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Ray Hollis de Philippe Starck : la mise en scène de l’ubiquité de l’objet

Philippe Starck’s Ray Hollis: staging the object’s ubiquity
Florine Barnet

Résumés

Redécouvert récemment et omniprésent dans les galeries spécialisées, le design des années 1980 est également une production de masse. La collaboration de Philippe Starck avec la société de vente par correspondance Les 3 Suisses est un exemple de cette volonté de diffusion auprès de tous et l’écriture d’une biographie d’objet issu de cette production permet d’explorer différents cheminements liés à sa conception et à sa destination initiale. Depuis sa création, le cendrier Ray Hollis de Starck connait plusieurs usages, simultanés, tout en étant révélateur de son temps. Il s’agit ici d’étudier le parcours d’un cendrier reproduit dans des milliers d’exemplaires d’un catalogue, érigé dès sa création et davantage aujourd’hui en un objet de patrimoine. Pour cette étude, nous avons choisi de travailler sur l’objet lui-même et non pas sur un exemplaire particulier, comme l’exigerait traditionnellement une biographie.

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Texte intégral

  • 1 Le roman est publié en 1969 aux États-Unis, suivi par la traduction française d’Alain Dorémieux en (...)

1En 1983, Philippe Starck participe à l’aménagement des appartements privés du président François Mitterrand (1916-1996). Ce chantier décoratif a pour ambition de conclure l’édition du mobilier créé à cette occasion afin de participer à la relance de l’industrie française au lendemain de la crise pétrolière et de diffuser à travers ces meubles contemporains un nouvel art de vivre à la française. C’est ainsi qu’en 1984 débute la collaboration de Starck avec la marque française de vente par correspondance les 3 Suisses, créée en 1932 à Roubaix. Jusqu’en 1995, le créateur bénéficie d’une double-page dans le catalogue, imprimé et distribué dans des millions de foyers en France et dans les pays européens francophones, à raison d’une parution semestrielle pour laquelle des œuvres sont exclusivement créées. Le cendrier Ray Hollis apparait dans ce corpus d’œuvres (fig. 1) et s’inscrit dans une série d’objets que le créateur baptise de noms empruntés aux personnages du roman de science-fiction Ubik1 de Philip K. Dick.

Figure 1.

Figure 1.

Philippe Starck, Créations pour la collection Tertio des 3 Suisses (Roubaix), Automne-Hiver 1986, pages 718-719.

© Crédits photo Tom Vack

  • 2 Igor Kopytoff, « The cultural biography of things: Commoditization as process », The Social Life of (...)
  • 3 Stéphane Laurent, « Le voyageur du temps. L’œuvre et la démarche de Philippe Starck à l’épreuve du (...)
  • 4 Georges Perec, La Vie mode d’emploi, Paris, Hachette, collection Livre de Poche, 1980 (réédition 19 (...)
  • 5 Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », Raisons pratiques sur la théorie de l’action, Paris, (...)

2Écrire la biographie d’un objet sous-entend lui décrire un itinéraire en plusieurs étapes, une trajectoire de vie composée de différents « âges »2. En 2003, l’historien des arts décoratifs Stéphane Laurent constate l’absence de Philippe Starck dans l’écriture de l’histoire du design et souligne le paradoxe d’y intégrer des objets de consommation voués à l’obsolescence3. Il s’agit ici de démontrer la pertinence de la méthode biographique pour ce cendrier, dont le contexte politique promet la disparition de sa fonction première avec le vote de lois anti-tabac. Par son statut d’objet de design, nous verrons que cet objet offre plusieurs lectures liées à sa conception, au personnage dont il tire son nom et aux multiples usages possibles tant pour le consommateur de 1985, date de sa première commercialisation, que pour le collectionneur jusqu’à aujourd’hui. Par la richesse de ses possibilités, par ses « existences simultanées4 » ou successives chez les différents profils de consommateur, Starck joue sur la fonction et l’usage de l’objet, permettant d’esquiver « l’illusion biographique5 », c’est-à-dire le récit linéaire de Ray Hollis.

À la frontière de l’objet d’usage et de l’objet d’art, les pratiques concomitantes de Ray Hollis

3Travailler sur un objet de design nécessite d’en connaitre le contexte historique et artistique, afin de s’interroger sur la pertinence de sa fonction à travers son usage et au-delà.

Brève biographie de l’objet-cendrier

  • 6 Patrice Duchemin, dans Marie Godfrain, « Le retour de flamme du cendrier », Le Monde, 12 octobre 20 (...)
  • 7 Raymond Loewy, Industrial design: Raymond Loewy, New York, The Overlook Press, 1979, p. 219.
  • 8 Anne-Marie Fèvre, « Le cendrier : en voie d’extinction », La Libre, 07/08/2009. Site internet : www (...)

4À partir du XVIIe siècle, des récipients richement ornés apparaissent dans les demeures : les premiers cendriers sont des objets d’art, faits à la main et ornés de matériaux précieux. Pour rappel, d’après le dictionnaire Larousse (édition numérique, 2023), un cendrier est un « petit récipient destiné à recevoir la cendre et les restes de cigarettes ou de cigares ». La fonction, clairement définie, n’est pas accompagnée de forme particulière. Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour que l’objet soit démocratisé et, utilisé comme support pour la réclame, il apparait dans les lieux publics comme les cafés. Se développe alors un véritable « art de fumer », illustré par le trio « briquet, porte-cigarettes et cendrier6 ». Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en France, le tabac brun et le tabac à chiquer sont remplacés par les cigarettes blondes, distribuées par l’armée américaine, comme par exemple le paquet Lucky Strike conçu en 1940 par le pionnier du design industriel, le franco-américain Raymond Loewy (1893-1986)7. Dès lors, et jusqu’à l’apparition de la cigarette électronique au début des années 2010, le cendrier est omniprésent dans les foyers des fumeurs. C’est pour cette raison que, pendant les Trente Glorieuses, de nombreux créateurs explorent la forme du cendrier. En 1957, le designer italien Bruno Munari (1907-1998) conçoit le Cubo pour la marque Danese dont la forme et les caractéristiques rappellent le cendrier Ray Hollis : un cube en mélamine brillante contient un récipient en aluminium, laissé entrouvert, permettant de poser et d’éteindre sa cigarette tout en cachant les cendres et en retenant les odeurs. En 1964, l’italien Joe Colombo invente l’astucieux verre Smoke dont la courbe du pied permet de tenir l’objet entre ses doigts et un cigare simultanément dans la même main. Il dessine également le modèle Rotocenere pour Kartell en 1971, qui permet d’aligner plusieurs cigarettes sur le support et dont le contenant aux dimensions généreuses s’adresse aux grands fumeurs8.

  • 9 Thierry Bonnot, Bérénice Guillemin, Élise Lehoux, « La biographie d’objet : une écriture et une mét (...)

5C’est dans ce contexte que Starck conçoit le cendrier Ray Hollis en 1985, prenant la forme d’un cube en aluminium dotée d’un petit volet permettant de dissimuler les mégots et les cendres. À partir de ses croquis, le créateur demande à Dacheville-Nicol, une entreprise de fonderie d’aluminium avec qui il travaille sur plusieurs projets, de créer un moule : ainsi le cendrier en aluminium est créé et reproduit. La signature de Starck apparait sur le couvercle à bascule, accompagnée ultérieurement par l’estampille XO gravée sous l’objet. XO est justement le nom de la société qui possède le modèle du cendrier et qui fournit les 3 Suisses, assurant la distribution. Cette société est co-créée en 1984 par Gérard Mialet et Philippe Starck qui en devient le directeur artistique. La méthode prônée par Thierry Bonnot pour la biographie d’objets9 pose question dans le cas de ce cendrier reproduit en centaines d’exemplaires. Le parcours de chacun de ces exemplaires conçus pour être consommés en masse, alimente autant mon étude que la genèse formelle qui leur est commune. Certains exemplaires sont personnels, en lien avec mon expérience ; d’autres s’appuient sur une enquête de terrain menée auprès de clients des 3 Suisses et de collectionneurs.

  • 10 Entretien réalisé le 2 novembre 2023.
  • 11 Entretien réalisé le 2 novembre 2023.

6En novembre 2023, j’ai découvert des vestiges de l’enseigne textile dans un de ses anciens sites à Villeneuve d’Ascq et, par la suite, j’ai pu intégrer un groupe de discussion d’anciens salariés des 3 Suisses grâce aux réseaux sociaux. J’ai ainsi pu entrer en contact avec plusieurs personnes en les interrogeant sur le corpus d’œuvres de ma thèse, dans lequel ce cendrier est intégré. Claudine R.10, ancienne acheteuse textile pour femme chez les 3 Suisses en 1985, réagit à ma demande et me raconte qu’« évidemment », elle a acheté ce cendrier car elle était une grande consommatrice de tabac, et s’en est beaucoup servi. Elle précise qu’« il est toujours sur [sa] table basse pour ceux qui fument encore. Il est resté décoratif. Ce qui [lui] a surtout plu à l’époque c’est son look car il n’a pas l’air d’un cendrier, et sa signature bien sûr. » Béatrice D.11, ancienne directrice juridique chez les 3 Suisses, précise que des cendriers Ray Hollis étaient disposés dans certains espaces de l’entreprise, à la disposition des salariés car « à l’époque la cigarette n’était pas totalement bannie des bureaux ». Ces témoignages anecdotiques livrent des indices sur les environnements quotidiens que cet objet a pu connaître au début de sa biographie, c’est-à-dire au moment de sa création et de sa diffusion auprès de ses premiers utilisateurs, des salariés de la marque de grande distribution.

L’universalité de l’objet

  • 12 Norman Potter, « Interroger le design », Qu’est-ce qu’un designer : objets, lieux, messages, Montre (...)
  • 13 A.-M. Fèvre, op. cit. note 8 (occurrence suivante).
  • 14 À titre personnel, j’utilise ce cendrier comme un vide-poches.
  • 15 Philippe Starck, Starck explications, Paris, Centre Georges Pompidou, 2003, p. 188.
  • 16 Victor Alexandre, « Objets, Actes et Design », La critique en design. Contribution à une anthologie (...)
  • 17 « Les créations Tertio : Starck », Catalogue des collections Automne - Hiver, Roubaix, 3 Suisses, 1 (...)
  • 18 À ce propos, lire l’article de François Brigneau, « François Mitterrand renonce à sa salle de bains (...)

7Au fil de ses rééditions, les descriptions du catalogue des 3 Suisses qui accompagnent le cendrier insistent sur les caractéristiques suivantes : il est universel et hygiénique. Dans son manifeste, le théoricien et designer britannique Norman Potter (1923-1995) s’interroge sur le design et sur la pertinence de ne pas voir le contenu d’un « cendrier bien conçu12 ». Jusqu’à l’après-guerre, la forme la plus répandue des cendriers ressemble à un « vide-poches à boutons13 », tel le pavé de verre Lumax dessiné par Charlotte Perriand (1903-1999) et Le Corbusier (1887-1965)14. Au contraire, Starck considère le fumeur comme « un être étrange, qui n’a pas compris que tout le monde n’était pas forcé d’apprécier la fumée qui lui sort du nez, de la bouche, et surtout de son cendrier15 ». C’est pourquoi le catalogue insiste sur les deux profils de consommateur possible de cet objet : qu’il soit fumeur ou non-fumeur, un même produit peut avoir des utilités simultanées16 et devient ainsi multifonctionnel. De plus, cet objet est hygiénique, il « ne retient pas les odeurs et se nettoie aisément17 ». Cet aspect revient constamment dans le descriptif des catalogues et reflète l’intérêt de Starck pour l’hygiénisme, illustré par le projet de salle de bain au Palais de l’Élysée pour Danièle Mitterrand18 qui, pour des raisons budgétaires, n’a pas pu aboutir. En 1990, le créateur poursuit ses recherches sur l’objet-cendrier avec Joe Cactus, édité par la marque italienne Alessi : un récipient en Bakélite est surmonté d’une manette en forme de plante stylisée, qui permet d’y faire couler de l’eau afin de lutter contre les odeurs de tabac froid. Mais cet objet, humoristique et utilitaire, peut aussi être détourné pour devenir un diffuseur de parfum et connaître ainsi une utilisation parallèle.

Au-delà de la fonction, la forme

  • 19 Emna Kamoun, « L’objet de design exposé : reconfiguration de l’expérience du quotidien », Sociétés, (...)
  • 20 Hypothèse émise à partir de l’expérience personnelle de l’auteur face à l’objet pour la première fo (...)
  • 21 Op. cit. note 17 (occurrence suivante).
  • 22 Brochure commerciale, XO, Brie-Comte-Robert, 2007, n. p.

8Nous reviendrons sur ce détournement de l’objet, primordial dans le travail de Starck que nous venons d’illustrer avec Joe Cactus, mais il est essentiel de préciser que pour le cendrier étudié, l’esthétique dissimule la fonction contrairement à ce qu’énonce Emna Kamoun à propos de l’objet de design19. Lorsqu’un observateur découvre l’objet Ray Hollis dans le catalogue, il n’est pas évident pour lui de reconnaître un cendrier, que cet observateur soit sensible à l’objet de design ou non20. Comme nous l’affirme Claudine R., son exemplaire unique du cendrier « est resté décoratif » dans son intérieur et c’est également cet usage possible qui est sous-jacent dans la description des 3 Suisses. La métaphore du paraître permet de comparer l’objet de design à un bijou, « un bel objet de poids21 », reprise en 2007 à l’occasion de sa réédition par la marque XO qui le « compar[e] à un joyau […] grâce à son éclat. Sobre et distingué, Ray Hollis est tout simplement très beau22 ». Par ce jeu, le consommateur de l’objet d’usage adopte une posture contemplative face à l’objet, qui peut être affiliée à une micro-sculpture.

  • 23 Philippe Starck, Starck mobilier, Marseille, éditions Michel Aveline, 1987, p. 9.

9Enfin, ce cendrier, édité pour la première fois en 1985, s’inscrit dans les « gammes argent ou aluminium23 », coloris que Starck justifie comme référence à l’espoir après l’élection de François Mitterrand en 1981 et le regain d’intérêt pour la politique culturelle avec la figure de Jack Lang.

10Quelle est la durée de vie d’un cendrier ? Nous avons constaté que le créateur a éludé cette interrogation en le rendant omniprésent et intemporel, par son utilité fonctionnelle autant que par sa valeur décorative, pour le fumeur autant que pour le non-fumeur, et nous avons souligné que ces différentes pratiques interviennent de manière simultanée dès sa création. Il s’agit maintenant de voir dans quelle mesure le cendrier Ray Hollis est porteur d’un message politique.

Dénoncer et diffuser : l’objet de design, vecteur de communication pour le créateur

11Tout objet traduit son époque. Mais pourquoi choisir de concevoir un cendrier dans un contexte qui tend à sa disparition ? Pour mieux interpréter ce choix, il est nécessaire de connaître l’environnement législatif et social dans lequel a été conçu ce cendrier. Cette étude permet ainsi d’émettre des hypothèses quant aux intentions du créateur, c’est-à-dire de déterminer les messages diffusés par l’objet de notre étude.

Un objet problématique ?

  • 24 Organisation de la direction générale de la santé (D.G.S.), Bureau des pratiques addictives, « Hist (...)
  • 25 Catherine Hill, « L’augmentation du prix du tabac : une mesure de santé publique », Bulletin épidém (...)

12Créer un cendrier en 1985 est encore cohérent bien que des mesures soient déjà établies contre la consommation de tabac. En France, la première loi de lutte contre le tabagisme est votée en 1976. Portée par Simone Veil (1927-2017), elle est composée de plusieurs dispositifs dont l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, « où cette pratique peut avoir des conséquences dangereuses pour la santé24 », c’est-à-dire dans des hôpitaux ou des écoles. En 1991, la loi Evin fait des lieux publics et des transports en commun des espaces non-fumeurs. C’est entre ces deux lois que Philippe Starck conçoit le cendrier Ray Hollis, dans un contexte où le prix du tabac est resté stable25, mais avec des contraintes de plus en plus nombreuses.

13En 2010, lorsque la cigarette électronique devient plus courante, l’objet cendrier semble disparaître des lieux publics : certains subsistent sur les terrasses, d’autres sont jetés ou stockés à la cave et une infime partie a été sauvée par les antiquaires, guettant le potentiel regain d’intérêt pour l’objet, transformé en vestige semi-archéologique aux yeux des non-fumeurs. Le cendrier jaune estampillé Pernod Ricard pourrait tout à fait illustrer ce schéma, ainsi que la Rubbish Theory de Michael Thompson. Mais comme évoqué précédemment, Starck n’a pas conçu cet objet uniquement pour les fumeurs. Dès l’origine, cette obsolescence a été anticipée par son créateur qui a intégré la possibilité de nouveaux itinéraires dans la vie de l’objet et dans le quotidien du consommateur.

  • 26 Chloé Braunstein, « Le design comme culture du projet », La Critique en design. Contribution à une (...)

14Si le cendrier Ray Hollis de Philippe Starck fait écho au contexte politique de son temps, il est toutefois moins provocateur que la collection de cendriers d’Arman (1928-2005) en fonte d’aluminium, sur lequel l’artiste a gravé le mot « cancer26 » (fig. 2). Ce modèle date de 1970 et est donc antérieur aux premières mesures mises en place par le gouvernement français. Il faut enfin évoquer, pour se faire une idée du contexte, l’évolution de la mention « Abus dangereux » présente sur les paquets de cigarettes depuis la loi Veil, remplacée par le message « Nuit gravement à la santé » avec la loi Evin, puis par des images de plus en plus choquantes au cours des années 2000.

Figure 2.

Figure 2.

Armand Fernandez dit Arman, Cendrier Cancer, 1970, édition Atelier A (France), Bronze poli à patine dorée, 15 x 15 x 15 cm, Collection privée.

© Sadde Hôtel des ventes de Dijon

Un objet politique

15Ce cendrier est également porteur d’un message social, inhérent à son moyen de diffusion qu’est la vente par correspondance, car elle répond à une logique omniprésente chez Starck au moment de la création du cendrier : la démocratisation du design.

  • 27 Laurent Martin, « Démocratie et démocratisation culturelles », Les Années Lang : une histoire des p (...)
  • 28 Philippe Poirier, « L’embellie de la politique culturelle », Années 80 : Mode, design et graphisme (...)
  • 29 Christine Colin, Starck, Liège, éditions Mardaga, 1987, p. 281.
  • 30 Michèle Taddei, « Philippe Starck : le design pour fantasme », Le Méridional, 8 novembre 1987, n. p
  • 31 « Starck », Catalogue des collections Automne - Hiver, Roubaix, 3 Suisses, 1985, p. 692.
  • 32 Archives du Mobilier national, côté MM2130, Note du Mobilier national, 16/09/1985.

16Comme le souligne Laurent Martin dans Les Années Lang, le terme de « démocratisation » est absent du vocabulaire ministériel au cours de la décennie 198027. Pourtant, c’est bien cette idée qui semble être le fil conducteur de l’organisation du ministère de Jack Lang, comme le décrit implicitement le décret du 10 mai 1982. Il s’agit de « permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d’inventer et de créer, d’exprimer librement leurs talents […] de préserver le patrimoine culturel national […] pour le profit commun de la collectivité toute entière28. » C’est dans ce contexte que l’aménagement de l’Élysée est financé par le Mobilier national et que cinq décorateurs sont sélectionnés par le ministre de la Culture. À ce moment, Philippe Starck commence à se faire remarquer par ses aménagements de boites de nuit à Paris et à Dallas mais c’est bien le chantier de l’Élysée qui marque un jalon majeur dans sa carrière. Retenu pour répondre à cette commande officielle, Starck se voit confier l’antichambre du Président et la chambre de son épouse : ces ensembles sont entièrement pensés par le créateur, de la poignée de porte jusqu’au fauteuil de bureau de Danièle Mitterrand, du bureau du Président jusqu’au système d’éclairage de sa collection de tableaux. L’objectif étant de commercialiser le mobilier créé, cet aménagement doit permettre à tout français de se meubler comme le Président de la République, geste fort autant pour Starck que pour l’Élysée, tout en donnant une dimension plus prestigieuse au vépéciste (les 3 Suisses). Starck expérimente de nouvelles formes et techniques, tout en bénéficiant d’une très large diffusion de ses créations dans les médias de l’époque, mais il ne souhaite pas se contenter de cette production exclusive et affirme clairement : « Je n’aime pas trop le mot élitiste, le mot le plus chic c’est le mot populaire29. » Alors qu’il vient d’achever le chantier de l’Élysée, Danièle Mitterrand reprend contact avec lui pour la conception d’un meuble de rangement, associé à son bureau : c’est à cette occasion que Starck crée le Bureau du théâtre du monde, petit meuble de rangement métallique à roulettes, coiffé d’une pyramide. Sa livraison à l’Élysée prend une année30 car la commanditaire doit attendre sa fabrication et sa diffusion dans le catalogue des 3 Suisses de 198531, ainsi que les bons de commande du catalogue, semblables à ceux des autres clients (les archives indiquent qu’elle a choisi trois exemplaires de couleur noire, livrés le jeudi 19 septembre 198532 au Palais de l’Élysée). L’exemple de cette livraison peut sembler accessoire, mais elle illustre bien la volonté du créateur de diffuser son travail auprès de tous, dans la même temporalité et de la même manière.

  • 33 Marie-Emmanuelle Chessel, « Au XXe siècle : vers la société de consommation contemporaine », Histoi (...)
  • 34 Pierre-Alain Muet évoque 3 % dans l’article suivant : Pierre-Alain Muet, « La récession de 1993 rée (...)
  • 35 V. Alexandre, op. cit. note 16, p. 108 (occurrence suivante).

17Nous pouvons donc légitimement dire que cette collaboration avec les 3 Suisses dans laquelle s’inscrit le cendrier Ray Hollis est porteuse d’une réelle dimension sociale. Néanmoins, il est nécessaire d’être vigilant face à l’utilisation du terme « démocratisation » car elle semble relative. Marie-Emmanuelle Chessel recommande plutôt le terme de « massification » car « même si les biens se diffusent, les pratiques continuent d’être différentes33 ». En effet, nous pouvons parler d’une démocratisation relative car les objets avaient, finalement, un certain coût. Le prix du cendrier subit une nette augmentation entre la première année de sa commercialisation en 1985 à 195 francs et la dernière en 1995 avec 450 francs. Cette évolution pourrait s’expliquer par la crise économique que traverse la France au début des années quatre-vingt-dix, avec la période de récession, conduisant donc à l’inflation mais elle ne justifie pas une telle augmentation34. Nous pourrions plutôt y voir ici les effets du succès grandissant du travail de Philippe Starck et de la « marque Starck », quittant désormais son statut de marque « accessible ». C’est ce que nous verrons ultérieurement avec la dimension patrimoniale de cet objet. De plus, il ne faut pas omettre, dès l’origine, la logique commerciale cachée derrière le cendrier et les pages du catalogue qui le reproduisent. Sa présentation parmi des objets de nature très différente, tels que des assises, des meubles de rangement et des accessoires, permet de créer « un manque existant chez celui qui ne le possède pas35 ». Par cet aspect, Starck s’inscrit dans une logique caractéristique de la consommation, en suscitant un besoin chez quelqu’un pour lequel l’objet n’est pas nécessaire en le dotant d’une autre dimension, comme évoqué précédemment avec l’esthétique et la décoration chez les non-fumeurs par exemple.

La VPC au service du créateur

  • 36 Marie-Christine Loriers, « Fausses notes de lecture », Design : Actualités fin de siècle, Paris, Ce (...)
  • 37 Idem, Ibidem, p. 144.
  • 38 Agence créée par un duo de femmes, Maimé Anodin et Denise Fayolle à l’origine du slogan « le beau a (...)
  • 39 Harvey Leibenstein, « Bandwagon, Snob and Veblen Effects in Theory of Consumer’s Demand », Quaterly (...)
  • 40 Vanni Pasca, « La période italienne de Philippe Starck », Écrits sur Starck, Paris, Centre Georges (...)
  • 41 Op. cit. note 17 (occurrence suivante).
  • 42 « Philippe Starck pour Tertio », Catalogue des collections Printemps - Été, Roubaix, 3 Suisses, 198 (...)
  • 43 Nous pourrions interpréter ici ce cendrier comme une représentation allégorique du cancer, comme le (...)
  • 44 Régis Debray, « Le parti-pris de l’objet », Photographier l’objet, Paris, Musée des Arts Décoratifs (...)

18Enfin, il s’agit de voir dans quelle mesure Philippe Starck a utilisé la vente par correspondance comme vecteur de communication. Le créateur joue sur la désacralisation et la vulgarisation de beaux objets jusqu’ici reproduits dans des revues spécialisées de décoration et dont la distribution était réservée à des galeries parisiennes : le « produit culture36 » est assimilé à un bien de large consommation, dans des pages très graphiques, évoquant des revues de design37, et dont les photographies de Tom Vack, œuvres en soi, peuvent être associées au domaine de la mode. Nous pouvons émettre l’hypothèse que cet aspect est un des jalons de la stratégie du bureau de style M.A.F.I.A.38 à l’initiative de la collaboration entre les 3 Suisses et des créateurs comme Andrée Putman (1925-2013) ou Philippe Starck. Le rôle de M.A.F.I.A. peut être comparé à celui des influenceurs qui diffusent des codes, des tendances de stratégie de marketing et proposent un partenariat avec un créateur de renom. Le bureau de styles M.A.F.I.A. joue également sur le désir du consommateur face à l’objet et à la marque dont il est associé. Il s’agit ici de créer un besoin, celui de posséder un bel objet mais également celui de se distinguer ou d’imiter un groupe d’individus tel que le développe Harvey Leibenstein39. De plus, les entreprises veillent à soigner leur communication, à travers des catalogues et des campagnes publicitaires souvent confiées à des photographes de mode40. Le cendrier est d’abord41 présenté dans des tons gris permettant de mettre en lumière sa matérialité, sa brillance. Puis en 198842, une nouvelle photographie de Tom Vack (fig. 3) apparait dans le catalogue introduisant la couleur et montrant le cendrier devant un drapé rouge. Le choix de la prise de vue de trois-quarts permet de mettre en évidence le mouvement à bascule du couvercle, tandis que l’arrière-plan crée une atmosphère chaleureuse et intime, semblable à une nature morte et, à travers son sujet, à une vanité43. Ici, la photographie contribue également à mettre en lumière la nouvelle existence conférée à l’objet, « donnant statut d’objet d’art à l’ustensile, c’est-à-dire d’inutile à l’utile, d’intemporel à l’éphémère44 ». Cette caractéristique a été précédemment évoquée lors du basculement de la fonction du cendrier pour les non-fumeurs et de sa dimension sculpturale.

Figure 3.

Figure 3.

Philippe Starck, Cendrier Ray Hollis, 1984 (création), Edition XO (France), Création pour la collection Tertio des 3 Suisses (Roubaix), Printemps-Eté 1988, Aluminium poli, 11 x 12 x 7,5 cm, Musée National d’Art Moderne - Centre de Création Industrielle, Centre Georges Pompidou, Paris.

© Crédits photo Tom Vack

  • 45 M.-C. Loriers, art. cité note 36 (occurrence suivante).
  • 46 Jeanine Roszé, « Design large consommation », Design : Actualités fin de siècle, Paris, Centre Geor (...)
  • 47 IPEA, « Comment les français se meublent-ils ? », Design : Actualités fin de siècle, Paris, Centre (...)
  • 48 En témoigne la bande dessinée suivante qui évoque la devanture de la boutique Creeks, conçue par Ph (...)
  • 49 Jeanine Roszé, art. cité note 46 (occurrence suivante).

19Le cendrier, ainsi que les autres objets du créateur figurant dans le catalogue des 3 Suisses, peuvent être comparés à des accessoires de mode. L’introduction graphique du nom du créateur, ici de sa signature, est comparable à la griffe d’un « grand couturier de l’objet45 », illustrée par des lettres en majuscules et une écriture imposante. « Aujourd’hui on signe les objets46 », souligne Jeanine Roszé, ancienne collaboratrice de Denise Fayolle chez Prisunic. Toutefois, nous pouvons interpréter cette idée d’une autre manière, en essayant de comprendre la logique du consommateur, qui peut aussi acheter l’objet non pas pour sa fonction mais pour le nom de son créateur. En effet, lorsque Starck dessine le cendrier Ray Hollis, la décoration des appartements privés du président de la République est achevée. L’année suivante, en 1985, une enquête de l’Institut de prospective et d’études de l’ameublement, dit IPEA, indique un accroissement net de l’investissement des français dans l’achat de mobilier contemporain, intégré dans les « Styles modernes » et représentant 72,5 % des ventes totales de mobilier pour salon47. Cette étude nous permet d’affirmer que le chantier de décoration de l’Élysée a pu jouer un rôle dans cet élan d’intérêt du public français pour la création contemporaine et que, par ce biais, Starck, son travail ou simplement son nom, sort de l’anonymat auprès du grand public48. De plus, c’est en 1984 que sont publiées les premières pages des 3 Suisses avec ses objets, pouvant donc être intégrés dans les résultats de l’enquête de l’IPEA. Jeanine Roszé relève également l’importance pour les consommateurs d’associer l’objet à une histoire : « ils achètent un mode de vie dont ils rêvent et que l’on met en scène pour eux49 », mode de vie diffusé par les revues spécialisées dans la décoration et par les catalogues de vente par correspondance comme les 3 Suisses. Par ce biais, le créateur diffuse largement son travail et désacralise l’objet de design.

20Avec le cendrier Ray Hollis, Philippe Starck tente de diffuser un message politique et social, tout en s’appuyant sur des stratégies de communication établies avec le bureau de style M.A.F.I.A. Bien que son souhait soit de démocratiser le design, il s’agit plutôt de démocratiser l’accès à ce type d’objets. L’omniprésence et le rôle de la marque, de la « griffe Starck » sont déterminants et nous allons voir qu’ils peuvent correspondre à la source d’inspiration littéraire du créateur pour son cendrier.

Détourner l’objet : la création d’un objet culte

  • 50 Alberto Alessi, Véronique Lorelle, « Design : les sept objets remarqués de la rentrée », Le Monde, (...)

21« Comme toujours avec Starck, tout commence par un détournement d’objet50 » constate Alberto Alessi, président de l’entreprise italienne. Bien qu’aujourd’hui ce soit le presse-agrumes Juicy Salif qui soit évoqué comme objet culte de la carrière de Philippe Starck, le cendrier Ray Hollis présente des caractéristiques similaires, permettant de l’ériger en objet de collection. Cette dimension nous permettra de conclure sur la biographie du cendrier étudié.

La réification de Ray Hollis, une certaine idée de l’ubiquité

  • 51 Alexandra Midal, Design. Introduction à l’histoire d’une discipline, Paris, édition Pocket, collect (...)
  • 52 « Mon travail est l’incarnation de mes rêves sous une forme ou une autre » : William Morris, Nouvel (...)
  • 53 A. Midal, op. cit. note 49, p. 76 (occurrence suivante).
  • 54 A.-M. Fèvre, « Science-fiction et design, planète inédite », Libération, 08/06/2007. Site internet  (...)
  • 55 Gilles de Bure, « Le chant du styrène ou la gloire des plastiques », Le Mobilier français 1965-1979(...)
  • 56 Lev Grossman, « All-Time 100 Novels », Time, 11/01/2010. Site internet : entertainment.time.com/200 (...)
  • 57 Philip K. Dick, Ubik, Paris, 10-18, Collection Domaine étranger, 1999, p. 284.
  • 58 Idem, Ibidem, p. 120.
  • 59 Citons l’évocation visionnaire de la « porte gratuite des toilettes » : Id., ibid., p. 162.
  • 60 « La boutique Design du Centre Georges Pompidou », Bernard Donner, 1’08’00, Canal +, 1989. Diffusée (...)

22Le design (dont l’étymologie est proche de celle du français dessein) peut être comparé à la science-fiction dans la mesure où cette discipline artistique est tournée vers la réinvention de nos modes d’existence quotidiens, démarche empreinte d’un intérêt pour le futur et la modernité51. Cela peut également être interprété comme une fuite du monde contemporain, une quête d’utopie ou une rêverie52 pour faire écho aux écrits du designer William Morris (1834-1896). Le terme de « science-fiction » apparait pour la première fois en 1929 avec la publication d’un pulp de l’éditeur américain Hugo Gernsback53. Dix ans plus tard à New York, est organisée l’Exposition universelle avec pour thème « Construire le monde de demain ». Le designer américain Norman Bel Geddes (1893-1958) présente l’immense maquette Futurama, mise en scène de sa vision de la ville du futur avec l’automatisation des autoroutes, la généralisation des gratte-ciels et la création des banlieues, réalisée pour la compagnie General Motors. Cette installation visionnaire rencontre un franc succès auprès du public54. Jusque dans les années quatre-vingt, décennie qui intègre l’objet étudié, le design et la science-fiction se popularisent et collaborent : les influences littéraires et artistiques sont réciproques et des réalisateurs de film peuvent choisir d’aménager leur plateau de tournage avec du mobilier contemporain. L’exemple le plus emblématique est celui du réalisateur américain Stanley Kubrick (1928-1999) qui, en 1968, choisit les fauteuils et canapés Djinn du français Olivier Mourgue pour aménager la station spatiale de son film 2001 : l’Odyssée de l’espace55. En 1979, Starck choisit de nommer son agence Ubik, en référence au roman de Philip K. Dick (1928-1982) publié en 1969. En 2010, cet ouvrage est sélectionné par Time56 parmi les cent meilleurs romans de langue anglaise depuis 1923, date de la création du magazine, montrant ainsi une certaine notoriété de l’œuvre. Le créateur utilise également les noms des personnages d’Ubik pour ses premières créations, parmi lesquelles figure le cendrier. Raymond Hollis, dit Ray Hollis, est le dirigeant d’une société de « psis », des individus capables de lire dans les pensées des autres et de prédire l’avenir. Son concurrent, Glen Runciter, est responsable de la société Runciter Associates, dont les employés sont chargés de protéger la confidentialité de leur client en contrant les actions de Ray Hollis. L’histoire dystopique se déroule en 1992, dans une société où les vivants peuvent communiquer avec les morts, maintenus en « semi-vie » ; l’action met en scène une mission de l’équipe de Runciter en voyage entre la Terre et la Lune, interrompue par un attentat. Le livre est rythmé par des slogans publicitaires du produit Ubik, au commencement de chaque chapitre, dont les facultés ne cessent de varier à chaque lecture. À la fin du livre, la description du produit est une métaphore divine, démontrant ainsi l’ubiquité de l’objet, c’est-à-dire sa capacité à être partout : « Je suis Ubik. Avant que l’univers soit, je suis. J’ai fait les soleils. J’ai fait les mondes. J’ai créé les êtres vivants et les lieux qu’ils habitent […] Je suis. Je serai toujours57. » Bien que l’action se situe dans le futur, le livre témoigne de son temps : il s’agit d’une critique du capitalisme avec la mise en scène d’une société dirigée par les chefs d’entreprises (comme l’illustre « Hollis Tous Pouvoirs58 »), hantée par l’argent59, et menacée par une guerre de l’information à travers l’espionnage, pouvant être interprété comme un écho au contexte de la guerre froide. Concernant notre cendrier, Starck choisit ici de réifier le personnage de Ray Hollis dont les champs lexicaux associés sont ceux de la destruction et du meurtre. Au sujet de la fonction première de cet objet, Starck explique le choix de ce nom lors d’une émission de Canal + en 1987 : « j’ai cette utopie personnelle que les objets s’organisent dans la maison comme les personnages de ce livre. Pour qu’il y ait une sorte de tension entre eux60 ».

  • 61 M.-C. Loriers, art. cité note 36, p. 144 (occurrence suivante).
  • 62 Idem, ibidem, p. 144.
  • 63 Id., ibid., p. 141.
  • 64 V. Pasca, art. cité note 40, p. 92 (1re occurrence).
  • 65 « Les créations Tertio : Starck », Catalogue des collections Automne - Hiver, Roubaix, 3 Suisses, 1 (...)

23Bien que la science-fiction soit associée à la culture populaire, le consommateur des 3 Suisses n’est pas systématiquement lecteur de ce genre de roman : la compréhension du nom de l’objet n’est donc pas un critère d’achat. L’inspiration de Philip K. Dick chez Starck peut être perçue au-delà de l’emprunt du nom de ses personnages. En effet, tout comme l’omniprésence de la marque Ubik se traduit par une variation des produits à chaque chapitre, Starck est invité à chaque nouveau semestre à travailler sur différentes catégories d’objets pour les 3 Suisses : les produits Ubik dans le livre éponyme peuvent être partout, dans chaque pièce d’une habitation, tout comme les produits de la marque Starck. Comme nous l’avons étudié, la marque Starck joue un rôle indéniable dans l’action de consommer. Son nom est « le seul mot qui soit écrit en lettres grasses61 » dans les pages du catalogue, ce qui attire l’attention du consommateur. Dans Ubik, les produits de la marque éponyme sont accompagnés d’un mode d’emploi, indispensable pour éviter tout risque. Tandis que pour le créateur, « le nom et les objets sont vendus sans mode d’emploi62 » dans le catalogue des 3 Suisses mais sont accompagnés d’une description assez détaillée. Concernant la marque, Marie-Christine Loriers évoque les « designers stars [qui] ont accédé au vedettariat63 » parmi lesquels Starck arrive en première position en France. C’est en tout cas ce qu’affirme Vanni Pasca, historien du design, dans son article sur la période italienne du créateur : « pour la première fois, l’image du designer domine le produit64 » à propos de ses collaborations avec Alessi et Flos à la fin de la décennie quatre-vingt. C’est exactement cet art de la mise en scène dont témoigne le catalogue des 3 Suisses, dès la première année de collaboration avec Philippe Starck, lorsque son visage apparait parmi les produits, en posant assis sur le tabouret Mister Bliss65 disponible à la vente.

L’objet de conversation

  • 66 V. Lorelle, art. cité note 48.
  • 67 V. Pasca, art. cité note 40, p. 90 (occurrence suivante).
  • 68 Valérie Guillaume, « Lire et dé-lire l’objet », Écrits sur Starck, Paris, Centre Georges Pompidou, (...)
  • 69 Christopher Mount, « French Kissings in the USA. Starck en Amérique », Écrits sur Starck, Paris, Ce (...)

24Il n’est pas évident que Ray Hollis soit véritablement un cendrier à première vue et c’est de cette ambiguïté que le créateur nourrit son travail à travers les formes et les noms qu’il donne à ses créations. « Insuffler poésie et humour dans l’univers de la production industrielle66 » apparait comme la mission du créateur selon Alberto Alessi. En effet, c’est avec le presse-agrumes dessiné en 1988 que Starck marque un tournant pour la stratégie d’Alessi, en transformant « un objet utilitaire en un nouveau type d’objet de décoration, et, au bout du compte, en objet culte67 » d’après Vanni Pasca. Comme pour la collection Ubik, cet objet à l’allure terrifiante est comparé à la science-fiction par Valérie Guillaume68, plus précisément à un engin tripode dessiné par Edgar P. Jacobs pour La Guerre des mondes en 1947. Si Juicy Salif a été critiqué pour son inefficacité, il a aussi été compris par d’autres consommateurs, et est depuis sa création présent dans de nombreux intérieurs. Mais ce détournement de la finalité de l’objet se retrouve déjà à travers le cendrier de Starck. Ayant eu moins d’écho à l’époque contrairement au presse-agrumes, que l’éditeur italien permet de commercialiser au-delà des frontières dès sa première édition, le cendrier présente pourtant la même caractéristique : c’est un objet ornemental dont la fonctionnalité peut être dispensable. Ce que Christopher Mount interprète pour Juicy Salif peut légitimement s’appliquer à Ray Hollis : ce sont « des objets utiles et des éléments de décoration que l’on peut exposer chez soi à la manière d’une sculpture […], un accessoire domestique destiné à divertir et à ajouter un élément visuel amusant dans un intérieur peut-être un peu trop sérieux69 ». Comme en témoigne Claudine R., ancienne acheteuse textile pour femme chez les 3 Suisses en 1985, interrogée dans le cadre de cet article, « ce qui [lui] a surtout plu à l’époque c’est [le] look [de l’objet] car il n’a pas l’air d’un cendrier ».

  • 70 Emna Kamoun, art. cité note 19, p. 68 (occurrence suivante).

25Le cendrier peut également établir un lien entre les individus. Il devient même outil de socialisation70 d’après Emna Kamoun : le cendrier crée de la convivialité entre les hommes, fumeurs et non-fumeurs. De plus, dans l’usage, le cendrier est posé sur une table, au centre d’un groupe d’individus et crée donc une proximité entre eux. Le cendrier se trouve au cœur des interactions en devenant objet de conversation : comme nous l’indique Béatrice D., ancienne directrice juridique pour les 3 Suisses, des cendriers étaient à la disposition des salariés des 3 Suisses pour qu’ils puissent prendre leur pause autour d’une cigarette. Ces interruptions de travail sont des moments de convivialité, d’échange entre collègues au sein desquels le cendrier a toute son importance. L’objet est usuel, contrairement à l’objet d’art, par ses multiples utilisations, le cendrier peut être sali et rayé : le métal porte donc les stigmates de son utilisation. Dans le cadre de notre biographie d’objet, nous pourrions faire un parallèle avec les signes de la vie, de la vieillesse qui se traduisent sur la peau de l’homme. C’est également grâce à l’étude de ce type de traces que l’homme de demain peut alors comprendre la fonction de cet objet original et d’hier.

L’objet de collection : l’« âge » ultime de l’objet de design

  • 71 T. Bonnot, B. Guillemin, É. Lehoux, art. cité note 9.
  • 72 Archives de l’agence UBIK - Philippe Starck, côte DI/DE_OWO PROJETS_B001, Manifeste de la marque ré (...)

26L’historien Thierry Bonnot insiste sur la nécessité d’échapper à l’« évidence patrimoniale71 », c’est-à-dire à l’élévation d’un objet au rang d’œuvre d’art, de patrimoine, dès sa création. Pourtant, c’est bien cette logique qui doit s’appliquer à notre cendrier, car ce statut est conféré à l’objet dès sa conception et par son créateur. Lorsque le cendrier est commercialisé par les 3 Suisses en 1985, deux types de consommateurs s’intéressent à ce produit : l’utilisateur du cendrier ou consommateur de tabac et l’amateur de bel objet, le curieux pas nécessairement fumeur, le collectionneur de demain. En 1987, Philippe Starck conçoit la maison du publicitaire Bruno Le Moult, à Issy-les-Moulineaux. Surnommée « Le Sphinx » en raison de ses deux escaliers parallèles, telles les pattes de cet animal légendaire, cette maison est mitoyenne à celle de son créateur et fait partie d’un ensemble de projets architecturaux traduits en maquette d’aluminium, comme des sculptures à collectionner, fabriquées par la fonderie Dacheville-Nicol et distribuées par la marque OWO. À l’occasion d’un shooting chez Le Moult en 1989 (fig. 4), le styling – opération qui consiste à aménager la pièce d’une manière particulière en vue d’un évènement ou de son inauguration – met en scène les maquettes OWO dont celles de la maison. Elles sont également accompagnées du cendrier Ray Hollis, disposé sur la table basse comme un pur objet de décoration au même titre que les maquettes, et non pour sa fonction. Cet objet et son emplacement bien précis pour ce shooting relèvent d’un choix artistique pleinement assumé par Starck. Dès la conception de ses maquettes, Starck veut leur donner le statut d’objet de collection et le précise dans le manifeste72 de la marque : « OWO édite aussi les maquettes des premiers immeubles biomorphiques de Starck qui sont encore inédits dans la presse. C’est le départ d’une grande collection pour les passionnés d’architecture. »

Figure 4.

Figure 4.

Philippe Starck, Le Moult, 1987, Immeuble d’habitation pour Bruno Le Moult, Issy-les-Moulineaux (France).

© Jean-Pierre Godeaut pour Stylograph

  • 73 Archives de l’agence UBIK - Philippe Starck, côte COM_EVENT_B001, Croquis présentant la scénographi (...)
  • 74 Archives de l’agence UBIK - Philippe Starck, côte COM_EVENT_B001, Photographie prise à la Hochschul (...)

27Depuis l’aménagement de l’Élysée, le travail de Starck interpelle les collectionneurs, les galeristes et les conservateurs des musées parisiens. Ainsi, le Centre National des Arts Plastiques et le Musée des Arts Décoratifs sont pionniers dans l’acquisition de ses œuvres au sein des collections du musée. En 1995, un modèle du cendrier est acheté par le C.N.A.P. à la galerie Baudoin Lebon, en même temps que d’autres œuvres conçues pour les 3 Suisses. Son travail s’exporte très rapidement avec des expositions monographiques lors desquelles le cendrier Ray Hollis occupe une place majeure. En 1989, la galerie A.I.D.A. – Ambiente, Interior Design And … – organise à Hambourg une exposition consacrée à Starck avec du mobilier et des objets de décoration, dont trente exemplaires du cendrier présentés sur une table J série Lang pour Driade, placée sur un podium peint en rouge mat73, attirant le regard. Certes, cette exposition a une vocation commerciale mais c’est bien cet objet qui bénéficie de la plus grande visibilité, alors qu’il n’est pas distribué par les 3 Suisses en Allemagne. En 1992, l’exposition « Starck in Wien » intègre des croquis du créateur dans la scénographie : celui du cendrier est reproduit dans le couloir principal menant à la pièce phare de l’exposition74. Inscrire un objet dans une exposition le patrimonialise, le regard du commissaire d’exposition confère un nouveau statut à un objet en l’érigeant au rang d’œuvre d’art, en l’exposant sur un podium. Ce procédé est également visible à Vienne (fig. 5) avec le croquis du cendrier qui, une fois encadré et accroché dans une salle d’exposition, devient une œuvre d’art graphique et revêt davantage de valeur lorsque l’objet de ce dessin est également montré au public. Ce phénomène de patrimonialisation s’exerce également au sein de l’agence de Starck, avec une valorisation des archives et un inventaire de ses créations, comprenant plusieurs exemplaires de ce cendrier.

Figure 5.

Figure 5.

Vue de l’exposition « Starck in Wien », Hochschule für Angewandte Kunst à Vienne, Mars 1992.

© Archives Starcknetwork - Philippe Starck

  • 75 T. Bonnot, B. Guillemin, É. Lehoux, art. cité note 9.
  • 76 Denis Santachiara, Arnaud Sompairac, « Nous voulons maintenant que l’univers se présente de lui-mêm (...)
  • 77 Jean Castarède, Le Luxe, Paris, Presses Universitaires de France, « Que Sais-je », 2010, p. 3.

28Enfin, l’objet de consommation se transforme en objet de décoration et parfois en objet de collection, tout ceci de manière simultanée, comme nous l’avons vu avec le témoignage de Claudine R. et de Starck lui-même. Aujourd’hui, quarante ans après sa première commercialisation, le cendrier Ray Hollis connaît une nouvelle étape dans sa « vie75 ». La redécouverte récente du travail de Starck dans les années quatre-vingt permet à un public amateur de design, de plus en plus jeune, de découvrir ou redécouvrir certaines pièces dont ce cendrier. À Paris, sa présence dans les vernissages et les foires de design est quasi-systématique depuis 2020 : le cendrier est omniprésent, érigé en objet culte à chaque évènement. Néanmoins, cet engouement par le marché de l’art peut rendre dubitatif car la valeur patrimoniale augmente, tout comme son estimation aux enchères. Alors que ce cendrier était proposé initialement au rang d’objet de consommation courante pour 195 francs, c’est-à-dire environ 30 euros, il est désormais proposé à 500 euros par certains professionnels, ce décalage rendant ainsi inaccessible ce petit objet fonctionnel et sculptural. Le cendrier de Starck s’apparente désormais à un objet fétiche : il n’est pas acheté aujourd’hui pour son utilité, mais plutôt pour le plaisir de le posséder. À l’instar de Georges Perec avec Les Choses en 1965, le designer Denis Santachiara, en 1986, dénonce à son tour la consommation en rappelant que dans une maison, « 70 % des objets ne sont pas nécessaires. Ce sont souvent des fétiches76 ». Aussi, l’évolution de ce cendrier peut être comparé à un objet de luxe, associé à un « acte patrimonial, un bon placement ressortissant autant de l’investissement que de la consommation77 » pour les collectionneurs, comme le définit l’historien Jean Castarède. De plus, de par sa marque et sa valeur nécessitant des moyens financiers importants pour l’acquérir, le cendrier comporte les critères d’un objet de luxe dont il paraît difficile, aujourd’hui, d’envisager un détachement.

Conclusion

29La méthode de la biographie d’objet a davantage été utilisée pour des exemplaires ou des pièces uniques que pour des objets de design industriel, produits en série. Néanmoins, ces différents exemplaires nourrissent bel et bien l’itinéraire d’un même objet, unique dans sa forme et sa conception. Malgré la législation contre le tabac, le cendrier utilitaire n’est pas mort, et la « vie » de celui conçu par Starck ne cesse d’évoluer. Ray Hollis peut être érigé au rang de pièce emblématique dans la carrière du créateur, il témoigne de son temps par son esthétique et par son vecteur de diffusion. Les différents exemplaires permettent de voir que sa place dans le quotidien évolue et qu’elle n’a pas toujours suivi un schéma linéaire, le créateur ayant lui-même anticipé les variations de ce statut. Ironiquement, le succès des objets conçus pour sa série Ubik ont contribué à faire de Starck une marque aujourd’hui omniprésente dans le monde du design.

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Notes

1 Le roman est publié en 1969 aux États-Unis, suivi par la traduction française d’Alain Dorémieux en 1970.

2 Igor Kopytoff, « The cultural biography of things: Commoditization as process », The Social Life of Things: Commodities in Cultural Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, pp. 66, 67.

3 Stéphane Laurent, « Le voyageur du temps. L’œuvre et la démarche de Philippe Starck à l’épreuve du patrimoine du design », Écrits sur Starck, Paris, Centre Georges Pompidou, 2003, p. 97.

4 Georges Perec, La Vie mode d’emploi, Paris, Hachette, collection Livre de Poche, 1980 (réédition 1980), p. 19.

5 Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », Raisons pratiques sur la théorie de l’action, Paris, Le Seuil, 1994, p. 81, 82.

6 Patrice Duchemin, dans Marie Godfrain, « Le retour de flamme du cendrier », Le Monde, 12 octobre 2023. Site internet : www.lemonde.fr/m-styles/article/2023/10/12/le-retour-de-flamme-du-cendrier_6194034_4497319.html [08/12/2023]. Patrice Duchemin est sociologue et expert en consommation.

7 Raymond Loewy, Industrial design: Raymond Loewy, New York, The Overlook Press, 1979, p. 219.

8 Anne-Marie Fèvre, « Le cendrier : en voie d’extinction », La Libre, 07/08/2009. Site internet : www.lalibre.be/culture/arts/2009/08/07/le-cendrier-en-voie-dextinction-VGBRW6EHIZCOJOZEK6U76LKKFI/ [12/11/2023] (1re occurrence).

9 Thierry Bonnot, Bérénice Guillemin, Élise Lehoux, « La biographie d’objet : une écriture et une méthode critique », Images Re-vues, 15 / 2018, p. 11. Site internet : journals.openedition.org/ imagesrevues/5925 [12/11/2023].

10 Entretien réalisé le 2 novembre 2023.

11 Entretien réalisé le 2 novembre 2023.

12 Norman Potter, « Interroger le design », Qu’est-ce qu’un designer : objets, lieux, messages, Montreuil, B42, 2023, p. 179.

13 A.-M. Fèvre, op. cit. note 8 (occurrence suivante).

14 À titre personnel, j’utilise ce cendrier comme un vide-poches.

15 Philippe Starck, Starck explications, Paris, Centre Georges Pompidou, 2003, p. 188.

16 Victor Alexandre, « Objets, Actes et Design », La critique en design. Contribution à une anthologie, Nîmes, éditions Jacqueline Chambon/Centre National des Arts Plastiques, 2003, p. 108 (1re occurrence).

17 « Les créations Tertio : Starck », Catalogue des collections Automne - Hiver, Roubaix, 3 Suisses, 1986, p. 719 (1re occurrence).

18 À ce propos, lire l’article de François Brigneau, « François Mitterrand renonce à sa salle de bains de l’an 2000 », France Soir, 05/10/1983, p. 3, 4.

19 Emna Kamoun, « L’objet de design exposé : reconfiguration de l’expérience du quotidien », Sociétés, 2019/2, no 144, p. 71 (1re occurrence).

20 Hypothèse émise à partir de l’expérience personnelle de l’auteur face à l’objet pour la première fois.

21 Op. cit. note 17 (occurrence suivante).

22 Brochure commerciale, XO, Brie-Comte-Robert, 2007, n. p.

23 Philippe Starck, Starck mobilier, Marseille, éditions Michel Aveline, 1987, p. 9.

24 Organisation de la direction générale de la santé (D.G.S.), Bureau des pratiques addictives, « Historique de la lutte contre le tabac », 11/2006. Site internet : sante.gouv.fr/IMG/pdf/ historique_lutte_.pdf [16/11/2023].

25 Catherine Hill, « L’augmentation du prix du tabac : une mesure de santé publique », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, nos 22-23, 2003, p. 105.

26 Chloé Braunstein, « Le design comme culture du projet », La Critique en design. Contribution à une anthologie, Nîmes, éditions Jacqueline Chambon/Centre National des Arts Plastiques, 2003, p. 142.

27 Laurent Martin, « Démocratie et démocratisation culturelles », Les Années Lang : une histoire des politiques culturelles 1981-1993, Paris, La Documentation Française, 2021, p. 53.

28 Philippe Poirier, « L’embellie de la politique culturelle », Années 80 : Mode, design et graphisme en France, Paris, Les Arts Décoratifs, 2022, p. 31.

29 Christine Colin, Starck, Liège, éditions Mardaga, 1987, p. 281.

30 Michèle Taddei, « Philippe Starck : le design pour fantasme », Le Méridional, 8 novembre 1987, n. p.

31 « Starck », Catalogue des collections Automne - Hiver, Roubaix, 3 Suisses, 1985, p. 692.

32 Archives du Mobilier national, côté MM2130, Note du Mobilier national, 16/09/1985.

33 Marie-Emmanuelle Chessel, « Au XXe siècle : vers la société de consommation contemporaine », Histoire de la consommation, Paris, éditions La Découverte, collection « Repères », 2012, p. 40.

34 Pierre-Alain Muet évoque 3 % dans l’article suivant : Pierre-Alain Muet, « La récession de 1993 réexaminée », Revue de l’OFCE, no 49, p. 116.

35 V. Alexandre, op. cit. note 16, p. 108 (occurrence suivante).

36 Marie-Christine Loriers, « Fausses notes de lecture », Design : Actualités fin de siècle, Paris, Centre Georges Pompidou, collection « Cahiers du Centre de Création Industrielle », 1986, p. 144.

37 Idem, Ibidem, p. 144.

38 Agence créée par un duo de femmes, Maimé Anodin et Denise Fayolle à l’origine du slogan « le beau au prix du laid » lors de son expérience chez Prisunic en tant que directrice style.

39 Harvey Leibenstein, « Bandwagon, Snob and Veblen Effects in Theory of Consumer’s Demand », Quaterly Journal of Economics, no 2, 1950, p. 183-207.

40 Vanni Pasca, « La période italienne de Philippe Starck », Écrits sur Starck, Paris, Centre Georges Pompidou, 2003, p. 93.

41 Op. cit. note 17 (occurrence suivante).

42 « Philippe Starck pour Tertio », Catalogue des collections Printemps - Été, Roubaix, 3 Suisses, 1988, p. 705.

43 Nous pourrions interpréter ici ce cendrier comme une représentation allégorique du cancer, comme le cendrier d’Arman évoqué précédemment, ou bien de la mort.

44 Régis Debray, « Le parti-pris de l’objet », Photographier l’objet, Paris, Musée des Arts Décoratifs, 1997, p. 7.

45 M.-C. Loriers, art. cité note 36 (occurrence suivante).

46 Jeanine Roszé, « Design large consommation », Design : Actualités fin de siècle, Paris, Centre Georges Pompidou, collection « Cahiers du Centre de Création Industrielle », 1986, p. 135 (1re occurrence).

47 IPEA, « Comment les français se meublent-ils ? », Design : Actualités fin de siècle, Paris, Centre Georges Pompidou, collection « Cahiers du Centre de Création Industrielle », 1986, p. 138.

48 En témoigne la bande dessinée suivante qui évoque la devanture de la boutique Creeks, conçue par Philippe Starck aux Halles, quartier branché par excellence à l’époque qui nous intéresse ici : Désirée et Alain Frappier, La Vie sans mode d’emploi. Putain d’années 80 !, Paris, Éditions du Mauconduit, 2014, p. 112.

49 Jeanine Roszé, art. cité note 46 (occurrence suivante).

50 Alberto Alessi, Véronique Lorelle, « Design : les sept objets remarqués de la rentrée », Le Monde, 08/11/2023. Site internet : www.lemonde.fr/m-styles/article/2023/11/08/design-les-sept-objets-remarques-de-larentree_6199004_4497319.html [25/11/2023].

51 Alexandra Midal, Design. Introduction à l’histoire d’une discipline, Paris, édition Pocket, collection Agora, 2009, p. 76 (1re occurrence).

52 « Mon travail est l’incarnation de mes rêves sous une forme ou une autre » : William Morris, Nouvelles de Nulle Part, Paris, Aubier édition Montaigne, 1957, p. 16.

53 A. Midal, op. cit. note 49, p. 76 (occurrence suivante).

54 A.-M. Fèvre, « Science-fiction et design, planète inédite », Libération, 08/06/2007. Site internet : www.liberation.fr/culture/2007/06/08/science-fiction-et-design-planete-inedite_95135/ [26/11/2023].

55 Gilles de Bure, « Le chant du styrène ou la gloire des plastiques », Le Mobilier français 1965-1979, Paris, Édition du Regard, 1983, p. 14.

56 Lev Grossman, « All-Time 100 Novels », Time, 11/01/2010. Site internet : entertainment.time.com/2005/10/16/all-time-100-novels/slide/ubik-1969-by-philip-k-dick/ [26/11/2023].

57 Philip K. Dick, Ubik, Paris, 10-18, Collection Domaine étranger, 1999, p. 284.

58 Idem, Ibidem, p. 120.

59 Citons l’évocation visionnaire de la « porte gratuite des toilettes » : Id., ibid., p. 162.

60 « La boutique Design du Centre Georges Pompidou », Bernard Donner, 1’08’00, Canal +, 1989. Diffusée le 09/03/1989.

61 M.-C. Loriers, art. cité note 36, p. 144 (occurrence suivante).

62 Idem, ibidem, p. 144.

63 Id., ibid., p. 141.

64 V. Pasca, art. cité note 40, p. 92 (1re occurrence).

65 « Les créations Tertio : Starck », Catalogue des collections Automne - Hiver, Roubaix, 3 Suisses, 1984, p. 9.

66 V. Lorelle, art. cité note 48.

67 V. Pasca, art. cité note 40, p. 90 (occurrence suivante).

68 Valérie Guillaume, « Lire et dé-lire l’objet », Écrits sur Starck, Paris, Centre Georges Pompidou, 2003, p. 52.

69 Christopher Mount, « French Kissings in the USA. Starck en Amérique », Écrits sur Starck, Paris, Centre Georges Pompidou, 2003, p. 111.

70 Emna Kamoun, art. cité note 19, p. 68 (occurrence suivante).

71 T. Bonnot, B. Guillemin, É. Lehoux, art. cité note 9.

72 Archives de l’agence UBIK - Philippe Starck, côte DI/DE_OWO PROJETS_B001, Manifeste de la marque rédigé par Patricia Bailer, sans date.

73 Archives de l’agence UBIK - Philippe Starck, côte COM_EVENT_B001, Croquis présentant la scénographie de l’exposition pour « AIDA », localisé au « Basement floor », daté « Starck 89 ».

74 Archives de l’agence UBIK - Philippe Starck, côte COM_EVENT_B001, Photographie prise à la Hochschule für Angewandte Kunst de Vienne, mars 1992 : le croquis du cendrier est visible dans la partie supérieure gauche.

75 T. Bonnot, B. Guillemin, É. Lehoux, art. cité note 9.

76 Denis Santachiara, Arnaud Sompairac, « Nous voulons maintenant que l’univers se présente de lui-même », Design : Actualités fin de siècle, Paris, Centre Georges Pompidou, collection « Cahiers du Centre de Création Industrielle », 1986, p. 31.

77 Jean Castarède, Le Luxe, Paris, Presses Universitaires de France, « Que Sais-je », 2010, p. 3.

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Table des illustrations

Titre Figure 1.
Légende Philippe Starck, Créations pour la collection Tertio des 3 Suisses (Roubaix), Automne-Hiver 1986, pages 718-719.
Crédits © Crédits photo Tom Vack
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/30423/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 552k
Titre Figure 2.
Légende Armand Fernandez dit Arman, Cendrier Cancer, 1970, édition Atelier A (France), Bronze poli à patine dorée, 15 x 15 x 15 cm, Collection privée.
Crédits © Sadde Hôtel des ventes de Dijon
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/30423/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 134k
Titre Figure 3.
Légende Philippe Starck, Cendrier Ray Hollis, 1984 (création), Edition XO (France), Création pour la collection Tertio des 3 Suisses (Roubaix), Printemps-Eté 1988, Aluminium poli, 11 x 12 x 7,5 cm, Musée National d’Art Moderne - Centre de Création Industrielle, Centre Georges Pompidou, Paris.
Crédits © Crédits photo Tom Vack
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/30423/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 241k
Titre Figure 4.
Légende Philippe Starck, Le Moult, 1987, Immeuble d’habitation pour Bruno Le Moult, Issy-les-Moulineaux (France).
Crédits © Jean-Pierre Godeaut pour Stylograph
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/30423/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 149k
Titre Figure 5.
Légende Vue de l’exposition « Starck in Wien », Hochschule für Angewandte Kunst à Vienne, Mars 1992.
Crédits © Archives Starcknetwork - Philippe Starck
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/docannexe/image/30423/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 143k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Florine Barnet, « Ray Hollis de Philippe Starck : la mise en scène de l’ubiquité de l’objet »Les Cahiers de l’École du Louvre [En ligne], 22 | 2024, mis en ligne le 23 mai 2024, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cel/30423 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11w6m

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Auteur

Florine Barnet

Doctorante en histoire du design sous la direction de Jérémie Cerman à l’Université d’Artois, Florine Barnet travaille sur la production d’objets du quotidien de Philippe Starck, distribués par les maisons françaises de vente par correspondance, Les 3 Suisses et La Redoute, entre 1985 et 1997. En septembre 2022, elle a participé au colloque « Fétichisme ? Les objets d’artistes dans les musées » au Musée Delacroix, en s’interrogeant sur le statut conféré aux archives et à la collection de David Bowie avant leur donation au Victoria and Albert museum. En mars 2023, elle a présenté un travail sur l’aménagement des appartements privés de l’Elysée lors du mandat de François Mitterrand par Philippe Starck lors d’un colloque au Musée des Arts Décoratifs.
Florine Barnet is a doctoral student in the history of design under the supervision of Jérémie Cerman at the Université d’Artois. She is working on the production of everyday objects by Philippe Starck, distributed by the French mail-order houses Les 3 Suisses and La Redoute between 1985 and 1997. In September 2022, she took part in the conference Fétichisme ? Les objets d’artistes dans les musées at the Musée Delacroix, examining the status conferred on David Bowie’s archives and collection prior to their donation to the Victoria and Albert Museum. In March 2023, she presented a paper on Philippe Starck’s refurbishment of the private flats at the Palais de Élysée during President François Mitterrand’s term of office at a symposium at the Musée des Arts Décoratifs.

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

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