Navigation – Plan du site

AccueilNuméros28De 1945 aux années 1970. La cultu...Les intellectuels communistes fra...

De 1945 aux années 1970. La culture italienne en France : transferts culturels et enjeux politiques

Les intellectuels communistes français et la culture néoréaliste italienne de 1945 aux années 1950 : un transfert culturel ou une instrumentalisation ?

Gli intellettuali comunisti francesi e la cultura neorealista italiana dal 1945 agli anni ’50: un transfert culturale o una strumentalizzazione?
Olivier Forlin

Résumés

Dans la période des lendemains de guerre, les intellectuels communistes français ont accueilli avec enthousiasme la culture néoréaliste italienne, favorisé sa diffusion en France, et en ont proposé une analyse fouillée dans le cadre d’un processus de transfert culturel. Pourtant, à partir de 1948, à la suite du durcissement culturel de la guerre froide, c’est une lecture étroitement politique qui fut faite de cette culture qui désormais était sans cesse confrontée aux normes du réalisme socialiste et enrôlée au service des combats idéologiques du communisme de guerre froide.

Haut de page

Texte intégral

  • 1 Voir J. Verdès-Leroux, Au service du Parti. Le Parti communiste, les intellectuels et la culture (1 (...)

1Après une période de relative ouverture en matière culturelle dans les années de sortie de la Seconde Guerre mondiale, les autorités du Parti communiste français (PCF), comme celles de tous les PC européens, ont dû se plier aux directives de guerre froide décidées par l’URSS et imposées en septembre 1947 par Jdanov, idéologue et bras droit de Staline. Le conflit Est-Ouest ayant une forte composante idéologique, le PCF, après avoir resserré son contrôle sur ses intellectuels, leur a assigné une fonction de premier plan dans la bataille idéologique à mener contre le camp occidental. Invités à produire une culture dont les canons esthétiques avaient été définis par les autorités soviétiques, les intellectuels devaient s’investir fortement dans la propagande du Parti1.

2Ce prosélytisme consistait à soutenir la culture réaliste socialiste soviétique érigée en modèle et celle des démocraties populaires ; à promouvoir une culture réaliste socialiste française, appelée « nouveau réalisme », également celle issue des rangs des autres partis communistes du bloc occidental. C’est le cas de la culture néoréaliste italienne à laquelle on est très attentif en France eu égard au renouveau qui irrigue les différents secteurs de la culture italienne après 1945. Trois domaines, le cinéma, la littérature et la peinture, ont suscité l’intérêt d’une partie de l’intelligentsia communiste française. Trois secteurs dans lesquels elle a voulu voir à partir du tournant de 1947-1948 l’avènement d’un réalisme socialiste aux couleurs italiennes. Celui-ci a-t-il eu une épaisseur dans la culture italienne de l’après-guerre ou bien les intellectuels communistes français ont-ils plaqué sur les réalités culturelles italiennes un modèle théorique dont les normes étaient fortement politisées ?

3Afin de mieux saisir les enjeux de l’accueil, dans les milieux communistes français, du cinéma, de la littérature et de la peinture de l’Italie nouvelle, il convient d’examiner les modalités du basculement des intellectuels communistes, en France et en Italie, dans la guerre froide culturelle en 1947-1948.

1. Les politiques culturelles communistes : de la relative ouverture au durcissement (1945-1948)

  • 2 Ainsi Claude Roy rejoignit le PCF dans la Résistance après avoir milité dans les rangs de l’Action (...)

4La politique de relative ouverture menée par le PCF au lendemain de la Seconde Guerre mondiale s’est traduite, dans le domaine culturel, par une volonté de réunir autour du Parti un nombre important d’intellectuels. À cette fin, le PCF accueillit à grands renforts de publicité quelques grands noms du monde de la culture, tel Picasso dont l’adhésion en octobre 1944 fit la une de L’Humanité. Des intellectuels issus d’horizons politiques divers purent de la même manière rejoindre un Parti peu regardant sur les parcours politiques antérieurs2.

  • 3 M. Lazar, « Le Parti communiste français et la culture », Les Cahiers de l’animation, no 57-58, déc (...)

5Une semblable tolérance relative fut de mise au sein du PCF à propos des questions esthétiques. Certes, lors du Xe congrès du Parti organisé à Paris en juillet 1945, les autorités communistes se déclarèrent hostiles à certains courants culturels. L’art abstrait en peinture car contraire au réalisme, la philosophie existentialiste en raison de son pessimisme sur le devenir de l’homme, furent ainsi stigmatisés comme courants culturels « décadents » ; les influences américaines sur la culture française (notamment dans le cinéma et la littérature) furent dénoncées comme « antinationales », tandis que la culture soviétique était encensée. Pourtant, à ce même congrès, les autorités du Parti n’imposèrent pas de normes particulières en matière culturelle et esthétique. Écrivains, artistes et critiques disposaient ainsi, dans le cadre d’une « liberté surveillée », d’une relative autonomie pour créer et évaluer les œuvres3.

  • 4 R. Garaudy, « Artistes sans uniformes », Arts de France, no 9, 1946, p. 17-29. P. Hervé, « Il n’y a (...)
  • 5 M. Lazar, « Le Parti communiste français et la culture », art. cité. Id., Maison rouges. Les Partis (...)

6Cette situation fit long feu. Dans le domaine culturel, le durcissement s’esquissa dès la fin de l’année 1946 pour s’imposer progressivement tout au long de l’année 1947. Une controverse opposa dans plusieurs périodiques liés au Parti communiste, à l’automne 1946, Roger Garaudy et Pierre Hervé qui se firent les porte-parole des intellectuels refusant la subordination de la culture à des normes politiques, à Louis Aragon qui, lui, affirmait l’existence d’une esthétique communiste incarnée par le réalisme socialiste4. Aragon avait séjourné en URSS à l’été 1946 où il avait pu constater que Staline et Jdanov étaient en train d’imposer le retour au monolithisme culturel. De retour en France, il cherchait à en introduire les principes dans les milieux culturels du PCF, comme il l’avait déjà fait au milieu des années 1930. L’initiative, qui intervenait peu après la définition du réalisme socialiste et son imposition en URSS à partir de 1934, avait alors suscité des débats dans des cercles intellectuels de gauche alors majoritairement réticents à l’adoption du réalisme socialiste. Revenu à la charge fin 1946, Aragon obtint cette fois le soutien des autorités du PCF puisque Pierre Hervé se vit refuser la publication d’une réponse à Aragon dans l’hebdomadaire Action, tandis que Roger Garaudy fut écarté, au printemps 1947, de la direction de la Commission aux intellectuels au profit de Laurent Casanova. Le PCF continua à imposer progressivement l’introduction du réalisme socialiste dans ses rangs jusqu’à ce que Jdanov, lors de la conférence polonaise réunissant les partis communistes autour du PCUS, en septembre 1947, l’érige en culture officielle du bloc socialiste. Précoce, le tournant culturel, anticipa de plusieurs mois le tournant politique de la guerre froide du camp communiste5.

  • 6 N. Ajello, Intellettuali e PCI, 1944-1958, Bari, Laterza, 1997 (1979), p. 113-114.
  • 7 M. Alicata, « La corrente “Politecnico” », Rinascita, no 5-6, mai-juin 1946.
  • 8 « Politica e cultura: una lettera di Palmiro Togliatti », Il Politecnico, no 33-34, septembre-décem (...)
  • 9 N. Ajello, Intellettuali e PCI, ouvr. cité, p. 114-117.
  • 10 Ibid., p. 72-73.

7Les milieux intellectuels communistes italiens furent traversés au même moment par des débats analogues. En Italie comme en France, on était attentif aux discussions qui se déroulaient de l’autre côté de la frontière. L’un des principaux pôles, dans la gauche marxiste, de la réflexion sur les rapports entre culture et politique était incarné par les intellectuels d’Il Politecnico, la revue milanaise dirigée par Elio Vittorini. L’article de Garaudy d’Arts de France avait été publié dans les colonnes de la revue fin 1946, tandis qu’entre octobre 1946 et avril 1947, un débat eut lieu sur la peinture de Picasso dans l’Unità et Rinascita, respectivement quotidien et revue du PCI6. Le peintre avait exercé dès les années 1930 une forte influence sur plusieurs peintres italiens, en particulier Renato Guttuso. La controverse concerna également le contenu de certains périodiques liés au PCI, comme Società et Il Politecnico dont « l’éclectisme » et « l’intellectualisme » étaient critiqués par Mario Alicata, un cadre et intellectuel du Parti, dans les colonnes de Rinascita7. Entre fin 1946 et mai 1947, Vittorini et Palmiro Togliatti, chef du PCI, échangèrent des lettres ouvertes dans lesquelles ils défendaient, le premier l’autonomie relative de la culture, située sur un autre « front » que la politique, par rapport à la politique, le second la thèse contraire8. Togliatti eut le dernier mot en mai 1947, et Rinascita publia la polémique Garaudy-Aragon en condamnant la position du premier9. Enfin, la rédaction de la revue de Florence, Società, très proche idéologiquement d’Il Politecnico, fut rappelée à l’ordre par Togliatti, tandis que Vittorini mit fin à la publication de sa revue fin 194710. Sa lettre à Togliatti continua toutefois à servir de référence aux petits groupes d’intellectuels qui, en France en 1947-1948, cherchaient encore à résister au jdanovisme culturel que les autorités du PCF s’étaient appropriées. Mais en 1948, la résistance culturelle avait échoué en Italie comme en France. Les intellectuels communistes durent se plier aux exigences imposées par Jdanov en septembre 1947, et répercutées par les PC, en matière de culture et d’idéologie, ou bien quittèrent les PC, ce que peu d’entre eux firent à ce moment-là.

  • 11 C’est la formule établie au premier Congrès des écrivains soviétiques à Moscou en 1934 qui adopta l (...)
  • 12 Toute œuvre s’écartant du réalisme est condamnée par la critique : si l’art abstrait l’est particul (...)

8Les normes culturelles du réalisme socialiste exigent des créateurs « la présentation véridique et historiquement concrète de la réalité dans son développement révolutionnaire11 ». Réaliste12, l’œuvre doit décrire la réalité sociale, dépeindre les conditions de vie et de travail des classes prolétaires, mettre en scène l’exploitation de classe. Ne se bornant pas à constater la misère, elle doit également montrer qu’une prise de conscience politique est à l’œuvre chez les prolétaires les conduisant à suivre l’issue « positive », la voie proposée par le communisme.

  • 13 G.-H. Soutou, La Guerre de cinquante ans. Les relations Est-Ouest, 1943-1990, Paris, Fayard, 2001.

9La guerre froide ayant une dimension idéologique essentielle13, les autorités communistes assignèrent à leurs intellectuels de mener la bataille des idées. Ils devinrent ainsi, dans les colonnes de leurs périodiques notamment, des thuriféraires de la culture réaliste socialiste tandis qu’ils devaient fustiger toute forme de culture hétérodoxe issue du monde occidental. Les créateurs, écrivains, artistes et cinéastes, devaient produire des œuvres répondant aux normes du réalisme socialiste. Enfin, dans cet édifice, un rôle important était dévolu à la critique qui établissait les normes de jugement à propos des œuvres. Si au final les hommes de culture furent relativement peu nombreux à produire selon les normes strictes du réalisme socialiste — certains, au regard de leur notoriété, ayant les moyens de continuer à observer une relative liberté en matière de création, d’autres choisissant le silence —, la plupart d’entre eux en revanche s’engagèrent massivement dans la propagande culturelle qui était une priorité absolue aux yeux des autorités communistes.

10L’attitude des intellectuels communistes à l’égard de la culture italienne du second après-guerre a été déterminée par les conditions que l’on vient de rappeler : enthousiasme à l’égard du renouveau culturel italien placé sous le signe du réalisme apprécié dans ses différentes dimensions, puis, à partir de 1948, tentative de promouvoir des auteurs et artistes dont les œuvres sont scrutées à l’aune des canons du réalisme socialiste.

2. L’accueil du cinéma néoréaliste dans les milieux intellectuels communistes français : entre engouement et déception relative

  • 14 G. Sadoul, « Un grand réalisateur italien : Rossellini », L’Écran français, no 72, 12 novembre 1946 (...)

11Ce fut le cinéma néoréaliste qui certainement suscita le plus d’intérêt dans les milieux intellectuels liés au PCF, comme il en suscita dans l’ensemble de milieux intellectuels de gauche (et plus particulièrement dans la rédaction d’Esprit à laquelle collaborait André Bazin qui eut une influence décisive sur les critiques et futurs réalisateurs de la Nouvelle Vague). Outre la richesse créative et esthétique de cette cinématographie, outre aussi la surprise que constitua l’irruption d’un nouveau cinéma italien qu’on n’attendait pas à ce niveau, le vif intérêt pour le cinéma italien parmi les élites culturelles françaises s’explique par l’absence d’un courant de cinéma réaliste important en France capable de prendre pour cadre le contexte politico-social de la guerre et des lendemains du conflit mondial. Dynamique dans les années 1930, le courant réaliste du cinéma français s’est tari après la guerre. Membre du PCF, journaliste et historien du cinéma, Georges Sadoul fut particulièrement sensible à cet aspect. Lorsqu’il annonça l’avènement du néoréalisme italien découvert lors du premier festival de Cannes en septembre 1946, après avoir confié son éblouissement à propos de Rome ville ouverte qui remporta le Grand prix du festival et de Paisà qu’il avait pu voir avant sa sortie en France, il précisa qu’« à côté le cinéma français contemporain paraît teinté d’académisme14 ». À propos du Bandit d’Alberto Lattuada, lui aussi présenté à Cannes en 1946, Sadoul écrivait que

  • 15 G. Sadoul, « Le drame du retour. Le bandit », Les Lettres françaises, no 170, 20 août 1947, p. 8.

Le bandit n’est certes pas un chef-d’œuvre. Mais ce film a le très grand mérite d’être significatif d’un tempérament, d’un pays, d’une époque, d’une école, d’un style nouveau. Y a-t-il beaucoup d’œuvres récentes de l’école française qui réunissent ce quintuple caractère ? Y en a-t-il même une seule ? Nous en doutons15.

  • 16 Lettre de G. Sadoul à M. Carné, 1955, Correspondance générale (GS-C.071), Archives G. Sadoul, Bibli (...)

12Presque dix ans plus tard, cette fois avec du recul, dans une lettre adressée à Marcel Carné, Sadoul confirmait ses premières analyses : il indiquait que s’il vit « le noyau d’un néoréalisme français qui aurait la vigueur conquérante et la puissance populaire de l’école italienne, encore à ses débuts », dans des films sortis en 1946-1947 comme La bataille du rail (René Clément), Farrebique (Georges Rouquier) ou Les portes de la nuit (Carné), il dût rapidement constater que le courant fit long feu : « […] il n’y eut pas une école néo-réaliste française et Rome surclassa Paris16. » Aussi, les intellectuels de gauche eurent-ils tendance à reporter leurs espoirs et leur engouement sur le cinéma néoréaliste italien dont les films étaient capables de représenter la guerre et la Résistance, de s’inscrire dans le contexte social de l’après-guerre, et de tenir un discours entrant en résonance avec leurs sensibilités et leurs engagements.

13Les critiques de cinéma membres ou proches du PCF, à l’instar de Sadoul, furent parmi ceux qui annoncèrent l’avènement d’une nouvelle cinématographie italienne découverte à Cannes en 1946 où furent présentés, outre Rome ville ouverte et Le Bandit, Un jour dans la vie d’Alessandro Blasetti. À l’éblouissement d’un Sadoul répondait celui de Georges Altman lors de la sortie en France en 1947 de Paisà :

  • 17 G. Altman, « Paisà, de R. Rossellini », L’Écran français, no 118, 30 septembre 1947, p. 7.

D’un seul coup, l’école italienne de cinéma apporte au monde, en quelques films, le même choc que donnèrent jadis les grands films soviétiques. Jamais peut-être, dans l’histoire de l’écran, un style ne s’est dégagé et ne s’est aussi vite imposé que celui que nous révèle Rome ville ouverte, Sciuscià, Vivre en paix [film de Luigi Zampa, 1946], des morceaux d’Un jour dans la vie et du Bandit. Et aujourd’hui Paisà. On sait l’enthousiasme qui salua l’apparition de Paisà sur les écrans des Ciné-Clubs et à la salle Pleyel. J’ignore si le public va lui faire ces jours-ci le même accueil. Mais il faut lui dire tout de suite au public : il n’a jamais vu ça. Pour la première fois, des images prises sous la forme d’actualités dégagent une impression d’éternité. Paisà, ou l’actualité éternelle. Un recueil de morceaux choisis dans l’histoire des hommes et d’une époque17.

14L’engouement pour le néoréalisme était fort, et les critiques accordèrent aux films italiens un large place dans les colonnes des journaux liés au PCF, à la fois dans L’Écran français, périodique dédié au cinéma, ou dans des périodiques culturels plus généralistes comme Europe, Les Lettres françaises ou encore La Nouvelle critique. Après la phase de la découverte vint le temps des analyses de ce qui fut interprétée comme une « école de cinéma ». Or cette deuxième étape coïncide avec l’entrée en guerre froide et l’introduction du jdanovisme culturel dans les rangs du PCF. Dans ces conditions, la lecture du néoréalisme devint étroitement politique, ce qui se vérifie sous plusieurs aspects.

  • 18 G. Sadoul, « L’élaboration du néoréalisme dans le cinéma italien », La Nouvelle critique, no 52, fé (...)
  • 19 Ibid.

15Les intellectuels communistes établirent en premier lieu un lien direct entre l’antifascisme et la genèse du néoréalisme, faisant du Centre expérimental de Rome un véritable laboratoire dans l’élaboration du courant néoréaliste à partir de la seconde moitié des années 1930. Sadoul souligne le rôle du critique Umberto Barbaro, qui transforma la revue Cinema liée au Centre expérimental en « un bastion de combat où s’élaborèrent les théories néoréalistes18 ». Rejoint par d’autres critiques issus des Groupes universitaires fascistes (GUF) et passés à l’antifascisme comme Guido Aristarco ou Ugo Casiraghi, par de futurs réalisateurs comme Giuseppe De Santis, Barbaro leur enseigna les leçons du cinéma réaliste soviétique (Eisenstein, Poudovkine) ; Sadoul n’hésite pas à préciser qu’il « combattit avec lucidité pour le réalisme socialiste italien [qu’il se garda bien de nommer ainsi] et contre le formalisme19 ».

  • 20 G. Sadoul, « Le néoréalisme italien », Europe, no 52, avril 1950, p. 132.
  • 21 Ils créèrent Cinema nuovo après avoir rompu avec la rédaction de Cinema à laquelle ils reprochaient (...)
  • 22 Sadoul était un ami de Trombadori avec qui il échangea plusieurs lettres : lettres de A. Trombadori (...)

16Autre élément de la lecture politique du néoréalisme à laquelle procédèrent les intellectuels communistes, le lien établi entre éclosion de l’école de cinéma et les conditions sociales et politiques créées par la Résistance et la Libération. Certes, les critiques de cinéma étaient unanimes pour mettre en relief l’enracinement des films néoréalistes dans le double contexte historique de la guerre et de l’Italie nouvelle. Mais les communistes français faisaient une lecture déterministe en établissant une dépendance étroite entre devenir du néoréalisme et situation politique et sociale. Ainsi, les films à fonds social, tel Voleur de Bicyclette de Vittorio De Sica, étaient vus comme le produit des luttes sociales de l’Italie nouvelle20. Ils reprenaient là les thèses développées par un groupe de critiques italiens dont ils étaient proches, celui de la revue Cinema nuovo fondée et dirigée par Guido Aristarco en 195221, à laquelle participaient entre autres Casiraghi et Antonello Trombadori22.

  • 23 Voir l’article de J.-C. Tachella, « Alberto Lattuada : le cinéma italien, lui aussi, en danger », L (...)
  • 24 Jean Thévenot présente ainsi sept projets de films auxquels leurs réalisateurs (De Sica, Visconti, (...)
  • 25 L’affaire fit grand bruit en Italie où elle provoqua une forte mobilisation des intellectuels de ga (...)
  • 26 G. Sadoul, « Deux cinéastes italiens avaient dépoétisé la guerre. Ils sont arrêtés », Les Lettres f (...)

17Aussi, comme leurs amis italiens, ils se montrèrent très vigilants quant aux conditions de la production cinématographique : ils attribuèrent le fléchissement qualitatif du courant néoréaliste, à partir de 1949-1950, à l’invasion des films américains en Italie23 et au poids des censures vaticane et démocrate chrétienne24. Ils se mobilisèrent lors de l’arrestation de Renzo Renzi et Guido Aristarco en 1953 pour avoir, l’un écrit et l’autre publié dans Cinema nuovo, le scénario de film L’Armata s’agapo qui dénonçait l’attitude de l’armée italienne en Grèce25. Sadoul publia ainsi plusieurs textes pour alerter les milieux communistes en France26.

  • 27 Les deux hommes ont échangé une correspondance : lettres de G. Sadoul à G. De Santis du 10 janvier (...)
  • 28 G. Sadoul, « Le néoréalisme italien », Europe, no 52, avril 1950, p. 130-131.
  • 29 R. Barkan, « Voleur de bicyclette », L’Écran français, no 217, 29 août 1949, p. 11.
  • 30 G. Sadoul, « Le néoréalisme italien », art. cité, p. 131.

18La lecture très politique du néoréalisme conduisit les intellectuels communistes à chercher à le faire coïncider avec les normes du réalisme socialiste. Ils placèrent de grands espoirs dans certains réalisateurs dont les œuvres s’inspiraient de l’esthétique soviétique. À commencer par Giuseppe De Santis, formé aux côtés de Barbaro, membre du PCI, engagé dans les luttes communistes pour la paix et avec qui Sadoul était en relation27. Chasse tragique, sorti en 1947, fut encensé en raison des thèmes abordés (le retour des prisonniers et déportés dans la société d’après-guerre et la réforme agraire) et de la capacité du réalisateur « à voir les foules et certains types sociaux ». Malgré des défauts (la trame policière rappelant les films américains de gangsters pour Sadoul), les critiques communistes firent de lui l’héritier du cinéma soviétique. Visconti, également membre du PCI, suscita lui aussi un fort enthousiasme après La terre tremble (1948) dont Sadoul salua les réussites esthétiques, l’utilisation d’interprètes non professionnels et surtout le message social qui manifestait « un sens de classe28 ». Enfin les œuvres de Vittorio De Sica ont elles aussi retenu toute l’attention des communistes français, notamment Voleur de bicyclette dont une lecture très politique fut faite : après Raymond Barkan dans L’Écran français29, Sadoul se saisit du film pour dénoncer « les tutelles conjointes de De Gasperi, du Vatican et du Plan Marshall », responsables de la misère et de la croissance des injustices sociales en Italie, et faire du chômeur de Voleur de bicyclette « un type du monde moderne, du sort promis aux peuples des pays marshallisés30 ».

  • 31 Ibid., p. 131-132.
  • 32 Ibid., p. 130. Dans Les Lettres françaises, Sadoul a qualifié Riz amer d’« erreur » du néoréalisme (...)

19Toutefois, si ces films étaient analysés comme l’expression des luttes socio-politiques de l’Italie nouvelle, c’était parfois au prix d’efforts pour faire coïncider néoréalisme et réalisme socialiste. En dépit de ces tentatives, l’adéquation demeurait souvent imparfaite. Aussi, les critiques étaient amenés à pointer les décalages entre les scénarios et les canons du réalisme socialiste, en particulier l’absence fréquente dans les films d’« issue positive » telle que la proposait le communisme. Ainsi Sadoul reprochait-il à De Sica de concevoir son personnage du Voleur de bicyclette comme un « isolé », d’osciller constamment entre deux contraires, « la solitude et la solidarité » et de ne pas avoir achevé son film sur une fin positive traduisant une prise de conscience sociale31. À propos de Riz amer de De Santis sorti en 1949, et bien que le film traite de la condition misérable des mondine des rizières piémontaises, il regrettait que le mélodrame ait pris le pas sur la description sociale32.

  • 33 R. Boussinot, « Onze Fioretti de saint François d’Assise, de R. Rossellini », L’Écran français, no  (...)

20Partiellement déçus par les évolutions de De Sica et surtout de De Santis, les critiques communistes l’étaient davantage encore par celle de Rossellini, estimant qu’à partir de 1950, son œuvre trahissait le néoréalisme : hostiles à l’orientation spiritualiste donnée à des films comme Stromboli (1950), Onze Fioretti de saint François d’Assise (1951), Europe 1951 (1952) et Voyage en Italie (1954), ils affirmèrent que « les temps héroïques de Rossellini [étaient] révolus » et qu’il n’avait « plus rien à dire33 ».

3. Les intellectuels communistes français et la littérature néoréaliste

21C’est un type de jugement analogue qui fut appliqué par des critiques littéraires communistes à Elio Vittorini à partir de la fin des années 1940, lui qui avait été encensé dans l’immédiat après-guerre. Et c’est aussi pour des motifs idéologiques que Vittorini fut voué aux gémonies par une partie de l’intelligentsia du PCF après 1948.

  • 34 Selon le témoignage de Mascolo rapporté dans une émission de France Culture (« Une vie, une œuvre : (...)
  • 35 En témoignent les lettres échangées entre Vittorini d’un côté, R. Antelme, M. Duras, E. Morin et su (...)
  • 36 Critique littéraire et linguiste, il est lui aussi lié à Vittorini. Au printemps 1950, l’écrivain i (...)
  • 37 C. Roy, « Présentation d’Elio Vittorini », Action, no 81, 22 mars 1946, p. 12-13 ; D. Desanti, « À  (...)
  • 38 C. Roy, « Les Hommes et les autres, de Vittorini », Europe, no 4, avril 1946, p. 107. D. Morosini, (...)
  • 39 D. Mascolo et E. Morin, « Interview d’Elio Vittorini », Les Lettres françaises, no 160, 13 juin 194 (...)
  • 40 E. Vittorini, « Les Hommes et les autres (extraits) », Les Lettres françaises, no 89, 4 janvier 194 (...)

22Avant le désaveu, Vittorini fut un des premiers écrivains italiens considérés comme un acteur majeur du renouveau littéraire placé sous le signe du néoréalisme. Il est vrai que ce fut avec des intellectuels situés plutôt à la périphérie du PCF sur le plan idéologique que Vittorini eut des affinités et non parmi les plus orthodoxes. Lors d’un séjour en France en 1945, il fut reçu au Comité national des écrivains (CNE) que dominait Aragon ; d’emblée il se sentit mal à l’aise au regard de l’atmosphère rigide qui y régnait34. Aussi, Claude Roy le conduisit rue Saint-Benoît, chez Marguerite Duras où se réunissaient Robert Antelme, Dionys Mascolo, Edgar Morin ou encore Dominique Desanti, tous à la recherche d’un marxisme plus souple que celui en vigueur parmi les cadres du PCF, et d’une relative liberté culturelle. Les liens noués furent étroits35 et ce furent ces intellectuels qui assurèrent la notoriété de Vittorini dans les périodiques liés au PCF. Ainsi Claude Roy, Dominique Desanti, Dionys Mascolo et Edgar Morin, ou encore Georges Mounin36 publièrent sur lui plusieurs articles en 1946-1948 dans Action37, Europe38 et Les Lettres françaises39 qui firent aussi paraître des extraits de deux de ses œuvres40.

23Les facteurs expliquant l’accueil favorable réservé aux romans de Vittorini et, au-delà, à l’ensemble de la littérature néoréaliste, sont analogues à ceux motivant l’engouement pour le cinéma : liens originels avec l’antifascisme culturel puis politique, comme l’illustrent Conversation en Sicile (paru en 1941 en volume) puis Les Hommes et les autres (1945) de Vittorini, ou Le Christ s’est arrêté à Eboli de Carlo Levi (1945). Voici ce qu’écrivit Claude Roy dans ses mémoires à propos de Conversation en Sicile :

  • 41 C. Roy, Nous, ouvr. cité, p. 198.

De l’autre côté de la muraille, derrière la façade de l’Italie mussolinienne, de la rhétorique de force, de la gesticulation des mots, des proclamations, du grand cirque politique bavard et humiliateur, il y avait donc des voix, des pensées comme celle-là. Le livre était très beau, poème de la fureur et de la compassion fraternelle41.

  • 42 C. Roy, « Les figurants dans le décor », Les Lettres françaises, no 221, 19 août 1948, p. 3.

24Les intellectuels communistes ont ensuite été séduits par l’engagement marquant les œuvres littéraires, traduisant une progressive rupture accomplie à partir de la fin des années 1930 et surtout pendant la guerre avec une littérature coupée des problèmes contemporains. Engagées, les œuvres littéraires sont appréciées parce qu’elles traduisent les réalités humaines et sociales de l’Italie nouvelle. À ce titre, Claude Roy soulignait le renversement essentiel opéré par les auteurs italiens : à la différence de l’Italie décrite jusque-là par les voyageurs et les esthètes français, l’Italie aux décors naturels idyllique et « l’Italie musée » de laquelle les hommes étaient absents ou placés à l’arrière-plan, les écrivains néoréalistes faisaient entrer en scène le peuple italien42. Il rapprochait sur ce point la littérature du cinéma néoréaliste qui lui aussi plaçait au cœur de ses préoccupations les Italiens eux-mêmes.

  • 43 Publiée dans un premier temps dans des revues en Italie puis en France (« Lettre de Giaime Pintor à (...)

25Les critiques littéraires communistes mettaient ainsi en exergue la capacité de la littérature néoréaliste à être en prise sur son temps, à décrire les conditions sociales des Italiens de l’après-guerre. Ce qui les conduisit à apprécier particulièrement les œuvres relevant du genre des chroniques, mémoires et récits de vie enracinés dans le contexte historique de la guerre ou le contexte social de l’Italie nouvelle, genre auquel les milieux intellectuels italiens rassemblés autour du PCI, notamment ceux qui animaient les revues marxistes Il Politecnico dirigée par Vittorini et Società, accordaient beaucoup d’importance. De nombreux récits et témoignages sur la guerre et la Résistance furent ainsi publiés ; certains eurent une forte résonance, à l’instar de la lettre de Giaime Pintor du 28 novembre 1943 adressée à son frère, à la veille de sa participation à une action de résistance près de Rome où il trouva la mort43.

  • 44 M. Brandon-Albini, « La vie à l’étranger : Italie », Europe, no 11, novembre 1946, p. 138.

26Les communistes furent sensibilisés à ce type de textes par Maria Brandon-Albini dès les années 1946-1947. Exilée en France en 1936, elle s’était alors rapprochée des milieux intellectuels communistes, avait publié quelques articles dans la revue Europe, rencontré son futur mari Pierre Brandon, un avocat membre du PCF, aux côtés de qui elle participa à la Résistance dans le sud de la France. Compagnon de route du Parti après la guerre, elle est parmi les premières à consacrer des textes au renouveau de la littérature italienne dans les revues liées au PCF comme Europe. Elle indique dans l’un d’eux, en 1946, qu’une grande partie de la production littéraire inspirée par les événements récents comprend des « journaux, des confessions ou des documentaires44 ».

  • 45 M. Brandin-Albini, « Italie. Les nouvelles orientations du roman italien contemporain », Europe, no(...)
  • 46 V. Pratolini, Le quartier (extrait), Les Lettres françaises, no 308, 20 avril 1950, p. 6.
  • 47 V. Pratolini, « Néoréalisme ou réalisme », dans Italia nostra, Les Lettres françaises, no 527, 29 j (...)
  • 48 J. Bertrand, « Pour un portrait de Vasco Pratolini », Les Lettres françaises, no 308, 20 avril 1950 (...)
  • 49 J. Bertrand, « Typo., liftier, marchand de limonade, valet de chambre, journaliste sportif, Vasco P (...)

27Considéré comme un auteur de chroniques sur les quartiers populaires de Florence, Vasco Pratolini est l’objet d’un fort investissement de la part des intellectuels communistes français. Maria Brandon-Albini fait une présentation élogieuse de quelques-uns de ses livres en 1947, à un moment où ils ne sont pas encore traduits en français45 ; puis ils sont régulièrement analysés dans les périodiques du PCF lorsqu’ils paraissent en France, tandis que le parcours et le portrait de l’auteur lui-même sont l’objet d’articles ; des extraits de ses romans ou des nouvelles sont parfois publiés46, notamment dans un numéro des Lettres françaises de 1954 dédié à la littérature italienne, numéro dans lequel Pratolini signe un article sur le néoréalisme47. L’italianisante Juliette Bertrand, traductrice de ses livres, a un rôle important dans cette promotion de l’écrivain. Elle rédige des textes sur le parcours de Pratolini (dans Les Lettres françaises48 et Action49) où elle rappelle ses origines florentines et populaires, sa participation à la Résistance et son engagement aux côtés du PCI. Elle souligne l’humanisme qui se dégage de son œuvre avant de l’ériger en chef de file de l’école réaliste.

  • 50 J. Bertrand, « Typo., liftier », art. cité.
  • 51 P. Gamarra, « Vasco Pratolini : Le quartier », Europe, no 70, octobre 1951, p. 149. Id., « Vasco Pr (...)

28Mais ces articles sont publiés au tout début des années 1950 et la promotion de Pratolini n’est pas dépourvue d’objectifs politiques. Les critiques communistes cherchent à mettre en évidence la dimension sociale de ses romans et basculent fréquemment vers une lecture politique de ceux-ci : Juliette Bertrand insiste ainsi sur « l’optimisme » qui les caractérise et tente de faire une analogie entre le combat antifasciste des personnages de Pratolini et la lutte pour la paix de la guerre froide : « […] les héros communistes italiens de Pratolini incarnent, sous le fascisme comme en 1950, la lutte la plus active pour la liberté de l’homme », affirme-t-elle à propos de Chronique des pauvres amants50. Lorsque Pierre Gamarra, critique littéraire à Europe, compare Le quartier et Un héros de notre temps, il vante l’issue positive du premier dont il regrette l’absence dans le second51.

29C’est à nouveau la tentative, déjà repérée à propos du cinéma, de mettre le contenu d’œuvres en adéquation avec les préceptes du réalisme socialiste qui s’exprime ici. Les limites de l’entreprise sont manifestes : les critiques donnent à certains livres des contenus politiques qu’ils n’ont pas ou qui sont en partie artificiels ; ou bien c’est une déception qui est exprimée à propos de romans auxquels on reproche de s’éloigner des préceptes du réalisme socialiste.

  • 52 Après les nombreux articles publiés sur lui en 1946-1948, seules quatre brèves chroniques sans port (...)
  • 53 Lorsqu’un collaborateur d’Europe évoque en 1953 « l’épuisement et le silence de certains écrivains (...)
  • 54 Edgar Morin, puis Mascolo et Antelme, avaient présenté plusieurs exposés ou rapports entre fin 1947 (...)
  • 55 P. Togliatti, « Lettre à Elio Vittorini », Les Lettres françaises, no 218, 22 juillet 1948, p. 1.
  • 56 J. Noaro, « Connaissance de Vittorini », Les Lettres françaises, no 200, 18 mars 1948, p. 4.

30C’est parfois une critique beaucoup plus tranchante qui est proférée à l’égard d’écrivains dont on estime que l’œuvre a suivi un cheminement qui a « trahi » le courant réaliste. De ce point de vue, Vittorini a connu un sort analogue à celui qui fut réservé par les critiques de cinéma au Rossellini des années 1950. Dans le meilleur des cas, c’est un silence pesant qui s’abat sur lui lorsque paraissent en France ses nouveaux romans52. Ou bien, au détour d’un article, on éreinte ses œuvres, on proclame qu’il n’a plus rien à dire53. C’est bien évidemment également en raison de facteurs idéologiques que Vittorini est ainsi stigmatisé ; au cours de la controverse avec Togliatti sur les rapports entre culture et politique, il avait défendu la relative autonomie de la première par rapport à la seconde. Pour bien marquer la condamnation des thèses de Vittorini, et avec elles celles de la minorité d’intellectuels communistes (ceux du groupe de la rue Saint-Benoît, Morin, Mascolo, Antelme) qui, en France, avaient brandi les textes de Vittorini pour résister à l’introduction du réalisme socialiste en 1947-194854, les intellectuels orthodoxes du PCF publièrent en juillet 1948 la lettre de Togliatti à Vittorini de la fin 1946 dans laquelle le chef du PCI donnait une légitimité théorique aux interventions des autorités communistes dans les affaires culturelles55. Quelques mois plus tôt, et dans le même hebdomadaire, Jean Noaro se chargeait de passer Les Hommes et les autres sous les fourches caudines des normes du réalisme socialiste56.

31Dernier cas de figure : tenter de faire accéder à la notoriété des livres conformes aux principes de l’esthétique soviétique, tentative vaine dans la mesure où les romans en question n’obtiennent aucune reconnaissance en dehors des cercles intellectuels soumis au jdanovisme culturel. C’est ce schéma qui s’applique au projet de faire connaître en France le roman de Renata Viganò Agnès va mourir publié en 1953 (1949 en Italie) aux Éditeurs français réunis (maison liée au PCF). Jean Noaro, instituteur d’origine corse, a traduit l’ouvrage, à peu près au moment où il a traduit les Lettres de prison de Gramsci, une publication étroitement encadrée par les autorités du PCF dans le dessein d’instrumentaliser la réflexion du théoricien marxiste italien. Noaro consacre à Agnès va mourir un article dans La Pensée dans lequel il rappelle le parcours de l’auteure originaire de Bologne, issue d’un milieu social modeste et engagée dans la Résistance communiste. Le roman est en partie autobiographique : il met en scène une paysanne qui prend progressivement conscience de sa condition et s’engage dans la lutte armée contre le fascisme. Noaro fait du livre le représentant d’une

  • 57 J. Noaro, « Un roman italien : Agnès va mourir », La Pensée, no 48-49, mai-juin/juillet-août 1953, (...)

[…] littérature [qui] a marché dans le sens voulu par le réalisme socialiste ; elle cesse d’être une littérature de compassion et de résignation, […] une littérature d’acceptation, pleurnicharde à longueur de pages, tout enveloppée d’un idéalisme de pacotille qui ne peut que servir les forces de réaction. Elle devient une littérature du réel — et la réalité faite au peuple italien est terrible. Elle devient une littérature d’optimisme […]57.

  • 58 Voir les articles de Pierre Gamarra dans Europe, no 86, février 1953, p. 114, et d’André Wurmser da (...)

Nulle trace, en dehors des périodiques du PCF58, d’articles dédiés au livre de Renata Viganò.

  • 59 G. Gaudibert, « Lettres italiennes depuis 1945 », Europe, no 111, mars 1955, p. 150.
  • 60 Elle présente dans Europe une initiative des autorités culturelles du PCI visant à susciter une cul (...)
  • 61 Les deux œuvres littéraires érigées en modèles du nouveau réalisme français sont Les communistes d’ (...)
  • 62 S. Courtois et M. Lazar, Histoire du Parti communiste français, Paris, PUF, 1995, p. 291.

32Enfin, les intellectuels du PCF ont cherché à mettre en valeur une littérature prolétarienne véhiculée par les journaux d’usine qui, selon Geneviève Gaudibert dans Europe, « constituent le très grand fait politico-culturel de l’après-guerre59 ». Pourtant, comme le courant réaliste socialiste, la littérature prolétarienne demeure ignorée hors des sphères intellectuelles communistes. Même dans les périodiques du PCF, les initiatives évoquées par Geneviève Gaudibert et Maria Brandon-Albini60, pourtant annuelles, ne sont pas régulièrement mentionnées. L’impression s’impose, à la lecture des revues communistes, qu’elles ont fait long feu. Les tentatives pour diffuser une littérature prolétarienne et une littérature réaliste socialiste se sont soldées par un échec qui est le pendant de l’insuccès du nouveau réalisme français61, échec entériné par Aragon au XIIIe congrès du PCF, en 1954, dans son rapport sur « L’art de parti »62.

4. La diffusion limitée de la peinture néoréaliste chez les intellectuels communistes français

  • 63 Voir D. Berthet, Le PCF, la culture et l’art (1947-1954), ouvr. cité, p. 141-156 ; et J. Verdès-Ler (...)
  • 64 C’est le cas en particulier dans cet article non signé : « Les artistes italiens au service de la p (...)

33Contrairement au cinéma et à la littérature, la peinture italienne contemporaine fait figure de parent pauvre en France tant elle a peu retenu l’attention des artistes et intellectuels français. Il convient de nuancer le constat en ce qui concerne les milieux culturels communistes qui se sont distingués en regardant de plus près ce qui se faisait de l’autre côté des Alpes en matière de peinture contemporaine. Des textes furent ainsi consacrés à des peintres italiens contemporains, parfois accompagnés de reproductions photographiques d’œuvres, dans des périodiques généralistes et dans Arts de France, la revue d’art du PCF. Mais cette attention est restée, sur toute la période, modeste, et la place accordée à ceux-ci relativement restreinte. La deuxième caractéristique de ce regard sur la peinture italienne du xxe siècle est d’avoir été fortement marqué du sceau de l’idéologie : l’objectif des critiques communistes fut de promouvoir l’équivalent italien du « nouveau réalisme » français, déclinaison française du réalisme socialiste63, et de l’inscrire dans la lutte pour la paix des communistes64.

  • 65 M. Brandon-Albini, « Nouvelles orientations de la peinture italienne », Arts de France, no 11-12, 1(...)
  • 66 Voir Jean-Pierre (Roland Pietri), « La Biennale de Venise », Arts de France, no 31, octobre 1950, p (...)
  • 67 D. Anselme, « Renato Guttuso et le nouveau réalisme italien », Les Lettres françaises, no 501, 28 j (...)
  • 68 H. Parmelin, « Renato Guttuso ou la vie d’un peintre italien d’aujourd’hui », Action, no 354, 14-20 (...)
  • 69 Ils accompagnent l’article de Jean-Pierre, « La Biennale de Venise », art. cité.

34Ainsi, après que Maria Brandon-Albini eût consacré un article de fond en 1947 aux « nouvelles orientations de la peinture italienne » qui, en dépit de son titre, portait avant tout sur la peinture des quatre premières décennies du xxe siècle65, le discours communiste à partir de 1948 a consisté à encenser les peintres du nouveau réalisme italien et à fustiger les représentants des autres tendances, notamment le courant abstrait66. Dans cette perspective, Renato Guttuso, à qui a été conféré le statut de « Fougeron italien », a été considéré comme étant « à l’origine du nouveau réalisme italien67 ». Hélène Parmelin, critique littéraire et d’art, compagne du peintre Édouard Pignon, affirmait en 1951 que c’était sous l’impulsion de Guttuso à Rome « que les peintres et la peinture elle-même en certaines circonstances, ont participé et participent de plus en plus à la lutte des intellectuels pour la paix68 ». Des œuvres de Guttuso sur les paysans siciliens, avant tout L’occupation des terres incultes en Sicile (1949), et de Gabriele Mucchi, dont La terre représentant un paysan aux pieds nus tenant de la terre dans ses mains, tableaux reproduits dans Arts de France69, sont érigées en emblèmes d’un réalisme socialiste italien. Derrière Guttuso et Mucchi toutefois, peu d’autres noms — Armando Pizzinato — surgissent sous la plume des critiques français. Et malgré leurs efforts pour instrumentaliser un courant conçu comme le pendant du nouveau réalisme français, sa résonance est demeurée étroitement circonscrite aux réseaux communistes.

  • 70 Voir L. Fougeron, « Peinture et communisme : le scandale Fougeron », L’Histoire, no 227, décembre 1 (...)
  • 71 Par exemple les expositions de Fougeron Pays des mines en 1951, de Taslitzky sur l’Algérie en 1952 (...)

35La relative modestie de la place accordée à la peinture réaliste italienne, qui contraste avec celle faite au cinéma et à la littérature néoréalistes dans les milieux communistes, s’explique par l’existence d’un fort courant de peintres français se pliant aux principes du réalisme socialiste70 dont les œuvres et plusieurs expositions furent l’objet d’une importante propagande de la part du PCF entre 1948 et 195471. Outre André Fougeron qui lança le mouvement en 1948 avec Les parisiennes au marché, figurent Boris Taslitzky, Mireille Miailhe, Jean Milhau, Jean Vénitien, etc. Aussi les critiques d’art du PCF ont-ils moins ressenti la nécessité de tourner leurs regards hors de France, à la recherche d’un filon réaliste socialiste, que leurs collègues critiques littéraires ou de cinéma.

36L’accueil de la culture néoréaliste italienne dans les milieux communistes français a connu deux phases. La première, jusqu’en 1948, fut synonyme d’enthousiasme suscité par la découverte de la nouvelle culture italienne, d’une ouverture à des auteurs et à des œuvres parfois assez divers. Cet accueil bienveillant s’accompagna de tout un travail d’analyse pour tenter de saisir les origines et les contours de la culture néoréaliste. L’engouement était favorisé par la rencontre avec une culture dont le langage et les thèmes entraient en résonance avec les sensibilités, les engagements et les expériences (la guerre et la Résistance) de bon nombre d’intellectuels communistes en partie déçus par une production culturelle française qui ne sut pas leur proposer un vivier d’œuvres réalistes enracinées dans le contexte politique et social de la guerre et des lendemains du conflit.

37À partir du tournant de 1948, la grille de lecture des intellectuels communistes devint étroitement politique. Davantage que la recherche des sources d’un renouveau et d’un dynamisme culturels, les communistes français cherchèrent à instrumentaliser la culture néoréaliste italienne, à l’inscrire dans le cadre de la propagande communiste de guerre froide, celle de la lutte pour la paix. Ils ont essentiellement valorisé un courant culturel hautement politisé et voulu signifier qu’il s’intégrait parfaitement au modèle de civilisation communiste dont l’URSS était le chef de file. Cette culture réaliste socialiste « à l’italienne » ne renvoyait pas au modèle d’un communisme italien spécifique, qui aurait cultivé quelques singularités dans l’univers communiste international (une assez grande souplesse en matière doctrinale et justement culturelle, une dimension intellectuelle du PCI dont la direzione intégrait des hommes de culture, ou une relative autonomie par rapport au centre soviétique). L’objectif pour les communistes français fut d’accréditer l’idée que les deux PC les plus puissants à l’Ouest étaient en ordre de bataille derrière l’URSS et le camp de la paix et que, sur le plan culturel, le néoréalisme italien comme le nouveau réalisme français menaient la bataille idéologique et culturelle dont les objectifs étaient ceux fixés par Jdanov en septembre 1947. Le discours sur la culture italienne qui a résulté de cette entreprise fut, en raison de son dogmatisme, assez pauvre. L’abandon précipité du réalisme socialiste en 1954, par celui-là même qui avait contribué à l’imposer en France sept ou huit ans plus tôt, Aragon, est le produit de ce dogmatisme.

Haut de page

Notes

1 Voir J. Verdès-Leroux, Au service du Parti. Le Parti communiste, les intellectuels et la culture (1944-1956), Paris, Fayard/Éd. de Minuit, 1983, p. 13-26.

2 Ainsi Claude Roy rejoignit le PCF dans la Résistance après avoir milité dans les rangs de l’Action française et participé à l’organisation vichyste Jeune France jusqu’en 1942. Voir ses mémoires : C. Roy, Moi je, Paris, Gallimard, 1969 ; Nous, Paris, Gallimard, 1972.

3 M. Lazar, « Le Parti communiste français et la culture », Les Cahiers de l’animation, no 57-58, décembre 1986, p. 57-72.

4 R. Garaudy, « Artistes sans uniformes », Arts de France, no 9, 1946, p. 17-29. P. Hervé, « Il n’y a pas d’esthétique communiste », Action, 22 novembre 1946 ; Id., « Nouveaux propos sur l’esthétique », Action, 6 décembre 1946. L. Aragon, « L’art, “zone libre” ? », Les Lettres françaises, 29 novembre 1946.

5 M. Lazar, « Le Parti communiste français et la culture », art. cité. Id., Maison rouges. Les Partis communistes français et italien de la Libération à nos jours, Paris, Aubier, 1992, p. 60-61. Voir aussi A. Kriegel, « 1946, le tournant s’esquisse mais n’est pas perçu », Relations internationales, no 47, automne 1986, p. 381-389.

6 N. Ajello, Intellettuali e PCI, 1944-1958, Bari, Laterza, 1997 (1979), p. 113-114.

7 M. Alicata, « La corrente “Politecnico” », Rinascita, no 5-6, mai-juin 1946.

8 « Politica e cultura: una lettera di Palmiro Togliatti », Il Politecnico, no 33-34, septembre-décembre 1946. E. Vittorini, « Politica e cultura: lettere a Togliatti », Il Politecnico, no 35, janvier-mars 1947.

9 N. Ajello, Intellettuali e PCI, ouvr. cité, p. 114-117.

10 Ibid., p. 72-73.

11 C’est la formule établie au premier Congrès des écrivains soviétiques à Moscou en 1934 qui adopta le réalisme socialiste comme « la méthode principale de la littérature et de la critique littéraire soviétiques ». Cité par M. Lazar, « Le réalisme socialiste aux couleurs de la France », dans Le Temps de la guerre froide, Paris, Seuil, 1994, p. 191-193. Voir aussi D. Berthet, Le PCF, la culture et l’art (1947-1954), Paris, La Table Ronde, 1990, p. 141-156.

12 Toute œuvre s’écartant du réalisme est condamnée par la critique : si l’art abstrait l’est particulièrement, les œuvres figuratives non réalistes sont également, assez souvent, critiquées.

13 G.-H. Soutou, La Guerre de cinquante ans. Les relations Est-Ouest, 1943-1990, Paris, Fayard, 2001.

14 G. Sadoul, « Un grand réalisateur italien : Rossellini », L’Écran français, no 72, 12 novembre 1946, p. 17.

15 G. Sadoul, « Le drame du retour. Le bandit », Les Lettres françaises, no 170, 20 août 1947, p. 8.

16 Lettre de G. Sadoul à M. Carné, 1955, Correspondance générale (GS-C.071), Archives G. Sadoul, Bibliothèque internationale du Film (BIFI).

17 G. Altman, « Paisà, de R. Rossellini », L’Écran français, no 118, 30 septembre 1947, p. 7.

18 G. Sadoul, « L’élaboration du néoréalisme dans le cinéma italien », La Nouvelle critique, no 52, février 1954, p. 105.

19 Ibid.

20 G. Sadoul, « Le néoréalisme italien », Europe, no 52, avril 1950, p. 132.

21 Ils créèrent Cinema nuovo après avoir rompu avec la rédaction de Cinema à laquelle ils reprochaient son « éclectisme idéologique » (N. Ajello, Intellettuali e PCI, ouvr. cité, p. 211 et 298-299).

22 Sadoul était un ami de Trombadori avec qui il échangea plusieurs lettres : lettres de A. Trombadori à G. Sadoul, des 27 avril et 3 mai 1955, des 7 mai 1960 et 9 juin 1963 ; lettres de G. Sadoul à A. Trombadori des 10 et 17 mai 1955, Dossiers thématiques, GS-D45 Italie, Archives G. Sadoul. Trombadori a participé à un numéro italien des Lettres françaises de 1954 (« Un premier bilan », dans Italia nostra, Les Lettres françaises, no 528, 5 août 1954, p. 9). Il faisait partie de l’équipe de l’hebdomadaire romain du PCI lancé en 1954 et dirigé par Carlo Salinari, Il Contemporaneo.

23 Voir l’article de J.-C. Tachella, « Alberto Lattuada : le cinéma italien, lui aussi, en danger », L’Écran français, no 196, 29 mars 1949, p. 4.

24 Jean Thévenot présente ainsi sept projets de films auxquels leurs réalisateurs (De Sica, Visconti, Lattuada et Camerini) ont dû renoncer : les producteurs refusèrent de les financer par crainte de la censure (« Ce que les Italiens n’ont pas pu dire », L’Écran français, no 324, 26 septembre-2 octobre 1951, p. 12-13).

25 L’affaire fit grand bruit en Italie où elle provoqua une forte mobilisation des intellectuels de gauche, communistes et indépendants. N. Ajello, Intellettuali e PCI, ouvr. cité, p. 296-302.

26 G. Sadoul, « Deux cinéastes italiens avaient dépoétisé la guerre. Ils sont arrêtés », Les Lettres françaises, no 483, 24 septembre 1953, p. 5 ; « Renzi et Aristarco, condamnés par le tribunal militaire de Milan », Les Lettres françaises, no 486, 16 octobre 1953, p. 7.

27 Les deux hommes ont échangé une correspondance : lettres de G. Sadoul à G. De Santis du 10 janvier 1950 et du 18 février 1956 ; lettre de G. De Santis à G. Sadoul du 18 janvier 1950, Corresp. générale, GS-C.099 et GS-C.036, Archives G. Sadoul.

28 G. Sadoul, « Le néoréalisme italien », Europe, no 52, avril 1950, p. 130-131.

29 R. Barkan, « Voleur de bicyclette », L’Écran français, no 217, 29 août 1949, p. 11.

30 G. Sadoul, « Le néoréalisme italien », art. cité, p. 131.

31 Ibid., p. 131-132.

32 Ibid., p. 130. Dans Les Lettres françaises, Sadoul a qualifié Riz amer d’« erreur » du néoréalisme (« Une erreur du néoréalisme italien : Riz amer de G. De Santis », Les Lettres françaises, no 282, 20 octobre 1949, p. 6).

33 R. Boussinot, « Onze Fioretti de saint François d’Assise, de R. Rossellini », L’Écran français, no 296, 14-20 mars 1951, p. 11. Voir aussi l’article de François Timmory sur Stromboli (L’Écran français, no 277, 30 octobre 1950, p. 8).

34 Selon le témoignage de Mascolo rapporté dans une émission de France Culture (« Une vie, une œuvre : Elio Vittorini », réalisée par Francesca Isidori et diffusée en juin 2000).

35 En témoignent les lettres échangées entre Vittorini d’un côté, R. Antelme, M. Duras, E. Morin et surtout C. Roy et D. Mascolo, de l’autre. Voir les lettres de E. Vittorini à C. Roy, du 20 décembre 1947, du 18 mars 1948, du 31 mars 1949, dans E. Vittorini, Gli anni del «Politecnico», Lettere, 1945-1951, Turin, Einaudi, 1977, p. 147-148, 157-160 et 241-242. Lettres de E. Vittorini à D. Mascolo, dans lesquelles l’intellectuel italien invite ses amis français à le rejoindre à Bocca di Magra où il possède une maison (du 1er juin 1948 et du 15 juin 1949, dans E. Vittorini, Gli anni del «Politecnico», ouvr. cité, p. 170-173 et 258-260).

36 Critique littéraire et linguiste, il est lui aussi lié à Vittorini. Au printemps 1950, l’écrivain italien projette de lui rendre visite à Aix-en-Provence, son lieu de résidence, au cours de l’été suivant : lettres de E. Vittorini à G. Mounin, du 25 mars 1950 et du 5 avril 1950, dans E. Vittorini, Gli anni del «Politecnico», ouvr. cité, p. 308 et 317.

37 C. Roy, « Présentation d’Elio Vittorini », Action, no 81, 22 mars 1946, p. 12-13 ; D. Desanti, « À Paris, Elio Vittorini nous parle de la culture italienne », Action, no 143, 27 juin 1947, p. 10 ; C. Roy, « Salut Milan, Bonjour Vittorini », Action, no 143, 27 juin 1947, p. 11 ; G. Mounin, « Elio Vittorini », Action, no 186, 21-27 avril 1948, p. 10 ; P. Fauchery, « Vittorini parmi les hommes », Action, no 195, 22-28 juin 1948, p. 10-11.

38 C. Roy, « Les Hommes et les autres, de Vittorini », Europe, no 4, avril 1946, p. 107. D. Morosini, « Note sur Vittorini », Europe, no 5, mai 1946, p. 19-23.

39 D. Mascolo et E. Morin, « Interview d’Elio Vittorini », Les Lettres françaises, no 160, 13 juin 1947.

40 E. Vittorini, « Les Hommes et les autres (extraits) », Les Lettres françaises, no 89, 4 janvier 1946, p. 1 et 3. E. Vittorini, Une bête étreint les murs, Europe, no 5, mai 1946, p. 24-31.

41 C. Roy, Nous, ouvr. cité, p. 198.

42 C. Roy, « Les figurants dans le décor », Les Lettres françaises, no 221, 19 août 1948, p. 3.

43 Publiée dans un premier temps dans des revues en Italie puis en France (« Lettre de Giaime Pintor à son frère », Les Temps modernes, no 23-24, août-septembre 1947, p. 327-330), elle a été intégrée dans l’ouvrage posthume de G. Pintor, Il sangue d’Europa, Einaudi, 1950.

44 M. Brandon-Albini, « La vie à l’étranger : Italie », Europe, no 11, novembre 1946, p. 138.

45 M. Brandin-Albini, « Italie. Les nouvelles orientations du roman italien contemporain », Europe, no 23, novembre 1947.

46 V. Pratolini, Le quartier (extrait), Les Lettres françaises, no 308, 20 avril 1950, p. 6.

47 V. Pratolini, « Néoréalisme ou réalisme », dans Italia nostra, Les Lettres françaises, no 527, 29 juillet 1954, p. 1-2.

48 J. Bertrand, « Pour un portrait de Vasco Pratolini », Les Lettres françaises, no 308, 20 avril 1950, p. 6.

49 J. Bertrand, « Typo., liftier, marchand de limonade, valet de chambre, journaliste sportif, Vasco Pratolini est aussi un grand romancier », Action, no 284, 13-19 mars 1950.

50 J. Bertrand, « Typo., liftier », art. cité.

51 P. Gamarra, « Vasco Pratolini : Le quartier », Europe, no 70, octobre 1951, p. 149. Id., « Vasco Pratolini : Un héros de notre temps », Europe, no 62, février 1951, p. 99-100.

52 Après les nombreux articles publiés sur lui en 1946-1948, seules quatre brèves chroniques sans portée paraissent après l’été 1948 et jusqu’au milieu des années 1950, alors que plusieurs de ses livres sont édités en France au cours de la période.

53 Lorsqu’un collaborateur d’Europe évoque en 1953 « l’épuisement et le silence de certains écrivains réputés “arrivés” », il vise avant tout Vittorini. J.-P. Servin, « Lettre d’Italie », Europe, no 90, juin 1953, p. 115. Voir aussi l’article de G. Gaudibert, « Lettres italiennes depuis 1945 », Europe, no 111, mars 1955, p. 145-146.

54 Edgar Morin, puis Mascolo et Antelme, avaient présenté plusieurs exposés ou rapports entre fin 1947 et mai 1948 — ils s’y référaient aux thèses de Vittorini pour défendre l’autonomie de la culture — dans le cadre du cercle des écrivains et critiques, une structure qui réunissait les littéraires du PCF sous la houlette de Laurent Casanova, responsable de la Commission aux intellectuels du Parti. Ébranlés dans un premier temps, Casanova et les autorités du PCF avaient étouffé cette forme de résistance culturelle à l’introduction du jdanovisme culturel dans les rangs du Parti. Voir les mémoires politiques de E. Morin, Autocritique, Paris, Julliard, 1959, p. 87-97. Le rapport d’Antelme et Mascolo présenté en mai 1948 a été publié par la revue Lignes : R. Antelme et D. Mascolo, « Rapport au Cercle des critiques sur les questions de la littérature et de l’esthétique », Lignes, no 33, mars 1998 (1948), p. 25-39.

55 P. Togliatti, « Lettre à Elio Vittorini », Les Lettres françaises, no 218, 22 juillet 1948, p. 1.

56 J. Noaro, « Connaissance de Vittorini », Les Lettres françaises, no 200, 18 mars 1948, p. 4.

57 J. Noaro, « Un roman italien : Agnès va mourir », La Pensée, no 48-49, mai-juin/juillet-août 1953, p. 249-250.

58 Voir les articles de Pierre Gamarra dans Europe, no 86, février 1953, p. 114, et d’André Wurmser dans Les Lettres françaises, no 452, 12 février 1953, p. 3.

59 G. Gaudibert, « Lettres italiennes depuis 1945 », Europe, no 111, mars 1955, p. 150.

60 Elle présente dans Europe une initiative des autorités culturelles du PCI visant à susciter une culture prolétarienne, les « Olympiades de la culture et des arts plastiques », lancées fin 1949 ; ce sont des concours auxquels participent dans chaque région des jeunes issus des milieux paysans et ouvriers en présentant leurs créations, principalement des poèmes et des nouvelles (M. Brandon-Albini, « La naissance d’une nouvelle culture en Italie », Europe, no 62, février 1951, p. 92).

61 Les deux œuvres littéraires érigées en modèles du nouveau réalisme français sont Les communistes d’Aragon et Le Premier choc d’André Stil ; elles n’ont guère eu de succès en dehors des cercles communistes. Sur les raisons de cet échec des écrivains du PCF, voir J. Verdès-Leroux, Au service du Parti…, ouvr. cité, p. 295-299. Voir aussi M. Lazar, « Les “Batailles du livre” du parti communiste français (1950-1952) », Vingtième siècle, no 10, avril-juin 1986, p. 37-49.

62 S. Courtois et M. Lazar, Histoire du Parti communiste français, Paris, PUF, 1995, p. 291.

63 Voir D. Berthet, Le PCF, la culture et l’art (1947-1954), ouvr. cité, p. 141-156 ; et J. Verdès-Leroux, « L’art de parti. Le parti communiste français et ses peintres, 1947-1954 », Actes de la Recherche en sciences sociales, no 28, juin 1979, p. 33-55.

64 C’est le cas en particulier dans cet article non signé : « Les artistes italiens au service de la paix », Arts de France, no 35, 1951, p. 34-37.

65 M. Brandon-Albini, « Nouvelles orientations de la peinture italienne », Arts de France, no 11-12, 1er trimestre 1947, p. 57-65.

66 Voir Jean-Pierre (Roland Pietri), « La Biennale de Venise », Arts de France, no 31, octobre 1950, p. 49-59 ; « L’Italie aussi a son nouveau réalisme », Les Lettres françaises, no 321, 20 juillet 1950, p. 7. P. Abraham, « Le nouveau réalisme à la Biennale de Venise », Les Lettres françaises, no 423, 18 juillet 1952, p. 7. P. Descargues, « Biennale de Venise. En Italie aujourd’hui », Les Lettres françaises, no 522, 24 juin 1954, p. 9.

67 D. Anselme, « Renato Guttuso et le nouveau réalisme italien », Les Lettres françaises, no 501, 28 janvier 1954, p. 1 et 10.

68 H. Parmelin, « Renato Guttuso ou la vie d’un peintre italien d’aujourd’hui », Action, no 354, 14-20 juillet 1951, p. 7.

69 Ils accompagnent l’article de Jean-Pierre, « La Biennale de Venise », art. cité.

70 Voir L. Fougeron, « Peinture et communisme : le scandale Fougeron », L’Histoire, no 227, décembre 1998, p. 20-21. Id., « Un exemple de mise en images : le “réalisme socialiste” dans les arts plastiques en France (1947-1954) », Société & Représentations, no 15, 2003/1, p. 195-214. M. Lazar, « Le réalisme socialiste aux couleurs de la France », art. cité, p. 191-209.

71 Par exemple les expositions de Fougeron Pays des mines en 1951, de Taslitzky sur l’Algérie en 1952 ou, en 1953, De Marx à Staline organisée à l’occasion du 70e anniversaire de la mort de Marx et dont le thème était dédié aux portraits des dirigeants communistes.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Olivier Forlin, « Les intellectuels communistes français et la culture néoréaliste italienne de 1945 aux années 1950 : un transfert culturel ou une instrumentalisation ? »Cahiers d’études italiennes [En ligne], 28 | 2019, mis en ligne le 15 février 2019, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cei/5341 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cei.5341

Haut de page

Auteur

Olivier Forlin

Université Grenoble Alpes.
olivier.forlin@orange.fr

Olivier Forlin est agrégé d’histoire, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Grenoble Alpes, membre du Laboratoire universitaire en histoire, civilisations de l’Italie et de l’Europe (LUHCIE). Ses recherches portent sur les relations culturelles et politiques franco-italienne après 1945 et sur l’historiographie et la mémoire du fascisme en France et en Italie après 1945.

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search