle de Lancey56 par Carolus-Duran (1837-1917) et Madame Valtesse de la Bigne57 par Henri Gervex. Le cartel désigne le siège comme le « Fauteuil, dit de “volupté” ou “d’amour” du prince de Galles58 » mais il est rédigé de façon plus prudente : « Anonyme. Fauteuil d’amour ou chaise de volupté, vers 1890. Bois peint et doré, garniture de tissu, 154 × 196 × 77 cm. Paris, Maison Soubrier59 » (fig. 5).
Figure 5.
« Fauteuil d’amour », 1911, bois laqué blanc rechampi doré, 196 x 154 x 77 cm, exposition Splendeurs & misères : images de la prostitution, 1850-1910, 22 septembre 2015-17 janvier 2016, musée d’Orsay.
© Musée d’Orsay
IV. Les données du fonds d’archives
25 Arrivés à ce point de notre enquête, rappelons donc que la fréquentation régulière du Chabanais par le prince de Galles ne peut guère être mise en doute malgré la faiblesse des preuves matérielles dont nous disposons, qu’un « fauteuil d’amour » a bien été photographié dans le boudoir indien du Chabanais et qu’un fauteuil du même type est sorti des ateliers Soubrier, comme le prouvent le lavis et la photographie représentant le fauteuil terminé. Rappelons enfin, que le modèle actuellement détenu par la famille Soubrier correspond à cette dernière. L’examen du fonds d’archives de la maison a permis de mettre à jour des informations inédites susceptibles d’éclairer l’histoire de cette pièce originale et de faire la part entre les éléments de la légende et la réalité des faits.
- 60 Jules Cousin, « L’exposition de Hanoï », L’Avenir du Tonkin, 19 mai 1887, www.entreprises-coloniale (...)
26 La commande du fauteuil ne constitue pas la première collaboration entre la maison close et la maison d’ameublement. Celle-ci était en effet réputée pour la qualité des meubles qu’elle produisait. Dans son rapport sur l’Exposition coloniale de Hanoï de 1887, le journaliste Jules Cousin la qualifie de « plus grande maison de meubles de Paris60 ». Au temps de la splendeur du Chabanais, elle accumulait déjà les distinctions obtenues à l’occasion d’expositions universelles et internationales : médailles d’or à Hanoï en 1887, à Bruxelles et à Melbourne en 1888, Grands prix à Liège en 1903, à Milan en 1906, à Quito en 1909, à Turin en 1911. L’entreprise correspondait donc aux standards élevés requis par la maison close en matière de décoration. Elle n’était d’ailleurs pas la seule de sa catégorie à s’aventurer en eaux troubles : l’établissement Mercier Frères s’était vu décerner une médaille d’or à l’Exposition universelle de 1889, pour le lit qui meublait la chambre Régence du 6, rue des Moulins.
- 61 Comme pour la commande 6006 bis du 5 février 1910, p. 238, Soub 276 F. S. 1903 à 1911, ou commande (...)
- 62 Commande 2320 du 5 janvier 1912, p. 178, Soub 413, N 5, G.L, du 01 février 1911 au 21 septembre 191 (...)
- 63 Commande 6004 du 21 janvier 1910, p. 236 à 237, puis commande 6009, 12 février 1910 p. 239 à 240, e (...)
- 64 Soub 413, Grand livre no 5, commande 2320 du 5 janvier 1912, p. 178, et Soub 412, No 4 G.L commande (...)
- 65 Soub 413, Grand livre no 5, p. 24 commande 2046 du 17 mars 1911, p. 178, commande 2136 du 5 janvier (...)
- 66 Soub 412, No 4 G.L, du 12 mai 1909 au 31 janvier 1911, p. 219, commande 2205 du 08 octobre 1910, Fo (...)
27En 1900, à la mort d’Alexandrine Jouannet, Marie-Jeanne Lafarge (dates inconnues) lui succéda à la tête de l’établissement qu’elle dirigea jusqu’en 1920. On trouve dans les registres de comptabilité de la maison Soubrier plusieurs commandes passées en son nom, qu’elle agisse à titre privé pour son domicile du 1, rue Lafitte à Paris61 et pour sa maison de campagne à Meulan62, ou, à titre professionnel, pour le Chabanais. Dès janvier 1910, Madame Lafarge s’adresse à la maison d’ameublement pour exécuter des travaux de réfection dans la maison close, comme en témoigne le livre de vente Soub 27663. La commande est passée en son nom mais il est précisé dans une note entre parenthèses « travaux exécutés pour le 12, rue Chabanais ». Ils semblent avoir été réalisés sous la direction d’un architecte, M. Rastoin, dont le nom et l’adresse, 43 rue de Constantinople à Paris, apparaissent sur deux commandes64. Il s’agit en fait de travaux de rénovation touchant six pièces de l’établissement : la chambre et le boudoir Louis XVI, le salon Venise, le salon pompéien, la chambre turque et la chambre Art nouveau. C’est une commande importante car elle porte sur la moitié des locaux de la maison. Elle consiste essentiellement en travaux de tapisserie, ce qui correspond au goût d’une époque où les étoffes et la passementerie ont envahi tous les espaces. Depuis des années en effet, la maison d’ameublement, loin de se limiter à livrer du mobilier, avait élargi son activité et proposait des services de décoration dans lesquels la tapisserie occupait une place non négligeable : dégarnissage et regarnissage de chaises longues, de tabourets, nettoyage des décors de lits ou de fenêtres, remplacement des parties usées ; dépose, nettoyage et repose des toiles peintes des plafonds. Enfin un certain nombre de fauteuils ont été laqués de neuf. La commande d’un meuble spécifique « table genre oriental-dessus marbre-peinte rouge » est également passée la même année. Cette collaboration se poursuit en 1912, toujours sous la forme de travaux de tapisseries65 auxquels s’ajoutaient la commande d’accessoires très spéciaux, « 4 bracelets en fer à garnir intérieurement de velours de soie vieux rouge66 », vraisemblablement destinés à être utilisés dans une autre chambre de l’établissement.
- 67 Soub 412, No 4 G.L, du 12 mai 1909 au 31 janvier 1911, p. 218, commande 2205 du 8 et 10 octobre 191 (...)
28En ce qui concerne le « fauteuil d’amour », deux écritures trouvées dans un livre d’atelier du fonds d’’archives, viennent remettre en question plusieurs éléments de la légende liée au fauteuil conservé par les Soubrier : sa date de fabrication, la paternité de la commande attribuée au prince de Galles et son utilisation par le futur monarque. Il s’agit de deux écritures, au nom de « Mme Lafarge, 12 rue Chabanais » ; la première date d’octobre 1910, la seconde de janvier 1911. La première décrit « 1 chaise longue modèle spécial indien garnir et couvrir tissu bleu (Chatel)67. » Il s’agit ici de rafraîchir un fauteuil usagé. Le terme de « garnir » désigne la réalisation d’une « mise en crin » qui aboutit à une « garniture » que l’on fixe en la piquant pour ensuite la recouvrir d’un tissu, en l’occurrence choisi dans la collection de la prestigieuse maison de soieries lyonnaise Tassinari et Chatel, fondée en 1867. Il en va tout différemment pour la commande de janvier 1911 qui, par sa précision et l’évocation d’une « maquette », signe la fabrication de toutes pièces d’un nouveau fauteuil :
- 68 Soub 412, No 4 G.L, du 12 mai 1909 au 31 janvier 1911, p. 283, commande 2342 du 28 janvier 1911, Fo (...)
« Une chaise longue modèle spécial établi selon maquettes, bois sculpté laqué vert œuf de cane très soutenu, bandes & tiges en or rouge, les feuilles or citron et bien verni vieux, garniture du grand châssis inférieur et du siège supérieur en soierie bleu et or – étrier et patins en bronze68. »
29Le prix élevé de 3 600 francs auquel est facturé le fauteuil, – qui en fait le meuble le plus cher, et de loin, de tout le registre –, signe une création soignée et sophistiquée ayant nécessité l’intervention de plusieurs artisans et un nombre d’heures de main-d’œuvre important.
30Cette description reprend mot pour mot l’annotation figurant dans la marge gauche de la restauration décrite dans l’écriture d’octobre : « bois laqué vert œuf de cane très soutenu, bande et tige en or rouge, feuilles or citron et bien verni vieux ». Comment expliquer cette similitude ? L’hypothèse la plus probable est la suivante : il s’agit là de deux fauteuils différents mais du même type, de deux « chaises longues modèle spécial » : le premier, décrit dans l’écriture d’octobre, présent au Chabanais depuis un certain temps, aurait, en octobre 1910, nécessité une restauration. La question qui se pose est de savoir d’où provient ce premier modèle. Peut-être est-il issu des ateliers de la maison Soubrier mais rien ne l’atteste. En l’état actuel des recherches, aucune trace de commande de « chaise longue modèle spécial » n’a pu être retrouvée autour de 1890 (date retenue par la tradition pour la création du fauteuil), malgré des recherches approfondies dans les registres comptables. Ceci peut s’expliquer par une volonté de discrétion nécessaire à l’identité du commanditaire. Il peut aussi avoir été fabriqué par une autre maison à ce jour non identifiée, à une époque tout aussi indéterminée mais en tout cas antérieure à 1910, date à laquelle le fauteuil est envoyé chez Soubrier pour être restauré. Le second fauteuil, commandé à la maison Soubrier en janvier 1911, réalisé par elle, racheté par Louis Soubrier à la vente aux enchères de 1986 et actuellement conservé dans les locaux de l’entreprise, serait une reproduction du premier comme en atteste la similitude de leur description. Un dessinateur de la maison aurait repris le modèle arrivé pour restauration en octobre 1910, réalisant le lavis conservé par les Soubrier. Ce second fauteuil correspond à celui de la photographie prise à la sortie des ateliers. Si le prince de Galles a pu utiliser le premier fauteuil, il n’a pas pu se servir du second, fabriqué par les Soubrier en 1911 : à partir de son couronnement en 1901, le monarque met un terme à ses visites au Chabanais et meurt le 6 mai 1910. Les deux fauteuils ont vraisemblablement cohabité à partir de la livraison du second. On peut s’interroger sur la présence de deux versions d’un même modèle dans le même établissement. Le prince avait-il fait des envieux, des émules ? Le fauteuil serait-il devenu l’attraction du lieu ?
- 69 L’auteur des plans est inconnu. N. Canet, op. cit. note 19, p. 317 à 321.
- 70 Ibid., p. 114. Sont mentionnées les chambres Louis XVI, Henri II, espagnole, hollandaise, égyptienn (...)
31La chambre indienne, comme le boudoir, survécut au prince puisqu’elle figure sur les plans établis en 194169 alors qu’elle n’existait pas en 1877, à la fondation de l’établissement par Alexandrine Jouannet. Elle n’est en effet pas évoquée parmi les chambres citées dans l’article de la Chronique des tribunaux de 1883, qui énumère les différentes pièces de la maison afin d’en décrire le grand luxe70. Cette chambre a selon toute vraisemblance été aménagée autour de 1890 à l’intention du prince quand il prit ses habitudes au Chabanais. C’est pour que le fauteuil s’intègre parfaitement au décor de la chambre indienne et de son boudoir devenus mythiques du fait de leur fréquentation par le prince de Galles, que le tissu choisi pour recouvrir le fauteuil réalisé en 1911 et identifiable sur la photographie du siège au sortir des ateliers, présente un motif cachemire d’inspiration indienne de type paisley, terme qui désigne un motif végétal d’origine perse en forme de gouttelette.
32La réflexion autour des deux écritures comptables relatives au « fauteuil d’amour » permet d’avancer une dernière hypothèse concernant la différence de style observée dans le décor sculpté des deux fauteuils, tels qu’on les voit sur le lavis et la photographie ancienne. Le décor du premier, de style rocaille, correspond vraisemblablement au fauteuil mis en place dans le boudoir attenant à la chambre du prince de Galles au tout début des années 1890 quand débutent ses visites au Chabanais. Pour le second fauteuil, reproduit par Soubrier sur le modèle du premier et visible sur la photographie, le style Art nouveau, qui s’épanouit après 1895, est choisi afin de s’adapter au goût du jour.
Conclusion
33L’examen des diverses écritures comptables concernant le Chabanais, relevées dans le registre 412 du fonds d’archives Soubrier détenu par le MAD, permet de nuancer et de préciser les éléments de la légende orchestrée depuis plus d’un siècle autour du Chabanais, du prince de Galles et de son « fauteuil d’amour ». Nous n’avons pas affaire à un, mais à deux fauteuils. Tous deux sont passés par les ateliers de la maison Soubrier. Le premier a fait l’objet d’une restauration mais il est impossible de dire s’il a été créé par eux ; le second en revanche, actuellement conservé dans les locaux de l’entreprise, a bien été réalisé par ses ateliers. Si le prince de Galles n’a jamais pu faire usage du fauteuil fabriqué par les Soubrier en 1911, il a pu utiliser le premier.
34Faire l’étude précise de cet objet de curiosité nous a permis de constater la qualité de son exécution. Il est exemplaire du talent des artisans de la maison ainsi que du niveau d’excellence de sa production. Ce travail de recherche a également été l’occasion de faire le point sur les différentes copies recensées à ce jour. Enfin, il a été l’occasion de suivre sur plus d’un siècle le parcours d’un siège qui, d’objet de curiosité à usage intime et sulfureux, a été élevé à la dignité de pièce muséale, présentée à plusieurs reprises dans des expositions d’envergure nationale et internationale.
35De nombreuses questions continuent néanmoins à se poser au sujet de la réalisation de cette pièce exceptionnelle : pourquoi deux fauteuils d’amour ? Lors de la vente d’une partie du mobilier du Chabanais en 1951, seul un « fauteuil d’amour » a été proposé aux enchères. Qu’est devenu l’autre exemplaire ? Combien de temps les deux fauteuils ont-ils cohabité si cohabitation il y eut ? Il n’est pas exclu que la biographie de cet objet ne connaisse dans le futur d’autres rebondissements…
Notes
1 Je remercie Louis et Jean-Marie Soubrier pour l’intérêt qu’ils prennent à mes recherches et pour leur aide.
2 Date la plus ancienne jusqu’à laquelle j’ai pu remonter concernant la formation de la maison. Contrat sous signatures privées en date à Paris du 8 janvier 1818, enregistré à Paris le 20 du même mois, concernant formation de société entre Monsieur Pierre Ovide Fréquant requérant, et Monsieur Pierre Martin Fréquant, son frère « pour toutes les opérations de commerce et de commissions, généralement quelconques qu’ils pourraient faire ». Minutier des notaires de Paris, Inventaire après-décès de Mme Fréquant, MC/ET/C1169, Archives de Paris.
3 Elle propose à la location une collection de meubles et d’objets de tous styles et de toutes époques.
4 Leora Auslander, Taste and power: furnishing modern France, Berkeley, University of California, 1996, 495 p. ; Denise Ledoux-Lebard, Le Mobilier français du XIXe siècle : 1795-1889, Paris, Éditions de l’Amateur, 2000, 700 p. ; Manuel Charpy, Le Théâtre des objets. Espaces privés, culture matérielle et identité sociale. Paris, 1830-1914., Thèse de doctorat, Tours, [s. l.], 1er décembre 2010 ; Pierre Kjellberg, Art déco : les maîtres du mobilier, le décor des paquebots, Paris, Les Éditions de l’Amateur, 2011, 275 p. ; Christopher Payne, Paris : la quintessence du meuble au XIXe siècle, Saint-Rémy-en-L’Eau, Éditions Monelle Hayot, 2018, 599 p.
5 Soub 412, No 4 G.L, du 12 mai 1909 au 31 janvier 1911, commande 2205, p. 218 du 8 octobre 1910.
6 Romi, Maisons closes dans l’histoire, l’art, la littérature et les mœurs, Paris, 1965, éditions Serg, sp.
7 Le fauteuil mesure 1,96 m. de long, 0,77 m. de large et 1,54 m. de haut.
8 Soub 412, N° 4 G.L, du 12 mai 1909 au 31 janvier 1911, p. 283, commande 2342 du 28 janvier 1911, Fonds Soubrier, bibliothèque MAD.
9 Entretien du 25/01/2023.
10 Entretien du 13/03/2024 avec Philip Youngberg, vice-président de M.S. Rau.
11 Je n’ai pu obtenir davantage d’informations de la maison Mercier & Fils.
12 Auteur de The Private Lives of the Tudors, 2017, Paperback, 464 p.
13 « there is a very faithful replica of the sex chair that we were able to borrow for the series. » Article « Please Look at King Edward VII’s Custom-Made Sex Chair » par Jézébel, consulté le 11/02/2024.
14 Il s’agit d’Arturo Andreoli, sans que l’on sache si celui-ci l’a lui-même fabriqué ou s’il n’en était que le vendeur. Information recueillie le 14/01/2022 auprès du responsable actuel du musée, Oriano Bizzochi, que je remercie.
15 Lot no 374, fauteuil mécanique circa 1900, maison Dupont, vente du 06 novembre 2016, Bonham-Cornette de Saint-Cyr, maison de ventes.
16 À ne pas confondre avec celui, aujourd’hui disparu, qui meublait la chambre à coucher de son hôtel particulier des Champs Élysées et qui était un lit conjugal de style Renaissance.
17 Inv. 18176, Paris, musée des Arts décoratifs.
18 Autre maison close de haut vol. Les lieux de prostitution étaient souvent nommés par le numéro de la rue où ils se trouvaient.
19 Toutes ces informations ainsi que celles qui suivent sont tirées de Nicole Canet, Le Chabanais : histoire de la célèbre maison close, 1877-1946, Paris, galerie Au Bonheur du Jour, 2015, 361 p. Je remercie Mme Canet pour la gentillesse avec laquelle elle a répondu à mes questions et mis à ma disposition ses documents personnels.
20 Levic-Torca 1910, p. 140.
21 Chronique des tribunaux, article reproduit dans N. Canet, op. cit. note 19, p. 114.
22 N. Canet, op. cit. note 19, p. 59.
23 Voir photographie reproduite p. 269 dans N. Canet, op. cit. note 19.
24 N. Canet, op. cit. note 19,p. 183 et 185. Mme Canet a racheté les plaques de ces photographies et en a fait faire des tirages modernes. La collection de l’écrivain Romi, longtemps exposée au musée de l’érotisme de Paris et dispersée lors de sa fermeture lors d’une vente à Drouot le 6 novembre 2016, comprenait également des contretypes argentiques présentant des vues de chambres du Chabanais et du fauteuil.
25 Ils sont nombreux, voir par exemple : Levic-Torca et Léon Roze, Paris-noceur, Paris, J. Fort, 1910, 254 p. ou Charles Virmaître, Paris-impur : les maisons de rendez-vous, Paris, A. Charles, 1890, 292 p., Guide des plaisirs à Paris…, Paris, Édition photographique 1899, 211 p.
26 Entretien avec Nicole Canet du 31/02/2023.
27 N. Canet, op. cit. note 19, p. 179. La boîte à musique fait partie de la collection de Mme Canet.
28 Romi, Maisons closes dans l’histoire, l’art, la littérature et les mœurs, Paris, 1965, éditions Serg, s. p., p. 76.
29 Alphonse Boudard, Romi, L’Âge d’or des maisons closes, Paris, 1990, 188 p., p. 90. Romi en possédait une cinquantaine qui furent également mises aux enchères.
30 N. Canet, op. cit. note 19, rapport de police reproduit p. 295
31 A. Boudard et Romi, op. cit. note 29, p. 124. Les auteurs ne citent pas leur source. Il est possible que Romi (Robert Miquel), né en 1905 ait lui-même fréquenté le Chabanais et entendu ces commentaires.
32 Voir photo de l’« État des objets vendus » dans N. Canet, op. cit. note 19, p. 354.
33 Radar, 20 mai 1951, p. 14. La baignoire aurait également été commandée par le prince.
34 Hôtel Drouot, salle n° 13, vente du dimanche 20 avril 1986 à 14 heures par le ministère de Maître Hervé Poulain. Facture, collection privée Soubrier.
35 A. Boudard et Romi, op. cit. notes 29 et 31.
36 Fantasy furniture, du 19 septembre au 22 octobre 1989, National Academy of Design, New York.
37 Bruce M. Newman, Meubles insolites, Paris, Flammarion, 1989, p. 7.
38 Pauly & Cie, Rocking chair, 1890, Newell Art Gallery.
39 Fauteuil, bois sculpté, fin XIXe siècle-début XXe siècle, Newell Art Gallery.
40 François-Rupert Carabin, Fauteuil, 1893, noyer et fer forgé, Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg.
41 B. Newman, op. cit. note 37, p. 133.
42 B. Newman, op. cit. note 37, p. 133.
43 L’Amore, dall’Olimpo all’alcova, Mole Antoniellana, Turin, 29 mai-4 octobre 1992.
44 Jean-Jacques Lequeu, Et nous aussi nous serons mères, car…, 1794, crayon et aquarelle, H. 0,635 ; L. 0, 50 m, Paris, BNF. J.-J. Lequeu, Il est libre, 1798-1799, crayon et aquarelle, H. 0,635 ; L. 0, 50 m, Paris, BNF.
45 L’image dans le tapis, Cercle de l’Arsenal de la XLVe Biennale de Venise, 9 juin au 30 août 1993.
46 Lettre de Jean Digne à Louis Soubrier du 9 mars 1993. Archives privées Soubrier.
47 Lettre de Jean de Loisy à Louis Soubrier du 15 mai 1993. Archives privées Soubrier.
48 Jacques Gautier d’Agoty, Ange anatomique, 1748, H. 0,55 ; L. 0, 45 m, collection Kerchache.
49 Paris 1900 : la ville spectacle, sous la direction d’Isabelle Collet et Dominique Lobstein, cat. exp. Paris, Petit Palais, 2 avril-17 août 2014, Paris-Musées, les musées de la Ville de Paris, 2014, 415 p., p. 267.
50 Henri Gervex, Une soirée au pré Catelan, 1909, huile sur toile, H. 2, 17 ; L. 3, 18 m, Paris, musée Carnavalet.
51 René-Xavier Prinet, Le Balcon, 1905-1906, huile sur toile, H. 1, 61 ; L. 1, 91 m, Caen, musée des Beaux-Arts.
52 Albert Brichaut, Recueil de photographies sur les maisons closes parisiennes, accompagné d’un mémoire manuscrit sur la prostitution à Paris, 1900. Consultable sur Gallica.
53 Cat. exp. cité note 49, p. 396.
54 Ibid., p. 396.
55 Ibid., p. 296.
56 Carolus-Duran, Mademoiselle de Lancey, 1876, huile sur toile, H. 1, 57 ; L. 2, 11 m, Paris, musée du Petit-Palais.
57 Henri Gervex, Madame Valtesse de la Bigne, huile sur toile, H. 2, 05 ; L. 1, 20 m, Paris, musée d’Orsay.
58 Cat. exp. cité note 49, p. 396.
59 Splendeurs & misères : images de la prostitution, 1850-1910, sous la direction de Nienke Bakker, Isolde Pludermacher, Marie Robert, cat. exp. Paris, musée d’Orsay, 22 septembre 2015-17 janvier 2016, Paris, éd. Musée d’Orsay - Van Gogh museum, 2015, p. 287.
60 Jules Cousin, « L’exposition de Hanoï », L’Avenir du Tonkin, 19 mai 1887, www.entreprises-coloniales.fr.
61 Comme pour la commande 6006 bis du 5 février 1910, p. 238, Soub 276 F. S. 1903 à 1911, ou commande 2136 du 21 juin 1911, p. 80, Soub 413, N 5, G.L, du 01 février 1911 au 21 septembre 1912, Fonds Soubrier, bibliothèque MAD.
62 Commande 2320 du 5 janvier 1912, p. 178, Soub 413, N 5, G.L, du 01 février 1911 au 21 septembre 1912, Fonds Soubrier, bibliothèque MAD.
63 Commande 6004 du 21 janvier 1910, p. 236 à 237, puis commande 6009, 12 février 1910 p. 239 à 240, et commande 6056 du 17 juin 1910 p. 263, Soub 276, F. S. 1903 à 1911, Fonds Soubrier, bibliothèque MAD.
64 Soub 413, Grand livre no 5, commande 2320 du 5 janvier 1912, p. 178, et Soub 412, No 4 G.L commande 2342 du 28 janvier 1911, du 12 mai 1909 au 31 janvier 1911, p. 283, Fonds Soubrier, bibliothèque MAD.
65 Soub 413, Grand livre no 5, p. 24 commande 2046 du 17 mars 1911, p. 178, commande 2136 du 5 janvier 1912, p. 213 commande 2041 du 22 mars 1912, Fonds Soubrier, bibliothèque MAD.
66 Soub 412, No 4 G.L, du 12 mai 1909 au 31 janvier 1911, p. 219, commande 2205 du 08 octobre 1910, Fonds Soubrier, bibliothèque MAD.
67 Soub 412, No 4 G.L, du 12 mai 1909 au 31 janvier 1911, p. 218, commande 2205 du 8 et 10 octobre 1910, Fonds Soubrier, bibliothèque MAD.
68 Soub 412, No 4 G.L, du 12 mai 1909 au 31 janvier 1911, p. 283, commande 2342 du 28 janvier 1911, Fonds Soubrier, bibliothèque MAD.
69 L’auteur des plans est inconnu. N. Canet, op. cit. note 19, p. 317 à 321.
70 Ibid., p. 114. Sont mentionnées les chambres Louis XVI, Henri II, espagnole, hollandaise, égyptienne, la chambre des naïades, la chambre marine, le grand salon et le boudoir mauresque.
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Figure 1. |
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Légende | « Fauteuil d’amour », 1911, bois laqué blanc rechampi doré, 196 x 154 x 77 cm, collection privée. |
Crédits | © Maison Soubrier. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/32020/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 251k |
Titre | Figure 2. |
Légende | Anonyme, dessin du « fauteuil d’amour », s. d, encre sur papier, 28 x 19,5 cm, collection privée. |
Crédits | © M.Mariez © Maison Soubrier |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/32020/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 479k |
Titre | Figure 3. |
Légende | Anonyme, « Fauteuil d’amour », photographie, s. d., 24 x 18 cm, Maison Soubrier. |
Crédits | © M. Mariez. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/32020/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 534k |
Titre | Figure 4. |
Légende | Anonyme, « Fauteuil d’amour », s. d., Le Chabanais, épreuve argentique, tirage moderne à partir du négatif verre. Légende de la photographie figurant dans le livre Le Chabanais de Nicole Canet : Anonyme, Le siège d’amour du Prince de Galles, Photographie, collection Nicole Canet. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/32020/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 54k |
Titre | Figure 5. |
Légende | « Fauteuil d’amour », 1911, bois laqué blanc rechampi doré, 196 x 154 x 77 cm, exposition Splendeurs & misères : images de la prostitution, 1850-1910, 22 septembre 2015-17 janvier 2016, musée d’Orsay. |
Crédits | © Musée d’Orsay |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/32020/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 544k |
Titre | Figure 6. |
Légende | Livre de commande, Soub 412, Archives MAD. |
Crédits | © Michèle Mariez |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/32020/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 538k |
Pour citer cet article
Référence électronique
Michèle Mariez, « « Le fauteuil d’amour » du prince de Galles : la légende à l’épreuve des archives », Les Cahiers de l’École du Louvre [En ligne], 22 | 2024, mis en ligne le 19 juin 2024, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/32020 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11w6r
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