La trace de Sterne dans les romans autobiographiques de Foscolo : de l’usage du tiret à la poétique de l’interruption
Résumés
Nombreux sont les travaux qui ont mis en évidence le rôle de Laurence Sterne dans la production foscolienne, sous l’angle de la génétique ou de l’étude d’influences. L’approche adoptée ici est différente : il s’agit d’étudier la trace de Sterne du point de vue du lecteur dans les deux romans autobiographiques d’Ugo Foscolo, les Ultime lettere di Jacopo Ortis et le Sesto tomo dell’Io. La trace s’entend comme souvenir, reste et tracé. Après avoir décrit l’usage nouveau du tiret par Foscolo, ce signe de ponctuation que l’auteur traduit de l’anglais et qui devient un trait de son style, nous relions la trace sternienne à la poétique autobiographique foscolienne de la « mosaïque » et de l’interruption.
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- 1 G. Rabizzani, Sterne e Foscolo, dans Id., Sterne in Italia. Riflessi nostrani dell’umorismo sentime (...)
1Nombreux sont les travaux qui ont mis en évidence les sources étrangères de la prose foscolienne et qui ont étudié en particulier l’influence de Laurence Sterne sur Ugo Foscolo : que l’on songe, entre autres, à ceux de Giovanni Rabizzani, Pino Fasano, Claudio Varese et Matteo Palumbo1. Si nous faisons dans les pages qui suivent référence à ces ouvrages importants, notre propos n’est pas d’interroger la trace de Sterne en amont de l’écriture mais de voir comment cette trace se manifeste et se pense dans les textes mêmes et de questionner les effets de cette trace sur le lecteur. Les textes en question sont les Ultime lettere di Jacopo Ortis dans l’édition londonienne de 1817, et le Sesto tomo dell’Io, deux romans « autobiographiques » au sens large du terme, c’est-à-dire écrits à la première personne et imitant le geste rousseauiste. L’autobiographe ne désigne pas pour nous la personne réelle et juridique de l’auteur mais la figure construite dans le texte : le « je » qui prend la plume pour raconter sa vie. De 1798 à 1817, l’écriture du Sesto tomo et de l’Ortis est concomitante de la lecture et de la traduction par Foscolo de l’œuvre de Sterne. Les romans autobiographiques foscoliens s’écrivent dans le souvenir et dans la greffe de la prose sternienne dont ils gardent trace. La trace est l’indice d’un passage — une empreinte, un reste visible, quelque chose qui subsiste. C’est aussi un tracé, une ligne dessinée sur la page : un trait. La trace de Sterne dans la prose foscolienne peut prendre différentes formes. Plusieurs études intertextuelles ont mis en évidence dans l’Ortis et le Sesto tomo la présence de thèmes et de citations de Sterne. Nous nous concentrerons sur sa présence graphique, stylistique et rythmique en interrogeant l’usage foscolien du tiret, ce signe nouveau, étrange et étranger, qui participe d’une poétique autobiographique originale dont les principes sont l’interruption et la « mosaïque ». Après avoir exploré les différents sens du tiret chez Foscolo, nous relierons ce signe de ponctuation à la figure de la « mosaïque », du livre « mutilé » ainsi qu’au personnage de Lorenzo.
Le tiret, signe sternien
- 2 « Traduit de l’anglais », c’est-à-dire importé de la langue anglaise dans la langue italienne par l (...)
2Le tiret dans la prose foscolienne est un signe étrange et étranger. Traduit de l’anglais, ce signe de ponctuation s’impose peu à peu comme un signe propre à la langue de Foscolo2.
- 3 G. Gambarin, Introduzione, EN IV, p. lxxxii-lxxxiii : « Discorso più lungo richiederebbe l’interpun (...)
- 4 Sur l’histoire et les fonctions du tiret (lineetta) d’après les grammairiens du xixe siècle (Gherar (...)
- 5 G. Dessons, Rythme et écriture : le tiret entre ponctuation et typographie, dans J.-P. Saint-Gérand (...)
3Le tiret est étrange dans la mesure où il étonne les lecteurs de l’époque et les lecteurs contemporains, comme le souligne Giovanni Gambarin dans son édition critique de l’Ortis qui choisit, à l’instar de Vincenzo Di Benedetto dans son édition du Sesto tomo, de respecter la ponctuation originale bien qu’elle puisse « surprendre le lecteur » d’aujourd’hui (celui de 1955)3. Ce sentiment d’étrangeté n’est d’ailleurs peut-être pas aussi grand aujourd’hui pour des lecteurs habitués à voir des tirets que pour les lecteurs du xixe siècle qui n’étaient pas familiers de ce signe. En effet, le tiret est rare au début du xixe siècle en Italie comme en France et, selon la conception grammaticale et rhétorique de la ponctuation de la fin du xviiie siècle, il ne sert qu’à marquer le changement de locuteur dans un dialogue : il indique la fin ou le début du discours rapporté4. Pourtant, certains écrivains l’utilisent et renouvellent son usage. C’est ce qu’a montré Gérard Dessons dans les lettres françaises : à cette époque, le tiret est un « signe nouveau » (et non pas un nouveau signe), c’est-à-dire un signe qui existe déjà mais dont la valeur change en raison de la pratique des écrivains qui devance la théorisation de la ponctuation par les grammairiens. Gérard Dessons voit dans ce « signe nouveau » l’indice d’une conception nouvelle de l’écriture témoignant du « souci du rythme » qui définit la modernité littéraire5. La formule de Dessons éclaire la pratique foscolienne : Foscolo introduit en effet dans la langue italienne un « signe nouveau » ; son usage du tiret est hors norme. C’est ce qu’il souligne dans la Notizia bibliografica (cette fiction d’édition qu’il faut considérer comme partie intégrante de l’Ortis) où le tiret participe d’une hétérodoxie de la langue. L’usage nouveau du tiret y est fermement revendiqué ; le signe de ponctuation définit l’originalité de la langue de l’Ortis au même titre que les mots et les tournures de phrases « insolites » qui parcourent le roman :
- 6 EN IV, p. 482.
Parecchi vocaboli e modi di lingua, parvero a’ nuovi Editori, e sono per avventura, antiquati, insoliti, e più toscani, che italiani; e li cambiarono forse in meglio, ma ad ogni modo contro alla mente, e al carattere dello scrittore. Non si saprebbe congetturare perché mai abbiano rimutata la punteggiatura, e spezzati quasi sempre i periodi col segno di interruzione «…», quando la prima edizione non l’ha neppur dove farebbe al caso, benché abbia spesso quest’altro segno «—», che si direbbe trascorso dalla penna affrettata piuttosto che per avvertimento a chi legge6.
- 7 Pour retracer les étapes de ce véritable « roman policier éditorial », voir M. A. Terzoli, Le prime (...)
4Dans un jeu subtil de mystification et de vérité, Foscolo dans la Notizia (de 1816) nie être l’auteur des éditions existantes de l’Ortis (l’édition bolognaise de 1798, l’édition milanaise de 1802, la seconde édition bolognaise, apocryphe, de 1799 signée Sassoli) et il invente une édition vénitienne de 1802 qui serait unique et originelle7. Ce tour de passe-passe éditorial concernant l’œuvre « originelle » s’articule dans la Notizia à une réflexion sur l’originalité de l’Ortis, qui se trouve corrélée à la ponctuation.
- 8 Cité par G. Gambarin dans son introduction, EN IV, p. lxxxii-lxxxiii.
- 9 Selon l’analyse de Emilio Bigi, « nel passaggio da Gt [edizione Genio tipografico, 1802] a Z [edizi (...)
5En effet, par-delà la mystification, l’auteur de la Notizia fait du tiret, ce signe hétérodoxe, l’un des traits originaux de la langue de l’Ortis, du style de « l’écrivain » : de son « esprit » et de son « caractère ». L’écrivain dont il est question ici est Jacopo. Rappelons brièvement que Foscolo, quant à lui, a souligné très tôt l’importance et la nouveauté de la ponctuation de l’Ortis dans un avertissement placé sous l’Errata-corrige de l’édition de 1802 : « La interpunzione, sebbene or nuova ed or varia, si è serbata come sta negli originali8. » En 1802, le tiret n’avait pas encore envahi la prose de l’Ortis mais la ponctuation était déjà considérée comme originale et comme un élément du style à part entière. Foscolo commente ici l’usage fréquent des pointillés dans son roman, qu’il supprime partiellement à partir de l’édition Agnello Nobile ou qu’il remplace d’abord par des points-virgules, des virgules ou des points, puis, à partir de 1816, par des tirets, comme l’ont montré en détail Emilio Bigi et Bianca Persiani, dans le sillage ouvert par Giovanni Gambarin9.
- 10 E. Tonani, Il romanzo in bianco e nero: ricerche sull’uso degli spazi bianchi e dell’interpunzione (...)
- 11 Sur les différentes phases de la traduction de Sterne par Foscolo, voir L. Alcini, Studio di varian (...)
- 12 « Indagine utile e interessante sarebbe un raffronto fra i due testi, che potrebbe mostrarci la str (...)
- 13 Dans sa brève histoire du « trattino/lineetta » en Italie du xixe siècle à nos jours, Giovanni Anto (...)
6Ce qui, au cours du temps et des réécritures, s’affirme comme le signe de ponctuation d’élection de l’Ortis, c’est le tiret, qui est un signe étranger, un signe anglais, un signe de la langue anglaise que Foscolo a translaté et introduit dans la langue italienne et dans la langue de l’Ortis dans les années 1810, devançant ainsi par certains aspects les romanciers qu’Elisa Tonani a récemment étudiés10. La première œuvre de Foscolo qui réalise cette translation de l’étranger est la traduction du Sentimental Journey through France and Italy de Laurence Sterne publiée pour la première fois à Pise en 1813. Si le tiret anglais passe dans la langue italienne à la faveur de cette traduction, il s’impose aussi dans les deux dernières éditions de l’Ortis : celle de Zurich en 1816 et celle de Londres en 1817. Le phénomène n’est pas étonnant puisque Foscolo traduit et retraduit l’œuvre de Sterne de 1805 à 1817 en même temps qu’il réécrit l’Ortis11. Giovanni Gambarin proposait de voir dans ce double travail de la langue une manière pour Foscolo de se libérer de l’influence de la prose française qui l’avait tant marqué à ses débuts12. Il nous paraît que l’adoption du tiret anglais est un indice frappant de cette construction d’une langue propre qui tend à se libérer de la domination linguistique française sans pour autant rejeter l’étranger dans la langue et même en faisant sien l’étranger — en s’appropriant le tiret anglais13.
- 14 « Sarà dunque da serbare quel segno [la lineetta] anche nel Foscolo, che tanto lo ebbe caro e ne fe (...)
- 15 Voir P. Fasano, « “L’amicizia” con Sterne et la traduzione didimea del Sentimental Journey », dans (...)
- 16 Sur le Sesto tomo en particulier, voir P. Fasano, Stratigrafie, ouvr. cité, p. 96-108. Sur l’usage (...)
- 17 A. Berman, L’épreuve de l’étranger, Paris, Gallimard, 1984.
7Ce signe étranger devient un véritable « instrument du style » de Foscolo, selon l’analyse de Fubini14. Le tiret participe donc pleinement de ce que la critique appelle communément la rénovation de la prose italienne par Foscolo. La traduction de la langue anglaise est au cœur de ce travail : la (re)traduction de Sterne a été un véritable laboratoire de la langue foscolienne15. Dans son livre consacré au rôle joué par Sterne dans la fabrique du style foscolien, Fasano a évoqué la traduction du tiret chez Foscolo dans le Viaggio sentimentale en particulier, et il a mis en évidence le transfert de thèmes sterniens dans le Sesto tomo et dans les Grazie16. En retraçant les étapes de cette « amitié » littéraire de 1794 à 1813 seulement, il n’a pas pu souligner l’incidence de la traduction sur la langue des deux derniers Ortis qui semblent pourtant être le point d’aboutissement de ce déplacement et de cet enrichissement de la langue propre par « l’épreuve de l’étranger », pour reprendre l’idée et l’expression d’Antoine Berman17. L’Ortis est pourtant l’œuvre qui reste, aux yeux de la postérité, emblématique de l’innovation littéraire de Foscolo et de la rénovation de la prose et de la langue italienne. C’est aussi l’œuvre de Foscolo qui « se sternianise » au fil des réécritures, comme l’indiquent notamment l’ajout de la Notizia bibliografica mystificatrice en 1816, la publication de fragments traduits du Sentimental Journey en annexe à l’édition de l’Ortis de 1817 et la présence grandissante du tiret dans le roman. En somme, la conquête par Foscolo d’un style et d’une langue propre, « originale », passe par l’appropriation et la traduction de Laurence Sterne — et de son tiret en particulier.
- 18 EN IV, p. 482.
- 19 Premier exemple, EN IV, p. 396 : « Placati. — Ohimè! tu non mi ascolti — e dove me la trascini? — l (...)
8Quels sens ont les tirets dans l’Ortis ? Si l’on en croit la Notizia bibliografica, ce signe nouveau s’inscrit dans la rhétorique de la sincérité : il provient d’une plume émue et agitée, qui se « précipite » [trascorso dalla penna affrettata]18, qui note sur la page les excès de la sensibilité. Le tiret participe d’une sismographie sensible : il rend compte des syncopes et des tremblements du corps de Jacopo. Cela se vérifie à maints endroits, par exemple lorsque Jacopo imagine l’ensevelissement de Teresa et évoque pour la première fois le meurtre du paysan ou, dans un tout autre registre, lorsqu’il contemple le corps endormi de Teresa ou encore lorsqu’il redoute les derniers adieux à sa mère et qu’il hésite à lui écrire19. Dans le premier cas, les tirets rendent sensible la fureur [delirio] de Jacopo, dans le second, son extase voluptueuse, dans le dernier l’angoisse [stringimento] et l’essoufflement à l’approche de la mort. Dans ces exemples, le tiret construit la figure d’un sujet profondément ému ; il confère au roman autobio-graphique son lyrisme. En ce sens, il prolonge la veine sentimentale du roman sternien et du roman du xviiie siècle. Fidèle à la lettre de la Notizia, cette interprétation des tirets foscoliens est défendue par Emilio Bigi. D’après lui, dans l’Ortis,
- 20 E. Bigi, « Nota sulla interpunzione », art. cité, p. 534.
[…] le lineette conservano in genere la funzione dei puntini di sospensione, che in gran parte sostituiscono, hanno cioè il compito di suggerire o sottolineare le drammatiche emozioni, inquietudini, incertezze, contraddizioni del protagonista; ma con la differenza, che i nuovi segni, rispetto ai puntini, vogliono operare quei suggerimenti e quelle sottolineature in modo più «naturale» e spontaneo; […] esse valgono […] a rafforzare anche visivamente il senso di un animo sconvolto da potenti e opposte forze20.
- 21 B. Persiani, « L’interpunzione », art. cité, p. 140.
Bianca Persiani insiste également sur la valeur expressive du tiret : « L’informazione che la lineetta trasmette al lettore non è netta, ma è piuttosto l’indizio di una rottura dell’armonia del discorso, un modo per ricordare che i sentimenti espressi sono prorompenti e rendono impossibile un discorso piano e controllato21. »
- 22 Foscolo écrit à Antonietta Fagnani Arese : « Trovami il Tristram Shandy di Sterne » (Ep. I, lett. 1 (...)
- 23 E. Bigi, « Nota sulla interpunzione dell’Ortis », art. cité, p. 537.
9Si cette interprétation est valable dans la plupart des occurrences de l’Ortis, le tiret n’est pas le simple Ersatz graphique du corps ému ; il ne rend pas seulement compte de l’approfondissement de la veine sentimentale du roman du xviiie siècle et il ne saurait être l’équivalent des points de suspension. C’est un signe sternien : un signe qui provient de Sterne et un signe à la manière de Sterne. Or le tiret de Sterne est loin d’être univoque et uniquement « sentimental ». Il est aussi investi d’une charge critique et réflexive. En effet, dans les romans de Sterne, il suspend le cours du récit, il signale l’impossibilité ou le refus de raconter et il déplace l’attention du lecteur du récit vers la scène de l’écriture, vers le geste même de l’écrivain — geste de la main et de la plume. Le tiret attire l’attention du lecteur sur la manière de l’écrivain et sur sa graphie. Il s’inscrit dans un ensemble de jeux typographiques, qui caractérisent Tristram Shandy en particulier. Cette œuvre que Foscolo a lue entre 1800 et 180522, met précisément en crise le récit autobiographique (entendu au sens large : faute de raconter sa vie, le narrateur commente son écriture et dessine des arabesques, noircit des pages blanches d’astérisques et de tirets, associant ainsi geste graphique et geste critique, dérives de la plume et réflexion sur l’écriture. Tristram Shandy nous invite à lire d’un autre œil les tirets de l’Ortis. Les tirets n’y ont pas la valeur humoristique qu’on peut leur attribuer dans le Sesto tomo, mais ils ont bien parfois une valeur réflexive. Ils ne sont pas seulement les signes d’une plume agitée par l’émotion : des « segni “affrettati” » selon l’expression d’Emilio Bigi forgée à partir de la Notizia foscolienne23. Ils sont aussi les signes d’une plume qui réfléchit son propre geste, qui pense et reflète l’écriture en cours. Autrement dit, au lieu d’indiquer la précipitation, les tirets marquent parfois une pause, un arrêt.
Tirets et mosaïque
- 24 G. Rabizzani, Sterne in Italia, ouvr. cité ; C. Varese, Foscolo, sternismo, ouvr. cité ; P. Fasano, (...)
10L’exemple le plus frappant est le passage qui précède l’insertion du « fragment de l’histoire de Lauretta », cette « imitation de Sterne ». De nombreuses études ont commenté cette insertion « de l’extérieur » pour ainsi dire en faisant l’histoire du texte, en adoptant un point de vue génétique24. Nous adoptons un point de vue interne pour commenter l’effet produit par cette insertion. Ce qui frappe à la lecture de l’Ortis, c’est que le texte foscolien commente son propre geste, réfléchit sa fabrication dans un paragraphe où précisément les tirets abondent. Ces tirets rendent visible et contribuent à l’élaboration d’une poétique autobiographique originale : une poétique de la « mosaïque » où se négocient les délicates transactions du propre et de l’autre. Une mosaïque est un tout constitué d’éléments nombreux et disparates, de morceaux qui restent séparés les uns des autres malgré leur assemblage : lorsqu’on s’approche d’une mosaïque, on voit les morceaux et les lignes (ou les trous) qui les séparent. La mosaïque implique donc coprésence et interruption. Dans le passage qui nous intéresse, les tirets mettent en relief cette poétique de la mosaïque : ils la mettent en évidence et ils en dessinent les contours, les coutures.
- 25 EN IV, p. 349-350.
Pur se afferrassi tutti i pensieri che mi passano per fantasia! — ne vo notando su’ cartoni e su’ margini del mio Plutarco; se non che, non sì tosto scritti, m’escono dalla mente; e quando poi li cerco sovra la carta, ritrovo aborti d’idee scarne, sconnesse, freddissime. Questo ripiego di notare i pensieri, anzi che lasciarli maturare dentro l’ingegno, è pur misero! — ma così si fanno de’ libri composti d’altrui libri a mosaico. — E a me pure, fuor d’intenzione, è venuto fatto un mosaico. — In un libretto inglese ho trovato un racconto di sciagura; e mi pareva a ogni frase di leggere le disgrazie della povera Lauretta: il Sole illumina da per tutto ed ogni anno i medesimi guai su la terra! — Or io per non parere di scioperare mi sono provato di scrivere i casi di Lauretta, traducendo per l’appunto quella parte del libro inglese, e togliendovi, mutando, aggiungendo assai poco di mio, avrei raccontato il vero, mentre forse il mio testo è romanzo25.
11Ce passage réflexif fait de l’écriture autobiographique (de Jacopo) un prélèvement, une transformation et une appropriation d’un « petit livre anglais ». La mosaïque est l’image qui fait basculer d’une pratique d’écriture à l’autre : de la notation sur les livres d’autrui à la traduction — deux formes d’intertextualité qui sont mises sur le même plan. Jacopo raconte précisément l’opération de traduction et ce faisant, au lieu de faire disparaître l’origine « anglaise » du livre, il la rend visible : il exhibe la greffe qui a eu lieu. La traduction (fictive) n’a pas effacé la trace de l’étranger. Les tirets sont les signes visibles de cette couture de l’étranger dans l’écriture de soi, de cette poétique de la mosaïque qui rassemble des morceaux disparates. Ces tirets sont aussi la trace — le reste — de la langue anglaise dans la langue de Jacopo : du livre traduit, on ne connaît pas le nom de l’auteur (Sterne ici n’est pas nommé) : on ne connaît que son origine « anglaise ». Le tiret souligne le caractère anglais de la langue jacopienne : il inscrit une langue étrangère dans la langue propre. Le tiret est aussi, pour nous lecteurs, un indice et une signature sternienne — une trace de Sterne à maints égards, un souvenir et un tracé. Il manifeste une attention à la dimension matérielle et figurative de l’écriture.
- 26 Nous attendons la nouvelle traduction de l’Ortis par Claudio Gigante et Sarah Béarelle aux Belles L (...)
- 27 A. Moioli, « La traduction mal entendue chez Ugo Foscolo », communication présentée lors du colloqu (...)
- 28 La traduction de Luchaire effectue cette normalisation de la ponctuation que critique Taricco, cf. (...)
12Cet enjeu réflexif et figuratif du tiret disparaît tout à fait dans la traduction française de l’Ortis par Julien Luchaire, de 1906, qui, révisée et publiée aux Éditions Ombres, reste aujourd’hui la plus accessible aux lecteurs de langue française26. Nous avons étudié ailleurs une erreur de traduction qui apparaît dans ce paragraphe sur la mosaïque et qui porte précisément sur la poétique de la traduction27. Ce que nous voudrions souligner ici, c’est l’absence des tirets sterniens dans la traduction de Luchaire qui traduit pourtant d’après l’Ortis de 1816. Dans la plupart des cas, le traducteur supprime les tirets ou bien les remplace par des points de suspension (notamment lorsque les tirets figurent le corps ému de Jacopo). Lorsqu’il les conserve, c’est pour indiquer un dialogue, conformément aux usages des grammairiens du xviiie siècle. Dans les passages où les tirets prennent une valeur réflexive, à l’exemple du paragraphe sur la mosaïque, ces signes de ponctuation disparaissent. Cette normalisation de la ponctuation étrangère par Luchaire va à l’encontre du geste de Foscolo qui, lui, en tant que traducteur, choisit d’introduire un signe étranger dans la langue italienne : opération qui transforme véritablement la langue d’origine (l’italien), qui est une véritable « épreuve de l’étranger » au sens d’Antoine Berman, c’est-à-dire aussi, en même temps, épreuve du familier : la langue italienne ne sort pas intacte de la traduction ; elle en ressort transformée28.
13La traduction française la plus diffusée manque ainsi l’originalité et la nouveauté du tiret foscolien. Elle manque aussi, avec lui, un aspect de la poétique de la mosaïque : son attention à la graphie, au tracé de l’écriture. Avec l’image de la mosaïque, écriture et peinture sont mises en rapport ; il y a une continuité de la ligne écrite à la ligne dessinée. Dans l’extrait que nous avons cité, l’usage du tiret est étroitement lié à la poétique de la mosaïque qui s’élabore au cœur de la fiction sous les yeux du lecteur : les deux phrases contenant le mot « mosaico » sont encadrées de tirets et l’on trouve un tiret après chaque inscription du mot « mosaico ». En morcelant visuellement le paragraphe, le tiret signale très concrètement l’emprunt sternien et il met en œuvre le principe de la mosaïque. D’autre part, ce signe de ponctuation troue la ligne droite de la prose : il est le signe d’une poétique autobiographique disruptive et morcelée, qui n’est pas sans rappeler l’image du « livre […] mutilé » définissant le Sesto tomo.
Le livre mutilé
- 29 P. Fasano, Stratigrafie, ouvr. cité, p. 106-108. Voir aussi l’introduction de V. Di Benedetto à U. (...)
- 30 Sur l’adresse au lecteur dans les romans autobiographiques de Foscolo, voir M. Palumbo, Jacopo Orti (...)
14La parenté du Sesto tomo et de l’Ortis est bien connue, tout comme la présence de Sterne dans le Sesto tomo. Selon Fasano, la trace de Sterne est repérable dans la disposition des mots sur la page, et notamment dans la pratique de la liste29. Nous insisterons brièvement sur l’usage du tiret dans les deux fragments qui manifestent clairement, du point de vue du contenu, un emprunt sternien : la dédicace et l’avertissement30. Dans le Sesto tomo, le tiret va de pair avec une pratique systématique de l’interruption. Il a une valeur humoristique : il relève d’un jeu avec le lecteur et signifie une rupture narrative et tonale. Au lieu de commencer son « odyssée » autobiographique, le « je » diffère son récit et commente l’écriture en cours. Surgit alors l’image du livre « mutilé » :
- 31 U. Foscolo, Sesto tomo, ouvr. cité, p. 7.
Nondimeno bisogna confessare che il libro è mutilato.
Vittoria, lettore! m’alzo a mezzo il pranzo per non lasciarmi scappare il più bel pensiero del mondo. La dedica sarà scritta o dall’editore, o dallo stampatore, o dal librajo, o da un amico, o da qualche letterato, o da … — Odore di rancidume!
[…]
E farà l’impostura sempre mercato di voi, vergini muse? non è poco se talora la richezza offre sprezzantemente un tozzo di pane al vostro sacerdote.
Lettore finiamola; tu m’hai fatto tastare una certa corda … — ed io non ci vo più pensare; non ci pensar nemmen tu31.
- 32 Ibid., p. 13.
15Le tiret est un signe d’interruption et de mutilation du livre : il indique une variation tonale (un changement de « corde » vocale) et il figure graphiquement l’interruption de la phrase ainsi que sa relance. Il est le signe d’un jeu avec le lecteur qui est invité à prendre part à la mutilation du livre, à son découpage en morceaux : c’est ce que suggère l’adresse à l’éditeur, à l’imprimeur ou à l’ami qui sont chargés d’écrire la dédicace eux-mêmes, de continuer, de relancer le livre interrompu : le nom « lecteur », que l’on peut attendre après la liste des destinataires, disparaît dans les pointillés et le tiret qui fonctionnent comme des invitations graphiques à continuer le livre, à ajouter son propre morceau (de mosaïque) au texte. On retrouve ce jeu avec le lecteur dans « l’avertissement » où les tirets indiquent, au début, le dialogue entre l’auteur et le lecteur. Ils signalent aussi le changement de ton : l’autobiographe passe de la distance joueuse avec le lecteur à un appel emphatique à l’empathie : « Fuor di scherzo. — Vedimi ginocchione per confessarmi a’ tuoi piedi, o tollerante Conoscitore dell’uomo. Il proponimento di mostrarmi come la madre natura e la fortuna mi han fatto sa’ un po’ d’ambizione32. » Le « je » joue ensuite une véritable scène autobiographique, une scène rousseauiste, où il se cache le visage et rougit à l’idée de s’exposer aux yeux de tous et de se connaître. Cette scène autobiographique s’ouvre sur un tiret, à l’instar d’un autre passage célèbre qui répond par l’humour à la question du dévoilement autobiographique :
- 33 Ibid., p. 24.
Se … —
Conviene per altro ch’io mi faccia conoscere a tutti quelli che non mi conoscono. Io dunque sono uno strumento fatto per ogni tuono, e appunto appunto per modulare le transazioni33.
- 34 M. Orcel, postface à sa traduction : U. Foscolo, Le Sixième tome du Moi, Paris, L’Alphée, 1984, p. (...)
16« Modulare le transazioni » est une citation de Sterne, on le sait. Le tiret figure ces soubresauts de la voix autobiographique, de cette voix dissonante et contradictoire dans laquelle Michel Orcel voit l’un des aspects de la modernité du Sesto tomo et l’un des traits qui le rapprochent le plus du romantisme européen34.
- 35 U. Foscolo, Sesto tomo, ouvr. cité, p. xliv.
17Les tirets du Sesto tomo participent donc d’une poétique autobiographique de l’interruption : interruption et pluralisation de la voix, de l’instance énonciatrice, autant que du livre, qui est remis entre les mains du lecteur-éditeur, qui est ainsi fait de morceaux divers, présents et futurs. Ce « livre […] mutilé » n’est pas sans rapport avec la « mosaïque » de l’Ortis, qui est elle aussi constituée de morceaux disparates — des « livres d’autrui » — et qui fait aussi entendre un battement de l’énonciation (une autre voix, « anglaise », dans la voix de Jacopo). On ne saurait nier les différences qu’il y a entre le Sesto tomo et l’Ortis de 1817, mais le rapprochement des deux textes permet de voir comment une poétique autobiographique de l’interruption s’élabore au fil du temps et passe, se transforme, d’un texte à l’autre, de 1799 à 1817. On sait que le Sesto tomo est un laboratoire de la prose foscolienne, un moment d’expérimentation et d’invention35. Certains traits sterniens de l’écriture et du « je » du Sesto tomo passent dans l’Ortis, en mode mineur certes, mais ils passent malgré tout, en particulier dans le personnage de Lorenzo qui est une figure de l’interruption qui rythme la prose de Foscolo.
Lorenzo, maître du rythme et de l’interruption
- 36 « Au xixe siècle, les pratiques littéraires vont produire une ponctuation dégagée également des pré (...)
18Nous avons vu que le tiret signifie une interruption et une relance et qu’il est, d’un point de vue matériel, un signe graphique qui sépare et relie des éléments. Le tiret pose la question de la mise en page et du rythme de la prose ortisienne. Dans le prolongement des travaux d’Henri Meschonnic, Gérard Dessons a montré que le tiret se trouve à l’articulation de la ponctuation et de la typographie et qu’il fait penser la mise en page dans son ensemble (les blancs, les alinéas, les différents signes, etc.) comme partie prenante de l’énonciation et de la rythmique du texte36. Or, dans l’Ortis, c’est Lorenzo, en tant qu’il est l’éditeur fictif des lettres, qui est le maître du rythme et de la page. Il est maître en interruption, à l’instar du narrateur de Tristram Shandy ; il est cette figure qui introduit du blanc et du jeu (entendu aussi au sens mécanique du mot « jeu » : défaut de serrage, d’articulation entre deux pièces d’un mécanisme) dans la prose autobiographique : il fait — lui aussi — du livre de Jacopo un livre « mosaïque », couturé d’autres voix et d’autres textes. Lorenzo brise la ligne droite de la prose autobiographique : il y introduit une rupture graphique, tonale et narrative. Sa première intervention dans le roman signale une lacune — la perte d’une lettre de Jacopo — graphiquement représentée dans la ligne de pointillés qui troue le texte :
Padova. —
Di questa lettera si sono smarrite due carte dove Jacopo narrava certo dispiacere a cui per la sua natura veemente e pe’ suoi modi assai schietti andò incontro. L’editore, propostosi di pubblicare religiosamente l’autografo, crede acconcio d’inserire ciò che di tutta la lettera gli rimane, tanto più che da questo si può quasi desumere quello che manca.
manca la prima carta
- 37 EN IV, p. 320.
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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
… riconoscente de’ beneficj, sono riconoscentissimo anche delle ingiurie; […]37.
19Le blanc graphique correspond à une lacune narrative. Le récit de Jacopo n’est cependant pas complètement absent car Lorenzo résume la lettre manquante. Cette première interruption consiste en une adresse au lecteur, qui est déjà une forme d’invitation à prolonger le livre, puisque le lecteur pourra « déduire ce qui manque », construire son propre récit. On retrouve là des accents de la voix du « je » du Sesto tomo. Un peu plus loin, Lorenzo interrompt délibérément les lettres de Jacopo, à la manière — impertinente — de Sterne et prend le relais du récit. La désinvolture de Lorenzo rompt avec la tonalité pathétique de la lettre qui précède, dans laquelle Jacopo raconte ses errances désespérées dans les bois et envisage d’enlever Teresa. Nous citons la fin de cette lettre pour faire entendre la rupture tonale :
Ahi sciagurato! mi percuoto la fronte e bestemmio — partirò.
LORENZO.
A CHI LEGGE.
- 38 EN IV, p. 379.
Tu forse, o Lettore, ti se’ fatto amico di Jacopo, e brami di sapere la storia della sua passione; onde io per narrartela andrò quindi innanzi interrompendo la serie delle sue lettere38.
- 39 S. Gentili, I codici autobiografici di Ugo Foscolo, Rome, Bulzoni, 1997, p. 31.
- 40 C. Di Donna Prencipe, L’ultima pagina dell’Ortis: i fogli bianchi di Jacopo, dans W. Moretti (éd.), (...)
- 41 « E presso [la Bibbia chiusa], varj fogli bianchi; in uno de’ quali era scritto: Mia cara madre: e (...)
20L’interruption est ici une relance : Lorenzo accélère le récit ; il va « de l’avant » et de fait, il raconte en quatre pages tous les événements qui se produisent en un mois : la mort de Lauretta, le retour d’Odoardo dans la maison, le conflit entre Odoardo et Jacopo à propos de Campoformio, la visite du peintre, l’aveu de Teresa à son père surpris par Odoardo. Comme dans l’exemple précédent, Lorenzo fait varier le rythme narratif : il le dilate, le condense ou l’accélère. Il est ainsi une figure de la brisure et de la relance du roman autobiographique, qui se transforme en « biographie par documents », selon l’expression de Sandro Gentili39, qui forme une « mosaïque » en acte, constituée de différents morceaux et de différentes voix narratives. Les interventions de Lorenzo se multiplient à mesure que le roman avance, de sorte que le livre de Jacopo est de plus en plus « mutilé », tronqué, interrompu — mais aussi continué, repris par Lorenzo : la biographie ainsi se greffe sur l’autobiographie, ce qui apparaît pour le lecteur dans la graphie même, dans la différence des écritures qui s’entrelacent. Cette interruption de l’écriture autobiographique, qui est en même temps une reprise, est signifiée, en outre, dans l’image finale des pages blanches et des feuillets raturés, presque illisibles, que Lorenzo trouve à côté du cadavre de Jacopo et qui sont l’ultime reste de Jacopo. Lorenzo ne sert pas seulement à « faire coopérer » le lecteur (comme le suggère Carmen Di Donna Prencipe40), il est une figure du lecteur, qui déchiffre les inscriptions de Jacopo41, et une figure en miroir de l’auteur fictif parce qu’il prend le relais de l’écriture et participe à la fabrication du livre-mosaïque.
- 42 T. Crivelli, « “Ricopiando me stesso”: Ugo Foscolo e le Ultime lettere di Jacopo Ortis », Testo, a. (...)
21Ce qui se dessine dans ces signes de l’interruption textuelle (qu’il s’agisse de Lorenzo ou du tiret), c’est la figure d’un auteur multiple, d’un auteur traversé d’autres — figure que Tatiana Crivelli a mise en évidence dans le paratexte de l’Ortis, dans la Notizia bibliografica en particulier42. À la lecture de ces indices de l’interruption textuelle, on voit comment Foscolo élabore dans son texte même une poétique autobiographique originale : l’écriture de soi se définit comme une superposition de traces ; le « je » qui écrit n’est pas seul dans sa peau, dans sa voix, dans sa plume. Il est traversé d’autres qui le hantent et se greffent sur lui, en amont et en aval de l’écriture.
22Ainsi, à partir de la traduction et de la fréquentation de l’œuvre de Sterne, Foscolo élabore au fil du temps une prose autobiographique originale, à la fois lyrique et réflexive, dont le tiret peut être l’indice. Outre qu’ils « rénovent » le roman italien, l’Ortis et le Sesto tomo constituent des formes originales d’autobiographie qui empruntent la voie de la fiction, à l’instar d’autres œuvres du romantisme européen. La poétique de l’interruption et l’attention à la graphie (dont le tiret est l’emblème) rapprochent Foscolo d’autres œuvres autobiographiques excentriques du premier dix-neuvième siècle, celles de Jean Paul en Allemagne, celles de Stendhal et de Nerval en France, qui s’inscrivent aussi dans le sillage de Laurence Sterne et qui font également usage des tirets. Les différentes traces de Sterne chez Foscolo permettent alors d’inscrire l’œuvre foscolienne dans une constellation européenne et de proposer des comparaisons avec ces poétiques étrangères contemporaines.
Notes
1 G. Rabizzani, Sterne e Foscolo, dans Id., Sterne in Italia. Riflessi nostrani dell’umorismo sentimentale, Rome, Formiggini, 1920, p. 23-122 ; C. Varese, Foscolo, sternismo, tempo e persona, Ravenne, Longo, 1982 ; P. Fasano, Stratigrafie foscoliane, Rome, Bulzoni, 1974 ; M. Palumbo, Saggi sulla prosa di Ugo Foscolo, Naples, Liguori, 1994 ; Id., Jacopo Ortis, Didimo Chierico e gli avvertimenti di Foscolo «Al lettore», dans G. Mazzacurati et M. Palumbo (éd.), Effetto Sterne: la narrazione umoristica in Italia da Foscolo a Pirandello, Pise, Nistri-Lischi, 1990, p. 60-89.
2 « Traduit de l’anglais », c’est-à-dire importé de la langue anglaise dans la langue italienne par l’activité de traducteur de Foscolo. Le verbe traduire n’est pas métaphorique ici. Comme le souligne Filippo Taricco, la ponctuation se traduit autant que les autres éléments du discours : « Tradurre significa volgere il discorso in un’altra lingua. La punteggiatura può riconoscerci come discorso. La traduzione che fraintende una punteggiatura uguale discorso non è una traduzione. » Après avoir déploré la normalisation et l’appauvrissement fréquent de la ponctuation dans les traductions, F. Taricco se penche précisément sur la traduction du tiret anglais (dash), de la lineetta singola, qui lui semble exemplaire de cette normalisation. Il souligne que les signes de ponctuation sont d’autant plus normalisés dans la traduction que leur usage est novateur dans la langue d’origine également. Il critique la disparition du tiret ou son remplacement par des pointillés dans les traductions italiennes des œuvres de Selby Jr. mais aussi de Dreiser, Twain, Melville et Faulkner. Loin d’incriminer les seuls traducteurs, Taricco accuse l’histoire et les éditeurs qui ont eu tendance à négliger l’appartenance de la ponctuation au système linguistique et à l’exclure de l’ordre (syntaxique et sémantique) du discours. « Alla base della mancata traduzione dei segni sta l’errore che sigla la loro insignificanza all’interno del discorso e non la sbadataggine o l’arbitrio che ha creduto di potersi concedere il singolo traduttore. Il traduttore ritiene di potersi concedere un camuffamento perché una precisa dottrina gli ha insegnato che la punteggiatura non è discorso », cf. F. Tarrico, Punteggiatura e discorso, dans A. Baricco et al. (éd.), Punteggiatura, vol. 2, Milan, Rizzoli « BUR », 2001, p. 279, 286, 285 (voir en particulier la section « Punteggiatura e traduzione », p. 79-292).
3 G. Gambarin, Introduzione, EN IV, p. lxxxii-lxxxiii : « Discorso più lungo richiederebbe l’interpunzione, in cui il Foscolo si allontana notevolmente dall’uso comune. […] Non v’è dubbio perciò che il segno vada rispettato, anche se talvolta può sorprendere un lettore sprovveduto », cf. U. Foscolo, Il sesto tomo dell’Io, V. Di Benedetto (éd.), Turin, Einaudi, 1991. Dans son édition du Viaggio sentimentale di Yorick lungo la Francia e l’Italia de Foscolo, Fubini, contrairement à ses prédécesseurs, fait également le choix de respecter ce signe étonnant pour les lecteurs d’hier et d’aujourd’hui : « non si dovrà vedere nella sua punteggiatura una moda grafica del tempo, che può senza danno essere sostituita da una più conforme alle nostre consuetudini » (EN V, p. liv).
4 Sur l’histoire et les fonctions du tiret (lineetta) d’après les grammairiens du xixe siècle (Gherardini, Moise, Gastaldi), voir B. Persiani, « L’interpunzione dell’Ortis e della prosa del secondo Settecento », dans Studi di grammatica italiana, XVII, 1998, p. 127-244, en particulier, n. 38, p. 137 ; B. Mortara Garavelli (éd.), Storia della punteggiatura in Europa, Rome, Laterza, 2008, p. 16-22, 203-207 ; E. Tonani, Punteggiatura d’autore. Interpunzione e strategie tipografiche nella letteratura italiana dal Novecento a oggi, Florence, F. Cesati, 2012, p. 224- 226. Sur l’histoire de la ponctuation italienne, voir B. Mortara Garavelli (éd.), Storia della punteggiatura, ouvr. cité, en particulier G. Antonelli, Dall’Ottocento a oggi, p. 178-212 ; Ead., Prontuario di punteggiatura, Rome, Laterza, 2003 ; E. Cresti, N. Maraschio et L. Toschi (éd.), Storia e teoria dell’interpunzione, Rome, Bulzoni, 1992.
5 G. Dessons, Rythme et écriture : le tiret entre ponctuation et typographie, dans J.-P. Saint-Gérand (dir.), Mutations et sclérose : la langue française, 1789-1848, Stuttgart, F. Steiner, 1993, p. 123‑126.
6 EN IV, p. 482.
7 Pour retracer les étapes de ce véritable « roman policier éditorial », voir M. A. Terzoli, Le prime lettere di Jacopo Ortis: un giallo editoriale tra politica e censura, Rome, Salerno, 2004 ; E. Neppi, Il dialogo dei tre massimi sistemi. Le «Ultime lettere di Jacopo Ortis» fra il «Werther» e la «Nuova Eloisa», Naples, Liguori, 2014.
8 Cité par G. Gambarin dans son introduction, EN IV, p. lxxxii-lxxxiii.
9 Selon l’analyse de Emilio Bigi, « nel passaggio da Gt [edizione Genio tipografico, 1802] a Z [edizione di Zurigo, 1816], accanto alla scomparsa pressoché totale dei puntini, si verifica un aumento assai considerevole delle lineette, e in particolare delle lineette non accompagnate da altri segni di interpunzione » (E. Bigi, « Nota sulla interpunzione dell’Ortis », Giornale storico della letteratura italiana, CII, 1985, p. 527-529 ; cf. B. Persiani, « L’interpunzione », art. cité).
10 E. Tonani, Il romanzo in bianco e nero: ricerche sull’uso degli spazi bianchi e dell’interpunzione nella narrativa italiana dall’Ottocento a oggi, Florence, F. Cesati, 2010.
11 Sur les différentes phases de la traduction de Sterne par Foscolo, voir L. Alcini, Studio di varianti d’autore nella traduzione foscoliana di «A Sentimental Journey through France and Italy», Pérouse, Guerra, 1998 ; Ead., Il tradurre e i traduttori, Ugo Foscolo, Pérouse, Guerra, 1993 ; R. Miller-Isella, La poetica del tradurre di Ugo Foscolo nella versione del «Viaggio sentimentale», Berne – Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1982.
12 « Indagine utile e interessante sarebbe un raffronto fra i due testi, che potrebbe mostrarci la strada percorsa dal Foscolo in fatto di lingua, soprattutto nel liberarsi sempre più dall’influsso che la prosa francese non aveva mancato di esercitare su di lui. » (EN IV, p. lxv)
13 Dans sa brève histoire du « trattino/lineetta » en Italie du xixe siècle à nos jours, Giovanni Antonelli souligne que la lineetta a été introduite dans la langue italienne par Foscolo et les poètes romantiques. Il ajoute que la distinction actuelle entre trattino (c’est-à-dire le « trait d’union » français ou le signe marquant la troncature d’un mot en fin de ligne) et lineetta (« tiret » en français) n’était pas très nette au xix e siècle : « Impossibile di fatto distinguere fra lineetta (<–>) et trattino (<->) nell’uso manoscritto; la distinzione terminologica, oltretutto, è molto recente e tutt’altro che generalizzata » (n. 178, p. 204). Néanmoins, il indique que la lineetta à ses débuts (autrement dit, chez Foscolo et les poètes romantiques) passait pour un anglicisme tandis que le trattino tel qu’on l’entend aujourd’hui (comme trait d’union) était un gallicisme : « Se la lineetta poteva essere avvertita, al momento del suo primo affermarsi, come un anglicismo; quello che oggi si chiama propriamente trattino viene considerato, per tutto l’Ottocento, un francesismo » (cf. G. Antonelli, « Dall’Ottocento a oggi », dans B. Mortara Garavelli [éd.], Storia della punteggiatura in Europa, ouvr. cité, p. 206-207). Sur le flou terminologique concernant lineetta et trattino au xixe siècle, voir B. Persiani, « L’interpunzione », art. cité, p. 137, et jusqu’à aujourd’hui : A.-L. Lepschy, Punteggiature e linguaggio, dans B. Mortara Garavelli (éd.), Storia della punteggiatura, ouvr. cité, p. 3-24 (p. 17) : « Michelsen osserva che l’italiano, con i termini lineetta e trattino, non distingue fra Gedankenstrich (il dash che indica un’omissione, come […] puntini), e il Bindenstrich (hyphen), e che già la mancanza di precisione terminologica indica come questo fenomeno abbia un’importanza minore nella tradizione italiana rispetto a quella inglese e tedesca. Basta uno sgardo alle opere di Sterne nell’originale inglese, alle traduzioni italiane (da quelle di Foscolo a quelle moderne), e alla bibliografia italiana sull’argomento, per rendersi conto dell’importanza ermeneutica di questi usi interpuntivi, e di quanto lavoro occorrerebbe fare per cercare di chiarirne la storia in italiano. Interessante sarebbe anche precisare la storia del trattino, con le sue diverse lunghezze, e con i suoi diversi valori (si veda oltre), da quello sospensivo (dash) a quello connettivo o separativo (hyphen). »
14 « Sarà dunque da serbare quel segno [la lineetta] anche nel Foscolo, che tanto lo ebbe caro e ne fece, non soltanto nella versione del Viaggio, uno strumento del suo stile » (EN V, p. liv-liv). Voir aussi l’introduction de Gambarin, EN IV, p. lxxxiii : « Il Foscolo aveva già largamente introdotto l’uso della lineetta nella versione del Viaggio sentimentale mutuandola proprio dallo Sterne. Qui, nell’ultimo Ortis, egli se ne serve nei limiti concessi da una prosa così diversa dal Viaggio, ma la usa quasi costantemente, sicchè essa diventa un elemento fondamentale dell’interpunzione foscoliana, difficilmente riducibile agli altri segni. »
15 Voir P. Fasano, « “L’amicizia” con Sterne et la traduzione didimea del Sentimental Journey », dans Id., Stratigrafie, ouvr. cité, p. 83-168. « La ricerca di un linguaggio puramente italiano, ma confacente alle forme “strane” e “stringate” dello stile sterniano, è infatti la principale preoccupazione di Foscolo durante il lavoro di “ritraduzione” del Viaggio sentimentale » (p. 153). « La ricerca, l’invenzione d’una lingua, la creazione di uno stile: queste erano dunque le principali “intenzioni” riposte da Foscolo nella sua traduzione del Viaggio sentimentale. » (p. 164) Sur le renouveau de la prose italienne par Foscolo, voir G. Patota, L’«Ortis» e la prosa del secondo Settecento, Florence, Accademia della Crusca, 1987 ; M. Palumbo, Saggi sulla prosa di Ugo Foscolo, ouvr. cité ; M. Palumbo, « Jacopo Ortis, Didimo Chierico e gli avvertimenti di Foscolo “Al lettore” », dans G. Mazzacurati et M. Palumbo (éd.), Effetto Sterne, ouvr. cité.
16 Sur le Sesto tomo en particulier, voir P. Fasano, Stratigrafie, ouvr. cité, p. 96-108. Sur l’usage du tiret dans la traduction du Sentimental Journey par Foscolo, voir les remarques de Fubini qui montre que Foscolo parfois reproduit la ponctuation sternienne et parfois ajoute même des tirets : « altre volte egli usa di quel segno anche quando non lo trova nell’originale, e sempre, sia o non sia nello Sterne, esso gli soccorre per frammettere nel discorso una pausa, con cui discretamente se ne rileva il motivo malizioso o patetico. Così il sistema d’interpunzione si arricchiva di un nuovo segno, che permetteva di graduare più variamente le pause, tanto importanti, e talora non meno della parola esplicita, nella prosa sterniana-foscoliana » (EN V, p. lvi).
17 A. Berman, L’épreuve de l’étranger, Paris, Gallimard, 1984.
18 EN IV, p. 482.
19 Premier exemple, EN IV, p. 396 : « Placati. — Ohimè! tu non mi ascolti — e dove me la trascini? — la vittima è sacrificata! io odo il suo gemito — il mio nome nel suo ultimo gemito! Barbari! tremate — il vostro sangue, il mio sangue — Teresa sarà vendicata. — Ahi delirio! — ma io son pure omicida. » Deuxième exemple, EN IV, p. 360-361 : « Le sue vesti mi lasciavano trasparire i contorni di quelle angeliche forme; e l’anima mia le contemplava e — che posso più dirti? Tutto il furore e l’estasi dell’amore mi aveano infiammato e rapito fuori di me. Io toccava come un divoto e le sue vesti e le sue chiome odorose e il mazzetto di mammole ch’essa aveva in mezzo al suo seno — sì sì, sotto questa mano diventata sacra ho sentito palpitare il suo cuore. Io respirava gli aneliti della sua bocca socchiusa — io stava per succhiare tutta la voluttà di quelle labbra celesti — un suo bacio! E avrei benedette le lagrime che da tanto tempo bevo per lei — ma allora allora io la ho sentita sospirare fra il sonno […]. me le sono prostrato davanti immobile immobile rattenendo il sospiro — e sono fuggito per non ridestarla alla vita angosciosa in cui geme. » Troisième exemple, EN IV, p. 457 : « Verrò ad ogni modo — se potessi scriverle — e voleva scrivere: pur se le scrivessi non avrei più cuore di venire — tu le dirai che verrò, che essa vedrà il suo figliuolo; — non altro — non altro: non le straziare di più le viscere; avrei molto da raccomandarti intorno al modo di contenerti per l’avvenire con essa e di consolarla. — Ma le mie labbra sono arse; il petto soffocato; un’amarezza, uno stringimento — potessi almen sospirare! — Davvero; un gruppo dentro le fauci, e una mano che mi preme e mi affanna il cuore. — Lorenzo, ma che posso più dirti? sono uomo — Dio mio, Dio mio, concedimi anche per oggi il refrigerio del pianto. »
20 E. Bigi, « Nota sulla interpunzione », art. cité, p. 534.
21 B. Persiani, « L’interpunzione », art. cité, p. 140.
22 Foscolo écrit à Antonietta Fagnani Arese : « Trovami il Tristram Shandy di Sterne » (Ep. I, lett. 191, p. 267) ; P. Fasano, Stratigrafie, ouvr. cité, p. 97-98 ; C. Varese, Foscolo, sternismo, ouvr. cité, p. 65.
23 E. Bigi, « Nota sulla interpunzione dell’Ortis », art. cité, p. 537.
24 G. Rabizzani, Sterne in Italia, ouvr. cité ; C. Varese, Foscolo, sternismo, ouvr. cité ; P. Fasano, Stratigrafie, ouvr. cité ; L. Berti, Foscolo traduttore di Sterne, Florence, Edizioni di Rivoluzione, 1942 ; S. Matteo, Textual Exile: The Reader in Sterne and Foscolo, New York, Peter Lang, 1985 ; L. Toschi, « Foscolo lettore di Sterne e altri ‘Sentimental Travellers’ », MLN, XCVII, 1er janvier 1982, no 1, p. 19‑40.
25 EN IV, p. 349-350.
26 Nous attendons la nouvelle traduction de l’Ortis par Claudio Gigante et Sarah Béarelle aux Belles Lettres. Cf. U. Foscolo, Les dernières lettres de Jacques Ortis : traduction nouvelle, trad. J. Luchaire, Paris, Société française d’imprimerie et de librairie, 1906 ; U. Foscolo, Les dernières lettres de Jacopo Ortis, trad. J. Luchaire, Toulouse, Éditions Ombres, 1994 (1987).
27 A. Moioli, « La traduction mal entendue chez Ugo Foscolo », communication présentée lors du colloque « Traduire sans papiers », ENS de Lyon, 10-12 octobre 2012.
28 La traduction de Luchaire effectue cette normalisation de la ponctuation que critique Taricco, cf. F. Taricco, Punteggiatura e traduzione, dans A. Baricco et al. (éd.), Punteggiatura, vol. II, ouvr. cité, p. 279-292. Taricco souligne qu’il faut traduire la ponctuation, le tiret par exemple, quand bien même la ponctuation irait à l’encontre des normes de la langue de traduction, et au risque de déranger le lecteur. Cela est d’autant plus nécessaire, selon lui, que les œuvres d’origine font un usage original de la ponctuation. « Quando diciamo che l’italiano non sopporta le lineette […] non spieghiamo mai perché non le dovrebbe sopportare. Se vogliamo intendere che le lineette danno al discorso un senso alieno alla nostra tradizione non abbiamo torto: ma perché leggerei romanzi di un’altra tradizione se non cerco un confronto? » (p. 289) Contre la normalisation, Taricco se prononce en faveur d’une défamiliarisation, d’un étrangement de la langue italienne. Nous formulons le même vœu quant à la traduction française de l’Ortis, qui respecterait ainsi le geste de Foscolo traduisant Sterne : un geste défamiliarisant qui, par l’introduction du tiret, du dash anglais, rend étrange et étrangère la langue italienne.
29 P. Fasano, Stratigrafie, ouvr. cité, p. 106-108. Voir aussi l’introduction de V. Di Benedetto à U. Foscolo, Sesto tomo, ouvr. cité, p. lxiv et p. xxxvii.
30 Sur l’adresse au lecteur dans les romans autobiographiques de Foscolo, voir M. Palumbo, Jacopo Ortis, Didimo Chierico e gli avvertimenti di Foscolo «Al lettore», dans G. Mazzacurati et M. Palumbo (éd.), Effetto Sterne, ouvr. cité, p. 60-89. Nous nous concentrons sur l’usage et le sens du tiret dans ces adresses.
31 U. Foscolo, Sesto tomo, ouvr. cité, p. 7.
32 Ibid., p. 13.
33 Ibid., p. 24.
34 M. Orcel, postface à sa traduction : U. Foscolo, Le Sixième tome du Moi, Paris, L’Alphée, 1984, p. 39-46.
35 U. Foscolo, Sesto tomo, ouvr. cité, p. xliv.
36 « Au xixe siècle, les pratiques littéraires vont produire une ponctuation dégagée également des préoccupations respiratoires et des impératifs logiques, mais introduisant dans l’écriture une dimension rythmique et énonciative, manifestation historiquement nouvelle du lyrisme, dont le tiret apparaît l’élément le plus représentatif » (cf. G. Dessons, « Rythme et écriture », art. cité, p. 127). Voir aussi : Id., Noir et blanc. La scène graphique de l’écriture, dans P. Mourier-Casile et D. Moncond’huy (dir.), Lisible/visible : problématiques, Rennes, PUR, 1992, p. 183-190. Tonani a repris les analyses de Dessons qu’elle cite dans son étude consacrée à la lineetta dans la poésie italienne du xixe siècle — ce signe introduit dans la langue italienne par Foscolo : « Il riconoscimento della “logique spatialisante du tiret”, del legame “genetico” tra lineetta, alinea, bianco, in quanto segnali di un “mouvement de relance énonciative”, comporta “l’assimilation de la mise en page à la ponctuation du texte” e si accompagna allo sfruttamento della tipografia (dell’intervallo, del bianco) ai fini della soggettivazione poetica: “la typographie est alors véritablement ponctuation, un équivalent visuel non de l’acoustique, mais de la rythmique du texte, qui est sa véritable sémantique”. Segno oggi in espansione, e di rilevanza innegabile, è però entrato relativamente tardi nella lingua italiana (così come nella francese), importato mediante le traduzione dall’inglese. A cominciare da quella, celebre, che Foscolo fa tra il 1807 e il 1813 di A Sentimental Journey through France and Italy (1768) di Sterne. Nella tradizione della prosa italiana è quasi del tutto mancata una delle funzioni tipiche del dash: la “lineetta sospensiva” della letteratura inglese. » (E. Tonani, Punteggiatura d’autore, ouvr. cité, p. 225-226.)
37 EN IV, p. 320.
38 EN IV, p. 379.
39 S. Gentili, I codici autobiografici di Ugo Foscolo, Rome, Bulzoni, 1997, p. 31.
40 C. Di Donna Prencipe, L’ultima pagina dell’Ortis: i fogli bianchi di Jacopo, dans W. Moretti (éd.), Studi in onore di Lanfranco Caretti, Modène, Mucchi, 1987, p. 105, 118.
41 « E presso [la Bibbia chiusa], varj fogli bianchi; in uno de’ quali era scritto: Mia cara madre: e da poche linee cassate, appena si potea rilevare, espiazione; e più sotto: di pianto eterno. In un altro foglio si leggeva soltanto l’indirizzo a sua madre. » (EN IV, p. 474)
42 T. Crivelli, « “Ricopiando me stesso”: Ugo Foscolo e le Ultime lettere di Jacopo Ortis », Testo, a. XXV, juillet-décembre 2004, no 48, p. 45, 67.
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Référence papier
Aurélie Moioli, « La trace de Sterne dans les romans autobiographiques de Foscolo : de l’usage du tiret à la poétique de l’interruption », Cahiers d’études italiennes, 20 | 2015, 103-118.
Référence électronique
Aurélie Moioli, « La trace de Sterne dans les romans autobiographiques de Foscolo : de l’usage du tiret à la poétique de l’interruption », Cahiers d’études italiennes [En ligne], 20 | 2015, mis en ligne le 01 janvier 2017, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cei/2395 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cei.2395
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