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La nouvelle face à l'histoire : fictions, faits historiques, récits

« Per autentiche istorie approbate » : les fonctions de l’histoire dans le Novellino de Masuccio Salernitano

Maria Cristina Panzera
p. 59-82

Résumés

Le topos de la narration véridique se trouve au cœur du programme narratif que Masuccio Salernitano affiche dans son Novellino (1476 environ), en développant certains éléments de réalisme et de fidélité à l’histoire déjà présents dans le modèle de référence, le Décaméron. Ainsi, un réseau assez riche d’allusions à l’histoire et à l’actualité émaille les nouvelles de Masuccio qui d’ailleurs privilégient des sujets contemporains ou se référant à l’histoire récente. L’analyse de la structure du recueil, des stratégies discursives propres à l’auteur et de ses modalités d’écriture montre que celui-ci redéfinit le genre de la nouvelle à la lumière d’une nouvelle conception de l’ars historique. En particulier, l’étude de la nouvelle de Bertramo d’Aquino, la XXI de la troisième section, permet de saisir toute la complexité de l’opération de Masuccio entre réélaboration de sources narratives traditionnelles, intertextualité et traitement idéalisant des données historiques.

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Texte intégral

  • 1  Sur la politique de Ferdinand d’Aragon, voir Ernesto Pontieri, Per la storia del Regno di Ferrante (...)

1Les dernières années de la domination aragonaise sur le Royaume de Naples sont marquées par des événements sanglants qui témoignent d’une grande instabilité et fragilité politique : en 1462 le roi Ferdinand, fils naturel et successeur d’Alphonse Ier d’Aragon, avait réussi à s’imposer sur son rival Jean d’Anjou dans la bataille de Troie en rétablissant le pouvoir de la couronne d’Aragon sur Naples, mais de 1485 à 1487 il est contraint de la défendre de nouveau par les armes contre les barons du Royaume soutenus par le Pape Innocent VIII1. Persécutions, procès sommaires, exils et confiscations de biens frappent les ennemis de la dynastie au pouvoir dans un climat de guerre civile quasi permanente que les chroniques de l’époque ne manquent pas de décrier. Malgré la résistance de Ferdinand et de ses successeurs, Naples sera conquise en 1498 par Charles VIII d’Anjou, avant de passer sous les Bourbons en 1504, devenant ainsi pendant longtemps une province de l’Empire espagnol.

  • 2  Cette première édition, due aux soins de Francesco del Tuppo, a disparu, ainsi que le manuscrit de (...)
  • 3  Giorgio Petrocchi, « La prima redazione del Novellino di Masuccio », dans Giornale Storico della l (...)
  • 4  Nous reviendrons par la suite sur ces problèmes d’interprétation générale pour lesquels les critiq (...)
  • 5  Par exemple Jacob Burckhardt, La civilisation de la Renaissance en Italie, Paris, Librairie Plon 1 (...)
  • 6  S. Nigro, Le brache…, ouvr. cité, mais également Leonardo Terrusi, « La “Vita della beata Barbara (...)
  • 7  Masuccio Salernitano, Il Novellino. Con appendice di prosatori napoletani del ’400, Giorgio Petroc (...)

2Dans ce contexte, entre la bataille de Troie et la conjuration des barons, se situe précisément la composition des cinquante nouvelles de Tommaso Guardati de Salerne, dit Masuccio, notable de la cour aragonaise et secrétaire du prince Robert de Sanseverino. La première édition du Novellino parut à Naples en 14762, mais plusieurs nouvelles étaient sans doute déjà connues dans le milieu de la cour à partir des années cinquante, comme l’a prouvé Giorgio Petrocchi en analysant le texte d’une rédaction primitive et incomplète tirée de trois manuscrits florentins3. Malheureusement, les données biographiques disponibles sur l’auteur du Novellino sont trop limitées pour permettre de répondre de manière exhaustive à toutes les questions qui se posent au sujet de l’idéologie de Masuccio, de son rapport au monde de la cour et de la visée satirique de son ouvrage4. Néanmoins, l’importance de ce recueil est reconnue depuis longtemps aussi bien dans le domaine de la recherche historiographique que dans celui de la critique littéraire en ce qui concerne l’étude de la société méridionale de la Renaissance, qu’il s’agisse de considérer les nouvelles comme une source pour l’étude de faits extra-littéraires, relatifs aux mœurs, aux institutions et à la mentalité5, ou que l’on cherche au contraire dans les sources documentaires de l’époque les clés pour l’interprétation d’une nouvelle ou d’un passage, selon les démarches suivies, entre autres, par Salvatore Nigro dans sa recherche sur la nouvelle et la prédication à la Renaissance6. En effet, le réseau d’allusions à l’histoire et à l’actualité est assez riche dans le Novellino et manifeste la volonté de Masuccio de nous parler de son temps « per autentiche istorie approbate », à travers des récits véridiques et authentiques7.

  • 8  Pour cette problématique nous faisons référence en particulier à Hans-Robert Jauss, « Littérature (...)

3Que vise cette poétique de la véridicité chez un auteur de nouvelles ? Au-delà des problèmes du réalisme narratif et du rapport entre fiction et données historiques, valables pour tout ouvrage littéraire, il serait intéressant, dans le cas du Novellino, d’étudier les fonctions de l’histoire du point de vue des stratégies discursives et des modalités d’écriture associées au topos de la narration véridique afin de les évaluer par rapport au genre de la nouvelle et à son évolution dans le temps : dans quelle mesure Masuccio hérite-t-il, par exemple, de la tradition du genre et en particulier de son modèle le plus prestigieux, le Décaméron, ou comment s’en démarque-t-il dans son traitement de l’histoire ? Il faudrait s’intéresser, alors, aux stratégies narratives propres à l’auteur, les vérifier à travers une analyse sélective des nouvelles et les interpréter, enfin, dans le contexte culturel de l’époque, par rapport à la place que la nouvelle occupe dans le système des genres littéraires à la Renaissance8.

4Les critères de véridicité et de fidélité à l’histoire font partie du programme narratif de Masuccio. Par son appel fréquent à la vérité du récit, la voix narrative instaure d’emblée le pacte de lecture du livre dans la lettre de dédicace à Hippolyte Sforza, belle-fille du roi Ferdinand après ses noces avec le prince Alphonse en 1465. Dans cette lettre qui, dans le Novellino, fait fonction de prologue, Masuccio fait allusion à la modestie de son style tout en soulignant, par contraste, la qualité authentique de ses nouvelles :

  • 9Novellino, p. 7 : « Comme depuis ma jeunesse j’ai exercé mes modestes et vils talents en écrivant (...)

[…] avendo da la mia tenera età faticato per esercizio il mio grosso e rudissimo ingegno, e de la pigra e rozza mano scritte alcune novelle per autentiche istorie approbate, ne gli moderni e antiqui tempi travenute9.

5Cette déclaration revient, presque dans les mêmes termes, à la conclusion du livre, dans le Parlamento de l’auteur, où celui-ci répond aux critiques avancées par ses détracteurs :

  • 10Novellino, p. 453-54 : « Après ces gens là, je crois qu’il y en aura d’autres de moins mauvaise na (...)

Dopo costoro, estimo che saranno altri de assai meno mala sorte, che diranno che de cinquanta novelle, de le quale io te ho ordinato, la maiore parte sono faole e buscìe; a’ quale te piazza nondimeno li dire che loro se delongano multo de la verità, e invoca l’altissimo Dio per testimonio che tutte sono verisimile istorie e le più negli nostri moderni tempi travenute; e quelle che d’antique veste e de canuta barba sono ornate, da persone de grandissima autorità me sono state per istorie, in contando, approvate10.

  • 11Novellino, nouvelle II, p. 28 : « On raconte donc de manière authentique » ; nouvelle XXXII, p. 29 (...)

6Tel un historien, l’auteur de nouvelles semble vouloir revendiquer la priorité d’une fonction référentielle de son discours sur les autres fonctions ; il se veut le témoin de la réalité, d’une situation, d’une condition de la vie humaine. De ce fait, il se défend d’avoir accordé une place dans son recueil aux mensonges et aux faits imaginaires (« faole e buscìe »), en précisant que ses nouvelles sont ancrées dans le réel, d’où le choix de privilégier l’histoire contemporaine et récente, tandis que pour les récits du passé l’auteur dispose de sources orales dignes de la plus grande foi. Un répertoire varié de formules d’authentification du récit vient ainsi émailler le discours du narrateur : « racontasi dunque con approbata verità », « fu per verissimo racontato », « me racontò per verissimo », « per autentico racontato » ou « verissima istoria », « non meno vera che piacevole novella », etc.11.

  • 12  Voir par exemple les données fournies par Gabriel-André Pérouse, « Des nouvelles “vrayes comme eva (...)
  • 13  Enrico Malato, « La nascita della novella italiana: un’alternativa letteraria borghese alla civilt (...)
  • 14  Selon Michelangelo Picone, « La codificazione della novella », dans Manuale di letteratura italian (...)
  • 15  « Je vais vous dire l’aventure rapportée dans un lai. / Ne croyez pas que ce soit fiction, / c’est (...)

7Ces remarques rassurantes n’étaient pas inédites pour les lecteurs de nouvelles, il s’agit au contraire d’un élément rhétorique, que l’on pourrait définir le topos de la narration véridique, bien connu dans le domaine des recherches sur la genèse du genre narratif de la nouvelle12. Il a été observé, par exemple, que le critère de vraisemblance du récit pourrait démarquer la nouvelle – et cela dès ses origines – d’autres formes narratives brèves comme le conte merveilleux ou la fable13. De manière plus générale, ce critère pourrait remonter à la rhétorique ancienne et à sa distinction des trois genera narrationum : l’historia ou narratio aperta à savoir le récit de faits réels du passé (« historia est gesta res, sed ab aetatis nostrae memoria remota »), l’argumentum ou narratio probabilis fondée sur le critère de vraisemblance (« est ficta res quae tamen fieri potuit »), et enfin la fabula qui fait abstraction des codes du réel (« neque veras neque veri similes continet res14 »). Bien que des hypothèses existent sur la continuité de cette typologie ancienne dans les formes narratives romanes, il serait difficile d’en étudier la transmission jusqu’aux conteurs de la Renaissance. De plus, il faudra reconnaître que toute narration qui se réclame de la vérité n’appartient pas nécessairement au genre de l’historia ou de l’argumentum, comme le prouve, parmi les exemples possibles, cet exorde surprenant du lai de Guingamor : « d’un lay vos dirai l’aventure / nel tenez pas a troveüre, / veritez est ce que dirai15 », juste au début d’un texte appartenant à la tradition des lais féeriques où le surnaturel est particulièrement présent.

  • 16  « Du célèbre et glorieux poète Boccace, dont tu as toujours essayé d’imiter la langue et le style  (...)
  • 17  « Dans ces nouvelles, on verra d’agréables et de cruelles aventures amoureuses et d’autres événeme (...)

8Nous nous rapprocherons alors plus des intentions de Masuccio en nous référant au Décaméron et à la façon dont le rapport entre nouvelle et histoire était traité par Boccace, l’auteur que Masuccio cite comme étant son modèle : « del famoso commendato poeta Boccaccio, l’ornatissimo idioma e stile del quale te hai sempre ingegnato de imitare16 ». Ainsi on remarquera que les proclamations de véridicité de Masuccio ressemblent à celle du prologue du Décaméron : « Nelle quali novelle piacevoli e aspri casi d’amore e altri fortunati avvenimenti si vederanno così nei moderni tempi avvenuti come negli antichi17 ».

  • 18  Pour le réalisme et les effets de réel chez Boccace voir Pier Massimo Forni, « Retorica del reale (...)

9D’ailleurs, Boccace n’avait-il pas joué sur le registre de la chronique avec son récit de la peste et en présentant comme des personnages réels les membres de la brigata réunie dans l’église de Santa Maria Novella ? Aussi, tout au long du Décaméron, à l’intérieur du récit cadre et dans l’introduction des nouvelles, par exemple, le lecteur est appelé à prêter fois à une narration véridique et à des événements décrits selon un code de représentation essentiellement réaliste, avec toutes les nuances et les possibilités de renversement ironique qu’il nous est impossible ici d’examiner18. Néanmoins, il faudra prendre en compte d’importantes transformations que le genre de la nouvelle subit en passant de la Florence marchande et bourgeoise de la fin du xive siècle à la Naples aristocratique sous la domination aragonaise, du public citadin au monde de la cour.

  • 19  « Quelques actions exécrables de certains religieux », Novellino, p. 11.
  • 20  « Matière triste à pleurer » et « nouvelles agréables et amusantes », Novellino, p. 285.

10Pour ce qui est de la structure de son recueil, Masuccio suit le modèle du Décaméron avec une certaine originalité. Il en garde l’organisation thématique des nouvelles par décades, les réduisant à cinq comme dans le Pecorone de messire Giovanni pour un total de cinquante nouvelles, tout en gardant aussi un ordre ascendant dans la succession thématique des livres, de sorte à reproduire en abrégé l’ordonnancement idéal des journées du Décaméron. Dans le Novellino le premier livre de dix nouvelles est consacré à la satire des religieux « alcune detestande operazione de certi religiosi19 », le deuxième aux beffe, le troisième à la satire des femmes. Le quatrième livre propose l’alternance thématique entre nouvelles à issue tragique ou comique, faisant succéder à une « materia lagrimevole e mesta » des nouvelles « piacivole e facete20 ». Le dernier livre exalte, enfin, le thème de la magnificence avec des nouvelles « a lieto fine ».

  • 21  Gabriella Albanese, « Da Petrarca a Piccolomini: codificazione della novella umanistica », dans Fa (...)
  • 22  Gabriella Albanese et Rossella Bessi, All’origine della guerra dei cento anni. Una novella latina (...)
  • 23  G. Albanese et R. Bessi, All’origine della guerra…, ouvr. cité, p. 102.

11À la place du Proemio du Décaméron et des conclusions de l’auteur figurent la dédicace du Novellino à la duchesse Hyppolite Visconti d’Aragon et la section dite « Parlamento de lo autore al libro suo », véritable apologie où Masuccio rejette les accusations de ses critiques malveillants. Le principe organisateur du recueil n’est pas constitué par un récit cadre, comme dans le Décaméron, mais par les cinquante épîtres de dédicace de chaque nouvelle à un personnage de la cour, où l’auteur s’exprime à la première personne. Dans le Novellino chaque nouvelle est donc encadrée à l’intérieur d’une lettre adressée à un destinataire choisi, selon une typologie humaniste qui a été récemment étudiée par Gabriella Albanese à propos du De insigni obedientia et fide uxoria de Pétrarque et de ses influences sur la nouvelle courtisane, bien qu’elle reste à étudier dans les détails quant à son adaptation chez Masuccio21. L’un des premiers exemples de nouvelle en langue vernaculaire insérée dans un cadre épistolaire est représenté par le Seleuco de Leonardo Bruni, mais, pour rester dans l’entourage de Masuccio, cette association entre l’écriture épistolaire et la nouvelle se retrouve aussi chez Bartolomeo Facio, un humaniste très prisé à la cour aragonaise, qui avait placé au début de son recueil épistolaire la nouvelle latine De origine inter Gallos ac Britannos belli historia, composée autour de 1440 et adressée au comte Charles Ventimiglia22. Cette nouvelle latine de Facio sera traduite en langue vernaculaire par Jacopo de Poggio Bracciolini en 1470, quelque temps avant la publication du Novellino de Masuccio, toujours en association avec une lettre-cadre, que Jacopo adresse à Charles Guasconi23.

12Pour revenir donc au Novellino, chaque unité de narration s’y articule en cinq parties : d’abord l’argomento, à savoir un bref résumé de la nouvelle, ensuite la dédicace contenant le nom et les titres nobiliaires du dédicataire, l’exorde sous forme de lettre et la moralité à la fin, dans la partie qui porte le sous-titre « Masuccio ». De cette manière, la lecture des nouvelles est orientée deux fois, à travers les commentaires contenus dans l’esordio et les remarques moralisatrices de la fin. De plus, la partie « Masuccio » assure la continuité de lecture du livre par l’annonce du thème de la nouvelle qui va suivre.

  • 24  À ce propos Donato Pirovano, Modi narrativi e stile del Novellino di Masuccio Salernitano, Florenc (...)
  • 25  D’après notre recensement, 22 nouvelles sont ancrées dans l’actualité, 21 se réfèrent à l’histoire (...)

13Cette structure confère d’abord au livre, au-delà de la variété thématique, une certaine rigidité et répétitivité qui s’opposent à la variété des transitions entre les journées et les nouvelles du Décaméron. La longueur très homogène des nouvelles confirme d’ailleurs cette impression, malgré la pluralité des motifs et des schémas narratifs proposés24. En définitive, l’ensemble de ces transformations structurelles contribue à renforcer la présence de la voix du narrateur dans le recueil, autrement dit le registre subjectif, ce qui pourrait en partie expliquer la surenchère du topos de la narration véridique. Une autre différence importante par rapport au Décaméron concerne le cadre historique des nouvelles : les récits contemporains ou se référant à l’histoire récente sont largement majoritaires sur les récits du passé. Seulement six nouvelles relatent des faits plus anciens, comme la nouvelle XLIX dont le héros est l’empereur Frédéric Barberousse, la XXI qui commence par la victoire de Charles d’Anjou à Bénévent, ou la XLVIII qui évoque le temps de l’occupation de la Sicile par le roi Pierre d’Aragon25. Aucune place n’est réservée, en tout cas, à l’époque grecque et romaine que Boccace avait évoquée dans les nouvelles de Cimone (Déc. V, 1), de Lidia et Pirro (Déc. VII, 9) ou de Titus et Gisippe (Déc. X, 8), de même que l’on ne cherchera pas dans le Novellino l’orient mythique de la nouvelle de Natan et Mitridanes (Déc. X, 3) ou des histoires de sultans et de magiciens, comme celle de messire Torello (Déc. X, 9).

14Plusieurs remarques s’imposent, alors, dans notre analyse des fonctions de l’histoire. Tout d’abord, la rhétorique de la véridicité est assurée par l’omniprésence de la voix du narrateur, lors des dédicaces, des commentaires et même au cours de la narration par le biais de séquences méta-narratives (apostrophes, invectives etc.), ce qui est foncièrement différent de la logique compositive du Décaméron, où Boccace avait délégué la narration aux dix membres de la brigata : il est clair que lorsque les personnages d’Emilia ou de Lauretta, par exemple, se mettent à proclamer que leur nouvelle est vraie (« j’ai l’intention de vous raconter une histoire aussi pitoyable que véridique », dit Emilia Déc. II 6, et Lauretta quant à elle : « je me vois contrainte de vous raconter une histoire vraie, qui ressemble beaucoup plus à une fable qu’à un fait attesté, ce qu’elle est bien en réalité » pour introduire la nouvelle de Ferondo au Purgatoire, Déc. III 8) cela n’engage en rien la crédibilité de l’auteur.

  • 26  Pour le parallèle entre l’écriture des chroniques et le genre de la nouvelle, voir en particulier (...)
  • 27  Nouvelle XLVIII : « L’année dernière j’ai entendu un noble florentin qui racontait comme un fait a (...)
  • 28Novellino, XIV, p. 152 : « Il se plaisait à raconter un nombre infini d’histoires magnifiques pour (...)
  • 29Novellino, p. 344 : « (Antonio Moro) me raconta, parmi d’autres sujets de notre aimable conversati (...)

15Deuxièmement, il faudra prendre en compte le discours sur les sources des nouvelles qui présente plusieurs éléments en commun avec l’écriture de l’histoire et ses procédés d’allégation de sources26. Les sources orales dans le Novellino sont citées selon une typologie très variée : l’informateur peut être par exemple nommé ou simplement évoqué par allusion à son origine et à sa classe sociale : « l’altr’anno sentivi da uno nobile fiorentino per autentico racontare » dans la nouvelle XLVIII, ou « secundo da un notevole gaitano me è stato racontato » dans la nouvelle XXXIX et « per quello che da un mercante ho già inteso » pour la nouvelle XXV27. Une source privilégiée est le chevalier Tommaso Mariconda, le grand-père de Masuccio, qui s’était illustré à la cour de Marguerite de Durazzo et dont Masuccio rappelle le goût pour les histoires : « de infinite e dignissime istorie ricontar se dilettava, e quelle non senza grandissima facondia e memoria incredibile le porgea28 » : il s’agit dans ce cas d’une transmission de mémoires familiales du genre des ricordanze, comme il en existait dans la Toscane du xive siècle. Il se peut même que l’informateur soit le protagoniste de l’histoire, comme dans la nouvelle XXXVIII : « [Antonio Moro] tra gli altri nostri piacevoli ragionamenti me racontò per verissimo il sottoscritto caso essere a lui pontalmente traveduto29 », ou enfin que l’informateur soit également le dédicataire de la nouvelle, comme c’est le cas pour Francesco Galeota dans la nouvelle XLI. Le pacte de lecture se fonde alors sur la disponibilité des lecteurs à prêter fois d’une part à la parole de l’auteur et d’autre part au savoir d’une communauté qui fait autorité (« persone de grandissima autorità »).

16L’abandon du récit cadre en faveur de la structure épistolaire contribue également à renforcer cette fonction de l’histoire dans la mesure où les destinataires sont souvent appelés comme témoins informés des faits, des personnages et des situations dont ils partagent la connaissance avec l’auteur : par exemple la nouvelle XXX est adressée au prince de Salerno et le protagoniste est un membre de sa famille et la nouvelle XLIV ayant pour protagoniste le duc Alphonse de Calabre est offerte à l’épouse de celui-ci, Hyppolite Visconti. En outre la nouvelle XXI célèbre en la personne de Bertramo d’Aquino le paradigme du parfait chevalier et elle s’adresse à Antonella d’Aquino qui ne pourrait certes démentir la vérité des faits puisqu’ils visent indirectement à célébrer sa propre lignée.

17De plus, par le biais de ces lettres les nouvelles entrent dans un circuit de « civile conversazione » devenant prétexte d’un discours autour de valeurs d’actualité. En ce sens on pourrait parler d’un procédé d’actualisation des contenus narratifs, comme on le voit dans le passage suivant :

  • 30Novellino, XLIX, 2 : « Plus nous sommes éloignés des gestes appartenant à des époques très ancienn (...)

Quanto dagli antichi gesti per vetustà dei tempi semo fatti da longi, eccellente e strenuo signore mio, tanto più il racontare de quelli a’ novi ascoltanti deveno parere estrani e peregrini. E como io non dubito de la sequente istoria sono già più anni ne abbi perfetta notizia avuta, pure, avendola fatta con le mie rude littere digna de eterna memoria, me è piaciuto a te, che per nova e verissima la farai e da’ presenti e da’ posteri estimare, la intitolare30.

  • 31Novellino, p. 24.

18Dans cette dédicace au comte Matteo de Capoue, Masuccio prend soin de distinguer entre la circulation orale d’une nouvelle et le travail d’écriture qui rend la nouvelle mémorable (« digna de eterna memoria ») grâce à la maîtrise rhétorique et stylistique de l’auteur (« con le mie rude littere ») pour enfin la destiner à durer dans le temps, en en faisant un monument littéraire (le « monumentum aere perennius » d’Horace) accessible à la postérité. De la même manière, Masuccio affirme que la première nouvelle, dédiée au roi Ferdinand, a été déjà racontée au roi dans une version plus brève, « con breve eloquio », mais qu’il se plaît à la rendre à présent « degna d’eterna memoria31 » : de ce point de vue le travail du narrateur présente beaucoup d’affinités avec celui de l’historien tel qu’il était conçu bien avant la définition de l’approche scientifique moderne, l’ars historica s’associant depuis ses origines à la rhétorique (« opus oratorium maxime » selon la célèbre définition de Cicéron) et à la transmission de mémoire.

  • 32  S. Nigro, Le brache…, ouvr. cité, p. 59.

19Mais les fonctions de l’histoire dans le Novellino sont visibles aussi au niveau des modalités de la narration, par exemple dans les exordes des nouvelles qui très souvent offrent un cadre historique précis, faisant référence à un événement, à une guerre, à des personnages historiques connus, ou encore dans la présence de personnages masqués faisant allusion à des personnalités connues à la cour, comme frère Roberto Caracciolo que Salvatore Nigro a proposé de reconnaître derrière le personnage de frère Niccolò da Narni dans la nouvelle III32. Un autre élément venant appuyer le topos de la narration véridique employé par l’auteur concerne la description des lieux et l’adoption d’une toponymie très précise que le public du Novellino devait pouvoir reconnaître, non seulement parce que le cadre de la plupart des nouvelles est offert par des villes méridionales, mais parce que Masuccio en détaille facilement les noms des rues, des monuments, des rivières etc., comme dans la nouvelle XIX qui a comme cadre la route de Cava dei Tirreni à Naples et où l’on trouve l’allusion à Torre del Greco, au pont Riziardo, à la route de Somma, etc.

  • 33  S. Nigro, Le brache…, ouvr. cité, p. 153.
  • 34  Letterio Di Francia, La novellistica, Milan, Vallardi, 1924, p. 449.

20Tous les éléments considérés contribuent dans leur ensemble à renforcer la fonction de l’histoire dans le Novellino, conformément aux déclarations de l’auteur. Prenant en compte cet aspect de l’ouvrage, S. Nigro a donc pu observer que les nouvelles de Masuccio naissent de la fusion entre des éléments tirés de la chronique de son temps et de motifs narratifs traditionnels : « Masuccio aveva trasformato i fatti di cronaca in exempla, facendoli combaciare con schemi fabliolistici e novellistici33 », ce qui enrichit considérablement l’image un peu naïve, présentée autrefois par Letterio Di Francia, d’un écrivain attaché aux seules traditions populaires et au folklore34. L’analyse d’une nouvelle en particulier nous fournira un exemple de ce rapport très fuyant entre chronique et « schemi novellistici » pour enfin mettre en évidence toute la complexité de la question.

21La nouvelle XXI ouvre la troisième section du Novellino, consacrée à la satire des femmes, et occupe de ce fait une position importante dans le recueil. Pour cette nouvelle nous disposons d’une rédaction antérieure à la date de publication et que G. Petrocchi a pu dater avec une certaine précision : dans la première rédaction, la dédicataire est citée comme Antonella d’Aquino comtesse de Monte Odorisio alors que dans la rédaction finale elle est dite « contessa camberlinga », titre qu’elle eut seulement après ses noces en 1452 avec Inico d’Avalos, le grand chambellan du roi.

  • 35  Voir pour la traduction la note 10.
  • 36Novellino, p. 211 : « Un excellent chevalier de ton illustre famille ».

22La nouvelle est présentée comme une anecdote de la vie d’un personnage de la famille d’Aquino, une histoire qui a été racontée au narrateur comme véridique : « per verissimo racontato ». Les faits remontent à un temps lointain, lors de la venue de Charles d’Anjou à Naples après la défaite de Manfred à Bénévent (en 1266) : nous sommes donc en présence de l’une de ces nouvelles qui ont « d’antique veste e de canuta barba », comme le dit Masuccio dans le Parlamento35. Après un exorde de type historique évoquant la victoire de Charles d’Anjou sur Manfred et les jouissances publiques organisées dans la ville de Naples en l’honneur du roi et de ses barons, le récit se tourne vers la thématique amoureuse. Parmi les barons français à Naples se trouve messire Bertramo, le héros de la nouvelle, que Masuccio loue dans la lettre de dédicace avec une certaine flatterie à l’intention d’Antonella d’Aquino : « uno eccellente cavaliero de tua generosa stirpe36 ».

23L’histoire est la suivante : un chevalier aime la femme d’un autre, mais cet amour n’est pas payé de retour jusqu’au jour où la dame convoitée, qui répond au nom très napolitain de Fiola Tortella, entend son propre mari faire l’éloge du chevalier ; il suffit de cet éloge pour que la femme change complètement d’attitude et accepte de recevoir son amant. Néanmoins, lorsque celui-ci apprend la véritable raison de ce changement radical, à savoir qu’il doit sa conquête amoureuse au mari de la dame, il décide de ne pas profiter de la situation, préférant l’abstinence sexuelle. Cette nouvelle fonctionne selon un schéma à trois temps et une logique de renversement de situations qui vise la surprise. On pourrait la représenter schématiquement par un changement de signe (négatif/positif et puis encore négatif) associé à une condition amoureuse : au début le héros se trouve dans la situation courtoise par excellence, l’impasse de celui qui ‘aime mais n’est pas aimé’, ensuite il parvient à se faire aimer, ‘est aimé’, parce que son adversaire potentiel, le mari, devient son adjuvant et l’on assiste alors au paradoxe d’une femme qui tombe amoureuse d’un autre homme parce que son propre mari l’estime. La conclusion propose le renversement de la situation de départ avec la négation définitive de l’amour, le chevalier désormais ‘est aimé mais n’aime pas’ car il a choisi la chasteté. Le double effet de surprise est assuré d’abord par le changement de sentiments de la dame et ensuite par le refus du chevalier.

  • 37  « Une courte histoire qui s’est passée il n’y a pas longtemps dans la ville de Sienne » ; Ser Giov (...)
  • 38  Maria Bendinelli Predelli, « Storia della dama bolognese che s’innamora sentendo lodare un cavalie (...)

24Le fondement historique de ce récit pose problème dans la mesure où Masuccio réélabore un motif traditionnel que l’on retrouve dans un corpus narratif assez varié, comprenant des exempla en latin, un cantare du xvsiècle et une nouvelle du Pecorone de messire Giovanni (qui a été composé, semble-t-il, entre 1378 et 1385) : c’est le motif de l’éloge fait par un mari ou un personnage d’autorité (un roi) à un rival qui va gagner l’amour d’une dame jusqu’alors insensible à ses avances. Il faut dire que la nouvelle du Pecorone n’avait pas de cadre historique précis : « una novelletta che intervenne nella città di Siena, non è molto tempo », donc peu avant 137837. Plusieurs recherches ont été consacrées à la fortune de ce motif littéraire que Masuccio ne semblerait pas avoir tiré de l’une des sources écrites connues aujourd’hui38. Notre enquête sur le traitement de la fonction histoire chez Masuccio pourra alors s’appuyer sur la comparaison entre la version de ce motif dans le Novellino et sa tradition antérieure, que nous n’examinerons cependant pas dans le cadre d’une étude directe des sources.

  • 39  Cet épisode de la chasse a été commenté par D. Boillet, « L’usage circonspect de la beffa… », art. (...)
  • 40  Jean Chevalier-Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Paris, Laffont, 1982, p. 429. Pour une (...)

25La fortune de ce motif de l’amant abstinent remonte aux anciens recueils exemplaires en latin : sa première attestation est l’histoire des chevaliers Rollon et Résus dans le De nugis Curialium de Gautier, ou Walter, Map (1140-1210), un ouvrage destiné à l’éducation ainsi qu’à la récréation des nobles de la cour d’Henri II Plantagenêt. Dans le milieu ecclésiastique ce motif est repris par Gérard de Cambrais au xiiie siècle dans sa Gemma ecclesiastica (II, xii) où l’amant est le chevalier Reginaldo de Pampona : le héros participe à un tournoi, le mari de la femme convoitée par Reginaldo fait alors l’éloge de celui-ci en disant : « Tous les chevaliers prennent la fuite devant Reginaldo comme les colombes devant le faucon », première ébauche du thème du faucon qui sera développé par la tradition successive. Dans le Pecorone et dans le Novellino, en particulier, cette comparaison se trouve au centre d’une séquence importante du récit, car c’est en voyant voler un faucon qui fait fuir les autres oiseaux que le mari fait l’éloge du chevalier : la force et la valeur du faucon lui rappellent le courage et la vaillance du chevalier qui, à son insu, courtise sa femme. Dans les deux nouvelles, le faucon a la même fonction de transfert, symbolisant à la fois la noblesse de son maître et son succès dans le domaine érotique, mais les détails narratifs sont différents : dans le Pecorone c’est l’oiseau du chevalier, un épervier (« sparviero »), qui s’échappe du poing de celui-ci pour aller capturer une pie (la « rigagia ») dans le jardin de la dame, alors que dans le Novellino la dame et son mari participent à une chasse, vont « a caccia de sparaveri », et ils voient soudain « un salvaggio falcone » qui fait fuir des perdrix grises, « una brigata de starne39 ». Sachant que le faucon est au Moyen Âge un symbole de chasteté et de victoire sur les passions, on pourrait mettre en relation sa présence dans cette séquence du récit avec le dénouement de la nouvelle, par anticipation implicite40.

  • 41  Je ne poserai pas ici la question de savoir si le Pecorone est une source directe ou indirecte du (...)

26Poursuivant une lecture croisée des nouvelles, nous essayerons de caractériser les choix narratifs de Masuccio41. En commençant par la présentation des personnages, Masuccio nous offre un portrait assez conventionnel du chevalier Bertramo d’Aquino qui est défini « savio, proveduto e gagliardo » comme l’était déjà le Galgano du Pecorone :

  • 42Pecorone I, 1, p. 10 : « Il était à Sienne un jeune homme qui se prénommait Galgano, riche, noble, (...)

Egli ebbe a Siena un giovane, el quale avea nome Galgano, il quale era ricco e di nobile progenie, atto e pratico e sperto comunemente in ogni cosa, valoroso e gagliardo, magnanimo e cortese e universale con ogni maniera di gente42.

27Le choix des adjectifs, dans les deux nouvelles, est centré sur la notion de force pour introduire la comparaison avec le faucon.

  • 43Pecorone, p. 11, ligne 14 : « Cette dame qu’il aimait plus que sa personne » ; Novellino, p. 212, (...)
  • 44Pecorone, p. 12, ligne 30 : « Il voulait mettre fin à ses espoirs, cependant il prit sagement le p (...)

28L’intensité de la passion des chevaliers s’exprime dans les deux textes à travers l’image hyperbolique : Pec., p. 11 : « questa donna a cui egli volea meglio che a sé », et Nov., p. 212 : « de continuo gli facea intendere lei più che sé medesimo amare » (dans la première rédaction : « de continuo le facea intendere lei più che la propria vita amare43 »). En outre l’impasse de l’amour est présentée comme une situation paradoxale où l’amant n’a plus d’espoir et toutefois continue d’espérer : Pec., p. 12 : « si voleva disperare. Ma pure saviamente si deliberò di portare questo giogo […] sempre sperando di trovare grazia », et Nov., p. 212 : « fusse fuggita la speranza, nondimeno […] de continuo il desiderio in maiore fiamme crescendo augmentava » 44.

  • 45Pecorone, p. 15, ligne 85 : « La dame le prit joyeusement par la main et elle le serra dans ses br (...)
  • 46Pecorone, p. 16, ligne 111 : « La dame répondit : “Je vais te l’avouer. Il est vrai que […]” » ; N (...)
  • 47Pecorone, p. 17, ligne 130 : « Galgano dit : “Qu’à Dieu ne plaise et qu’il ne permette que, vu la (...)

29Le déroulement de l’histoire laisse apparaître encore des détails communs, comme la formule de salutation lors des retrouvailles des amants, prononcée par la dame dans le Pecorone et par le chevalier dans le Novellino : Pec., p. 15 : « la donna con molta festa il prese per mano, e poi l’abracciò dicendo : “Ben venga il mio Galgano per cento mila volte” » ; Nov., p. 212 : « qual, fattoglisi incontro con le braccia aperte, graziosamente la recevette, dicendo : “Ben venga l’anima mia, per la quale tanti affanni ho già sostenuti”45 ». Au commencement de l’explication de la dame on retrouve, dans les deux nouvelles, un effet de pathos qui souligne l’engagement à parler et la disposition à la confession : Pec., p. 16 : « Rispose la donna : ‘Io tel dirò. Egli è vero che […] » ; la syntaxe et la ponctuation sont les mêmes dans le Novellino, p. 216 : « per quello più breve modo che posso risponderò. Egli è vero che […]46 ». Les dialogues se ressemblent également au moment du refus de la part du chevalier, sa formule de déprécation faisant appel dans les deux nouvelles au motif de la villania : Pec., p. 17 : « Disse Galgano: Non piaccia a Dio, né voglia che, poi che ’l vostro marito ha fatto e detto di me tanta cortesia, ch’io facci a lui villania », Nov., p. 217 : « “Deh! Messer Bertramo, sarai mai tu villano cavaliero […] Or non piazza a Dio che in cavaliero d’Aquino tal villania casche già mai47 ».

  • 48Novellino, p. 216, § 23-25 et p. 218, § 30.

30Cette approche comparative nous permet de tirer enfin quelques conclusions sur la technique narrative de Masuccio. Au niveau de l’intrigue, celui-ci développe et enrichit considérablement la narration par rapport à l’auteur du Pecorone : non seulement la version du Novellino est plus longue, mais elle contient en plus la séquence de l’intervention d’un quatrième personnage, l’ami du chevalier qui l’encourage à poursuivre son aventure. Masuccio augmente le taux de véridicité de la nouvelle au moyen d’un cadre historique bien précis, qui manquait dans le Pecorone, et en s’adressant à la comtesse d’Aquino comme source d’autorité. Toujours dans le sens d’une quête de vraisemblance, l’analyse psychologique des personnages est plus poussée, permettant d’expliquer quelques transitions, par exemple au moment où la dame passe de l’admiration à la passion envers le chevalier. Un dernier aspect concerne les échanges dialogiques qui étaient très élémentaires chez messire Giovanni, tandis que Masuccio leur confère une dimension oratoire en insérant par exemple la tirade contre les femmes ou en orchestrant le discours de la dame et celui du chevalier sur une série d’oppositions rhétoriques à travers la reprise du mot clef « onore » et du syntagme « le cose sue », etc.48. L’ensemble de ses remarques prouve que Masuccio soumet le canevas traditionnel à une réécriture qui va dans le sens d’un rehaussement du style et de l’adaptation aux goûts de son public, comme le montrent la séquence initiale des jouissances publiques à Naples ou celle de la partie de chasse.

  • 49  Giovanni Villani, Nuova Cronica, éd. Giuseppe Porta, Parme, Guanda, 1991, livre VIII, 10.
  • 50  Par exemple les noces de Margherita d’Aquino avec Raymond del Balzo en 1331 ou d’Isabella d’Aquino (...)

31Pour revenir à la fonction de l’histoire dans la nouvelle, une question importante concerne certes l’identité historique de Bertramo d’Aquino auquel, nous l’avons vu, Masuccio prête les traits conventionnels de l’amant jeune et courtois. La question est d’autant plus importante que Masuccio se sert de ce personnage pour célébrer la maison d’Aquino, ce qui est d’emblée étonnant car les d’Aquino sont une ancienne famille d’origine lombarde établie depuis le ixe siècle dans la région au nord de Naples, dans l’actuelle province de Frosinone, alors que Bertramo est présenté comme un baron du roi Charles d’Anjou. Faute de documents historiques nous en restons pour le moment à ce constat, avec le soupçon que Masuccio ait pu façonner son personnage de Bertramo à partir de l’histoire d’une autre famille aristocratique méridionale, peut-être celle des Del Balzo, ou des Baux, dont la venue à Naples pourrait bien être associée à la geste du roi Charles d’Anjou. Il est intéressant, alors, de remarquer que Giovanni Villani dans le livre VIII de sa Cronica, où il raconte comment Charles d’Anjou s’est emparé du trésor de Manfred après la bataille de Bénévent, consacre quelques paragraphes à l’éloge d’un chevalier « Beltram del Balzo » que le roi fait comte d’Avellino : ce Beltram était fils du comte de Provence, Raimond des Baux49. Des mariages entre les D’Aquino et les Del Balzo eurent lieu au cours du xive siècle et plus tard, ce qui pourrait étayer notre hypothèse sur l’origine du personnage du Novellino50.

  • 51Novellino, p. 212, § 4 : « En jouissant des bons et doux fruits que la paix rend aux vainqueurs, i (...)

32En définitive, la figure du preux chevalier possède, dans cette nouvelle, un statut paradigmatique et exemplaire qui dépasse sa crédibilité historique. Dans ce sens on observe sur le plan de la narration des remarques généralisantes faisant référence à l’expérience du commun pour la compréhension de l’histoire et qui vont à l’encontre d’une recherche d’individualisation ou de caractérisation, par exemple pour décrire le comportement du roi français et de ses barons « per li delettevoli e suavi frutti che rende la pace ai vincitori, cominciorno ad attendere in giostre […] », ou l’état d’âme de Bertramo épris d’amour « como è de costume de cui ferventemente ama » et la joie des retrouvailles « E qui per mano tenendosi, sollazzando e basciandosi como negli aspettati ultimi termeni d’amore se richiede », ou enfin pour blâmer Fiola après la scène du refus « pur tirata da loro innata avaricia stringendo a sé le carissime gioie a casa se ne ritornò51 ».

33L’intention de la nouvelle, aussi bien dans le Pecorone que dans le Novellino, est de fournir un exemple de la victoire de l’homme sur la passion d’amour classée au rang des simples appétits de la chair : mais messire Giovanni ne va pas jusqu’à condamner l’attitude de la dame, alors que Masuccio, dans sa version misogyne, insiste en particulier sur le motif de la sagesse virile et oppose le chevalier « savio » aux femmes incapables de suivre « ordene o ragione ». Nous verrons en outre que cette idéalisation s’accompagne d’une recherche d’épuration littéraire du discours à travers le réseau des allusions intertextuelles.

34Il y a dans la tradition narrative une autre figure emblématique de chevalier – un chevalier au faucon, lui aussi – qui passe de la démesure à la raison comme mode de vie : c’est évidemment le Federico degli Alberighi de Déc. V, 9. Dans sa récriture du canevas traditionnel, Masuccio enrichit le portrait du chevalier Bertramo d’allusions subtiles à la célèbre nouvelle de Boccace.

  • 52Décaméron V, 9 : « Federigo degli Alberighi aime et n’est pas aimé ; il se ruine en dépenses de co (...)

35Le jeu d’allusions est manifeste déjà dans l’argomento où la condition initiale du chevalier est synthétisée selon la formule oppositive, employant une figure de polyptote, ‘aime mais n’est pas aimé’ : « Messer Bertramo d’Aquino ama e non è amato », de même que l’on retrouve chez Boccace « Federigo degli Alberghi ama e non è amato, e in cortesia spendendo si consuma52 ».

  • 53Décaméron V, 9, 6 : « Afin d’acquérir son amour, il participait aux joutes et aux tournois, donnai (...)
  • 54  « Pour elle il commença à participer aux joutes et à faire assaut de magnificence ; en dépensant d (...)
  • 55Novellino, p. 212, § 5  : « Pour elle il commença à participer aux joutes et à faire assaut de mag (...)

36La séquence initiale qui dépeint le comportement parfaitement courtois du chevalier épris d’amour pour la dame, insiste sur l’idée de sa libéralité. Dans la nouvelle du Décaméron la libéralité de Federigo était présentée comme excessive : « e acciò che egli l’amor di lei acquistar potesse, giostrava, armeggiava, faceva feste e donava, e il suo senza alcun ritegno spendeva […]53 », de même que Bertramo dans la première rédaction de la nouvelle de Masuccio « e per lei cominciò a giostrare ed a fare de molte altre magnificencie ; ed in diversi modi spendendo el suo senza alcuno ritegnio […]54 », mais dans la rédaction finale ce détail est supprimé, sans doute dans le souci de sauvegarder le portrait positif d’un héros sans faille : « e per lei cominciò a giostrare e a fare de multe magnificenze ; ed in diversi modi spendendo e donando del suo […]55 ».

  • 56Décaméron V, 9, p. 473 : « Elle savait que Federigo l’avait longtemps aimée et qu’il n’avait jamai (...)
  • 57  « Ayant donc lutté plusieurs années dans cette bataille de l’amour, il ne put jamais se vanter d’a (...)

37Encore dans cette première partie de la nouvelle se trouve une autre allusion fine à l’intertexte Décaméronien de Federigo degli Alberighi : pour souligner l’écart entre le désir du chevalier et l’indifférence de la belle dame sans merci, Boccace, de même que Masuccio, présente le motif du regard, la « guatatura », qui est refusé par la dame : « Ella sapeva che Federigo lungamente l’aveva amata, né mai da lei una sola guatatura aveva avuta », repris par le Novellino : « E in tale reo stato dimorando, senza mai una sola guardatura con piacevolezza essergli concessa56 ». Ce passage était plus développé dans la première rédaction : « Ed avendo in tale amorosa battaglia più anni indarno combattuto, non si possette per alcun tempo vantare che la donna de una sola guatatura gli fusse stata liberale57 ».

38Bertramo, comme Federigo, connaît une transformation psychologique radicale, véritable métanoia, au cours de la nouvelle, mais dans une direction opposée. Le point de départ est le même, à savoir la courtoisie et un amour démesuré, mais l’aboutissement est différent, car Federigo sera initié à la rationalité bourgeoise devenant « miglior massaio », tandis qu’à travers Bertramo Masuccio radicalise l’idéologie nobiliaire avec les thèmes de l’honneur, de la magnanimité et de la continence. Cette moralité nouvelle se réalise, dans le Novellino, comme un lien de solidarité et d’amitié entre nobles, comme le montre la conclusion de la nouvelle où Bertramo se proclame lié au mari de la dame par un rapport fraternel. Ici Masuccio préfère donc au modèle de Federigo degli Alberighi celui d’Ansaldo dans la nouvelle X, 5 du Décaméron, un amant qui renonce lui aussi à la satisfaction des sens, après avoir longuement courtisé sa belle, pour faire preuve de magnificence et de courtoisie. Ainsi, vers la fin de cette nouvelle, Ansaldo repousse la dame qu’il a tant convoitée au nom de l’amitié envers son mari courtois :

  • 58Décaméron X, 5, p. 787 : « […] touché par la libéralité de Gilberto, de l’ardeur amoureuse il pass (...)

[…] dalla liberalità di Gilberto commosso il suo fervore in compassione cominciò a cambiare e disse: «Madonna, unque a Dio non piaccia, poscia che così è come voi dite, che io sia guastatore dello onore di chi ha compassione al mio amore; e per ciò l’esser qui sarà, quanto vi piacerà, non altrimenti che se mia sorella foste […] al vostro marito di tanta cortesia, quanta la sua è stata, quelle grazie renderete che convenevoli crederete, me sempre per lo tempo avvenire avendo per fratello e per servitore58. »

  • 59Novellino, p. 215, § 17 : « Il lui fit comprendre la qualité et la nature des femmes ».

39Mais le dialogue avec l’intertexte de Boccace dans cette nouvelle ne se limite pas à la lecture du Décaméron. Les critiques ont déjà remarqué que la séquence où intervient l’ami de Bertramo rappelle le Corbaccio et précisément le violent réquisitoire contre le sexe féminin prononcé par l’esprit du mari défunt. Dans son attitude misogyne le personnage du Novellino reprend certains motifs polémiques que Boccace avait développés, comme le blâme des femmes qui préfèrent se donner à des amants vils plutôt qu’à ceux qui les méritent, ou l’image de la femme qui se pavane en faisant semblant d’accepter un amant dans le seul but d’accroître le nombre de ses admirateurs et enfin la célébration de l’amour libre auquel les hommes devraient s’adonner comme à un simple acte de nature, reprenant l’idée de la vénus libre chantée par Lucrèce etc. En abrégé, ce discours de l’ami, qui est un double de la voix narrative, propose une satire des femmes à la manière de Boccace et nous pouvons y reconnaître une fonction méta-narrative, du moment que le but déclaré de l’ami « Li fé intendere la qualità e natura de femine » correspond parfaitement à la visée mysogine de toute la nouvelle59. Il faut dire qu’en même temps Masuccio se détache de son modèle, car en effet Bertramo ne suit pas le conseil de l’ami qui consiste à jouir tout simplement de l’amour, mais sa décision finale va à l’encontre d’une conception volage et libertine de l’amour.

40Ces remarques sur l’intertextualité et les modalités de réécriture dans la nouvelle XXI peuvent éclairer l’importance des schémas narratifs dans le Novellino et leur rapport avec la représentation de l’histoire. Bertramo d’Aquino est présenté à la fois comme un personnage historique et comme une figure exemplaire qui rappelle d’autres figures emblématiques de chevaliers de la tradition narrative antérieure. Comme nous l’avons vu, à la fin de la nouvelle le chevalier adopte la mentalité d’un clerc, il devient avisé, « savio », et sait dominer ses passions. Il s’agit d’une moralité que d’autres nouvelles du recueil contribuent à renforcer et qu’il est donc nécessaire d’interpréter par rapport à l’ensemble du livre.

  • 60Novellino, p. 396 : « pour que je devienne ensuite ton seul amant passionné et fidèle ».

41Le héros de la nouvelle XLIV est le prince héritier Alphonse de Calabre, fils du roi Frédéric, et la nouvelle est dédiée à son épouse, la duchesse Hyppolite Visconti. Lors de son séjour à Pise à l’époque de la guerre de Romagne, le duc participe à une fête où il est remarqué par une belle et noble dame de la région. Il doit se rendre à un rendez-vous avec elle lorsqu’il découvre que son vassal Marino Caracciolo est lui aussi très épris de la dame depuis longtemps ; il va donc faire preuve de grande libéralité en cédant sa place à Marino dans le lit de la jeune femme. L’idéalisation du personnage est fondée sur sa capacité de faire abstinence, exactement comme l’avait fait Bertramo, au nom de la solidarité entre nobles, bien que Marino ne soit pas un pair du duc. Peu importe, en définitive, que la dame soit une victime de l’échange et que le duc Alphonse la trompe par la ruse lui faisant croire que Marino doit s’assurer de l’absence de dangers pour permettre ensuite à son supérieur de coucher, comme il le dit de façon plus polie : « per dopo essere tuo continuo, abandonato e unico amatore60 ».

42Si dans la nouvelle de Bertramo nous avons souligné la part d’idéalisation de l’histoire, avec la célébration des valeurs courtoises, nous voyons que cette idéalisation rejoint le présent à travers la figure du duc de Calabre, qui sera roi en 1494 (il meurt en 1495) et dont les historiens s’accordent à dire qu’il était au contraire particulièrement enclin aux vices. Les nobles mis en scène dans le Novellino renvoient sans doute au noble public des lecteurs, appelés à se faire représentants d’une idéologie du sérieux et de la moralité qui renforce l’idéologie de classe. Toute atteinte à ce code de comportement sera punie de manière exemplaire. Dans la nouvelle XLVII le roi de Sicile Ferdinand II d’Aragon, futur roi de Castille, est appelé par son père en Espagne pour le conflit contre les Français qui avaient occupé la ville de Perpignan. Lors d’un séjour du roi à Valladolid, deux chevaliers de sa suite violent les deux filles de leur noble hôte, qui s’en plaint auprès du roi. La répression est sévère et immédiate : les deux violeurs sont contraints aux noces réparatrices avec leurs victimes et ensuite mis à mort par décollation, de sorte que les veuves, devenues encore plus riches qu’elles ne l’étaient, puissent se remarier avec deux nobles de la ville. L’exemplarité de la peine renforce les liens à l’intérieur de la classe dominante. Les noces ne suffisent pas à réparer le viol parce qu’elles pourraient légitimer un crime qui menace l’honneur et la pureté d’une lignée.

  • 61  Le rapport que Masuccio entretient avec son public a été particulièrement étudié par D. Boillet, « (...)

43Face à l’importance de cette moralité dans le recueil, il est difficile de déterminer les intentions implicites de Masuccio, à savoir de comprendre si son idéalisation de la société aristocratique correspond à une attitude obséquieuse de la part d’un courtisan ou si au contraire elle assume une fonction polémique dans le but de proposer au monde de la cour une conduite idéale prônant la réforme des mœurs. Nous avons déjà évoqué au début, en effet, les problèmes qui empêchent de formuler un jugement critique global sur cet auteur : écrivain circonspect et rallié au régime, dont il partagerait toutes les valeurs et tous les intérêts, ou bien polémiste dérangeant capable de mettre en cause, par ses allusions satiriques acérées, torts et travers de la classe dominante61 ? Nous ne pouvons pas reprendre ici les éléments de ce débat qui nous éloignerait de notre problématique. Néanmoins, si l’on prend en compte un autre thème important du Novellino, qui est la satire des religieux, dont Masuccio ne cesse de condamner la luxure et le libertinage, on pourrait interpréter le code nobiliaire de l’abstinence sexuelle et de l’honneur comme la sauvegarde de la part de la classe au pouvoir d’une moralité que les religieux ont complètement reniée et que Masuccio considère comme nécessaire à la préservation de l’ordre social.

  • 62  S. Nigro, Le brache…, ouvr. cité, p. 32.

44La question de la visée du Novellino est d’importance capitale pour notre analyse de la ‘fonction histoire’ dans l’ensemble du recueil, car si Masuccio revendique avec une telle force la vérité de ces récits, c’est qu’il en fait un instrument de persuasion vis-à-vis de son auditoire, dans les registres variés de la flatterie, de la célébration dynastique, de la satire, de la moralisation etc. À propos de l’intention moralisatrice et satirique de Masuccio, S. Nigro a proposé un parallèle entre le Novellino et les sermons religieux : « le novelle si motivano come contropartita laica alle prediche62 ». En cherchant à persuader son auditoire de la nécessité d’une réforme morale de la société, Masuccio montre qu’il considère ses lecteurs comme les potentiels acteurs de ce renouveau.

  • 63  Nous pouvons rappeler quelques titres : Bartolomeo Facio, De rebus gestis ab Alphonso primo Neapol (...)
  • 64Novellino, p. 450 : « Je ne doute pas que vous ayez déjà lu dans l’histoire grecque que Xerxes […] (...)

45D’un autre point de vue, il est nécessaire de prendre en compte le statut littéraire de la nouvelle et s’interroger sur l’importance que Masuccio y assigne à la fonction de l’histoire. Par son recours à l’histoire, la nouvelle en langue vulgaire cherche avec Masuccio ses lettres de noblesse en s’adressant au public de la cour. En effet l’historiographie, ou ars historica, occupe le premier rang dans une hiérarchie des genres littéraires de l’époque à la cour Aragonaise. Le roi Alphonse, qui s’entourait d’humanistes, était lui aussi passionné d’histoire ancienne et se faisait lire Tite- Live par le Panormita. Plusieurs ouvrages historiques lui furent offerts, ainsi qu’à son fils Ferdinand, avec des intentions élogieuses par les principaux intellectuels de la cour, comme Giovanni Pontano, Bartolomeo Facio et Lorenzo Valla63. Ce n’est donc pas par hasard que lorsque dans le Parlamento Masuccio renouvelle l’offre de son livre à Hyppolite Visconti, il prend soin de la mentionner comme lectrice des histoires grecques : « io non dubito lei avere tra le dignissime greche istorie già letto como Xerxes […] », puisqu’elle avait été l’élève de l’humaniste Costantino Lascaris64. Nous avons vu, d’autre part, que le cadre historique privilégié dans le Novellino est tiré de l’actualité ou des événements relatifs à la maison d’Aragon, de même que les nouvelles nous parlent souvent de la société méridionale. En rapprochant la nouvelle de l’ars historica et en exploitant sa rhétorique de la narration véridique plus que ne l’avait fait Boccace, Masuccio vise la légitimation d’un genre mineur et dans son essence récréatif, destiné plus au divertissement qu’à l’éducation morale, pour en faire un instrument de persuasion adapté à l’horizon d’attente de son public.

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Notes

1  Sur la politique de Ferdinand d’Aragon, voir Ernesto Pontieri, Per la storia del Regno di Ferrante I d’Aragona re di Napoli: studi e ricerche, Naples, Edizioni Scientifiche Italiane, 1969, ainsi que son édition de la chronique ancienne du napolitain Camillo Porzio, La congiura dei baroni del Regno di Napoli contra il re Ferdinando, Naples, Edizioni Scientifiche Italiane, 1964. En outre Antonio Ghirelli, Storia di Napoli, Turin, Einaudi 1973, p. 18-21, Giuseppe Campolieti, Breve storia della città di Napoli, Milan, Mondadori, 2004, p. 156-162 et l’article d’Alan Ryder, « Ferdinando I d’Aragona », dans le Dizionario Biografico degli Italiani, Rome, Istituto dell’Enciclopedia Italiana, vol. 46, 1996, p. 174-189.

2  Cette première édition, due aux soins de Francesco del Tuppo, a disparu, ainsi que le manuscrit de Masuccio qui lui avait servi de modèle, et les éditions modernes du Novellino sont fondées sur les incunables de 1483 et 1484, voir Danielle Boillet, « L’usage circonspect de la beffa dans le Novellino de Masuccio Salernitano », dans Formes et significations de la beffa dans la littérature italienne de la Renaissance (Deuxième série), Paris, Université de la Sorbonne Nouvelle, 1975, p. 65-169, p. 75.

3  Giorgio Petrocchi, « La prima redazione del Novellino di Masuccio », dans Giornale Storico della letteratura italiana, CXXIX, nos 3-4, 1952, p. 266-317. Cette rédaction primitive concerne les nouvelles II, III, XXI, XXI et remonte selon Petrocchi aux années 1450-1457.

4  Nous reviendrons par la suite sur ces problèmes d’interprétation générale pour lesquels les critiques ont émis des avis différents. Voir pour un premier encadrement Renato Pastore, « Per una interpretazione del Novellino di Masuccio Salernitano », Cultura Neolatina, XXIX, 1969, p. 235-265, et D. Boillet, « L’usage circonspect de la beffa… », art. cité, mais aussi Salvatore Nigro, Le brache di San Griffone: novellistica e predicazione tra ’400 e ’500, Bari, Laterza 1983, repris par Anna Fontes-Baratto, « Le Décaméron comme modèle impraticable : la crise du rapport auteur-public dans le Novellino de Masuccio Salernitano », dans L’écrivain face à son public en France et en Italie à la Renaissance, Actes du Colloque International (Tours, 4-6 Décembre 1986), Paris, Vrin 1989, p. 265-281.

5  Par exemple Jacob Burckhardt, La civilisation de la Renaissance en Italie, Paris, Librairie Plon 1958 (l’édition originale en allemand date de 1860).

6  S. Nigro, Le brache…, ouvr. cité, mais également Leonardo Terrusi, « La “Vita della beata Barbara Lanzhuet” nel Novellino di Masuccio Salernitano », La nuova Ricerca, nos 9-10, 2000-2001, p. 77-98.

7  Masuccio Salernitano, Il Novellino. Con appendice di prosatori napoletani del ’400, Giorgio Petrocchi (éd.), Florence, Sansoni 1957, la citation est tirée du prologue, p. 7. Nous avons consulté également l’édition Il Novellino nell’edizione di Luigi Settembrini, S. Nigro (éd.), Milan, Rizzoli 1990.

8  Pour cette problématique nous faisons référence en particulier à Hans-Robert Jauss, « Littérature médiévale et théorie des genres », Poétique, 1, 1970, p. 79-101.

9Novellino, p. 7 : « Comme depuis ma jeunesse j’ai exercé mes modestes et vils talents en écrivant de ma main paresseuse et maladroite des nouvelles fondées sur des faits réels advenus dans les temps modernes ou dans le passé ».

10Novellino, p. 453-54 : « Après ces gens là, je crois qu’il y en aura d’autres de moins mauvaise nature qui vont dire que la plus part des cinquante nouvelles dont je t’ai doué ce sont des fables et des mensonges. Qu’il te plaise au moins de leur répondre qu’ils s’éloignent énormément de la vérité et appelles-toi comme témoin au Très-Haut pour affirmer que toutes ces histoires sont vraisemblables et que la plus part d’entre elles se sont passé aux temps modernes ; quant à celles qui sont habillées à l’ancienne et qui portent une barbe blanche, c’est des gens de très grande autorité qui m’en ont parlé comme de faits authentiques ».

11Novellino, nouvelle II, p. 28 : « On raconte donc de manière authentique » ; nouvelle XXXII, p. 299 : « Ce fut raconté selon toute vérité »  ; nouvelle XXXVIII, p. 344 : « Il me raconta selon toute vérité » ; nouvelle L, p. 442 : « Racontée comme authentique » ; nouvelle II, p. 28 : « Histoire très véritable » ; nouvelle XVI, p. 171 : « Une nouvelle plaisante et véridique », etc.

12  Voir par exemple les données fournies par Gabriel-André Pérouse, « Des nouvelles “vrayes comme evangile”. Réflexions sur la présentation du récit bref au xvi siècle », dans B. Alluin et Fr. Suard, La Nouvelle. Définitions, transformations, Lille, Presses universitaires de Lille, 1990, p. 89-99.

13  Enrico Malato, « La nascita della novella italiana: un’alternativa letteraria borghese alla civiltà cortese », dans La novella italiana. Atti del Convegno di Caprarola (19-24 settembre 1988), Rome, Salerno Editrice 1989, p. 3-45, et Cesare Segre, « La novella e i generi letterari », ibid., p. 47-57, mais aussi les articles de Lucia Battaglia Ricci et Selene Sarteschi publiés dans Favole, parabole, istorie. Le forme della scrittura novellistica dal Medioevo al Rinascimento, G. Albanese, L. Battaglia Ricci et R. Bessi (éds), Rome, Salerno Editrice, 2000.

14  Selon Michelangelo Picone, « La codificazione della novella », dans Manuale di letteratura italiana. Storia per generi e problemi, vol. I : Dalle origini alla fine del Quattrocento, Turin, Bollati Boringhieri 1993, p. 587-624, p. 589, la nouvelle naît de la fusion de ces trois genres narratifs car elle veut instruire comme l’histoire, est basée sur des faits vraisemblables comme l’argumentum, mais vise aussi, comme la fabula, le plaisir et le divertissement ; voir, en outre Alexander Cizek, « Considérations sur la poétique de l’exemplum et de l’anecdote : à propos du Novellino », dans Le récit bref au Moyen Âge. Actes du colloque d’Amiens des 27-29 mai 1979, Danielle Buschinger (éd.), Paris, Honoré Champion, 1979, p. 341-368.

15  « Je vais vous dire l’aventure rapportée dans un lai. / Ne croyez pas que ce soit fiction, / c’est la pure vérité » ; Lais féeriques des xiie et xiiie siècles, A. Micha (éd.), Paris, Flammarion 1992, p. 65.

16  « Du célèbre et glorieux poète Boccace, dont tu as toujours essayé d’imiter la langue et le style », Novellino, p. 208.

17  « Dans ces nouvelles, on verra d’agréables et de cruelles aventures amoureuses et d’autres événements de fortune, advenus aussi bien dans les temps modernes que dans les temps anciens » ; Boccace, Décaméron, sous la direction de Christian Bec, Paris, Le livre de Poche 1994, p. 33.

18  Pour le réalisme et les effets de réel chez Boccace voir Pier Massimo Forni, « Retorica del reale nel Decameron », Studi sul Boccaccio, XVII, 1988, p. 183-202, Id., « Come cominciano le novelle del Decameron », dans La novella italiana…, ouvr. cité, p. 689-700 et aussi Id., « Realtà / verità », dans Lessico critico decameroniano, R. Bragantini et P. M. Forni (éds), Turin, Bollati Boringhieri, 1995, p. 300-319. L’analyse de Forni concerne aussi bien les aspects formels de la rhétorique du discours, au niveau par exemple de la description des lieux et des personnages, que le plan des contenus, les nouvelles de Boccace pouvant synthétiser la vérité universelle des mœurs et des caractères humains, ou bien la vérité d’une analyse anthropologique et sociologique de son époque.

19  « Quelques actions exécrables de certains religieux », Novellino, p. 11.

20  « Matière triste à pleurer » et « nouvelles agréables et amusantes », Novellino, p. 285.

21  Gabriella Albanese, « Da Petrarca a Piccolomini: codificazione della novella umanistica », dans Favole, parabole…, ouvr. cité, p. 257-308 et Letizia Leoncini, La novella a corte: Giovanni Conversini da Ravenna, ibid., p. 189-222. En outre G. Albanese, « Per la storia della fondazione del genere novella tra volgare e latino. Edizioni di testi e problemi critici », Medioevo e Rinascimento, XII, 1998, p. 263-84. Ce rapport de continuité avec la typologie de la nouvelle humaniste latine n’a pas été bien saisi par les critiques qui se sont intéressés à la structure du Novellino, ainsi par exemple S. Nigro avait proposé le modèle de la prédication, en particulier des sermons de Saint Bernardin : « in una ridefinizione epistolare del sermone epidittico e politico » (S. Nigro, Le brache…, ouvr. cité, p. 33), et plus récemment Michael Papio, Keen and Violent Remedies. Social Satire and the Grotesque in Masuccio Salernitano’s Novellino, Berne-New York, Peter Lang, 2000 associe Masuccio à l’essor de l’épistolographie humaniste, mais il affirme trop hâtivement qu’il serait l’inventeur de l’épître-nouvelle : « It appears […] that the fullest use of an epistolary structural formula as a frame, in effect a mixture of genres, is born with Masuccio ».

22  Gabriella Albanese et Rossella Bessi, All’origine della guerra dei cento anni. Una novella latina di Bartolomeo Facio e il volgarizzamento di Jacopo di Poggio Bracciolini, Florence, Istituto Nazionale di Studi sul Rinascimento, 2000.

23  G. Albanese et R. Bessi, All’origine della guerra…, ouvr. cité, p. 102.

24  À ce propos Donato Pirovano, Modi narrativi e stile del Novellino di Masuccio Salernitano, Florence, La Nuova Italia, 1996 a essayé d’appliquer au Novellino l’analyse par typologies narratives que Mario Baratto avait proposée pour le Décaméron dans son essai de 1970, Realtà e stile nel « Decameron ». Il parvient ainsi à distinguer plusieurs catégories de nouvelles : la nouvelle-roman, axée sur les personnages plus que sur la suite des actions, la nouvelle-épisode centrée sur une situation déterminée, le débat ou « contrasto », le mime ou la comédie, et enfin la nouvelle polémique.

25  D’après notre recensement, 22 nouvelles sont ancrées dans l’actualité, 21 se réfèrent à l’histoire récente, et seulement 6 à l’histoire plus ancienne (les nouvelles XXI, XLII, XLIII, XLVIII, XLIX et L) ; une nouvelle, la XLV, n’a pas de cadre historique précis.

26  Pour le parallèle entre l’écriture des chroniques et le genre de la nouvelle, voir en particulier Alberto Varvaro, « Tra cronaca e novella », dans La Novella italiana…, ouvr. cité, p. 155-171 et Massimo Miglio, « La novella come fonte storica. Cronaca e novella dal Compagni al Pecorone », ibid., p. 173-190. Pour le traitement des sources chez les premiers compilateurs de chroniques à Florence, on pourra voir l’analyse très intéressante de Franca Ragone, Giovanni Villani e i suoi continuatori. La scrittura delle cronache a Firenze nel Trecento, Rome, Istituto Storico Italiano per il Medioevo, 1998, qui rappelle la distinction traditionnelle entre information de visu, à savoir par expérience personnelle des faits, et information orale. Pour l’époque de Villani, F. Ragone remarque que « la trasmissione orale delle notizie, come forma del rapporto interpersonale, come pratica diffusa di socialità, è del resto un elemento portante nella tradizione storiografica medievale, ancora fortemente legata alla dimensione dell’oralità » (p. 24), et elle ajoute : « nessuno scetticismo, invece, manifesta Villani circa il fondamento di quelle notizie, tramandate da ‘antichi nostri cittadini, che i loro padri furono presenti a queste cose e ne feciono loro ricordo e memoria’ (VII 2): l’antichità degli informatori, il loro farsi portatori di una tradizione raccolta e affidata loro da testimoni oculari, è sufficiente a dare al cronista la convinzione di ‘sapere il vero’ dei fatti » (p. 26).

27  Nouvelle XLVIII : « L’année dernière j’ai entendu un noble florentin qui racontait comme un fait authentique » ; nouvelle XXXIX : « selon ce qu’un noble citoyen de Gaete m’a raconté » ; nouvelle XXV : « à ce que j’ai entendu par un marchand ».

28Novellino, XIV, p. 152 : « Il se plaisait à raconter un nombre infini d’histoires magnifiques pour lesquelles il faisait preuve d’un grand talent oratoire et d’une mémoire incroyable ». Sur Tommaso Mariconda voir les notes de D. Boillet, « L’usage circonspect de la beffa… », art. cité, p. 69. La nouvelle XLIII est également tirée de cette source familiale.

29Novellino, p. 344 : « (Antonio Moro) me raconta, parmi d’autres sujets de notre aimable conversation, qu’il lui était arrivé pour de vrai le cas dont je vais vous parler ».

30Novellino, XLIX, 2 : « Plus nous sommes éloignés des gestes appartenant à des époques très anciennes, mon excellent et vaillant seigneur, plus leur récits doivent paraître étranges et bizarres au public d’aujourd’hui. Bien que je sache que vous avez été pleinement informé il y a plusieurs années de l’histoire que je raconterai dans la nouvelle suivante, néanmoins il m’a plu, après l’avoir rendue digne de mémoire éternelle grâce à mon modeste style, de la dédier à vous qui allez la faire apprécier aussi bien par nos contemporains que par la postérité comme étant une nouvelle surprenante et véridique ».

31Novellino, p. 24.

32  S. Nigro, Le brache…, ouvr. cité, p. 59.

33  S. Nigro, Le brache…, ouvr. cité, p. 153.

34  Letterio Di Francia, La novellistica, Milan, Vallardi, 1924, p. 449.

35  Voir pour la traduction la note 10.

36Novellino, p. 211 : « Un excellent chevalier de ton illustre famille ».

37  « Une courte histoire qui s’est passée il n’y a pas longtemps dans la ville de Sienne » ; Ser Giovanni, Il Pecorone, Enzo Esposito (éd.), Ravenne, Longo, 1974, p. 9. Il s’agit de la première nouvelle du Pecorone.

38  Maria Bendinelli Predelli, « Storia della dama bolognese che s’innamora sentendo lodare un cavaliere dal marito. Cantare inedito del Quattrocento », Letteratura Italiana Antica, III, 2002, p. 19-40, et Ead., « The Lover Praised by the Husband: a Courtly Tale between Exemplum and Novella », dans The Italian Novella, Gloria Allaire (éd.), Chicago, Routledge 2003, p. 105-118. Plusieurs critiques avaient déjà signalé la ressemblance entre les deux nouvelles de ser Giovanni et de Masuccio : voir Gaetano Amalfi, « Quellen und Parallelen zum Novellino des Salernitaners Masuccio », Zeitschrift des Vereins für Volkskunde, no 9, 1899, p. 136-153, et James Hinton, « Walter Map e ser Giovanni », Modern Philology, XV, 1917, p. 11-17, puis L. Di Francia, La novellistica, ouvr. cité, p. 458 selon qui Masuccio s’inspire d’une source orale inconnue. Marga Cottino-Jones qui consacre quelques pages de son livre à notre nouvelle, ignore le rapport avec le Pecorone, voir Il dir novellando: modello e deviazioni, Rome, Salerno Editrice, 1994, p. 71-74. En revanche M. Papio, Keen and Violent Remedies…, ouvr. cité, se limite à parler d’un simple remaniement (« a simple refashioning ») de la nouvelle de ser Giovanni de la part de Masuccio (p. 110, note 83).

39  Cet épisode de la chasse a été commenté par D. Boillet, « L’usage circonspect de la beffa… », art. cité, d’une part comme la reprise d’un topos littéraire (« Cet épisode de la chasse reprend le procédé, fondamental dans la poésie courtoise, de la démonstration par comparaison », note 301, p. 139), et d’autre part comme un élément d’effet de réel car la chasse au faucon était très prisée à la cour Aragonaise : « Le rôle fonctionnel de la chasse exprime, par delà la valeur symbolique de la référence littéraire, le traitement réaliste d’un fait de civilisation contemporaine ».

40  Jean Chevalier-Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Paris, Laffont, 1982, p. 429. Pour une analyse de la nouvelle de Boccace, voir Claude Imberty, « Le symbolisme du faucon dans la nouvelle 9 de la Ve journée du Décaméron », Revue des études italiennes, no 20, 1974, p. 147-156. Mais chez Masuccio je n’exclurais pas un double sens érotique, si l’on pense à la nouvelle des braies de Saint Griffon où frère Nicolò da Narni a une relation avec Agata, la femme d’un célèbre médecin. En quittant la maison de la dame, Nicolò se vante de ses exploits sexuels avec un confrère : « So ben io che ’l mio sparaveri prise ad un volo due starne, ed avendo per la terza tentato, se venne il maestro; cossì egli se avesse prima fiaccato il collo! », et « Oh! Dio volesse – disse il frate – che ritornare a la già lassata caccia a me fusse concesso […] », Novellino, III, p. 46-47 (« Je sais bien que mon épervier a pris deux perdrix en un seul vol et qu’il allait s’envoler pour la troisième fois lorsque le maître est rentré, qu’il aille au diable ! », et « Oh ! Plût à Dieu – dit le moine – qu’on me laisse retourner à la chasse interrompue […] »).

41  Je ne poserai pas ici la question de savoir si le Pecorone est une source directe ou indirecte du Novellino. Le principal obstacle à l’identification du Pecorone comme source du Novellino était représenté par la date de composition et par la circulation restreinte de l’ouvrage (nous avons seulement trois manuscrits du Pecorone, et une édition procurée par Ludovico Domenichi à Milan en 1558), mais les études plus récentes sur Giovanni de Florence ont fait tomber ces obstacles, depuis que Pasquale Stoppelli a réussi à identifier cet auteur avec un jongleur, Malizia Barattone, qui a vécu à Naples à la cour de Robert d’Anjou vers 1360, voir P. Stoppelli, « Malizia Barattone (Giovanni di Firenze) autore del Pecorone », Filologia e critica, II, 1977, p. 1-34. En attendant que l’édition critique promise par Enzo Quaglio soit disponible dans la collection des Novellieri italiani, nous pouvons supposer que le Pecorone était connu à Naples : Bartolomeo Facio se sert de la nouvelle X,1 du Pecorone pour sa nouvelle latine De origine belli inter Gallos et Britannos historia composée en 1440 environ. En 1443 Facio est à Naples comme ambassadeur de la République de Gênes et en 1446 il est nommé historiographe de la cour par Alphonse d’Aragon.

42Pecorone I, 1, p. 10 : « Il était à Sienne un jeune homme qui se prénommait Galgano, riche, noble, très adroit et expert dans tous les domaines, vaillant et courageux, magnanime, courtois et affable avec les gens de tous les niveaux ». Dans la première rédaction du Novellino : « un valeruso e strenuo cavaliero… vigoroso… animoso e gagliardo » il y a un surplus d’adjectivation dont Masuccio fait l’économie pour la rédaction finale de la nouvelle.

43Pecorone, p. 11, ligne 14 : « Cette dame qu’il aimait plus que sa personne » ; Novellino, p. 212, § 5 : « il lui faisait entendre constamment qu’il l’aimait plus que sa personne » ; « il lui faisait entendre constamment qu’il l’aimait plus que sa propre vie ».

44Pecorone, p. 12, ligne 30 : « Il voulait mettre fin à ses espoirs, cependant il prit sagement le parti de soutenir ce joug […] en espérant toujours d’obtenir merci » ; Novellino, p. 212, § 6 : « l’espoir s’était enfui, cependant […] son désir augmentait constamment s’embrasant toujours plus ».

45Pecorone, p. 15, ligne 85 : « La dame le prit joyeusement par la main et elle le serra dans ses bras en lui disant : “Vous êtes mille fois le bienvenu, cher Galgano” » ; Novellino, p. 216, § 20 : « lui, allant vers elle les bras ouverts, lui fit très bon accueil en disant : “Vous êtes la bienvenue, mon cœur, pour qui j’ai déjà soutenu tant de preuves” ».

46Pecorone, p. 16, ligne 111 : « La dame répondit : “Je vais te l’avouer. Il est vrai que […]” » ; Novellino, p. 216, § 23 : « Je vais te répondre le plus brièvement que je peux. Il est vrai que […] ».

47Pecorone, p. 17, ligne 130 : « Galgano dit : “Qu’à Dieu ne plaise et qu’il ne permette que, vu la grande courtoisie montrée par votre mari envers moi dans ses gestes et ses paroles, je soit félon envers lui” » ; Novellino, p. 217, § 27 : « Doh ! Messire Bertramo, vas-tu devenir un chevalier félon […] Qu’à Dieu ne plaise qu’une telle félonie soit commise par un chevalier des d’Aquino ».

48Novellino, p. 216, § 23-25 et p. 218, § 30.

49  Giovanni Villani, Nuova Cronica, éd. Giuseppe Porta, Parme, Guanda, 1991, livre VIII, 10.

50  Par exemple les noces de Margherita d’Aquino avec Raymond del Balzo en 1331 ou d’Isabella d’Aquino avec un autre personnage du même nom. Il faut rappeler aussi qu’Antonella d’Aquino et Inigo d’Avalos marièrent leur fille Constance, née en 1470, à Frédéric des Baux, prince de Taranto, mais la nouvelle est bien antérieure à ce mariage.

51Novellino, p. 212, § 4 : « En jouissant des bons et doux fruits que la paix rend aux vainqueurs, il se mirent à organiser des tournois » ; ibid., § 6 : « comme font ceux qui sont épris d’un grand amour » ; p. 216, § 22 : « se tenant par la main, parmi les caresses et les baisers qui sont d’office au dernier stade de l’amour », p. 219 ; § 32 : « cependant en serrant contre sa poitrine les précieux bijoux, poussée par l’avarice qui est innée chez la femme, s’en retourna chez elle ».

52Décaméron V, 9 : « Federigo degli Alberighi aime et n’est pas aimé ; il se ruine en dépenses de courtoisie ». Dans le Pecorone également Galgano s’écrie, p. 11, lignes 24-25 : « Dòh, Signore mio, come puoi tu sostenere ch’io ami e non sia amato? Non vedi tu che questo è contra natura? ».

53Décaméron V, 9, 6 : « Afin d’acquérir son amour, il participait aux joutes et aux tournois, donnait des fêtes, prodiguait les cadeaux et dépensait son bien sans compter ».

54  « Pour elle il commença à participer aux joutes et à faire assaut de magnificence ; en dépensant de plusieurs manières sans pouvoir se retenir […] ».

55Novellino, p. 212, § 5  : « Pour elle il commença à participer aux joutes et à faire assaut de magnificence ; en dépensant de plusieurs manières et en offrant ses richesses […] ». La version du Pecorone est un peu différente, p. 10-11 : « giostrando e armeggiando e faccendo di ricchi mangiari per amore di lei […] » (« en participant aux joutes et aux tournois et en offrant par amour d’elle des banquets somptueux »).

56Décaméron V, 9, p. 473 : « Elle savait que Federigo l’avait longtemps aimée et qu’il n’avait jamais obtenu d’elle le moindre regard », Novellino, p. 212, § 7 : « se trouvant dans cette malheureuse condition, sans avoir jamais obtenu d’elle le moindre regard bienveillant ».

57  « Ayant donc lutté plusieurs années dans cette bataille de l’amour, il ne put jamais se vanter d’avoir obtenu le moindre regard de sa dame ».

58Décaméron X, 5, p. 787 : « […] touché par la libéralité de Gilberto, de l’ardeur amoureuse il passa bientôt à la compassion et il dit : Madame, s’il en est ainsi, à Dieu ne plaise que je veuille ternir l’honneur de celui qui compatit à ma passion. Soyez donc ici autant qu’il vous plaira comme si vous étiez ma sœur […] à condition que vous rendiez grâces à votre mari, comme bon vous semblera, pour la grande courtoisie dont il a témoigné, l’assurant qu’à l’avenir il trouvera toujours en moi un frère et un serviteur ».

59Novellino, p. 215, § 17 : « Il lui fit comprendre la qualité et la nature des femmes ».

60Novellino, p. 396 : « pour que je devienne ensuite ton seul amant passionné et fidèle ».

61  Le rapport que Masuccio entretient avec son public a été particulièrement étudié par D. Boillet, « L’usage circonspect de la beffa… », art. cité, qui a relevé dans le Novellino l’expression d’une idéologie de classe solidaire au monde de la cour aragonaise. D’autres recherches plus récentes ont en revanche mis en valeur les aspects polémiques et critiques, voir S. Nigro, Les brache…, ouvr. cité, et A. Fontes-Baratto, « Le Décaméron comme modèle impraticable… », art. cité.

62  S. Nigro, Le brache…, ouvr. cité, p. 32.

63  Nous pouvons rappeler quelques titres : Bartolomeo Facio, De rebus gestis ab Alphonso primo Neapolitanorum rege ; Lorenzo Valla, Gesta Ferdinandi regis Aragonum (en 1445) ; Panormita, Liber rerum gestarum Ferdinandi regis ; Giovanni Pontano, De bello Neapolitano ; Giovanni Albino, De gestis regum Neapolitanorum ab Aragonia qui extant libri quatuor, etc.

64Novellino, p. 450 : « Je ne doute pas que vous ayez déjà lu dans l’histoire grecque que Xerxes […] ».

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Pour citer cet article

Référence papier

Maria Cristina Panzera, « « Per autentiche istorie approbate » : les fonctions de l’histoire dans le Novellino de Masuccio Salernitano »Cahiers d’études italiennes, 6 | 2007, 59-82.

Référence électronique

Maria Cristina Panzera, « « Per autentiche istorie approbate » : les fonctions de l’histoire dans le Novellino de Masuccio Salernitano »Cahiers d’études italiennes [En ligne], 6 | 2007, mis en ligne le 15 novembre 2008, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cei/855 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cei.855

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Auteur

Maria Cristina Panzera

Université d’Avignon

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