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Corpi profanati, manomessi e straniati. Tra scienza e filosofia

La maîtrise du corps comme acte de transgression dans la littérature d’anticipation italienne au début du xxe siècle

Body Control as an Act of Transgression in Italian Speculative Fiction 1901–1925
Il controllo del corpo come atto di trasgressione nella letteratura d’anticipazione italiana all’inizio del Novecento
Michela Toppano

Résumés

Cette étude aborde la thématique du corps envahi dans un corpus de récits d’anticipation publiés entre 1901 et 1925 mettant en scène des intrusions dans les corps sous forme d’opérations réalisées grâce aux progrès de la science. Ces interventions sur les corps, visant à maîtriser les processus biologiques et psychiques, sont néanmoins appréhendées comme des transgressions inacceptables de frontières qui devraient être respectées et comme une source de désordre. Après avoir analysé la manière dont les visées pragmatiques déterminent les usages qu’auteurs et lecteurs font de cette thématique, nous montrerons comment ces textes déclinent le rêve de la maîtrise du corps par la science à travers quatre narrations bien reconnaissables qui répondent à des préoccupations distinctes et spécifiques de l’époque. Enfin, nous verrons comment ces récits offrent des visions différentes du rapport corps/esprit, relevant tantôt d’une optique réductionniste typique de la culture positiviste, tantôt d’une conception dualiste plus traditionnelle.

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Texte intégral

  • 1 Au sujet du magnétisme et de l’hypnotisme au xixe siècle, voir C. Gallini, La sonnambula meraviglio (...)
  • 2 Dottor Giovanni, « Conservazione delle arterie di ricambio », La Domenica del Corriere, 23‑30 mai 1 (...)

1Le xixe siècle et le début du xxe siècle furent scandés par de nombreuses découvertes et innovations technologiques qui permirent d’imaginer la possibilité d’obtenir un contrôle inédit sur le monde et sur l’homme, y compris dans sa dimension corporelle. Il suffit de penser aux avancées dans la chimie de la vie, aux découvertes de Louis Pasteur ou de Robert Koch dans le domaine de la microbiologie, aux théories darwiniennes et eugénistes, à l’anthropologie lombrosienne, à la découverte des rayons X et du radium ou encore aux progrès de la chirurgie dont témoignent les expériences de greffe et de cultures tissulaires d’Alexis Carrel au début du xxe siècle. À ces sciences reconnues, s’ajoutent les sciences moins officielles, comme celles fondées sur la théorie des fluides et du magnétisme animal, qui, depuis les expériences de Mesmer au xviiie siècle, continuèrent à intéresser, de manière plus ou moins constante, les milieux scientifiques et les profanes. En Italie, cet engouement fut alimenté auprès du grand public par les spectacles du célèbre hypnotiseur Donato dans les années 1880. Au sein de la communauté scientifique, il suscita les études sur le spiritisme, l’hypnose et le magnétisme de Cesare Lombroso et Enrico Morselli au début du xxe siècle1. Certains observateurs de l’époque se plaisaient à imaginer que ces progrès scientifiques, ainsi que les promesses plus aléatoires des sciences occultes, permettraient bientôt une totale maîtrise du corps, des processus biologiques, voire de la vie et de la mort. Ainsi, par exemple, l’auteur d’un article publié dans la Domenica del Corriere, après avoir renseigné les lecteurs sur les expériences réussies de greffes et de conservation des artères par Alexis Carrel, conclut en évoquant la possibilité, à l’avenir, de modeler, voire de fabriquer de toutes pièces, le corps humain grâce à la chirurgie : « Queste miracolose esperienze stanno a dimostrare su qual via di progresso si sia incamminata la chirurgia dei nostri giorni, e come essa prometta di tramutarsi in un’arte prodigiosa per la fabbricazione e la lavorazione della macchina umana2. »

  • 3 Dans cet article nous avons analysé un nombre limité de textes représentatifs d’un corpus plus ampl (...)
  • 4 M. Colucci, « La vita », La Domenica del Corriere, 10‑26 septembre 1909.
  • 5 V. Martella, « Duecento anni dopo », Giornale illustrato dei viaggi e delle avventure per terra e p (...)
  • 6 Un article de la Domenica del Corriere, datant de 1910, relatait les expériences effectuées par Jac (...)
  • 7 À la base de ces textes nous retrouvons également des archétypes littéraires ou mythiques. Ainsi, L (...)

2La science et ses avancées ont ainsi nourri en profondeur l’imaginaire collectif et littéraire au tournant du siècle, et notamment celui des auteurs des premiers textes d’anticipation scientifique en Italie. Dans cette étude nous aborderons précisément la thématique du corps envahi telle qu’elle émerge d’un corpus de récits d’anticipation publiés entre 1901 et 1925 appartenant à la littérature dite populaire qui mettent en scène des intrusions dans les corps sous forme d’opérations et de manipulations réalisées grâce aux progrès de la science3. Dans ces textes, cependant, le rapport à la science s’avère très variable. Certains d’entre eux s’appuient de manière assez précise sur une hypothèse ou une découverte scientifique. Par exemple, dans la nouvelle La vita4, un scientifique, pour ranimer des corps morts, électrise le protoplasme car il est convaincu que ce dernier est responsable de la vie : ce texte résulte de toute évidence des théories les plus récentes dans le domaine de la biologie cellulaire selon lesquelles le protoplasme serait une unité biologique de base. Dans d’autres cas, les innovations scientifiques apparaissent comme des versions à peine modernisées de mythes anciens, comme celui de la pierre philosophale ou des rêves alchimistes de la Renaissance. Ainsi, dans Duecento anni dopo, un scientifique veut‑il faire baisser la température du corps afin de ralentir les processus biologiques et donc augmenter la durée de la vie5. Si ce texte s’inspire des recherches que Jacques Loeb a menées au sujet du coefficient de température au début du xxe siècle, la méthodologie employée pour atteindre cet objectif est des plus fantaisistes. En effet, pour diminuer la température du corps, le scientifique y injecte un « siero freddo », vaguement défini comme un « composto », où il a pu « fissare l’ammoniaca e l’acido fluoridrico », ce qui « toglie al protoplasma, toglie ai globuli rossi del sangue umano gran parte delle loro calorie che è quanto dire, abbassa la temperatura dell’organismo6 ». Ce mélange rappelle la concoction de potions magiques par des apprentis sorciers, alors que le recours à un langage pseudo-scientifique sert uniquement à donner une patine « scientificisante » au récit. Néanmoins, ces technologies et ces pratiques sont toujours présentées comme reposant sur des savoirs scientifiques ou pseudoscientifiques en avance sur leur temps : c’est pourquoi nous pouvons inscrire ces textes dans l’ensemble hétérogène de la littérature d’anticipation produite entre le xixe et xxe siècle en Italie7.

3Nous essaierons ici de montrer comment ces récits d’intrusion dans le corps mettent en scène le rêve prométhéen de contrôle de celui‑ci par la science tout en présentant ces interventions comme des transgressions inacceptables. Pour ce faire, nous interrogerons d’abord les visées pragmatiques des auteurs et des éditeurs pour montrer ensuite comment ce même rêve de maîtrise des corps génère quatre types de narrations bien reconnaissables qui répondent à des préoccupations et des fantasmes distincts et spécifiques de l’époque. Nous nous attacherons enfin à expliciter la signification symbolique de ces intrusions effectuées dans les corps par le biais de la science et à déterminer le rôle de ces récits dans l’histoire de la représentation du corps.

1. Le corps envahi : thème sensationnaliste ou sujet philosophique ?

  • 8 Pour un panorama éditorial plus complet de la période prise en considération, voir F. Traniello, «  (...)

4Au sein de notre corpus deux catégories de textes se distinguent par la manière dont les auteurs s’approprient la thématique de l’intrusion dans le corps. Dans quelques très rares cas, elle se prête à une réflexion philosophique dans des œuvres assez élaborées du point de vue narratif et s’adressant à un lectorat relativement exigeant. Néanmoins, la plupart du temps, elle est abordée de manière sensationnaliste dans des récits destinés au grand public en vue d’une consommation immédiate. La fin du xixe et le début du xxe siècle sont en effet une période où s’épanouit la presse périodique en Italie, produite dans un souci de rendement commercial et destinée au divertissement et à la vulgarisation, qu’il s’agisse de revues s’adressant aux adultes — dont le Giornale illustrato dei viaggi de Sonzogno et la Domenica del Corriere sont les exemples les plus remarquables —, ou de revues spécialisées comme celles consacrées à la jeunesse8.

  • 9 Almerico Ribera est né à Naples en 1877. Nous n’avons pas trouvé d’informations concernant la date (...)
  • 10 A. Ribera, La villa misteriosa, Milan, Vallardi, 1904 ; Le trame dell’anima, Milan, Vallardi, 1904.

5La première catégorie comprend seulement les deux romans d’Almerigo Ribera9, La villa misteriosa et Le trame dell’anima10. Figure marginale par rapport au canon littéraire italien de l’époque, Ribera appartient tout de même à l’establishment littéraire. Professeur de lettres, auteur de pièces théâtrales, puis journaliste, il a écrit des essais littéraires et historiques, ainsi qu’une dizaine de romans, dont certains ont été publiés par des maisons d’édition prestigieuses (Garzanti, Treves, SEI, Vallardi). Pendant le fascisme il a été chargé de diriger l’Enciclopedia biografica e bibliografica italiana, chez l’éditeur Tosi. Les deux romans que nous avons retenus sont parus chez Vallardi. Il s’agit de narrations assez complexes, qui affichent une certaine ambition littéraire, comme le montrent plusieurs éléments. Tout d’abord, l’intérêt porté à la psychologie et à l’intériorité des personnages, qui s’inspire du modèle des romans psychologiques de Paul Bourget. Deuxièmement, l’influence du décadentisme, qui se manifeste par la prédilection des cas psychologiques tortueux, par une certaine recherche stylistique et un esprit liberty prononcé, notamment dans les descriptions de paysages et de la nature, ainsi que — dans le second roman — par la présence de la haute société. Dans ces œuvres, la mise en scène de l’intervention sur le corps d’autrui est indissociable d’un certain goût pour la provocation intellectuelle, ce dont témoigne la manière paradoxale dont l’auteur s’empare de motifs narratifs récurrents. Faute d’espace, nous nous contenterons ici d’analyser le premier roman afin de donner un aperçu de cette approche et de faire apparaître le contraste par rapport aux textes de la deuxième catégorie.

  • 11 Certains éléments de ce roman, comme le motif de la deuxième mort, pourraient tirer leur origine de (...)

6Dans La villa misteriosa, Schultz, un célèbre docteur allemand, veut redonner vie à des personnes mortes prématurément. Il parvient à ressusciter les cadavres grâce à l’électricité et en remettant en circulation le sang, mais il échoue à en faire des individus à part entière. Grâce à la force magnétique, il peut allumer une lueur de conscience par intermittence et leur donner la volonté de survivre, mais il ne réussit pas à en faire des êtres sensibles et dotés d’une volonté propre. À cause de l’absence prolongée du docteur, les morts ressuscités, privés de la force magnétique qui les tenaient en vie, meurent à nouveau et pour toujours11. À la fin du roman, un incendie réduit en cendres la villa du scientifique ainsi que les cadavres et les cahiers qui contenaient les résultats de ses recherches.

7Dans ce roman, l’intrusion dans le corps se manifeste notamment à travers l’emprise magnétique, un motif très récurrent dans les récits d’anticipation et fantastiques publiés entre la seconde moitié du xixe et le début du xxe siècle. Cette thématique est toutefois présentée ici de manière inattendue. Contrairement aux autres magnétiseurs assoiffés de pouvoir, Schultz ne veut pas annihiler la volonté et la pensée d’autrui afin de dominer les individus, mais, au contraire, il veut les obliger à être indépendants et conscients. L’intérêt du roman se fonde ainsi sur le paradoxe constitué par cette injonction contradictoire visant à contraindre autrui à vouloir être autonome. Ce roman invite le lecteur à une réflexion autour de la question de l’autonomie des personnes et de ce qui fait d’un être un individu à part entière. Dans le cas de Ribera, le support de publication, le genre narratif choisi, le soin stylistique ainsi qu’une approche intellectualisée de la thématique de l’intrusion dans le corps témoignent de sa volonté d’offrir au lecteur un ouvrage relativement raffiné.

  • 12 Pour quelques données biographiques sur Egisto Roggero, voir C. Gallo et F. Foni, Ottocento nero it (...)
  • 13 Cf. F. D’Intino, « Onorato Fava », dans Dizionario biografico Treccani, Rome, 1995, disponible en l (...)
  • 14 C’est le cas de Vittorio Martella, un rédacteur du Giornale illustrato dei viaggi e delle avventure (...)
  • 15 Ces deux auteurs se sont spécialisés dans les romans d’aventures, parfois teintés de motifs fantast (...)

8Si les deux romans de Ribera sont destinés à un public assez averti, la plupart des textes de notre corpus sont en revanche proposés par des revues destinées à un lectorat moins exigeant. Ils paraissent dans les premiers magazines populaires italiennes (La Domenica del Corriere, Il giornale illustrato dei viaggi e delle avventure per terra e per mare d’Edoardo Sonzogno), ou bien dans des revues pour la jeunesse comme La Sfinge, le périodique salgarien Per terra et per mare, et Oceanus novus). Parmi les auteurs qui ont publié ce type de récits, deux d’entre eux ont obtenu une certaine reconnaissance littéraire, mais ils se sont rapidement tournés vers des genres mineurs. C’est le cas d’Egisto Roggero (1867‑1930) ou d’Onorato Fava (1859‑1941). Le premier a publié aussi dans des maisons prestigieuses comme Treves, Vallardi, Voghera, mais a consacré également une grande partie de son activité aux essais, à la vulgarisation scientifique, à la littérature d’enfance et de jeunesse et à des genres moins « légitimes » comme les récits noir et fantastique12. Le deuxième a collaboré avec plusieurs journaux et a débuté son activité littéraire avec des nouvelles d’inspiration vériste caractérisées par un ton sentimental et didactique pour se consacrer ensuite à la littérature de jeunesse13. D’autres textes ont été écrits par des amateurs dont nous n’avons pas trouvé de trace (comme Diaz ou Sartini) ou par des journalistes qui s’essaient à la fiction14. Enfin, d’autres écrivains, comme Italo Toscani ou Antonio Garibaldo Quattrini se consacrent d’emblée à la paralittérature et deviennent des figures représentatives de ce type d’écriture15.

9Dans ce cas, la mise en scène du corps envahi est exploitée comme une thématique sensationnaliste, apte à susciter des réactions émotives fortes dans le but de captiver l’intérêt du lecteur. Conçus pour varier le plaisir d’une lecture divertissante, ces textes côtoient au sein de la même revue un article d’actualité politique ou mondaine, un récit de voyage ou une annonce publicitaire. Ainsi ces récits poursuivent‑ils essentiellement l’objectif de susciter tantôt l’effroi, tantôt l’émerveillement des lecteurs.

  • 16 A. Prestigiacomo, « La fine del mostro », Giornale illustrato dei viaggi e delle avventure per terr (...)

10La plupart de ces textes prennent la forme de récits « chirurgicaux », qui mettent en scène des greffes ou des opérations comparables à des actes de torture accomplies sur des victimes impuissantes. Le narrateur s’attarde ainsi sur des détails macabres comme dans La fine del mostro16, où le pathos est accentué par le fait que c’est la victime qui décrit son supplice :

  • 17 Ouvr. cité, p. 5.

Fui sottoposto a strani e portentosi processi; cominciaste col comprimermi e deformarmi convenientemente la mia ossatura allo stato cartilagineo e quindi tenerissima, a tenermi certe membra continuamente umide di liquidi speciali, a una speciale nutrizione, a iniezioni ipodermiche in determinate parti del corpo, a tagli ed operazioni continue. […] il mio cranio fu costantemente ricoperto di una speciale lozione che lo fece ingrossare straordinariamente, non per volgare idrocefalia, ma per il graduale ed intenso accrescimento della materia cerebrale17.

  • 18 Pour ce qui est de l’exhibition du corps anormal ou exotique, voir N. Bancel, P. Blanchard, G. Boet (...)
  • 19 Ce sentiment d’horreur face aux souffrances du corps est aussi dû au fait que le seuil de sensibili (...)

11Ce type de textes s’apparentent aux récits criminels et de l’horreur, une similarité confirmée par la présence récurrente d’une enquête. Lorsque les opérations sur le corps débouchent sur la création d’un être hybride, ils renvoient plutôt à l’imaginaire des monstres, alimenté à l’époque par l’exposition du corps anormal lors de divertissements populaires comme les foires, les zoos ou des spectacles comme celui inventé par Barnum18. La mise en scène du corps martyrisé suscite ainsi chez le lecteur à la fois un sentiment d’horreur et un plaisir voyeuriste malsain19.

  • 20 R. Pirro, « Le scoperte del… dimani », La Domenica del Corriere, 28 juillet 1901, p. 10‑11.
  • 21 E. Roggero, « Il mago », dans Id., Racconti meravigliosi, Milan, La Poligrafica, 1901 (1899), p. 12 (...)

12D’autres récits, beaucoup moins nombreux, visent à ébahir le lecteur devant les possibilités infinies de la science, qui permettrait à l’homme d’acquérir des pouvoirs aux effets extraordinaires sur le corps d’autrui. C’est le cas de Le scoperte del… dimani, où Raffaele Pirro imagine un monde dans lequel les hommes seraient capables d’exploiter les ondes cérébrales de manière à ce que la télépathie devienne un système de communication banal et quotidien20. Ou encore Il mago d’Egisto Roggero, où le docteur Bernus manie l’hypnose avec une maîtrise telle qu’il provoque chez le personnage-narrateur des expériences sensorielles inédites21. Les auteurs mettent ici l’accent sur les effets spectaculaires qui découlent de la maîtrise du corps d’autrui. Par exemple, dans Il mago, le narrateur décrit sa vision envoûtante lorsque, sous hypnose, il a l’impression de se retrouver à l’intérieur d’un morceau de sucre placé sur une table :

  • 22 Ouvr. cité, p. 139.

Io ero nel regno del candore. Nivei cristalli, d’una bianchezza abbagliante, mi circondavano, pendevano sul mio capo; pari a stalattiti d’un incomparabile nitore, aguzzi come aghi e rutilanti di candore come avorio brunito. Compresi essere penetrato nel pezzo di zucchero!...22

13Ce type de récits entretient de ce fait des liens étroits avec certaines formes de spectacularisation de la science comme les séances publiques de magnétisme et d’hypnose, ou, à partir de la fin du xixe siècle, le cinéma, qui stupéfie non seulement par l’impression de réalité des images mouvantes mais aussi parce qu’il est lui‑même un prodige technologique. Le récit de Roggero propose ainsi une bonne partie de la panoplie d’exercices et d’effets produits lors des spectacles d’hypnotisme, du sommeil hypnotique à la suggestion, en passant par la transposition des sens. Certaines expériences du sujet hypnotisé ressemblent par ailleurs aux visions de séquences filmiques, comme lorsque le narrateur homodiégétique croit se trouver au milieu du désert et arrive à transmettre la même impression d’immersion que doivent avoir ressentie les spectateurs des premiers films au début du siècle :

  • 23 Ouvr. cité, p. 142.

Ad un tratto il mio occhio è attratto, davanti a me, come da una lontana ombra oscura che s’avanza e s’ingrossa, con una strana apparenza di gomito rotolante e avvicinantesi sempre di più. L’ombra si avanza, aumenta di volume, è un nugolo di polvere, che si rende man mano meno incerta, più decisa, più evidente: e in mezzo ad esso è una frotta di cavalli, di uomini bruni, di corazze, di armi… Sono arabi, sono selvaggi, sono gli abitatori del deserto. L’irrompente cavalcata s’avanza rapidamente, scorgo le teste ansanti dei cavalli, il luccicar delle armi, i volti contratti dei cavalieri… Eccoli, sono a cento metri, a cinquanta!… Mi sono addosso, eccoli sopra di me, furiosi, violenti, frenetici. Sento il mio essere scomparire sotto gli zoccoli furenti dei cavalli, scorgo sulla mia testa quella turba feroce23.

14Les récits de cette catégorie sont destinés tout d’abord à captiver l’intérêt et l’attention du lecteur en mobilisant une thématique apte à susciter des émotions fortes. Il apparaît ainsi que la manière dont les auteurs s’approprient le motif du corps envahi diffère selon les supports sur lesquels ces textes ont été publiés, les objectifs et les publics visés.

2. Les déclinations multiples du rêve prométhéen de contrôle des corps

15Ces récits, dans leur ensemble, réactivent l’imaginaire du rêve prométhéen du contrôle des corps, d’un point de vue aussi bien physique que psychique. Les intrusions ont en effet pour objectif, d’une part, de prendre le contrôle des processus biologiques et vitaux dont dépendent le devenir et l’existence même des corps, d’autre part, de maîtriser la conscience et la volonté des individus. Les auteurs déclinent cette thématique selon quatre types de narrations qui formalisent les différentes manières à travers laquelle s’expriment les tentatives de maîtriser l’homme et la nature par les sciences de la vie et la médecine tout au long du xixe siècle et au début du xxe siècle. Il est possible de les distinguer sur la base des objectifs spécifiques que les scientifiques représentés veulent atteindre par ces interventions sur les corps.

  • 24 S. Bruno, « Trasfusione », La Domenica del Corriere, 31 mars 1907, p. 14‑15 ; A. G. Quattrini, La p (...)

16Une première catégorie comprend les récits que l’on pourrait définir comme « démiurgiques », où il est généralement question de ramener un corps mort à la vie ou d’insuffler la vie dans un objet inanimé par les moyens les plus disparates : recours à l’électricité pour réactiver des éléments censés être vitaux (La vita), remise en circulation du sang (Trasfusione), exploitation de fluides et ondes électromagnétiques (La pietra filosofale), conservation en vie d’organes vitaux dans des conditions spéciales (Sopravvivenza?, Il segreto del dottor Tcharkoff)24.

  • 25 O. Fava, « La casa bianca », dans C. Gallo et F. Foni (éds), Ottocento nero, Turin, Aragno, 2009, p (...)
  • 26 Pour une analyse détaillée du rôle et de la représentation du cerveau dans quelques textes inscrits (...)

17Une deuxième catégorie recouvre des récits de « perfectionnement » (on parlerait aujourd’hui d’« enhancement » ou de « transhumanisme »), où l’intrusion dans le corps vise à corriger les défauts ou les faiblesses naturelles de l’individu. Lorsqu’il s’agit d’apporter des améliorations physiques, les intrusions sont généralement exécutées par le biais de la chirurgie. Par exemple, dans La casa bianca d’Onorato Fava, le professeur Hudson constate que la nature fait naître des individus de grande valeur intellectuelle dans un corps frêle, destinés à une mort prématurée, alors qu’elle dote d’un corps sain des individus médiocres25. Le professeur veut remédier à cette défaillance en combinant les bons éléments. Pour ne pas gâcher le talent d’un musicien génial mais atteint de tuberculose, il greffe sa tête sur le corps d’un jeune homme vaillant, mais sans qualités, qui s’est suicidé pour avoir commis un crime. Dans les récits d’amélioration psychique, de loin les plus nombreux, les interventions sont effectuées sur le cerveau par le recours à la phrénologie. L’hypothèse scientifique de départ est fondée sur le principe positiviste que les caractéristiques intellectuelles et les sentiments des individus ont une origine neurologique. S’appuyant sur les enseignements de Franz Joseph Gall et de Paul Broca, qui établissent une correspondance entre les zones cérébrales et les facultés humaines, plusieurs scientifiques s’acharnent à modifier la morphologie du cerveau pour influer sur les traits psychologiques, intellectuels ou moraux des individus. Par exemple, dans La fine del mostro, un scientifique enlève un nouveau‑né et modèle son cerveau par des moyens chimiques, mécaniques et chirurgicaux afin d’accélérer son évolution cérébrale26.

  • 27 G. Binetti, ouvr. cité, p. 85.

18Si les récits démiurgiques renvoient aux débats autour de l’origine de la vie inaugurée par la théorie de l’évolution darwinienne et relancée au début du xxe siècle par les recherches dans le domaine de la chimie de la vie, les récits de perfectionnement, en revanche, doivent être rattachés à la peur de la dégénérescence et aux aspirations eugénistes qui se répandent entre la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle. L’influence de ces théories transparaît dans les délires élitistes du docteur Tcharkoff dans Il segreto del dottor Tcharkoff. Ce dernier a trouvé un moyen efficace de conserver longtemps en fonction des organes vitaux : son but est de permettre à une élite d’individus de vivre éternellement et en bonne santé en remplaçant au fur et à mesure leurs organes affaiblis par d’autres encore performants après les avoir soustraits à des individus sains. Peu importe que cette opération eugéniste implique la mort de plusieurs êtres humains : « La scienza non deve avere riguardi!… Morranno a centinaia gli individui della razza umana… ma mercé loro alcuni privilegiati vivranno in eterno… godendo di un’eterna gioventù e della più completa efficienza fisica ed intellettuale27! »

  • 28 G. Maurey, Il figlio di Satana, Milan, Società Editoriale Milanese, 1907.

19Un troisième groupe de textes correspond aux récits de « domination », où les scientifiques interviennent sur les corps d’autrui afin d’en influencer les comportements, de les subjuguer, voire d’en annihiler la volonté. Cette emprise est généralement réalisée grâce à la force magnétique ou à l’hypnose. C’est le cas de Il figlio di Satana, où un savant, mû par la jalousie, hypnotise son rival en amour pour le réduire à sa merci et pouvoir transférer son âme dans le corps d’un grand singe et celle de l’animal dans le sien28.

  • 29 M. Sartini, « Villa sacra », La Domenica del Corriere, no 39 (27 septembre 1903), no 40 (4 octobre (...)

20Dans une quatrième catégorie s’inscrivent les récits de « dévoilement », où l’intrusion dans le corps d’autrui vise à mettre à nu son intériorité ou sa vraie nature. Il en est ainsi du roman Le trame dell’anima, où Maurizio, un jeune psychiatre, fabrique une machine qui lui permet de lire dans les pensées en exploitant les vibrations produites par le cerveau. Il parvient de cette manière à connaître la nature abjecte de Negrini, un juge à l’apparence honnête et respectable, mais qui a commis un homicide et nourrit le sombre dessein de faire passer sa nièce pour folle afin d’obtenir la tutelle de ses biens. Dans le récit Villa sacra, un scientifique est convaincu de l’origine physiologique des sentiments et des passions29. Ainsi ouvre‑t‑il littéralement le crâne des individus qui incarnent au plus haut degré certains sentiments (l’amour, la haine, la colère) dans le but d’en observer la naissance directement dans les zones cérébrales dédiées. Ces récits mettent en scène la possibilité de contrôler les comportements et la psyché des individus.

  • 30 Voir à ce propos J.‑J. Courtine et G. Vigarello, « Identifier. Traces, indice, soupçons », dans J.‑ (...)

21Si les récits de domination dramatisent la question de l’autonomie individuelle à travers la mise en scène de rapports asymétriques de pouvoir, les récits de dévoilement reflètent en revanche l’obsession de déchiffrer autrui qui hante les lectures physionomiques et anthropométriques d’inspiration d’abord gallienne, puis lombrosienne, ainsi que le rêve de la transparence des individus qu’elles sous‑tendent30.

3. Le contrôle du corps comme un acte de transgression

  • 31 G. Dalla Valle, « La prova », La Domenica del Corriere, 15‑22 novembre 1908, p. 14‑15.
  • 32 C. Denotis, « L’umanizzazione degli antropomorfi », La Domenica del Corriere, 6 novembre 1904, p. 1 (...)

22Néanmoins, ces tentatives de contrôle des corps par la science se soldent généralement par un échec. Dans certains cas, l’intervention sur le corps n’aboutit pas : par exemple, dans La villa misteriosa, le docteur Schultz ne réussissant pas à instiller dans ses patients la volonté de vivre, est obligé de les abandonner à une seconde mort. Dans d’autres cas, on obtient le résultat opposé à celui espéré, par exemple dans La prova31 : les opérations effectuées sur les lobes cérébraux d’un scientifique, au lieu de parfaire les facultés intellectuelles de ce dernier, en font un forcené. Ailleurs, l’être dont le corps a été l’objet de l’expérience se révolte contre le scientifique, comme dans le récit L’umanizzazione degli antropomorfi32. Un scientifique veut ici humaniser un grand singe en lui transplantant des parties cérébrales extraites de cerveaux humains. L’animal le tue de manière atroce au moyen des mêmes machines avec lesquelles le scientifique l’avait torturé en le soumettant à des opérations affreuses. Dans d’autres récits, c’est un accident qui provoque la destruction du laboratoire (La villa misteriosa) ou la mort de l’expérimentateur (La vita). Même lorsque les interventions sur le corps semblent avantageuses pour l’humanité, elles ne présentent pas d’issue concrète. Par exemple, dans Le scoperte del… dimani, le narrateur présente l’« anthropotélégraphie », c’est-à-dire la diffusion de la télépathie utilisée comme moyen de communication courant, comme un progrès certain pour la civilisation et il en illustre les bénéfices. Néanmoins, à la fin du récit, le lecteur s’aperçoit qu’il ne s’agit que d’un rêve.

23L’échec ou le caractère illusoire de ces initiatives sont dus au fait qu’elles apparaissent comme des actes illicites, dans la mesure où elles violent des limites qui devraient être infranchissables. En effet, ces intrusions transgressent tout d’abord la frontière entre soi et autrui : c’est le cas notamment des épisodes de dévoilement et de domination. Le malaise que provoquent ces interventions découle tout d’abord de la possibilité que sa propre intimité soit mise à nu, comme dans le roman Le trame dell’anima ou dans Villa sacra. Dans ces textes, la violation de l’intériorité des individus est envisagée respectivement comme la source d’un douloureux désenchantement ou comme une torture cruelle. Dans le premier roman, en effet, Maurizio parvient certes à l’exploit de lire les pensées les plus sécrètes des individus, mais ce n’est que pour perdre la confiance dans la noblesse de l’âme humaine et plonger dans une profonde misanthropie :

  • 33 A. Ribera, Le trame, ouvr. cité, p. 238. Cette complexité témoigne de l’ambition philosophique des (...)

Tutti, tutti sotto l’indagine delle mie macchine. Ed io mi sentivo strappar le illusioni, sapevo quando gli altri mentivano, ero costretto a vivere di piccole angosce pungenti, di piccoli dispetti insidiosi; e perciò preferivo di star solo, di non vedere di non udire, per non aggiungere male a male, dolore a dolore…33

  • 34 Le xixe siècle est un siècle charnière où ce processus s’intensifie de façon inédite. Cf. G. Duby e (...)
  • 35 Vigarello montre bien qu’au xviiie siècle l’accent est mis sur « une attention particulière accordé (...)

24Dans Villa sacra, le seul résultat concret de cette obsession scopique est la souffrance physique des victimes : le narrateur s’attarde en effet sur le visage horriblement déformé par la douleur des cobayes humains soumis à des machines que l’on applique sur leur crâne ouvert. Une autre manière de violer les frontières entre soi et autrui est illustrée par les récits de domination, qui évoquent le danger qu’un pouvoir extérieur puisse manœuvrer un individu ou annihiler sa volonté en le rabaissant ainsi au rang d’automate. C’est le cas du Figlio di Satana, où l’auteur met l’accent sur le sentiment d’impuissance de William lorsqu’il est sous hypnose : l’expédient de la narration à la première personne permet d’impliquer le lecteur dans le sentiment d’angoisse qui saisit William lorsqu’il se rend compte que son corps ne répond plus à sa volonté et se trouve à la merci de son rival. Le malaise que suscite l’idée de contrôle de la part d’autrui émerge même lorsque le but de cette domination est louable. Par exemple, dans La villa misteriosa le docteur Schultz veut ramener à la vie des personnes mortes de manière prématurée : il s’agit donc de remédier à ce qui est perçu comme une anomalie. Cependant, ces êtres vivent comme une forme de souffrance l’action de la force magnétique du docteur qui veut les arracher à la mort et à l’inconscience. Les jugements moraux qui frappent ce type de violations semblent dépendre d’évolutions récentes dans les domaines de la sensibilité. En effet, depuis l’âge moderne, on tend de plus en plus à faire coïncider son identité la plus authentique avec son moi intérieur34 et le corps lui‑même est désormais perçu, depuis le xixe siècle, comme la dimension la plus personnelle et individuelle35. Ainsi ces récits de contrôle d’autrui, que ce soit dans un but bienveillant ou non, cristallisent‑ils la peur qu’on puisse être dépossédé de ce qui est le propre de l’individu.

  • 36 S. Bruno, « L’occhio del dottor Scheinverborgen », La Domenica del Corriere, 21 août 1904, p. 11‑12 (...)

25En outre, la manipulation des corps par la science profane l’ordre supérieur de la nature. Le cas le plus blasphématoire est constitué bien sûr par les tentatives de récréer la vie, ce qui fait de l’homme une sorte de démiurge doué des mêmes pouvoirs que la nature. Toutefois, même les modifications partielles effectuées pour doter l’homme de facultés supplémentaires sont condamnées, comme dans L’occhio del dottor Scheivenborgen36. S’inspirant de la découverte des rayons X, l’auteur met en scène un chirurgien qui se greffe lui‑même un œil artificiel lui permettant de voir à l’intérieur des corps. Il réussit ainsi à accomplir des opérations miraculeuses, mais son environnement se transforme en un cimetière funèbre car il ne voit autour de lui que des squelettes. Il conclut ainsi : « Io ho voluto andar troppo oltre e sono stato punito. » L’intrusion dans le corps apparaît dans ce type de récits comme une forme d’hybris dirigée contre une loi naturelle indiscutable. Ce qui attire ici le blâme des auteurs, c’est le caractère trop radical ou prématuré des interventions sur le corps humain. En effet, celles‑ci contreviennent à une vision du monde réformiste et évolutionniste selon laquelle les changements ne peuvent être que graduels : si les modifications sont trop abruptes, elles risquent d’échapper au contrôle de l’homme ou de produire des effets indésirables.

  • 37 M. Oris, « La formazione del genio », La Domenica del Corriere, 6‑13 octobre 1907, p. 14‑15.

26Dans d’autres textes, les intrusions dans le corps d’autrui s’effectuent au nom de l’intérêt supérieur de la science et au détriment des droits des individus. Ainsi, dans La formazione del genio37, un scientifique modifie le cerveau de son propre fils en greffant des parties cérébrales appartenant aux cadavres d’individus qui étaient dotés de capacité intellectuelles hors du commun, et ce afin d’en faire un génie. Dans ce type de récits, les auteurs mettent en scène le conflit entre la volonté de faire avancer la science et la soif de connaissance d’une part, et la nécessité de respecter les droits à l’intégrité du corps d’autre part. Par conséquent, la notion évoquée ici n’est plus celle d’hybris mais celle d’illégalité : les narrateurs ou les personnages se demandent en effet si le scientifique a accompli une œuvre géniale ou criminelle, soulevant ainsi une problématique qui relèverait aujourd’hui de la bioéthique.

27Enfin, ces interventions provoquent parfois des hybridations monstrueuses qui peuvent prendre plusieurs formes. Tantôt il s’agit d’une cohabitation d’identités en luttes. Ainsi, par exemple, dans La casa bianca, la personne résultant de la greffe des parties du corps de deux individus est un être clivé, où coexistent la conscience du musicien, toute tournée vers la beauté de l’art, et celle du criminel, harcelé par le remords de son crime :

  • 38 O. Fava, « La casa bianca », ouvr. cité, p. 397.

Il musicista era lui e non era più lui. […] Seguitava a guardarsi le mani, la persona, come se sapesse di trovarsi in un corpo non suo, nel corpo rubato a un estraneo. Seguitava a dire parole e frasi sconnesse, a mescolare i ricordi della sua divina arte con quelli di un reato che non aveva commesso, che gli metteva i brividi come a un ossessionato38.

  • 39 E. Mussi Nielli, « Flora admirabilis », La Domenica del Corriere, 8‑15 septembre 1907, p. 14‑15.
  • 40 Ibid., p. 14.

28Ce déchirement insupportable amènera ce musicien/criminel à se suicider. Dans d’autres cas, l’hybridation consiste en un mélange trouble d’humain et d’animal, comme dans L’umanizzazione degli antropomorfi. Le grand singe dont le cerveau a été modifié par la greffe de parties de cerveaux humains, réunit la cruauté de la bête et la dextérité et l’intelligence de l’homme : il peut ainsi tuer le scientifique de manière atroce avec les instruments même qui avaient été utilisés sur lui. Enfin, ces intrusions dans le corps d’autrui peuvent provoquer une confusion entre la vie et la mort, l’animé et l’inanimé : dans la Villa misteriosa ou dans Flora admirabilis39, les scientifiques raniment leurs sujets par l’électricité, mais ils n’arrivent pas à leur instiller la conscience et la sensibilité, créant ainsi un inquiétant « automa di carne40 ».

  • 41 Voir A. Della Sala Spada, Nel 2073. Sogno di uno stravagante, Casale Monferrato, Tipografia del gio (...)
  • 42 Voir, par exemple, plusieurs romans de Yambo (Enrico Novelli) et d’Ulisse Grifoni ou encore A. Ross (...)
  • 43 Cf. par exemple G. P. Ceretti, L’impero del cielo (La fine della guerra mondiale), Florence, Bempor (...)

29Ces récits, qui mettent en scène l’ambition de la science de contrôler les corps en corrigeant les imperfections de l’homme et de la nature, en maîtrisant les processus fondamentaux de la vie ou en rendant lisibles les individus, débouchent le plus souvent sur la confusion et le désordre. Ces anomalies doivent donc être supprimées par l’échec de l’expérience, la mort du scientifique ou de l’être modifié, ou encore par la destruction de l’invention ayant permis la manipulation du corps. Ces issues dysphoriques sont d’autant plus remarquables que, dans l’ensemble de la littérature d’anticipation produite entre le xixe et le xxe siècle, l’emploi audacieux de la science n’est pas toujours représenté de manière négative. En effet, lorsqu’il s’agit de modifier et d’améliorer l’environnement (contrôler la météo, fertiliser les sols, exploiter des ressources variées)41 ou des objets (perfectionner les armes, les moyens de communication ou de transport), à la différence de ce que nous avons analysé, l’issue peut s’avérer positive : c’est par exemple le cas de certains textes d’anticipation destinés à la jeunesse42 ou des récits de guerres futures43.

4. Le rapport âme/corps : monisme ou dualisme ?

30Il reste à déterminer la vision du corps qui émerge de ces récits et à vérifier si ces derniers remettent ou non en cause le rapport traditionnel corps/esprit. Il s’avère que, loin de s’aligner sur une version univoque, ces textes proposent des conceptions du corps différenciées.

31D’une part ils renvoient à une perspective réductionniste d’origine positiviste, selon laquelle la vie, ainsi que les sentiments et les facultés de l’âme, seraient des produits physiologiques. Par exemple, dans le récit La vita, le scientifique montre que la vie tire ses origines de l’activité du protoplasme. Il s’oppose ainsi à toute conception vitaliste en affirmant résolument que, suite à sa découverte,

  • 44 M. Colucci, « La vita », ouvr. cité, p. 14.

Cessa qualunque idea di spirito o di fluido vitale, di anima e che so io qual altra parola incomprensibile sostenuta dalla zoppa metafisica nei propri ragionamenti ingarbugliati e oscuri. Ormai s’è dimostrato la vita non esser che uno stato speciale della materia, anzi la materia in continua trasformazione: un continuo ricambio col mondo esterno, una assimilazione e eliminazione continuate44.

32Dans Villa sacra, le scientifique considère que les sentiments sont de nature purement neurologique et par conséquent il en observe l’origine directement dans la masse cérébrale :

  • 45 M. Sartini, « Villa sacra », La Domenica del Corriere, 18 octobre 1903, p. 11.

[…] finalmente, l’odio e l’amore, la passione e il raziocinio, l’intelligenza e la volontà possono essere studiati nelle loro cause, determinati nei loro effetti. […] la metafisica, scossa nella sua base, distrutta nella sua prima ragione d’essere, cedette ormai il campo alla fisica trionfante e universale45.

Cette représentation moniste revient dans les récits chirurgicaux et dans ceux qui se fondent sur la science officielle.

  • 46 Pour cette cosmologie des fluides qui est sous‑jacente à l’imaginaire lié aux rayons X, à la commun (...)
  • 47 E. Mussi Nielli, « Flora admirabilis », ouvr. cité, p. 14.

33Une vision plus traditionnelle, structurée autour de la dualité entre corps et esprit, est en revanche repérable dans les récits de domination ou d’exploration psychique obtenus par l’hypnose et le magnétisme, pratiques fondées sur la théorie des fluides et de la nature vibratoire de l’univers46. Par exemple, le docteur Orloff, dans Flora admirabilis parvient à ramener à la vie Flora grâce à l’électricité, convaincu qu’elle constitue le principe de la vie. Toutefois, force lui est de constater qu’il n’a réussi à ranimer qu’un corps inconscient et insensible dépourvu de toute individualité et autonomie. Il réintroduit ainsi l’idée qu’il existe une âme irréductible à la matière lorsqu’il conclut que « la vita fisica non è tutto; è il segreto dell’anima che bisognerebbe scoprire per risolvere il problema dell’essere47 ».

34Néanmoins, dans les deux cas, la représentation du corps demeure résolument laïque et terrestre. En effet, même dans les récits qui font appel à la cosmologie des fluides, l’esprit, la conscience ou la force vitale, quoique de nature invisible et spirituelle, ne sont jamais présentés comme des éléments surnaturels mais bel et bien comme appartenant à un monde immanent. Cesare Lombroso souligne que les phénomènes mis en évidence par le spiritisme démentent le principe selon lequel il n’y a pas de « funzione senza organo », tout en restant dans le périmètre de la donnée positive, puisque

  • 48 C. Lombroso, « Prefazione », dans Id., Ricerche su fenomeni ipnotici e spiritici, Turin, UTET, 1909 (...)

Nè colle nuove conclusioni spiritiche vengono ad abbattersi le leggi del monismo; poiché, pur riducendosi ad una materia fluidica, che è visibile e palpabile solo in certe circostanze speciali, l’anima continua ad appartenere al mondo della materia; e così per la prima volta ci appare intanto conciliata l’osservazione scientifica con quella moltiplicata nel tempo e nello spazio, dai popoli più antichi e selvaggi a quelli più civili, cristallizzata perfino nella leggenda religiosa […]48.

Cette vision du monde offre ainsi la possibilité de concilier besoin de spiritualité et respect de l’empirisme, une tension qui a tant déchiré les hommes et les femmes entre la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle.

5. Conclusion

35Ces récits renvoient généralement à des exigences de contrôle du corps liées à des préoccupations typiques de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle : la peur sourde de la dégénération, le malaise de l’aliénation découlant de la naissance d’une civilisation urbaine et industrielle, la crainte de la déviance qui met en danger l’ordre social, l’anonymat d’une société de plus en plus démocratique qui efface les signes visibles d’assignation sociale, la réflexion sur les origines de la vie et sur les frontières entre la vie et la mort, l’intérêt pour une intériorité qui donnera naissance à la psychologie et à la psychanalyse. À une époque où la science acquiert un prestige inégalé, ces auteurs s’interrogent sur les conséquences qu’elle peut avoir lorsqu’elle tente de répondre à ces préoccupations par la maîtrise du corps. Généralement, ces interventions sont perçues de manière négative, comme des transgressions blasphématoires. Ainsi ces récits d’intrusion dans les corps montrent‑ils une tension entre les velléités de contrôler les corps par la science et la nécessité de respecter certaines normes et valeurs plus ou moins traditionnelles. D’une part, les désordres provoqués par la maladie, le dépérissement biologique, les limites propres aux corps et à la psyché humaine, l’opacité des individus suscitent un désir de régénération, de perfection physique et mentale et de transparence des êtres que la science semble pouvoir satisfaire dans un futur non lointain. D’autre part, la valorisation de l’intimité et l’accroissement du souci de soi qui s’approfondit à partir du xixe siècle font ressentir la dépossession de soi ou le déchiffrement de son intériorité que ces intrusions impliquent comme une atteinte insupportable portée contre ce qu’il y a de plus authentique et de personnel chez l’individu. Le fait que ces interventions soient perçues comme une violation des lois supérieures de la nature révèle par ailleurs une attitude conservatrice par rapport aux savoirs scientifiques. Dans ces récits, les interventions sur les corps, qui devraient être des actes visant à perfectionner un ordre défaillant et à maîtriser les aléas biologiques, apparaissent finalement comme une transgression inacceptable et une source de désordre. Ces textes répondent ainsi généralement de manière désenchantée et dubitative au rêve de progrès promis par la science. De ce point de vue, la Première Guerre mondiale n’a pas constitué une rupture, puisque ces tentatives de maîtriser le corps connaissent une issue négative ou ambiguë tout au long de la période étudiée.

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Notes

1 Au sujet du magnétisme et de l’hypnotisme au xixe siècle, voir C. Gallini, La sonnambula meravigliosa. Magnetismo e ipnotismo nell’Ottocento, Milan, Feltrinelli, 1983. Pour ce qui est des recherches de Lombroso et Morselli, voir, par exemple : C. Lombroso, Fenomeni spiritici e ipnotici, Turin, UTET, 1909 ; E. Morselli, Magnetismo animale, Turin, Roux e Favale, 1886 ; Id., Psicologia e spiritismo, Turin, Bocca, 1909.

2 Dottor Giovanni, « Conservazione delle arterie di ricambio », La Domenica del Corriere, 23‑30 mai 1910, p. 10.

3 Dans cet article nous avons analysé un nombre limité de textes représentatifs d’un corpus plus ample constitué de quarante titres. Bien que nous ne les ayons pas tous cités dans notre étude, nous les avons étudiés afin de dégager les éléments récurrents qui nous ont permis de tirer les conclusions auxquelles nous sommes parvenus ici. Il s’agit très majoritairement de nouvelles, puisqu’on dénombre seulement trois romans et deux fascicules. Nous n’avons pas analysé les illustrations car elles n’apportent pas de plus‑value à l’analyse. Seulement quelques rares récits du Giornale illustrato dei viaggi et La Sfinge sont accompagnés d’images. Contrairement aux images de couvertures de ces périodiques, ces illustrations à l’intérieur du numéro sont beaucoup moins sensationnalistes : elles représentent généralement les intérieurs bourgeois qui constituent le cadre de l’action ou des scènes de lutte entre deux personnages masculins.

4 M. Colucci, « La vita », La Domenica del Corriere, 10‑26 septembre 1909.

5 V. Martella, « Duecento anni dopo », Giornale illustrato dei viaggi e delle avventure per terra e per mare, 8 mai 1921, p. 2.

6 Un article de la Domenica del Corriere, datant de 1910, relatait les expériences effectuées par Jacques Loeb sur les oursins et qui l’avaient amené à établir une corrélation entre température du corps et durée de certains processus biologiques. En extrapolant à partir de cette hypothèse, l’auteur de l’article conclut ainsi : « Per prolungare la vita dell’uomo occorrerebbe trovare il modo di diminuire la nostra temperatura interna costante di una data cifra, che, per quanto piccola, dovrebbe sempre dare risultati più che apprezzabili: infatti la diminuzione di un grado condurrebbe al raddoppiamento della durata della vita; con due gradi di diminuzione si vivrebbe quattro volte di più, con tre, otto, e così via. » (U. Sardo, « Si può prolungare la vita? », La Domenica del Corriere, 11‑18 juillet 1909, p. 10). Par des expériences ultérieures, Jacques Loeb a pu vérifier que la durée de vie ne dépendait pas de la température, mais plutôt du temps nécessaire pour réaliser certaines réactions chimiques. Martella, tout en écrivant après cette rectification, demeure néanmoins attaché à la première hypothèse scientifique, dépassée depuis plusieurs années désormais : cela constitue un autre indice de la liberté que ces auteurs prenaient à l’égard de la rigueur et de l’actualité de l’information scientifique.

7 À la base de ces textes nous retrouvons également des archétypes littéraires ou mythiques. Ainsi, La villa misteriosa d’Almerico Ribera et les récits de « perfectionnement » (voir infra) peuvent‑ils renvoyer à L’île du docteur Moreau de George Wells. De même, le singe assassin de L’umanizzazione degli antropomorfi de Cesare Denotis (La Domenica del Corriere, 6 novembre 1904) pourrait s’inspirer du Double assassinat dans la rue Morgue d’Edgar Allan Poe. Enfin, l’archétype de La villa misteriosa, et des récits que j’ai appelés « démiurgiques », est sans doute Frankenstein de Mary Shelley, sous sa forme romanesque ou cinématographique. Comme la première traduction italienne en volume de ce roman a été publiée seulement en 1944 (Rome, Donatello De Luigi editore), ces auteurs ont pu y accéder à travers des traductions françaises (la première édition est celle de Saladin, 1821), l’original ou la presse. Par ailleurs, la première version cinématographique, le court métrage Frankenstein de J. Searle Dawely, est sortie en 1910 et a donc pu constituer la référence pour les textes publiés après cette date. Mais ces filiations, tout en étant très plausibles, demeurent hypothétiques, puisqu’aucun de ces écrivains ne cite ses modèles littéraires de manière explicite et nous n’avons pas trouvé, pour l’instant, d’autres moyens de prouver de manière documentée cette source d’inspiration directe. Pour ce qui est des sources et des modèles, il ne faut pas négliger le rôle des récits et des romans populaires, aujourd’hui oubliés, qui furent publiés sur les mêmes supports qui ont accueilli les textes qui constituent notre corpus, comme Le faiseur d’hommes de Jules Hoche, paru en 1907‑1908 dans la Domenica del Corriere, qui traite de la fabrication artificielle de la vie. Il s’agit d’une série de textes et d’un champ qui restent à explorer. Enfin, l’imaginaire mythique est également mobilisé : l’homme artificiel doit beaucoup à la figure du Golem, le scientifique à celle de l’alchimiste ou de l’apprenti sorcier, l’emprise magnétique ou hypnotique s’apparente à la possession diabolique et les cadavres ressuscités par la science rappellent le motif des morts vivants.

8 Pour un panorama éditorial plus complet de la période prise en considération, voir F. Traniello, « Un panorama in evoluzione », dans G. Turi (éd.), Storia dell’editoria nell’Italia contemporanea, Florence, Giunti, 1997, p. 225‑298.

9 Almerico Ribera est né à Naples en 1877. Nous n’avons pas trouvé d’informations concernant la date de sa mort. Pour d’autres éléments concernant sa biographie et sa production, voir C. Argegni, Scheda bio‑bibliografica di Almerico Ribera, Rome, Ente Librario Italiano, 1960.

10 A. Ribera, La villa misteriosa, Milan, Vallardi, 1904 ; Le trame dell’anima, Milan, Vallardi, 1904.

11 Certains éléments de ce roman, comme le motif de la deuxième mort, pourraient tirer leur origine des souvenirs du Dialogo di Federico Ruysch e delle sue mummie de Giacomo Leopardi.

12 Pour quelques données biographiques sur Egisto Roggero, voir C. Gallo et F. Foni, Ottocento nero italiano. Narrativa fantastica e crudele, Milan, Aragno, 2009, p. 556.

13 Cf. F. D’Intino, « Onorato Fava », dans Dizionario biografico Treccani, Rome, 1995, disponible en ligne sur <https://www.treccani.it/enciclopedia/onorato-fava_%28Dizionario-Biografico%29/> (consulté le 7 juillet 2023).

14 C’est le cas de Vittorio Martella, un rédacteur du Giornale illustrato dei viaggi e delle avventure di terra e di mare de Sonzogno.

15 Ces deux auteurs se sont spécialisés dans les romans d’aventures, parfois teintés de motifs fantastiques ou d’anticipation. Antonio Garibaldo Quattrini a accueilli de nombreux récits de ce type dans sa revue La Sfinge ou dans sa maison d’édition Casa editrice Roma, auprès de laquelle cet auteur a publié plusieurs de ses romans.

16 A. Prestigiacomo, « La fine del mostro », Giornale illustrato dei viaggi e delle avventure per terra e per mare, 10 janvier 1920, p. 4‑6.

17 Ouvr. cité, p. 5.

18 Pour ce qui est de l’exhibition du corps anormal ou exotique, voir N. Bancel, P. Blanchard, G. Boetsch, É. Derro et S. Lemaire (éds), Zoos humains. De la Vénus hottentote aux « reality shows », Paris, La Découverte, 2002 ; J.‑J. Courtine, « Le corps anormal. Histoire et anthropologie culturelle des difformités », dans J.‑J. Courtine (éd.), Histoire du corps, vol. 3 : Les mutations du regard, Paris, Seuil, 2006, p. 209‑231.

19 Ce sentiment d’horreur face aux souffrances du corps est aussi dû au fait que le seuil de sensibilité à la douleur s’est progressivement abaissé à partir du xixe siècle, processus qui accompagne la découverte de l’anesthésie et renforce en même temps la diffusion de sa pratique. Cf. G. Vigarello, Le sentiment de soi. Histoire de la perception du corps, Paris, Seuil, 2014, p. 154‑156 ; O. Faure, « Le regard des médecins », dans A. Corbin (éd.), Histoire du corps, vol. 2 : De la Révolution à la Grande Guerre, Paris, Seuil, p. 26‑31.

20 R. Pirro, « Le scoperte del… dimani », La Domenica del Corriere, 28 juillet 1901, p. 10‑11.

21 E. Roggero, « Il mago », dans Id., Racconti meravigliosi, Milan, La Poligrafica, 1901 (1899), p. 123‑145.

22 Ouvr. cité, p. 139.

23 Ouvr. cité, p. 142.

24 S. Bruno, « Trasfusione », La Domenica del Corriere, 31 mars 1907, p. 14‑15 ; A. G. Quattrini, La pietra filosofale, Côme, Casa Roma ; 1905 ; I. Toscani, « Sopravvivenza? », La Domenica del Corriere, 10 juillet 1904, p. 10‑11 ; G. Binetti, « Il segreto del dottor Tcharkoff », dans Id., Racconti paurosi, Milan, Quintieri, 1913, p. 45‑92.

25 O. Fava, « La casa bianca », dans C. Gallo et F. Foni (éds), Ottocento nero, Turin, Aragno, 2009, p. 377‑398.

26 Pour une analyse détaillée du rôle et de la représentation du cerveau dans quelques textes inscrits dans la catégorie de la « protofantascienza » italienne, voir V. Roda, « Tra scienza e fantascienza: il cervello umano in alcuni scrittori postunitari », Otto/novecento, no 5, septembre-octobre 1995, p. 35‑64.

27 G. Binetti, ouvr. cité, p. 85.

28 G. Maurey, Il figlio di Satana, Milan, Società Editoriale Milanese, 1907.

29 M. Sartini, « Villa sacra », La Domenica del Corriere, no 39 (27 septembre 1903), no 40 (4 octobre 1903), no 41 (11 octobre 1903), no 42 (18 octobre 1903), no 43 (25 octobre 1903).

30 Voir à ce propos J.‑J. Courtine et G. Vigarello, « Identifier. Traces, indice, soupçons », dans J.‑J. Courtine, Histoire du corps, vol. 3 : Les mutations du regard. Le xxe siècle, ouvr. cité, p. 275‑288. La thématique du contrôle de la pensée sera largement exploitée dans une optique dystopique par la science-fiction moderne, l’archétype le plus illustre étant bien évidemment 1984 de George Orwell.

31 G. Dalla Valle, « La prova », La Domenica del Corriere, 15‑22 novembre 1908, p. 14‑15.

32 C. Denotis, « L’umanizzazione degli antropomorfi », La Domenica del Corriere, 6 novembre 1904, p. 11‑12.

33 A. Ribera, Le trame, ouvr. cité, p. 238. Cette complexité témoigne de l’ambition philosophique des romans d’Almerigo Ribera que nous avons déjà pu apprécier dans le cas de La villa misteriosa. Après lui, Luigi Pirandello approfondira la réflexion sur les avantages de l’opacité des individus et sur l’utilité du mensonge dans la vie sociale : « La conciliazione delle tendenze stridenti, dei sentimenti ripugnanti, delle opinioni contrarie, sembra più attuabile su le basi d’una comune menzogna, che non su la esplicita e dichiarata tolleranza del dissenso e del contrasto; sembra, in somma, che la menzogna debba ritenersi più vantaggiosa della veracità, in quanto quella può unire, laddove questa divide […]. » (L. Pirandello, L’umorismo, Lanciano, Carabba, 1908, p. 171)

34 Le xixe siècle est un siècle charnière où ce processus s’intensifie de façon inédite. Cf. G. Duby et P. Ariès, Histoire de la vie privée, vol. 4 : De la Révolution à la Grande Guerre, Paris, Seuil, 1999.

35 Vigarello montre bien qu’au xviiie siècle l’accent est mis sur « une attention particulière accordée au sensible, avec ce corps devenu fondement premier de l’existence » (G. Vigarello, Le sentiment de soi, ouvr. cité, p. 79).

36 S. Bruno, « L’occhio del dottor Scheinverborgen », La Domenica del Corriere, 21 août 1904, p. 11‑12. Il s’agit d’une réécriture de la nouvelle de Charles Recolin, « Le rayon X », Revue bleue. Revue politique et littéraire, no 10, mars 1896, p. 296‑299. Cf. Giuseppe Sorbello, « Luigi Capuana e l’immaginario scientifico di fine secolo: i raggi X, la telepatia e la fotografia del pensiero », dans Giuseppe Sorbello et Giuseppe Traini, Dalla Sicilia a Monpracem e altro, Caltanissetta, Lussografica, 2016, note 18, p. 553.

37 M. Oris, « La formazione del genio », La Domenica del Corriere, 6‑13 octobre 1907, p. 14‑15.

38 O. Fava, « La casa bianca », ouvr. cité, p. 397.

39 E. Mussi Nielli, « Flora admirabilis », La Domenica del Corriere, 8‑15 septembre 1907, p. 14‑15.

40 Ibid., p. 14.

41 Voir A. Della Sala Spada, Nel 2073. Sogno di uno stravagante, Casale Monferrato, Tipografia del giornale Il Monferrato, 1874 ou P. Mantegazza, Nel Tremila. Sogno, Milan, Treves, 1897.

42 Voir, par exemple, plusieurs romans de Yambo (Enrico Novelli) et d’Ulisse Grifoni ou encore A. Rossi, L’ultima scoperta, Rome / Milan / Palerme, Sandron, 1905.

43 Cf. par exemple G. P. Ceretti, L’impero del cielo (La fine della guerra mondiale), Florence, Bemporad, 1918.

44 M. Colucci, « La vita », ouvr. cité, p. 14.

45 M. Sartini, « Villa sacra », La Domenica del Corriere, 18 octobre 1903, p. 11.

46 Pour cette cosmologie des fluides qui est sous‑jacente à l’imaginaire lié aux rayons X, à la communication sans fil et à la recherche psychique, voir S. Natale, « A Cosmology of Invisible Fluids: Wireless, X‑Rays, and Psychical Research around 1900 », Canadian Journal of Communication, vol. 36, no 2, 2011, p. 263‑275.

47 E. Mussi Nielli, « Flora admirabilis », ouvr. cité, p. 14.

48 C. Lombroso, « Prefazione », dans Id., Ricerche su fenomeni ipnotici e spiritici, Turin, UTET, 1909, p. viii.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Michela Toppano, « La maîtrise du corps comme acte de transgression dans la littérature d’anticipation italienne au début du xxe siècle »Cahiers d’études italiennes [En ligne], 38 | 2024, mis en ligne le 01 mars 2024, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cei/14258 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cei.14258

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Auteur

Michela Toppano

Aix-Marseille Université, CAER, Aix-en-Provence, France
michela.toppano@univ-amu.fr

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Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

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