La question migratoire dans les relations franco-italiennes dans les années 1950-1960
Résumés
Après la Seconde Guerre mondiale l’émigration italienne vers la France connaît une reprise avant de décroitre à partir des années 1960. La question migratoire occupe dans les relations franco-italiennes une place importante. Les deux gouvernements entendent organiser les flux. La France a besoin de la main-d’œuvre transalpine tandis que pour l’Italie l’émigration est conçue comme une nécessité pour résorber le chômage. L’accord de mars 1951 cherche à établir un compromis entre, du côté français, les impératifs économiques de recrutement, du côté italien, l’établissement d’une protection sociale équitable. Les conditions de séjour (logement et prestations sociales) sont au centre de discussions soumises aux contraintes communautaires qu’impose l’application du traité de Rome. Les échanges révèlent des approches différenciées de la migration entre l’assimilationnisme français et l’interventionnisme italien en vue de maintenir une tutelle sur les migrants.
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- 1 Cf. P. Milza, Français et Italiens à la fin du xixe siècle. Aux origines du rapprochement franco-it (...)
- 2 Cf. A. Wolff, « L’émigration italienne en France », Les Cahiers français. Documents d’actualité, no(...)
- 3 P. Corti, « L’emigrazione italiana in Francia: un fenomeno di lunga durata », Altreitalie, no 26, 2 (...)
- 4 Pour une approche statistique plus complète, voir A. Bechelloni, « L’emigrazione italiana in Franci (...)
- 5 Cfr. Y. Gastaut, L’immigration et l’opinion publique sous la Ve République, Paris, Seuil, 2000, p. (...)
- 6 S. Mourlane, « Que reste-t-il des préjugés ? L’opinion française et l’immigration italienne dans le (...)
- 7 Voir G. Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France (xixe-xxe siècle). Discours public (...)
- 8 M. Colucci, Lavoro in movimento. L’emigrazione italiana in Europa, 1945-1957, Rome, Donzelli, 2008 (...)
- 9 Cfr. R. Schor, Histoire de l’immigration en France de la fin du xixe siècle à nos jours, Paris, Arm (...)
- 10 G. Meyer Sabino, « In Svizzera », dans P. Belvicqua, A. De Clementi et E. Franzina (éd.), Storia de (...)
- 11 Ambasciata d’Italia, L’Immigrazione in Francia e l’afflusso italiano, s. d.
- 12 Cf. L.-M. Battesti, L’Immigration de la main-d’œuvre étrangère et la Communauté économique européen (...)
- 13 Pour une approche plus large des rapports franco-italiens sur la période, voir S. Mourlane, Une cer (...)
1Pierre Milza a montré, à propos des rapports franco-italiens à la fin du xixe siècle, que les migrants sont à la fois acteurs et enjeux des relations bilatérales1. En 1960, le sous-directeur du Peuplement au ministère de la Santé publique, estime que l’immigration italienne « peut être considérée comme l’un des éléments les plus positifs de l’harmonie qui caractérise les relations franco-italiennes depuis la Deuxième Guerre mondiale2 ». À ce moment, le flux migratoire se tarit, mais les Italiens constituent encore, comme à la fin du siècle précédent3, la première nationalité étrangère représentée dans l’Hexagone (29 %) ; le recensement de 1962 en décompte 571 6844. Cette importance numérique contraste avec leur « invisibilité » dans l’opinion publique5. Considérés comme bien intégrés, les Italiens sont néanmoins encore l’objet de préjugés et de stéréotypes dévalorisants6. Les mémoires individuelles et familiales conservent le souvenir de quolibets et des sobriquets stigmatisants de « maccaronis » et de « ritals ». Le temps des rejets xénophobes collectifs et parfois violents7 est pourtant révolu. Si les Italiens sont moins nombreux en France qu’au cours de l’entre-deux-guerres (808 000 au recensement de 1931), leur nombre s’est accru depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au mouvement de retours suscités par le conflit s’ajoutent les naturalisations : la présence italienne en France est de 450 000 personnes en 1946. À partir de ce moment, le nombre d’Italiens croît de 26,2 % jusqu’en 1968 avec une accélération des flux à partir du milieu des années 1950 (avec un maximum de 80 000 entrées en France en 1957), dans une période où l’émigration atteint en Italie un niveau important8. Ce décollage de l’immigration italienne est rendu possible par la tension qui s’exerce sur le marché de l’emploi sous l’effet conjugué et contradictoire de la croissance économique et du déficit démographique lié à l’arrivée à l’âge adulte des classes creuses, à l’allongement de la durée des études et enfin à l’extension de la durée du service militaire imposée par la guerre d’Algérie. Même si nous ne disposons pas de données statistiques significatives, il convient aussi de mentionner l’apport des Italiens de Tunisie dont une petite partie seulement regagne la Péninsule, les autres alimentant, après la décolonisation, les flux à destination de la France. Le mouvement s’essouffle toutefois assez rapidement pour se marginaliser au cours des années 1960, décennie pourtant au centre des « vingt glorieuses de l’immigration » en France9. En 1968, le nombre des retours dépasse le nombre des entrées dans l’Hexagone. Les causes de ce déclin résident dans le décollage de l’économie italienne et en particulier dans le fort développement industriel du nord de la Péninsule qui draine une large partie des courants migratoires en provenance du Mezzogiorno. Ceux qui ne trouvent pas à s’employer en Italie ne montrent plus guère d’attirance pour la France et affichent une nette préférence pour d’autres pays européens comme la Suisse ou l’Allemagne fédérale10. Cette brève revue des effectifs ne serait pas complète sans la prise en compte du mouvement des naturalisations. L’évolution du nombre de ces naturalisations, que ce soit par décret ou encore par simple déclaration pour les enfants nés sur le territoire français, peut en effet expliquer, au moins en partie, une baisse d’effectif. Selon les statistiques proposées par l’ambassade d’Italie à Paris et établies d’après les chiffres donnés par les autorités françaises, ce sont 362 149 Italiens qui optent pour la nationalité française entre 1946 et 196911. C’est donc au total un groupe élargi, dépassant le seul critère de nationalité, d’Italiens et de Français d’origine italienne de plus d’un million d’individus qu’il faut prendre en considération en 196812. Dans ces conditions, la question migratoire occupe dans les relations bilatérales franco-italiennes une place de premier ordre13.
Un courant migratoire à organiser
2L’appel aux Italiens se fait au lendemain de la guerre dans un contexte général où
- 14 Cf. G. Tapinos, L’Immigration étrangère en France, 1946-1973, Paris, PUF, 1975, p. 13.
[…] face aux exigences de la reconstruction et de l’équilibre démographique, pour satisfaire non seulement aux besoins conjoncturels et structurels de l’économie française, mais plus encore pour assurer le remplacement des classes d’âge de la population nationale, atteinte par l’évolution démographique malthusienne de l’avant-guerre et les pertes du conflit, la réanimation du courant migratoire s’impose14.
- 15 Cf. R. Schor, L’opinion française, ouvr. cité, p. 501-504. Voir aussi la thèse de G. Mauco, Les Étr (...)
- 16 Cf. G. Tapinos, Les Étrangers, ouvr. cité, p. 30.
- 17 S. Rinauro, Il cammino della speranza. L’emigrazione clandestina degli italiani nel secondo dopogue (...)
3L’immigration transalpine apparaît comme un pis-aller d’une politique migratoire qui subit l’influence de Georges Mauco, à la tête du Haut comité de la population et de la famille. Le géographe y impose la thèse de la sélection ethnique inspirée d’études menées au cours de l’entre-deux-guerres15. Son souci de limiter l’entrée des Méditerranéens ne plaide pas en faveur des Italiens, à qui il préfère les « Nordiques » — c’est-à-dire les Belges, les Luxembourgeois, les Néerlandais, les Suisses, les Danois, les Finlandais, les Irlandais, les Anglais, les Allemands ou les Canadiens — dont on souhaite de façon fort peu réaliste qu’ils représentent 50 % de l’immigration totale. Dans l’échelle des valeurs nationales qui est ainsi mise en place, les Italiens apparaissent seulement à un second niveau. On envisage une proportion de 30 % des immigrés, au même niveau que les Espagnols et les Portugais. Il importe toutefois qu’ils soient originaires des provinces du nord de la Péninsule. Or, les Italiens représentent, en 1949, 67 % des étrangers entrés régulièrement en France depuis 194516 avec une forte proportion de Méridionaux. Par ailleurs, les autorités françaises ne parviennent guère à contrôler le flux ; des experts, notamment parmi les démographes, s’inquiètent des procédures trop contraignantes imposées aux migrants italiens qui ont pour conséquences d’encourager l’immigration clandestine17.
- 18 Cf. A. Bechelloni, « Le choix de la destination française vu du côté italien », dans M.-C. Blanc-Ch (...)
- 19 Cf. P. Audenino et M. Tirabassi, Migrazioni italiane. Storia e storie dall’Ancien régime a oggi, Tu (...)
- 20 E. Serra, « Il ministero delle Affari Esteri e il problema dell’emigrazione », Affari sociali inter (...)
- 21 Sont représentés dans ce Conseil le ministre du Travail, le sous-secrétaire d’État aux Affaires étr (...)
- 22 M. Choate, Emigrant Nation: The Making of Italy Abroad, Cambridge MA, Harvard University Press, 200 (...)
- 23 E. Vezzu, L’encadrement des migrants italiens par les autorités italiennes en France, 1945-1957, mé (...)
4Du côté italien, le gouvernement se préoccupe de la question migratoire. La Constitution rétablit la liberté d’émigrer dans un contexte où l’émigration est conçue comme une nécessité pour résorber le chômage18, facteur de déstabilisation sociale, au moment où les prisonniers de guerre reviennent massivement19. Il convient de guider, canaliser, protéger mais aussi exercer une tutelle sur les « Italiens à l’étranger ». La charge en revient au ministère des Affaires étrangères20 et au ministère du Travail21. La République italienne manifeste donc une préoccupation, née à l’époque libérale et renforcée par le régime fasciste, de maintenir vivaces les liens entre les migrants et la « mère-patrie22 », même si désormais la prétention est moins politique que sociale et économique23.
- 24 P. Guillen, « L’immigration italienne en France après 1945, un enjeu dans les relations franco-ital (...)
5À Rome comme à Paris, l’intérêt est donc grand de voir le courant migratoire entre les deux pays s’organiser et se rationnaliser. Les discussions s’engagent avant même que l’Italie ne soit considérée comme un réservoir privilégié de main-d’œuvre. Dès l’été 1945, le général de Gaulle aborde, lors d’entretiens avec Giuseppe Saragat puis avec Alcide De Gasperi, les mesures susceptibles de favoriser l’introduction de ressortissants italiens en France24. Malgré la convergence d’intérêts, le chemin qui mène à la signature d’un accord général d’immigration, le 21 mars 1951, est sinueux et parfois semé d’embûches. Au regard des difficultés rencontrées, on peut même estimer à la suite de Pierre Guillen que
- 25 Ibid., p. 48.
[…] loin de constituer un facteur favorisant la réconciliation et le resserrement des liens entre les deux pays, l’immigration italienne en France, dans la décennie 1945-1955, a été en permanence source de problèmes, de divergences, et de frictions, pesant sur les relations franco-italiennes25.
- 26 A. Spire, « Un régime dérogatoire pour une immigration convoitée. Les politiques françaises et ital (...)
6Une des principales pierres d’achoppement lors des négociations, ponctuées par la signature de deux accords intermédiaires, le 22 février 1946 et le 21 mars 194726, réside dans la conception différenciée, de part et d’autre des Alpes, du contrôle à exercer sur le processus migratoire. Tandis qu’à Paris on ne cesse de réaffirmer la pleine autorité de l’État français, à Rome, on affiche un souci constant de maintenir une certaine capacité d’intervention.
L’accord du 21 mars 1951
- 27 L’ambassadeur de France à Rome a, quelques semaines avant la signature de l’accord, dénoncé les hés (...)
7L’accord du 21 mars 1951 tend à la recherche d’un compromis qui, s’il répond à certaines exigences italiennes, donne essentiellement satisfaction aux vœux français d’instaurer une plus grande cohérence dans la politique d’immigration27. C’est en grande partie selon les modalités codifiées en mars 1951 que s’opèrent, au cours des deux décennies suivantes, les introductions régulières d’Italiens en France.
- 28 Journal officiel de la République française, 23 mars 1951, p. 2876.
8La première préoccupation qui apparaît dans le texte de l’accord est l’harmonisation entre l’offre et la demande d’emploi en France. Afin de satisfaire au mieux les besoins des entreprises françaises, il est prévu un renforcement de la concertation entre les deux gouvernements. L’article premier précise ainsi que « le gouvernement français fournit quinze jours avant le début de chaque trimestre au gouvernement italien une évaluation par profession des besoins de main-d’œuvre italienne » et que « dans les quinze jours suivants la réception de ce document, le gouvernement italien fait connaître ses prévisions concernant les disponibilités de main-d’œuvre en Italie28 ».
- 29 A. Thaler, L’Office national d’immigration de 1946 à 1956. La tentative du contrôle absolu des flux (...)
9En outre, l’article 8 vise à favoriser la mise en relation entre les employeurs et les candidats italiens à l’émigration sous le contrôle de l’Office national d’immigration (ONI) qui, depuis sa création par l’ordonnance du 2 novembre 1945, confirmée dans le cadre franco-italien par l’accord de 1946, détient l’exclusivité de la mise en œuvre du recrutement29.
- 30 L.-M. Battesti, L’Immigration de la main-d’œuvre, ouvr. cité, p. 96. L’auteur observe que le règlem (...)
10En pratique, les employeurs doivent communiquer au ministère du Travail, ministère de tutelle de l’ONI, et par le biais de la direction départementale dont ils dépendent, un contrat d’introduction anonyme, dans lequel ils peuvent mentionner la nationalité du travailleur souhaité, ou nominatif, s’ils connaissent le travailleur qu’ils veulent engager. Sur ce document doivent figurer, selon les termes de l’accord, « les conditions exactes de l’emploi, les travaux que le travailleur sera appelé à exécuter ainsi que, le cas échéant, les aptitudes particulières requises de l’intéressé ». Un avis favorable est ensuite délivré par l’administration seulement si des travailleurs nationaux ne peuvent pas occuper l’emploi offert. La priorité nationale disparaît toutefois par la suite avec l’application du principe de libre circulation des travailleurs, institué par le traité de Rome. Le règlement no 38, adopté le 25 mars 1964 par le Conseil de la Communauté économique européenne marquant la deuxième étape de la période transitoire, consacre en effet l’égalité dans l’accès à l’emploi pour les travailleurs communautaires30.
- 31 L’ONI dispose également d’une délégation à Rome qui a pour mission de contrôler l’activité du centr (...)
- 32 Y. Gastaut, « Recruter et examiner les migrants. La Mission de l’ONI de Milan d’après le médecin-ch (...)
11Après l’examen de la demande, les contrats relatifs aux travailleurs de l’industrie sont transmis à l’ONI qui le fait ensuite parvenir à son antenne à Milan, tandis que ceux qui concernent les travailleurs de l’agriculture sont transmis directement31. À ce stade de la procédure, les autorités italiennes auprès de qui l’ONI fait connaître, deux fois par mois, le nombre de contrats envoyés, répartis par profession. Le centre de Milan se charge d’opérer dans les offices de travail locaux une première sélection des candidats susceptibles de répondre aux offres d’emploi. En collaboration avec des agents de l’ONI, s’effectuent alors principalement la sélection professionnelle, sur présentation de diplômes ou sous forme de tests, et la sélection dite démographique. Une limite d’âge est en effet fixée, pour les travailleurs agricoles à 45 ans, pour ceux des mines à 35 et pour les autres catégories à 30. Les prétendants à l’émigration doivent non seulement être dans la force de l’âge, mais doivent aussi justifier d’une bonne santé au travers de toute une série d’examens médicaux, radiologiques et sérologiques effectués à la caserne Garibaldi, siège de l’ONI à Milan32.
- 33 Selon Anne Thaler, 50 % des individus envoyés par les offices locaux du travail sont refoulés au ce (...)
12Sélectionnés33, les candidats au départ signent un contrat de travail rédigé en français, accompagné d’une traduction en italien. Puis, en possession des documents nécessaires au voyage, ils sont acheminés de leur domicile jusqu’à leur lieu d’emploi où ils perçoivent une prime d’installation tandis que les frais de voyage sont partagés entre la France et l’Italie, l’ONI prenant en charge les frais seulement à partir de Milan.
- 34 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 394 : note de la direction des Conventions administrat (...)
- 35 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 412 : compte rendu de la réunion interministérielle du (...)
13Ce point est par la suite discuté au sein de la commission mixte instituée par l’accord de 1951. Les représentants italiens demandent au début des années 1960 au gouvernement français de revaloriser la prime d’installation dont le montant n’a pas été revu depuis la signature de l’accord et ce, en dépit de la dévaluation du franc. En réponse, la délégation française, à la tête de laquelle se trouve le directeur des Conventions administratives et des Affaires consulaires du ministère des Affaires étrangères, Gilbert de Chambrun, propose d’accroître la participation du gouvernement français aux frais de voyage. Chambrun estime que « la charge financière découlant de cette proposition est moindre que celle qui résulterait d’un recours éventuel à la main-d’œuvre turque, moins qualifiée et s’adaptant moins facilement dans notre pays que la main-d’œuvre italienne34 ». Le choix de porter l’effort financier sur ces frais de voyage est en outre dicté par les services du ministère de l’Économie et des Finances qui font remarquer que « la prise en charge du lieu de résidence au centre de sélection de Milan représenterait une dépense moyenne de 60 francs par travailleur tandis que pour revaloriser de façon appréciable la prime d’installation, il serait nécessaire de la porter de 15 francs à 100 ou 150 francs35 ».
- 36 Cf. A. Spire, « Un régime dérogatoire », art. cité.
- 37 E. Vezzu, L’encadrement des migrants, ouvr. cité, p. 82.
14C’est sans doute pour le même type de raisons budgétaires que la demande italienne de voir la prime d’installation étendue aux familles venues rejoindre les travailleurs immigrés n’est pas acceptée. Du point de vue italien, l’adoption d’une telle mesure aurait permis de trouver une solution au problème social posé par les familles demeurées dans la Péninsule qui, en raison des dévaluations successives du franc, ne bénéficient plus des avantages du change sur la part des salaires et des allocations familiales envoyées par les immigrés. L’article 12 du traité de mars 1951 prévoit en effet la possibilité pour les travailleurs italiens de bénéficier de ces allocations familiales même si leur famille est restée en Italie et les autorise à en transférer la totalité dans leur pays d’origine. Cette mesure exceptionnelle traduit le « régime dérogatoire » dont bénéficient les Italiens36. Elle se justifie au regard de l’impératif besoin de main-d’œuvre pour la croissance de l’économie française et par la crainte de voir le gouvernement italien faire obstacle à l’émigration vers la France37.
- 38 Cf. D. Cha, L’Immigration italienne en France depuis 1945, thèse de doctorat en sciences économique (...)
- 39 Cf. C. Zeffiro, L’emigrazione nella storia d’Italia, 1868-1975, vol. 2 : Storia e documenti, Floren (...)
15Le problème des transferts financiers est néanmoins sensible. Les discussions franco-italiennes, constantes sur le sujet depuis la fin de la guerre, ont permis toutefois quelques avancées38. Pour le gouvernement de Rome, cette question est non seulement d’ordre social mais aussi économique, car l’apport de devises participe au redressement du pays39. Au début des années 1960, la dévaluation du franc et surtout le « miracle économique » italien rendent toutefois la question moins vive. La part des salaires transférables est ainsi portée par l’accord de 1951 à 60 %, tandis que la réglementation de la Communauté européenne prolonge en décembre 1961 à six ans, au lieu des dix-huit mois fixés par l’arrangement administratif du 15 juin 1951, le délai durant duquel les familles demeurées en Italie perçoivent les allocations familiales.
16Peut-être plus encore que leurs interlocuteurs, les autorités françaises sont conscientes de la relation entre le versement de ces allocations et la question du regroupement. Les positions et les mesures adoptées en témoignent, tout en révélant aussi une politique ambivalente voire contradictoire. Le regroupement des familles est à la fois souhaité, car il présente l’avantage de stabiliser la main-d’œuvre, objectif primordial de la politique française d’immigration, et freiné en raison des difficultés de logement dans l’Hexagone. L’annexe II de l’accord de 1951, entièrement consacrée à cet aspect, en fournit d’une certaine manière une illustration : on y clarifie la procédure d’introduction pour la rendre plus attractive tout en la maintenant dans une complexité administrative plutôt dissuasive.
- 40 M. Trillat, « Deux millions de travailleurs migrants », Revue du Marché commun, no 57, avril 1963, (...)
17En 1963, la directrice du Service social d’aide aux émigrants souligne les difficultés rencontrées devant la réglementation qui régit le regroupement familial40. Donnant plus de relief encore à son analyse, elle cite le cas d’un travailleur italien arrivé en France en juin 1956, laissant son épouse et cinq enfants en Italie, qui obtient en juillet 1961 un logement en location dans un immeuble neuf de banlieue. La disposition d’un logement correct lui permet d’entamer une procédure régulière d’introduction familiale. Si, à moyen terme, la perspective ne peut être que réjouissante, à court terme, le travailleur est placé dans une situation extrêmement difficile. Il doit en effet s’acquitter du montant du loyer pendant une période d’au moins six mois — délai courant généralement entre la demande de regroupement et l’arrivée de la famille — sans percevoir d’allocation logement, dont le premier versement intervient seulement une fois la famille réunie, tout en versant la plus grande partie de son salaire à cette même famille en Italie, qui ne reçoit plus les allocations familiales depuis le mois d’avril 1961, date limite de perception. Le cas, loin d’être isolé, témoigne des effets de la lourdeur des procédures administratives, qui ne favorisent pas l’intégration des étrangers dans la société française, objectif pourtant déclaré de la politique d’immigration.
- 41 A. Girard et J. Stoetzel, Français et immigrés. Nouveaux documents sur l’adaptation, Paris, PUF, « (...)
- 42 L.-M. Battesti, L’Immigration de la main-d’œuvre, ouvr. cité, p. 283.
18Globalement, la procédure de recrutement définie par l’accord de 1951 ne répond pas véritablement à l’impératif de simplification évoqué en préambule du texte. Pour de très nombreux candidats à l’émigration, elle demeure lourde et complexe, ce qui les incite à la contourner. Certains sont rebutés par les formalités et les contrôles inhérents à la procédure régulière, d’autres ne correspondent pas au profil d’âge et de qualification exigé. Ils choisissent alors une émigration que l’on qualifie de clandestine ou d’irrégulière, difficile par définition à estimer. D’après l’enquête menée par l’INED au début des années 1950 sur les Italiens dans l’agglomération parisienne, huit sur dix de ceux arrivés en France depuis 1945, dans l’échantillon étudié, sont venus sans contrat de travail41. La proportion est considérable et le cadre limité de l’enquête rend sa généralisation hasardeuse. Dans les années 1955-1956, le courant migratoire irrégulier tend cependant à s’accroître en raison de la suppression du passeport pour la circulation entre la France et l’Italie, ce qui favorise l’immigration dite touristique. L’ONI consacre une très large part de ses activités à régulariser des travailleurs venus en France par des filières non contrôlées : entre 1958 et 1968, il procède à 760 329 régularisations contre 361 199 introductions selon la procédure réglementaire, soit 67,9 % de son activité42.
19En procédant à des régularisations massives et quasi systématiques, les autorités françaises cherchent à fixer cette main-d’œuvre particulièrement instable. Mais, en suivant cette voie elles font aussi de façon implicite le constat d’un échec dans la mise en œuvre de la procédure de recrutement. Pis encore, la pesanteur des démarches et des contraintes a sans doute constitué un frein à l’afflux pourtant souhaité des Italiens. Ce n’est pas là la moindre des contradictions d’une politique d’immigration qui, en élaborant une réglementation pour favoriser l’introduction des émigrés transalpins, les en a en fait dissuadés et a contribué à les orienter vers d’autres destinations.
Discussions sur les conditions de séjour
- 43 Voir P. Weil, La France et ses étrangers : l’aventure d’une politique de l’immigration de 1938 à no (...)
20Les conditions de séjour et de travail sont, elles, régies par l’ordonnance du 2 novembre 1945, la même qui crée l’ONI. Elle prévoit la délivrance d’une carte de résident temporaire valable un an à tout étranger qui le demande et qui est en mesure de faire la preuve de ses ressources. Au terme d’une période de neuf mois, il est possible de renouveler cette carte ou de faire une demande pour l’obtention d’une carte de résident ordinaire valable trois ans. Enfin, le texte prévoit la possibilité d’obtenir une carte de résident privilégié valable dix ans et renouvelable de plein droit. C’est en distinguant la délivrance des cartes de séjour de celle des cartes de travail, soumises à des contraintes plus lourdes, que le gouvernement français marque les limites de sa libéralité en matière d’immigration et démontre, une fois encore, son souci d’établir un contrôle drastique43. La carte de travail n’est, en effet, délivrée que sur présentation d’un contrat. Elle n’est tout d’abord que temporaire et valable seulement pour une profession et souvent pour un seul département. Son renouvellement ou sa transformation en carte de travail ordinaire, valable trois ans pour une seule profession dans un ou plusieurs départements, dépend des fluctuations du marché de l’emploi. Seuls les titulaires d’une carte de résident, privilégiés, peuvent obtenir une carte de travail permanente valable toujours pour une seule profession mais sur tout le territoire national. Il faut être détenteur de cette carte pendant dix ans avant d’être autorisé à exercer toutes les professions.
- 44 Le terme est caractéristique de l’italophobie suscitée par l’immigration depuis la fin du xixe sièc (...)
- 45 M. Amar et P. Milza, L’Immigration en France au xxe siècle, Paris, A. Colin, 1990, p. 77.
- 46 S. Mourlane, « La France, l’Italie et la construction européenne de 1958 à 1965 : le temps des male (...)
- 47 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 393 : note de la direction des Affaires administrative (...)
- 48 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 412 : compte rendu de la réunion interministérielle du (...)
21La législation est infléchie par l’application de la libre circulation des travailleurs dans le Marché commun. Le règlement no 15, adopté le 16 août 1961 par le Conseil de la Communauté européenne, libéralise de façon sensible les conditions de renouvellement et d’extension des autorisations de travail. L’ouverture des frontières et les conditions avantageuses réservées aux ressortissants communautaires font ressurgir la crainte d’une « invasion44 » des Italiens déjà fort nombreux45. Alors que la question de l’intégration européenne est souvent l’objet de malentendus entre les deux pays depuis le retour au pouvoir du général de Gaulle46, le gouvernement de Rome doit intervenir à Bruxelles afin de convaincre la France de ne pas s’opposer à la reconnaissance d’une priorité du marché communautaire47. En avril 1966, l’Italie fait parvenir à Paris un aide-mémoire dénonçant certaines restrictions, notamment l’exigence d’un visa de contrat de travail et d’une autorisation de recherche d’emploi48.
- 49 Cf. G. Noiriel, État, nation, immigration. Vers une histoire du pouvoir, Paris, Belin, 2001, p. 301 (...)
22Que ce soit en matière d’accès à l’emploi ou en matière sociale, le gouvernement italien est en règle générale résolu à lutter contre toute mesure discriminatoire. Comme l’a montré Gérard Noiriel, la politique sociale détermine le sentiment d’appartenance nationale ; il s’agit donc d’un moyen de maintenir un contrôle sur les émigrants49. Le gouvernement de Rome peut pour cela s’appuyer sur la réglementation européenne qu’il contribue grandement à orienter dans le sens de la prise en compte et de l’amélioration des conditions de vie des migrants.
23La réglementation européenne, dans son volet social, défend en particulier le droit au regroupement familial dans la mesure où le travailleur immigré dispose d’un logement décent. Or ce point ne va pas sans poser quelques problèmes.
- 50 Cf. B. Granotier, Les travailleurs immigrés en France, Paris, Maspero, 1973, p. 94-112.
24La crise du logement en France, conséquence de l’arrêt des constructions de l’entre-deux-guerres jusqu’aux années 1950 et de la pression démographique, aggravée au début des années 1960 par le rapatriement massif des Français d’Algérie, ne permet pas le développement à un rythme convenable d’une politique d’immigration familiale de grande ampleur. La situation est vécue d’autant plus mal que les conditions de logement des travailleurs isolés sont particulièrement précaires et souvent indécentes. Certes, les Italiens se font rares dans les bidonvilles, mais ils sont nombreux à habiter dans des logements de chantier ou des foyers, où ils cohabitent à huit par chambre moyennant des loyers onéreux et selon un « règlement quasi-policier50 ».
- 51 Cf. A. Bechelloni, La dernière vague migratoire italienne en direction de la France (1945-1960) : l (...)
25En Italie, le sort réservé aux émigrés suscite une vive émotion51. Les autorités, poussées par ce mouvement d’opinion, interviennent de manière répétée auprès du gouvernement français, notamment au sein de la commission mixte ou par le biais de démarches de l’ambassadeur auprès des ministères concernés. Lors de sa visite à Paris, le président Segni inscrit la question à l’ordre du jour des conversations. Le communiqué final indique :
- 52 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 393 : communiqué final de la visite en France du prési (...)
Les questions de l’échange de main-d’œuvre entre l’Italie et la France ont fait l’objet d’examen. L’émigration en France des travailleurs italiens, dont la contribution à l’économie française, au lendemain de la guerre, a été particulièrement appréciée et qu’il convient d’encourager, soulève certains problèmes : logement, réunion des familles, sécurité sociale, condition de vie, éducation. Les autorités des deux pays ont constaté les résultats obtenus dans ces domaines et suivent attentivement tous ces problèmes en vue d’adapter les travailleurs italiens à la façon de vivre du pays voisin et de leur assurer une parité de traitement toujours plus complète52.
Cette déclaration conciliante, visant principalement à apaiser les inquiétudes de l’opinion italienne, rend hommage de manière opportune aux efforts consentis en France. Mais, au-delà d’une telle déclaration d’intention, les deux pays éprouvent des difficultés à mettre en œuvre une coopération concrète et efficace dans ces domaines.
- 53 Archives nationales, Centre des archives contemporaine (ci-après CAC) 880 312/8, ministère de l’Int (...)
- 54 Les castors fonctionnent sur le principe de la coopérative selon lequel, en échange d’un certain no (...)
26Les autorités françaises ne sont pas insensibles aux revendications italiennes quant à une amélioration des conditions de logement des émigrés. Le souci de stabiliser cette utile main-d’œuvre conduit à accepter dès 1958 la mise en place d’une groupe de travail mixte afin d’examiner les problèmes posés et de proposer des solutions. Avant la première rencontre entre les délégations française et italienne, une réunion interministérielle présidée par le sous-directeur du Peuplement au ministère de la Santé publique et de la Population est réunie à Paris afin de « définir une position française commune et d’étudier les moyens d’action dont le gouvernement dispose53 ». Les fonctionnaires préconisent un investissement financier de l’État passant par un soutien aux constructions des sociétés de « castors54 » franco-italiennes et la création d’un organisme de financement proposant des prêts à des conditions avantageuses. Le ministère des Finances et des Affaires économiques fait cependant remarquer :
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Qu’étant donné l’effort financier de la France dans le domaine de la construction en général, les impératifs budgétaires actuels et la persistance de la crise du logement, un effort exceptionnel du gouvernement français en vue de relayer l’effort privé qui incombe à des ressortissants italiens, ne pourrait être envisagé que moyennant engagement préalable du gouvernement italien à fournir, de son côté, un effort parallèle55.
- 56 Ibid.
- 57 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 394 : note de la direction des Conventions administrat (...)
- 58 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 393 : note de la direction des Affaires administrative (...)
27Les autorités italiennes ne semblent pas prêtes à consentir ce type d’effort. Elles refusent par exemple la proposition qui leur est faite de réserver certaines tranches de logements sociaux à des travailleurs italiens56. Dans ces conditions, il ne paraît pas envisageable du côté français d’accorder une priorité aux migrants italiens dans l’attribution de logements, comme le réclame la délégation italienne au sein de la commission mixte. Tout juste est-il accepté de leur étendre, en avril 1964, le bénéfice du Fonds d’action sociale (FAS), créé à l’origine pour les seuls travailleurs algériens, et qui doit permettre de mieux traiter les demandes57. Une enquête menée l’année précédente avait en effet révélé qu’en dépit des instructions ministérielles réclamant une égalité de traitement dans l’attribution des logements, les sociétés HLM refusaient les candidatures des Italiens58.
- 59 J.-C. Driant, Les politiques du logement en France, Paris, La documentation française, 2009.
- 60 S. Mourlane, Une certaine idée de l’Italie, ouvr. cité.
28Ce type de discrimination, lié aux fortes tensions sur le marché du logement, tend à se réduire par la suite sous l’effet de la politique volontariste menée par le gouvernement français en matière de construction59. Toutefois, malgré des améliorations, les difficultés d’accès au logement perdurent pour bien des Italiens arrivés récemment en France. La lenteur de résolution de ce problème n’est pas sans rapport avec l’échec d’une coopération bilatérale effective, dépassant les déclarations d’intention60.
Conclusion
- 61 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 356 : dépêche no 8/EU, Rome, 4 janvier 1968.
- 62 Cf. E. Vezzu, L’encadrement des migrants, ouvr. cité, p. 121-127.
- 63 S. Mourlane, « La France, l’Italie et la construction européenne », art. cité.
29La politique française à l’égard de l’immigration italienne, que ce soit en matière de recrutement ou de conditions de séjour, et en dépit des efforts fournis, apparaît ainsi manquer de cohérence à bien des égards. La reconnaissance du nécessaire apport de la main-d’œuvre italienne, tant du point de vue économique que démographique, n’a pas pour corollaire la mise en place d’un cadre politique et juridique adapté, pour des raisons liées à des considérations nationales (la priorité à l’emploi aux Français par exemple), bilatérales et multilatérales (difficultés d’harmonisation entre la législation française et la réglementation européenne). On estime en outre que les Italiens ont pu bénéficier de nombreux avantages : au début de l’année 1968, l’ambassade de France à Rome va même jusqu’à considérer qu’ils font figures d’« enfants gâtés parmi les travailleurs étrangers61 ». À Rome, le regard est autre, sans doute plus en phase avec une réalité plus complexe, déterminée notamment par la diversité des générations de migrants, entre intégration et difficultés sociales. Plus profondément, la politique d’intervention du gouvernement italien auprès des migrants se heurte à l’impératif assimilationniste de la politique française, comme peuvent en témoigner les réticences face à l’encadrement scolaire des enfants de migrants dans des institutions italiennes62. On comprend dès lors la volonté de Rome, du point de vue de la politique migratoire comme dans d’autres domaines, d’extraire les rapports franco-italiens du seul bilatéralisme au profit du multilatéralisme qu’impose la construction européenne. Sans grand succès, car ici comme ailleurs, l’Italie est en butte à l’hostilité française face à toute forme de supranationalité63. De fait, si la question migratoire n’altère pas l’amitié, si souvent proclamée entre les deux sœurs latines, elle n’en révèle pas moins des fondements discordants, sources de bien des malentendus.
Notes
1 Cf. P. Milza, Français et Italiens à la fin du xixe siècle. Aux origines du rapprochement franco-italien de 1900-1902, Rome, École française de Rome, 1981, p. 172-285.
2 Cf. A. Wolff, « L’émigration italienne en France », Les Cahiers français. Documents d’actualité, no 47, février 1960, p. 21.
3 P. Corti, « L’emigrazione italiana in Francia: un fenomeno di lunga durata », Altreitalie, no 26, 2003, p. 4-24.
4 Pour une approche statistique plus complète, voir A. Bechelloni, « L’emigrazione italiana in Francia dopo il 1945. Cenni storico-statistici », Studi Emigrazione, vol. XXXIX, no 146, 2002, p. 301-307.
5 Cfr. Y. Gastaut, L’immigration et l’opinion publique sous la Ve République, Paris, Seuil, 2000, p. 94.
6 S. Mourlane, « Que reste-t-il des préjugés ? L’opinion française et l’immigration italienne dans les années 1950-1960 », Migrations société, vol. 19, no 109, janvier-février 2007, p. 133-145.
7 Voir G. Noiriel, Immigration, antisémitisme et racisme en France (xixe-xxe siècle). Discours publics, humiliations privées, Paris, Fayard, 1997 ; Id., Le massacre des Italiens : Aigues-Mortes, 17 août 1893, Paris, Fayard, 2010 ; L. Dornel, La France hostile. Socio-histoire de la xénophobie (1870-1914), Hachette, 2004 ; R. Schor, L’opinion française et les étrangers en France, 1919-1939, Paris, Publications de la Sorbonne, 1985.
8 M. Colucci, Lavoro in movimento. L’emigrazione italiana in Europa, 1945-1957, Rome, Donzelli, 2008 ; A. De Clementi, Il prezzo della ricostruzione. L’emigrazione italiana nel secondo dopoguerra, Rome, Donzelli, 2010.
9 Cfr. R. Schor, Histoire de l’immigration en France de la fin du xixe siècle à nos jours, Paris, Armand Colin, 1996, p. 200.
10 G. Meyer Sabino, « In Svizzera », dans P. Belvicqua, A. De Clementi et E. Franzina (éd.), Storia dell’emigrazione italiana, vol. II : Arrivi, Rome, Donzelli, 2002, p. 147-158, et E. Pugliese, « In Germania », ibid., p. 121-132.
11 Ambasciata d’Italia, L’Immigrazione in Francia e l’afflusso italiano, s. d.
12 Cf. L.-M. Battesti, L’Immigration de la main-d’œuvre étrangère et la Communauté économique européenne, thèse de doctorat, Université Paris I, 1973, p. 181.
13 Pour une approche plus large des rapports franco-italiens sur la période, voir S. Mourlane, Une certaine idée de l’Italie. Attitudes et politique française 1958-1969, thèse de doctorat, Université de Nice, 2002.
14 Cf. G. Tapinos, L’Immigration étrangère en France, 1946-1973, Paris, PUF, 1975, p. 13.
15 Cf. R. Schor, L’opinion française, ouvr. cité, p. 501-504. Voir aussi la thèse de G. Mauco, Les Étrangers en France, Paris, Colin, 1932.
16 Cf. G. Tapinos, Les Étrangers, ouvr. cité, p. 30.
17 S. Rinauro, Il cammino della speranza. L’emigrazione clandestina degli italiani nel secondo dopoguerra, Turin, Einaudi, 2009.
18 Cf. A. Bechelloni, « Le choix de la destination française vu du côté italien », dans M.-C. Blanc-Chaléard (éd.), Les Italiens en France depuis 1945, Rennes, PUR, 2003, p. 33-36.
19 Cf. P. Audenino et M. Tirabassi, Migrazioni italiane. Storia e storie dall’Ancien régime a oggi, Turin, Mondadori, 2008, p. 125-127.
20 E. Serra, « Il ministero delle Affari Esteri e il problema dell’emigrazione », Affari sociali internazionali, vol. XI, no 2, 1983.
21 Sont représentés dans ce Conseil le ministre du Travail, le sous-secrétaire d’État aux Affaires étrangères et le président du Conseil des ministres, mais également un représentant des ministères de l’Industrie et du Commerce, de l’Agriculture, du Commerce avec l’extérieur, du Haut-Commissariat à l’Hygiène et la Santé publique ainsi que cinq membres choisis parmi des organisations publiques concernées par l’émigration. Y sont également représentés syndicats et associations.
22 M. Choate, Emigrant Nation: The Making of Italy Abroad, Cambridge MA, Harvard University Press, 2008 et M. Colucci (éd.), « La politica migratoria italiana attraverso le fonti governative », Archivio storico dell’emigrazione italiana, no 6, 2010.
23 E. Vezzu, L’encadrement des migrants italiens par les autorités italiennes en France, 1945-1957, mémoire de master II, Université Paris I, 2013.
24 P. Guillen, « L’immigration italienne en France après 1945, un enjeu dans les relations franco-italiennes », dans M. Dumoulin (éd.), Mouvements et politiques migratoires en Europe depuis 1945 : le cas italien, Bruxelles, CIACO, 1989, p. 37-52.
25 Ibid., p. 48.
26 A. Spire, « Un régime dérogatoire pour une immigration convoitée. Les politiques françaises et italiennes d’immigration/émigration », dans M.-C. Blanc-Chaléard (éd.), Les Italiens en France, ouvr. cité, p. 41-54.
27 L’ambassadeur de France à Rome a, quelques semaines avant la signature de l’accord, dénoncé les hésitations de la politique française en matière d’immigration. Fort mécontent, Jacques Fouques-Duparc écrit ainsi au ministre des Affaires étrangères : « Je trouve déplorable et difficile à justifier tant du point de vue des relations franco-italiennes que du point de vue de nos intérêts nationaux la carence de notre politique d’immigration » qui ajoute-t-il « donne l’impression d’agir que sous le coup d’une nécessité immédiate et toujours réversible » (Archives du ministère des Affaires étrangères (ci-après AMAE), série Z, Europe, Italie 1944-1970, vol. 271 : dépêche, Rome, 19 janvier 1951).
28 Journal officiel de la République française, 23 mars 1951, p. 2876.
29 A. Thaler, L’Office national d’immigration de 1946 à 1956. La tentative du contrôle absolu des flux migratoires européens vers la France, mémoire de maîtrise, Université Paris I, 1999.
30 L.-M. Battesti, L’Immigration de la main-d’œuvre, ouvr. cité, p. 96. L’auteur observe que le règlement no 38 implique en fait une priorité aux ressortissants des États-membres dans l’accès aux emplois vacants.
31 L’ONI dispose également d’une délégation à Rome qui a pour mission de contrôler l’activité du centre de sélection de Milan et d’assurer la liaison auprès de l’ambassade de France avec le gouvernement italien.
32 Y. Gastaut, « Recruter et examiner les migrants. La Mission de l’ONI de Milan d’après le médecin-chef Deberdt (1953-1963) », dans M.-C. Blanc-Chaléard (éd.), Les Italiens en France, ouvr. cité, p. 55-64.
33 Selon Anne Thaler, 50 % des individus envoyés par les offices locaux du travail sont refoulés au centre de Milan (A. Thaler, L’Office national d’immigration, ouvr. cité, p. 76).
34 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 394 : note de la direction des Conventions administratives et des Affaires consulaires, 5 juillet 1965.
35 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 412 : compte rendu de la réunion interministérielle du 28 avril 1966 relative aux questions de main-d’œuvre dans les rapports franco-italiens.
36 Cf. A. Spire, « Un régime dérogatoire », art. cité.
37 E. Vezzu, L’encadrement des migrants, ouvr. cité, p. 82.
38 Cf. D. Cha, L’Immigration italienne en France depuis 1945, thèse de doctorat en sciences économiques, Université de Paris, 1957, p. 113-129.
39 Cf. C. Zeffiro, L’emigrazione nella storia d’Italia, 1868-1975, vol. 2 : Storia e documenti, Florence, Vallecchi, 1978, p. 289.
40 M. Trillat, « Deux millions de travailleurs migrants », Revue du Marché commun, no 57, avril 1963, p. 158-163.
41 A. Girard et J. Stoetzel, Français et immigrés. Nouveaux documents sur l’adaptation, Paris, PUF, « Cahier de l’INED », no 20, 1954, p. 196.
42 L.-M. Battesti, L’Immigration de la main-d’œuvre, ouvr. cité, p. 283.
43 Voir P. Weil, La France et ses étrangers : l’aventure d’une politique de l’immigration de 1938 à nos jours, Paris, Gallimard, 2005.
44 Le terme est caractéristique de l’italophobie suscitée par l’immigration depuis la fin du xixe siècle. Le roman L’invasion publié en 1907 par Louis Bertrand en est une consécration. Voir A. Dusserre, « L’image des étrangers à Marseille dans “L’Invasion” de Louis Bertrand (1907) », dans S. Mourlane et C. Regnard (éd.), Les batailles de Marseille : immigration, violences et conflits, xixe-xxe siècles, PUP, Aix-en-Provence, p. 15-27.
45 M. Amar et P. Milza, L’Immigration en France au xxe siècle, Paris, A. Colin, 1990, p. 77.
46 S. Mourlane, « La France, l’Italie et la construction européenne de 1958 à 1965 : le temps des malentendus », Relations internationales, no 118, été 2004, p. 199-213.
47 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 393 : note de la direction des Affaires administratives et sociales, 31 janvier 1964.
48 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 412 : compte rendu de la réunion interministérielle du 28 avril 1966 relative aux questions de main-d’œuvre dans les rapports franco-italiens.
49 Cf. G. Noiriel, État, nation, immigration. Vers une histoire du pouvoir, Paris, Belin, 2001, p. 301-306.
50 Cf. B. Granotier, Les travailleurs immigrés en France, Paris, Maspero, 1973, p. 94-112.
51 Cf. A. Bechelloni, La dernière vague migratoire italienne en direction de la France (1945-1960) : le poids des structures, la politique des États, les représentations de l’Autre, thèse de doctorat, Université de Besançon, 1997, p. 43-49.
52 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 393 : communiqué final de la visite en France du président Segni, 23 février 1964. Il faut néanmoins remarquer que le compte rendu des conversations entre le général de Gaulle et le président Segni ne porte pas la mention de cette question, tandis que les ministres des Affaires étrangères, dans une réunion restreinte, évoquent très brièvement la perspective d’une prochaine visite en France du sous-secrétaire d’État italien à l’Émigration.
53 Archives nationales, Centre des archives contemporaine (ci-après CAC) 880 312/8, ministère de l’Intérieur : compte rendu de la réunion du groupe de travail « Logement familial des travailleurs étrangers », 27 avril 1959.
54 Les castors fonctionnent sur le principe de la coopérative selon lequel, en échange d’un certain nombre d’heures de travail consenties par l’ouvrier, l’entreprise fournit le gros œuvre de la construction et l’aide des techniciens et des ingénieurs.
55 CAC 880 312/8, ministère de l’Intérieur : note de la direction des Affaires administratives et sociales du ministère des Affaires étrangères, 7 mars 1960.
56 Ibid.
57 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 394 : note de la direction des Conventions administratives et des Affaires consulaires, 5 juillet 1965.
58 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 393 : note de la direction des Affaires administratives et sociales, 31 janvier 1964.
59 J.-C. Driant, Les politiques du logement en France, Paris, La documentation française, 2009.
60 S. Mourlane, Une certaine idée de l’Italie, ouvr. cité.
61 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 356 : dépêche no 8/EU, Rome, 4 janvier 1968.
62 Cf. E. Vezzu, L’encadrement des migrants, ouvr. cité, p. 121-127.
63 S. Mourlane, « La France, l’Italie et la construction européenne », art. cité.
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Référence papier
Stéphane Mourlane, « La question migratoire dans les relations franco-italiennes dans les années 1950-1960 », Cahiers d’études italiennes, 22 | 2016, 159-173.
Référence électronique
Stéphane Mourlane, « La question migratoire dans les relations franco-italiennes dans les années 1950-1960 », Cahiers d’études italiennes [En ligne], 22 | 2016, mis en ligne le 01 janvier 2017, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cei/2938 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cei.2938
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