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Héros malgré lui : le bureau de la signature du traité de Versailles

A hero despite itself: the desk on which the Treaty of Versailles was signed
Claire Bonnotte Khelil

Résumés

Cet article se propose de revenir sur l’histoire insolite d’un bureau, à première vue banal, du XVIIIe siècle, conservé dans les collections du château de Versailles depuis 1914 : attribué à l’ébéniste Charles Cressent (1685-1768), ce meuble n’a pas d’existence connue avant 1863, date à laquelle il est envoyé au Palais de Compiègne. Après être passé au Mobilier national, puis au musée du Louvre, c’est à Versailles que son histoire prend une tournure inattendue : le 28 juin 1919, il devient le « bureau de la signature », lors de la cérémonie du traité de paix mettant fin à la Première Guerre mondiale. Dès lors, il sort de l’anonymat et accède à la notoriété dans les années 1920-1930, notamment à la faveur de cartes postales médiatisant l’événement. En dépôt sous étroite surveillance au château de Chambord de 1939 à 1945, en raison de l’intérêt que lui portent les autorités allemandes, il revient à la fin du conflit dans son giron versaillais. Exposé durant de nombreuses années dans le salon du Conseil, au sein du circuit des Grands Appartements, il est aujourd’hui présenté dans la nouvelle galerie d’histoire du château, inaugurée au mois de septembre 2023. Symbole de la Première Guerre mondiale, et désigné depuis 1919 par ce seul et unique prisme, ce meuble présente une trajectoire comparable à celle d’un acteur de cinéma : un parfait inconnu, propulsé quelques heures sous les feux de la rampe diplomatique, en tire une célébrité internationale, sensible encore 100 ans après les faits.

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Texte intégral

Figure 1.

Figure 1.

Léopold Jean-Ange Delbeke (1866-1939), La galerie des Glaces le jour de la signature de la paix, le 28 juin 1919, après 1919, château de Versailles, MV 7058.

© Franck Raux

  • 1 Igor Kopytoff, « Pour une biographie culturelle des choses : la marchandisation en tant que process (...)

1Au sein des collections du musée national du château de Versailles, où se côtoient d’insignes chefs-d’œuvre de l’art français, figure un meuble particulièrement célèbre : le bureau ayant servi à la signature de l’un des traités de paix conclus entre les forces belligérantes au sortir de la Première Guerre mondiale (fig. 1). Depuis le 28 juin 1919, cet objet cristallise une attention particulière et dispute à des créations bien plus belles les regards intéressés du public. Parvenue à la renommée non en raison de ses qualités propres, mais à la faveur des aléas de l’Histoire, cette œuvre se prête de façon idoine à une approche biographique1. L’analyse de sa « vie » révèle en effet différents cycles, qui s’enchaînent au cours du temps.

Un bureau sans histoire

  • 2 Pour une hauteur de 77,5 cm et une profondeur de 90,5 cm.
  • 3 De chêne et de noyer pour son bâti, et d’amarante pour son placage. Nous remercions Yves Carlier, c (...)
  • 4 Pour sa description exacte, se rapporter à celle rédigée par É.-T. Williamson : Édouard-Thomas Will (...)

2Le « protagoniste » de notre récit mesure 1,76 m de long2 et pèse environ 80 kilos, soit le poids d’un homme de bonne stature, bien qu’il s’en distingue drastiquement par sa composition, constituée à majorité de bois3. Cette matière organique, encore vivante, réagit aux fluctuations du climat, tout comme le revêtement en maroquin qui recouvre la surface du plateau. Pour les spécialistes, ce meuble se rapporte à la typologie des « bureaux plats » à double face et comporte plusieurs incrustations de laiton et des ornements de bronze doré fondus et ciselés. Doté de trois tiroirs munis de poignées, il se distingue par ses deux masques de Bacchus flanqués sur deux faces latérales, ses coquilles aux angles, ses pieds griffus à motifs feuillagés, mais surtout par ses quatre bustes de femmes dites « d’espagnolettes à aigrettes » se détachant sur ses montants4. Même s’ils ne sont pas d’une finesse remarquable, ces éléments de décor participent à l’esthétique de ce bureau, au demeurant peu exceptionnel.

  • 5 Cette estampille du XVIIIe siècle pourrait éventuellement se rapporter à l’un des trois représentan (...)
  • 6 Alfred de Champeaux, « Les meubles à l’exposition rétrospective de l’Union centrale (2e et dernier (...)
  • 7 Catherine Voiriot, « L’histoire à rebondissements de l’entrée au musée du Louvre d’un bureau de Cha (...)

3Depuis le XIXe siècle, les historiens du mobilier le rattachent au « style Louis XV » en raison de son esprit « rocaille » et estiment sa naissance autour des années 1720-1730. L’accréditation de cette thèse ne permet cependant pas d’élucider l’identité précise de son, ou de ses créateurs. Le meuble dissimule dans ses entrailles une seule estampille (« CO[…]ON »), malheureusement non identifiée à ce jour5. Depuis le début des années 1880, on s’accorde à attribuer sa paternité à Charles Cressent (1685-1768), un postulat confirmé par de nombreux spécialistes de cet artiste6. En effet, le bureau conservé à Versailles offre de nombreuses similitudes avec plusieurs autres spécimens du même type conçus par l’ébéniste parisien, et notamment celui encore conservé au musée du Louvre7.

  • 8 C 19100 (au château de Compiègne) ; GM/E/C 104 (au Garde-Meuble) ; RF 5122 ou 0A 5122 (au musée du (...)
  • 9 Il comporte ainsi une étiquette du transporteur Pusey Beaumont-Crassier.

4Outre cette estampille, le bureau comporte plusieurs marques d’inventaires effectuées au crayon ou à l’aide d’un pochoir, qui lui ont été apposées au cours du temps, en fonction de son lieu de résidence et de son affectation par les services de l’État8. Réparties sur son squelette mais visibles uniquement pour un œil expérimenté, elles constituent en quelque sorte sa « carte d’identité ». Dissimulé dans ses entrailles, son « passeport » tient à quelques étiquettes jaunies, rappelant ses déplacements en dehors du giron versaillais, notamment lors d’expositions organisées au cours du siècle dernier9.

  • 10 Pierre Arrizoli-Clémentel, Le Mobilier de Versailles. XVIIe et XVIIIe siècles, 2 t., Paris, édition (...)
  • 11 Paris, AN, Archives du Garde-Meuble, AJ/19/1122, no 19100.
  • 12 Hélène Meyer, « Le “Salon chinois” ou le salon de Thé de l’impératrice Eugénie à Compiègne », La Re (...)

5Âgé aujourd’hui d’environ deux siècles, le meuble fait l’objet d’un certain nombre de spéculations quant à ses origines. Si sa présence au château de Versailles dès le printemps 1744 puis son passage au palais des Tuileries en 1833 ont pu être parfois avancés10, reconnaissons qu’il ne s’agit pour l’heure que de suppositions. Ce meuble n’a en réalité pas d’existence certaine avant le 10 février 1863, date à laquelle il est envoyé par le Garde-meuble au Palais de Compiègne afin de participer à l’ameublement du salon de thé (dit aussi salon chinois) de l’impératrice Eugénie11. Une photographie ancienne le montre ainsi au centre de ce salon, entouré de différentes pièces de mobilier d’esprit oriental (fig. 2). C’est dans cet environnement délicat, aménagé pour l’épouse de Napoléon III, que ce bureau évolue jusqu’à la fin du Second Empire12.

Figure 2.

Figure 2.

Anonyme, Vue du salon de thé de l’impératrice Eugénie au château de Compiègne, photographie, vers 1880, bibliothèque du palais de Compiègne.

© Compiègne, musée national du château / photo Marc Poirier

Une entrée en muséification

  • 13 É.-T. Williamson et A. de Champeaux, Catalogue des objets appartenant au Service du Mobilier nation (...)
  • 14 Paul Mantz, « Les meubles du XVIIIe siècle », Revue des Arts décoratifs, 1883, p. 313-326, p. 324. (...)
  • 15 Archives du Garde-Meuble, Entrées, 31 décembre 1882-31 décembre 1885, nos 60758-62736, vol. 38, no  (...)
  • 16 Mathieu Caron, Du Palais au musée : le garde-meuble et l’invention du mobilier historique au XIXe s (...)
  • 17 Ibid., fig. 198 et 199, p. 405.

6Les tribulations de l’occupation prussienne et des débuts de la IIIe République ne permettent pas de suivre avec exactitude le sort réservé à ce meuble durant la période. Il reste probablement à Compiègne jusqu’au début des années 1880 avant de resurgir à l’exposition rétrospective de l’Union centrale des Arts décoratifs organisée en 1882 au Palais de l’Industrie à Paris13. C’est à la suite de celle-ci qu’il est attribué à Charles Cressent par l’historien de l’art Alfred de Champeaux (1833-1903), mais aussi qu’une confusion s’instaure entre ce bureau et un autre spécimen à double face conservé au palais de Fontainebleau14. Il semblerait que celui qui nous intéresse soit de nouveau à Compiègne au printemps 1885, date à laquelle il repart au Garde-Meuble15 pour être présenté dans la galerie d’exposition du musée éponyme, créé à Paris trois ans plus tôt16. Noyé dans la masse des objets juxtaposés les uns à côté des autres17, il n’est désormais plus utilisé comme bureau, mais uniquement classifié comme tel. À partir de cette date, le meuble devient un objet de musée et renonce par convention à sa vocation d’origine.

Figure 3.

Figure 3.

Étienne et Louis Antonin Neurdein, Salle du mobilier Louis XV, Musée du Louvre, service de l’Histoire du Louvre, fonds Aulanier, n°559.

© 1901 Musée du Louvre / Neurdein

  • 18 Arrêté du 1er mars 1901 supprimant le musée du Mobilier national. Liste des objets attribués aux mu (...)
  • 19 Registre de l’inventaire des entrées. Conservation de la sculpture et des objets du Moyen Âge, de l (...)
  • 20 Carle Dreyfus, Musée national du Louvre. Catalogue sommaire du mobilier et des objets d’art du XVII(...)

7Au début de l’année 1901, la suppression du musée du Garde-meuble occasionne son nouveau transfert au musée du Louvre18 afin de garnir l’une des cinq salles de mobilier nouvellement constituées au département des Objets d’art, au premier étage de la Cour carrée19. Dans le cadre de ce temple universel des arts, le bureau est exposé au centre de la « salle Louis XV » (fig. 3) avec d’autres bureaux de même style, et sert de console à la présentation de trois vases des collections20. La disposition de l’ensemble s’avère particulièrement appréciée, comme l’atteste la presse de l’époque :

  • 21 Gabriel Mouret, « Les nouvelles salles du Louvre », L’Écho de Paris, 20 mai 1901.

8« La salle Louis XV est autrement séduisante. C’est, dans les meubles, consoles, bureaux, secrétaires, tables, dans les bronzes, le triomphe de la grâce souple, de la ligne féminine, si l’on peut dire, l’apogée des contournements alanguis, des formes amoureuses : les passionnés de ce style éprouveront là de très belles joies21 ».

  • 22 Rapport de Gaston Migeon du 4 mai 1914 (Paris, AN, 20144787/2).

9Environné de superbes portraits, comme celui de Mme de Pompadour par Maurice Quentin La Tour ou celui de Mme du Barry par Augustin Pajou, il est probable que notre bureau ne boude pas non plus son plaisir et interagisse à loisir avec ses congénères. Pour des raisons nécessairement indépendantes de sa volonté, il est pourtant sorti de ce charmant écrin au mois de mai 1914 afin d’être envoyé au château de Versailles avec deux autres commodes. Le musée compte alors très peu de mobilier et le remeublement commence à peine, malgré les efforts redoublés du conservateur Pierre de Nolhac (1859-1936), d’ailleurs confronté à la désapprobation de ses collègues du Louvre, le taxant de laisser une grande partie de cette manne en réserve22.

10Force est de constater que celui qui porte désormais le matricule d’inventaire « Vmb 14254 » arrive au sein de l’ancienne résidence royale dans un contexte difficile. La Première Guerre mondiale intervenant quelques mois plus tard, ce sont principalement des soldats à l’allure pressée qu’il va y côtoyer durant ses premières années versaillaises.

Un casting décisif

  • 23 Attribué à Charles Cressent, Bureau plat, vers 1720, château de Versailles, OA 5095/VMB 14115. Ce b (...)
  • 24 Pierre de Nolhac, La Résurrection de Versailles. Souvenirs d’un conservateur 1887-1920, Paris, Perr (...)
  • 25 M.-J. Ballot, op. cit. note 6, p. 134, 135.

11C’est pourtant bien à Versailles que le destin de ce meuble prend une tournure inattendue, digne d’un coup de théâtre. Si l’on ignore où il est entreposé durant le conflit, il est désigné au début du mois de juin 1919 afin de servir de support lors de la cérémonie de ratification du traité de paix conclu entre les Alliés et l’ennemi allemand. Pourquoi est-il alors choisi, et cette élection tient-elle du hasard ? Bien que peu nombreux, d’autres bureaux plats figurent alors dans les collections du musée, notamment un autre également attribué à Charles Cressent23. Le conservateur Pierre Nolhac ne livre malheureusement pas davantage de détails dans ses mémoires quant à la sélection opérée24. Peut-être est-elle liée à la publication de la première monographie de l’ébéniste par Marie-Juliette Ballot, parue la même année. En effet, l’attachée à la conservation du Louvre, y affirme que « c’est un meuble très simple et malgré cela d’un aspect très riche […] », et vante la « sobriété » de ce dernier qui n’en constitue pas moins, selon elle, « un des types les plus accomplis25 » conçus par l’artiste.

Figure 4.

Figure 4.

Anonyme, Le conservateur André Pératé (1862-1947) et Maurice Alègre préparant le bureau pour la signature du traité de paix, peu avant le 28 juin 1919, photographie, collection famille Pératé.

  • 26 Jean-Jacques Gautier, « Exemple d’un décor pour un événement. La galerie des Glaces pour le traité (...)
  • 27 Date de la proclamation de l’Empire allemand dans cette même galerie des Glaces.

12Même s’il est de taille relativement moyenne26, tout porte à croire que ce meuble semble alors le mieux convenir à l’exercice. Ainsi va-t-il retrouver pendant quelques heures sa destination et sa fonction premières, dont il avait été privé depuis au moins trente ans. L’événement constitue un véritable tournant dans sa « carrière ». Le futur « acteur » fait l’objet de soins attentifs, et se voit bichonné dans le Grand Appartement de la reine avant son entrée en scène dans la galerie des Glaces (fig. 4). Le conservateur André Pératé (1862-1947) prodigue des conseils à Maurice Alègre, lui-même à genoux auprès du jeune premier. Son canotier posé sur le plateau, la posture de Pératé donne l’impression qu’il cherche à insuffler du courage au bureau. C’est en effet une lourde tâche, au parfum de revanche venant conjurer le parjure du 18 janvier 187127, qui repose, au sens propre, sur ce meuble, au moment de la signature. L’objet semble investi du poids symbolique de l’action dans laquelle il est pourtant seulement utilisé.

  • 28 Ibid, p. 274. Emprunté au Mobilier national, ce fauteuil appartient à l’ensemble GMT 12158 mais on (...)

13Des accessoires lui sont attribués pour cette prestation : un encrier (que Georges Clemenceau fait d’ailleurs remplacer pour convenance de goût), une plume, des instruments diplomatiques et du papier buvard acheté à la maison Chalmette. Par chance, le « Tigre » semble avoir adoubé le choix des conservateurs du musée et confirmer le choix de ce bureau comme acteur incontournable du grand évènement. Le temps de quelques heures, il est assorti d’un fauteuil de style Louis XIV créé au Second Empire, et devant servir d’assise aux signataires28. Il est étonnant qu’un bureau Rocaille ait été associé à un fauteuil d’esprit « Grand Siècle » mais personne ne semble avoir remis en question le dépareillement d’un tel duo, présenté sur un tapis de la Savonnerie provenant du Mobilier national. Quatre jours avant leur entrée en scène, la presse s’impatiente déjà :

  • 29 « La cérémonie historique de Versailles est réglée dans ses détails mais sa date n’est pas encore f (...)

14« Au centre est placée une table isolée, une fort jolie table Régence, recouverte d’un cuir gaufré finement dentelé, et ornée de motifs en bronze doré. Ce meuble, de style très pur, appartient au château de Versailles ; jusqu’à présent, il n’avait pas d’histoire : c’était une table, et voilà tout. Ce sera demain une table historique, la table de la signature ; c’est sur ce cuir précieux du dix-huitième siècle que sera accompli l’événement le plus considérable de l’époque contemporaine et peut-être de toutes les époques…29 »

  • 30 La bibliographie relative au traité de Versailles de 1919 étant pléthorique, nous ne pouvons en ras (...)

15De façon fort peu nuancée, le meuble est consacré avant même l’interprétation de son rôle. Ce meuble autrefois « sans histoire » entre dans l’Histoire par la grande porte : il va désormais être « quelqu’un ». Le jour J du 28 juin 1919, il se tient sur ses quatre pieds dans l’arène, pris en tenaille au milieu de l’immense table en fer à cheval qui l’encercle30. Tout va très vite, et sa mission s’accomplit dans un brouhaha terrible, succédant à des moments de silence pesants. Loin de la foule venue assister au spectacle, le bureau sert d’autel de justice auprès duquel les différents plénipotentiaires viennent défiler. Un à un les diplomates apposent leur signature sur les documents officiels déposés sur son dos. Dans ce ballet aussi solennel que savamment orchestré, il est l’épicentre de la cérémonie expiatoire, tenant lieu d’autel pour les vainqueurs, et d’échafaud pour les perdants.

  • 31 I. Kopytoff, op. cit. note 1, p. 91, 92.
  • 32 Arnold van Gennep, Les rites de passage : étude systématique des rites de la porte et du seuil, de (...)

16Cet épisode dans la vie de l’œuvre le fait instantanément rompre avec son passé, pour ne pas dire son « cycle de vie31 ». Rien ne semble plus éloigné de l’ambiance feutrée et féminine du salon de thé de l’impératrice au palais de Compiègne, voire même de celle du salon Louis XV au musée du Louvre, que ce moment où il est placé sous le feu des projecteurs. Le bureau vient de faire son entrée dans l’âge adulte, en basculant dans un monde entièrement masculin, propre à la diplomatie internationale de ce début du XXe siècle. À l’image d’un « rite de passage », concept théorisé et décrit alors par l’ethnologue Arnold van Gennep (1873-1957)32, la cérémonie le fait changer de statut social, voire de « caste », sans retour en arrière possible. Par sa nouvelle individualité, il rompt de facto avec ses congénères. Il ne peut plus endosser d’autre emploi puisque son destin demeure attaché au 28 juin 1919 dont il doit perpétuer la mémoire : il est désormais « le bureau », voire un « monument » à lui seul et ne peut plus être relégué au rang d’un simple meuble. Grâce à cette nouvelle respectabilité, il se trouve doublement muséifié ou plutôt sacralisé : d’une part, parce qu’il est conservé dans un musée ; de l’autre, parce qu’il est le bureau ayant servi à la signature d’un tel événement.

Une célébrité mondiale

  • 33 « Le Traité de paix est signé », Le Gaulois, 29 juin 1919. La coupure de presse est aujourd’hui con (...)

17À compter de ce jour, le bureau se voit sublimé aux yeux du monde, même si certains journaux, tel Le Gaulois, le qualifient par ignorance de « délicieux guéridon33 ». Durablement ancrée dans la mémoire commune, sa prestation est filmée par André Dantan (1896-1959), mais surtout abondamment photographiée, comme s’il s’agissait d’un acteur hollywoodien fraîchement oscarisé.

Figure 5.

Figure 5.

Georges Chevalier (1882-1967), Le bureau de la Signature, 30 juin 1919, autochrome, Boulogne-Billancourt, musée Albert Kahn, inv. A 17 134 X.

© Collection Archives de la Planète, Musée départemental Albert-Kahn, Département des Hauts-de-Seine

  • 34 Paris, AN, 20150040/44.
  • 35 Nous remercions Antony Petiteau, chef de l’unité Conservation, documentation, recherche au musée Al (...)
  • 36 On mentionnera parmi cette production peinte : Madeleine Meunier, La galerie des Glaces de Versaill (...)

18Quelques jours après la signature, le meuble reste encore en place dans la galerie des Glaces afin que le public puisse prendre connaissance des aménagements34 effectués au moment du traité de paix (fig. 5)35. C’est sans doute à cette occasion qu’il est portraituré à plusieurs reprises en compagnie de son principal acolyte, le fauteuil néo-Louis XIV. Parmi cette abondante iconographie36, le tableau peint par Léopold Delbeke (1866-1939) constitue une des images les plus iconiques (voir fig. 1). Au centre de la toile, le bureau trône au milieu de la galerie vide. Un rayon de lumière provenant d’une fenêtre extérieure traverse opportunément son plateau et semble lui conférer une forme de bénédiction divine.

  • 37 Signature de la paix de la Grande Guerre, 28 juin 1919 - Versailles - Galerie des Glaces - La table (...)
  • 38 W. E. Troutman, Inc., Famous table where the peace treaty was signed, 1924, photographie stéréoscop (...)
  • 39 Charles Vilain, « Notre section a ranimé la Flamme de l’Arc de Triomphe le Dimanche 27 mars », Jour (...)
  • 40 Ce bureau Louis XV provenait du cabinet de Stephen Pichon au ministère des Affaires étrangères.
  • 41 Ce bureau de style Louis XV, que nous n’avons pas réussi à identifier, appartient probablement au M (...)

19La promotion du bureau s’amorce donc brutalement : sortant de l’anonymat, il accède à la notoriété dans les années 1920-1930, notamment grâce aux cartes postales médiatisant la signature du traité de paix37. On le décline invariablement sous le titre de « table historique », de « table de la signature », ou de famous table38 – une terminologie d’ailleurs impropre à son usage originel. Étant physiquement semblable à d’autres, un « modeste carton » permet de reconnaître au sein du musée national ce « reliquaire de la grandeur française », comme l’écrit un journaliste de l’entre-deux-guerres venu admirer avec « quelque mélancolie cette table39 ». Quoi qu’il en soit, aucun bureau ne semble avoir été à ce point sacralisé par le passé, tout au moins pour de tels motifs. À titre d’exemple, d’autres bureaux Louis XV ont été utilisés pour les traités de paix signés en France à la même période, à l’instar de celui de Saint-Germain-en-Laye quelques mois plus tard40, ou de celui de Trianon l’année suivante41.

  • 42 Archives du château de Versailles, dossier VA 13.

20On remarque en outre que le traité dont le bureau a tiré son importance a bénéficié d’un regard moins bienveillant que le meuble lui-même : comme si l’objet utilitaire avait endossé le poids d’un « moment » sans en porter la responsabilité, son statut d’instrument, d’objet utilitaire, pouvant revêtir une charge patrimoniale, mais le protégeant des critiques adressées au traité vite décrié par la communauté internationale. Présenté durant plusieurs années dans le Grand Couvert de la reine, le bureau sort en effet pour la première fois de l’Hexagone en 1930 afin d’être présenté aux Pays-Bas, dans une exposition « pour la Paix et la Société des Nations » organisée à La Haye42. Enfin, le 26 mai 1937, il est classé au titre des monuments historiques et fait au même moment l’objet d’une première restauration importante, consistant en la réfection de ses filets et la consolidation de ses pieds.

À l’abri des convoitises allemandes

  • 43 Claire Bonnotte, Le Soleil éclipsé. Le château de Versailles sous l’Occupation, Paris, éd. Vendémia (...)
  • 44 Louis Gabriel-Robinet, « La table de la paix est à l’abri », Le Figaro, 28 février 1940 ; l’autrice (...)

21Ce témoin crucial de la « der des der » assiste malheureusement bien vite à la dégradation du contexte international. Le 2 septembre 1939, à la veille de la déclaration de guerre et en pleine mobilisation, le bureau est évacué avec d’autres chefs-d’œuvre du musée au château de Chambord, placé sous l’étroite surveillance de Pierre Schommer (1893-1973)43. C’est sous la cachette anonyme de la caisse « MNV 17 » qu’il est protégé durant le conflit, aux côtés d’insignes chefs-d’œuvre des collections nationales et de riches propriétaires privés. Lors de la « drôle de guerre », la presse reste optimiste et n’hésite pas à annoncer avec fierté que « La table de la paix est à l’abri44 ». Sans en mentionner la localisation exacte, on la dit prête à revenir pour la victoire prochaine... Mais la débâcle de juin 1940 en décide autrement.

  • 45 C. Bonnotte, op. cit. note 43, p. 228, 229 et nos 23 et 24, p. 343.
  • 46 Présent lors de la cérémonie de l’armistice à Rethondes, ce document est détruit à Berlin à la fin (...)

22Stigmatisé en raison de sa participation au « Diktat » de 1919, le bureau fait l’objet d’un intérêt tout particulier de la part des autorités allemandes. Dès le début de l’Occupation, le baron Eberhard von Künsberg (1909-1945), affilié au parti nazi, cherche à faire main basse sur ce précieux trophée45. Si la tentative est heureusement déjouée pour le bureau, Künsberg parvient à s’emparer de l’exemplaire français du traité de Versailles, conservé au château de Rochecotte, qui disparaît dès l’été 194046.

Une tournée internationale

  • 47 Dans l’entre-deux-guerres, le bureau est présenté dans l’antichambre de la reine ou salle du Grand (...)

23Sain et sauf malgré ces inquiétantes péripéties, le bureau rentre dans son giron versaillais le 11 octobre 1945, soit bien après la Libération et la proclamation de la Paix en Europe. Nul ne fait d’ailleurs appel à ses services pour un nouveau rôle, et il se voit préservé cette fois-ci de toute cette agitation médiatique. L’âge de la retraite aurait-il donc sonné pour lui ? Peu après son retour, le meuble est exposé dans le salon du Conseil47, au sein du circuit des Grands Appartements. En ce lieu symbolique, certes un peu intimidant, il peut y dialoguer avec les autres meubles ayant pris part aux grandes heures de l’absolutisme louis-quatorzien. Installé dans une gloire routinière entretenue par un cartel dédié à lui seul, il assiste là au déploiement du tourisme de masse, qui défile à plus ou moins vive allure devant lui.

  • 48 Archives du château de Versailles, VA 36 ; cat. d’exp. Trois siècles de diplomatie française : de R (...)

24Quelques événements viennent toutefois rompre son quotidien, comme sa participation en 1954 à une exposition parisienne sur la diplomatie, organisée au cercle artistique de la rue Volney48. En 1998, il fait de nouveau l’objet d’une restauration importante : ses bronzes sont nettoyés, et l’on procède au recollage et à la stabilisation de certains éléments. Avant cette opération délicate, son squelette est radiographié sous toutes ses coutures par le service de restauration des musées de France (SRMF).

25Fort de cette nouvelle jeunesse, il est envoyé au Japon à l’occasion de l’exposition Fastes de Versailles, organisée en 2002 au musée municipal de Kobé puis au Metropolitan Museum de Tokyo, l’année suivante. Très apprécié par le public japonais, le bureau entreprend à cette occasion son plus grand voyage. L’assurance de son périple et de son séjour sur place sont calculés à la hauteur du symbole et celui-ci vaut un certain prix.

Figure 6.

Figure 6.

Christian Milet, Le bureau de la signature dans la galerie des Glaces lors de l’exposition Versailles raconte le Mobilier national. Quatre siècles de création, photographie, 2009.

© Christian Milet

  • 49 « De l’armistice à la paix : quand l’histoire mondiale s’écrit à Versailles » (19 mai-6 juin 2009).
  • 50 J.-J. Gautier, op. cit. note 26. Le commissariat de cette exposition était assuré par Bertrand Rond (...)
  • 51 William Orpen (1878-1931, The Signing of Peace in the Hall of Mirrors, Versailles, 28 June 1919, Lo (...)

26De retour en France, un nouveau socle en chêne l’attend, destiné à le mettre en valeur de quelques centimètres, ainsi que de nouvelles sollicitations. En 2009, il est présenté aux Archives municipales de Versailles, dans une exposition consacrée à la diplomatie versaillaise49. Deux ans plus tard, il fait son grand retour dans la galerie des Glaces à l’occasion de l’exposition Versailles raconte le Mobilier national. Quatre siècles de création. Durant quelques semaines, il retrouve ainsi sa configuration et ses acolytes du 28 juin 191950 (fig. 6). Afin de convoquer l’ensemble des protagonistes de l’événement le bureau fait face à la reproduction d’un tableau du peintre britannique William Orpen (1878-1931). Dans cette reconstitution, il se tient avec dignité face aux regards inquisiteurs d’anciennes connaissances, tels que Georges Clemenceau, David Lloyd George ou Woodrow Wilson51. Absente de cette évocation, la présence allemande est matérialisée par le fauteuil néo-Louis XIV utilisé lors de la signature, et positionné légèrement de biais face au bureau.

  • 52 Cat. d’exp., Un salon de thé pour l’impératrice Eugénie, Compiègne, Musée national du Palais de Com (...)
  • 53 Cat. d’exp., L’Art de la Paix. Secrets et trésors de la diplomatie, Paris, 2016, Petit Palais à Par (...)

27Dans le souvenir d’un passé plus lointain, il est présenté en 2012 au château de Compiègne lors de l’exposition consacrée au salon de thé de l’Impératrice Eugénie52. Mais cette rétrospective fait figure d’exception car le symbole diplomatique prévaut largement. Encore en 2016, il est emprunté par le Petit Palais pour une exposition sur L’Art de la Paix53.

Figure 7.

Figure 7.

Christian Milet, Le bureau de la Signature lors de sa présentation à l’exposition Le Traité de Versailles. Le centenaire de la Signature au musée des Beaux-Arts d’Arras, 2019.

© Christian Milet

  • 54 Thomas Garnier, « Portefolio. Le traité de Versailles. Le centenaire de la signature », Château de (...)

28Dernière sortie en date, il est mis à l’honneur au musée des Beaux-Arts d’Arras en 2019, date du centenaire de son « sacre » dans une exposition entièrement consacrée au traité (fig. 7). Véritable guest star de cette commémoration, le bureau a pour arrière-plan les fenêtres de la galerie, reproduisant un agrandissement du tableau de Léopold Delbeke (voir fig. 1), également présent à ses côtés54.

29Depuis septembre 2023, le bureau a quitté le salon du Conseil et est descendu d’un étage, pour trouver sa place dans la nouvelle galerie d’histoire du château, au rez-de-chaussée de l’aile du nord. Exposé dans l’avant-dernière salle du parcours, il vient rappeler les événements de la Première Guerre mondiale, toujours aux côtés de l’icône peinte par Delbeke. Avec le temps, il semblerait que ces deux œuvres soient devenues inséparables, l’une servant traditionnellement de miroir à l’autre, comme si ce Narcisse de bois devait y contempler son propre reflet pour l’éternité.

  • 55 G. Araud, op. cit. note 30, voir ch. 4, « Le traité de Versailles, un texte injustement critiqué », (...)

30À l’heure d’une réhabilitation du traité de Versailles55 et de la disparition des derniers Poilus, il nous est apparu pertinent de nous pencher avec humanité sur le destin romanesque de ce meuble, devenu l’un des symboles de la Première Guerre mondiale, et désigné depuis plus d’un siècle par ce seul et unique prisme.

31Par une sorte d’ironie de l’histoire, ce bureau est devenu l’une des œuvres les plus connues de Charles Cressent, alors même que l’on ne peut affirmer à ce jour qu’il en soit véritablement l’auteur. L’aura du meuble demeure entièrement liée à son histoire, bien moins à son esthétique, reléguée à un terrain plus mouvant. Mais cela revêt-il de l’importance pour le principal intéressé ? Une désattribution, voire une remise en cause de son authenticité, ne nuirait probablement pas à sa réputation. La cérémonie du 28 juin 1919 a permis de l’individualiser, de le « désolidariser » en quelque sorte de sa famille de rattachement, lui niant dans une certaine mesure sa véritable origine. Ce n’est plus un meuble, mais un véritable héros national, sans le moindre équivalent ou « concurrent » dans sa catégorie.

32À bien des égards, ce meuble affiche une trajectoire digne de celle d’un acteur de cinéma : un parfait inconnu, investi d’un rôle potentiellement surdimensionné au regard de sa stature, est propulsé quelques heures sous les feux de la rampe diplomatique, en tirant une célébrité internationale, sensible encore cent ans après les faits. Si l’on se hasardait à doter d’une conscience ce bureau aussi emblématique que discret, et qu’il venait à prendre la parole, peut-être livrerait-il cette humble confession :

33« Quelle histoire ! Moi-même, je n’en reviens toujours pas, mais j’avoue parfois souffrir de cet immense fardeau. Pourvu que personne ne me taxe un jour d’imposture… »

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Notes

1 Igor Kopytoff, « Pour une biographie culturelle des choses : la marchandisation en tant que processus », La Vie sociale des choses. Les marchandises dans une perspective culturelle, dir. Arjun Appadurai 1986, Dijon, Les Presses du Réel, 2020, p. 89-122, p. 91.

2 Pour une hauteur de 77,5 cm et une profondeur de 90,5 cm.

3 De chêne et de noyer pour son bâti, et d’amarante pour son placage. Nous remercions Yves Carlier, conservateur général du patrimoine et adjoint au directeur du musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, pour sa relecture attentive.

4 Pour sa description exacte, se rapporter à celle rédigée par É.-T. Williamson : Édouard-Thomas Williamson, Musée du Garde-Meuble, Catalogue, Paris, Baudry, 1897, p. 22, no 152.

5 Cette estampille du XVIIIe siècle pourrait éventuellement se rapporter à l’un des trois représentants de la famille Coulon, ou bien à Jacques-Laurent Cosson.

6 Alfred de Champeaux, « Les meubles à l’exposition rétrospective de l’Union centrale (2e et dernier article) », Gazette des beaux-arts : courrier européen de l’art et de la curiosité, 1er novembre 1882, t. XXVI, p. 369-397, p. 371 ; Marie-Juliette Ballot, Charles Cressent. Sculpteur, ébéniste, collectionneur, Archives de l’Art français, t. X, Paris, H. Champion, 1919, p. 134, 135 ; Pierre Verlet, Les meubles français du XVIIIe siècle, 1983, p. 121, pl. II et III ; Pierre Kjellberg, Le mobilier français du XVIIIe siècle. Dictionnaire des ébénistes et des menuisiers, Paris, Les Éditions de l’Amateur, 1989, p. 227 ; Alexandre Pradère, Charles Cressent sculpteur, ébéniste du Régent, Dijon, éditions Faton, 2003, p. 122-126 et p. 266.

7 Catherine Voiriot, « L’histoire à rebondissements de l’entrée au musée du Louvre d’un bureau de Charles Cressent », La Revue des Musées de France, Revue du Louvre, 2014, no 3, p. 82-87. Nous remercions vivement l’auteure, ingénieur d’étude au département des Objets d’art du musée du Louvre, pour sa précieuse relecture et toutes les informations qu’elle nous a fournies au sujet du bureau de la signature, d’ailleurs évoqué dans son article.

8 C 19100 (au château de Compiègne) ; GM/E/C 104 (au Garde-Meuble) ; RF 5122 ou 0A 5122 (au musée du Louvre) ; puis Vmb 14254 (au château de Versailles).

9 Il comporte ainsi une étiquette du transporteur Pusey Beaumont-Crassier.

10 Pierre Arrizoli-Clémentel, Le Mobilier de Versailles. XVIIe et XVIIIe siècles, 2 t., Paris, éditions Faton, 2002, t. II, p. 53. Concernant Versailles, l’auteur précise : « dans l’appartement intérieur de Louis XV » ; cat. d’exp. Fastes de Versailles, Musée municipal de Kobé (12 octobre-25 décembre 2002) et Tokyo Metropolitan Museum of Art (25 janvier-20 mars 2003), notice par Pierre-Xavier Hans, p. 132 et 225.

11 Paris, AN, Archives du Garde-Meuble, AJ/19/1122, no 19100.

12 Hélène Meyer, « Le “Salon chinois” ou le salon de Thé de l’impératrice Eugénie à Compiègne », La Revue des Musées de France. Revue du Louvre, 5, 2012, p. 78-84, note 41 ; H. Meyer, « Le salon de l’impératrice Eugénie », cat. d’exp. Un salon de thé pour l’impératrice Eugénie, Compiègne, Musée national du Palais de Compiègne, 19 octobre 2012-28 janvier 2013, RMN-Grand Palais, 2012, p. 16-18.

13 É.-T. Williamson et A. de Champeaux, Catalogue des objets appartenant au Service du Mobilier national, Paris, 1882, no 67, p. 18.

14 Paul Mantz, « Les meubles du XVIIIe siècle », Revue des Arts décoratifs, 1883, p. 313-326, p. 324. L’auteur écrit : « On a vu à l’exposition de L’Union centrale et on peut revoir à Fontainebleau un bureau plat en bois d’amarante, à double face, orné de bronzes ciselés et dorés, pieds à griffes et figures de femmes ». Le bureau est reproduit pour la première fois sous la forme d’une gravure dans la Revue des Arts décoratifs, avec la légende « Bureau plat en ébène-Style de Cressent (palais de Fontainebleau) ». Cette confusion est relayée en 1885 par A. de Champeaux lui-même (A. de Champeaux, Le meuble. XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, Paris, A. Quantin, 1885, 2 vol., t. I, p. 133 et 135) mais aussi quelques années plus tard par le conservateur du musée du Louvre É. Molinier : Émile Molinier, Histoire générale des arts appliqués à l’industrie du Ve à la fin du XVIIIe siècle. 3, Le mobilier au XVIIe et au XVIIIe siècle, vers 1890, Paris, E. Lévy, p. 103.

15 Archives du Garde-Meuble, Entrées, 31 décembre 1882-31 décembre 1885, nos 60758-62736, vol. 38, no 12502 : « Le 15 avril 1885 par le palais de Compiègne […] un bureau plat à double face en amarante […] ce bureau est attribué à Cressent » (Paris, AN, AJ/19/1061). Il est à remarquer qu’une page entière du registre est alors consacrée à la description du meuble.

16 Mathieu Caron, Du Palais au musée : le garde-meuble et l’invention du mobilier historique au XIXe siècle, Paris, éd. Faton, Mobilier National, 2021, p. 403-407.

17 Ibid., fig. 198 et 199, p. 405.

18 Arrêté du 1er mars 1901 supprimant le musée du Mobilier national. Liste des objets attribués aux musées Nationaux : Louvre, Versailles, Grand Trianon, Petit Trianon, Fontainebleau, Pau, Compiègne (Paris, AN, 20144787/4).

19 Registre de l’inventaire des entrées. Conservation de la sculpture et des objets du Moyen Âge, de la Renaissance et des Temps modernes, Paris, documentation du département des Objets d’art du musée du Louvre, 9DD6.

20 Carle Dreyfus, Musée national du Louvre. Catalogue sommaire du mobilier et des objets d’art du XVIIe et du XVIIIe siècles : meubles, sièges, tapisseries, bronzes d’ameublement, porcelaines et marbres montés en bronze, objets d’orfèvrerie, Paris, G. Braun, 1913, no 31 (avec reproduction pl. VIII). Il s’agit d’un vase en porphyre de forme Médicis au centre (OA 5212) et une paire de vases en porcelaine de Chine flammée (OA 5188).

21 Gabriel Mouret, « Les nouvelles salles du Louvre », L’Écho de Paris, 20 mai 1901.

22 Rapport de Gaston Migeon du 4 mai 1914 (Paris, AN, 20144787/2).

23 Attribué à Charles Cressent, Bureau plat, vers 1720, château de Versailles, OA 5095/VMB 14115. Ce bureau est envoyé en dépôt à Versailles dès 1908 par le musée du Louvre.

24 Pierre de Nolhac, La Résurrection de Versailles. Souvenirs d’un conservateur 1887-1920, Paris, Perrin, rééd., p. 234. Le conservateur stipule uniquement : « Un de nos bureaux Louis XV, placé au milieu de la pièce, portait le livre, ouvert sur ses pages blanches ».

25 M.-J. Ballot, op. cit. note 6, p. 134, 135.

26 Jean-Jacques Gautier, « Exemple d’un décor pour un événement. La galerie des Glaces pour le traité de Versailles en 1919 », cat. d’exp. Le château de Versailles raconte le Mobilier national. Quatre siècles de création, Versailles, 2011, p. 272-277, p. 274.

27 Date de la proclamation de l’Empire allemand dans cette même galerie des Glaces.

28 Ibid, p. 274. Emprunté au Mobilier national, ce fauteuil appartient à l’ensemble GMT 12158 mais on ne sait pas aujourd’hui quel fauteuil a été employé pour la signature.

29 « La cérémonie historique de Versailles est réglée dans ses détails mais sa date n’est pas encore fixée », Excelsior, 24 juin 1919.

30 La bibliographie relative au traité de Versailles de 1919 étant pléthorique, nous ne pouvons en rassembler ici que quelques occurrences : Jacques-Alain Sédouy, Ils ont refait le monde, Paris, Tallandier, 2017 ; Fabien Oppermann, « La signature du traité de Versailles, 28 juin 1919 », Château de Versailles magazine, avril-mai-juin 2019, no 35, p. 74-79 ; Gérard Araud, Nous étions seuls. Une histoire diplomatique de la France 1919-1939, Paris, Tallandier, 2023.

31 I. Kopytoff, op. cit. note 1, p. 91, 92.

32 Arnold van Gennep, Les rites de passage : étude systématique des rites de la porte et du seuil, de l’hospitalité, de l’adoption, de la grossesse et de l’accouchement, de la naissance, de l’enfance, de la puberté, de l’initiation, de l’ordination, du couronnement, des fiançailles et du mariage, des funérailles, des saisons, etc., Paris, 1909, rééd. en 1969 et 1981.

33 « Le Traité de paix est signé », Le Gaulois, 29 juin 1919. La coupure de presse est aujourd’hui conservée dans les archives du château de Versailles (dossier VZ 20).

34 Paris, AN, 20150040/44.

35 Nous remercions Antony Petiteau, chef de l’unité Conservation, documentation, recherche au musée Albert Kahn, pour toutes les informations fournies au sujet de ces autochromes.

36 On mentionnera parmi cette production peinte : Madeleine Meunier, La galerie des Glaces de Versailles préparée pour la cérémonie de la signature du Traité de Paix de Versailles, 28 juin 1919, 1919, aquarelle conservée au château de Versailles, MV 7891 ; Herbert Arnold Olivier (Londres, Imperial War museum, IWM ART 4213), Fortunino Matania (Londres, Imperial War museum, IWM ART 5193). Bertrand Rondot, « 1919 à Versailles », cat. d’exp. Versailles Revival, 1867-1937, sous la dir. de L. Salomé et C. Bonnotte, Paris, In Fine, 2019, p. 142-147.

37 Signature de la paix de la Grande Guerre, 28 juin 1919 - Versailles - Galerie des Glaces - La table historique, vers 1920-1930, carte postale, château de Versailles, V 5144.25.

38 W. E. Troutman, Inc., Famous table where the peace treaty was signed, 1924, photographie stéréoscopique, Washington, Library of Congress, LOT 11527-2.

39 Charles Vilain, « Notre section a ranimé la Flamme de l’Arc de Triomphe le Dimanche 27 mars », Journal de l’Union centrale des combattants de Rouen, mai 1938.

40 Ce bureau Louis XV provenait du cabinet de Stephen Pichon au ministère des Affaires étrangères.

41 Ce bureau de style Louis XV, que nous n’avons pas réussi à identifier, appartient probablement au Mobilier National.

42 Archives du château de Versailles, dossier VA 13.

43 Claire Bonnotte, Le Soleil éclipsé. Le château de Versailles sous l’Occupation, Paris, éd. Vendémiaire, 2018, p. 80, 88 et 226-234.

44 Louis Gabriel-Robinet, « La table de la paix est à l’abri », Le Figaro, 28 février 1940 ; l’autrice a développé cet épisode dans son précédent livre : voir C. Bonnotte, op. cit. note 43, p. 308.

45 C. Bonnotte, op. cit. note 43, p. 228, 229 et nos 23 et 24, p. 343.

46 Présent lors de la cérémonie de l’armistice à Rethondes, ce document est détruit à Berlin à la fin de la guerre ; Vincent Lanion, « Des archives emblématiques dans la guerre : le destin “secret” des traités de Versailles et de Saint-Germain pendant la Seconde Guerre mondiale », Guerres mondiales et conflits contemporains, 229, janvier-mars 2008, p. 21-42.

47 Dans l’entre-deux-guerres, le bureau est présenté dans l’antichambre de la reine ou salle du Grand Couvert.

48 Archives du château de Versailles, VA 36 ; cat. d’exp. Trois siècles de diplomatie française : de Richelieu à Clemenceau, 1618-1918, exposition organisée au Cercle artistique et littéraire, Paris, janvier-mars 1954, avec la collaboration de Roger de Saint-Jouan, préface de Paul Claudel, Paris, impression de l’Entreprise, 1954, p. 21, no 130.

49 « De l’armistice à la paix : quand l’histoire mondiale s’écrit à Versailles » (19 mai-6 juin 2009).

50 J.-J. Gautier, op. cit. note 26. Le commissariat de cette exposition était assuré par Bertrand Rondot et Jean-Jacques Gautier.

51 William Orpen (1878-1931, The Signing of Peace in the Hall of Mirrors, Versailles, 28 June 1919, Londres, Imperial War museum, IWM ART 2856.

52 Cat. d’exp., Un salon de thé pour l’impératrice Eugénie, Compiègne, Musée national du Palais de Compiègne, 19 octobre 2012-28 janvier 2013, RMN-Grand Palais, 2012.

53 Cat. d’exp., L’Art de la Paix. Secrets et trésors de la diplomatie, Paris, 2016, Petit Palais à Paris, p. 279.

54 Thomas Garnier, « Portefolio. Le traité de Versailles. Le centenaire de la signature », Château de Versailles magazine, octobre-novembre-décembre 2019, no 35, p. 70-73. Le commissariat de cette exposition, qui n’a pas donné lieu à la publication d’un catalogue, était assuré par Bertrand Rondot et Marie-Lys Marguerite.

55 G. Araud, op. cit. note 30, voir ch. 4, « Le traité de Versailles, un texte injustement critiqué », p. 43-64 et ch. 5 « Le traité de Versailles n’est en rien un Diktat », p. 65-73.

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Table des illustrations

Titre Figure 1.
Légende Léopold Jean-Ange Delbeke (1866-1939), La galerie des Glaces le jour de la signature de la paix, le 28 juin 1919, après 1919, château de Versailles, MV 7058.
Crédits © Franck Raux
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/31020/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 39k
Titre Figure 2.
Légende Anonyme, Vue du salon de thé de l’impératrice Eugénie au château de Compiègne, photographie, vers 1880, bibliothèque du palais de Compiègne.
Crédits © Compiègne, musée national du château / photo Marc Poirier
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/31020/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 50k
Titre Figure 3.
Légende Étienne et Louis Antonin Neurdein, Salle du mobilier Louis XV, Musée du Louvre, service de l’Histoire du Louvre, fonds Aulanier, n°559.
Crédits © 1901 Musée du Louvre / Neurdein
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/31020/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 871k
Titre Figure 4.
Légende Anonyme, Le conservateur André Pératé (1862-1947) et Maurice Alègre préparant le bureau pour la signature du traité de paix, peu avant le 28 juin 1919, photographie, collection famille Pératé.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/31020/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 44k
Titre Figure 5.
Légende Georges Chevalier (1882-1967), Le bureau de la Signature, 30 juin 1919, autochrome, Boulogne-Billancourt, musée Albert Kahn, inv. A 17 134 X.
Crédits © Collection Archives de la Planète, Musée départemental Albert-Kahn, Département des Hauts-de-Seine
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/31020/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 47k
Titre Figure 6.
Légende Christian Milet, Le bureau de la signature dans la galerie des Glaces lors de l’exposition Versailles raconte le Mobilier national. Quatre siècles de création, photographie, 2009.
Crédits © Christian Milet
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/31020/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 69k
Titre Figure 7.
Légende Christian Milet, Le bureau de la Signature lors de sa présentation à l’exposition Le Traité de Versailles. Le centenaire de la Signature au musée des Beaux-Arts d’Arras, 2019.
Crédits © Christian Milet
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/31020/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Claire Bonnotte Khelil, « Héros malgré lui : le bureau de la signature du traité de Versailles »Les Cahiers de l’École du Louvre [En ligne], 22 | 2024, mis en ligne le 28 mai 2024, consulté le 14 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/31020 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11w6o

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Auteur

Claire Bonnotte Khelil

Docteure en histoire de l’art, Claire Bonnotte Khelil est collaboratrice scientifique au musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, chercheuse spécialisée pour les XIXe et XXe siècle. Autrice de deux ouvrages, Le Soleil éclipsé. Le château de Versailles sous l’Occupation (Paris, éditions Vendémiaire, 2018) et Versailles 1939-1945. Un château dans l’objectif (Paris, In Fine, 2023), elle est co-directrice du programme de recherche Châteaux et musées en Europe : un patrimoine artistique à l’épreuve de la guerre (XIXe-XXe siècles), au sein du Centre de recherche du château de Versailles (CRCV).
Claire Bonnotte Khelil has a doctorate in art history and is a research associate at the Musée National des châteaux de Versailles et de Trianon, specialising in the nineteenth and twentieth centuries. She is the author of two books, Le Soleil éclipsé. Le château de Versailles sous l’Occupation (Paris: Éditions Vendémiaire, 2018) and Versailles 1939-1945. Un château dans l’objectif (Paris: In Fine, 2023), she is co-director of the research programme Châteaux et musées en Europe: un patrimoine artistique à l’épreuve de la guerre (XIXe-XXe siècles) at the Centre de Recherche du Château de Versailles (CRCV).

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