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Passage au Levant. Le « voyage » de Candie-Constantinople de la compagnia Bembo dans la seconde moitié du xve siècle : organisation et séjour

Passaggio a Levante. Il ‘viaggio’ di Candia-Costantinopoli della compagnia Bembo nella seconda metà del XV secolo: organizzazione e soggiorno
A Passage to Levant. The “viaggio” to Candia-Constantinople of the Bembo Company in the Second Half of the 15th Century: Organisation and Stay
Alessio Sopracasa

Résumés

Les frères vénitiens Marco et Lorenzo Bembo ont formé, entre les années 1470 et 1480, une société commerciale : Lorenzo était le partenaire résident à Venise et Marco celui qui voyageait. Cet article prend en considération une partie du corpus des lettres envoyées par Marco à son frère dans la période entre 1479 et 1481 : cette période est en fait celle du séjour du marchand vénitien à Péra (Constantinople). Ici l’accent, plutôt que sur les activités commerciales, est mis sur les aspects organisationnels du voyage outre-mer : les transferts par voie maritime, compliqués par la peste (de Venise en Crète, et de là à Chios, puis vers la côte turque), par voie terrestre (vers Brousse, puis à Constantinople), la collecte d’informations sur les différents marchés et sur ses concurrents, des conseils et des instructions adressés à ses collaborateurs, sans parler de l’intérêt manifesté pour certains aspects de la culture de la « Turquie » ; puis la vie à Péra, avec le choix du lieu de résidence et l’ouverture d’une petite boutique, les stratégies d’achat de biens considérés comme les plus rentables à l’époque, mais aussi le soin porté à la création ou à la consolidation de relations personnelles avec les membres de l’administration locale, ottomane ou consulaire vénitienne ; Marco utilise également Constantinople comme point de départ pour une variété d’autres voyages d’affaires dans la région. Et tout ceci en contact avec son frère, avec des échanges de lettres qui mettent en évidence la différence d’appréciation de ce voyage commercial entre Marco et sa famille qui était à Venise.

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Texte intégral

  • 1 Pour une brève description de ce matériel, voir A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constanti (...)

1Dans la seconde moitié du xve siècle, les frères Lorenzo et Marco Bembo, fils de Girolamo et de Caterina Barbarigo, ont constitué une compagnia dans laquelle Lorenzo était l’associé résident à Venise et Marco l’associé voyageant vers les destinations choisies : de leur activité commerciale restent aujourd’hui les lettres, et en particulier les lettres envoyées par Marco à son frère, à ses neveux et aux marchands qui travaillaient pour et avec eux1.

2La simple lecture des lieux où ces lettres ont été envoyées porte à remarquer que le réseau mis en place par les frères Bembo touchait à l’ensemble de l’espace économique vénitien de l’époque, à travers ses quatre zones principales, à savoir Constantinople et la Romanie, l’Angleterre et les Flandres, les villes de Syrie (Damas, Tripoli, Beyrouth) et Alexandrie ; on ajoutera à cette liste la Sicile, Chios, Chypre, ou encore Rhodes. Les piliers de ce réseau étaient Venise et la Crète. Dans cette seconde moitié du xve siècle le courant principal du commerce méditerranéen de Venise était dirigé plutôt vers l’Égypte et la Syrie, mais le « voyage de Romanie » demeurait important, pour les possibilités offertes notamment — mais pas exclusivement — par une ville de Constantinople en pleine expansion.

  • 2 Le testament de Marco Bembo est édité dans A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople (...)

3La première partie de l’activité commerciale des Bembo, sur laquelle je ne m’étendrai pas, concerne l’Angleterre : entre la fin de l’année 1476 et l’année 1477 Marco Bembo fut d’abord à Southampton et ensuite à Londres. À une date qui reste à préciser il rentra à Venise : c’était le 20 avril 1479 quand il rédigea son testament, peu avant de s’embarquer pour la Crète (comme lui même le précise dans le document)2, où nous le retrouvons en juin, dans la ville de Candie, après une halte à Modon.

  • 3 Par « voyage » on n’entendait pas seulement la route parcourue par les navires, mais aussi l’expédi (...)
  • 4 Je tiens à souligner que l’idée d’une reprise des échanges est une simplification, car, pour l’heur (...)
  • 5 Archives d’État de Venise (dorénavant ASVe), Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, (...)

4Il est important de remarquer la date à laquelle les frères Bembo ont organisé ce voyage à Constantinople3 : nous sommes au printemps 1479 et le 25 janvier de la même année Venise, par l’intermédiaire de Giovanni Dario, avait conclut un traité de paix avec Mehmed II qui mettait un terme à la première guerre de Morée, durée seize ans : si les conditions imposées à Venise, sortie perdante du conflit, avaient été très dures, la paix a néanmoins permis la reprise des échanges commerciaux4, comme Marco Bembo même l’écrit peu avant de se rendre à Constantinople5.

En Crète

  • 6 Un exemple récent a été porté avec l’édition des actes de Giacomo dalla Torre, un notaire vénitien (...)

5Le séjour crétois de notre marchand s’est déroulé du mois de juin jusqu’en novembre/décembre 1479. Dans la ville de Candie, capitale de la Crète vénitienne, Marco avait une boutique pour la vente au détail, en plus d’une maison, où travaillait une « femme de ménage » prénommée Catarina. Les intérêts des Bembo sur l’île étaient précédents à ce voyage : Marco y était peut-être déjà en 1475, avant de se rendre en Angleterre, et son père Girolamo avait procédé à des achats de biens immobiliers à Candie. La Crète vénitienne, qui était très bien placée sur les routes maritimes et à partir de laquelle on pouvait atteindre assez facilement les principaux marchés levantins, était employée par les marchands (non seulement vénitiens) comme base de leurs trafics : de plus, les Crétois participaient activement aux échanges — en tant que patrons de navires, grands ou petits marchands, etc. — et ceci, en ce qui concerne Constantinople, depuis au moins le dernier siècle de son histoire byzantine6.

  • 7 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 11, 11 novembre 147 (...)
  • 8 G. Berchet (éd.), I diarii di Marino Sanuto, vol. II, Venise, A spese degli editori, 1879, col. 628

6Le séjour candiote de Marco a présenté toute de suite une difficulté majeure : la peste. Notre marchand s’est fréquemment occupé de la marchandise principale de l’île, le vin. La maladie en compliquait l’approvisionnement, car la période de la vendange approchait et on s’attendait à une année « maigre », avec peut-être même pas le tiers de la production de l’année précédente. Marco envisageait aussi de créer un dépôt de 600 à 800 tonneaux de vin à Constantinople pour profiter de la pénurie qui s’annonçait pour l’année en cours, en prévoyant ainsi un bénéfice de 1 500 à 2 000 ducats : précédemment, 6 000 tonneaux de vin avaient quitté tous les ans la Crète à destination de Constantinople, tandis que cette année-là, selon Marco il n’y en avait pas 6 000 dans toute l’île, à cause de la peste et de la pénurie de main-d’œuvre7. Dans les années suivantes on trouve encore des témoignages concernant une baisse de la production vinicole de l’île : par exemple, le diariste Marino Sanudo sous l’année 1499 écrit que « Candie est un lieu sec et aride, il était de coutume de produire 28 000 tonneaux de vin, maintenant 6 à 7 000 », et il poursuit en disant que l’île produisait trois types de vin avec trois destinations différentes, à savoir le Ponant, Venise et Constantinople8.

  • 9 Sur la peste à Venise en 1478 on pourra lire, par exemple, M. Sanudo, Vite de’ duchi di Venezia, da (...)
  • 10 Voir le corpus : <http://rulersofvenice.org/>.

7D’une manière générale c’était la vie commerciale toute entière de l’île qui était en quelque sorte en suspens : le duc de Crète était parti à la campagne avec l’un de ses conseillers, il mourait 2 à 3, ensuite 5 ou 6 personnes par jour ; Marco passait son temps dans sa maison, à l’église et sur la place publique. En arrivant sur l’île il avait bon espoir d’écouler ses marchandises, mais en réalité il ne put conclure d’importantes affaires car simplement il n’y avait personne pour le faire : les gens — les « grands » comme les « petits » — avaient pris la fuite et Candie semblait se trouver dans une situation démographique pire que celle de Venise l’année précédente, quand la métropole avait elle aussi était frappée par la peste9. En plus, Lorenzo qui, à Venise, avait appris la situation difficile dans laquelle se trouvait l’île, voulait arrêter d’envoyer de la marchandise, ce à quoi Marco répondit qu’effectivement les choses étaient en train de « dormir », mais qu’il fallait décider en fonction de ce que lui, sur place, aurait été en mesure de réaliser. Cette situation entraînait un autre problème, car Marco était dans l’obligation de faire montre d’une certaine souplesse en vendant à terme, ce qui allait poser la question du recouvrement des dettes, qui fut l’une de ses activités principales à Candie (et tout au long de sa carrière de marchand), en cela aidé par un parent, Tommaso Bembo, camerlingue de Crète depuis juillet 147910. Il tenta de rassurer son frère en lui disant qu’il fera attention à la solvabilité des acheteurs.

  • 11 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 8, 3 juillet 1479, (...)

8Pour organiser son déplacement à Constantinople, Marco aurait voulu avoir l’avis d’autres marchands qui avaient été récemment là-bas, mais il n’y en avait aucun, à l’exception des Candiotes, qui allaient sur le Bosphore vendre du vin et acheter des salaisons : ceux-ci l’informèrent de la possibilité d’avoir de bons résultats en mer Noire, à Akkerman (Moncastro) pour les peaux, à Tana, Caffa et Copa pour les salaisons, des endroits qui promettaient des bénéfices importants et qui étaient considérés assez sûrs. À l’époque la mer Noire était presque un lac ottoman (Akkerman fut conquise en 1484) et l’accès y était très réglementé mais pas interdit aux Italiens11.

  • 12 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 8, 3 juillet 1479, (...)

9En tous les cas, la situation en Crète ne s’améliorait guère au cours de cet été 1479 : vers la fin de la saison on mourait désormais à 8-10 par jour. Pendant ce temps, Marco organisa un modeste envoi de marchandise vers Rhodes, Chypre et la Syrie, pour — dit-il — ne pas rester les bras croisés12.

10En septembre le temps pour organiser le passage sur le Bosphore commençait à manquer. D’autres nouvelles sur le marché constantinopolitain lui sont transmises par son frère, selon lequel — d’après ce qu’il avait pu entendre à Venise — dans la capitale ottomane il n’y avait pas de demande pour les draps, mais Marco semble avoir recueilli sur l’île des informations différentes et rassure son frère. En revanche, les marchandises à acheter une fois sur place et qui auraient eu bon accueil en Crète étaient les salaisons, les peaux, le blé et les douves (les planches longues et courbées qui forment le corps d’un tonneau). Marco était bien conscient que ce passage à Constantinople tardait un peu à arriver et écrivit à Lorenzo de ne pas s’en étonner, car la situation météorologique non plus n’avait pas été favorable à ce voyage.

  • 13 Un dénommé Biagio degli Usberti, originaire de Bologne, avait obtenu le privilège de citoyenneté vé (...)
  • 14 Bembo ne donne pas son nom, mais l’identification semble sûre. Début juin 1479 Trevisan est sommé d (...)
  • 15 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 10, 9 septembre 147 (...)

11Finalement, Marco décida de ne pas partir lui-même tout de suite, mais d’envoyer d’abord Francesco di Usberti13, un jeune à son service, éventuellement accompagné d’un certain Lazzaro Tartaro, qui lui servirait d’interprète : Marco devait suivre de près et Francesco aurait pu rentrer à Candie pour Noël, voire plus tôt. Les affaires candiotes seront laissées entre les mains de Francesco Giustinian, en qui Marco avait la plus grande confiance. Francesco di Usberti fut finalement accompagné par Andrea Alberga, un autre jeune au service de Marco, expert dans le domaine des pierres précieuses, et aussi par un famiglio (un serviteur) grec pour faire la cuisine : Marco leur recommanda de ne pas oublier de se présenter à ses « amis » sur place, pour obtenir toute l’aide dont ils auront besoin, et de profiter aussi de l’arrivée de l’ambassadeur vénitien Benedetto Trevisan14, auquel Mehmed II avait — parait-il — réservé un excellent accueil15.

  • 16 Ibid.

12Pour envoyer Francesco, Marco a nolisé le navire Marcella. Il était important d’arriver à Constantinople avant les convois des galères d’État, pour avoir plus de chances de conclure de bonnes affaires : Lorenzo informa son frère que le départ des galères pour Constantinople était fixé au 10 septembre16, mais pour Marco, plus elles retarderont leur départ, le mieux ce sera, car cela allait lui permettre d’envoyer son propre navire avant ; et il se montre très optimiste à ce sujet, car selon lui les galères n’allaient pas quitter Parenzo, en Istrie, avant fin septembre et allaient trouver des vents de sirocco (donc de sud-est) qui les auraient ralenties.

  • 17 Ibid.

13Un chapitre très important des instructions données par Marco à Francesco di Usberti concerne la meilleure façon de conclure les marchés, à savoir en numéraire, au troc ou à terme. Les acheteurs constantinopolitains sortaient difficilement les espèces et donc il sera nécessaire d’avoir recours au troc pour vendre la marchandise importée à Constantinople, en utilisant les espèces pour les achats faits sur place17. D’ailleurs, si les galères avaient à arriver avant Marco, Francesco devait attendre avant de décharger leurs marchandises, car Marco espérait obtenir un meilleur traitement au niveau de l’imposition fiscale à l’importation.

  • 18 Gritti prit possession de ses fonctions en octobre 1479 (voir le corpus : <http://rulersofvenice.or (...)
  • 19 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, non numéroté (entre le (...)
  • 20 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 10, 9 septembre 147 (...)
  • 21 Selon la liste de chargement officielle les caisses contenaient du savon, mais en réalité il y avai (...)
  • 22 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, non numéroté (entre le (...)

14D’un point de vue matériel, Marco dit à Francesco de ne pas aller loger avec d’autres personnes déjà sur place, mais de prendre en location une maison, là où on le lui conseillera, pourvu qu’elle ait des entrepôts en dessous ou à proximité pour y stocker du vin. Il donna aussi à Francesco une lettre pour l’ambassadeur vénitien et une autre pour le baile entrant, Battista Gritti, qui était sur le point d’arriver à Constantinople avec, entre autres, le peintre Gentile Bellini18 : Francesco devait aller le voir à bord de la galère qui l’avait amené à Constantinople, lui offrir de le loger et lui rappeler l’arrivée imminente de Marco, qui se mettait à son entière disposition19. Les frères Bembo avaient des liens personnels avec Gritti, qui, depuis 1456, était marié à Elisabetta Bembo, une cousine de Lorenzo et Marco. Mais apparemment il était en froid avec Lorenzo pour une raison que j’ignore, et toutefois Marco fut très clair avec son frère : le poste que Gritti allait occuper, l’autorité qu’il allait avoir et la connaissance du pays qu’il avait déjà, faisaient que Marco devait se montrer à son égard « extrêmement obséquieux », et il était donc très important que Gritti quitte Venise en étant en de bons termes avec Lorenzo, car ensuite à Constantinople notre marchand voulait tirer tout « le jus et le fruit » de cette proximité20. Francesco partit pour Constantinople avec du savon, de l’étain, beaucoup de draps de laine et de soie et 30 tonneaux de vin ; sur place il devait penser à acheter de la cire, de la soie, du kermès, des boldroni (peaux de mouton ou de brebis avec leur laine non tondue). En outre, Marco voulait faire entrer un peu de marchandise — pas de quoi s’enrichir — en contrebande en la faisant passer pour du savon dans les caisses portant les numéros 89 et 9021, mais la décision finale revenait à Francesco qui, en cas de danger, devait tout déclarer. Francesco di Usberti s’embarqua pour Constantinople entre septembre et octobre 147922.

  • 23 ASVe, Senato, Incanti di galere, reg. I, fo 62v, 29 mars 1479. On signale que l’une des deux galère (...)
  • 24 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 11, 11 novembre 147 (...)
  • 25 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 12, 14 décembre 147 (...)

15Marco avait toujours un œil sur la progression des galères d’État du voyage de Romanie : elles avaient quitté Modon le 15 octobre et elles n’avaient pas prévu de faire escale à Candie, le capitaine et les patrons ayant le choix d’aller ou non en Crète ; à cause des vents de bora Marco estimait que, au moment où il écrivait (la lettre est datée du 11 novembre), elles ne devaient pas encore avoir dépassé Chios, qui, à l’aller, était une étape obligée23. Il espérait donc que son arrivée à Constantinople puisse au moins coïncider avec celle des galères, car, lui, il était favorisé — selon ce qu’il dit ou espère — par le vent du midi, qui allait lui permettre de faire le voyage en 5-6 jours. Si l’on ne connaît pas la date exacte de son départ, on sait que la dernière lettre candiote est du 11 novembre (avec éventuellement quelques ajouts de peu postérieurs)24 et que la première lettre envoyée de Péra date du 14 décembre 147925.

16La présence de Marco en Crète, dont je n’ai donné ici que quelques échantillons, montre l’île dans ses multiples facettes : de lieu de passage des routes maritimes, de lieu de transit de marchandises destinées à la partie orientale et méridionale de la Méditerranée et à l’Europe du Nord, de lieu de production et de marché d’approvisionnement (vin, fromage, etc.) et de marché pour écouler ses marchandises (par exemple le caviar, pour lequel Marco avait bien profité des prescriptions religieuses). De Crète Marco toucha ainsi Constantinople, la Romanie, la mer Égée, l’Égypte avec Alexandrie et l’Angleterre/Flandres. En ce qui concerne Constantinople, la ville en pleine croissance entre xve et xvie siècle constitua un marché très important pour les produits de l’île.

La traversée vers Constantinople

17Le voyage de Candie à Constantinople ne fut pas de tout repos pour notre marchand : la peste sévissait de plus en plus, en tuant 20 à 25 personnes par jour et rendait les opérations de chargement du navire assez complexes ; grâce à un peu plus d’argent versé, Marco put faire en sorte que l’équipage reste calme. Il avait choisi un pilote d’une soixantaine d’années, qui connaissait bien l’Archipel, mais lui et deux de ses fils moururent de la peste ; il dut en prendre un autre, le payer, mais, après avoir touché sa paye, deux de ses fils moururent également de la peste. Marco était donc face à un dilemme, puisque le père aussi était malade, mais c’était l’hiver, il n’y avait pas de bon pilote à disposition et donc il fallut faire passer le danger représenté par la maladie après la nécessité de partir.

  • 26 Embarcation petite et rapide propulsée à la rame, employée pour le transport, l’envoi de dépêches, (...)
  • 27 En 1479/884 le mois de ramadan a commencé le 16 novembre : voir V. Grumel, Traité d’études byzantin (...)
  • 28 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 13, 28 décembre 147 (...)

18Trois jours après le départ de Candie un membre de l’équipage mourut et son corps fut jeté dans l’eau. Le navire se trouvait à ce moment-là près de Chios par un temps de bora, donc par des vents contraires : Marco fit jeter l’ancre au cap Mastichon, l’extrême sud de l’île, et envoya un homme à terre avec une lettre adressée à Bernardino di Iancardo (Zancardo, Biancardo ?), son commis, pour lui demander d’aller le voir. Bernardino se rendit à cette rencontre en secret, car, si les gens de Chios avaient su que le navire venait de Candie, ils l’auraient chassé, puisqu’ils savaient qu’en Crète la peste sévissait. Marco lui demanda de lui préparer un gripo26, car il voulait passer en « Turquie » et s’en aller à Constantinople par voie de terre. Rendez-vous fut donné en face de la ville de Chios : une fois arrivé le gripo, Marco prit quand même le temps de se renseigner sur l’état du marché à Chios et du côté turc, et décida de laisser sur l’île du fromage crétois et 25 tonneaux de vin, entre les mains d’un autre Génois, Agostino Presenda, sur lequel il avait eu de bonnes informations à Candie. Ensuite, Marco passa enfin en « Turquie » accompagné par Bernardino, qui resta seulement la première nuit. Marco poursuivit donc son chemin à cheval et en sept jours parvint à Brousse, où il logea chez le Génois Leonardo Confortino, qui lui avait été recommandé par Agostino Presenda de Chios. Marco profita de son court séjour dans l’ancienne capitale ottomane pour se renseigner sur l’état du marché de la ville. Pour faire le trajet entre Brousse et Constantinople il choisit encore une fois la voie de terre, pour une durée de trois jours : en effet, par crainte des vents de bora, il décida de ne pas aller à Mudanya, l’ancienne Apamée, à 20 milles de Brousse, et ensuite de prendre un bateau pour Constantinople. Il chevaucha donc en tout dix jours à travers la « Turquie », accompagné par des guides locaux : il se fit reconnaître en tant que Vénitien, étant bien vu par toutes les personnes rencontrées. Les deux seules notes négatives avaient été premièrement le peu de confort pendant les nuits, car la plupart du temps les lits manquaient et il lui fallut dormir à même le sol, tandis que dans quelques cas il avait pu avoir des matelas en laine ; deuxièmement, le manque de vin, car, tel un pèlerin, sa gourde s’était retrouvée vide à un moment non précisé du voyage, et, puisqu’il n’avait pas été en mesure d’en trouver sur le chemin, il avait été forcé de jeûner avec pain et eau. Toutefois, ce n’était pas plus mal car il reconnaît volontiers que, non seulement cet inconvénient, mais, plus en général, tout ce voyage, lui ont donné l’occasion d’apprendre de nouvelles pratiques et avoir connaissance des coutumes de peuples différents. En effet, c’était le mois de ramadan27 — le « Carême des musulmans », selon la définition de Marco — et donc voilà que ce jeûne forcé tombait à point nommé : ses accompagnateurs mangeaient seulement la nuit et Marco convint de faire la même chose. Il parvint à Constantinople le 11 décembre, avec un jour d’avance sur le navire, dont l’équipage avait entre-temps jeté dans le détroit le corps sans vie d’un autre de ses membres, mort de la peste28.

À Constantinople

  • 29 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 13, 28 décembre 147 (...)
  • 30 D. Jacoby, « Caviar Trading in Byzantium », dans R. Shukurov (dir.), Mare et litora. Essays Present (...)
  • 31 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 12, 14 décembre 147 (...)
  • 32 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, non numeroté (entre le (...)

19Une fois à Constantinople, et plus précisément à Péra, Marco se mit au travail29. Il focalisa une partie de son attention d’abord sur les achats de caviar de Copa (sur la côte orientale du détroit qui met en communication la mer Noire et la mer d’Azov), qui est déjà bien attesté à l’époque byzantine comme l’un des principaux lieux d’approvisionnement en caviar pour Constantinople30. Cette marchandise lui tenait particulièrement à cœur car, comme lui même l’écrit à son frère, Mehmed II venait tout juste de conquérir ces territoires-là en faisant beaucoup de ravages et donc la production allait être arrêtée au moins pendant un an : son idée était en quelque sorte de monopoliser l’exportation du caviar vers Candie l’année suivante pour le vendre pendant le Carême au prix voulu. Notre marchand remarque que les autres Vénitiens en ville étaient en train de se jeter sur les camelots et la soie, et que donc il ne fallait pas trop s’y intéresser31. D’un autre côté, pour le vin il fallait attendre la bonne saison — au moins mars — car, en janvier, on buvait encore les vins du pays. Par contre, Constantinople n’était pas un grand marché pour les épices. Marco écrivit à son frère que rien de très intéressant n’arrivait en ville et que les prix étaient élevés : si une bonne affaire devait se présenter, il y songerait. D’ailleurs, il est bien connu qu’à cette époque les Vénitiens allaient chercher leurs épices plutôt à Alexandrie. En plus, il semble y avoir eu de fortes limitations concernant le trafic d’une marchandise qui était abondante à Constantinople/Péra à l’époque byzantine, à savoir les esclaves : la belle-sœur de Marco souhaitait avoir deux « têtes » (comme les esclaves étaient couramment appelés), mais notre marchand explique qu’« il ne faut pas avoir de telles idées car aucune tête ne pouvait être exportée » ; pour mieux éclairer la situation, il porte l’exemple d’un galioto, membre de l’équipage de l’une des galères vénitiennes, qui avait voulu amener avec soi une esclave : le résultat avait été que le patron du navire avait dû payer une amende de 10 000 aspres et le galioto avait été pendu32.

  • 33 Voir H. İnalcık, « Istanbul », dans The Encyclopaedia of Islam, vol. IV, Leyde, Brill, 1997, p. 227 (...)
  • 34 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 13, 28 décembre 147 (...)

20Sur le marché constantinopolitain l’activité était compliquée par un manque patent de solidarité entre Vénitiens, qui concluaient des affaires sans se soucier si les conditions de tel ou tel autre marché auraient pu nuire aux autres, ne parvenant pas à agir en tant que groupe, comme en revanche savaient le faire les Juifs ; en outre, une action davantage coordonnée aurait été rendue possible par les circonstances, car à ce moment-là il y avait plus de marchandises sur place qui attendaient un acheteur que de biens importés à Constantinople pour être vendus. Dans une lettre datée du 28 décembre Marco écrivit à son frère qu’il n’avait conclu aucun marché depuis son arrivée, et qu’il voulait attendre le départ des galères pour vendre aux Turcs et aux Juifs au bedestān, lieu de transactions financières et d’échange de produits de grande valeur33. D’ailleurs, les Juifs étaient si bien organisés qu’ils achetaient des marchandises aux Turcs pour les revendre aux Vénitiens à un prix supérieur, ce qui poussa Marco à aller traiter directement avec les Turcs. Pour augmenter ses ventes il attendait beaucoup de la fête du bairam, qui pouvait être le petit bairam, la rupture du jeûne du ramadan, ou alors le grand bairam, la fête du sacrifice, environ deux mois plus tard34. Et, toujours pour aider les ventes, Marco décida aussi d’ouvrir une boutique à Péra pour écouler ses draps au détail, surtout ceux de pire qualité : d’après ce qu’il en dit à son frère dans les mois qui suivirent, la boutique donna de bons résultats.

  • 35 F. Babinger, Mahomet II le conquérant et son temps (1432-1481), Paris, Payot, coll. « Bibliothèque (...)
  • 36 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 23, août 1480, de P (...)
  • 37 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 24, août 1480, de P (...)

21Le sultanat ottoman était en effet un marché très réceptif en ce qui concerne les draps occidentaux et celle-ci fut justement l’une des marchandises les plus traitées par Marco : il insista d’ailleurs auprès de son frère pour que ce dernier s’active et profite largement de sa présence à Constantinople pour lui envoyer des draps de Bergame, Verwiq, Vicence, Vérone et Florence contrefaits. En écrivant en décembre 1479, il conseilla à Lorenzo de les faire transiter par Candie, d’où ils pouvaient être acheminés vers le Bosphore en avril ou mai suivants avec les navires qui transportaient le vin : Marco était sûr de pouvoir les vendre facilement entre Constantinople et Brousse. Toutefois, draps fins, draps de soie, d’or et velours par moment avaient du mal à trouver acquéreur, surtout parce que le sultan, d’habitude bon acheteur, pouvait décider d’économiser l’argent pour ses expéditions militaires. Néanmoins, Marco parvint à conclure plusieurs affaires avec la Porte, et toutefois l’action militaire de Mehmed II avait une influence directe sur les possibilités du Vénitien d’écouler ses marchandises : en août 1480, notre marchand décrit le sultan engagé dans quelques-unes de ses dernières opérations qu’il mena, comme les expéditions contre Otranto ou contre Rhodes35. Ceci a influencé notamment les ventes du vin, car il manquait tout simplement les buveurs, c’est-à-dire les soldats36. Encore, en août 1480 on ne savait pas si le départ imminent du sultan était motivé par une guerre contre la Hongrie ou par la volonté de s’éloigner de la ville après le début d’une pestilence37.

22Mais Constantinople était aussi un point de départ, d’où rayonner vers des territoires plus ou moins éloignés, comme Tana (pour y acheter du poisson), mais il faut admettre que Marco en a surtout beaucoup parlé, même s’il note que des Vénitiens y sont allés.

  • 38 J. Koder et F. Hild, Hellas und Thessalia, Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissens (...)

23— Le canal de Nègrepont, en particulier Talandi/Talanta (Atalantè)38, où peut être acheté un blé de très bonne qualité : dans les années suivantes on y retrouvera son neveu, Alvise Malipiero.

  • 39 La portée était l’unité mesurant le nombre de fils qui composaient la chaîne pour établir la qualit (...)
  • 40 Qui tire son nom de la ville de Strava/Asterabad.
  • 41 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, non numeroté (entre le (...)

24— Brousse : en décembre, peu de jours après son arrivée à Constantinople, Marco y envoya Francesco di Usberti, qui logea lui aussi chez le Génois Leonardo Confortino, qui avait une excellente connaissance du pays. Francesco partit avec des draps de Brescia, de Bergame, de Verwiq, d’Essex, des bâtards, de 100 portées39, de soie, et du papier. Francesco aurait pu en tirer dans les 150 000 aspres (environ 3 000 ducats). Sur place il devait s’intéresser à la soie persane, dont Brousse était le principal marché en territoire ottoman : surtout la variété stravai40 (qu’effectivement Francesco a acheté), car les autres variétés ne pouvaient être trouvées qu’avec une grande difficulté ; ensuite venaient les camelots, les tapis, éventuellement du kermès et de la laque41. Après le retour de Francesco à Péra, c’est Andrea Alberga qui resta quelque temps à Brousse, toujours en contact avec des Génois.

25— Trebisonde, mais ce n’est qu’une hypothèse.

26— Thessalonique : pendant son séjour pérote, Marco prêta beaucoup d’attention au marché de cette ville. La meilleure marchandise de cette échelle était, selon lui, la laine, mais il y acheta aussi des douves, qu’il voulait faire envoyer à Candie pour en faire des tonneaux, à remplir avec du vin de Candie et de Rethymnon pour les galères de Flandres ; et bien sûr c’était un endroit excellent pour le blé, ou encore le fer et le plomb.

  • 42 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 25, septembre 1480, (...)

27— Gallipoli, où il était en contact avec le Génois Stefano da Fiesco42.

  • 43 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 22, 2 juin 1480, de (...)

28— Ou alors plus loin, en Syrie à Beyrouth, où il envoya Francesco di Usberti, avec une étape à Phocée pour y acheter de l’alun, un tiers pour le compte des frères Bembo et deux tiers pour le compte du Génois Battista Spinola. Lors de son voyage de retour ce navire fut retenu, avec deux autres, dans le canal de Rhodes par la flotte ottomane qui assiégeait l’île, en prétextant que le bateau n’avait pas rendu l’hommage requis au sultan en amenant les voiles. Un message fut envoyé à Constantinople pour savoir s’il s’agissait de navires vénitiens : une fois vérifié auprès du baile que c’était bien le cas, un messager fut dépêché avec l’ordre de les libérer, le capitaine de la flotte turque étant tout à fait disposé à tuer l’ensemble des gens à bord s’ils n’avaient pas été Vénitiens43.

  • 44 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 24(bis ?), 25 août (...)

29— Alexandrie, où il est en contact avec son cousin Domenico Barbarigo et Francesco Marcello44.

  • 45 Voir A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 » (...)

30— Et même jusqu’en Perse pour y acheter des pierres précieuses45.

31Sans oublier les envois de marchandises vers Venise, avec escale à Gallipoli, Chios, Modon et Corfou, et, bien évidemment, ceux vers Candie, et l’Occident (Sicile et Angleterre).

  • 46 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 13, 28 décembre 147 (...)
  • 47 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 20, 28 mars 1480, d (...)

32On le voit, les frères Bembo n’étaient pas des marchands spécialisés. Ils ne l’étaient pas géographiquement, car « celui-ci est un pays dans lequel, si on veut réaliser quelque chose, on ne peut pas se contenter de rester ici [Constantinople], mais il faut aller dans les lieux avoisinants46 », ce qui posait aussi le problème des personnes auxquelles confier ces voyages : Francesco di Usberti manifestement resta beaucoup plus que prévu, et Marco se plaignit de ne pas avoir à disposition ses neveux, car il aurait envoyé Giovanni Malipiero à Brousse et Alvise Malipiero à Thessalonique, voire même à Tana (ils étaient les fils de sa sœur Maddalena et de Paolo Malipiero). Mais les Bembo n’étaient pas non plus spécialisés du point de vue de la marchandise, car « c’est le devoir du bon marchand de toujours trouver le moyen de faire du profit, de toucher à tout47 ».

  • 48 La lettre dans laquelle Marco mentionne Giovanni Dario est datée du 2 juin 1480 : au cours de cette (...)
  • 49 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 22, 2 juin 1480, de (...)

33Mais Lorenzo exprima ses doutes à Marco vis-à-vis des réelles possibilités de profit dans ce « voyage », doutes partagés par leur mère aussi, et qui, en plus que par lettre, lui furent exprimés de vive voix par l’ambassadeur vénitien à Constantinople Giovanni Dario48. Sa famille était surtout très inquiète, car elle estimait qu’être à Constantinople représentait un très grand danger pour Marco, mais ce dernier voulait être rassurant, car il leur écrivit que les marchands étrangers étaient très bien vus, puisque le sultan connaissait bien leur importance pour l’économie de la ville : le sultan voulait la paix qui fait fleurir le commerce et Marco est très étonné d’apprendre qu’à Venise certains pensaient même arrêter d’envoyer de la marchandise sur le Bosphore… mais bon, tant mieux pour lui49 !

  • 50 ʿAmeldār étant celui qui avait obtenu la ferme d’impôts ou de biens appartenant à l’État.
  • 51 Voir A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 » (...)
  • 52 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 13, 28 décembre 147 (...)
  • 53 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 22, 2 juin 1480, de (...)
  • 54 Voir A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 » (...)

34Pendant son séjour, Marco s’était créé des contacts avec des fonctionnaires locaux qui auraient pu l’aider dans son travail : c’était le cas de l’ʿameldār du savon50, son « ami » selon les propres mots de Marco. Sur le savon la taxation était double : 5 % comme droit d’entrée (kommerkion), et aussi 16 aspres par ḳinṭār (environ 50 kg)51. En vertu de leur « amitié » Marco demanda à l’ʿameldār de lui laisser pendant un an le monopole du savon vers Brousse : le fonctionnaire accepta en échange de 16 000 aspres. Marco comptait envoyer 1 500 ḳinṭārs, ce qui lui aurait permis d’économiser 8 000 aspres sur le droit supplémentaire, qui se serait élevé à 24 000 aspres52 : mais ce droit supplémentaire fut ensuite supprimé53. Il acheta aussi 70 tonneaux de lachierde, des salaisons en tranche provenant des bonites ou pélamides (une variété de thon) aux ʿameldārs des poissons. Plus compliqué l’achat de douves à Thessalonique, où cette marchandise avait récemment été mise sous l’autorité d’un ʿameldār qui s’était avéré plus dur dans la négociation. Le système du don était bien sûr présent à l’intérieur et autour de la douane, ainsi que dans la pratique commerciale : Marco lui même le rappelle, en disant qu’une partie de la marchandise devait être utilisée pour gagner la faveur de personnes susceptibles de l’aider ; il note ainsi une liste de draps offerts aux douaniers de Péra et on le voit offrir un drap de 80 portées au ṣubashi̊ de Péra après lui avoir payé le droit sur du vin54.

En guise de conclusion : le retour à Venise (via Candie)

  • 55 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, non numéroté (entre le (...)
  • 56 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 20, 28 mars 1480, d (...)

35En réfléchissant, à la fin de l’année 1479, à celle qui devait être la durée de son séjour au Levant, Marco écrivait à son frère Lorenzo qu’il lui fallait rester deux ans entre Constantinople et Candie. Il espérait ainsi retourner sur l’île vénitienne avant mars 1481 : d’ailleurs, c’était justement à cette date que la « compagnie » créée par les deux frères arriverait à sa date d’expiration et donc, au vue du programme que Marco avait en tête et des marchandises qui lui restaient à écouler, il proposa à son frère de la renouveler d’un an, jusqu’en mars 148255. Il fallait qu’il soit prévenu de la décision de son frère, car ce dernier lui avait dit que « finies les marchandises, finie la compagnie » : or, Marco insista sur le fait que, une fois les marchandises terminées au Levant, et après que Lorenzo eut encaissé le profit à Venise, ce même profit devait être réinvesti au nom des deux jusqu’au retour à Venise de Marco, car ce dernier, tant qu’il était à l’étranger, était en train de travailler au profit des deux, et donc il s’attendait à ce que son frère en fasse de même ; en cas d’expiration de la compagnie, il ne voulait pas se retrouver avec un Lorenzo qui, à Venise, faisait ses propres investissements en solitaire, tandis que lui, à l’étranger, était toujours en train de travailler pour deux56.

  • 57 Biblioteca Civica del Museo Correr, Mss. Dandolo, Pr. Div. C 935, ins. 29.
  • 58 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 27, mars ou mai 148 (...)
  • 59 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 28, 1er août 1481, (...)
  • 60 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 29(bis), 30 septemb (...)
  • 61 ASVe, Miscellanea Codici I, Storia veneta, reg. 17, p. 331 (M. Barbaro, Arbori de’ patrizi veneti).
  • 62 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 2, fo 26v, 3 juin 1483, d (...)
  • 63 A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 », Stu (...)
  • 64 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 2, fo 57v, 3 avril 1484, (...)
  • 65 A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 », Stu (...)

36On ne connaît pas la réponse de Lorenzo, mais dans une lettre datée de septembre 1480 Marco parle pour la première fois de la mort de son frère, qui a pour conséquence le fait que les affaires à Venise sont restées sans direction : Marco était donc forcé de quitter Constantinople au plus tôt. Je signale que Lorenzo avait rédigé son testament le 10 août de la même année57. On n’est pas renseigné sur les procédures du départ comme on l’a été pour l’arrivée. Quant à la date, les lettres présentent une interruption entre septembre 1480 et mars ou mai 1481, dernière lettre datée de Péra, par laquelle Marco organise le voyage de son neveu Alvise Malipiero, arrivé entre-temps à Constantinople, vers Candie58 ; du 1er août 1481 date la première lettre de Candie59, d’où on le voit organiser des voyages commerciaux vers Rethymnon, Thessalonique, Alexandrie, et surtout renvoyer son neveu Alvise Malipiero à Constantinople, où on le retrouvera dans les années suivantes. Comme Francesco di Usberti exactement deux ans auparavant, au mois de septembre 1481 Alvise aussi reçut une lettre avec les instructions pour son voyage et son séjour60 et c’est ainsi que l’histoire recommence, mais pas tout à fait à l’identique, car Marco ne rejoindra pas son neveu sur le Bosphore, mais il rentrera à Venise à une date que je ne peux pas préciser (la dernière lettre envoyée de Candie est de octobre 1481 et la première datée de Venise est de juillet 1482) : de la métropole il dirigea, non sans mal, les affaires jusqu’à sa mort, survenue le 6 septembre 1484. On voit dans l’arbre généalogique apparaître à cette génération des Bembo la mention « dalla riva del carbon61 », où se trouve, depuis le xve siècle, la Ca’ Bembo, dans la paroisse de San Salvador (Saint-Sauveur). Dans une lettre datée du 3 juin 1483 Marco affirme que « je me suis mis à fabriquer une maison ici, pour laquelle je finirai pour dépenser plus de 3 000 ducats62 » : il peut s’agir de la restauration tardo-gothique de ce palais, ou d’une partie, ou de la construction d’une partie du bâtiment. Il mourut en tombant du haut de sa maison en construction et fut vraisemblablement enterré dans l’église de San Salvador63. Marco avait fait le choix de ne jamais se marier : en fustigeant pour la énième fois son neveu Giovanni Malipiero pour sa maladresse en tant que facteur, il dit le faire comme « si tu étais mon fils, car je ne te tiens pour moins que cela, puisque je n’ai pas de femme et que je n’en veux pas64 ». Dans son testament il résume ainsi sa situation financière (formulation postérieure à la date de la première version du document, de 1479) : « Ce que j’ai au monde, tant le patrimoine que les bénéfices faits au Levant et au Ponant, sont contenus dans mes livres : tout mon capital est en marchandises, voyages commerciaux et débiteurs, avec la commissaria de feu mon frère Lorenzo65. » Ses commissaires testamentaires furent, entre autres, ses neveux, Giovanni Malipiero (le frère de Alvise) et Girolamo Bembo, le fils de feu son frère Lorenzo, avec lesquels les affaires continueront et s’achèveront.

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Bibliographie

Sources manuscrites

Archives d’État de Venise (ASVe), Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29.

Archives d’État de Venise (ASVe), Miscellanea Codici I, Storia veneta, reg. 17.

Archives d’État de Venise (ASVe), Senato, Incanti di galere, reg. I.

Archives d’État de Venise (ASVe), Senato, Mar, reg. 11.

Archives d’État de Venise (ASVe), Senato, Secreta, reg. 29.

Biblioteca Civica del Museo Correr, Mss. Dandolo, Pr. Div. C 935.


Ouvrages imprimés (sources et études)

Babinger Franz, Mahomet II le conquérant et son temps (1432-1481), Paris, Payot, coll. « Bibliothèque historique », 1954.

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Grumel Venance, Traité d’études byzantines, vol. I, La chronologie, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Bibliothèque byzantine », 1958.

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Jacoby David, « Caviar Trading in Byzantium », dans Rustam Shukurov (dir.), Mare et litora. Essays Presented to Sergei Karpov for His 60th Birthday, Moscou, INDRIK, 2009, p. 349-364.

Koder Johannes et Hild Friedrich, Hellas und Thessalia, Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, coll. « Tabula Imperii Byzantini, 1 », 1976.

Laiou Angeliki E., « Un notaire vénitien à Constantinople : Antonio Bresciano et le commerce international en 1350 », dans Michel Balard, Angeliki E. Laiou et Catherine Otten-Froux (éd.), Les Italiens à Byzance. Édition et présentation de documents, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Byzantina Sorbonensia, 6 », 1987, p. 79-151.

Malipiero Domenico, Annali veneti dall’anno 1457 al 1500, Archivio Storico Italiano, VII/1, 1843.

Mantran Robert, La vie quotidienne a Constantinople au temps de Soliman le Magnifique et de ses successeurs (xvie et xviie siecles), Paris, Hachette, coll. « La vie quotidienne », 1965.

Mueller Reinhold C., Aspetti sociali ed economici della peste a Venezia nel Medioevo, dans Venezia e la peste, 1348-1797 (catalogue de l’exposition), Venise, Marsilio, 1979, p. 71-76.

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Pedani Maria Pia, « Elenco degli inviati diplomatici veneziani presso i sovrani ottomani », Electronic Journal of Oriental Studies, vol. V, no 4, 2002, p. 1-54.

Sanudo Marino, Vite de’ duchi di Venezia, dans Rerum Italicarum Scriptores, vol. XXII, Milan, 1733, col. 405-1252.

Sopracasa Alessio, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 », Studi veneziani, no LXIII, 2011, p. 49-218.

Sopracasa Alessio, Venezia e l’Egitto alla fine del Medioevo. Le tariffe di Alessandria, Alexandrie, Centre d’études alexandrines, coll. « Alexandrie médiévale, 5 », « Études alexandrines, 29 », 2013.

Sopracasa Alessio, Costantinopoli e il Levante negli atti del notaio veneziano Giacomo dalla Torre (1414-1416), Venise, Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti, 2015.

Thiriet Freddy, « Les lettres commerciales des Bembo et le commerce vénitien dans l’empire ottoman à la fin du xve siècle », dans Studi in onore di Armando Sapori, vol. II, Milan, Istituto Editoriale Cisalpino, 1957, p. 911-933.


Corpora online

CIVES : <www.civesveneciarum.net>.

Rulers of Venice, 1332-1524 : <http://rulersofvenice.org/>.

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Notes

1 Pour une brève description de ce matériel, voir A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 », Studi veneziani, no LXIII, 2011, p. 50 ; voir aussi F. Thiriet, « Les lettres commerciales des Bembo et le commerce vénitien dans l’empire ottoman à la fin du xve siècle », dans Studi in onore di Armando Sapori, vol. II, Milan, Istituto Editoriale Cisalpino, 1957, p. 911-933.

2 Le testament de Marco Bembo est édité dans A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 », art. cité, p. 204-209.

3 Par « voyage » on n’entendait pas seulement la route parcourue par les navires, mais aussi l’expédition commerciale dans son ensemble vers un endroit déterminé et pour toute sa durée. On peut prendre l’exemple du livre des comptes de Giacomo Badoer, qui fut à Constantinople entre 1436 et 1440, par son rédacteur même appelé « libro de mi Jachomo Badoer del viazo da Costantinopoli » : U. Dorini et T. Bertelè (éd.), Il libro dei conti di Giacomo Badoer (Costantinopoli 1436-1440), Rome, Istituto Poligrafico dello Stato-Libreria dello Stato, coll. « Il Nuovo Ramusio, 3 » 1956, p. 1.

4 Je tiens à souligner que l’idée d’une reprise des échanges est une simplification, car, pour l’heure, on n’est pas en mesure d’établir l’existence et l’étendue d’une quelconque interruption.

5 Archives d’État de Venise (dorénavant ASVe), Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 10, 9 septembre 1479, de Candie. Il ne sera pas possible de faire un bilan financier de ce voyage, car nous avons les lettres commerciales mais nous n’avons pas les livres de compte.

6 Un exemple récent a été porté avec l’édition des actes de Giacomo dalla Torre, un notaire vénitien actif dans la capitale byzantine entre 1414 et 1416, auquel je me permets de renvoyer : A. Sopracasa (éd.), Costantinopoli e il Levante negli atti del notaio veneziano Giacomo dalla Torre (1414-1416), Venise, Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti, 2015. Voir aussi A. E. Laiou, « Un notaire vénitien à Constantinople : Antonio Bresciano et le commerce international en 1350 », dans M. Balard, A. E. Laiou et C. Otten-Froux (éd.), Les Italiens à Byzance. Édition et présentation de documents, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. « Byzantina Sorbonensia, 6 » 1987, p. 79-151 ; et les nombreux articles de Thierry Ganchou, notamment cités dans la bibliographie de A. Sopracasa (éd.), Costantinopoli e il Levante negli atti del notaio veneziano Giacomo dalla Torre (1414-1416), ouvr. cité.

7 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 11, 11 novembre 1479, de Candie.

8 G. Berchet (éd.), I diarii di Marino Sanuto, vol. II, Venise, A spese degli editori, 1879, col. 628.

9 Sur la peste à Venise en 1478 on pourra lire, par exemple, M. Sanudo, Vite de’ duchi di Venezia, dans Rerum Italicarum Scriptores, vol. XXII, Milan, 1733, col. 1209b, 1210a-b : « […] incominciò la peste in Venezia, e morivano 30 e 40 al giorno. Durò fino al mese di novembre, e morirono assai gentiluomini parte di peste, e parte di malattie prese in villa, perché assai andarono fuori della terra, per fuggire il pericolo. […] Il morbo […] lavorava in questa terra, e ne morivano al giorno quasi cento dieci adeo […]. Per la terra si vedeano pochissime persone. » Sur les dispositions prises à Venise à l’occasion de cette peste, voir R. C. Mueller, Aspetti sociali ed economici della peste a Venezia nel Medioevo, dans Venezia e la peste, 1348-1797 (catalogue de l’exposition), Venise, Marsilio, 1979, p. 73.

10 Voir le corpus : <http://rulersofvenice.org/>.

11 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 8, 3 juillet 1479, de Candie.

12 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 8, 3 juillet 1479, de Candie ; ibid., no 9, 22 juillet 1479 (instructions pour le voyage commercial).

13 Un dénommé Biagio degli Usberti, originaire de Bologne, avait obtenu le privilège de citoyenneté vénitienne en 1324 : <www.civesveneciarum.net>, ad v. Usberti (degli) Biagio del fu Giovanni.

14 Bembo ne donne pas son nom, mais l’identification semble sûre. Début juin 1479 Trevisan est sommé de partir par le Sénat et reçoit ses instructions le 12 du même mois : ASVe, Senato, Mar, reg. 11, fo 29(31)v, 8 juin 1479 ; ASVe, Senato, Secreta, reg. 29, fos 18(28)v-21(31)v ; voir aussi M. P. Pedani, « Elenco degli inviati diplomatici veneziani presso i sovrani ottomani », Electronic Journal of Oriental Studies, vol. V, no 4, 2002, p. 16, n. 59.

15 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 10, 9 septembre 1479, de Candie.

16 Ibid.

17 Ibid.

18 Gritti prit possession de ses fonctions en octobre 1479 (voir le corpus : <http://rulersofvenice.org/>).

19 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, non numéroté (entre les nos 10 et 11), septembre 1479, de Candie.

20 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 10, 9 septembre 1479, de Candie.

21 Selon la liste de chargement officielle les caisses contenaient du savon, mais en réalité il y avait des bonnets, de la banda larga (tôles larges de fer étamé), or et argent de Cologne, broquettes, dès à coudre.

22 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, non numéroté (entre les nos 10 et 11), septembre 1479, de Candie.

23 ASVe, Senato, Incanti di galere, reg. I, fo 62v, 29 mars 1479. On signale que l’une des deux galères mises à l’encan cette année-là avait été attribuée à Alvise Arimondo de Pietro, qui fut par la suite deux fois consul d’Alexandrie : voir A. Sopracasa, Venezia e l’Egitto alla fine del Medioevo. Le tariffe di Alessandria, Alexandrie, Centre d’études alexandrines, coll. « Alexandrie médiévale, 5 », « Études alexandrines, 29 », 2013, p. 39-45.

24 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 11, 11 novembre 1479, de Candie.

25 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 12, 14 décembre 1479, de Péra.

26 Embarcation petite et rapide propulsée à la rame, employée pour le transport, l’envoi de dépêches, ou la course.

27 En 1479/884 le mois de ramadan a commencé le 16 novembre : voir V. Grumel, Traité d’études byzantines, vol. I, La chronologie, Paris, Presses universitaires de France, 1958, coll. « Bibliothèque byzantine », p. 296.

28 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 13, 28 décembre 1479, de Péra.

29 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 13, 28 décembre 1479, de Péra.

30 D. Jacoby, « Caviar Trading in Byzantium », dans R. Shukurov (dir.), Mare et litora. Essays Presented to Sergei Karpov for His 60th Birthday, Moscou, INDRIK, 2009, p. 352-353, 359-360 ; A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 », art. cité, p. 140.

31 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 12, 14 décembre 1479, de Péra.

32 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, non numeroté (entre les nos 16 et 17), janvier 1480, de Péra (si je comprends correctement le passage).

33 Voir H. İnalcık, « Istanbul », dans The Encyclopaedia of Islam, vol. IV, Leyde, Brill, 1997, p. 227 ; sur les lieux de la vente à Constantinople, voir aussi R. Mantran, La vie quotidienne à Constantinople au temps de Soliman le Magnifique et de ses successeurs (xvie et xviie siècles), Paris, Hachette, 1965, p. 140-147.

34 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 13, 28 décembre 1479, de Péra.

35 F. Babinger, Mahomet II le conquérant et son temps (1432-1481), Paris, Payot, coll. « Bibliothèque historique », 1954, p. 457-490.

36 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 23, août 1480, de Péra.

37 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 24, août 1480, de Péra.

38 J. Koder et F. Hild, Hellas und Thessalia, Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, coll. « Tabula Imperii Byzantini, 1 », 1976, p. 126.

39 La portée était l’unité mesurant le nombre de fils qui composaient la chaîne pour établir la qualité des draps : 100 indique des draps de haute qualité.

40 Qui tire son nom de la ville de Strava/Asterabad.

41 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, non numeroté (entre les nos 12 et 13), 21 décembre 1479, Péra (instructions données par Marco à Francesco pour ce voyage).

42 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 25, septembre 1480, de Péra.

43 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 22, 2 juin 1480, de Péra. Cet épisode est évoqué aussi par D. Malipiero, Annali veneti dall’anno 1457 al 1500, Ire partie, Archivio Storico Italiano, VII/1, 1843, p. 130.

44 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 24(bis ?), 25 août 1480, de Péra.

45 Voir A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 », art. cité, p. 120-122.

46 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 13, 28 décembre 1479, de Péra.

47 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 20, 28 mars 1480, de Péra.

48 La lettre dans laquelle Marco mentionne Giovanni Dario est datée du 2 juin 1480 : au cours de cette année l’ambassadeur auprès du sultan turc était Nicolò Cocco (voir M. P. Pedani, « Elenco degli inviati diplomatici veneziani presso i sovrani ottomani », Electronic Journal of Oriental Studies, art. cité, p. 16, n. 61), tandis que Dario, pendant l’été 1480, faisait partie d’une commission bilatérale vénéto-turque pour la définition des frontières après la guerre terminée l’année précédente : E. Orlando, « Tra Venezia e impero ottomano: paci e confini nei Balcani occidentali (secc. XV-XVI) », dans G. Ortalli et O. J. Schmit (dir.), Balcani occidentali, Adriatico e Venezia fra XIII e XVIII secolo, Venise-Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, coll. « Schriften der Balkan-Kommission, 50 », 2009, p. 126.

49 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 22, 2 juin 1480, de Péra.

50 ʿAmeldār étant celui qui avait obtenu la ferme d’impôts ou de biens appartenant à l’État.

51 Voir A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 », art. cité, p. 89.

52 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 13, 28 décembre 1479, de Péra.

53 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 22, 2 juin 1480, de Péra.

54 Voir A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 », art. cité, p. 167, n. 504 ; p. 202, n. 654.

55 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, non numéroté (entre les nos 16 et 17), janvier 1480, de Péra.

56 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 20, 28 mars 1480, de Péra ; ibid., no 22, 2 juin 1480, de Péra.

57 Biblioteca Civica del Museo Correr, Mss. Dandolo, Pr. Div. C 935, ins. 29.

58 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 27, mars ou mai 1481, de Péra.

59 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 28, 1er août 1481, de Candie.

60 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 1, no 29(bis), 30 septembre 1481, Candie.

61 ASVe, Miscellanea Codici I, Storia veneta, reg. 17, p. 331 (M. Barbaro, Arbori de’ patrizi veneti).

62 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 2, fo 26v, 3 juin 1483, de Venise.

63 A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 », Studi veneziani, art. cité, p. 51, n. 7.

64 ASVe, Miscellanea carte non appartenenti ad alcun archivio, b. 29, cahier 2, fo 57v, 3 avril 1484, de Venise.

65 A. Sopracasa, « Les marchands vénitiens à Constantinople d’après une tariffa inédite de 1482 », Studi veneziani, art. cité, p. 205.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Alessio Sopracasa, « Passage au Levant. Le « voyage » de Candie-Constantinople de la compagnia Bembo dans la seconde moitié du xve siècle : organisation et séjour »Cahiers d’études italiennes [En ligne], 25 | 2017, mis en ligne le 10 octobre 2017, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cei/3499 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cei.3499

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Auteur

Alessio Sopracasa

Université Paris-Sorbonne

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Droits d’auteur

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