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Le procès 7 aprile : un cas prototypique de l’état d’urgence dans l’Italie des années quatre-vingt

Il processo 7 aprile: un caso esemplare dello stato d’urgenza nell’Italia degli anni ’80
The 7 Aprile trial: a typical example of the state of emergency in the eighties
Elisa Santalena
p. 65-78

Résumés

Il y a à peine plus de trente ans, par une opération de ratissage de dizaines de membres d’Autonomia Operaia, commençait le très célèbreprocès 7 Aprile. L’expression 7 Aprile évoque plusieurs aspects : l’axiome judiciaire italien par excellence (le teorema Calogero, du nom du juge d’instruction de Padoue qui commanda les arrestations) ; la campagne de presse la plus unanime et la plus implacable contre les accusés de notre histoire républicaine ; l’utilisation la plus arbitraire de la détention préventive et du remplacement des chefs d’accusation, ainsi que le premier cas, dans l’histoire italienne, où les déclarations d’un repenti pèsent davantage que les preuves, les alibis et les témoignages en faveur des accusés. Dans les pages qui suivent, nous essaierons d’analyser de façon organique ce procès, dont l’intérêt réside dans le fait qu’il représente l’exemple le plus typique de l’état d’urgence dans lequel vivait l’Italie pendant les années 1980 et à partir duquel la structure pénale italienne a été totalement modifiée.

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Texte intégral

  • 1 S. Giuliano, « Italiani, perché non dovremmo? », Lotta continua, 23 août 1977.

Re: «Il mio popolo è felice! Come vedete, sorridono tutti. Se qualcuno non sorride, lo sbatto nelle segrete ». Rivolto a un contadino sorridente: “Ehi, tu”. Contadino sorridente: “Dite a me, maestà?”. Re: «Portatelo nelle segrete!» (il contadino è subito trascinato via). Straniero sbigottito: “Altezza, non riesco a capire: quel contadino stava sorridendo”. Re: «Già, ma adesso non sorride più. Preferisco prevenire il crimine piuttosto che attendere che venga commesso!». Sembrano “veline sceneggiate” di Cossiga ai suoi solerti subalterni. Oppure una realistica rappresentazione di Radio Alice di questo stato autorevolmente autorevole, dei suoi sospettosissimi e nervosi funzionari e delle loro dure lotte contro i cattivi pensieri della gente. Invece si trova nel settimanale, edito da Mondadori (no 1129, 17 luglio 1977) “Topolino”. Che sia l’ultima voce libera?1

  • 2 Autonomia Operaia est un mouvement de la gauche extraparlementaire actif entre 1973 et 1979. Il ne (...)
  • 3 Carlo Fioroni est le premier repenti de la lutte armée italienne, bien avant que la loi sur les rep (...)

1Il y a exactement trente ans, en 1979, par une opération de ratissage de dizaines de membres d’Autonomia Operaia2, commençait le très célèbre procès 7 Aprile. L’expression 7 Aprile évoque plusieurs aspects : l’axiome judiciaire italien par excellence (le teorema Calogero, du nom du juge d’instruction de Padoue qui commanda les arrestations) ; la campagne de presse la plus unanime et la plus implacable contre les accusés de notre histoire républicaine ; l’utilisation la plus arbitraire de la détention préventive et du remplacement des chefs d’accusation, ainsi que le premier cas, dans l’histoire italienne, où les déclarations d’un repenti3 pèsent davantage que les preuves, les alibis et les témoignages en faveur des accusés.

  • 4 Emilio Alessandrini (1942-1979) : magistrat italien assassiné par un commando du groupe Prima Linea(...)
  • 5 Walter Tobagi (1947-1980) : journaliste et écrivain assassiné dans un attentat préparé par le group (...)
  • 6 James Lee Dozier : général étasunien séquestré par les Brigades rouges, à Vérone, le 17 décembre 19 (...)

2Tenter d’écrire un résumé organique de ce procès n’est pas un travail facile : il n’existe, en effet, pratiquement pas de textes qui s’occupent de cette histoire du début à la fin, dans sa complexité. De l’enquête principale naissent plusieurs enquêtes locales à Naples, Milan et Rome, et, à la fin, le procès est scindé en deux branches : celle de Padoue et celle de Rome. Tous les principaux événements de l’histoire républicaine de l’époque s’y croisent : des expropriations prolétaires aux assassinats d’Aldo Moro, du juge Alessandrini4 et du journaliste Walter Tobagi5, jusqu’à la séquestration du général Dozier6. Mais, surtout, pendant ce procès, sont expérimentés tous les instruments issus de la culture judiciaire des lois d’exception, en compromettant les garanties processuelles qui protègent les accusés.

3L’intérêt de l’étude de ce procès réside donc dans le fait qu’il représente l’exemple le plus typique de l’état d’urgence dans lequel vivait l’Italie pendant les années 1980 et que, à partir de ce procès, la structure pénale italienne est totalement modifiée. Avant donc d’aborder le cœur du sujet, expliquons en quelques lignes en quoi consiste un état d'urgence et ses lois d’exception.

  • 7 Voir, pour plus de détails à ce sujet, le Pacte International relatif aux droits civils et politiqu (...)
  • 8 Pour désigner un état d’urgence et ses lois, le Dictionnaire de philosophie politique donne la défi (...)

4Nous appelons urgence un moment de crise imminente dans un pays tel une guerre civile, un coup d’État ou même une catastrophe naturelle. Un moment donc où le pouvoir constitué est appelé à légiférer de façon exceptionnelle, compte tenu d’une situation politique particulière. Néanmoins, pendant ce moment de crise, les libertés fondamentales inscrites dans les constitutions et les chartes des droits de l’homme telles que l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants, la liberté de pensée, de conscience ou de religion, ne doivent pas être remis en cause. La suspension de ces libertés ne doit, en aucun cas, devenir acceptable, nécessaire ou souhaitable7. Mais surtout, comme son nom l’indique, il s’agit de mesures exceptionnelles et provisoires8.

  • 9 À ce propos, voir P. Persichetti, O. Scalzone, La révolution et l’État, Paris, Éditions Dagorno, 20 (...)
  • 10 Pour l’État italien l’exception n’est plus une entorse au règlement mais devient loi permanente ; l (...)

5La spécificité italienne, dont le procès 7 Aprile est l’exemple par excellence, réside dans le fait que cet état d’exception se pérennise9, l’urgence devenant la norme et rentrant dans le système judiciaire de façon permanente10. L’état d’exception est alors un espace vide de droit, une zone où toute détermination juridique est nulle.

  • 11 Année de l’approbation de la loi Reale, qui accroît énormément les pouvoirs et l’immunité de la pol (...)

6À partir de 197511, toutes les lois sur l’ordre public, la détention préventive, l’interrogatoire d’un suspect, la garde à vue prolongée, les prisons spéciales, le statut des repentis, bref, tout le paquet des lois d’exception est présenté comme indispensable pour défendre l’ordre public démocratique contre la violence politique et le terrorisme. La presse, surtout celle de gauche, est l’organe le plus fidèle de la politique et du monde judiciaire et se range à côté de cette lutte :

  • 12 Giovanni Bovio, dans le Corriere della Sera du 4 mai 1975.

La situazione è di emergenza e come tale non può essere affrontata che con provvedimenti di emergenza […] La rinunzia che quindi siamo costretti a fare ad una fetta della nostra indipendenza, la sottoposizione di ognuno ad un aggravio di controlli, il ridare vita ad istituti caratteristici del regime di polizia è il duro prezzo che bisogna pagare per ripristinare l'ordine, per liberarsi dalla paura dei fuorilegge, dai vandalismi degli esaltati, dal terrorismo dei fanatici12

  • 13 Loi no 534 du 8 août 1977.
  • 14 Les juges de l’enquête romaine du 7 Aprile affirment, le 27 mai 1979, dans le quotidien le Corriere (...)
  • 15 Le compromis historique est la proposition faite par le secrétaire du PCI, Enrico Berlinguer, à la (...)
  • 16 « Perché il Partito Comunista di allora sia stato il soggetto che più di tutti ha lavorato a questa (...)

7Le combat contre l’insurrection civile, soit-elle armée ou pas, se transforme en guerre psychologique à travers la mise en scène du délit d’association : on désigne l’ennemi public, on déchaîne l’inquiétude et on élargit le contrôle social sur toute personne refusant l’idéologie dominante. Les actes de violence perdent de leur importance parce que, ce qui compte, est de reconnaître les fins cachées des individus qui auraient pu les commettre, d’établir des connexions logiques, d’interpréter la personnalité et les convictions de l’individu suspect. Il devient donc possible13 de construire une accusation indépendamment des actes concrets, en se concentrant exclusivement sur le délit d’association qui n’est souvent qu’un présumé délit d’opinion14. En effet, la vraie nature de l’opération 7 Aprile ne résidait pas dans l’accusation des imputés de tel ou tel délit spécifique, mais dans le rapport hypothétique entre cette accusation-là et le rôle des intellectuels et militants de la gauche extra-parlementaire. Bref, ces hommes étaient coupables d’opinions qui ne coïncidaient pas avec l’idéologie du parti communiste et du compromis historique15, et plusieurs témoignages affirment que le moteur principal de toute l’enquête est le PCI16, en particulier dans son siège de Padoue. Il apparaît donc clair que les accusations faites aux membres d’Autonomia étaient un prétexte pour frapper toute la gauche que le PCI ne pouvait contrôler, et pour se légitimer eux-mêmes aux yeux des autres partis.

8Massimo Cacciari, actuel maire de Venise, ex-membre du PCI, raconte :

  • 17 Ibid., p. 83.

Ricordo ancora quell’intervista, forse perfino la conservo. Credo che sia stata la prima intervista di dissenso rispetto al “Teorema Calogero”: vi dichiaravo che, benché non frequentassi più Toni Negri e l’Autonomia padovana da parecchi anni, ritenevo assolutamente inverosimile l’accusa cosi come veniva formulata, sulla base di ragionamenti puramente politici. E fu un’intervista che mi costò “sangue e terra” all’interno del PCI. Fu accolta in maniera violentemente polemica da tutti, fuorché da alcuni a Venezia, Rino Serri e altri. Ma a Roma in molti mi tolsero il saluto nella Camera dei deputati a partire da Violante, Trombadori ecc. 17.

9Mais rentrons maintenant dans les détails plus spécifiques du procès 7 Aprile et analysons en quoi il est emblématique de la triste histoire judiciaire des années 1980.

L’événement historique que l’on appelle 7 Aprile, tout en ayant un début et des protagonistes très précis, n’a pas de bornes très délimitées : la phase d’instruction se répand à une vitesse exponentielle et il est ardu de revenir à une logique précise, d’en reconstruire les détails, les accusations et parfois même les imputés.

  • 18 Antonio Negri, philosophe italien. Jeune professeur à l’Institut de sciences politiques de l’univer (...)

10Celui contre Toni Negri18 et l’Autonomia padovana est le plus impressionnant coup médiatico-judiciaire monté dans l’Italie républicaine : le puzzle des enquêtes est tellement compliqué et délirant qu’il faudrait un livre entier pour le décrire. Nous essayerons donc de résumer les événements de la façon la plus synthétique possible, en nous limitant aux enquêtes principales et aux événements les plus invraisemblables de cette affaire.

  • 19 Principalement à Padoue, Milan, Rome, Turin et Rovigo.
  • 20 Poète et écrivain.
  • 21 Professeur de physique à l’université de Cosenza.
  • 22 Journaliste de la Repubblica et de l’Espresso.
  • 23 Rédacteur des revues Rosso et CONTROinformazione.
  • 24 Groupe opéraïste italien fondé en 1969 par Toni Negri et Oreste Scalzone.
  • 25 Article 306 du Code pénal italien : « Banda armata: formazione e partecipazione. Quando, per commet (...)

11Le 7 avril 1979 la presse et la télévision donnent la nouvelle d’une rafle singulière qui, en peu d’heures, a emprisonné tous les présumés membres dirigeants des Brigades rouges. Les arrestations ont eu lieu dans toute l’Italie19 et ont été commanditées par le substitut du procureur de Padoue, Pietro Calogero. Presque tous les accusés sont des intellectuels : professeurs de l’université et du secondaire, journalistes, avocats, écrivains. Parmi les plus connus, nous citons Toni Negri, professeur de Doctrine de l’État à l’université de sciences politiques de Padoue, accusé d’être le chef et l’inspirateur de toute la galaxie subversive italienne. Viennent ensuite Nanni Balestrini20, Franco Piperno21, Oreste Scalzone, Giuseppe Nicotri22, Emilio Vesce23. La longue liste continue avec des dizaines de militants d’Autonomia Operaia et des ex-membres du groupe Potere Operaio24, dissout depuis 1973. Le mandat d’arrêt les accuse d’avoir organisé et dirigé une association subversive nommée Brigades rouges (Br), d’avoir constitué une bande armée25 ayant comme but de promouvoir l’insurrection contre les pouvoirs de l’État. De vouloir changer par la violence la Constitution et la forme actuelle du gouvernement, à travers des actions armées, des séquestrations, des assassinats, des incendies. D’avoir dirigé une association subversive nommée Potere Operaio, et d’autres associations liées entre elles, se référant toutes à Autonomia Operaia. De plus, selon les enquêteurs, PotOp ne se serait pas dissout en 1973, mais serait passé à la clandestinité. Pour terminer, malgré l’évidence des différences politiques et théoriques, Autonomia Operaia et les Brigades rouges seraient une seule et unique organisation terroriste. Cette hypothèse accusatoire prend le nom de teorema Calogero, du nom du substitut du procureur qui l’a lancée. Selon lui, il n’y a qu’un sommet qui dirige le terrorisme en Italie, une seule et unique organisation qui lie les Br et les groupes d’Autonomia. Une seule stratégie subversive qui vise à s’attaquer à l’ordre démocratique.

  • 26 Avec Moretti, Alunni, Micaletto, Peci, Faranda, Morucci et 16 autres membres des Br.
  • 27 Le 16 mars 1978, il fut enlevé à Rome, via Fani, par les Brigades rouges qui tuèrent tous les membr (...)
  • 28 Le mandat, entre autres, dit : « Esistono molti elementi probatori che portano ad identificare nel (...)
  • 29 Article 284 du Code pénal italien : Insurrezione armata contro i poteri dello Stato : « Chiunque pr (...)

12Le 7 avril, même le chef du bureau du Tribunal de Rome, Achille Gallucci, lance, à son tour, un nouveau mandat d’arrêt à l’encontre de dizaines de membres d’Autonomia et de Toni Negri qui est accusé26, entre autres, d’avoir organisé le massacre de via Fani27 et la séquestration d’Aldo Moro28. Comme si cette accusation, qui vaut à elle seule une perpétuité, n’était pas suffisante, pour la première fois dans l’histoire de la République italienne on a recours, contre Toni Negri, à l’article 284 du code pénal : « Per aver promosso un’insurrezione armata contro i poteri dello stato e commesso fatti diretti a suscitare la guerra civile nel territorio dello stato29. »

13Il aurait été logique que Negri ait été accusé avec le groupe historique des Br, mais les juges ne se soucient pas d’émettre un mandat d’arrêt pour Curcio, Moretti, Franceschini et les autres.

  • 30 À ce moment-là le substitut du procureur général Claudio Vitalone, futur sénateur de la démocratie (...)

14Le retentissement de cet événement, en Italie, est énorme. Peu de jours après, Calogero interroge personnellement les accusés sans leur notifier de façon claire aucun fait spécifique, mais se limite à leur reprocher leurs opinions politiques : la défense se rend compte immédiatement qu’il n’y a aucune preuve réelle pour étayer l’accusation30 mais l’enquête passe dans les mains du Parquet de Rome.

15Au même moment commence aussi la campagne journalistique contre Negri qui est accusé, en plus, d’être l’interlocuteur téléphonique des Br pendant la séquestration d’Aldo Moro. Selon l’accusation, Negri, le 30 avril 1978, aurait téléphoné chez le président de la DC, à ce moment-là séquestré par les Br. Le seul élément certain pour la Police, est que le coup de fil a été fait dans une cabine téléphonique de la gare Termini à Rome. Selon la thèse de la défense, confirmée par deux témoins, Negri, ce jour-là, se trouvait à Milan. Pour démêler l’écheveau de cette intrigue les juges confient l’enregistrement à quatre différentes expertises sonores qui n’aboutiront à rien de certain ni partagé. De plus, cet événement est l’objet d’une incroyable initiative journalistique : en janvier 1980, l’hebdomadaire l’Espresso offre à ses lecteurs un disque avec le fameux enregistrement, avec le slogan suivant : « Fais toi-même ton expertise sonore ! » Puisque la police italienne n’arrive à rien de concret, on décide d’envoyer l’expertise aux États-Unis : l’expert professionnel américain exclut qu’il puisse s’agir de la voix de Negri.

16Ces accusations tombées, le Tribunal de Rome émet un nouveau mandat qui remplace le précédent : à la place des Br apparaissent : « Più bande armate variamente denominate, destinate a fungere da avanguardia militante per centralizzare e promuovere il movimento verso sbocchi insurrezionali. »

  • 31 Giuseppe Leuzzi Siniscalchi.

17L’avocat de Negri31 répond ainsi à cette accusation :

Per rendersi conto dell’enormità e dell’illegittimità di un’imputazione così formulata basta sostituire al terrorista un delinquente comune e limitarsi a dire che un ladro è accusato di aver compiuto molti furti (senza però dire che cosa ha rubato), in molte città d’Italia (senza mai indicare dove), in molte occasioni (senza mai specificare quando sono avvenuti). È la stessa cosa che avviene per Negri e gli altri che sono accusati di aver organizzato non si sa quante bande armate né quali siano, né si sa dove e quando abbiano operato. Una vera mostruosità, che, di fatto, mette l'imputato nell’impossibilità di difendersi.

18À partir des chefs d’accusation, les juges inventent une pratique judiciaire plutôt hétérodoxe : le remplacement des mandats de capture. La procédure classique voudrait que, quand les accusations changent, on soit acquitté pour les précédents chefs d’accusations, mais les enquêteurs inventent la formule : il presente mandato sostituisce i precedenti. Il arrive donc qu’on se retrouve devant un tableau judiciaire totalement changé et que, pour des accusations antérieures totalement privées de fondements, il n’y ait aucun acquittement judiciaire.

  • 32 « Alcuni degli imputati del 7 Aprile erano accusati di aver partecipato al sequestro e all’omicidio (...)

19Amnesty International s’est longuement occupée de ce procès, surtout concernant l’imprécision et la faiblesse des preuves utilisées pour justifier des détentions prolongées. Très souvent les chefs d’accusation ont été laissés de côté et substitués par de nouvelles inculpations : ce qui a permis à l’autorité judiciaire de prolonger la détention préventive pour plusieurs incriminés32. Fin 1982, certains accusés avaient passé de 36 à 44 mois de détention préventive en attendant leur procès.

20Pour mieux comprendre le cas de la détention préventive multipliée, voilà quelques lignes explicatives d’Emilio Vesce, un des accusés du procès 7 Aprile, qui méritent d’être cités intégralement :

Per capire a quali livelli di barbarie giuridica fosse giunta la situazione, ci si limiterà qui a prospettare il caso di un imputato qualsiasi – lo chiameremo Tizio – arrestato il 7-4 con l’accusa di banda armata. In quel momento le prospettive di Tizio sono di trascorrere un massimo di 4 anni in carcere fino alla sentenza definitiva: ogni fase processuale (istruttoria, primo grado, secondo grado, Cassazione) deve concludersi entro un anno, pena la scarcerazione dell’imputato. Una prospettiva non allegra ma semplicemente idilliaca rispetto a quanto accade dopo. Infatti, dopo neanche tre mesi dall’arresto, Tizio si vede raddoppiare di botto gli anni da mettere in conto: 2 per ogni fase, 8 in tutto. Che è accaduto? I giudici romani lo hanno raggiunto con un nuovo mandato di cattura per insurrezione armata che prevede appunto i termini doppi. Per apprezzare l’assurdità della situazione non bisogna mai dimenticare che il principio in materia dovrebbe essere l’emissione del mandato di cattura solo in presenza di elementi di prova già acquisiti (non già da acquisire durante o peggio mediante l’effetto di pressione del carcere, seppure “preventivo”). Ora, il nuovo mandato non si basa su alcunché di diverso di quanto non esistesse il 7-4 e il suo unico scopo è perciò di “garantirsi” una lunga carcerazione degli imputati. Non contenti i giudici romani, a differenza di quelli del resto d’Italia, sosterranno che il reato di banda armata può essere “aggravato” dalla bizzarra circostanza di essere stato commesso da più di 5 persone, ottenendo così, anche per questa via, il raddoppio dei termini. Ma non è finita. Tizio ha appena finito di riprendersi dallo sbigottimento che giunge una nuova definitiva mazzata. Nel dicembre dello stesso anno viene emanato il decreto Cossiga. Tra l’altro esso dispone l’aumento di un terzo dei termini di “preventiva” dei reati di terrorismo, e, quel che è più, con valore retroattivo. Ed ecco che nel giro di pochi mesi Tizio è passato da quattro a dodici anni di possibile carcere preventivo senza che nulla della sua situazione processuale (indizi, addebiti concreti, ecc.) sia minimamente mutato. Resterà probabilmente tra le pagine più nere della giurisprudenza della stessa Corte Costituzionale la sentenza con cui due anni più tardi verrà salvata la retroattività di tali norme penali peggiorative, per puro ed esplicito ossequio alla ragion di Stato. Gli imputati del “7 aprile” hanno comunque avuto la sentenza di primo grado dopo cinque anni e due mesi di carcerazione preventiva33.

21Mais retournons aux accusations du juge Calogero : le 5 juillet 1979 il est interviewé par le Corriere della Sera et, à la question de combien de preuves concrètes il a recueillies contre les inculpés et s’il les accuse de faits spécifiques, il répond de la manière suivante :

  • 34 Corriere della Sera, 5 juillet 1979.

Pretendere questo mi sembra ingenuo e sbagliato. L'accusa non ritiene di avere individuato i manovali del terrorismo, ma i loro dirigenti e mandanti. Un dirigente, per la natura stessa del ruolo e del tipo di organizzazione, certamente non va a fare attentati. Sarebbe una rinuncia alla sua funzione, che è quella di dirigere e non di eseguire. […] Perciò non si possono attendere, in questo caso, prove di fatti terroristici specifici. Noi abbiamo cercato, e crediamo di avere scoperto, le prove che accusano i dirigenti del partito armato34.

  • 35 Calogero : « Il testimone principale contro Negri è Negri stesso. » (Ibid.)
  • 36 Tout comme Negri, Ferrari Bravo est sur la liste des accusés simplement pour avoir écrit sur le jou (...)

22En réalité, les seules preuves à charge de Negri sont ses articles35. La recherche d’incriminations possibles se base ainsi exclusivement sur des délits d’opinion, en produisant une inflation disproportionnée des accusations36.

23Le magistrat Vincenzo Accattatis écrit :

  • 37 V. Accattatis, « Processo 7 Aprile: un processo politico », Critica del Diritto, no 23-24, art. cit (...)

I “fatti” contestati ai leaders di Autonomia praticamente sono rimasti sempre gli stessi, mentre le imputazioni hanno subito un crescendo vorticoso, come se “gli stessi” fatti potessero essere letti in un modo o in un altro secondo gli “umori” degli inquirenti, oppure al fine di ottenere alcuni pratici risultati (ad esempio, l'estradizione di Piperno dalla Francia)37.

  • 38 Proto-repenti en tant que premier collaborateur de justice d’Italie avant même que la loi sur les r (...)
  • 39 Lire, à ce sujet, A. Beccaria, Pentiti di niente, Rome, Nuovi Equilibri, 2008.

24Au début du mois de décembre 1979, nous voilà devant un nouveau coup de théâtre : le proto-repenti Carlo Fioroni38 fait sa rentrée dans le procès, en racontant une histoire de Potere Operaio et de la lutte armée au moins tout aussi extravagante que le teorema Calogero. Ce personnage traversera et marquera tout le procès 7 Aprile : techniquement, il est le premier repenti des années de plomb. Au moment où il demande de parler aux magistrats, encore aucune loi ne prévoit des réductions de peine ou des facilitations pour les repentis, les dissociés et les collaborateurs. Suite à sa collaboration, grâce à la loi de 1980 qui récompense les personnes qui collaborent avec la justice, il bénéficie d’une réduction de peine de 20 ans39.

  • 40 L’ingénieur Carlo Saronio, militant PotOp, a été kidnappé la nuit entre le 14 et le 15 avril 1975 p (...)

25Fioroni lie le nom de Toni Negri et de 149 autres terroristes à quantité de délits, y compris ceux pour lequel il est lui-même accusé, comme le meurtre de l’ingénieur Saronio40, et pour lesquels il avait déjà plaidé coupable dans le passé. Comme si cela ne suffisait pas, il accuse les membres d’Autonomia d’autres crimes dont il ne peut pas avoir connaissance, puisqu’il était déjà en prison au moment des faits. Ses aveux sont émaillés d’invraisemblances et de passages totalement illogiques : suite à ses révélations, des dizaines des personnes sont arrêtées, et celles qui étaient déjà accusées reçoivent de nouveaux mandats d’arrêt et des communications judiciaires. En un mot, Fioroni devient la principale source des accusations de ce procès, et de ses aveux partent les mandats d’arrestation réalisés le 21 décembre 1979.

  • 41 « L’Ufficio fa presente al Peci che se nel corso di questa o altre istruttorie risultassero provati (...)
  • 42 Peci indique dans la personne de Mario Moretti le téléphoniste qui appela chez Aldo Moro.

26Le plus lourdement frappé est à nouveau Toni Negri, qui est accusé aussi de cambriolages, de détention d’armes et d’explosifs, d’attentats incendiaires, de falsification de papiers d’identité, de séquestrations, de meurtres et même du vol d’un tableau du xiie siècle et d’une précieuse collection de timbres ! Negri sera acquitté de toutes ses imputations, et même de celles d’appartenance aux Br, après que le repenti le plus connu de la lutte armée, Patrizio Peci41, aura fait tomber les accusations du teorema Calogero le 1er avril 1980. Celui-ci demande à être écouté par les juges et est interrogé par Giancarlo Caselli. Pendant cet interrogatoire il dément la thèse selon laquelle Negri serait le cerveau des Br et leur téléphoniste42. Il confirme sa version, peu de semaines plus tard, à Calogero.

27L’affaire Fioroni, en plus d’avoir évidemment été contestée par la défense, a été traitée aussi dans un rapport d’Amnesty International qui en reconstruit l’histoire :

  • 43 Amnesty International, Il processo 7 Aprile, Roma (1979-1984), Rome, 1986, p. 16.

La principale fonte di accusa contro gli imputati del “7 aprile” fu un ex membro di Potere Operaio, Carlo Fioroni che fu scarcerato nel febbraio del 1982 dopo aver scontato sette anni di carcere sui 27 ai quali era stato condannato […] La Corte d’Assise di Milano, che lo processò su queste accuse definì Fioroni un “eccezionale mentitore”. […] Secondo la legge italiana gli imputati che in istruttoria sono stati interrogati e si trovano in fondamentale disaccordo con le informazioni acquisite in istruttoria, possono essere autorizzati ad un confronto con la persona che ha fornito le informazioni, alla presenza del giudice. Molti chiesero perciò ripetutamente al giudice di autorizzare un confronto con Fioroni. Le richieste furono tutte respinte e gli imputati si videro così obbligati ad attendere il dibattimento prima che potessero essere poste pubblicamente domande a Fioroni43.

28Fioroni a été libéré en février 1982, après 7 ans de prison : au moment de participer au procès, il disparait, et aucun des accusés ne peut se confronter avec lui ou demander au juge de l’interroger devant la Cour. On saura par la suite qu’il a été aidé par les autorités à quitter l’Italie avec un faux passeport. On saura aussi que le Premier ministre de l’époque, Giovanni Spadolini, était au courant. Son témoignage fut néanmoins accepté aux actes du procès bien que toute possibilité de confrontation avec les accusées ait été niées.

29À partir de 1980, pour le groupe 7 Aprile, bien que d’autres blitz (opérations éclair) d’importance secondaire aient été commandés en 1982 et 1983, commence l’attente du procès.

30En mars 1981 se termine, à Rome, la phase d’instruction qui a duré presque deux ans : au total, sont poursuivies en justice 71 personnes dont 12 accusées d’insurrection armée contre l’État. Début juin 1982 devrait commencer le véritable procès : la Cour décide de faire avoir lieu, alternativement devant la même Cour et les mêmes juges, aussi bien le procès 7 Aprile que le procès des brigadistes accusées de l’assassinat d’Aldo Moro. Évidemment la défense réagit à cette décision qui peut jeter davantage de trouble dans le bon déroulement d’un procès déjà en soi si délicat.

31À presque quatre ans des arrestations, en mars 1983, commence enfin le procès des accusés du 7 Aprile : à ce moment-là, Toni Negri est élu au Parlement sur les listes du parti radical et sort de prison. Il s’enfuit en France quand la Chambre accorde l’autorisation à procéder à sa nouvelle incarcération44. Presque personne, parmi les membres de son parti et les co-accusés, n’est d’accord avec cette fuite qui est plutôt interprétée comme un acte de couardise.

  • 45 Deux imputés sont déclarés non punissables pour avoir collaboré. 13 sont acquittés pour manque de p (...)
  • 46 Complicité dans l’assassinat du brigadier Lombardini, l’assassinat de Carlo Saronio, tentative de s (...)
  • 47 Condamné à 20 ans.
  • 48 Condamné à 14 ans pour bande armée et association subversive.

32Le 12 juin 1984, le procès devant la cour d’assises de Rome se conclut : la Cour condamne les accusés à plus de 500 ans de prison45. Toni Negri est reconnu coupable de plusieurs crimes46, tout comme Oreste Scalzone47 et Emilio Vesce48. La majorité des condamnations sont néanmoins bien inférieures à celles que l’accusation avait demandées.

  • 49 Toni Negri (pour qui on avait demandé 11 ans pour détention d’armes), Luciano Ferrari Bravo, Albert (...)

33Le 30 janvier 1986 se termine le procès en appel à Padoue : tous les principaux accusés sont acquittés49. De cette façon, la Cour montre qu’elle n’a pas accepté le teorema Calogero.

  • 50 L’article prévoit aussi une attention particulière au cas où les accusés soient encore en prison : (...)

34En août 1986, Amnesty International publie un rapport intitulé : Processo 7 Aprile – Italia: L'interesse di Amnesty International a che venga fatto un processo equo in tempi ragionevoli. La conclusion de ce rapport est que les autorités italiennes ont violé tous les accords européens et internationaux garantissant des procès équitables et effectués en des temps raisonnables, et exprime quatre critiques principales sur le déroulement du procès. Trois de ces observations concernent la durée de la détention préventive des accusés, dont 12 ont passé 5 ans en prison dans l’attente d’être jugés. Les lois spéciales sur l’ordre public sont entrées en vigueur après leurs arrestations, mais ont été appliquées rétrospectivement pour prolonger davantage l’incarcération. Les juges ont aussi circonvenu les limites légales d’incarcération en émettant de nouveaux mandats d’arrestation peu avant l’expiration des termes de la détention préventive, pour que les accusés puissent être gardés en prison si le tribunal le souhaitait. Toujours selon Amnesty, les autorités ont violé l’article 53 de la Convention européenne, qui proclame le droit à un procès équitable ou à la remise en liberté50.

  • 51 Amnesty International Report 1987, p. 300-301.

35La quatrième préoccupation d’Amnesty International est que le témoin-clé de l’accusation, Carlo Fioroni, a quitté l’Italie avec l’aide des autorités après avoir déposé contre les incriminés. Ses témoignages ont été couverts par le secret de l’instruction, de façon à ce que la Cour ne soit pas à même de le convoquer pendant le procès. Tout en regrettant sa disparition, la Cour finit toutefois par accepter les requêtes de l’accusation, incluant dans les actes les informations données pendant l’instruction51.

  • 52 Entre autres, sont acquittés : Emilio Vesce, Luciano Ferrari Bravo, Lucio Castellano, Paolo Virno, (...)

36Le 8 juin 1987 la cour d’assises prononce en appel le jugement du second degré et réduit considérablement les peines de tous les inculpés52. En ce qui concerne Toni Negri :

  • 53 La Repubblica, 9 juin 1987.

La Corte lo assolve dal delitto di insurrezione armata contro i poteri dello Stato perché il fatto non sussiste; lo assolve dai delitti di sequestro e omicidio Saronio ed occultamento di cadavere; lo assolve dal tentato sequestro Duina e reati connessi; lo assolve dall’introduzione nello Stato di esplosivo, dal furto in danno di Seguso. Concede le attenuanti generiche per gli altri reati e riduce la pena a anni 12 di reclusione53.

  • 54 Le brigadier Lombardini.

37Negri est néanmoins reconnu coupable de complicité dans un cambriolage où un brigadier a perdu la vie54, ainsi que de participation à bande armée et d’association subversive.

  • 55 « Tutti gli imputati accusati di insurrezione armata al primo processo sono stati assolti dall’impu (...)

38En pratique, la Cour rejette, pour manque de preuves, la théorie selon laquelle les dirigeants de Potere Operaio auraient été les mêmes que ceux d’Autonomia, et que cette dernière, à son tour, était à la tête du terrorisme d’extrême gauche en Italie55. La sentence d’appel est confirmée en Cassation en 1988.

39L’histoire du procès 7 Aprile se termine ainsi : neuf ans se sont écoulés depuis le début, les accusés, dans leur globalité, ont subi trois cents ans d’emprisonnement préventif et dans leur majorité ont été acquittés.

40En relisant l’histoire à froid, la disproportion entre les accusations initiales et celles finalement retenues apparaît dans toute son ampleur. De plus, nous pouvons aisément dire que ce procès a été un grand laboratoire dans lequel ont été expérimentés la loi sur les repentis, les maxi-procès, les crimes d’association, la logique du soupçon, l’utilisation de la magistrature et de la justice comme arme politique.

41Nous voudrions conclure par les mots que Rossana Rossanda a écrit sur Il Manifesto à la fin de cette odyssée judiciaire qui, non seulement n’a pas abouti à la découverte et au démantèlement de la lutté armée en Italie, mais qui a été une énième injustice au sein d’un pays marqué par deux décennies de violence.

  • 56 R. Rossanda, « Una riparazione », Il Manifesto, 9 juin 1987.

I grandi sostenitori del delirio del procuratore padovano Calogero, del primo pentito, ancorché assassino comune, Fioroni e delle leggi speciali sono stati un drappello di magistrati, avvocati, giornalisti e dirigenti comunisti, con il codazzo ossequente dell’Unità e di Repubblica. […] Un uomo come Luciano Ferrari Bravo, ieri assolto, fu condannato in primo grado a 14 anni e 5 ne aveva già fatti in carcere. Chi glieli restituirà? […] Forse l’Espresso, che regalò ai lettori la voce del telefonista delle Br a Eleonora Moro, perché fosse riconosciuta come quella di Negri? Repubblica che ne titolò festosamente l’arresto come capo delle Br a piena pagina? Questa non è stata soltanto una pagina scandalosa della giustizia italiana, come rilevava da tempo Amnesty International. È stata una storia di silenzi codardi e coperture. […] Istituzioni e stampa hanno contribuito indecentemente a un’operazione politica bassa, la più bassa della magistratura della repubblica. […] Abbiamo contato sulla punta delle dita giuristi e intellettuali disposti a spendere impegno e riflessione, a trovare abominevole che un’idea politica che si poteva non condividere affatto fosse consegnata non alla lotta politica ma a un trucco giudiziario56.

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Notes

1 S. Giuliano, « Italiani, perché non dovremmo? », Lotta continua, 23 août 1977.

2 Autonomia Operaia est un mouvement de la gauche extraparlementaire actif entre 1973 et 1979. Il ne s’agit pas d’un véritable parti, mais d’un groupe dans lequel confluent certains représentants de la gauche révolutionnaire en opposition à la gauche réformiste. Il s’agit d’un ensemble d’expériences très différentes, d’une organisation qui essaie d’unifier les luttes et les protestations des ouvriers et des étudiants. Autonomia soutient la lutte contre l’État, et contre institutions sociales et économiques à travers des actions illégales de masse et des actes de désobéissance civile. Le mouvement autonome italien est peut-être l’un des mouvements de lutte les plus puissants de l’histoire récente occidentale.

3 Carlo Fioroni est le premier repenti de la lutte armée italienne, bien avant que la loi sur les repentis n’existe. Parmi eux, il est le seul qui n’a pas été obligé de participer aux procès pour se confronter avec ses accusés. Sa collaboration réside sur la thèse que Potere Operaio est à l’origine de tout le terrorisme italien. Pour lui, non seulement les Brigades rouges sont issues de là, mais même Prima Linea. Il accuse, entre autres, Toni Negri d’un crime qu’il a lui-même commis : le meurtre de Carlo Saronio.

4 Emilio Alessandrini (1942-1979) : magistrat italien assassiné par un commando du groupe Prima Linea.

5 Walter Tobagi (1947-1980) : journaliste et écrivain assassiné dans un attentat préparé par le groupe d’extrême gauche Brigata XXVIII Marzo.

6 James Lee Dozier : général étasunien séquestré par les Brigades rouges, à Vérone, le 17 décembre 1981, alors qu’il était commandant de l’OTAN dans l’Europe méridionale. Il a été libéré à Padoue le 28 janvier 1982 par une incursion des NOCS (Nucleo Operativo Centrale di Sicurezza).

7 Voir, pour plus de détails à ce sujet, le Pacte International relatif aux droits civils et politiques adopté à New York le 16 décembre 1966 par l’Assemblée générale des Nations unies et ratifié par l’Italie la même année.

8 Pour désigner un état d’urgence et ses lois, le Dictionnaire de philosophie politique donne la définition suivante : « L’ensemble des moyens prévus pour faire face à une situation d’extrême danger. Ces moyens qui favorisent le renforcement du pouvoir et la concentration de son exercice, sont de deux ordres : restriction ou suspension des libertés publiques et de certaines garanties constitutionnelles, d’une part ; transgression plus ou moins étendue du principe de séparation des pouvoirs au bénéfice de l’exécutif, d’une autre part, celle-ci pouvant aller jusqu’au transfert à l’autorité militaire des pouvoirs ordinaires de police, voire des compétences juridictionnelles. » (J. F. Kervégan, « État d’exception », Dictionnaire de philosophie politique, Paris, PUF, 1996, p. 231.)

9 À ce propos, voir P. Persichetti, O. Scalzone, La révolution et l’État, Paris, Éditions Dagorno, 2000.

10 Pour l’État italien l’exception n’est plus une entorse au règlement mais devient loi permanente ; la fonction étatique se réduit alors au contrôle policier et tout conflit social doit être prévenu par le perfectionnement du contrôle collectif et la répression qui s’applique avec l’augmentation des pouvoirs aux forces de l’ordre.

11 Année de l’approbation de la loi Reale, qui accroît énormément les pouvoirs et l’immunité de la police. Elle prend le nom du ministre qui l’a rédigée : le républicain Oronzo Reale.

12 Giovanni Bovio, dans le Corriere della Sera du 4 mai 1975.

13 Loi no 534 du 8 août 1977.

14 Les juges de l’enquête romaine du 7 Aprile affirment, le 27 mai 1979, dans le quotidien le Corriere della Sera : « Stiamo cercando di ricostruire il percorso ideologico che ha portato l’imputato a commettere i gravissimi reati di cui è accusato […]. L’imputato non si è ancora reso conto di questo e continua ad attendersi che gli venga contestato un fatto preciso. »

15 Le compromis historique est la proposition faite par le secrétaire du PCI, Enrico Berlinguer, à la DC pour une collaboration dans le gouvernement de façon à interrompre la conventio ad escludendum de son parti. Le compromis échoua à cause de l’hostilité de Paul VI et des États-Unis, mais aussi à cause de l’assassinat, en mai 1978, d’Aldo Moro qui était le membre DC le plus favorable à cet accord.

16 « Perché il Partito Comunista di allora sia stato il soggetto che più di tutti ha lavorato a questa ipotesi repressiva è faccenda complessa. La relazione con i movimenti extraparlamentari ha origini nel PCI del dopoguerra, negli anni ’60, nelle risposte dello Stato. […] Il PCI, nella sua logica stalinista, non poteva comunque concepire che ci fossero dei percorsi, dei processi di quella portata ai quali non era interno, né tantomeno in grado di esercitare controllo. Era fallita la strategia fatta di piccoli passi che puntava sull’introduzione di elementi di socialismo, nella convinzione che lo sviluppo della democrazia fosse comunque il procedere verso il socialismo: pensiero gramsciano, poi togliattiano, che si è tradotto volgarmente nel compromesso storico di Berlinguer. Fallito anche quello, era venuto il governo di unità nazionale contro il terrorismo, che costituiva il vicolo cieco in cui era finito un partito che vedeva solo nemici a sinistra da combattere. Nella sua logica stalinista non era riuscito a capire il ’77, ha portato ai disastri degli anni ’80 e anche agli attuali. » (Témoignage de G. Boetto dans Processo sette aprile: Padova trent’anni dopo. Voci della “città degna”, Rome, Manifestolibri, 2009, p. 49.)

17 Ibid., p. 83.

18 Antonio Negri, philosophe italien. Jeune professeur à l’Institut de sciences politiques de l’université de Padoue, dans les années 1960, il participe à la rédaction de la revue Quaderni Rossi. En 1967 il fonde, avec Oreste Scalzone, le groupe Potere Operaio qui s’auto-dissout en 1973. Il participe ensuite au mouvement autonome italien d’Autonomia Operaia à travers les Collectifs Politiques Ouvriers et le journal Rosso.

19 Principalement à Padoue, Milan, Rome, Turin et Rovigo.

20 Poète et écrivain.

21 Professeur de physique à l’université de Cosenza.

22 Journaliste de la Repubblica et de l’Espresso.

23 Rédacteur des revues Rosso et CONTROinformazione.

24 Groupe opéraïste italien fondé en 1969 par Toni Negri et Oreste Scalzone.

25 Article 306 du Code pénal italien : « Banda armata: formazione e partecipazione. Quando, per commettere uno dei delitti indicati nell’articolo 302, si forma una banda armata, coloro che la promuovono o costituiscono od organizzano, soggiacciono, per ciò solo, alla pena della reclusione da cinque a quindici anni. Per il solo fatto di partecipare alla banda armata, la pena è della reclusione da tre a nove anni. I capi o i sovvertitori della banda armata soggiacciono alla stessa pena stabilita per i promotori. »

26 Avec Moretti, Alunni, Micaletto, Peci, Faranda, Morucci et 16 autres membres des Br.

27 Le 16 mars 1978, il fut enlevé à Rome, via Fani, par les Brigades rouges qui tuèrent tous les membres de l’escorte du président de la DC.

28 Le mandat, entre autres, dit : « Esistono molti elementi probatori che portano ad identificare nel Negri il brigatista rosso che telefonò a casa dell’onorevole Moro durante il sequestro di costui. »

29 Article 284 du Code pénal italien : Insurrezione armata contro i poteri dello Stato : « Chiunque promuove un’insurrezione armata contro i poteri dello Stato è punito con l’ergastolo. Coloro che partecipano all’insurrezione sono puniti con la reclusione da tre a quindici anni; coloro che la dirigono, con l’ergastolo. L’insurrezione si considera armata anche se le armi sono soltanto tenute in un luogo di deposito. »

30 À ce moment-là le substitut du procureur général Claudio Vitalone, futur sénateur de la démocratie chrétienne, fait cette première déclaration : « Non abbiamo fatto un polverone. Questa operazione, concertata da varie procure, è basata su prove e non su semplici indizi, né tanto meno su scritti o saggi ideologici. Non abbiamo alcuna intenzione di criminalizzare il dissenso: a tutti gli arrestati vengono addebitati fatti delittuosi specifici. » (I. Palermo, Condanna preventiva. Cronaca di un clamoroso caso giudiziario che si vuole dimenticare: il 7 Aprile, Naples, Tullio Pironti Editore, 1982.)

31 Giuseppe Leuzzi Siniscalchi.

32 « Alcuni degli imputati del 7 Aprile erano accusati di aver partecipato al sequestro e all’omicidio dell’ex-Presidente del Consiglio Aldo Moro, ma l’imputazione è caduta nel dicembre 1980. Comunque, agli imputati vengono contestati i reati di associazione sovversiva e di organizzazione e partecipazione a banda armata. Alcuni di loro devono difendersi da un terzo capo d’accusa, “insurrezione armata contro i poteri dello Stato” (art. 284), reato punibile con l’ergastolo. Il ricorso a tale imputazione non registra precedenti. » (Amnesty International Report, 1981, p. 304-305.)

33 <http://www.radioradicale.it/exagora/processo-7-aprile-il-prototipo-dellemergenza> [consulté le 05/10/2009].

34 Corriere della Sera, 5 juillet 1979.

35 Calogero : « Il testimone principale contro Negri è Negri stesso. » (Ibid.)

36 Tout comme Negri, Ferrari Bravo est sur la liste des accusés simplement pour avoir écrit sur le journal Rosso et pour avoir laissé des notes compromettantes sur ses cahiers (des titres d’articles pour le journal). Libero Maesano, Lucio Castellano et Paolo Virno sont accusés pour le simple fait d’avoir écrit sur Metropoli où est apparue une bande dessinée sur la séquestration d’Aldo Moro. Pour les enquêteurs il s’agit de l’exacte reconstruction de la prison du peuple où il était détenu mais on découvrira, par la suite, que le dessinateur s’était inspiré du feuilleton Grand Hotel !

37 V. Accattatis, « Processo 7 Aprile: un processo politico », Critica del Diritto, no 23-24, art. cité, p. 28.

38 Proto-repenti en tant que premier collaborateur de justice d’Italie avant même que la loi sur les repentis n’existe.

39 Lire, à ce sujet, A. Beccaria, Pentiti di niente, Rome, Nuovi Equilibri, 2008.

40 L’ingénieur Carlo Saronio, militant PotOp, a été kidnappé la nuit entre le 14 et le 15 avril 1975 par Carlo Casirati, délinquant de droit commun en contact avec PotOp. Fioroni, lui-même ex-membre du même groupe, lui avait donné les informations nécessaires pour la séquestration. Saronio, à cause d’une dose massive de narcotique, meurt le soir même et Casirati jette son cadavre dans une déchetterie en cachant les faits à Fioroni qui, en même temps, fait payer une rançon de 67 millions de lires à sa famille.

41 « L’Ufficio fa presente al Peci che se nel corso di questa o altre istruttorie risultassero provati contatti ulteriori di Negri con le Br fino a epoca attuale, sarebbe legittimo porre in dubbio l’attendibilità di una parte rilevante delle dichiarazioni già da lui rese, poiché non sarebbe verosimile che egli, per il ruolo rivestito nell’organizzazione, non ne fosse venuto a conoscenza; e potrebbero risultare altresì pregiudicati i vantaggi che dalle confessioni rese egli può attendersi. » (I. Palermo, Condanna preventiva, ouvr. cité, p. 131.)

42 Peci indique dans la personne de Mario Moretti le téléphoniste qui appela chez Aldo Moro.

43 Amnesty International, Il processo 7 Aprile, Roma (1979-1984), Rome, 1986, p. 16.

44 À ce propos, lire : <http://www.camelotideale.it/tag/fuga-di-toni-negri-in-francia/> [consulté le 05/10/2009].

45 Deux imputés sont déclarés non punissables pour avoir collaboré. 13 sont acquittés pour manque de preuves ; 34 sont coupables de crime d’association ; 21 coupables de crimes spécifiques. Le Ministère public affirme qu’il n’y a pas assez de preuves pour soutenir l’accusation d’insurrection armée et demande à la Cour de la rétracter. La durée des peines de détention varie entre 1 an et 4 mois à 30 ans, la peine donnée à Negri pour qui l’accusation avait demandé la perpétuité.

46 Complicité dans l’assassinat du brigadier Lombardini, l’assassinat de Carlo Saronio, tentative de séquestration de Duina et d’autres crimes mineurs comme des vols et, pour finir, bande armée et association subversive.

47 Condamné à 20 ans.

48 Condamné à 14 ans pour bande armée et association subversive.

49 Toni Negri (pour qui on avait demandé 11 ans pour détention d’armes), Luciano Ferrari Bravo, Alberto Funaro, Gianfranco Pancino, Franco Tommei, Emilio Vesce, Alisi Del Re, Carmela di Rocco, Guido Binchini, Alessandro Serafini et Fausto Schiavetto.

50 L’article prévoit aussi une attention particulière au cas où les accusés soient encore en prison : dans ce procès il y a eu un retard d’au moins 15 mois pendant lesquels il n’y a eu aucune activité judiciaire et les accusés sont restés en prison.

51 Amnesty International Report 1987, p. 300-301.

52 Entre autres, sont acquittés : Emilio Vesce, Luciano Ferrari Bravo, Lucio Castellano, Paolo Virno, Alberto Magnaghi, Jaroslav Novak, Giuseppe Nicotri.

53 La Repubblica, 9 juin 1987.

54 Le brigadier Lombardini.

55 « Tutti gli imputati accusati di insurrezione armata al primo processo sono stati assolti dall’imputazione in appello, per il fatto che non c’è stata alcuna insurrezione. Molti degli imputati principali sono stati assolti per insufficienza di prove dall’imputazione di aver formato o partecipato a una banda armata, e altri sono stati assolti da reati di violenza. » (Amnesty International Report 1987, p. 206-207.)

56 R. Rossanda, « Una riparazione », Il Manifesto, 9 juin 1987.

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Pour citer cet article

Référence papier

Elisa Santalena, « Le procès 7 aprile : un cas prototypique de l’état d’urgence dans l’Italie des années quatre-vingt »Cahiers d’études italiennes, 14 | 2012, 65-78.

Référence électronique

Elisa Santalena, « Le procès 7 aprile : un cas prototypique de l’état d’urgence dans l’Italie des années quatre-vingt »Cahiers d’études italiennes [En ligne], 14 | 2012, mis en ligne le 15 septembre 2013, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cei/369 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cei.369

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Auteur

Elisa Santalena

Université Stendhal – Grenoble 3

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Droits d’auteur

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