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Circulation européenne des livres comme source de savoirs

Lettere sopra l’Inghilterra Scozia e Olanda (1790) de Luigi Angiolini. Perception et représentation de l’Écosse dans les écrits d’un voyageur italien de la fin du xviiie siècle

Lettere sopra l’Inghilterra Scozia e Olanda di Luigi Angiolini. Percezione e rappresentazione della Scozia negli scritti di un viaggiatore italiano della fine del XVIII secolo
Lettere sopra l’Inghilterra Scozia e Olanda by Luigi Angiolini. Perception and Representation of Scotland in the Writings of an Italian Traveller at the End of the 18th Century
Marion Amblard

Résumés

Vers la fin du xviiie siècle, l’Écosse commença à attirer un nombre croissant de voyageurs venus de toute part du continent européen. L’écrivain et diplomate italien Luigi Angiolini y effectua un séjour au cours de l’été 1788 et publia Lettere sopra l’Inghilterra Scozia e Olanda en 1790.
Cet article reviendra sur la manière dont Angiolini percevait l’Écosse et ses habitants ainsi que les différents facteurs qui ont pu influencer son regard. Ceci permettra de constater que certaines observations et remarques dénotaient un point de vue typiquement italien. La comparaison de sa narration à celles de voyageurs contemporains, venus de France et de différentes régions de Grande-Bretagne, révèlera également que les récits de voyage proposaient une vision relativement uniforme de l’Écosse.

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Texte intégral

  • 1 En effet, avant le début du xixe siècle, le mécénat fut limité en Écosse et peu de peintres s’y éta (...)

1Tout au long du xviiie siècle, un nombre croissant d’Écossais, essentiellement des aristocrates, des artistes et des hommes de lettres, entreprirent un voyage sur le continent européen. Même si leurs itinéraires, tout comme leurs motivations, furent parfois très divers, ils visitèrent pour la plupart les Provinces-Unies et la France, deux nations qui entretenaient des liens historiques avec l’Écosse. Néanmoins de toutes les destinations, ce fut l’Italie, et plus précisément les villes de Venise, Florence, Rome et Naples qui les attirèrent le plus, et ce pour des raisons variées. C’est ainsi que pour les artistes qui n’avaient bénéficié que d’une formation rudimentaire dans leur pays natal, un tel voyage leur permettait d’étudier les maîtres de la Renaissance et les œuvres d’art antique, auxquelles les collectionneurs britanniques vouaient une grande admiration1. Pour les jeunes nobles, un séjour prolongé dans la péninsule constituait une étape incontournable du Grand Tour. Il s’agissait-là d’un long périple qu’ils effectuaient sur le continent dans le but de parfaire leur éducation. Grâce à la correspondance de voyageurs, à des publications telles que On the Grand Tour Italy, Corsica, and France 1765–1766 de James Boswell et Travels through France and Italy de Tobias Smollett et aux œuvres réalisées par les artistes durant leur séjour, il est possible d’avoir une vision assez précise de la manière dont les Écossais percevaient l’Italie et ses habitants.

  • 2 Ainsi que l’a rappelé l’historien Jean Boutier, entre le xvie siècle et le xviiie siècle, « le Gran (...)
  • 3 Selon le professeur Gilles Bertrand, entre le xvie siècle et le xviiie siècle, en plus du Grand Tou (...)

2L’attrait de l’Italie pour les voyageurs britanniques du Grand Tour au xviiie siècle a fait l’objet de nombreuses études, parmi lesquelles nous pouvons citer The Grand Tour de Christopher Hibbert, The British Abroad. The Grand Tour in the Eighteenth Century de Jeremy Black et, plus récemment, Cities and the Grand Tour. The British in Italy, c. 1620–1820, publié en 2012 par Rosemary Sweet. Toutefois de nombreux aspects des voyages entrepris au xviiie siècle restent encore à étudier. En effet, même si jusqu’à présent les historiens se sont plus largement intéressés aux Britanniques et si ces derniers furent à l’origine du Grand Tour, il ne s’agissait pas d’une pratique qui leur était propre, au contraire2. De même tous les voyages effectués au xviiie siècle n’entraient pas dans la catégorie du Grand Tour, qui ne représentait qu’un type de voyage parmi tant d’autres3.

  • 4 R. Sweet, G. Verhoeven et S. Goldsmith, « Introduction », dans R. Sweet, G. Verhoeven et S. Goldsmi (...)
  • 5 P.-Y. Beaurepaire, L’Europe des Lumières, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que-sais (...)

3Si l’Italie continuait à attirer de nombreux visiteurs, elle ne fut pas la seule destination de prédilection des voyageurs. Comme l’ont souligné Sweet, Verhoeven et Goldsmith dans l’introduction de leur ouvrage collectif intitulé Beyond the Grand Tour. Northern Metropolises and Early Modern Travel Behaviour4, un nombre croissant de voyageurs préférèrent visiter le nord de l’Europe plutôt que l’Italie et se rendirent dans des villes telles que Paris, Amsterdam et Londres. Vers la fin du xviiie siècle, Édimbourg et, plus généralement l’Écosse, commencèrent aussi à éveiller la curiosité des voyageurs venus de toute part du continent européen. Située aux confins de l’Europe, cette nation n’avait jusque-là attiré qu’un nombre limité de voyageurs, pour la plupart britanniques. Or, à partir du dernier quart du xviiie siècle, son rapide essor économique et son dynamisme scientifique et littéraire la propulsèrent sur le devant de la scène européenne et, selon les termes du professeur Pierre-Yves Beaurepaire, Édimbourg devint alors « incontestablement un pôle structurant de l’espace intellectuel européen et des débats qui l’animent5 ».

4Quelles furent les raisons qui incitèrent de plus en plus de voyageurs étrangers à s’aventurer en Écosse à la fin du xviiie siècle ? Leur séjour se limita-t-il à une visite dans la capitale ou les amena-t-il à explorer d’autres lieux ? Dans quelle mesure la culture d’origine des voyageurs influença-t-elle leur perception de cette nation du nord de l’Europe ? Autant de questions auxquelles cette étude va tenter de répondre en utilisant la narration de voyage de Luigi Angiolini parue en 1790. Il conviendra tout d’abord d’étudier la manière dont l’auteur percevait l’Écosse et ses habitants ainsi que les différents facteurs qui ont pu influencer son regard. Ceci permettra de constater que certaines observations et remarques dénotaient un point de vue typiquement italien. Toutefois, en comparant sa narration à celles de voyageurs contemporains venus de France et des autres régions de Grande-Bretagne, nous constaterons que leurs représentations de l’Écosse présentaient un certain nombre de similitudes et proposaient une vision relativement homogène de cette nation. La relation du voyageur italien s’inscrit en effet dans la tradition de la littérature apodémique qui, durant la seconde moitié du xviiie siècle, aida à affirmer le rôle de l’Écosse comme nouveau pôle culturel de l’Europe et contribua en partie à faire de cette nation une des destinations de prédilection des voyageurs européens à partir de 1815.

1. Luigi Angiolini et son voyage en Écosse

5Luigi Angiolini séjourna quelques semaines en Écosse au cours de l’été de l’année 1788. Il s’agissait en fait d’une étape s’inscrivant dans un plus long périple qui l’amena à visiter l’Espagne, le Portugal, l’Angleterre, l’Écosse, la Hollande et la France entre 1787 et 1789. Ce voyage marqua un tournant dans la vie d’Angiolini. Celui-ci naquit en mars 1750 à Seraverra, dans la province toscane de Lucques. Après des études dans les universités de Pise puis de Padoue, il embrassa une carrière littéraire et publia des articles sur des thèmes aussi divers que la finance, l’industrie, le commerce et l’art. Toutefois, dès ses débuts, il aspira à des fonctions diplomatiques auxquelles il accéda à partir de 1790, à la cour du grand-duc de Toscane, seulement quelques mois après son retour en Italie.

  • 6 Au cours des années 1780, plusieurs Italiens publièrent des récits inspirés de leurs voyages à trav (...)
  • 7 C. Maitte, « The European ‘Grand Tour’ of Italian Entrepreneurs », dans R. Sweet, G. Verhoeven et S (...)
  • 8 Cette anecdote est citée dans S. Stolf, « Espace géographique et espace culturel : le De Europa de (...)
  • 9 Cette œuvre peut être consultée en ligne sur <https://fr.wikipedia.org/wiki/Scènes_de_la_vie_de_Pie (...)
  • 10 J. Holloway et L. Errington, The Discovery of Scotland. The Appreciation of Scottish Scenery throug (...)

6Durant la seconde moitié du xviiie siècle, les Italiens furent nombreux à s’aventurer au-delà des frontières de leur pays d’origine, comme en atteste la multitude de publications de récits de voyage6. Plus rares furent ceux qui se rendirent en Écosse à cette période. Outre Angiolini, ce fut le cas de Marsilio Landriani, issu de la noblesse lombarde, dont le périple entre 1787 et 1788 a été retracé par l’historienne Corine Maitte7. Toutefois, déjà bien avant le xviiie siècle, l’Écosse avait attiré les Italiens. En 1435, le jeune Enea Silvio Piccolomini découvrit cette nation du Nord lors d’une mission diplomatique à la cour du roi Jacques Ier. Celui qui allait devenir le pape Pie II en 1458, avait eu l’occasion de visiter un grand nombre de pays européens et il partagea ses observations sur les différentes nations et les peuples qu’il avait pu rencontrer dans son ouvrage De Europa. Ses remarques sur l’Écosse se limitèrent à quelques lignes dans lesquelles il la présentait comme une terre de mystères et de légendes, puisqu’il avait entendu dire qu’il y poussait une variété d’arbres produisant des fruits qui, en tombant dans l’eau, se transformaient en oiseaux8. La courte description écrite est complétée par un épisode dans le cycle de fresques sur la vie de Pie II que l’on peut aujourd’hui encore admirer dans la bibliothèque du cardinal Piccolomini dans la cathédrale de Sienne9. En effet, la deuxième scène évoque la venue du jeune ambassadeur à la cour de Jacques Ier. L’arrière-plan présente un intérêt particulier puisque, d’une part, il s’agit de la première représentation picturale d’une vue écossaise comprenant des châteaux, des collines et une vaste étendue d’eau — au fil des siècles, ceux-ci allaient devenir des traits caractéristiques de la peinture de paysages écossais10 —, d’autre part, il reflète la manière dont le peintre Pinturicchio et ses compatriotes imaginaient l’Écosse. Si trois siècles et demi après le séjour de Piccolomini, les Italiens avaient une meilleure connaissance de cette nation, elle n’en restait pas moins encore une terre mal connue dont les légendes et les habitants suscitaient beaucoup de curiosité.

  • 11 La bataille de Falkirk vit la victoire des troupes du roi d’Angleterre Édouard Ier sur celles de Wi (...)

7Luigi Angiolini entra sur le territoire écossais par la voie terrestre, en arrivant du nord-ouest de l’Angleterre, nation dont il avait auparavant visité les villes principales. Le voyageur toscan commença sa découverte de l’Écosse en traversant le village de Gretna Green, connu en Grande-Bretagne pour célébrer un grand nombre de mariages de couples mineurs qui n’avaient pas le consentement parental et avaient fui l’Angleterre pour s’unir en toute légalité en Écosse. Il visita essentiellement les comtés du sud du pays avec deux étapes principales dans les villes de Glasgow et d’Édimbourg. Son itinéraire l’amena à se rendre en des lieux chargés d’histoire comme l’ancien bourg royal de Linlithgow et le site de Falkirk où avait eu lieu une célèbre bataille en juillet 129811. Dans les environs de Falkirk, il alla également à la Carron Company, usine qui comptait parmi les plus grands centres de production sidérurgique de Grande-Bretagne. Ce fut également la renommée de l’industrie du tissage qui l’amena à passer une journée à Paisley, située au sud-ouest de Glasgow. Son séjour ne se limitant qu’à quelques semaines, il n’eut qu’un bref aperçu des Hautes-Terres en se rendant sur les bords du Loch Lomond avant de regagner Glasgow en passant par Inveraray, Arrochar, Greenock et Port Glasgow.

  • 12 Selon Ettore Bonora, l’obtention d’un poste diplomatique ainsi que le succès très limité des deux p (...)

8À son retour en Italie, Angiolini partagea ses observations et sa vision de l’Écosse dans un ouvrage intitulé Lettere sopra l’Inghilterra Scozia e Olanda qui fut publié en deux volumes en 1790. Il avait initialement prévu de consacrer une partie à son séjour en Hollande, mais il semble avoir renoncé à ce projet, peut-être par manque de temps en raison de ses nouvelles fonctions diplomatiques12. Comme son titre l’indique, cet ouvrage se présente sous la forme de lettres qui ont chacune un intitulé indiquant soit une zone géographique (la douzième lettre s’intitule ainsi « Di Paisley, di Glasgow e di Carron »), soit un thème général : la quinzième lettre, par exemple, a pour titre : « Di certi Costumi dei Montanari della Scozia derivanti dagli antichi Sistemi Druidici ». Sur un total de vingt lettres, la moitié est consacrée à l’Écosse. Son récit était destiné à un correspondant qu’il ne nomme pas, un Italien resté au pays. Dès la première lettre, il indiqua clairement qu’il souhaitait aborder des aspects de la Grande-Bretagne qui, jusque-là, n’avaient pas ou peu retenu l’attention des auteurs de récit de voyage :

  • 13 L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 1, p. 4.

Poco vi parlerò forse di queste Fabbriche Pubbliche, di questi Monumenti delle Belle Arti, e del Materiale di Londra principalmente; con facilità vorrete scusarmene. Avete già vedute le stampe che si son fatte di tutto quello che riguarda la loro Architettura; tutti i Libri di Viaggi ne parlano, ne riparlano e si ripetono13.

  • 14 Ibid., p. 6.

9Ainsi qu’il l’expliqua dans ses propos liminaires, sa publication avait un double objectif puisque, d’une part, elle était destinée à l’aider à garder en mémoire ses remarques sur la société britannique et, d’autre part, à instruire et divertir son lecteur en lui faisant partager ses impressions qu’il assure livrer avec sincérité : « Le mie osservazioni saranno dunque come saranno, utili e curiose, sconnesse e stravaganti qualche volta; per altro sincere sempre e di buona fede14. » Quant à sa décision de se rendre jusqu’en Écosse, il précisa qu’elle était motivée par sa volonté d’observer et de comprendre les raisons pour lesquelles cette nation était parvenue à s’imposer en seulement quelques décennies comme une des plus prospères d’Europe :

  • 15 Ibid., vol. 2, p. 195.

Come sia avvenuta questa felice rivoluzione e per quale strano accidente gli Scozzesi già torpidi ed ignoranti, sempre per altro d’ingegno acuto e perspicace e di animo fermo e insistente come di cuore fiero e superbo, siansi rivoltati con tanta ansietà verso l’Agricoltura, le Arti e il Commercio sarà l’oggetto di tutte le mie osservazioni15.

2. L’Écosse de la fin du xviiie siècle d’un point de vue italien

  • 16 Les théories esthétiques du pittoresque et du sublime furent définies respectivement par William Gi (...)

10Les voyages d’Angiolini à travers la péninsule italienne et d’autres nations européennes, ainsi que ses convictions personnelles, influencèrent ses remarques et sa perception de l’Écosse. Sa vision de ce territoire montre aussi son attachement pour sa patrie d’origine puisque les références à l’Italie sont récurrentes et son récit parfois teinté d’italo-centrisme. Ses observations sur l’Écosse peuvent être classées en deux grandes catégories reflétant les principaux centres d’intérêt de l’auteur. L’une porte sur les Écossais, leurs traits de caractère et leurs coutumes, l’autre sur le développement rapide de la nation, tant d’un point de vue culturel qu’économique. Dans sa narration il n’accorde que très peu de place aux paysages, même si en cette fin de xviiie siècle, sous l’influence des théories esthétiques du pittoresque et du sublime, ils commençaient à retenir l’attention des voyageurs16. Si pour les touristes de la première moitié du xixe siècle la contemplation des terres sauvages de l’Écosse leur inspira rêverie et méditation, ce ne fut que très rarement le cas pour Angiolini. Lors de son passage dans les Hautes-Terres, il fut néanmoins saisi par la beauté du territoire et ses commentaires sur le Loch Lomond indiquent les prémices de la sensibilité romantique. En effet, à l’approche du village de Luss, il décrivit la vue sur le lac en ces termes :

  • 17 L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 232-233.

I Monti che circondano il Lago, in qualche parte son bassi in forma di Colline coperte di Alberi selvaggi ma di ogni specie; in qualche altra sono altissimi, tutti di nudo Scoglio con perpetua nebbia nella sommità, soggiorno di pioggia e di tempesta. Oh! se vedeste qual sommo ordine risulta, quale inimitabil armonia da quel disordine! […] Aumenti l’Industria in Scozia; lo vorrei io pure, ma il suo Genio, il suo interesse mi lasci star questo luogo tal qual egli è. Gli Uomini hanno anche bisogno di qualche grande oggetto unito e semplice che determini la calma della loro Anima […]. Non distratta allora e occupata tutta dal magico stupore che dà la magnificenza della materia, parte minima della universal creazione, può essa umiliarsi innanzi alla incomprensibilità del Supremo Essere che n’è l’Autore, e così tributare a questo con un estatico contemplativo silenzio l’omaggio più proporzionato che darle possa l’umana piccolezza17.

11Si au cours de son récit, il fit régulièrement des comparaisons avec son pays natal, il expliqua à son correspondant que pour le Loch Lomond, l’évocation des grands lacs du nord de l’Italie ne pouvait pas l’aider à imaginer la vue, tant ce lieu était unique :

  • 18 Ibid., p. 231.

Non potrete averne idea […]; per averla bisogna venire in Scozia e vederla; non basta per immaginarla il conoscere il Lago di Garda, nè quel di Como; nemmeno il Lago maggiore, benchè più semplice di quelli e più naturale, ma non quanto questo18.

  • 19 Le récit d’Angiolini s’inscrit en fait dans la lignée des publications des voyageurs européens. En  (...)
  • 20 L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 366-374.

12Toutefois, la description du Loch Lomond fait figure d’exception. Si Angiolini s’attardait sur le paysage, c’était le plus souvent pour constater à quel point le progrès, notamment sous la forme du développement du réseau routier et de la modernisation des techniques agricoles, profitait à la nation écossaise, au point d’embellir le territoire. Bien plus que les paysages naturels, ce furent les zones urbaines qui l’intéressèrent19. À Glasgow, comme à Édimbourg, il constata que les retombées de l’essor économique avaient largement contribué au développement architectural des deux villes. De telles remarques s’inscrivaient dans l’air du temps puisque la notion de progrès était particulièrement chère aux penseurs et scientifiques des Lumières. Elles reflétaient aussi les convictions personnelles d’Angiolini qui, tout au long de son récit, fit l’apologie du progrès. D’après lui, si en l’espace de moins d’un siècle l’Écosse s’était imposée comme une des nations les plus développées d’un point de vue économique en Europe, cela était indéniablement lié à sa décision de s’unir politiquement à l’Angleterre en 170720. Selon Angiolini, le système politique garantissait au peuple britannique une liberté civile bien plus grande que celle dont jouissaient les populations vivant sous des régimes absolutistes et ceci ne pouvait que s’avérer bénéfique pour la Grande-Bretagne. En effet, il estimait que lorsque les hommes étaient libres de rechercher leur intérêt personnel, ils ne pouvaient que contribuer à l’intérêt général. C’est ainsi que lors de sa visite à Paisley, il souligna à quel point les retombées de l’essor de l’industrie textile avaient été positives pour l’ensemble de la communauté du village. En effet, dans sa douzième lettre, qui n’est pas sans rappeler les idées du penseur écossais Adam Smith, il écrivit :

  • 21 Ibid., p. 209-210.

Quest’ordine è effetto tutto dell’occupazione e più della libertà, combinate con l’interesse respettivo e da lui regolate, di quelli che lavorano e di quelli che fan lavorare. Quest’interesse sostenuto dal bisogno reciproco non dalla forza delle leggi, fece fare i primi passi; il vantaggio comune gli estese e gli confermò, l’esempio ne stabilì in seguito l’abitudine; quindi uno che volesse adesso interromperla, nol potrebbe forse. L’ordine che viene dall’autorità, dai precetti è sempre forzato e precario; egli è nojoso nel principio, nel fine insopportabile, incerto sempre e mancante, in que luoghi in specie in cui gli Uomini han tutta la lor fortuna nelle mani21.

13Toutefois, à l’aide d’une métaphore comparant l’Angleterre à une femme de quarante ans, dans la force de l’âge, et l’Écosse à une jeune fille qui n’a pas encore atteint l’âge de la puberté, Angiolini rappela que d’un point de vue économique et social, les deux nations n’étaient pas au même stade de développement. Il nota également que si l’Angleterre et l’Écosse étaient parvenues à surmonter leur antagonisme ancestral pour s’unir, elles n’en restaient pas moins très différentes :

  • 22 Ibid., p. 390.

La Scozia e l’Inghilterra hanno la stessa Costituzione, e formano al giorno d’oggi realmente un solo Paese cogli stessi beni, cogli stessi mali, ma sono ancora con tutto ciò in forma marcata da non potersi ingannare, due differenti Nazioni. Le loro maniere, i loro costumi, il lor carattere, fin la stessa loro fisonomìa segnano direi quasi una traccia visibile che le distingue22.

  • 23 Ibid., p. 236.
  • 24 Ibid., p. 192.
  • 25 Ibid., p. 274.
  • 26 Ibid., p. 217.
  • 27 Selon Angiolini, les Britanniques auraient copié les machines italiennes : « Non vi dirò altro di l (...)
  • 28 L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 331-334.
  • 29 Angiolini écrivit à propos de cet épisode : « Quel che dovete saper voi è che produsse in tutte que (...)

14En Écosse, il nota aussi les différences de mœurs et de coutumes entre les habitants des comtés du Nord, qui parlaient le gaélique et vivaient selon des traditions ancestrales, et ceux du Sud, dont le mode de vie avait considérablement évolué depuis que l’industrie et l’agriculture avaient commencé à se développer. La tenue vestimentaire ainsi que la langue gaélique furent deux aspects qui retinrent particulièrement son attention, car il s’agissait de caractéristiques propres à la nation écossaise. Afin d’aider son correspondant à s’en faire une meilleure idée, il précisa que la sonorité du gaélique lui fit penser au grec23, tandis que la vue du plaid en tartan des habitants des zones rurales ne fut pas sans lui rappeler la toge qu’avaient portée ses ancêtres à l’époque de la Rome antique24. Tout au long de sa narration, Angiolini eut fréquemment recours à ce type de comparaisons ou fit des références à son pays d’origine. C’est ainsi qu’il évoqua les propos de César et de Tacite sur la civilisation celte lorsqu’il décrivit le mode de vie des habitants des Hautes-Terres25. De même, il indiqua à son correspondant que, lors de sa visite à la fonderie de la Carron Company, il put observer un type de canons semblables à ceux qu’il avait pu voir à Naples26 ; à Paisley, il constata que les machines à tisser étaient clairement inspirées de celles utilisées à Vicence27. Pendant son séjour à Édimbourg, il eut l’occasion de côtoyer quelques-uns des plus éminents professeurs de l’université et il démontra à son correspondant que le système universitaire écossais présentait bien plus de similitudes avec celui de l’Italie que celui de l’Angleterre28. Dans ces exemples, les comparaisons avaient pour objectif d’aider le lecteur à mieux imaginer ce à quoi l’Écosse pouvait ressembler et ainsi s’en faire une représentation plus précise. Parfois elles témoignèrent aussi de l’attachement profond de l’auteur à son pays natal, comme ce fut le cas à l’occasion de son passage à Luss, où après avoir demandé à des habitants des Hautes-Terres de lui parler en gaélique, il leur parla en italien, en retour. Le voyageur nota que les Écossais, qui ne comprenaient pas l’italien et qui n’avaient jamais eu l’opportunité de l’entendre parler, furent comme enchantés par ses paroles29. Il conclut cet épisode de son récit en écrivant avec une pointe de fierté patriotique :

  • 30 Ibid., p. 240.

Confesso che ne fui […] lusingato in questa occasione, perchè mi serviva di prova della impressione piacevole che fatta aveva la lingua del bel Paese là dove il sì suona; e que sta impressione era naturale sicuramente e imparziale: il loro giudizio è anche competente perchè gli Abitanti della Scozia hanno la riputazion di avere ed hanno in fatti, come dimostrano le lor canzoni e la lor maniera di cantarle, un gusto vero musicale, ed un orecchio tanto fino ed armonico quanto quello che nessuno contrasta a noi in Italia30.

15Ses propos allèrent parfois au-delà de l’expression du patriotisme puisqu’ils furent occasionnellement teintés d’italo-centrisme. Ainsi, un tel sentiment est manifeste dans le passage où il évoque un de ses échanges avec le professeur William Robertson et au cours duquel celui-ci lui fit part de son regret de n’avoir jamais visité l’Italie :

  • 31 Ibid., p. 352-353.

[Robertson:] So quel che foste, ma so ancor quel che siete, e quello che potete essere […] aggiunse con enfasi, sull’onor mio son persuaso che vi è più spirito in Italia che in tutto il resto insieme di Europa –.
[Angiolini:] Forse pochi Oltramontani pensan diversamente; certo è che pochi il confessano.In fatti poco o punto si parla di quà dalle Alpi della nostra Letteratura: si usurpan per altro e spesso le nostre idee; si copian fino non senza Iimpudenza le Opere nostre che si danno e si passan come nuove, come loro; […] sarebbe giustizia il conoscer tanti che noi abbiamo che pur contribuiscono non senza effette al progresso delle Scienze e della Letteratura31.

16Son attachement à sa patrie d’origine, ses voyages et ses convictions personnelles ne furent néanmoins pas les seuls facteurs à influencer sa perception de l’Écosse. En effet, si l’on compare la narration d’Angiolini aux autres écrits des voyageurs étrangers contemporains, on constate que sa représentation de l’Écosse présentait des affinités avec celle proposée par les écrits des Français et des Britanniques et dénotait ainsi des influences culturelles communes aux Européens.

3. L’Écosse dans la littérature apodémique de la seconde moitié du xviiie siècle ou l’émergence d’un nouveau pôle culturel de l’Europe

  • 32 M. Mazé, L’invention de l’Écosse, ouvr. cité, p. 121-122.
  • 33 Selon Sweet, Verhoeven et Goldsmith : « Over the course of the eighteenth century, Italy was increa (...)
  • 34 Ainsi que l’a souligné Philippe Laplace, les poèmes de Macpherson influencèrent profondément plusie (...)
  • 35 L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 266-269. Le nom du poète Ossian est mentionné de mani (...)
  • 36 À titre d’exemple, Charles Baert-Duholant a consacré quelques pages à la controverse sur l’authenti (...)
  • 37 Angiolini a notamment recours au vocabulaire du sublime et du pittoresque dans sa description du Lo (...)
  • 38 Il convient toutefois de noter que la narration de Samuel Johnson se démarqua de celle des autres v (...)

17La littérature apodémique fut particulièrement prisée au xviiie siècle et l’influence de ce genre, ainsi que le nombre d’ouvrages dédiés à l’Écosse, aidèrent non seulement à mieux la faire connaître, mais aussi à affirmer sa place en tant que pôle économique et intellectuel émergeant en Europe. Après l’écrasement du dernier soulèvement jacobite en 1745-1746, cette nation commença à susciter une grande curiosité et, à partir des années 1770, à attirer un nombre croissant de visiteurs. Dans son ouvrage retraçant le développement du tourisme dans les Hautes-Terres entre 1770 et 1850, Mathieu Mazé a montré que l’accroissement du nombre de voyageurs britanniques fut étroitement lié au développement du réseau routier dans des comtés qui, jusque-là, étaient restés difficilement accessibles. Ceci fut également dû à l’amélioration de la qualité des routes qui réduisit considérablement la pénibilité du voyage. De plus, l’émergence d’un nouveau régime de sensibilité éveilla un vif intérêt pour les paysages sauvages et montagneux du nord et de l’ouest du territoire32. D’autres motifs poussèrent également les voyageurs originaires de l’Europe continentale sur les chemins de l’Écosse. Par exemple, Sweet, Verhoeven et Goldsmith ont rappelé que ceux qui s’aventurèrent dans le nord de l’Europe étaient en quête d’une tout autre expérience que celle recherchée par ceux qui allèrent en Italie. Le voyage des premiers fut motivé par leur volonté d’observer et de comprendre les raisons du dynamisme économique et intellectuel des nations du Nord, tandis que les seconds eurent pour objectif d’étudier les vestiges de la civilisation romaine33. L’Écosse était dotée d’un attrait supplémentaire depuis la publication des poèmes épiques d’Ossian par James Macpherson au début des années 1760. Réputées d’origine antique, ces œuvres suscitèrent un véritable engouement en Europe et furent à l’origine d’une controverse qui divisa l’opinion de l’élite culturelle. Après avoir remporté un franc succès en Grande-Bretagne, les poèmes de Macpherson furent rapidement traduits en plusieurs langues et ce fut Melchiorre Cesarotti, ami d’Angiolini, qui fut le premier à les traduire en italien en 1763 sous le titre de Poesie di Ossian, antico poeta celtico ; il en publia deux autres éditions en 1772 et en 180034. Il n’est donc pas surprenant de trouver plusieurs références aux poèmes de Macpherson dans le récit d’Angiolini qui, pour sa part, ne douta pas de l’origine antique des poèmes ainsi qu’il le précisa dans sa quatorzième lettre35. Les allusions au barde écossais se retrouvent aussi dans la plupart des narrations sur l’Écosse publiées par des Britanniques et des Français après 1760 et témoignent ainsi de la mode ossianique en Europe36. Il ne s’agit néanmoins pas de la seule référence culturelle partagée, bien au contraire, puisqu’on trouve souvent des allusions aux théories esthétiques du sublime et du pittoresque, qui influencèrent le regard des voyageurs et leurs descriptions des paysages écossais37. De même, leurs propos sur les habitants des Hautes-Terres, les présentant comme des êtres courageux, loyaux et honnêtes qui vivaient dans le respect des traditions ancestrales, évoquent le mythe du bon sauvage, cher aux penseurs des Lumières. Ce fut donc en partie en raison de ces références culturelles communes aux Européens de la seconde moitié du xviiie siècle que les représentations de l’Écosse dans les récits d’Angiolini et des voyageurs français et britanniques présentèrent une certaine uniformité38.

  • 39 Le professeur Levi a écrit : « There is no doubt that it was he [Pennant], rather than Johnson, who (...)
  • 40 Barthélémy Faujas de Saint-Fond, « catalogue de la bibliothèque de M. Faujas de St-Fond, administra (...)
  • 41 Le nom de Pennant est cité à plusieurs reprises dans le récit de voyage de Faujas de Saint-Fond. Vo (...)
  • 42 Pour des références à Pennant, voir, par exemple, C. Baert-Duholant, Tableau, vol. 1, ouvr. cité, p (...)

18Cette impression fut d’autant plus renforcée que, bien souvent, les auteurs s’inspirèrent des publications de ceux qui avaient déjà effectué le voyage. En effet, ils se nourrirent de l’expérience de leurs prédécesseurs non seulement pour planifier leur périple, mais aussi pour rédiger leur propre narration, comme en témoignent les nombreuses références intertextuelles renvoyant aux écrits d’autres voyageurs. Durant la seconde moitié du xviiie siècle, il est vrai que le nombre de publications consacrées à l’Écosse augmenta considérablement. Dans la plupart des cas, les auteurs n’hésitèrent pas à renvoyer explicitement leurs lecteurs vers d’autres narrations de voyage en Écosse. La plupart de ces ouvrages fut rédigée par des Britanniques et, parmi les plus populaires, il convient de citer A Journey to the Western Islands of Scotland (1775), dans lequel Samuel Johnson retraça son périple réalisé en 1773 en compagnie de l’écrivain écossais James Boswell et les deux ouvrages du naturaliste et voyageur gallois Thomas Pennant, A Tour in Scotland, 1769 (1771) et A Tour in Scotland and Voyage to the Hebrides 1772 (1774). Les récits de Pennant exercèrent une influence profonde sur les voyageurs de la fin du xviiie siècle ; selon le professeur Peter Levi ce fut même grâce à cet auteur que les Anglais découvrirent l’Écosse et le pays de Galles et commencèrent à s’aventurer aux confins de la Grande-Bretagne39. Sa notoriété alla au-delà des frontières britanniques puisque l’inventaire de la bibliothèque de Barthélémy Faujas de Saint-Fond, qui visita l’Écosse en 1784, comprenait un exemplaire du deuxième ouvrage de Pennant40. Le voyageur drômois évoqua fréquemment l’auteur gallois et cita même un extrait de A Tour in Scotland and Voyage to the Hebrides 1772 ; il fit également plusieurs références à Samuel Johnson41. Il ne fut toutefois pas le seul Français à évoquer les deux écrivains britanniques, car on les retrouve aussi dans Tableau de la Grande-Bretagne, de l’Irlande, et possessions angloises dans les quatre parties du monde (1799) de Charles Baert-Duholant42. Quant à lui, Angiolini ne fit aucune référence à un auteur ou à un ouvrage précis mais, dans la première lettre, ses propos au sujet des aspects de la société britannique qu’il souhaitait décrire indiquent qu’il avait dû lire des récits de voyage avant son départ et qu’il estimait que son correspondant en avait fait de même. Outre les références intertextuelles, le caractère répétitif des itinéraires renforça l’impression que les récits de voyage offraient une vision relativement uniforme de l’Écosse.

  • 43 Sur les trois itinéraires, voir M. Mazé, L’invention de l’Écosse, ouvr. cité, p. 121-152.
  • 44 Cité dans M. Mazé, L’invention de l’Écosse, ouvr. cité, p. 134. John Knox, natif du sud de l’Écosse (...)

19Selon Mathieu Mazé, durant le dernier quart du xviiie siècle, il existait trois types de circuits43. Le plus courant, appelé « le Petit Tour d’Écosse », pour reprendre une expression de John Knox44, passait par Glasgow, le Loch Lomond et Inveraray, en plus d’une visite à Édimbourg et à Stirling. Le « Grand Tour » comprenait Inverness, et les Hébrides intérieures, dont l’île de Skye, Mull, Iona et Staffa tandis que le troisième parcours incluait une visite à Inverness, au Loch Ness, puis continuait soit vers l’ouest pour visiter Mull, Iona et Staffa, soit repartait vers le sud en passant par Inveraray et le Loch Lomond. N’ayant fait qu’une incursion limitée sur le territoire écossais, le récit d’Angiolini présenta ainsi des lieux décrits dans la plupart des relations de voyage publiées à la fin du xviiie siècle et fit bien souvent des remarques comparables à celles des autres voyageurs. À Édimbourg, il souligna notamment la beauté de la nouvelle ville qui contrastait avec l’architecture de la vieille ville médiévale :

  • 45 L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 317.

Le Case vi sono altissime a sei e sette piani, bassi più e meno, con finestre piccole e mal ridotte, di fronte assai angusta, e che termina in angolo acuto. Tutto questo è nella Città vecchia. Non sapevo che ve ne fosse una nuova dalla parte del Nord che non so se ho da dir distaccata o unita a lei, e che fosse questa che dà a Edimburgo la celebrità di eleganza in Europa, che merita veramente, perchè questa presenta un incantesimo quando comincia a scoprirsi45.

  • 46 Faujas de Saint-Fond écrivit à ce sujet : « Le château fort qui domine la [vieille] ville est bâti (...)
  • 47 De tous les intellectuels écossais qu’il rencontra, Angiolini fut le plus impressionné par Adam Smi (...)

20De telles remarques se retrouvent, entre autres, dans le récit de Faujas de Saint-Fond, de Chantreau et de Pennant qui relevèrent le contraste architectural entre les deux quartiers de la capitale écossaise46. Les voyageurs de la fin du siècle ne se contentèrent pas seulement de décrire les mêmes lieux, puisqu’ils ne manquèrent pas d’évoquer leurs rencontres avec des intellectuels écossais qui jouissaient alors d’une grande renommée en Europe. C’est ainsi qu’Angiolini consacra une lettre à partager ses impressions sur quelques-uns des plus éminents professeurs de l’université d’Édimbourg qu’il avait eu l’occasion de côtoyer. Il s’agissait d’un temps fort de son séjour et, comme lui, bien des voyageurs venaient spécialement dans cette ville dans le but de faire leur connaissance. Le récit d’Angiolini brossa les portraits de William Robertson, Hugh Blair et Adam Smith, personnages figurant dans la plupart des écrits de voyage47. Tous les voyageurs s’accordèrent pour confirmer le rayonnement culturel de la capitale écossaise et, avec leurs publications, ils confortèrent la renommée d’Édimbourg en tant qu’un des principaux pôles intellectuels de l’Europe. Ensemble, ces écrits aidèrent également à diffuser à travers l’Europe l’identité écossaise telle qu’elle avait été construite par les intellectuels et les hommes de lettres écossais de la seconde moitié du xviiie siècle. Celle-ci présentait la nation comme une terre alliant modernité et traditions.

  • 48 Il s’agit de l’édition par Guido di Pino ; plus récemment, en 1990, l’ouvrage d’Angiolini a été à n (...)

21En guise de conclusion, Lettere sopra l’Inghilterra Scozia e Olanda de Luigi Angiolini n’a vraisemblablement pas remporté un franc succès lors de sa publication puisque la partie sur la Hollande ne semble pas avoir été écrite et il n’y eut pas de réédition de cet ouvrage avant 194448.

22Toutefois, ce récit n’en présente pas moins des intérêts multiples, car peu de voyageurs italiens s’aventurèrent en Écosse durant la seconde moitié du xviiie siècle et il semblerait que, dans la littérature apodémique de cette époque, cela soit aussi la seule narration à présenter l’Écosse d’un point de vue italien.

23Au moment même où un nombre croissant de voyageurs visitaient ce territoire du nord de la Grande-Bretagne, le périple d’Angiolini illustrait l’intérêt grandissant des Européens pour cette nation qui jusque-là, en raison de son éloignement géographique et de sa relative pauvreté, n’avait guère eu d’attrait. Les récits de voyage du xviiie siècle permirent ainsi de mieux faire connaître l’Écosse à travers l’Europe et constituèrent une aide précieuse pour ceux qui envisageaient d’y effectuer un séjour. Même si les ouvrages d’Angiolini, des Français et du Gallois Thomas Pennant témoignèrent de centres d’intérêts différents et furent empreints de l’influence de la culture de leur pays d’origine, il n’en ressort pas moins qu’ensemble ces narrations de voyage proposèrent une vision relativement homogène de l’Écosse, la présentant comme une terre alliant modernité et traditions ; ils rappelèrent aussi qu’elle avait su s’affirmer comme une nation bien distincte au sein de la Grande-Bretagne.

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Bibliographie

Récits de voyage en Écosse publiés aux xviiie et xixe siècles

Angiolini Luigi, Lettere sopra l’Inghilterra Scozia e Olanda, 2 vol., Florence, Pietro Allegrini, 1790.

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Chantreau Pierre-Nicolas, Voyage dans les trois royaumes d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande fait en 1788 et 1789, 3 vol., Paris, Briand, 1792.

Faujas de Saint-Fond Barthélémy, Voyage en Angleterre, en Écosse et aux Hébrides, 2 vol., Paris, H. J. Jansen, 1797.

Johnson Samuel et Boswell James, A Journey to the Western Islands of Scotland and The Journal of a Tour to the Hebrides, Londres, Penguin Books, 1984.

Pennant Thomas, A Tour in Scotland, 1769, Londres, 1772 [1771].

Pennant Thomas, A Tour in Scotland and Voyage to the Hebrides 1772, 2 vol., Londres, 1776 [1774].

 
Publications relatives aux voyages au xviiie siècle, à la littérature apodémique et à l’Écosse des Lumières

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Notes

1 En effet, avant le début du xixe siècle, le mécénat fut limité en Écosse et peu de peintres s’y établirent. Ainsi, les jeunes aspirant à une carrière artistique étaient généralement formés par des artisans, comme les orfèvres. À Édimbourg, ils pouvaient également suivre des cours à la Trustees’ Academy, centre de formation destiné aux futurs ouvriers de l’industrie textile qui fut ouvert en 1760. Pour la plupart, tout au long du xviiie siècle, les peintres furent formés à Londres, dans l’atelier d’un peintre ou, dès 1768, à la Royal Academy. Un grand nombre décida aussi d’entreprendre un voyage en Italie dans le but de terminer leur formation artistique. Sur la formation des peintres écossais en Italie, voir M. Amblard, « The Scottish Painters’ Exile in Italy in the Eighteenth Century », Études écossaises, no 13, 2010, p. 59-77, article disponible en ligne sur <https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/etudesecossaises.219>.

2 Ainsi que l’a rappelé l’historien Jean Boutier, entre le xvie siècle et le xviiie siècle, « le Grand Tour s’affirme comme une institution centrale dans l’Europe d’Ancien Régime » (J. Boutier, « Le Grand Tour : une pratique d’éducation des noblesses européennes (xvie-xviiie siècles) », Cahiers de l’Association des historiens modernistes des universités, no 27, 2004, p. 4, disponible en ligne sur <https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00006836>).

3 Selon le professeur Gilles Bertrand, entre le xvie siècle et le xviiie siècle, en plus du Grand Tour, il existait différents types de voyage : « Si cette pratique de voyage [le Grand Tour] des élites en formation devint, dès les années 1530, une référence intellectuelle, sociale, esthétique, politique et morale, l’Europe n’en a pas moins connu de nombreuses autres sortes de voyages, du pèlerin, au marchand et à l’érudit ou l’homme de science, sans oublier l’impact qu’eurent sur le continent les voyages des missionnaires, des explorateurs, des marins et des soldats. » (G. Bertrand, « La place du voyage dans les sociétés européennes (xvie-xviiie siècle) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, t. 121, no 3, 2014, p. 7, disponible en ligne sur <https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/abpo.2834>.)

4 R. Sweet, G. Verhoeven et S. Goldsmith, « Introduction », dans R. Sweet, G. Verhoeven et S. Goldsmith (dir.), Beyond the Grand Tour. Northern Metropolises and Early Modern Travel Behaviour, Londres / New York, Routledge, 2017, p. 1-24.

5 P.-Y. Beaurepaire, L’Europe des Lumières, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que-sais je ? », 2e éd., 2013 [2004], p. 8. Sur le rayonnement culturel d’Édimbourg, voir M. Pittock, Enlightenment in a Smart City, Edinburgh’s Civic Development, 1660–1750, Édimbourg, Edinburgh University Press, 2019.

6 Au cours des années 1780, plusieurs Italiens publièrent des récits inspirés de leurs voyages à travers le continent européen. Parmi eux, le poète Aurelio de’ Giorgi Bertola composa Viaggio sul Reno e ne’ suoi contorni paru en 1795. Ippolito Pindemónte publia en 1790 Abaritte, roman autobiographique après avoir visité la Suisse, la France, l’Angleterre, la Belgique, la Hollande, l’Allemagne et l’Autriche. Carlo Castone della Torre di Rezzonico, qui séjourna en Angleterre, en Hollande et Allemagne en 1788, rédigea un journal de voyage sur sa visite en Angleterre qui fut publié après sa mort sous le titre de Giornale del viaggio in Inghilterra negli anni 1787-1788.

7 C. Maitte, « The European ‘Grand Tour’ of Italian Entrepreneurs », dans R. Sweet, G. Verhoeven et S. Goldsmith (dir.), Beyond the Grand Tour, ouvr. cité, p. 161-182.

8 Cette anecdote est citée dans S. Stolf, « Espace géographique et espace culturel : le De Europa de Enea Silvio Piccolomini », Camenae, no 14, 2012, p. 10, article disponible en ligne sur <http://saprat.ephe.sorbonne.fr/media/[…]/camenae-14-2.pdf>.

9 Cette œuvre peut être consultée en ligne sur <https://fr.wikipedia.org/wiki/Scènes_de_la_vie_de_Pie_II#/media/Fichier:Pintoricchio_003.jpg>.

10 J. Holloway et L. Errington, The Discovery of Scotland. The Appreciation of Scottish Scenery through Two Centuries of Painting, Édimbourg, National Gallery of Scotland, 1978, p. 1.

11 La bataille de Falkirk vit la victoire des troupes du roi d’Angleterre Édouard Ier sur celles de William Wallace. Ce fut un épisode douloureux dans l’histoire de l’Écosse qui avait d’autant plus d’écho au xviiie siècle que les jacobites remportèrent en janvier 1746 à Falkirk une victoire sur les troupes du roi d’Angleterre et d’Écosse, avant d’être écrasés trois mois plus tard à Culloden.

12 Selon Ettore Bonora, l’obtention d’un poste diplomatique ainsi que le succès très limité des deux premiers volumes ont probablement incité Angiolini à renoncer à la publication de son récit de voyage en Hollande. Cf. E. Bonora, « Angiolini, Luigi », Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 3, 1961. Cette entrée du dictionnaire est disponible en ligne sur <www.treccani.it/enciclopedia/luigi-angiolini_(Dizionario-Biografico)/>. Après avoir visité l’Angleterre puis l’Écosse, Angiolini se rendit en Hollande et en France avant de retourner en Toscane. Toutefois, même si le nom de la Hollande figure dans le titre de l’ouvrage d’Angiolini, ce pays n’est mentionné qu’à trois reprises dans les deux volumes. Pour les références sur la Hollande, voir : L. Angiolini, Lettere sopra l’Inghilterra Scozia e Olanda, vol. 1, Florence, Pietro Allegrini, 1790, p. 277 et vol. 2, p. 183, 218.

13 L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 1, p. 4.

14 Ibid., p. 6.

15 Ibid., vol. 2, p. 195.

16 Les théories esthétiques du pittoresque et du sublime furent définies respectivement par William Gilpin dans son An Essay on Prints: Containing Remarks upon the Principles of Picturesque Beauty (1768) et par Edmund Burke avec sa publication intitulée A Philosophical Enquiry into the Origin of Our Ideas of the Sublime and Beautiful (1757).

17 L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 232-233.

18 Ibid., p. 231.

19 Le récit d’Angiolini s’inscrit en fait dans la lignée des publications des voyageurs européens. En effet, depuis le xvie siècle, au moins, les voyageurs privilégiaient les villes dans leurs descriptions. Fidèles au schéma des chorographies antiques, ils mettaient l’accent sur le monde des villes, c’est-à-dire celui de la civilisation (civis/civitas) par rapport à celui des populations rurales (les pagani). Ce fut véritablement à partir du début du xixe siècle que les écrits de voyage en Écosse décrivirent plus longuement les paysages sauvages des comtés du Nord plutôt que les villes des Basses-Terres. Sur les raisons de cette évolution, voir l’ouvrage de M. Mazé, L’invention de l’Écosse. Premiers touristes dans les Highlands, Paris, Vendémiaire, 2017.

20 L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 366-374.

21 Ibid., p. 209-210.

22 Ibid., p. 390.

23 Ibid., p. 236.

24 Ibid., p. 192.

25 Ibid., p. 274.

26 Ibid., p. 217.

27 Selon Angiolini, les Britanniques auraient copié les machines italiennes : « Non vi dirò altro di lei se non che essa è costruita con gli stessi principi e produce gli stessi effetti che quella per il lavoro della Seta, d’invenzione nostra, copiata come so con certezza, dagl’ Inglesi e che voi potete aver veduta in Vicenza e altrove. » (L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 200.)

28 L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 331-334.

29 Angiolini écrivit à propos de cet épisode : « Quel che dovete saper voi è che produsse in tutte quelle persone un effetto che non aspettavo: fissate immobilmente sopra di me in aria d’incanto, non vedevo in loro altro moto che quello della fisonomia che prendeva a tempo il carattere delle mie voci. » (L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 237.)

30 Ibid., p. 240.

31 Ibid., p. 352-353.

32 M. Mazé, L’invention de l’Écosse, ouvr. cité, p. 121-122.

33 Selon Sweet, Verhoeven et Goldsmith : « Over the course of the eighteenth century, Italy was increasingly associated with the past: a vision of former glory and faded magnificence, still to be admired, but not to be emulated. Commercial expansion, industrial growth and intellectual Enlightenment was taking place further across the Alps in the cities of northern France, the Low Countries and in Britain. […] as northern Europe increasingly asserted both political and economic dominance, the attraction and the novelty of the cities of the northern tour was similarly enhanced. The appeal of Italy had always been constructed around its antiquities; modernity followed a different itinerary. » (R. Sweet, G. Verhoeven et S. Goldsmith, « Introduction », dans Id., Beyond the Grand Tour, ouvr. cité, p. 12.)

34 Ainsi que l’a souligné Philippe Laplace, les poèmes de Macpherson influencèrent profondément plusieurs écrivains italiens de la seconde moitié du xviiie siècle. Cf. P. Laplace, « The Shadow of Ossian in Ugo Foscolo’s and Vincenzo Monti’s works », dans G. Leydier (dir.), Scotland and Europe, Scotland in Europe, Newcastle, Cambridge Scholars Publishing, 2007, p. 69-79.

35 L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 266-269. Le nom du poète Ossian est mentionné de manière récurrente dans le deuxième volume du récit d’Angiolini : voir, entre autres, p. 233, 241, 266, 267, 268, 301, 302 et 304.

36 À titre d’exemple, Charles Baert-Duholant a consacré quelques pages à la controverse sur l’authenticité des poèmes dans le premier volume de Tableau de la Grande-Bretagne, de l’Irlande, et possessions angloises dans les quatre parties du monde, Paris, H. J. Jansen, 1800, p. 163-166. Pierre-Nicolas Chantreau en fit de même dans son Voyage dans les trois royaumes d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande, fait en 1788 et 1789, vol. 3, Paris, Briand, 1792, p. 87-89. La question de l’authenticité des poèmes est également abordée dans le récit de Johnson : S. Johnson et J. Boswell, A Journey to the Western Islands of Scotland and The Journal of a Tour to the Hebrides, Londres, Penguin Books, 1984, p. 116-119.

37 Angiolini a notamment recours au vocabulaire du sublime et du pittoresque dans sa description du Loch Lomond (L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 230-231).

38 Il convient toutefois de noter que la narration de Samuel Johnson se démarqua de celle des autres voyageurs contemporains puisqu’il proposa une représentation partiale de l’Écosse, empreinte de préjugés négatifs envers les Écossais. Ainsi que l’a souligné Florence Gaillet-de-Chezelles, même si l’ouvrage de Johnson remporta un franc succès, son récit ne fit pas l’unanimité : « Si son voyage poussa Johnson à revoir ses idées préconçues sur l’Écosse, le portrait qu’il en fit se révèle néanmoins sombre et peu flatteur. […] Or cette peinture partiale de l’Écosse — où la stérilité des paysages et l’indigence et l’ignorance des habitants du nord et des îles ne sont pas contrebalancées par la fécondité des savants et des penseurs des Lumières écossaises — avait toutes les chances de s’inscrire durablement dans les esprits car la renommée intellectuelle du Docteur Johnson, véritable arbitre de la britannité, garantissait un large public à son ouvrage. Il n’est guère étonnant, dès lors, que la publication de son Voyage ait suscité de vives critiques de la part de nombreux Écossais, mais aussi de voyageurs anglais offusqués de l’image trompeuse ainsi colportée. » (F. Gaillet-de-Chezelles, « Entre traditions, influences et originalité, les Souvenirs d’un voyage en Écosse en l’an 1803 de Dorothy Wordsworth », dans N. Bourguignat (dir.), Voyageuses dans l’Europe des confins, xviiie-xxe siècles, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2014, p. 39.)

39 Le professeur Levi a écrit : « There is no doubt that it was he [Pennant], rather than Johnson, who first revealed Scotland to the English, and Wales as well. » (P. Levy, « Introduction », dans S. Johnson et J. Boswell, A Journey to the Western Islands of Scotland, ouvr. cité, p. 14.)

40 Barthélémy Faujas de Saint-Fond, « catalogue de la bibliothèque de M. Faujas de St-Fond, administrateur du Jardin du Roi, auteur de plusieurs ouvrages d’histoire naturelle. Ce volume est en partie écrit de la main de M. Faujas de St-Fond », MS 175, f. 112, médiathèque publique et universitaire, Valence.

41 Le nom de Pennant est cité à plusieurs reprises dans le récit de voyage de Faujas de Saint-Fond. Voir B. Faujas de Saint-Fond, Voyage en Angleterre, en Écosse et aux Hébrides, vol. 1, Paris, H. J. Jansen, 1797, p. 262, 355, 356, 367 ; B. Faujas de Saint-Fond, vol. 2, ouvr. cité, p. 32, 48, 65, 67.
Pour la citation tirée de l’ouvrage de Pennant, voir B. Faujas de Saint-Fond, vol. 1, ouvr. cité, p. 355-356. Le nom de Samuel Johnson apparaît à plusieurs reprises dans les deux volumes de Faujas de Saint-Fond : B. Faujas de Saint-Fond, vol. 1, ouvr. cité, p. 341, 367, 373, 374 ; vol. 2, p. 20, 233, 238, 283, 284.

42 Pour des références à Pennant, voir, par exemple, C. Baert-Duholant, Tableau, vol. 1, ouvr. cité, p. 153, 154, 159, 161, 162 ; pour des références à Johnson, voir C. Baert-Duholant, Tableau, vol. 1, ouvr. cité, p. 149, 161, 163, 166, 168.

43 Sur les trois itinéraires, voir M. Mazé, L’invention de l’Écosse, ouvr. cité, p. 121-152.

44 Cité dans M. Mazé, L’invention de l’Écosse, ouvr. cité, p. 134. John Knox, natif du sud de l’Écosse, fut l’auteur du récit de voyage A Tour through the Highlands of Scotland and the Hebride Isles in MDCCLXXXVI (1787).

45 L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 317.

46 Faujas de Saint-Fond écrivit à ce sujet : « Le château fort qui domine la [vieille] ville est bâti sur une colline qui n’est formée que de lave compacte de la nature du basalte ; la couleur noire de cette lave, l’aspect gothique du château qui couronne ce pic volcanique, forme un contraste très piquant avec les maisons blanches modernes, construites avec goût dans une partie de la nouvelle ville. » (B. Faujas de Saint-Fond, Voyage en Angleterre, en Écosse et aux Hébrides, ouvr. cité, vol. 2, p. 291.) Sur le contraste entre la vieille ville et la nouvelle ville d’Édimbourg, voir aussi P.-N. Chantreau, Voyage dans les trois royaumes d’Angleterre, d’Écosse et d’Irlande, ouvr. cité, vol. 3, p. 5-7 et T. Pennant, A Tour in Scotland, 1769, Londres, 1772 [1771], p. 56-57.

47 De tous les intellectuels écossais qu’il rencontra, Angiolini fut le plus impressionné par Adam Smith. Même s’il fut surpris par certains traits de la personnalité de Smith, le voyageur toscan lui voua une grande admiration et écrivit à son sujet : « In quanto a me per altro con tutti i suoi difetti, se ne ha, vorrei pure averlo vicino: Parli egli chiaro o parli confuso, contradica o sia in distrazione, da lui traspira sempre qualche lampo di genio, rare volte infecondo. Egli è Uomo tale che credo aver contribuito non poco, particolarmente con la sua Opera, a far esser la Scozia montata sul piede regolare in cui la vediamo; ho detto questo a lui stesso, e il mio rendergli giustizia fu accettato con quel genere di modestia con cui si riceve quel che si crede dovuto. » (L. Angiolini, Lettere, ouvr. cité, vol. 2, p. 358.)

48 Il s’agit de l’édition par Guido di Pino ; plus récemment, en 1990, l’ouvrage d’Angiolini a été à nouveau édité par Michèle et Antonio Staüble.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Marion Amblard, « Lettere sopra l’Inghilterra Scozia e Olanda (1790) de Luigi Angiolini. Perception et représentation de l’Écosse dans les écrits d’un voyageur italien de la fin du xviiie siècle »Cahiers d’études italiennes [En ligne], 31 | 2020, mis en ligne le 06 octobre 2020, consulté le 25 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cei/8198 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cei.8198

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Auteur

Marion Amblard

Université Grenoble Alpes, ILCEA4

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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