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Les Fleurs du Mal, de la censure au musée

Parcours d’un « exemplaire sans prix » du collectionneur Paul Gallimard illustré par Rodin
Paul Gallimard and Rodin’s Fleurs du Mal: the creative process
Léo Rivaud Chevaillier

Résumés

Paul Gallimard (1850-1929), l’un des plus singuliers collectionneurs de son temps, possédait une œuvre unique à plus d’un titre : un exemplaire des Fleurs du Mal de Baudelaire, avec un envoi autographe, enrichi de dessins à la marge et intercalés d’Auguste Rodin. Il est conservé au musée Rodin à Paris depuis 1931. L’artiste avait évoqué l’idée de se confronter à la poésie de Baudelaire, source d’inspiration pour sa Porte de l’Enfer, avant de recevoir la commande de Gallimard. Entre octobre 1887 et janvier 1888, Rodin créé ces dessins voués à n’être vus que par le collectionneur, qui souhaitait un livre unique, à la suite des frères Goncourt. Des éditions Poulet-Malassis en 1857 jusqu’à la création d’une édition en fac-similé par la Société des Amis du Livre Moderne en 1918, l’histoire de cet objet d’art constitue un sujet au carrefour de nombreux enjeux contemporains d’une nouvelle « bibliopolis » (O. Uzanne). L’article revient sur les différentes temporalités et agentivités de l’objet.

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Texte intégral

  • 1 Georges Montorgueil, « Rodin illustré par Baudelaire ou si j’étais M. Gallimard », L’Éclair, 4 mars (...)

1« Quand Rodin méconnu n’est pas ivre encore du vin des courtisans, et qu’il est bien loin de se douter que la suggestion d’un Mécène lui fait réaliser ce qui sera peut-être le plus pur de ses joyaux, et celui qu’un jour le Musée du Louvre sera fier d’hospitaliser. Car, n’est-ce pas, c’est au Musée du Louvre qu’est destiné cet exemplaire sans prix1 ? »

2Georges Montorgueil (Octave Lebesgue), L’Éclair, 4 mars 1919

  • 2 « Les Faux Rodins. […] Le beau livre de M. Gallimard », L’Avenir, 4 février 1919, p. 2.

3Lorsque le collectionneur Paul Gallimard (1850-1929) est mis en cause, en 1919, dans un scandale de faux Rodin, une commande de dessins passée au sculpteur est invoquée pour le défendre par le critique Georges Montorgueil. Ces illustrations, destinées à enrichir l’exemplaire autographe des Fleurs du Mal détenu par Gallimard, attesteraient les liens anciens qui unissaient le collectionneur et le sculpteur (disparu en 1917), et suggèrerait déjà une destination idéale pour ce livre rare : le musée. Un mois plus tôt, Gallimard aurait lu à un chroniqueur une lettre signée de Rodin en 1888, « à l’écriture déjà un peu jaunie » et « encartée dans une édition unique des Fleurs du Mal ornée de dessins originaux de Rodin », alors que « le livre précieux aux planches inestimables tremblait un peu entre ses doigts2 » (fig. 1).

Figure 1.

Figure 1.

William Malherbe (1884-1951), portrait de Paul Gallimard avec un livre, vers 1920, huile sur toile, 64 × 53 cm. Collection particulière.

  • 3 Louis Vauxcelles, « Collection de M. Paul Gallimard », Les Arts, septembre 1908, pp. 2-32. Sur cett (...)
  • 4 Gustave Geffroy, « Le Musée Rodin », La France libre, 16 août 1919, p 1.

4Aujourd’hui conservé au musée Rodin, l’objet continue d’être célébré pour sa concentration de virtuosités, celles de Baudelaire, de Rodin et du relieur Henri Marius Michel, mais moins pour l’inventivité de son commanditaire. Né en 1850, Paul Gallimard se forme à l’École des Beaux-Arts de Paris puis se consacre pleinement aux arts et au théâtre des Variétés qu’il possède. Ses relations – il est proche d’artistes comme Auguste Renoir et Eugène Carrière, de bibliophiles et de critiques d’art – et sa fortune lui permettent de former une collection de livres et de tableaux formant à l’aube du XXe siècle « l’un des plus nobles musées européens de l’art moderne3 ». En 1919, le critique Gustave Geffroy juge que son ami est « toujours prêt à ouvrir ses collections, à les prêter, à organiser des expositions en France et à l’étranger, pour la gloire de l’art français » en affirmant que « c’est à lui que l’on est redevable de l’illustration des Fleurs du Mal, par Rodin »4.

  • 5 Voir Thierry Bonnot, La Vie des objets. D’ustensiles banals à objets de collections, Paris, MSH, 20 (...)
  • 6 Octave Uzanne, La nouvelle Bibliopolis : voyage d’un novateur au pays des néo-icono-bibliomanes, Pa (...)
  • 7 Willa Z. Silverman, The New Bibliopolis: French Book Collectors and the Culture of Print, 1880-1914(...)
  • 8 Bernard Vouilloux, « Une collection d’unica », COnTEXTES [en ligne], 14 | 2014, consultée le 21 aoû (...)

5En considérant le livre non plus sous l’angle exclusif de l’œuvre de Rodin, qui dessine dans ses marges entre octobre 1887 et janvier 1888, en parallèle de son travail pour la Porte de l’Enfer, cette contribution analyse la trajectoire d’un exemplaire singulier des Fleurs du Mal depuis son édition en 1857 jusqu’à sa patrimonialisation5 en 1931, en plaçant les dessins de Rodin puis leur usage par Gallimard dans le contexte de la « Bibliopolis6 ». Inventé par Octave Uzanne en 1897, ce terme évoque une nouvelle pratique d’amateurs bibliophiles qui éditent des livres modernes illustrés, parfois uniques, qui sont non seulement des œuvres d’art mais aussi des vecteurs de distinction sociale au sens de Pierre Bourdieu, comme l’a démontré Willa Z. Silverman pour qui la « Bibliopolis » promeut tout ce qui est « exclusif, unique et contemporain7 ». Les enjeux sémiotiques, sociaux et symboliques d’une telle pratique de la collection ont été soulevés par Bernard Vouilloux8 dans le cas des livres uniques d’Edmond de Goncourt, lui-même admirateur et ami de Gallimard.

  • 9 Igor Kopytoff, « The Cultural Biography of Things: Commoditization as Process », dans Arjun Appadur (...)
  • 10 Nelson Goodman, Languages of art. An approach to a theory of symbols, London, Oxford University Pre (...)
  • 11 Alfred Gell, Art and Agency. An Anthropological Theory, Oxford, Clarendon Press, 1998.
  • 12 Ernst Kris et Otto Kurz, La Légende de l’artiste : un essai historique, Paris, Allia, 2010 (1re éd. (...)

6La méthode de la biographie d’objet9 permet d’apprécier la construction de la valeur accordée à un tel bien. D’une production industrielle uniforme, support d’une œuvre allographique au sens du philosophe Nelson Goodman10, le livre devient une œuvre d’art autographique, originale et singulière dès lors que les interventions directes sur l’objet transforment successivement sa forme et sa matérialité, puis ses usages dans le monde social ou son « agentivité », concept diffusé par l’anthropologue Alfred Gell11. À la croisée de l’histoire matérielle, de l’histoire du goût et de la sociologie de l’art, cette étude envisage les différents processus de singularisation formelle de ce livre unique, ses diverses mutations, en lien avec les contextes historique, culturel et artistique qui donnent du sens à l’objet. L’analyse de cette trajectoire permet de comprendre comment l’objet est devenu une icône de la collection de Paul Gallimard pendant plus de quarante ans, avant d’être acquis par le musée Rodin pour une somme qui interroge la fabrication de la valeur d’une œuvre, à la suite des travaux de Raymonde Moulin. En déplaçant l’étude de la « légende de l’artiste12 » vers celle de la légende de l’objet, la réception de l’œuvre est envisagée d’une manière plus globale, en déconstruisant les divers regards posés sur un bien hybride, entre livre et œuvre d’art, entre document et monument, et en replaçant la patrimonialisation dans le « parcours de vie » de l’objet.

Une production éditoriale : penser la matérialité originelle de l’œuvre

  • 13 Voir Jean-Jacques Launay, Auguste Poulet-Malassis, Alençon, Imprimerie alençonnaise, 1957.
  • 14 Louis Régnier, « Notice sur M. Adolphe Le Maréchal », Évreux, impr. Charles Hérissey, 1898.

7Le 21 juin 1857, l’édition originale des Fleurs du Mal de Baudelaire est publiée par Auguste Poulet-Malassis et Eugène de Broise. Identifiable grâce aux caractéristiques du premier tirage13, l’exemplaire du musée Rodin est l’un des quelques mille cent exemplaires tirés sur papier vélin d’Angoulême et imprimés à Alençon, que Baudelaire rend unique une première fois avec sa dédicace à l’historien et bibliophile Adolphe Le Maréchal (1823-1875), soutien ponctuel du poète14. Cet hommage succinct est une pratique courante du monde de l’édition, ici un signe de reconnaissance du poète envers son mécène, sous la forme d’un contre-don.

Figure 2.

Figure 2.

Auguste Rodin, illustration pour le poème « Les Bijoux » dans Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire (édition originale, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1857), dessin à l’encre, exécuté en 1887-1888, 18,6 × 12 cm (fermé), Paris, musée Rodin, D.7174.

© musée Rodin (photo Jean de Calan)

  • 15 O. Uzanne, Dictionnaire bibliophilosophique, typologique, iconophilesque, bibliopégique et bibliote (...)
  • 16 O. Uzanne (éd.), Le Livre moderne. Revue du monde littéraire et des bibliophiles contemporains, no  (...)
  • 17 Paul Eudel, « Le livre unique », L’Hôtel Drouot et la curiosité en 1885-1886, sixième année, Paris, (...)
  • 18 P. Eudel, L’Hôtel Drouot et la curiosité en 1887-1888, huitième année, Paris, G. Charpentier et cie (...)
  • 19 Ibid.

8L’exemplaire porte, en outre, la marque de la réception des Fleurs du Mal, sa censure, sa saisie et son procès pour délit d’outrage à la morale publique, puisque Baudelaire y a indiqué les six pièces supprimées après le jugement du 20 août 1857 (fig. 2). Il devient un objet rare qui intègre la logique bibliophilique : « quand le livre est précieux, les Bibliophiles se passionnent à sa recherche comme à la conquête d’un Graal15 » résume Uzanne. Les archives manquent pour dater précisément l’acquisition de cet exemplaire par Gallimard, sa localisation étant incertaine entre 1857 et 1887 – date à laquelle Gallimard entreprend les démarches pour le faire illustrer. S’il est probable que Le Maréchal conserve l’exemplaire jusqu’à sa mort en 1875, Gallimard collectionne dès l’adolescence des livres rares qu’il se procure en général chez le libraire Léon Conquet, « véritable instigateur du mouvement qui porta les Bibliophiles vers les Romantiques, les Illustrés du XIXe siècle et les petites curiosités littéraires dans le genre Malassis16 » dans les premières décennies de la IIIe République. Conquet vend des livres illustrés à la main d’une beauté comparable à l’enluminure médiévale française selon le chroniqueur des ventes Paul Eudel (1837-1911). Ce critique d’art, spécialiste des enchères à l’Hôtel Drouot dont il relate les tendances, encourage, en 1887, les collectionneurs à commander aux artistes des dessins pour leurs propres livres dont ils seraient les uniques propriétaires : « Vous aurez ainsi, non seulement une curiosité et une rareté, mais encore une œuvre d’art de réelle valeur et de haut goût17 ». Deux ans plus tard, Eudel rapporte que Conquet acquiert toujours pour le compte de Gallimard18 : il pourrait donc avoir acquis cette copie pour lui, afin de créer un livre unique dont la motivation serait liée à la psychologie des collectionneurs, au « désir de se singulariser ou, du moins, de posséder ce que d’autres n’ont pas19 ».

D’une œuvre à l’autre : une singularisation formelle orchestrée par Paul Gallimard

  • 20 André Mellerio, « L’illustration nouvelle », L’Estampe et l’Affiche, vol. 1, no 6, 15 août 1897, p. (...)
  • 21 Claudie Judrin, « Comment Rodin a illustré Les Fleurs du Mal », Les Fleurs du Mal illustrées par Ro (...)
  • 22 L.A.S. de Frantz Jourdain à Auguste Rodin, 12 janvier 1887, Fonds Les Fleurs du Mal, Paris, Archive (...)
  • 23 L.A.S. de Frantz Jourdain à Auguste Rodin, 22 février 1887, Paris, Fonds Les Fleurs du Mal, Archive (...)
  • 24 Voir la synthèse d’Anne-Christine Royère et Julien Schuh, « Les éditeurs bibliophiles : l’amateur c (...)

9La transformation de cet exemplaire en livre unique, sous la direction de Gallimard, constitue le deuxième temps de sa singularisation formelle. Dans les années 1870, Gallimard commande des dessins à des artistes comme Gaston Jourdain, Albert Besnard et Jean-François Raffaëlli. Il mise sur Rodin pour faire concorder « l’artiste plastique » avec « l’artiste littéraire »20, sur le conseil de son ami Frantz Jourdain, frère de Gaston et ancien camarade d’atelier à l’école des Beaux-Arts, qui joue le rôle d’intermédiaire. Comme l’a souligné Claudie Judrin dans la préface d’une édition illustrée par Rodin des Fleurs du Mal (1983), Frantz Jourdain « soutint Rodin dans ses combats, de 1886 à sa mort. Il tenait de lui des dessins et des sculptures, dont un bronze en réduction du “Baiser”21 ». Judrin a rapporté la genèse de cette commande dans le catalogue de l’exposition « Rodin et les écrivains de son temps » en 1976, en étudiant la correspondance entre les protagonistes. Dès janvier 1887, Frantz Jourdain écrit au sculpteur que « l’ami dont [il lui a] parlé a sauté sur son idée d’illustrer “Les Fleurs du Mal”, mais il prendrait le projet pour lui seul22 » ce qui ne convainc d’abord pas l’artiste, désireux de diffuser son œuvre graphique dans une édition publiée. Ce serait un « livre unique, illustré à la plume, à l’encre de Chine, à tout ce que vous voudriez, sur les marges, sur les rectos, partout où vous en verriez la place et où le texte vous attirerait. Quelques dessins isolés pourraient même être intercalés dans le livre et reliés ensemble23 » résume ainsi Frantz Jourdain, avant de le mettre en lien directement avec Gallimard. Le commanditaire laisse l’artiste libre de choisir les poèmes qu’il souhaite illustrer, son programme iconographique, mais il tient à vérifier l’équilibre de l’ensemble tel un « architecte du livre24 ».

Figure 3.

Figure 3.

Joseph Granié (1861-1915), L’aquarelliste sur marge, 1896. Gravure publiée dans Octave Uzanne, Dictionnaire bibliophilosophique.

© Gallica

  • 25 François Blanchetière, « De Dante à Baudelaire, et retour », dans cat. d’exp. L’Enfer selon Rodin s (...)
  • 26 Voir à ce sujet l’article d’Hélène Védrine, « Le marginal et le liminal : quelques pratiques d’anno (...)
  • 27 Camille Mauclair, « Auguste Rodin », Idées vivantes, Paris, Librairie de l’art ancien et moderne, 1 (...)

10Ainsi l’objet initial s’enrichit-il en 1888 de vingt-deux dessins au trait à la plume et de cinq autres dessins ombrés au lavis sur des feuillets à part. Constatant l’existence de dessins pour d’autres poèmes ne figurant pas dans l’édition de 1857, François Blanchetière a émis l’hypothèse que Rodin ait utilisé un exemplaire d’une édition ultérieure pour ses essais préparatoires25. Quoi que le contenu du poème et de l’image entretiennent des liens puissants, l’un et l’autre restent indépendants sur le plan formel : Rodin ne produit pas un décor autour du texte, ne le transforme pas en objet visuel, mais s’approprie plutôt l’espace spécifique26 des marges. Les pages, destinées à être lues et non exposées, conservent ainsi ce livre dans sa fonction première. (fig. 3). C’est ce qu’invite à penser le critique d’art Camille Mauclair (1872-1945), figure majeure du symbolisme et défenseur acharné du travail de Rodin, qui écrit en 1904 que le sculpteur « a lu très peu, et il aime à peine quelques livres, mais ceux-là il les aime avec toute sa force, Baudelaire par exemple, qu’il a si merveilleusement commenté par des dessins sur l’exemplaire unique de M. Paul Gallimard27 ». Dix ans plus tard, Mauclair imagine en effet la relation matérielle que Rodin a entretenu avec ce livre :

  • 28 C. Mauclair, « Baudelaire et Rodin », La Dépêche. Édition de Toulouse, 26 février 1914.

« On sent que Rodin a repris le livre et l’a quitté cent fois, qu’il l’a lu en marchant, l’a rouvert sous la lampe les soirs de fatigue, tout à coup hanté par une strophe et prenant la plume. On devine où il s’est arrêté, quelle page il a froissée. Ce n’est point un bel exemplaire qu’on lui a confié et qu’il redoutait de gâter : c’est son Baudelaire de poche, émouvant comme une de ces pages maculées des manuscrits de Balzac qui sentent la fièvre, la rage, l’enthousiasme et l’insomnie28 ».

  • 29 Le Parnasse satyrique du dix-neuvième siècle : recueil de vers piquants et gaillards, tome II, 1864 (...)

11En janvier 1888, Gallimard reçoit le livre et ses dessins, dont le dernier représente un cartouche avec la mention écrite par Rodin « Dessins commandés à Rodin par M. Gallimard, 1888 ». Le bibliophile, à son tour, « truffe » l’exemplaire d’une lettre autographe de Rodin lui étant adressée – citée dans l’introduction de cet article – et d’un fac-similé sur Chine volant de la dédicace des Fleurs du Mal à Théophile Gautier, probablement issue du Parnasse satyrique du dix-neuvième siècle, publié clandestinement par Poulet-Malassis en 1864, ce qu’indique l’inscription « T. II, p. 1829 ».

Figure 4.

Figure 4.

Henri Marius Michel (1846-1925), reliure pour Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, entre 1888 et 1896, maroquin brun avec une plaque en cuir de bœuf gravé et incisé, Paris, musée Rodin.

© musée Rodin (photo Jean de Calan)

12Pour unir l’ensemble, Gallimard commande enfin à l’un des meilleurs artistes relieurs de son temps, Henri Marius Michel, une reliure (fig. 4) qui enrichit la matérialité de l’œuvre et parachève son statut d’objet de bibliophilie. Très érudit, Marius Michel a une fine connaissance de l’histoire des techniques de la reliure et se spécialise dans celle du cuir incisé encastré – un procédé médiéval tombé en désuétude après le XVIe siècle – dont est caractéristique celle de Gallimard, et que Beraldi résume ainsi :

  • 30 Henri Beraldi, La Reliure du XIXe siècle, tome 3, Paris, L. Conquet, 1896, pp. 151, 152.

« Le procédé de Marius consiste à prendre une plaque de cuir de bœuf, très épaisse – un demi-centimètre – et à graver, à inciser avec une pointe à froid ou à chaud le dessin à obtenir. On peut ensuite modeler le cuir en le soulevant. Enfin on peut le colorer de teintes diverses. La plaque de cuir une fois terminée, on la fixe dans le plat de la reliure, où un vide a été ménagé pour recevoir cet objet pour ainsi dire étranger. Le cuir encastré de Marius ne fait pas corps avec la reliure, il est rapporté, comme le serait un émail ou une plaque de métal30 ».

  • 31 Marius Michel, L’Ornementation des reliures modernes, Paris, Marius Michel et Fils, 1889, p. 71.
  • 32 Catalogue de la vente après décès de M. P***, 28 et 29 janvier 1889, no 144, Paris, E. Maillet Libr (...)
  • 33 Émile Bosquet, « Chapitre XII » dans La Reliure. Études d’un praticien sur l’histoire et la technol (...)
  • 34 M. Michel, La Reliure française depuis l’invention de l’imprimerie jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, (...)
  • 35 Arsène Alexandre, Histoire de l’art décoratif, du XVIe siècle à nos jours, Paris, H. Laurens, 1892, (...)
  • 36 Cat. d’exp. Albrecht Dürer, œuvre gravé sous la direction de Sophie Renouard de Bussière, Paris, mu (...)
  • 37 H. Beraldi, op. cit. note 30, p. 221.

13Pour ces Fleurs du Mal, Marius Michel représente une nature morte aux chardons, « symboles31 » d’austérité, accompagnés d’une tête de mort. Avant 1886, il avait déjà exécuté une reliure ornée de chardons pour l’exemplaire des Fleurs du Mal de Jules Noilly, mais la description de cet ouvrage diffère de celui de Gallimard32. En décembre 1892, à l’occasion d’une exposition de reliures au Cercle de la Librairie, Émile Bosquet mentionne une reliure en cuir de bœuf incisé et buriné de Marius Michel : cette description, plus concordante avec l’ouvrage détenu par Gallimard, porte « un crâne modelé en relief d’après Albert Dürer33 ». Or, dès 1880, Marius Michel avait évoqué son vif intérêt pour les relieurs allemands de la Renaissance, dont certains de leurs ornements s’inspiraient des dessinateurs de « la grande école allemande » en reproduisant « les motifs d’Albert Dürer, de Sebald Beham, de Hans Holbein34 ». Signe d’une circulation des motifs, le crâne est puisé dans une gravure de Dürer, les Armoiries à la tête de mort de 1503 (fig. 5), reproduite en 1892 dans l’Histoire de l’art décoratif d’Arsène Alexandre35. Or, Sophie Renouard de Bussière a montré comment cette composition associe plusieurs évocations de l’amour et de la mort36, thèmes qui résonnent avec Les Fleurs du Mal. Œuvre d’art à part entière, ce memento mori de Marius Michel se réfère évidemment au texte de Baudelaire : deux vers issus du poème « Une Charogne » sont même gravés sur le premier plat de la reliure similaire commandée ensuite par le grand bibliophile Henri Beraldi pour 400 francs37, après avoir admiré la reliure de l’exemplaire de Gallimard : « Quand vous irez sous l’herbe et les floraisons grasses / Moisir parmi les ossements ».

Figure 5.

Figure 5.

Albrecht Dürer (1471-1528), Les Armoiries à la tête de mort, 1503, gravure au burin, 15 × 21,2 cm, Rouen, Bibliothèque municipale, fonds Hédou. Porte le numéro B. 101 dans le catalogue raisonné de Adam von Bartsch (1808). Bibliothèque municipale de Roue, Est. A Hédou 381-09.

© Bibliothèque municipale de Rouen

14L’interprétation du texte reste au cœur des multiples enrichissements matériels, des singularisations formelles successives de l’exemplaire devenu unique. Objet de lecture significative pour l’inspiration de Rodin, il est devenu un objet de collection connu parmi les spécialistes de l’œuvre du sculpteur ; objet dont l’appréciation de la matérialité, en la manipulant, en feuilletant le livre, est indispensable pour faire l’expérience de l’œuvre, contrairement à son exposition en vitrine.

Un livre « sans publicité » ? Un objet au service du prestige de son propriétaire

  • 38 Edmond de Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire, 1887-1896, éd. établie par Robert Ricat (...)

« [Rodin] me parle de l’illustration des poésies de Baudelaire, qu’il est en train d’exécuter pour un amateur, et dans le fond desquelles, il aurait voulu descendre, mais la rémunération ne lui permet pas d’y mettre assez de temps. Puis, pour ce livre qui n’aura pas de publicité, et qui doit rester enfermé dans le cabinet de l’amateur, il ne se sent pas l’entrain, le feu d’une illustration, commandée par un éditeur38 ».

Edmond de Goncourt, Journal, 29 décembre 1887.

  • 39 H. Beraldi, Les Graveurs du XIXe siècle, guide de l’amateur d’estampes modernes, Paris, L. Conquet, (...)

15Dans À Rebours (1884), Joris-Karl Huysmans popularise une certaine image de l’amateur de livres uniques à travers son personnage Jean des Esseintes, vivant reclus avec ses tableaux et ses livres dont il jouit seul. L’exemplaire des Fleurs du Mal rejoint la « précieuse bibliothèque du XIXe siècle39 » de Gallimard et le bibliophile ne sera jamais fermé à la publicité. Au contraire, promoteur du livre moderne, il organise des expositions qui participent à la diffusion de ses Fleurs du Mal, admirées par ses pairs et relevées par la critique d’art qui se fait le relais d’une œuvre singulière, renforçant à son tour le prestige de son propriétaire.

  • 40 Cat. d’exp. Exposition internationale du livre moderne à l’art nouveau, Paris, Galerie de l’Art Nou (...)
  • 41 C. Mauclair, « Art. Revue du mois », Mercure de France, Juillet 1896, vol. 19, pp. 187, 188.
  • 42 Julius Meier-Graefe, « Der gegenwärtige Stand des Buchgewerbes in Paris und Brüssel », Zeitschrift (...)

16L’Exposition internationale du livre moderne, qui a lieu en mai 1896 à la Galerie de l’Art nouveau de Siegfried Bing, est la première exposition à laquelle Gallimard, affilié à la société des Amis du Livre, participe activement. Plus de 800 livres sont réunis dont des « livres imprimés et illustrés à la main » comme les Fleurs du Mal, portant le numéro 2440. L’objet est remarqué par deux admirateurs de Rodin, le critique Mauclair41, que l’on a déjà évoqué, et le critique d’art allemand Julius Meier-Graefe42. Le bibliophile Pierre Dauze, de son côté, évoque déjà la valeur accordée à l’objet :

  • 43 Pierre Dauze, « Exposition internationale du Livre moderne », Revue biblio-iconographique, tome II, (...)

« le clou du livre “illustré à la main” appartient encore à M. Gallimard […] un exemplaire, absolument hors ligne, du chef-d’œuvre de Baudelaire, les Fleurs du mal, enrichi de dessins originaux du grand artiste Rodin, précieux volume que Marius Michel a enchâssé dans un morceau somptueux d’orfèvrerie […] On se dit en effet à l’oreille que l’heureux bibliophile a assuré ses livres pour plusieurs centaines de mille francs et que son Rodin (dessins pour les Fleurs du Mal) entre dans cette estimation pour la dixième partie, à peu près43 ».

  • 44 Louis Vauxcelles, « L’exposition du livre au Salon d’Automne », Gil Blas, 18 octobre 1906.
  • 45 Paul Jamot, « Le Salon d’Automne », Gazette des beaux-arts : courrier européen de l’art et de la cu (...)
  • 46 « Le Salon d’Automne », Le Réveil, 6 octobre 1906.
  • 47 Jean Silvin, « Nouvelles artistiques », L’Homme libre, 30 juin 1914, p. 3.

17Cette première exposition inaugure la réception de l’objet, que Gallimard expose ensuite en 1906 au Salon d’Automne, l’année où Rodin en est le président d’honneur. C’est à l’initiative du « plus érudit et [du] plus artiste des bibliophiles44 » que ce nouveau salon artistique, fondé en 1903 par son ami Frantz Jourdain, se dote d’une exposition des livres : « Qui ne serait reconnaissant à M. Paul Gallimard, l’organisateur de l’Exposition du Livre, de nous montrer des œuvres comme […] les dessins de M. Rodin pour les Fleurs du mal45 » écrit ainsi le critique Paul Jamot. Dans Le Réveil, on lit encore que Gallimard « s’est séparé pour quelques semaines de la perle de sa collection, ces fameuses Fleurs du Mal, illustrées de dessins par Rodin46 ». Gallimard prêtera aussi son livre en dehors de Paris – la seule fois – au printemps 1914, à l’exposition normande de Rouen où il est admiré47.

Le caprice et la norme : le livre unique face à son édition en fac-similé, une « révélation d’art48 »

  • 48 C. Mauclair, Charles Baudelaire. Sa vie, son art, sa légende, Paris, Maison du Livre, 1917, p. 257.
  • 49 Ibid.

« On a fait espérer que ce volume serait un jour édité et livré au public, après avoir longtemps les délices exclusives de l’amateur assez fortuné et assez éclairé pour se l’offrir, et il faut souhaiter cette révélation d’art49 ».

Camille Mauclair, 1917.

  • 50 Sur le passage du livre illustré au livre d’art, voir : Philippe Kaenel, Le Métier d’illustrateur. (...)

18Vingt-cinq ans après l’exécution des dessins de Rodin, le passage du livre unique au multiple en fac-similé est orchestré par Paul Gallimard, à rebours de son projet initial. Si la copie désincarne les dessins partiellement reproduits, l’aura, au sens de Walter Benjamin, la rareté et l’unicité de l’exemplaire original, n’en est pas moins présente. La tentation d’une édition de luxe, gage d’une meilleure visibilité des dessins, témoigne d’un nouveau goût pour le livre d’art50 à l’époque où Ambroise Vollard marque les esprits en 1900, en éditant Parallèlement de Paul Verlaine avec Pierre Bonnard. Par sa pratique éditoriale au sein de sociétés de bibliophilie, Paul Gallimard se positionne comme un précurseur du livre d’art en replaçant ses livres uniques dans sa longue carrière d’éditeur.

  • 51 Maurice Guillemot, Le Siècle, 6 février 1909, p. 2.
  • 52 Sur la machine phototypique, voir Frédéric Hesse, La chromolithographie et la photochromolithograph (...)
  • 53 L.A.S. de Paul Gallimard à Charles Meunier, postée le 17 novembre 1913, Genève, Bibliothèque de Gen (...)
  • 54 L.A.S. de Rodin à Mauclair, [Roquebrune, entre le 7 mars et le 23 avril 1914], Inv. L. 1068, Paris, (...)
  • 55 L.A.S. de Rodin à Otto Grautoff, [Paris, le 31 avril 1914], Paris, archives du musée Rodin.
  • 56 Le Petit Journal, 4 février 1919, p. 1.
  • 57 L.A.S. de Charles Meunier à Auguste Rodin, 11 mai 1914, Paris, archives du musée Rodin.

19C’est le cas avec l’édition des Fleurs du Mal en fac-similé, publiée en 1918 pour les membres de la Société des Amis du Livre Moderne. En 1908, Gallimard devient président de cette société, tout juste fondée par le relieur Charles Meunier, élève de Marius Michel. Ensemble, ils éditent des livres et proposent des conférences, dont l’une sur la reliure moderne lors de laquelle « un régal fut de feuilleter […] le Baudelaire avec les dessins à la plume de Rodin51 ». Dès 1913, ils initient le projet d’édition des Fleurs du Mal et confient le livre à Léon Marotte, spécialiste d’un procédé de phototypie en couleur52, comme le suggère une lettre de Gallimard à Meunier, postée le 17 novembre 1913 : « [Louis Barthou] m’a témoigné le désir de voir l’exemplaire de Baudelaire avec les dessins originaux de Rodin. J’irai le chercher demain à 10h ½ chez Fortier-Marotte. Voulez-vous que je passe vous prendre et que nous regardions ensemble ce que l’imprimeur a fait de nouveau ?53 ». En février 1914, Mauclair annonce l’édition dans la presse et en informe Rodin qui, surpris, lui répond : « Je ne savais pas que l’on avait fait une édition d’une chose qui avait été unique54 ». Une autre édition est préparée par le critique allemand Otto Grautoff avec l’accord de Rodin55, qui souhaite qu’un accord soit trouvé. Or, la montée des nationalismes en 1914 avait entériné le projet allemand, comme le raconte un journaliste rapportant les propos de Gallimard, en 1919, au sujet du livre unique : « les Boches ont tenté de l’avoir en 1914. J’allais m’en dessaisir sur les instances de Rodin lui-même, contre un cautionnement de 40 000 francs. Il s’agissait de la reproduction des illustrations par une maison de Leipzig. Heureusement, qu’à cause de la guerre, j’ai gardé ce précieux volume. La France ne l’aurait jamais retrouvé56 ». L’affaire se poursuit avec Meunier qui, en mai 1914, annonce à Rodin que « la publication presque achevée d’imprimer ne comprendra que les vingt-sept poèmes que vous aviez illustrés. Aussitôt l’ouvrage paru, je vous porterai votre exemplaire que je vous le relierai [sic] au titre du souvenir de votre bienveillant accueil57 ».

Figure 6.

Figure 6.

Pages de garde et frontispice de Vingt-sept poèmes des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, illustrées par Rodin, Paris, Société des Amis du Livre Moderne, 1918, Paris, musée Rodin, inv. 6762.

  • 58 Pour Uzanne, en 1896, « le Fac-similé a cet avantage sur les autres modes de reproduction qu’il don (...)
  • 59 Raymond Hesse, « André Bertaut et la Société “Les Amis du Livre Moderne” », Histoire des sociétés d (...)
  • 60 C. Mauclair, « Notre Époque. Baudelaire et Rodin », Toulouse, La Dépêche, 26 février 1914.
  • 61 C. Mauclair, Charles Baudelaire. Sa vie, son art, sa légende, Paris, Maison du Livre, 1917.

20Deux cents exemplaires sont enfin tirés en 1918 sous le titre Vingt-sept poèmes des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire illustrés par Rodin, avec une préface de Mauclair (fig. 6). Le fac-similé renforce ainsi la valeur du livre original, tant la copie est incomplète et ne reproduit ni tous les poèmes ni la reliure, et que les phototypies manquent de matière58. Sans diminuer le caractère unique, l’aura et la matérialité de l’exemplaire original, le fac-similé donne ainsi une plus grande visibilité aux dessins de Rodin, et contribue à faire connaître un ouvrage qui serait autrement resté plus confidentiel. Ces reproductions revêtent par ailleurs elles-mêmes l’aura des petites séries à tirage limité. Dès 1929, l’historien Raymond Hesse affirme que ce fac-similé est « infiniment précieux pour l’histoire de l’art et pour tous ceux qui voudront étudier Rodin59 ». Dans sa préface60, Mauclair concentre d’ailleurs tout son propos sur les dessins qui sont « un document précieux » qui permet d’inscrire Rodin dans la lignée de Michel-Ange, Tintoret, Rembrandt et Delacroix. Extraits de leur cadre originel, les dessins deviennent significatifs pour eux-mêmes, dans un renversement complet qui rend à l’artiste le prestige de l’œuvre. En 1917, Mauclair en fait un chef-d’œuvre né d’« une interprétation souveraine du génie par le génie » qui constitue « un témoignage extraordinaire de transposition cérébrale » où « l’art baudelairien [est] ramené synthétiquement à la sculpture61 ».

Une œuvre « sans prix » ? La construction de la valeur d’un bien culturel et artistique d’intérêt patrimonial

  • 62 Gustave Kahn, « Auguste Rodin », L’Art et le beau, no 12, décembre 1906, p. 20.
  • 63 Walter Feilchenfeldt, By Appointment Only. Cézanne, Van Gogh and Some Secrets of Art Dealing, Londr (...)

21L’expression d’un volume « sans prix » apparaît dès 1906 sous la plume du critique Gustave Kahn62. La biographie d’un objet tel que ce livre unique permet de comprendre la construction du prix d’une œuvre d’art, depuis sa valeur intrinsèque jusqu’à sa valorisation grâce aux expositions et aux diverses mentions de l’œuvre qui l’inscrivent dans l’histoire de l’art, à travers un processus collectif de légitimation par la critique et le marché. En effet, Gallimard s’éteint le 9 mars 1929 sans legs à l’État et sa collection est dispersée. Les livres ne font pas partie de l’ensemble d’œuvres acquis en juin 1929 par Walter Feilchenfeld et Grete Ring pour la galerie Paul Cassirer à Berlin63. Les fils Gallimard, en plein développement des éditions du même nom, conservent les livres et les Fleurs du Mal font l’objet d’une autre trajectoire puisqu’en 1931, Gaston Gallimard propose au musée Rodin la vente du livre pour un montant de 100 000 francs.

  • 64 Catalogue de livres de l’école romantique et publications illustrées du XIXe siècle composant la bi (...)
  • 65 Paul Eudel, L’Hôtel Drouot et la curiosité en 1883-1884, quatrième année, Paris, G. Charpentier et (...)
  • 66 P. Eudel, L’Hôtel Drouot et la curiosité en 1885-1886, sixième année, Paris, G. Charpentier et cie, (...)
  • 67 « Revue des Ventes », Beaux-Arts – Chronique des Arts et de la Curiosité, no 2, 23 décembre 1932, p (...)

22C’est dire la valeur prise par le livre unique de Paul Gallimard en moins de cinq décennies pour atteindre le prix de vente au musée Rodin de 100 000 francs. Dans les années 1880, quelques exemplaires de l’édition de 1857 passent en vente publique à l’hôtel Drouot : la valeur varie en fonction du type de papier, de l’existence d’un envoi de l’auteur et ou d’une reliure d’art. En février 1886, deux exemplaires sont proposés aux enchères : l’un relié sur brochure l’emporte à 80 francs, l’autre non rogné à seulement 30 francs64. En 1885, Paul Eudel signale que l’un des rares exemplaires sur papier Hollande est vendu 209 francs durant la saison 1883-188465, puis un autre sur papier Hollande, dédicacé à Paul de Saint-Victor, avec la reliure de Marius Michel évoquée plus haut (ornée de chardons mais sans tête de mort), est adjugé à 525 francs en mars 188666. Pour comparaison, en 1932, un exemplaire de Mireille avec une couverture peinte par Renoir, provenant de la collection Gallimard, est acquis pour 61 000 francs en vente publique par le marchand Oscar Stettiner67.

  • 68 Procès-verbal du Conseil d’administration du musée du 26 mars 1931, Paris, archives du musée Rodin.
  • 69 George Macy, « The Monthly Letter of The Limited Editions Club », no 126, septembre 1940, New York, (...)
  • 70 Procès-verbal du Conseil d’administration, 18 mars 1932, Paris, archives du musée Rodin.
  • 71 Procès-verbal du Conseil d’administration, 4 avril 1944, Paris, archives du musée Rodin.
  • 72 Procès-verbal du Conseil d’administration, 23 octobre 1945, Paris, archives du Musée Rodin.
  • 73 Procès-verbal du Conseil d’administration, 21 juin 1939, Paris, archives du Musée Rodin.

23Malgré le prix élevé, le conseil d’administration du musée Rodin examine l’œuvre en mars 1931 et atteste de son intérêt majeur68. Les collectionneurs David Weill et Maurice Fenaille participent à hauteur de 25 000 francs et de 5 000 francs, et le directeur Georges Grappe est convaincu de l’acquisition qui inclut l’achat des droits de reproduction : une édition de luxe permettrait d’amortir la dépense. La dernière marque est apposée sur l’objet désormais inaliénable et inscrit à l’inventaire, avec le numéro « MR 7174 ». Dans les années suivantes, le livre est « jalousement gardé par les administrateurs du musée69 » qui autorisent, moyennant finance, des projets d’édition de luxe comme celui de Javal et Bourdeaux70 – pour une assurance de 300 000 francs – ou celui de l’éditeur Leblanc qui échoue alors que la Seconde Guerre mondiale nécessite de mettre à l’abri les collections du musée71. En 1945, le projet d’édition souhaité par Gaston Gallimard échoue aussi72, tandis qu’aux États-Unis, le bibliophile George Macy mène à son terme une édition pour The Limited Editions Club. Grappe s’était félicité, en juin 1939, d’avoir obtenu 15 000 francs de droits d’auteur alors que « le Copyright ne joue pas en Amérique et qu’ils avaient parfaitement le droit d’éditer sans notre permission73 ».

  • 74 Cat. d’exp. Charles Baudelaire : exposition organisée pour le centenaire des “Fleurs du Mal”, sous (...)
  • 75 Cat. d’exp. Baudelaire, la modernité mélancolique sous la direction de Jean-Marc Chatelain, Paris, (...)
  • 76 Cat. d’exp. Rodin et les écrivains de son temps. Sculptures, dessins, lettres et livres du fonds Ro (...)
  • 77 François Blanchetière (dir.), art. cité note 24, no 109, p. 174.
  • 78 Cat. d’exp. Auguste Rodin – Eugène Carrière, sous la direction de Serge Lemoine, Tokyo, musée natio (...)

24Au carrefour de nombreux enjeux, ce livre unique est aujourd’hui un objet d’étude rarement exposé, pour des conditions de conservation évidentes. À la Bibliothèque nationale de France, il est montré pour le centenaire des Fleurs du Mal en 195774 et, plus récemment, pour le bicentenaire de la naissance de Baudelaire en 202175. Au musée Rodin, il est exposé en 1976 pour « Rodin et les écrivains de son temps76 » puis, en 2017, pour « L’Enfer selon Rodin77 ». Enfin, interrogeant la nature de l’objet original, document et monument à la fois, archive et œuvre d’art totale, les reproductions des dessins en fac-similés sont pareillement étudiées et exposées : ainsi lors de l’exposition « Auguste Rodin – Eugène Carrière » au musée national d’Art occidental de Tokyo puis au musée d’Orsay en 200678 qui présentait un exemplaire en fac-similé de 1918, inscrit à l’inventaire du musée Rodin au même titre que le livre unique.

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Notes

1 Georges Montorgueil, « Rodin illustré par Baudelaire ou si j’étais M. Gallimard », L’Éclair, 4 mars 1919.

2 « Les Faux Rodins. […] Le beau livre de M. Gallimard », L’Avenir, 4 février 1919, p. 2.

3 Louis Vauxcelles, « Collection de M. Paul Gallimard », Les Arts, septembre 1908, pp. 2-32. Sur cette collection, cette contribution s’inscrit dans la suite de nos recherches et dans le cadre d’une étude plus complète à venir sur le sujet. Voir Léo Rivaud Chevaillier, « Paul Gallimard (1850-1929) : A “Dandy Collector” in Paris at the Fin de Siècle », dans Milena Wozniak-Koch (dir.), Mapping Art Collecting in Europe, 1860-1940. Eastern and Western Sociocultural Perspectives, Leyde, Brill Schöningh, 2023, pp. 88-99.

4 Gustave Geffroy, « Le Musée Rodin », La France libre, 16 août 1919, p 1.

5 Voir Thierry Bonnot, La Vie des objets. D’ustensiles banals à objets de collections, Paris, MSH, 2002.

6 Octave Uzanne, La nouvelle Bibliopolis : voyage d’un novateur au pays des néo-icono-bibliomanes, Paris, éd. Henri Floury, 1897.

7 Willa Z. Silverman, The New Bibliopolis: French Book Collectors and the Culture of Print, 1880-1914, Toronto, University of Toronto Press, 2008, p. 88.

8 Bernard Vouilloux, « Une collection d’unica », COnTEXTES [en ligne], 14 | 2014, consultée le 21 août 2021. http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/contextes/5919.

9 Igor Kopytoff, « The Cultural Biography of Things: Commoditization as Process », dans Arjun Appadurai (dir.), The Social Life of Things: Commodities in Cultural Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, pp. 65-91.

10 Nelson Goodman, Languages of art. An approach to a theory of symbols, London, Oxford University Press, 1969.

11 Alfred Gell, Art and Agency. An Anthropological Theory, Oxford, Clarendon Press, 1998.

12 Ernst Kris et Otto Kurz, La Légende de l’artiste : un essai historique, Paris, Allia, 2010 (1re éd. en 1934).

13 Voir Jean-Jacques Launay, Auguste Poulet-Malassis, Alençon, Imprimerie alençonnaise, 1957.

14 Louis Régnier, « Notice sur M. Adolphe Le Maréchal », Évreux, impr. Charles Hérissey, 1898.

15 O. Uzanne, Dictionnaire bibliophilosophique, typologique, iconophilesque, bibliopégique et bibliotechnique à l’usage des bibliognostes, des bibliomanes et des bibliophilistins, Paris, Bibliophiles Contemporains, 1896, p. 182.

16 O. Uzanne (éd.), Le Livre moderne. Revue du monde littéraire et des bibliophiles contemporains, no 1, janvier-juin 1890, Paris, Maison Quantin, p. 88.

17 Paul Eudel, « Le livre unique », L’Hôtel Drouot et la curiosité en 1885-1886, sixième année, Paris, G. Charpentier et cie éditeurs, 1887, p. 240-244.

18 P. Eudel, L’Hôtel Drouot et la curiosité en 1887-1888, huitième année, Paris, G. Charpentier et cie, 1889, p. 354.

19 Ibid.

20 André Mellerio, « L’illustration nouvelle », L’Estampe et l’Affiche, vol. 1, no 6, 15 août 1897, p. 159.

21 Claudie Judrin, « Comment Rodin a illustré Les Fleurs du Mal », Les Fleurs du Mal illustrées par Rodin, Genève, Edito Service, 1983.

22 L.A.S. de Frantz Jourdain à Auguste Rodin, 12 janvier 1887, Fonds Les Fleurs du Mal, Paris, Archives du musée Rodin.

23 L.A.S. de Frantz Jourdain à Auguste Rodin, 22 février 1887, Paris, Fonds Les Fleurs du Mal, Archives du musée Rodin.

24 Voir la synthèse d’Anne-Christine Royère et Julien Schuh, « Les éditeurs bibliophiles : l’amateur comme créateur de livres (1890-1914) », Histoire et civilisation du livre – Revue internationale, 2019, pp. 35-55.

25 François Blanchetière, « De Dante à Baudelaire, et retour », dans cat. d’exp. L’Enfer selon Rodin sous la direction de François Blanchetière, Paris, musée Rodin, 18 octobre 2016-22 janvier 2017, Paris, éditions du musée Rodin/Norma, 2016, p. 184.

26 Voir à ce sujet l’article d’Hélène Védrine, « Le marginal et le liminal : quelques pratiques d’annotations littéraires et visuelles chez Félicien Rops et James Ensor », Textyles, 17-18, 2000, pp. 15-30.

27 Camille Mauclair, « Auguste Rodin », Idées vivantes, Paris, Librairie de l’art ancien et moderne, 1904, p. 13.

28 C. Mauclair, « Baudelaire et Rodin », La Dépêche. Édition de Toulouse, 26 février 1914.

29 Le Parnasse satyrique du dix-neuvième siècle : recueil de vers piquants et gaillards, tome II, 1864, pp. 18, 19. Voir aussi Nicolas Valazza, « Baudelaire au Parnasse satyrique », L’Année Baudelaire, 15, Paris, Honoré Champion, pp. 87-101.

30 Henri Beraldi, La Reliure du XIXe siècle, tome 3, Paris, L. Conquet, 1896, pp. 151, 152.

31 Marius Michel, L’Ornementation des reliures modernes, Paris, Marius Michel et Fils, 1889, p. 71.

32 Catalogue de la vente après décès de M. P***, 28 et 29 janvier 1889, no 144, Paris, E. Maillet Libraire, 1889, p. 21. La vente après décès de la bibliothèque avait eu lieu en mars 1886.

33 Émile Bosquet, « Chapitre XII » dans La Reliure. Études d’un praticien sur l’histoire et la technologie de l’art du relieur-doreur, Paris, Imprimerie Générale Lahure, 1894, pp. 167, 168.

34 M. Michel, La Reliure française depuis l’invention de l’imprimerie jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, Paris, Damascène Morgand & Charles Fatout, 1880, p. 19.

35 Arsène Alexandre, Histoire de l’art décoratif, du XVIe siècle à nos jours, Paris, H. Laurens, 1892, p. 107.

36 Cat. d’exp. Albrecht Dürer, œuvre gravé sous la direction de Sophie Renouard de Bussière, Paris, musée du Petit Palais-Musées de la Ville de Paris, avril-juillet 1996, Paris, Musées de la ville de Paris, p. 202.

37 H. Beraldi, op. cit. note 30, p. 221.

38 Edmond de Goncourt, Journal. Mémoires de la vie littéraire, 1887-1896, éd. établie par Robert Ricatte, Paris, Robert Laffont, 2004, p. 227.

39 H. Beraldi, Les Graveurs du XIXe siècle, guide de l’amateur d’estampes modernes, Paris, L. Conquet, 1892, p. 237.

40 Cat. d’exp. Exposition internationale du livre moderne à l’art nouveau, Paris, Galerie de l’Art Nouveau, mai 1896, p. 13.

41 C. Mauclair, « Art. Revue du mois », Mercure de France, Juillet 1896, vol. 19, pp. 187, 188.

42 Julius Meier-Graefe, « Der gegenwärtige Stand des Buchgewerbes in Paris und Brüssel », Zeitschrift für Bücherfreunde, Velhagen & Klasing, Bielefeld, 1897, p. 43.

43 Pierre Dauze, « Exposition internationale du Livre moderne », Revue biblio-iconographique, tome II, no 1, 1896, pp. 5-7.

44 Louis Vauxcelles, « L’exposition du livre au Salon d’Automne », Gil Blas, 18 octobre 1906.

45 Paul Jamot, « Le Salon d’Automne », Gazette des beaux-arts : courrier européen de l’art et de la curiosité, XXXVI. – 3e période, 1906, p. 457.

46 « Le Salon d’Automne », Le Réveil, 6 octobre 1906.

47 Jean Silvin, « Nouvelles artistiques », L’Homme libre, 30 juin 1914, p. 3.

48 C. Mauclair, Charles Baudelaire. Sa vie, son art, sa légende, Paris, Maison du Livre, 1917, p. 257.

49 Ibid.

50 Sur le passage du livre illustré au livre d’art, voir : Philippe Kaenel, Le Métier d’illustrateur. 1830-1880. Rodolphe Töpffer, J.-J. Grandville, Gustave Doré, Paris, Messene, 1996 (1re édition).

51 Maurice Guillemot, Le Siècle, 6 février 1909, p. 2.

52 Sur la machine phototypique, voir Frédéric Hesse, La chromolithographie et la photochromolithographie, Paris, A. Muller, 1897, pp. 205-209.

53 L.A.S. de Paul Gallimard à Charles Meunier, postée le 17 novembre 1913, Genève, Bibliothèque de Genève, Département des manuscrits, Fonds Meunier.

54 L.A.S. de Rodin à Mauclair, [Roquebrune, entre le 7 mars et le 23 avril 1914], Inv. L. 1068, Paris, archives du musée Rodin.

55 L.A.S. de Rodin à Otto Grautoff, [Paris, le 31 avril 1914], Paris, archives du musée Rodin.

56 Le Petit Journal, 4 février 1919, p. 1.

57 L.A.S. de Charles Meunier à Auguste Rodin, 11 mai 1914, Paris, archives du musée Rodin.

58 Pour Uzanne, en 1896, « le Fac-similé a cet avantage sur les autres modes de reproduction qu’il donne l’illusion aussi complète que possible d’une œuvre ; il n’interprète pas, il reflète, moyen précieux pour révéler, dans toute leur expression réelle, leur vie, les dessins originaux, les vieux manuscrits, les documents imprimés de toute nature » ; dans O. Uzanne, op. cit. note 16, p. 202.

59 Raymond Hesse, « André Bertaut et la Société “Les Amis du Livre Moderne” », Histoire des sociétés de bibliophiles en France de 1820 à 1930. Les Société parisiennes d’avant-guerre, Paris, L. Giraud-Badin, 1929, pp. 96, 97.

60 C. Mauclair, « Notre Époque. Baudelaire et Rodin », Toulouse, La Dépêche, 26 février 1914.

61 C. Mauclair, Charles Baudelaire. Sa vie, son art, sa légende, Paris, Maison du Livre, 1917.

62 Gustave Kahn, « Auguste Rodin », L’Art et le beau, no 12, décembre 1906, p. 20.

63 Walter Feilchenfeldt, By Appointment Only. Cézanne, Van Gogh and Some Secrets of Art Dealing, Londres, Thames & Hudson, 2006 (édition originale, 2005), p. 151.

64 Catalogue de livres de l’école romantique et publications illustrées du XIXe siècle composant la bibliothèque de M.E.C***, Paris, Ch. Porquet, 1886, p. 15.

65 Paul Eudel, L’Hôtel Drouot et la curiosité en 1883-1884, quatrième année, Paris, G. Charpentier et cie, 1885, p. 234.

66 P. Eudel, L’Hôtel Drouot et la curiosité en 1885-1886, sixième année, Paris, G. Charpentier et cie, 1887, p. 258, 259. .

67 « Revue des Ventes », Beaux-Arts – Chronique des Arts et de la Curiosité, no 2, 23 décembre 1932, p. 4.

68 Procès-verbal du Conseil d’administration du musée du 26 mars 1931, Paris, archives du musée Rodin.

69 George Macy, « The Monthly Letter of The Limited Editions Club », no 126, septembre 1940, New York, archives de The Limited Editions Club.

70 Procès-verbal du Conseil d’administration, 18 mars 1932, Paris, archives du musée Rodin.

71 Procès-verbal du Conseil d’administration, 4 avril 1944, Paris, archives du musée Rodin.

72 Procès-verbal du Conseil d’administration, 23 octobre 1945, Paris, archives du Musée Rodin.

73 Procès-verbal du Conseil d’administration, 21 juin 1939, Paris, archives du Musée Rodin.

74 Cat. d’exp. Charles Baudelaire : exposition organisée pour le centenaire des “Fleurs du Mal”, sous la direction de Roger Pierrot, Claude Pichois, Paris, Bibliothèque nationale de France, 19 décembre 1957-28 février 1958, Paris, Éditions de la BnF, 1957, p. 115.

75 Cat. d’exp. Baudelaire, la modernité mélancolique sous la direction de Jean-Marc Chatelain, Paris, Bibliothèque nationale de France, 3 novembre 2021-13 février 2022, Paris, BnF Éditions, 2021, no 60, p. 90.

76 Cat. d’exp. Rodin et les écrivains de son temps. Sculptures, dessins, lettres et livres du fonds Rodin sous la direction de Claudie Judrin, Paris, musée Rodin, 23 juin-18 octobre 1976, Paris, éditions du musée Rodin, 1976, no 23, p. 27-30.

77 François Blanchetière (dir.), art. cité note 24, no 109, p. 174.

78 Cat. d’exp. Auguste Rodin – Eugène Carrière, sous la direction de Serge Lemoine, Tokyo, musée national d’Art occidental, 6 mars-4 juin 2006 ; Paris, musée d’Orsay, 11 juillet-1er octobre 2006, Paris, Flammarion/Musée d’Orsay, 2006, no 74, p. 121.

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Table des illustrations

Titre Figure 1.
Légende William Malherbe (1884-1951), portrait de Paul Gallimard avec un livre, vers 1920, huile sur toile, 64 × 53 cm. Collection particulière.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/31927/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 623k
Titre Figure 2.
Légende Auguste Rodin, illustration pour le poème « Les Bijoux » dans Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire (édition originale, Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1857), dessin à l’encre, exécuté en 1887-1888, 18,6 × 12 cm (fermé), Paris, musée Rodin, D.7174.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/31927/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 546k
Titre Figure 3.
Légende Joseph Granié (1861-1915), L’aquarelliste sur marge, 1896. Gravure publiée dans Octave Uzanne, Dictionnaire bibliophilosophique.
Crédits © Gallica
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/31927/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 1,0M
Titre Figure 4.
Légende Henri Marius Michel (1846-1925), reliure pour Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, entre 1888 et 1896, maroquin brun avec une plaque en cuir de bœuf gravé et incisé, Paris, musée Rodin.
Crédits © musée Rodin (photo Jean de Calan)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/31927/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 694k
Titre Figure 5.
Légende Albrecht Dürer (1471-1528), Les Armoiries à la tête de mort, 1503, gravure au burin, 15 × 21,2 cm, Rouen, Bibliothèque municipale, fonds Hédou. Porte le numéro B. 101 dans le catalogue raisonné de Adam von Bartsch (1808). Bibliothèque municipale de Roue, Est. A Hédou 381-09.
Crédits © Bibliothèque municipale de Rouen
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/31927/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 850k
Titre Figure 6.
Légende Pages de garde et frontispice de Vingt-sept poèmes des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, illustrées par Rodin, Paris, Société des Amis du Livre Moderne, 1918, Paris, musée Rodin, inv. 6762.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/31927/img-6.jpg
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Léo Rivaud Chevaillier, « Les Fleurs du Mal, de la censure au musée »Les Cahiers de l’École du Louvre [En ligne], 22 | 2024, mis en ligne le 04 juin 2024, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/31927 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11w6q

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Auteur

Léo Rivaud Chevaillier

Diplômé en histoire de l’art et en relations internationales de l’Université de Paris I Panthéon-Sorbonne et de Sciences Po, Léo Rivaud Chevaillier collabore depuis 2023 auprès de la direction artistique de la galerie Mennour. Il a contribué précédemment à l’organisation d’expositions au Musée d’Art Moderne de Paris, au Musée national d’Art moderne-Centre Pompidou à Paris et à Shanghai (Chine) et à la Bourse de Commerce-Pinault Collection.
A graduate in art history and international relations from the University of Paris I Panthéon-Sorbonne and Sciences Po, Léo Rivaud Chevaillier has been working with the artistic directors of the Galerie Mennour since 2023. He has helped organise exhibitions at the Musée d’Art Moderne de Paris, the Musée National d’Art Moderne-Centre Pompidou in Paris and Shanghai and the Bourse de Commerce-Pinault Collection.

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