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« Se bisongno fosse per niuno chaso » : les catastrophes dans les livres de famille florentins (xivexve siècles)

Se bisongno fosse per niuno chaso”: Disasters in Florentine Family Books (14th–15th Centuries)
«Se bisongno fosse per niuno chaso»: le catastrofi nei libri di famiglia fiorentini (XIV‑XV secolo)
Élise Leclerc

Résumés

L’article entend analyser la façon dont les phénomènes naturels exceptionnels (inondations, séismes, épidémies notamment) sont décrits dans un corpus de 150 livres de ricordanze et de ricordi florentins des xive et xve siècles. La notion de signum — centrale dans les récits de désastres des chroniques de l’époque — paraît nettement moins fonctionnelle dans les livres de famille. Si les différents phénomènes naturels extrêmes se répartissent sur un continuum allant de l’aléa naturel au phénomène signifiant d’origine surnaturelle, cette dernière catégorie est très minoritaire. Les catastrophes du corpus constituent des casi variés dont les scripteurs entendent avant tout rendre compte, afin de fournir à leurs descendants des informations utiles en société, plutôt que des interprétations.

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Texte intégral

Mes remerciements vont aux expert·es, pour leurs précieux conseils, ainsi qu’à Marc H. Smith et Pierre Nevejans, pour leur aide paléographique.

  • 1 Sur ces sources, voir les synthèses de G. Ciappelli, « Family Books in Florence. Evolution and Invo (...)

1Les livres de famille tenus par nombre de Florentins des xive et xve siècles répondaient à un objectif commun : servir, par l’écriture, les intérêts présents et à venir de la famille1. Si chaque livre présente des traits particuliers, selon la situation et les perspectives de la famille, certains axes stratégiques partagés structurent ce corpus d’écrits privés dont toutes les notices sont, par définition, jugées « utiles » pour préparer les descendants à prendre la relève et à faire face aux aléas de l’existence. Ces fortune peuvent d’ailleurs stimuler l’écriture, comme l’illustre le prologue du livre de Filigno de Médicis (1320 ca‑1378) :

  • 2 « Moi, Filigno de Conte de Médicis, voyant les infortunes passées en matière de guerres à l’intérie (...)

Io Filingno di Chonte de’ Medici veggiendo le passate fortune di guerre citanesche e di fuori e le fortunose pistolenze di mortalità che Domenidio à mandate in terra e che si teme che mandi, vegiendole a’ nostri vicini, farò memoria delle cose passate ch’io vedrò che possano essere di bisongno sapere a voi che rimarrete, o verrete dietro a·mme, aciò che voi le troviate se bisongno fosse per niuno chaso2.

  • 3 G. Ciappelli, « La memoria degli eventi storici nelle ricordanze private fiorentine (secc. XIII‑XV) (...)
  • 4 Sur l’articulation entre volonté de faire mémoire des choses notables (par l’écriture de l’histoire (...)

2Les aléas qu’il évoque correspondent aux trois types d’événements qui, selon Giovanni Ciappelli, peuvent faire l’objet de notices à caractère historique dans les livres privés florentins : des événements politiques internes ou externes à la cité (ici envisagés sous l’angle du conflit), ou bien des catastrophes naturelles (représentées ici par les épidémies de peste3). Or si l’on conçoit comment le récit de faits politiques majeurs peut éclairer de futurs citoyens sur les façons de bien agir dans la cité4, comment la mémoire des phénomènes naturels extrêmes pouvait‑elle s’avérer utile aux descendants ?

  • 5 Sur la façon dont le problème se pose pour la période médiévale, voir T. Labbé, Les catastrophes na (...)
  • 6 G. Schenk, « Dis‑astri », art. cité, p. 65.
  • 7 Ibid., p. 66. Cette notion explique la présence dans ces sous-ensembles de phénomènes qui ne nuisen (...)
  • 8 Ibid., p. 16.
  • 9 Ibid., p. 202, pour l’idée d’adaptation à l’imprévu et de « seuil de tolérance événementielle ».
  • 10 G. Alfano et L. Baggioni, « Décrire le désastre », Laboratoire italien, no 29, 2022, <https://doi.o (...)
  • 11 Les chroniques occidentales sont la source privilégiée de T. Labbé (Les catastrophes naturelles au (...)

3Dans la mesure où la catastrophe ne faisait pas partie des catégories mentales de l’époque, le périmètre de cette troisième catégorie d’événements n’a rien d’évident5. Gerrit Schenk a cependant montré qu’au xive siècle, les catastrophes modernes constituaient déjà des sous-catégories dans les chroniques6 : les tremblements de terre, tempêtes et inondations côtoyaient ainsi les éclipses et les comètes, les mauvaises récoltes, les chertés et les famines, ou encore les épidémies, les guerres ou les incendies, selon une taxonomie qui renvoie aux fléaux bibliques mais surtout à la notion de « prodige », c’est-à-dire de phénomène exceptionnel (casus) qu’on lit comme un signum, une manifestation de la volonté divine qu’il convient d’interpréter7. Or toutes les manifestations violentes de la Nature n’étaient pas interprétées comme des signes : certaines restaient dans le périmètre de l’aléa, un phénomène imprévu qui contrairement à la catastrophe n’engendre pas de « rupture d’intelligibilité dans le quotidien8 » et avec lequel l’être humain peut composer9. Les différents phénomènes naturels exceptionnels sont‑ils traités de la même façon dans les livres de famille ? Le couple casus-signum y est‑il fonctionnel ? L’écriture privée a‑t‑elle vocation à « articuler un discours de la catastrophe qui puisse être d’abord diffusé et ensuite aussi interprété », pour soigner et pour réintégrer « l’éruption singulière à l’intérieur de l’horizon collectif10 » ? Se différencie‑t‑elle des autres formes de narration historique qui circulaient dans l’espace familial, telles que les chroniques11 ?

1. Faire le bilan de la catastrophe

1.1. Le corpus

  • 12 Ont été exclus du périmètre étudié : les incendies (perçus tantôt comme une manifestation extrême d (...)
  • 13 Ibid., p. 141.
  • 14 D. Velluti, Cronica di Firenze di Donato Velluti, dall’anno MCCC in circa all’anno MCCCLXX, D. M. M (...)
  • 15 G. Dati, Libro segreto, dans L. Pandimiglio (éd.), I libri di famiglia e il Libro segreto di Goro D (...)
  • 16 A. et F. Baldovinetti, Ricordanze, dans G. Corti (éd.), « Le ricordanze trecentesche di Francesco e (...)
  • 17 L. Pacini, infra, annexes documentaires [1] ; Bartolomeo del Corazza, Diario fiorentino (1405‑1439)(...)
  • 18 En 1325, 1345, 1384, 1399, 1414, 1433, 1453, 1469. Voir E. Guidoboni et al., CFTI5Med, Catalogo dei (...)
  • 19 G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 175‑180 ; G. Pigli, BNCF, II, iv, 128, fo 105v‑106r.
  • 20 G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 131‑135 et p. 175 ; F. Giovanni, infra, annexes documentaire (...)
  • 21 S. Della Tosa, Annali, ouvr. cité, p. 167‑168 (1340) ; Naddo de Montecatini, Memorie, ouvr. cité, p (...)
  • 22 Naddo de Montecatini, Memorie, ouvr. cité, p. 81 (éclipse solaire, 1386) ; Bartolomeo del Corazza, (...)
  • 23 Avant 1480, Florence a été frappée par la peste en 1348, 1363, 1374, 1383, 1390, 1400, 1411, 1417, (...)
  • 24 D. Velluti, Cronica, ouvr. cité, p. 53 ; Bartolomeo del Corazza, Diario fiorentino, ouvr. cité, p.  (...)

4Les 150 livres de famille examinés ici ont été rédigés entre 1300 et 1480 et présentent 43 notices qui traitent spécifiquement de phénomènes naturels exceptionnels (inondations, séismes, ouragans, famines, éclipses, comètes, épidémies mortelles12). D’autres notices, prises en compte dans l’analyse, mentionnent seulement incidemment ces phénomènes qui jouent parfois — comme l’ensemble des événements historiques que l’on rencontre dans les livres de famille florentins — le rôle de borne temporelle ou de maillon permettant d’articuler l’histoire familiale à l’histoire communale13. Le traitement de l’inondation de 1333 illustre cette variété : Donato Velluti évoque brièvement le « déluge » alors qu’il retrace le parcours de son frère Filippo14, tandis que Goro Dati — qui n’était pas né au moment des faits — affirme, en ouverture de son livre, l’ancienneté de l’ancrage de sa famille dans la cité en mentionnant les dégâts faits aux boutiques de ses aïeux15 ; Alessio Baldovinetti et Simone della Tosa, enfin, consacrent à l’inondation une notice spécifique16. Dans les décennies qui suivent, deux autres inondations sont relatées17. Huit autres notices relatent trois des neuf épisodes sismiques que Florence a connus entre 1300 et 148018 (plus deux notices portant sur le séisme napolitain de 145619), et quatre rapportent l’ouragan de 145620. À cela s’ajoutent trois épisodes de cherté et de famine21, deux éclipses et une comète22, et enfin douze épidémies de peste23 et deux de maladies hivernales24. Ces 43 notices sont le fait de 12 scripteurs différents et s’échelonnent au cours du xive et du xve siècle, avec des variations importantes selon les décennies. Le nombre restreint de notices pour chaque événement et la coloration unique de chaque livre constituent deux limites aux remarques qui vont suivre, qui entendent avant tout dégager des tendances afin de mieux cerner les enjeux et les caractéristiques de l’écriture privée des catastrophes.

1.2. Le décompte des dommages

  • 25 Infra, annexes documentaires [1] ; P. Senesi, « Un uomo d’affari del XV secolo: Lapo di Pacino da C (...)

5En croisant les descriptions des phénomènes naturels extrêmes présentes dans le corpus, on remarque tout d’abord l’attention portée au concret, au quantifiable. Dans les notices qui mentionnent une inondation, les dommages matériels (danni) reviennent ainsi inlassablement (fig. 1), qu’il s’agisse de dommages immédiats (constructions détruites pendant l’inondation) ou différés (denrées perdues ou gâtées, qui augmentent le risque de disette). Cette distinction est visible sous la plume de Lapo Pacini (1379‑1452), un petit marchand provenant du contado florentin, qui évoque les dégâts en général (danni) et les « danni di guasto » — généralement des dégâts infligés aux récoltes, d’après les dictionnaires anciens25. Même constat pour les notices portant sur un séisme (fig. 2) ou un ouragan (fig. 3) : les dégâts matériels sont évoqués, souvent à plusieurs reprises, dès que le scripteur consacre plus d’une quarantaine de mots au sujet. En revanche, hormis quand les notices traitent des épidémies de peste, les victimes humaines attirent moins systématiquement l’attention des scripteurs : seuls les deux récits les plus anciens mentionnent les victimes de l’inondation de 1333 (fig. 1), tandis que pour les autres catastrophes naturelles, l’attention croît au cours du xve siècle (fig. 2 et 3).

  • 26 Simone della Tosa, Annali, ouvr. cité, p. 167‑168. À titre de comparaison, G. Villani y voit une pu (...)
  • 27 L. Salimbeni, Libro proprio, dans R. Signorini, Alle origini di una famiglia patrizia. Il libro di (...)
  • 28 Naddo de Montecatini, Memorie, ouvr. cité, p. 106.
  • 29 Ibid., p. 120. On retrouve l’articulation guerre-cherté-famine chez Velluti, qui évoque la campagne (...)

6Dans le cas des chertés et des famines également, l’angle économique prévaut sur les considérations humaines et sociales : alors qu’en 1340 Simone della Tosa faisait état de nombreuses victimes, chez les pauvres surtout, et des remous que cela avait causés dans la cité — avant que la population ne soit ultérieurement décimée par une vague épidémique26 —, Niccolò Monachi et Leonardo Salimbeni n’évoquent la disette de 1374 que parce que la Commune a alors imposé les citoyens pour acheter des céréales27. Quelques décennies plus tard, Naddo de Montecatini mentionne sobrement la cherté qui découla des mauvaises récoltes de 138928, puis comment les pluies de février 1390 obligèrent une compagnie mercenaire à interrompre sa campagne car elles firent augmenter le prix du foin, causant la mort de plus de mille chevaux29.

  • 30 Cf. C. Bec, Les marchands écrivains à Florence (1375‑1434), Paris / La Haye, Mouton, 1967, p. 301‑3 (...)

7En faisant le décompte des dommages, l’écriture semble ainsi en capacité de donner à la raison — qui chez ces scripteurs est aussi calcul30 — un début de prise sur l’imprévisible de la catastrophe. À cela s’ajoutent des images récurrentes, qui construisent un discours partagé sur le désastre.

1.3. Des images en partage

  • 31 Bartolomeo del Corazza, Diario fiorentino, ouvr. cité, p. 30.
  • 32 Sur l’inondation de 1333, voir T. Labbé, « La catastrophe comme objet de gouvernement : le développ (...)
  • 33 P. Senesi, « Un uomo d’affari del XV secolo », art. cité, p. 25.

8Certaines images semblent en effet cristalliser l’expérience de telle ou telle catastrophe. Dans le cas des séismes, deux images reviennent régulièrement : les cheminées effondrées et les tentes de fortune dressées par les habitants (fig. 2). Même chose pour les inondations : l’image des tonneaux emportés par le courant revient dans les trois notices les plus longues (fig. 1), pour trois inondations différentes. Cette récurrence est peut‑être l’expression des préoccupations économiques des scripteurs — Bartolomeo del Corazza était alors revendeur de vin31 — ou bien peut‑être une illustration de la fortune des pages de Giovanni Villani sur l’inondation de 133332. En effet, l’image des tonneaux emportés par le courant se retrouve, plusieurs décennies après, aussi sous la plume du petit marchand Lapo Pacini — qui possédait à sa mort un exemplaire de la chronique de Villani33. Pour l’ouragan de 1456, l’image récurrente est la comparaison des éléments emportés par le vent avec des projectiles militaires ; ce cas est toutefois particulier dans la mesure où trois des quatre notices dont nous disposons sont interdépendantes (Rucellai fait un premier compte rendu détaillé, dont dépend celui de Pigli, avant d’en faire une synthèse). Cela met en tout cas en évidence la circulation de ces récits parmi les contemporains, et la disponibilité des scripteurs à accueillir les mots et les images élaborés par autrui. Mais qu’en est‑il de la lecture des événements proprement dits ?

2. Catastrophes ou aléas ?

2.1. Signum or not signum

  • 34 T. Labbé, Les catastrophes naturelles au Moyen Âge, ouvr. cité, p. 128‑129.
  • 35 G. Villani met ainsi en lien des comètes avec les épidémies de 1340 et 1348, et une éclipse de sole (...)
  • 36 Cf. supra, note 22.
  • 37 Infra, annexes documentaires [6].
  • 38 Au folio précédent (fo 21r), le scripteur relate les processions organisées en octobre 1455 pour im (...)
  • 39 Il met explicitement en relation la comète et les événements « au levant et en Italie » (« nella pa (...)

9Dans les chroniques de la période, les phénomènes célestes tels que les comètes ou les éclipses ont fréquemment une fonction augurale34 : sans être en eux‑mêmes source de dommages, ils annonceraient des événements graves, formant avec ceux‑ci une série « signifiante35 ». Deux éclipses sont brièvement mentionnées dans le corpus36, mais les scripteurs ne l’intègrent pas dans un schéma signifiant, du moins explicitement : la notice que Francesco de Tommaso Giovanni consacre en juin 1456 à la comète de Halley est ainsi purement descriptive37, mais comme elle précède de peu la nouvelle d’une victoire contre l’Empire ottoman, dont l’avancée préoccupait le scripteur38, puis le récit de l’ouragan du mois d’août, il n’est pas impossible que le scripteur lui ait prêté une signification, comme le fit l’auteur du priorista Petriboni39. Rien de certain, cependant, ce qui est du reste cohérent avec les autres notices du corpus : pour les scripteurs confrontés aux manifestations extrêmes de la nature, la démarche interprétative n’a rien de systématique. Ainsi, sur les seize notices consacrées aux inondations, aux tremblements de terre et à l’ouragan, sept seulement proposent une étiologie — naturaliste ou religieuse — de l’événement (fig. 1, 2 et 3). Parmi elles, deux mentionnent exclusivement des causes naturelles, et deux autres proposent un double schéma explicatif (naturaliste et religieux).

  • 40 Sur ce débat et ses échos en dehors de Florence, cf. G. Schenk, « “Prima ci fu la cagione de la mal (...)
  • 41 La mention de la crue de l’Arno de 1406 qu’on trouve sous la plume de Nofri delle Riformagioni conf (...)
  • 42 Infra, annexes documentaires [4].
  • 43 Infra, annexes documentaires [5], spec. fo 98v et Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 131‑135 et p. (...)

10Au sein du corpus, on constate une différence de traitement, sur le plan interprétatif, entre les phénomènes. La grille d’interprétation éthico-religieuse n’est ainsi jamais mobilisée dans les notices qui traitent des inondations, alors même que Villani par exemple avait accordé une large place au débat interprétatif qui avait suivi l’inondation de 1333 en mobilisant théologiens, astrologues et philosophes naturels40. Quand une cause est évoquée, elle est naturelle : l’inondation est liée à la crue du fleuve, elle‑même due aux fortes pluies et aux chutes de neiges qui ont précédé41, ce qui nous place dans le régime de l’aléa plutôt que du cas signifiant. En ce qui concerne l’ouragan de 1456, les avis sont plus partagés : la punition divine est une des clefs interprétatives évoquées, à côté d’une lecture naturaliste des faits, chez Francesco Giovanni42, et transparaît en creux chez Rucellai et Pigli dans les mentions faites à des objets ou des gens miraculeusement épargnés43.

  • 44 G. Chellini, Le ricordanze, ouvr. cité, p. 195‑196.
  • 45 Infra, annexes documentaires [2].
  • 46 Infra, annexes documentaires [3].
  • 47 G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 175‑177. Paolo Rucellai mentionne dans sa première lettre qu (...)
  • 48 B. Figliuolo, « I terremoti in Italia », dans M. Matheus et al., Le calamità ambientali, ouvr. cité (...)
  • 49 Ibid., p. 326. Selon lui, le climat spirituel aurait changé au xive siècle (comme en témoignerait l (...)

11Les tremblements de terre, en revanche, sont davantage perçus comme un phénomène surnaturel et donnent lieu à d’intenses pratiques dévotionnelles individuelles et collectives (fig. 2) : Giovanni Chellini retient les appels à la miséricorde qui déchiraient la nuit lors du séisme de 1453, ainsi que les processions organisées par les autorités44, tandis que Francesco Giovanni relate, d’un ton un peu moqueur, la ferveur de courte durée de ses concitoyens, persuadés qu’une visite à l’église Sainte-Trinité les protégerait45. Le récit de Giovanni des Pigli confirme cette croyance et l’élan processionnaire des Florentins, et montre comment la prédication a accompagné les événements et a cherché à leur donner un sens, pour conclure enfin que les voies du Seigneur sont impénétrables46. Dans les lettres relatant le séisme de Naples de 1456 que Rucellai et Pigli copient dans leurs livres, on retrouve l’étonnement et la peur qui saisissent les habitants face à la soudaineté et à l’intensité du phénomène (qualifié de fléau par Manetti, et de jugement divin par Paolo Rucellai), les dégâts occasionnés aux constructions, les victimes, les répliques les jours suivants, les campements de fortune, les processions et les prières collectives implorant la miséricorde divine47. Or selon Bruno Figliuolo, la lecture surnaturelle des séismes ne s’inscrit pas dans la tradition scolastique et universitaire médiévale48 et reflèterait une évolution du « climat spirituel » au cours des xive et xve siècles49. En raison du petit nombre de notices du corpus, je ne me hasarderai pas à une généralisation et je me bornerai à constater que les notices du xive ne mobilisent pas la clef interprétative éthico-religieuse pour expliquer les phénomènes naturels extrêmes, tandis que les notices du milieu du xve y ont nettement plus recours.

2.2. Faire face aux désordres naturels

  • 50 Selon V. Mazzoni, cela démontrerait ses liens avec la « culture paysanne » (V. Mazzoni, « Naddo di (...)

12Les pratiques de dévotion collectives telles que les processions n’étaient cependant pas absentes de l’équation en matière de gestion des intempéries, comme l’illustre le livre du notaire Naddo de Montecatini (1330 ca‑1398). Particulièrement attentif aux conditions météorologiques50, il a rédigé pendant plus de vingt ans, avec une régularité presque sans faille, un paragraphe sur les conditions environnementales de l’année, avant de passer aux faits marquants qui l’ont ponctuée. Ces paragraphes contiennent généralement des éléments calendaires (jour de Pâques notamment), des éléments météorologiques, et un point sur l’abondance ou non des récoltes de céréales, de vin et d’huile.

  • 51 Naddo de Montecatini, Memorie, ouvr. cité, p. 62.

13Toutes ces données paraissent interconnectées à ses yeux et font état d’une conception de la nature qui demeure en lien étroit avec l’ordre divin. Ainsi, le fait qu’en 1383 Pâques tombe très tôt annoncerait des bouleversements fâcheux (novitadi51), ce que les faits marquants de l’année confirment :

Nota, che nel detto anno piovve d’Aprile, e più di Maggio […] insino ne i 22 dì piovè di grand’acque; e a dì 22 del detto mese si fece la processione con tutto il Chericato de’ Preti, e de’ Frati, e così a dì 23. A’ dì 24 in Domenica, che fu San Zanobi in lunedì a’ dì 25 si fece grandissima processione, e venne in Firenze la Tavola di Santa Maria Impruneta, e dinanzi a lei andarono tutte le Reliquie de’ Santi di Firenze, e del contado, che furono più di dodicimila Cristiani. […]. Il popolo, che vi si trovò fu innumerabile, pregando lei con gran divozione, che accatti grazia dal suo diletto figliuolo, cioè Giesù Cristo, che guardi questa città; e l’altre di male, e guardici da mortalità, e da ogni altro reo giudicio, del quale in Firenze forte si dubitava, e di mortalità.

Il detto dì di S. Zanobi fu insino a Nona un bellissimo tempo; poi nella Nona cominciò a turbare, e quando si diceva il Vespro in S. Liberata venne grandissima acqua, e piovve bene un’ora, e più, e venne gran tuoni.

  • 52 Ibid., p. 64‑65 : « Note que ladite année, il a plu en avril, et encore plus en mai […] jusqu’au 22 (...)

Del detto mese di maggio cominciò in Firenze mortalità di quaranta persone il dì, e più, e così fece nell’entrata di Giugno52.

  • 53 Alors que Bartolomeo del Corazza ne retient de l’épisode neigeux de janvier 1408 que les statues de (...)

14Naddo retient ainsi les pluies exceptionnelles du printemps, les processions organisées afin d’obtenir la protection de la ville des épidémies et de toute autre forme de punition divine, et l’orage qui sévit à l’issue de quatre jours de processions. S’il n’établit pas de lien explicite entre ces observations météorologiques et les pratiques dévotionnelles qui avaient eu lieu (et avaient lieu en même temps), le paragraphe suivant, qui enregistre le début de l’épidémie de peste, implique que les prières des Florentins n’ont pas été entendues des cieux en colère. Plusieurs décennies plus tard, on retrouve cette tendance à relier des phénomènes météorologiques exceptionnels à d’autres événements hors du commun chez Giovanni Morelli53, comme si la nature soulignait une autre forme de sortie de l’ordre naturel des choses.

  • 54 Voir sur ce point A. Benvenuti, « Riti propiziatori e di espiazione », dans M. Matheus et al., Le c (...)
  • 55 Naddo de Montecatini, Memorie, ouvr. cité, p. 98‑99 ; Bartolomeo del Corazza, Diario fiorentino, ou (...)

15Cette logique sous-tend du reste la réponse favorite des autorités florentines face aux intempéries : la procession propitiatoire. Dans ces cas‑là, le recours à l’image miraculeuse de la Madone de l’Impruneta apparaît comme un remède bien rôdé54, tout comme les processions organisées, qui ne semblent pas être accompagnées de craintes ou d’émois particuliers55, contrairement aux pratiques dévotionnelles qui entouraient les séismes.

16En fonction de leur intensité mais aussi suivant l’évolution des sensibilités, les différents phénomènes extrêmes semblent donc se distribuer le long d’un continuum qui va de l’aléa à la catastrophe, position qui détermine les clefs interprétatives mobilisées (à dominante naturelle ou surnaturelle) mais aussi les réponses apportées. Les processions apparaissent ainsi comme une réaction privilégiée dès que les désordres semblent outrepasser les limites du naturel, et dans le cas des séismes — les phénomènes les plus « catastrophiques » aux yeux des scripteurs — les pratiques de dévotion individuelles et collectives prennent des proportions exceptionnelles, à la mesure de la peur ressentie, qui constitue un autre marqueur permettant de situer les désastres le long du continuum évoqué (fig. 1, 2 et 3). Mais où situer la peste ?

3. La peste : une catastrophe pas comme les autres

17Le traitement des épidémies de peste dans les livres privés se démarque en plusieurs points de celui des autres phénomènes extrêmes, ce qui tendrait à indiquer qu’il ne s’agit pas, aux yeux des scripteurs, d’un désastre du même ordre.

  • 56 Pour une synthèse de la question, voir P. Boucheron « La peste noire », cours au Collège de France, (...)
  • 57 É. Carpentier, Une ville devant la peste, ouvr. cité, p. 100, p. 121. Dans les sources officielles, (...)
  • 58 G. Ciappelli, « La memoria degli eventi storici », art. cité, p. 132. Les ravages de l’épidémie aff (...)

18Alors que les dommages sont au centre de l’attention des récits de catastrophes naturelles, c’est sur les victimes que se concentrent les notices relatant les épidémies de peste ; la comptabilité des décès est d’ailleurs dans un premier temps la seule forme de présence, discrète, de la peste dans les écrits privés. En cela, les livres de famille ne se distinguent pas des sources contemporaines, dont le silence relatif face au retour de la peste bubonique a été remarqué entre autres par Élisabeth Carpentier56, qui y voit une forme de déni voire de bravade — plus ou moins teintée de superstition — ou une incapacité à produire un discours en l’absence de point de comparaison, puisque la maladie ne faisait plus partie du paysage épidémiologique depuis des siècles57. Giovanni Ciappelli a lui aussi constaté ce relatif silence dans un corpus constitué d’une cinquantaine de livres de famille, supposant que les scripteurs avaient arrêté d’écrire pendant l’épidémie58. À la lumière du corpus analysé, j’émets l’hypothèse que le fléau de 1348 n’a, dans un premier temps, pas été pensé comme un événement « catastrophique » mais a plutôt été rapproché d’aléas connus comme les épidémies endémiques de fièvre typhoïde ou de variole qui sévissaient régulièrement. Ce n’est que plusieurs décennies plus tard que la peste de 1348 paraît sortie de l’impensé collectif — grâce à la littérature notamment — et entrée en tant qu’événement dans la mémoire familiale, comme étalon auquel mesurer ses résurgences, face auxquelles les scripteurs se sentaient du reste en capacité d’indiquer à leurs descendants quelques mesures de protection.

3.1. La phase impensée

  • 59 Dans le livre qu’il rédige à la fin de sa vie, le juge Donato Velluti propose d’abord une série de (...)
  • 60 D’après le décompte de C. Gros, « La transmission des prénoms féminins dans une famille florentine (...)
  • 61 À de nombreuses reprises, l’épidémie sert de point de repère chronologique, par exemple p. 23 pour (...)
  • 62 La tournure récurrente est « sopravvenne la mortalità », « la mortalité survint » (ibid., p. 20, p. (...)
  • 63 M. Schuller, « Le corps obscur », art. cité, § 20.
  • 64 « Morì di Luglio 1348, per la detta mortalità addì 14 », « Il mourut en juillet 1348, à cause de la (...)
  • 65 Ibid., p. 130.
  • 66 Ibid., p. 64. Dans la même veine, son père serait mort en 1340 d’une « malattia di febbre », « mala (...)
  • 67 Ibid., p. 85.
  • 68 Ibid., p. 86 et p. 106 (pour les conséquences indirectes de la peste sur la structure des organisat (...)

19Le traitement de la peste dans le livre de famille de Donato Velluti59 (1313‑1370) paraît emblématique de cette première phase : alors qu’il aurait été l’un des mieux placés — d’après la morphologie de son livre — pour décrire les épidémies qu’il a connues, il ne l’a pas fait, preuve qu’il n’a pas jugé cela utile. Sa famille élargie a pourtant été durement frappée par les épidémies (13 morts en 1340, 53 en 1348, 25 en 136360), et dans la section généalogique de son livre, ce qu’il nomme indifféremment mortalità revient quasiment à chaque page comme cause du décès d’un membre de la famille, ou bien comme repère chronologique qui permet de situer certains faits avant ou après les trois épidémies61. Sous sa plume, ces mortalità font irruption dans la trame du présent : elles « surviennent62 », et l’absence de description est d’autant plus étonnante que Velluti fait ailleurs une large place au corps — sain ou malade63. Quand il fait mention de l’épidémie, c’est pour lui nier toute prise sur le cercle familial (à l’exception du dernier ricordo, qui enregistre le décès de son fils de 4 ans, mort de peste64) : sa première femme a survécu, lui ne l’a jamais contractée65, et son frère ne serait pas mort en juillet 1348 de peste mais parce qu’il a travaillé jusqu’à l’épuisement66. L’épidémie aurait même eu des conséquences positives pour ses finances : grâce aux héritages et au fruit de son travail, il s’en sort bien, alors qu’auparavant il était endetté67. Et il s’intéresse bien plus aux modalités selon lesquelles on a refait les bourses électorales après en avoir ôté les noms des morts qu’à l’épidémie elle‑même68.

  • 69 BNCF, II, iii, 280, fo 6v. Ce livre a été partiellement publié par D. M. Manni en 1731.
  • 70 BNCF, II, iii, 280, fo 10r. Les notices suivent toutes ce modèle : « A die iiijo di dicenbre anno 1 (...)
  • 71 P. d’Antonio di Lando degli Albizi, Libro d’avere e memorie, V. Buzzi (éd), Tesi di laurea, Univer (...)
  • 72 G. Ciappelli, « Luca Firidoldi da Panzano », Dizionario biografico degli Italiani, vol. 48, 1997, <(...)
  • 73 L. Da Panzano, Ricordanze, dans P. Berti (éd.), « Frammenti della Cronaca di Messer Luca di Totto d (...)
  • 74 Ibid., p. 69.

20Or le cas de Velluti n’est pas isolé : les livres commencés avant ou après 1348 par des scripteurs ayant connu la peste noire l’inscrivent eux aussi dans la continuité des épidémies qui frappaient la cité : Francesco Rittafé (1323‑1377), évoque incidemment l’épidémie de 1340 — à laquelle il a survécu — quand il fait le décompte du peu de jours de congé qu’il a pris en trois ans69, et dans la liste des quinze membres de sa fratrie qu’il tient à jour en tant qu’aîné, il enregistre les cinq décès advenus entre mai et août 1348 sans mentionner de cause, exactement comme il l’avait fait pour les frères et sœurs morts en bas âge ou en d’autres circonstances70. Sur un même folio, Pepo d’Antonio des Albizzi enregistre la naissance d’une fille illégitime en juin 1349 puis liste les 10 membres de sa famille qui sont morts de l’épidémie entre juin et juillet 134871. Chez Luca de Totto da Panzano (1310‑1383), la peste de 1348 est passée sous silence — alors qu’elle avait emporté son fils72 — sans toutefois que l’écriture ne s’interrompe (le scripteur rapporte la vendetta qui l’occupait alors) ; même silence en 1363, alors qu’il combat contre Pise. Ce n’est qu’avec l’épidémie de 1374, qui emporte sa fille Orsa, son gendre et une parente, que la peste « entre » enfin dans le livre, au fil de trois notices de plus en plus développées73. L’été suivant, Luca pense avoir contracté la peste74, ce qui le pousse à refaire son testament, mais il survit, avant d’être emporté par la peste de 1383. Il aura donc fallu plus de vingt-cinq ans à ce scripteur, adulte en 1348, pour faire entrer la peste dans son livre privé, à l’occasion de résurgences postérieures.

3.2. La mise en mots

  • 75 Sur la représentation de la peste dans le Décaméron, qui puise dans la littérature préexistante, cf (...)
  • 76 G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 59‑61 ; G. Morelli, Ricordi, ouvr. cité, p. 220, p. 248, p.  (...)
  • 77 La seule mention à la volonté divine concerne la conclusion de l’épidémie — vue comme un effet de l (...)
  • 78 Le peu de processions propitiatoires mentionnées semble conforter cette hypothèse : on a vu chez Na (...)

21Lors de cette seconde phase, à plusieurs décennies de distance du retour de la peste bubonique, l’épidémie de 1348 et ses résurgences commencent à faire l’objet de notices spécifiques dans les livres privés, souvent par le truchement des mots d’autrui. Dans ce cas‑là aussi, certaines images reviennent, comme les animaux malades de la peste (fig. 4), dans le cadre cette fois d’une intertextualité assumée : Giovanni Morelli cite ainsi le Décaméron de Boccace — qui avait lui‑même puisé dans la littérature antérieure75 — tandis que Giovanni Rucellai exhume un ricordo de son grand-père Paolo de Bingeri avant de lister les épidémies de son temps. Dans les deux cas, pour démarrer leur récit, les scripteurs s’appuient sur des écrits antérieurs. Chez eux aussi, le décompte des victimes occupe une place de choix76. Alors que chez Rucellai il n’y a aucune trace d’étiologie77, Morelli énonce divers facteurs naturels qui expliquent selon lui la gravité de l’épidémie : les Florentins n’étaient pas préparés à affronter ce mal qu’ils ne connaissaient pas ou plus, mal qui s’est propagé d’autant plus facilement que la population vivait entassée dans l’enceinte urbaine et était fragilisée par la disette de l’année précédente. Pour lui (comme pour une partie des savants de l’époque), la maladie est propagée par l’air, d’où l’injonction à se réfugier dans un lieu sain. Morelli ne retient donc pas les références à la colère divine présentes chez Boccace ou chez le chroniqueur Matteo Villani, ce qui confirmerait la lecture « non théologique » de l’épidémie à la fin du xive siècle78.

  • 79 G. Monaldi, Diario, dans R. A. Martini (éd.), Istorie Pistolesi, ovvero delle cose avvenute in Tos (...)
  • 80 Cf. par exemple G. Morelli, Ricordi, ouvr. cité, p. 210 ; sur le regimen sanitatis en temps de pest (...)
  • 81 B. Machiavelli, Libro di ricordi, C. Olschki (éd.), Rome, Edizioni di storia e letteratura, 2007 (1 (...)
  • 82 Cf. supra, note 24.

22Sur le plan des réactions aussi, on constate d’importantes différences avec les catastrophes naturelles, puisque les scripteurs proposent des stratégies pour faire face à l’épidémie. D’abord, la fuite79 ; ensuite, les remèdes des médecins80, tant dénigrés par Boccace et par les chroniqueurs. Les auteurs de livres de famille semblent leur accorder davantage de crédit, comme en témoigne une notice de Bernardo Machiavelli, survivant de la peste de 1479, dans laquelle il écrit comment, se voyant « malato di segno » (référence au bubon), il s’est aussitôt mis à l’écart du reste de la famille, avant de décrire les soins reçus des médecins, et ce que cela lui a coûté81. À la fin du xve siècle, les vagues épidémiques ne semblent plus avoir le statut d’événement : si la peste reste plus préoccupante que les épidémies hivernales — ponctuellement mentionnées82 — elle semble avoir intégré le régime des dommages dont il convient de se prémunir, grâce notamment aux écrits familiaux.

4. Les enjeux de l’écriture

4.1. Mettre à profit le temps de la catastrophe

  • 83 Sur la valeur du temps à l’époque, voir notamment le De familia de Leon Battista Alberti (dont Ruce (...)
  • 84 G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 5.

23L’épidémie de peste se distingue aussi des autres catastrophes examinées par son inscription dans une temporalité différente. Alors que les inondations, les séismes ou les ouragans surviennent assez soudainement, et ne durent généralement pas au‑delà de quelques jours ou semaines — bien que leurs répercussions soient beaucoup plus durables —, l’épidémie s’inscrit dans un temps beaucoup plus long : sa propagation d’une région et d’une ville à l’autre s’étale sur plusieurs semaines, voire mois, et une fois qu’une localité est touchée, elle y sévit pendant plusieurs mois. La stratégie consistant à fuir avant l’arrivée de la peste implique donc pour les familles un séjour de plusieurs mois dans une localité étrangère, et la mise entre parenthèses d’une grande partie de leurs activités — professionnelles ou dans les instances communales. Certains de ces « marchands-écrivains » décident alors de mettre à profit ce temps pour écrire83, comme Giovanni Rucellai, qui conçut et commença son Zibaldone alors qu’il avait fui la peste à San Gimignano : éloigné par la force des choses de ses activités habituelles, confronté à la menace d’une épidémie qui avait emporté son père en 1406 alors qu’il n’avait que 3 ans, il trouve ainsi un moyen de transmettre à des enfants « des informations et des enseignements » (notitia et amaestramento) et ainsi d’œuvrer malgré tout au bene e utile des siens84.

  • 85 Ibid., p. xlvii, p. liiliii.
  • 86 Voir à ce sujet A. Perosa, Giovanni Rucellai, ouvr. cité, p. xiii. G. Rucellai a ensuite fait faire (...)
  • 87 G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. lvi et p. 39‑49. Aux avis réunis en 1457, Rucellai ressent l (...)
  • 88 L’intérêt de Rucellai pour l’historiographie se manifeste en divers endroits de son livre : sous la (...)
  • 89 Ibid., p. 135‑138, p. 162‑180. La notice du tremblement de terre de 1453 semble avoir été, dans un (...)
  • 90 Le livre de Rucellai s’inspire d’après Battista (ibid., p. xliv) d’une double tradition : les ricor (...)
  • 91 « Nell’anno 1374 […] fu calende di Gennaio in Domenica. Fu nel detto anno mortalità di gente, e gra (...)

24Non seulement l’épidémie est à l’origine de l’écriture, mais elle constitue aussi, selon Gabriella Battista, l’une des priorités de Rucellai85 et l’un des thèmes structurants du zibaldone vetus — le livre tel qu’il était à l’issue de la première phase de rédaction de 145786 — aux côtés de la Fortune87 ou encore des principaux événements historiques. Or la première mention historique qu’on rencontre dans le livre est la liste des épidémies qui se sont succédé de 1348 à 1457. Plusieurs fascicules plus loin (et après son ricordo des dégâts de l’ouragan de 1456), Rucellai commence une chronique — de son cru88 — des principaux événements de son temps, qui sera suivie d’une seconde (qui s’ouvre sur une catastrophe, la peste de 1400, et se ferme sur une autre89). Dans la sélection des événements qu’opère Rucellai, et malgré la variété formelle des notices, les catastrophes en tous genres semblent donc jouer un rôle structurant : les décrire fait partie intégrante du projet d’écriture. Le livre de Rucellai est certes atypique par rapport aux livres de famille médians90 — souvent commencés au moment où le scripteur devient chef de famille, suite à son mariage ou au décès de son père —, mais l’empreinte de la catastrophe vécue ou perçue comme imminente est également visible dans le programme d’écriture d’autres scripteurs, comme Filigno de Médicis et Naddo de Montecatini, par exemple, qui commencent tous deux leur livre en 1374, sous des auspices catastrophiques91. L’écriture semble ainsi être un moyen d’action face à la catastrophe, en particulier pendant le temps suspendu de l’épidémie, et une façon de transmettre à ses descendants des préconisations concrètes et utiles pour les aider à survivre ; mais quid des catastrophes naturelles, face auxquelles les pratiques dévotionnelles semblent être les seuls « remèdes » immédiatement envisagés ?

4.2. L’utilité sociale de l’information

  • 92 « Et pour l’heure nous poursuivrons avec la mémoire de nombreuses choses advenues dans notre cité, (...)
  • 93 Pour le concept de « civiltà della parola », cf. Z. Zafarana, La predicazione francescana (1981), d (...)
  • 94 Par exemple infra, annexes documentaires [5] ; G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 175‑180.

25Dans le cas de ces catastrophes, les notices semblent avoir avant tout une utilité sociale, similaire à celle des autres notices à caractère historique, si l’on en croit Giovanni Morelli : « E per ora seguiremo la memoria di molte cose avvenute nella nostra città, le quai fieno utili a saperne parlare, o veramente daranno prencipio d’intendere meglio molti ragionamenti che si fanno delle cose passate92. » Avoir connaissance des événements passés sert à pouvoir converser en société et ainsi à renforcer, grâce à ce discours partagé, ses liens d’appartenance avec celle‑ci93 — élément d’autant plus crucial que la catastrophe les bouscule. Or l’intérêt porté à l’information et à sa circulation semble aller croissant au xve siècle : dans les notices du corpus du milieu du siècle notamment, la volonté explicite d’informer (« dare notitia ») est en effet récurrente94.

  • 95 Selon A. Perosa, le texte de Pigli dépendrait en réalité d’une première rédaction du compte rendu d (...)
  • 96 P. Petriboni et M. Rinaldi, Priorista, ouvr. cité, p. 427‑435. Dans cette notice, qui est la seule (...)
  • 97 Ibid., p. 433.
  • 98 Ibid., p. 433‑435.

26Cela est particulièrement visible dans les comptes rendus de l’ouragan de 1456 : Pigli affirme avoir copié une note rédigée par l’un de ceux qui avaient été, avec Rucellai, constater les dégâts, tandis que Matteo Rinaldi, auteur d’un priorista, dit avoir eu accès au livre de Rucellai95. Les trois textes sont presque identiques96, hormis leur conclusion : Pigli s’arrête ex abrupto sur les derniers dégâts causés, tandis que Rucellai se hasarde à une hypothèse « naturaliste » pour expliquer la fin de la tempête. On retrouve cette hypothèse chez Rinaldi, qui l’assortit toutefois d’une prière invoquant la protection divine contre de tels aléas97, avant d’exposer les interprétations qui avaient circulé à l’époque — issues de l’astrologie et de la philosophie naturelle98 —, ce qu’aucun des auteurs de livres de famille n’a jugé bon de mentionner. Pour eux, ce n’est manifestement pas une composante essentielle du récit, contrairement à la fiabilité de la source de l’information, qui fait l’objet d’un long développement chez Pigli :

  • 99 Infra, annexes documentaires [6] : « On peut accorder pleinement foi à ces choses parce que de nobl (...)

Alle quali chose si può prestare pienissima fede perché tutte le chose fieno qui scritte furono ite personalmente a vedere per gli nobili huomini Bartolomeo di Jacopo Ridolfi, huomo di tanta fede quanto uno altro nella nostra terra sia, il quale tutti gl’onori della nostra Republicha à esercitati, non lasciandone alchuno; et meritamente perché de’ pari suoi di rado si truova, con senno naturale e con bontà im modo tale [fo 96v] che de’ ciento compromessi tra i litighanti si fanno, nel suo giudicio ne venghono la magior parte, o per terzo dato dalle parti o dalla signoria, o da qualunque altro uficio, dove le diferenzie dipendono chosì di merchatantia come di qualunque altro chaso. Et per Giovanni di Paolo di messere Paolo Rucellai, huomo degnissimo et banchiere, et per Bartolomeo di Cederno Cederni, giovane di perfetto intelletto, i quali tutti a tre andorono a dì ** di detto mese in dette parti, e tutto uno giorno spesono a cerchare la maggiore parte di detto paese et chon ll’occhio vidono, e da huomini del paese dove i chasi furono sentirono le infrascritte chose. Et io Giovanni di Jacopo di Latino de’ Pigli da detto Bartolomeo n’ebbi una nota chom’apresso dirò, non mettendovi una silaba di mio la chopiai99.

27Alors que Rucellai se contente de dire qu’il a été le témoin direct de ce qu’il rapporte — ce qui suffit à fonder l’autorité de son écrit — Pigli, qui ne peut se prévaloir que de sources indirectes, consacre 10,5 % de sa notice à souligner combien ses sources sont notoirement des personnes de confiance, garantissant ainsi la fiabilité des informations rapportées.

  • 100 La première, adressée aux Prieurs, avait été envoyée le 8 décembre de Naples par Giannozzo Manetti, (...)
  • 101 BNCF, II, iv, 128, fo 105v‑106r. Au fo 104v, Pigli recopie une lettre reçue d’un orfèvre de Brescia (...)
  • 102 Le caractère unitaire de cette section (qui se termine au fo 78vB avec une partie de la colonne vie (...)

28Dans certains cas, la forme même du livre traduit l’importance accordée aux sources extérieures, puisque les scripteurs choisissent de copier telles quelles des lettres qu’ils ont reçues ou qui ont circulé dans leur entourage. C’est de cette façon que les auteurs du corpus enregistrent le séisme napolitain de 1456 dans leurs livres : Rucellai copie ainsi trois lettres à la fin de la section consacrée à sa chronique des événements depuis 1400100, tandis que Pigli recopie la deuxième de ces lettres, ce qui confirme les contacts entre les deux scripteurs et le fait que Pigli dépende de son réseau pour ce genre d’informations101. L’écart formel que représente cette insertion de lettre n’a a priori rien d’étonnant dans un zibaldone, mais il s’agit des derniers paragraphes de la chronique que Rucellai élabore lui‑même, juste avant la conclusion de cette section102. Il choisit donc, pour rendre compte de ces informations venues de Naples, de se départir de toute forme d’auctorialité et de mettre en avant ses sources, dont la proximité (dans le cas de son frère) ou la notoriété (Giannozzo Manetti) garantit la fiabilité. Il en va donc des catastrophes naturelles comme des autres événements qui faisaient l’objet des nombreuses missives qui circulaient parmi les élites florentines : le statut social des émetteurs est un gage de crédibilité, qui est ultérieurement renforcée par la circulation de l’information au sein des élites.

***

  • 103 Sur l’importance de la prudence dans la pratique politique florentine, voir I. Taddei, La Prudence (...)
  • 104 J. Berlioz, Catastrophes naturelles et calamités au Moyen Âge, Florence, SISMEL, 1998, p. 24.

29Revenons au questionnement de départ de ce travail : la notion de catastrophe est‑elle pertinente — dans sa déclinaison médiévale de phénomène exceptionnel interprété comme casus ou signum — pour définir la place et le rôle des notices rendant compte de ces phénomènes dans les livres de famille florentins des xive et xve siècles, comme elle l’est pour les chroniques de l’époque ? L’analyse des représentations des différents phénomènes a confirmé qu’ils ne rentraient pas dans une seule et même « case » conceptuelle aux yeux des scripteurs : ils semblent plutôt se situer sur un continuum allant de l’aléa naturel au phénomène signifiant, d’origine surnaturelle. Les épidémies de peste, en particulier, font l’objet d’un traitement assez différent des autres désastres examinés : à peine sortie de l’impensé collectif, la mortalità semble rentrer dans le périmètre des aléas, sources de dommages dont il est possible de se prémunir, au moins en partie, grâce aux écrits privés notamment. Les phénomènes naturels extrêmes constituent ainsi des casi variés dont il s’agit de rendre compte afin de fournir à ses descendants des informations avant tout, plutôt que des interprétations univoques. En cela, les notices concernant les catastrophes naturelles semblent avoir la même finalité — renforcer le statut social de la famille — que les notices à caractère historique en général. Dans les livres de famille florentins, les phénomènes que nous nommons catastrophes ne sont pas, le plus souvent, des signes à interpréter, juste des cas, mais cela suffit : mesurer cet écart avec les sources historiographiques proprement dites éclaire donc, en creux, comment les citoyens florentins concevaient les formes et les enjeux d’un discours sur les événements passés. Comme tous les autres cas proposés à leurs descendants, ils posent les termes d’une situation compliquée que l’on doit aborder avec prudence103. Savoir que de tels événements peuvent survenir est un bagage en soi : pour paraphraser Jacques Berlioz, qui écrit à propos des grilles interprétatives de l’historiographie médiévale que « s’organiser, c’est d’abord comprendre104 », pour les auteurs de livres de famille, s’organiser, c’est thésauriser l’information, et en tirer un profit social en la partageant.

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Bibliographie

Sources inédites

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Annexe

Figure 1. – Tableau comparatif des notices portant sur des inondations.

Figure 1. – Tableau comparatif des notices portant sur des inondations.

Figure 2. – Tableau comparatif des notices portant sur les séismes florentins.

Figure 2. – Tableau comparatif des notices portant sur les séismes florentins.

Figure 3. – Tableau comparatif des notices portant sur l’ouragan de 1456.

Figure 3. – Tableau comparatif des notices portant sur l’ouragan de 1456.

Figure 4. – Descriptions de la peste de 1348, entre livres privés, littérature et chroniques.

Figure 4. – Descriptions de la peste de 1348, entre livres privés, littérature et chroniques.

Annexes documentaires

Les extraits de sources inédites mobilisés dans l’article ont été transcrits en suivant les critères décrits par Giovanni Ciappelli105, sur la base d’éditions précédentes de livres de famille. L’usage moderne a été adopté pour la division des mots, la ponctuation et l’accentuation, ainsi que pour l’usage des majuscules et l’ajout d’apostrophes (qui indiquent l’absence d’une voyelle). Le point en haut a été utilisé dans les cas d’assimilation et dans les cas analogues suivis de simplification (i·lloro, i·mezzo…) ; en cas de redoublement syntaxique, la simple séparation des mots a été jugée suffisante (e lla detta…). Selon l’usage moderne, on a distingué v de u ; on a conservé ç à côté de z). L’esperluette est transcrite e ou et suivant l’usage de l’auteur quand il écrit la conjonction en entier. Pour les indications de date, la forme a dì a été retenue par rapport à adì ou a’dì. Les abréviations courantes ont été déliées sans indication particulière dans le texte. Les formes jo et ja pour uno et una, ainsi que co pour cento et m pour mila ont été conservées, de même que les signes de croix. Les fractions ont été modernisées typographiquement. Les intégrations de lettres entre crochets [.] ont vocation à faciliter la compréhension et à lever de possibles ambiguïtés. Dans le cas de portions difficilement lisibles, les extrapolations sont indiquées par <.>, et les portions illisibles par <…>. Une omission volontaire de l’auteur dans le corps du texte a été rendue par ***. Les rubriques marginales, si elles sont autographes, ont été conservées et sont signalées en italiques. Les ratures et les ajouts dans l’interligne ou dans les marges sont indiqués en note. Les retours à la ligne suivent les paragraphes identifiables dans le manuscrit.

[1] – Lapo Pacini de Castelfiorentino, Archivio degli Innocenti di Firenze, 12592, fo 6v :

                                    † Mccccoij a dì xiiij di dicienbre

Ricordo ja piena

Sia manifesto e richordo a ciaschuna persona che a dì detto di sopra vene una piena grandisima la quale allaghò tutto il piano per infino a’ monti dintorno cho· gran dano e chon gran dano di guasto106; e lla detta piena vene per insino al chasolare d’Altipascio pres[s]o alla porta a Elsa, ed entrò l’aqua per tutte le chase in quantità tanta che asai muline n’arebono macinato, e tanto ch’achupò107 la piaza d’Elsa e ’l borgho per modo non si potea pasare per veruno modo.

E ’l detto dì rupe la detta piena il ciglone di là dal ponte e fé gran roture ed anchora dano per insino tanto quanto durano gli <opieti108±109 sino alla mora del ponte, andòne infino in fondo e menòne ve<tri> e lapole, e pasòvi gran qua[n]tità d’aqua circha al terzo; comincò la detta piena la matina, a terza, e bastò per insino a l’altro dì a terza <o valica110>.

E per più richordo, a dì 13 di dicenbre, il dì di santa Lucia chomincò in sullo vespro a nevichare e durò per insino a primo son[n]o, e poi chominciò a piovere tutta nonte [sic], e durò per insino a dì xv di dicenbre a nona il gran piovere, quasi dicono gli antichi uomini di Chastello fiorentino questo si potrebbe iscrivere uno diluvio ché a niuno richorda vedere mai magiore piena di questa né chon facimento di tanto danno. E anchora p[i]ù <cell[a]i111> di botti a[n]darono a ghallo in borgho d’Elsa e simile in Timignano e fra gli altri tochò a Gionetto con gran dano innell’abergho della Chorona in sulla piaza al ponte, il quale albergho ogi è di Zanobi di Co<neo>.

[2] – Francesco de Tommaso Giovanni, ASF, Carte Strozziane, II s., 16 bis, fo 17r112 :

Terremuoti

Ricordo che venerdì notte a dì 28 di settembre 1453, vegnente il sabato, in fra 5 o 6 hore, venne jo terremuoto immenssissimo, et durò ⅓ hora così grande, avvenga che il tremito durassi poi assai. Di poi ne venne un altro et dimostrò in principio dover essere grandissimo, ma finì presto, et così in quella notte ne venne assai. Di poi, sabato a dì 29, a hora di vespro, ne venne jo et così la notte seghuente ne vennon tre, et molti tuoni terribili, et domenica notte ne venne jo o 2 picoli. Caddon la prima notte infiniti camini et merli, et in Santa Liperata caddon priete da alto, et apersesi certa volta, et così in molte abitationi in Firençe et in contado ebbon grande pericolo et danno di ruine. Dicesi in Firençe essere cascati più che 5m camini.

La prima notte di subito uscivano le persone la più parte delle case, et donne et fanciulle in camicia et scalçi, usciti de’ letti, et spauriti fugivan alle piaçe et agl’orti, et così si fecion poi le stançe per le piaze et orti con trabache et panni dove stavan la notte, et durò più giorni.

In contado caddon chiese et molte case et poche case furon che non si dannificassino, poco o assai. Moriron più persone et maxime in contado. Caddono in più luoghi de’ merli et muri della città. Commossesi tutto il popolo a divotione et tremore, et fecionsi 4 dì processioni con popoli innumerabile di donne et huomini. Et commossonsi certi popoli di persone manuali col prete del popolo, andavan la notte a processione, donne et huomini, cantando laude, et andavan a Santa Trinita dicendo non poter perire quello dì chiunque v’entrava, et con torchi et lumi andavan per la terra. Et seghuiron poi altri popoli de’ magiori, in modo che di dì et di notte vi fu grandissimo concorso di tutto il popolo, sperando non poter perire chi v’entrava.

Avendo poi notitia l’arcivescovo che ja notte molte processioni v’andavan, uscì fuori et riscontrandoli comandò a pena di scomunica che non vi s’andassi di notte, et così restorno l’andarvi a processione; ma in disparte moltissimi v’andavano etc., in modo che grande profitto si disse esser pervenuto alla chiesa.

Sabato sera et domenica mattina, a dì 27 et 28 d’ottobre, vennono più tremuoti grandi et spaventevoli, et così prima et poi ne venne assai, et a molti pareva che quasi del continuo la terra tremassi, ma più ja volta che ja altra, benché non facessi il romore de’ tremuoti. Giovedì notte a dì 8 di novembre venne più tremuoti, ma j grande con romore et tremito forte. Così bastò poi molti dì, che se ne sentiron alcuni.

Ridussonsi molti a penitentia et a confessioni et divotioni, huomini et donne, perché paura guarda vigna; passato il dubbio adio bell’oste etc.

Di poi di magio 1454 ne vennono alchuni.

[3] – Giovanni de Jacopo des Pigli, BNCF, II, iv, 128, fo 104rv113 :

Nota de’ tremuoti suti nella ciptà di Firenze l’anno mccccoliij

Insino l’anno mille quatrocento cinquantatré a dì xxviij di settembre, la notte tra lle cinque ore e lle sei vegnente dì xxviiij, venne nella ciptà di Firenze uno tremuoto grandissimo, et per molti si disse che llo scrollamento d’edifichi bastò quanto si penerebbe a dire una avemaria, ma sechondo <me Giovanni di Jacopo Pigli> non durò tanto, perché credo che pochi edifici si difenderebono a rimanere im piede bastando tanto, ma quello si sia, e’ fu terribilissimo, in forma che più chamini per la terra chascherono. E al Bangno a Ripoli, cioè al luogho de’ figluoli di Cino di meser Francesco Rinucini chadde parte d’una torre e altri edifici in modo fecie loro grandissimo danno. In Chamerata, i·luogho fu di Chimento di Stefano allato al luogho di Bartolo di Domenicho Chorssi, chaschò parte d’esso. Et chosì in molti luoghi intornno alla terra fecie moltissimi danni, a chi pochi e a chi assai. E alchuni fanciugli in Chamerata morirono.

Et di poi a dì ** d’ottobre ne venne uno altro circha a una ora di notte, ma non fu sì grande. Et chosì tra dì 29 di settembre al sopradetto ne venne molti picholi in modo che per molti si feciono allogiamenti fuori della chasa, cioè nella terra in sulle piaze et di fuori per chanpi e per gl’orti ; fu una chosa molto spaventevole, et d’averne grandissimo tremore. Chaddono più pietre delle volte di Santa Liperata, cioè degli spigholi della nave lungho la chanonicha de’ preti, et molti altri edifici di chiese aprirono, ma nessuno ne chaschò afatto, che fu tenuto grandissimo miracholo sendo tanto grande; ora Idio per sua grazia gli cessò. Andavasi a procissione la notte per la terra e massime que’ poveri huomini di Chamaldoli et da San Piero Ghattolini, in forma era chommossa la giente a questo fare che chonvenne che per chomandamento di monsignore l’arciveschovo si restassi che per ventura vi si sarebbe più fatto di male che bene sendo chontinuata tale gita. Bastò questo giudicio di Dio, che altrimenti chiamare non si può, circha a mesi due, che ongni giorno et simile la notte qualche pocho di triemito ti pareva la terra faciesse. Et credo tutto fosse perché noi ci ravedessimo de’ nostri errori, della [fo 104v] quale chosa niente s’è fatto; or pure Idio non righuardò alle nostre iniquità, et per lla sua grazia infinita cessò tale influenzia. Fécesone molte prediche, et massime per maestro Ghuiglelmo Bechi dell’ordine di Santo Aghostino, huomo di grandissima scienzia quanto ne sia uno altro nel loro ordine, in volere dimostrare perché venivano et donde prociedeva; e sopra ciò scrisse molto eleghante mente, in modo che per diverse parti tale oppinione fu mandata in scrittis. Non credo però agiugnesse al vero, perché mi do a intendere che i suoi segreti, cioè Idio, a nnoi pechatori, per scienzia che abiamo, gli tengha ochulti. Amen.

[4] – Francesco de Tommaso Giovanni, ASF, Carte strozziane, II serie, 16 bis, fo 23r :

Ruina e Tempesta mai simile veduta

Ricordo che lunedì a dì 23 d’agosto 1456, la mattina per tempo si mosse di verso Volterra ja ruina e tempesta di vento che mai si ricorda era stata simile, e passò da Lucardo et a San Casciano a Santa Maria Impruneta a San <Giersale114>, al Ponte a Ema in Pian di Ripoli da casa Giacomini e da me et Piero di Jacopo Ardinghelli et Tomaso Sachetti et parte di Lorenzo di Larione et passò Arno a Santo Andrea et salì a Santo Chimento e passò l’Alpe; dissesi che tenne dall’un mare al’altro et per largheça poco più d’jo miglo et dove meno. Fé rovinare torri et palagi et infinite case, maxime da san Casciano in qua. Il palagio di Giacomino rovinò afatto. A noi levò dal tetto in su. Levò tetti interi et capanne et trasportògli in varii luoghi. Divelse querci et noci et ogn’albero quanto magiore era. Le pergole afatto per terra e le vite vechie speçò quasi afatto. La pergola mia della via et quella de’ pilastri del’orto tutte per terra frachasate. Et solo nel podere magiore divelse et fracassò alberi 200, tra grandi et picoli, così gli contamo. Et nel podere dell’abituro et nell’orto, frutti 60 o circa. Morirono sotto case et alberi molte persone et assai rimasono storpiati, et così molte bestie. E ’l cielo pareva aperto, et per chi era vicino dove passava detta tempesta, tutti gl’ucelli fugivan in grande multitudine, et dove fu; non fu altro che vento terribile in Firenze et in altri luoghi, fu aqua et grandine terribile. Piaque a Dio che passò quasi in jo momento perché se bastava, niente restava sopra la terra. Fece cose sì incredibili che dipoi bastò molti dì che in Piano et insino a San Casciano et in varii paesi, andò l’arcivescovo et infinite persone per vedere e miracoli avea fatti. Ecci assai opinioni che fussi opera preternaturale et per arte diabolica. Altri dicono força di venti contrarii etc.115.

[5] – Giovanni de Jacopo des Pigli, BNCF, II, iv, 128, fo 96r-99r :

Nota d’una mirabile fortuna suta nel mille quatrociento cinquantasei, cominciata in Valdelsa

Ad perpetua memoria e per dare notizia a quelli che dopo noi verranno d’une mirabile fortuna suta a dì xxij d’aghosto, cioè domenicha vegnente il lunedì, la mattina in su l’alba, nelle parti di Valdelsa, di là da Luchardo, che venne a essere a dì xxiij d’aghosto mille quatrociento cinquantasei116; aparvono grande numero di nuvoli neri, et passorono da San Chasciano, et verso Santa Maria Inpruneta, e dal Ponte a Ema, et in Piano di Ripoli, et passorono Arno verso Settignano, et da Vincigliata et pocho più là si vennono a chonsumare e spegnere, che fu uno chammino di circha a venti miglia, et per largheza circha a due terzi di miglo; i quali nuvoli erano nerissimi et schuri; andavano bassi sopra la terra circha a venti braccia, conbattendo l’uno contro all’altro, a modo di zufa et battaglia, facevano uno romore grandissimo e terribile, pauroso et spaventevole. La forza loro era mirabile, altrimenti che di vento, più tosto si può assimiglare alla forza d’una bombarda, et per alchuno si vuole dire fosse grande quantità̀ di materia et vapori, di spezie di saetta, come chomprendere si può per chasi et danni ochorssi, come si narrerà qui da piè; balenava molto spesso, che quasi mai restava; pochi tuoni et alchuni granelli di gragnuola grossisima. Alle quali chose si può prestare pienissima fede perché tutte le chose fieno qui scritte furono ite personalmente a vedere per gli nobili huomini Bartolomeo di Jacopo Ridolfi, huomo di tanta fede quanto uno altro nella nostra terra sia, il quale tutti gl’onori della nostra Republicha à esercitati, non lasciandone alchuno; et meritamente perché de’ pari suoi di rado si truova, con senno naturale e con bontà im modo tale [fo 96v] che de’ ciento compromessi tra i litighanti si fanno, nel suo giudicio ne venghono la magior parte, o per terzo dato dalle parti o dalla signoria, o da qualunque altro uficio, dove le diferenzie dipendono chosì di merchatantia come di qualunque altro chaso. Et per Giovanni di Paolo di messere Paolo Rucellai, huomo degnissimo et banchiere, et per Bartolomeo di Cederno Cederni, giovane di perfetto intelletto, i quali tutti a tre andorono a dì ** di detto mese in dette parti, e tutto uno giorno spesono a cerchare117 la maggiore parte di detto paese et chon ll’occhio vidono, e da huomini del paese dove i chasi furono sentirono le infrascritte chose. Et io Giovanni di Jacopo di Latino de’ Pigli da detto Bartolomeo n’ebbi una nota chom’apresso dirò, non mettendovi una silaba di mio la chopiai.

Nel chastello di Santo Chasciano schoperte gran numero di chase; et mandato intorn’a venticinque merlli delle mura di detto chastello; spichate le bandelle del ponte levatoio et portato via il ponte.

Il chasamento overo palagio de’ figluoli di Neri di messere Andrea Vettori che è presso a San Chasciano, fuori del chastello, chascato i tre quarti delle mura, tucti i palchi et volte et in alchuno luogho insino basso a fondamenti; solo la torre v’è restata che non ebbe danno se non di levare la choperta del tetto; et qui è da chonsiderare una chosa: che lle dette mura non sono chaschate tutte per uno verso chome sarebe stato o veramente seghuito se fosse stato forza di vento, ma chontrie l’una all’altra, quale da llevante et quale da ponente, quale da tramontana et quale da mezo dì; et uno pezo di muro dell’orto di circha a braccia quaranta lungho, mezo d’esso chaschato verso tramontana et ll’altra metà verso mezo dì; dell’amattonato del palcho della torre levatone parte [fo 97r] de’ mattoni in tre overo in quatro luoghi, dove dodici et dove quindici mattoni, e al resto della torre non n’à fatto alchuna novità; Antonio Vettori chon lla donna et i figluoli erano a dormire in detta torre et non ebbono alchuno manchamento; una sua schiava et uno suo fattore portorono gran pericholo; sono all’ospedale malati; morivi uno paio di buoi d’uno suo lavoratore; due travi del palcho di detto chasamento grossissime sute portate dalla fortuna inn uno fossato mezo miglio di lungi, più che i tre quarti degl’ulivi et altri frutti e quercie mandate per terra, quali dibarbati et quali spezati i pedali pel mezo, et lle viti delle vigne buona parte spezate et dibarbate, le chase de’ suoi lavoratori tutte per terra, et morti parechi di loro. Et infra gli altri una donna d’un suo lavoratore era nel letto chon due figluoli, da ogni lato uno, i figluoli morirono et ella champò, et gli alberi et i frutti dibarbati et spezati non tutti per uno verso ma118 l’uno chontro all’altro.

L’abituro di Luigi di messer Lorenzo Ridolfi in detto luogho chaschato una gran parte, circha alla metà, delle chase; e lle chase de’ lavoratori tutte per terra e frutti et alberi chome di sopra, et ismattonato parte d’uno palcho sanza in quello luogho fare altra novità.

L’abituro di Giovanni Borromei in detto luogho ebbe meno danno, pure sono chaschate parte delle mura e rotti e spezati parte de’ frutti et alberi.

De’ lavoratori del piovano della Pieve a Decimo apresso a San Chasciano n’erano quatro fuori di chasa in su ll’aia, furono levati di peso et portati alto da terra circha a braccia sei, et furono posti a pié di certi ciriegi inn una vigna di lungi braccia sessanta, da donde furono levati et uno d’essi andò più basso [fo 97v] che gli altri et fu perchosso in siepi di pruni per modo lo vedemo chon tutte le charni grafiate.

A uno chontadino morirono due figluoli, che chaschò loro la chasa adosso, et avendo tre figluoli et non ritrovando il terzo, stimava fosse male chapitato; il quale figluolo ritornò a chasa il lunedì sera; et disse ch’era suto portato per ll’aria in cierte machie overo siepi di pruni, di lungi bracci dugiento, et quivi era stato tutto il dì chome tramortito.

Un altro chontadino, sendo uscito di chasa chon uno paio di buoi a mano per andare a llavorare fu portato, lui et i buoi, da uno monte a uno altro, che v’è uno fossato in mezo più che due balestrate; et dice aversi veduto passare una quercia grossa sopra il chapo più che braccia venti alta; era cholle barbe.

Uno chavallaro, passando da San Caschiano, quando fu dirinpetto al luogho de’ Vettori sopradetto, fu di peso levato lui e ‘l cavallo dalla strada, et portato inn uno champo di lungi più di novanta braccia.

Uno melo grosso intero cholle barbe fu trovato in su il luogho di Giovanni Borromei, venuto di là da Pesa più che due miglia di lungi.

Uno sorbo119 grossissimo et molte quercie grosse sute sbarbate et portate di lungi mezo miglio dal luogho donde furono tratte, et di quelle di luoghi alti portate in luoghi bassi, et di quelle tratte de’ luoghi bassi portate ne’ luoghi alti.

Per lle strade et vie non si può chavalchare, per chagione della gran somma degli albori e frutti dibarbati e rotti et chaschati et bisogna andare pe’ champi.

Sonsi trovati morti per lle chase chaschate circha di venti persone, et molte bestie, cioè buoi, chavalli et asini, e pechore et gran numero d’ucciegli morti si trovarono, cioè cholonbi, starne, ghaze e moltissime passere, et altri ucciegli; et lepri assai.

[fo 98r] Per tutto il detto paese chaschato assai chase di chontadini et di parte levate giù le choperte di tetti, et in tutti i terreni dibarbati et tratti e due terzi de’ frutti et alberi, et parte delle viti delle vigne et chomunemente tutti i frutti chaschati l’uno chontro all’altro, et non per uno verso, chome si dice di sopra, et in alchuno luogho si trova l’uno champo avere ricevuto danno et l’altro non tocho di nulla, et alchuni champi di terra lavorati di frescho cho’ buoi, levata quella terra smossa circha a uno terzo braccio adentro, et portata via.

D’una chasa d’uno chontadino fu tratto per una finestra ferrata più moggia di grano ch’era in sul palcho, et lla chasa non ricevette altro manchamento, o pocho.

D’un’altra chasa d’uno chontadino chaschata fu levata d’in su il palcho una bugnola di grano di staia ventidue, et portata in uno champo di lungi braccia sessanta, et posto in terra sanza versarllo.

Un’altra chasa d’uno chontadino tagliata dal palcho in su tutta, che per ll’uno verso era braccia otto et per ll’altro braccia quindici, et di netto portata le mura et choperte del tetto dischosto braccia venti, sanza lasciare in sul palcho solo uno mattone o pietra o calcinaci.

Per l’aria si vedea per gl’uomini del paese gran numero di querciuoli, bronconi d’alberi et rami e frasche, et paglia et simili chose.

Uno tetto d’una chasa tutto levato intero, chol legname e choperte et portato inn uno champo di lungi dugiento braccia.

Ne’ luoghi bassi trovamo che à fatto peggio che120 ne’ luoghi schoperti, et simile nei luoghi che non aveva uscita.

[fo 98v] La chiesa di Santo Martino a Bagnuolo di nuovo murata da trenta anni in qua, le mura grosse braccia uno e mezo e braccia uno e quarto, chaschata circha a due terzi delle mura, e tutto il tetto, e ’l champanile insino a’ fondamenti, et di due champane che v’erano nel champanile dell’una fattone più che dugiento pezzi, l’altra portata in uno champo di lungi braccia cinquanta, era di peso di libbre quatrociento in circha. Il tabernacholo del chorpo di Christo chol121 chorpo di Cristo dentro, della detta chiesa suto trovato involto inn uno velo, in su una pietra grossa dal lato di sopra, ritto sanza alchuna machula. E il bossolo dell’olio santo che era di stagno anchora ritrovato sanza alchuno manchamento. Et i pilastregli dell’uscio della chiesa smossi e rivolti per l’altro verso122.

In detto popolo, trovamo chaschato uno chasamento di Santa Maria Nuova, et mortovi sotto quatro chontadini, et uno chantone d’una torre di grandissimo peso, portato braccia venticinque in trenta di lungi.

Trovamo molti poderi che per ciaschuno d’essi erano stati sbarbarti e rotti setteciento in ottociento et mille frutti domestichi tra ulivi, et fichi, noci, peri et meli, et simili.

Uno sughero grossissimo stato trovato in su l’Elsa, in luogho che non vi naschono più presso che miglia sei.

Il chasamento o vero palagio de’ figluoli di Tommaso di Giachomino di Ghoggio in Piano di Ripoli chaschato più che sette ottavi, et in certi luoghi, insino al pari della terra. Era frescho luogho, le mura saldissime sanza essere pelate, grosse braccio uno e quarto e braccio uno ½, chaschati tetti, palchi et volte; le lettiere e chasse ch’erano pélle chamere fattone migliaia di pezi, ghuaste le chopriture delle letta, choltrici et materasse, stampate lenzuola et tovaglie et ciò che v’era dentro [fo 99r] che è una chompassione a vedere choll’ochio; spezati et dibarbati gl’ulivi et altri frutti più che i·nessuno altro luogho, che de’ dieci non v’è ne rimaso uno im pié, che mai si vide o intese più crudele chosa.

Uno chontadino lavoratore di Giovanni di Bernardo Orllandini in detto luogho di Piano di Ripoli, suto portato per l’aria più che braccia cinquanta et dibatuto apresso, et lasciato chome morto.

L’abituro di Lorenzo di Larione de’ Bardi in detto paese di Piano di Ripoli ricevette alchuno danno ma non tropo, ma fra ll’altre chose dibarbato uno pero grossissimo chom’una quercia, et portatolo in sulla peschaia di Rovezano più che uno miglio di lungi.

Uno palcho d’una chasa amattonato di nuovo fu trovato tutto smattonato, et raghunati i mattoni insieme inn uno chanto, sanza avere fatto a resto della chasa altra novità.

In Mugiello verso Ronta si sono trovati bronchoni et rami d’ulivi et d’altri albori suti portati di lungi donde restò la fortuna circha a sei miglia.

[6] – Francesco de Tommaso Giovanni, ASF, Carte Strozziane, II serie, 16 bis, fo 22v :

Cometa et fuocho per aria

Ricordo che in calendi di giugno 1456 fu veduto aparire ja cometa con raçi grandi dinançi, et apare già più notte a hore 6 o circa, et dimostrasi sopra Fiesole et basta insino a dì. Bastò l’aparitione insino a dì ***.

A dì 14 di gugnio, cioè domenica notte a dì 13 a hore 2 ½ aparve in aria jo vapore grande, et lungo di fuoco isfavillante, et con tuoni grandissimi, et bastò circha ***.

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Notes

1 Sur ces sources, voir les synthèses de G. Ciappelli, « Family Books in Florence. Evolution and Involution of a Genre », dans Id., Memory, Family, and Self: Tuscan Family Books and Other European Egodocuments, Leyde / Boston, Brill, 2014, p. 12‑29 ; L. Pandimiglio, Famiglia e memoria a Firenze, 2 vol., Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 2010 et 2012 ; C. Cazalé-Bérard et C. Klapisch-Zuber, « Mémoire de soi et des autres dans les livres de famille italiens », Annales HSS, vol. 59, no 4, 2004, p. 805‑826 ; R. Mordenti, I libri di famiglia in Italia, vol. II, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 2001. Cet article se fonde sur le corpus de 150 livres constitué par É. Leclerc, Affaires de familles et affaires de la cité. La transmission d’une pensée politique dans les livres de famille florentins (xive-xve siècles), thèse de doctorat (sous la direction de J.‑C. Zancarini), ENS Lyon, 2013.

2 « Moi, Filigno de Conte de Médicis, voyant les infortunes passées en matière de guerres à l’intérieur et à l’extérieur de la cité, ainsi que les épidémies de peste, mortelles et désastreuses, que Dieu a envoyées sur terre et que l’on craint qu’il envoie, et les voyant proches de nous, je ferai mémoire des choses passées que vous qui resterez ou viendrez après moi pourriez, selon moi, avoir besoin de connaître, afin que vous les trouviez pour le cas où vous en auriez besoin. » (Filigno de Médicis, Libro di Memorie Libro di Memorie di Filigno de’ Medici, G. Biondi de’ Medici Tornaquinci (éd.), Florence, Studio per Edizioni Scelte, 1981, p. 5)

3 G. Ciappelli, « La memoria degli eventi storici nelle ricordanze private fiorentine (secc. XIII‑XV) », dans La memoria e la città, scritture storiche fra Medio Evo ed età moderna (Bologne et Saint‑Marin, 24‑27 mars 1993), Bologne, Il Nove, 1995, p. 142.

4 Sur l’articulation entre volonté de faire mémoire des choses notables (par l’écriture de l’histoire) et conviction de l’utilité de cette mémoire pour l’action présente et future (au nom des « effets » durables de ces choses) entre le xive et le xvie siècles, voir J.‑C. Zancarini, « La politisation de la mémoire : les “choses dignes de mémoire” chez Machiavel et Francesco Guicciardini », dans D. de Courcelles (dir.), Mémoire et subjectivité (xive-xviie siècle) : l’entrelacement de memoria, fama, et historia, Paris, Publications de l’École nationale des chartes, 2006, p. 41‑50, <https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/books.enc.725>.

5 Sur la façon dont le problème se pose pour la période médiévale, voir T. Labbé, Les catastrophes naturelles au Moyen Âge, Paris, CNRS Éditions, 2017 ; G. Schenk, « Dis‑astri. Modelli interpretativi delle calamità naturali dal Medioevo al Rinascimento », dans M. Matheus, G. Piccinni, G. Pinto et G. M. Varanini (dir.), Le calamità ambientali nel tardo medioevo: realtà, percezioni, reazioni, Florence, Florence University Press, 2010, p. 23‑75 et « Historical Disaster Research. State of Research, Concepts, Methods and Case studies », Historical Disaster Research, vol. 32, no 3, 2007, p. 9‑31. Les rares occurrences de disastro et calamità du corpus confirment cette non‑évidence : G. Morelli emploie disastro trois fois, pour parler de l’humeur des femmes, d’ennuis financiers et des déboires du seigneur de Lucques (G. Morelli, Ricordi, dans V. Branca (éd.), Mercanti scrittori, Milan, Rusconi, 1986) au sens de « Incomodità, Sconcio. Quasi Influenza di mal astro » (dictionnaire Tommaseo). Giovanni Rucellai emploie l’adjectif calamitose pour qualifier négativement le caractère de certaines personnes (G. Rucellai, Zibaldone, G. Battista (éd.), Florence, SISMEL, 2013, p. 63). Les termes ruina ou rovina sont plus largement employés, pour signifier une chute ou une destruction qui peut résulter d’une catastrophe ou de changements de rapports de force politiques, à côté du très générique danno/dannoso (qui désigne souvent, jusqu’à la fin du xve siècle, par métonymie, les phénomènes naturels extrêmes mais aussi des guerres ou des crises économiques ; cf. G. Schenk, « Dis‑astri », art. cité, p. 44).

6 G. Schenk, « Dis‑astri », art. cité, p. 65.

7 Ibid., p. 66. Cette notion explique la présence dans ces sous-ensembles de phénomènes qui ne nuisent pas à l’homme, comme les comètes ou les bonnes récoltes (cf. aussi T. Labbé, Les catastrophes naturelles au Moyen Âge, ouvr. cité, p. 21‑22, p. 31‑32 et p. 41).

8 Ibid., p. 16.

9 Ibid., p. 202, pour l’idée d’adaptation à l’imprévu et de « seuil de tolérance événementielle ».

10 G. Alfano et L. Baggioni, « Décrire le désastre », Laboratoire italien, no 29, 2022, <https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/laboratoireitalien.9060>.

11 Les chroniques occidentales sont la source privilégiée de T. Labbé (Les catastrophes naturelles au Moyen Âge, ouvr. cité). Sur le succès de la chronique de G. Villani dans les milieux socio-culturels intermédiaires et supérieurs à Florence au xve siècle, voir C. Bec, Les livres des Florentins (1413‑1608), Florence, Olschki, 1984.

12 Ont été exclus du périmètre étudié : les incendies (perçus tantôt comme une manifestation extrême de la nature, tantôt comme un dommage causé intentionnellement par l’être humain, d’après M. Matheus, « L’uomo di fronte alle calamità ambientali », dans M. Matheus, G. Piccinni, G. Pinto et G. M. Varanini (dir.), Le calamità ambientali nel tardo medioevo, ouvr. cité, p. 6) et les guerres et autres conflits (en nous appuyant sur la typologie de G. Ciappelli, La memoria degli eventi storici, ouvr. cité, p. 142). Les références aux intempéries (pluies, chutes de neige, crues sans inondation) n’ont pas été décomptées, mais constituent un point de comparaison pour l’analyse (cf. infra).

13 Ibid., p. 141.

14 D. Velluti, Cronica di Firenze di Donato Velluti, dall’anno MCCC in circa all’anno MCCCLXX, D. M. Manni (éd.), Florence, Manni, 1731, p. 63.

15 G. Dati, Libro segreto, dans L. Pandimiglio (éd.), I libri di famiglia e il Libro segreto di Goro Dati, Alexandrie, Edizioni dell’Orso, 2006, p. 95.

16 A. et F. Baldovinetti, Ricordanze, dans G. Corti (éd.), « Le ricordanze trecentesche di Francesco e Alessio Baldovinetti », Archivio storico italiano, vol. 112, no 1, 1954, p. 120‑121, amendé avec G. Schenk, « “Prima ci fu la cagione de la male providenza dei Fiorentini…” Disaster and “Life-World” — Reactions in the Commune of Florence to the Flood of November 1333 », The Medieval History Journal, no 10, 2007, p. 377‑379 ; Simone della Tosa, Annali, dans D. Manni (éd.), Cronichette antiche, Florence, Manni, 1733, p. 165.

17 L. Pacini, infra, annexes documentaires [1] ; Bartolomeo del Corazza, Diario fiorentino (1405‑1439), R. Gentile (éd.), Rome, De Rubeis, 1991, p. 30. Voir F. Salvestrini, Libera città su fiume regale, Florence, Nardini, 2005 et Id., « Le inondazioni a Firenze e nella valle dell’Arno dal XII al XVI secolo », dans C. Bianca et F. Salvestrini (dir.), L’acqua nemica. Fiumi, inondazioni e città storiche dall’antichità al contemporaneo, Spolète, CISAM, 2017, p. 31‑60 ; A. Piombino, « I fiumi e i colli nella storia della città di Firenze », dans S. Nisio (dir.), Giornate di Geologia & Storia, vol. 109, ISPRA, 2022, p. 203‑212, <www.isprambiente.gov.it/public_files/Volume109.pdf> ; E. Caporali, M. Rinaldi et N. Casagli, « The Arno River Floods », Giornale di Geologia Applicata, vol. 1, 2005, p. 177‑192, <www.aigaa.org/public/GGA.2005-01.0-18.0018.pdf> ; F. Morozzi, Dello stato antico e moderno del fiume Arno e delle cause delle sue inondazioni, vol. I, Florence, Stecchi, 1762. Après deux grandes inondations en 1177 et 1269, Florence aurait connu 8 inondations d’intensité exceptionnelle (en 1333, 1547, 1557, 1589, 1740, 1758, 1844 et 1966). Entre 1300 et 1480, il y a eu 1 épisode exceptionnel (1333), 5 importants (1334, 1345, 1380, 1456, 1465) et 7 mineurs (1303, 1305, 1362, 1368, 1378, 1406, 1434).

18 En 1325, 1345, 1384, 1399, 1414, 1433, 1453, 1469. Voir E. Guidoboni et al., CFTI5Med, Catalogo dei Forti Terremoti in Italia (461 a.C.-1997) e nell’area Mediterranea (760 a.C.-1500), Istituto Nazionale di Geofisica e Vulcanologia, 2018, <https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.6092/ingv.it-cfti5> ; V. Castelli et al., Revisione di principali terremoti d’interesse per il territorio toscano, vol. 1 : 1000‑1731, Milan, CNR, 1996 ; V. Doutreleau, « Les tremblements de terre italiens du xiiie au xve siècle », dans B. Bennassar (dir.), Les catastrophes naturelles dans l’Europe médiévale et moderne, Actes des XVe journées internationales d’histoire de l’Abbaye de Flaran (1993), Toulouse, Presses universitaires du Midi, 1996, p. 223‑232. Les secousses de 1384 sont relatées par Naddo de Montecatini, Memorie storiche da un libro di ricordi scritto da Naddo di ser Nepo di ser Galo da Montecatini di Valdiniveole cittadino Fiorentino. Dall’anno 1374 all’anno 1398, I. di San Luigi (éd.), dans Delizie degli eruditi toscani, t. XVIII, Florence, Cambiagi, 1784, p. 66‑67 ; celles de 1414 par G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 164 et Bartolomeo del Corazza, Diario fiorentino (1405‑1439), ouvr. cité, p. 2930 ; et celles de 1453 par G. Chellini, Le ricordanze di Giovanni Chellini da San Miniato, medico, mercante e umanista (1425‑1457), M. T. Sillano (éd.), Milan, Franco Angeli, 1984, p. 195‑196, G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 173, F. Giovanni, infra, annexes documentaires [2], G. Pigli, infra, annexes documentaires [3]. D’après le CFTI5, les séismes de 1325 et 1345 sont mentionnés par G. Villani (et le second par Marchionne di Coppo Stefani, avec quelques variantes) ; le séisme de 1469 est rapporté par plusieurs Prioristi.

19 G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 175‑180 ; G. Pigli, BNCF, II, iv, 128, fo 105v‑106r.

20 G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 131‑135 et p. 175 ; F. Giovanni, infra, annexes documentaires [4] ; G. Pigli, infra, annexes documentaires [5].

21 S. Della Tosa, Annali, ouvr. cité, p. 167‑168 (1340) ; Naddo de Montecatini, Memorie, ouvr. cité, p. 1‑2 (1374) et p. 106 (1389).

22 Naddo de Montecatini, Memorie, ouvr. cité, p. 81 (éclipse solaire, 1386) ; Bartolomeo del Corazza, Diario fiorentino, ouvr. cité, p. 33 (éclipse lunaire, 1421) ; F. Giovanni, infra, annexes documentaires [6] (comète, 1456).

23 Avant 1480, Florence a été frappée par la peste en 1348, 1363, 1374, 1383, 1390, 1400, 1411, 1417, 1423‑1424, 1430, 1437, 1449‑1450, 1457 et 1479 (dates issues du croisement des données de J.‑N. Biraben, Les hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens, vol. I, Paris / La Haye, Mouton, 1975, p. 394‑396 et de D. Herlihy et C. Klapisch-Zuber, Les Toscans et leurs familles, Paris, EHESS, 1978, p. 191). Sur l’épidémie mortelle de 1340 et ses liens avec la famine, voir É. Carpentier, Une ville devant la peste. Orvieto et la peste noire de 1348, Paris, SEVPEN, 1962, p. 1081. Les notices concernant les épidémies de peste sont concentrées chez G. Morelli, Ricordi, ouvr. cité, p. 207‑214 (1348), p. 216 (1363), p. 220 (1374), p. 248 (1400) ; Naddo da Montecatini, Memorie, ouvr. cité, p. 1 (1374), p. 61, p. 64‑66 (1383) ; G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 58‑61 (1348, 1400, 1411, 1417, 1423, 1430, 1437‑1438, 1449‑1450, 1457) et M. Corsini, Ricordanze, A. Petrucci (éd.), Rome, ISIME, 1965, p. 146 (1450). Plusieurs autres scripteurs font mention des ravages causés par la peste dans des notices à caractère familial (cf. infra).

24 D. Velluti, Cronica, ouvr. cité, p. 53 ; Bartolomeo del Corazza, Diario fiorentino, ouvr. cité, p. 29 ; à cela s’ajoute une mention de G. Corsini, Ricordanze, ouvr. cité, p. 138.

25 Infra, annexes documentaires [1] ; P. Senesi, « Un uomo d’affari del XV secolo: Lapo di Pacino da Castelfiorentino », Rivista di storia dell’agricoltura, vol. 37, no 2, 1997, p. 3‑26.

26 Simone della Tosa, Annali, ouvr. cité, p. 167‑168. À titre de comparaison, G. Villani y voit une punition divine et mentionne tant les signes célestes qui auraient accompagné ces calamités que les processions propitiatoires organisées (Nuova Cronica, G. Porta (éd.), vol. III, Parme, Guanda, 1991, p. 225‑228).

27 L. Salimbeni, Libro proprio, dans R. Signorini, Alle origini di una famiglia patrizia. Il libro di ricordanze di Leonardo di Bartolino di Salimbene, Tesi di laurea, Università di Firenze, 1996, p. 298 et N. Monachi, Quaterno propia facta, G. Donfrancesco (éd.), Tesi di laurea, Università di Firenze, 1994, p. 136.

28 Naddo de Montecatini, Memorie, ouvr. cité, p. 106.

29 Ibid., p. 120. On retrouve l’articulation guerre-cherté-famine chez Velluti, qui évoque la campagne militaire de l’empereur en Lombardie en 1368, mise à mal par les intempéries et la disette (Cronica, ouvr. cité, p. 116, p. 119), et chez Morelli, qui rapporte l’arrêt de la campagne de Ladislas en mars 1409 à cause des intempéries (Ricordi, ouvr. cité, p. 331).

30 Cf. C. Bec, Les marchands écrivains à Florence (1375‑1434), Paris / La Haye, Mouton, 1967, p. 301‑330, pour l’articulation entre Fortuna, Ragione et Prudenza.

31 Bartolomeo del Corazza, Diario fiorentino, ouvr. cité, p. 30.

32 Sur l’inondation de 1333, voir T. Labbé, « La catastrophe comme objet de gouvernement : le développement de la notion de “calamité publique” dans la pensée politique en France et en Italie (xve-xvie siècle) », Laboratoire italien, no 29, 2022, <https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/laboratoireitalien.9200> ; J. Rabiot, Écrire, comprendre et expliquer l’histoire de son temps au xive siècle : étude des livres XI à XIII de la Nuova Cronica de Giovanni Villani, Montpellier, Presses universitaires de la Méditerranée, 2018, en particulier p. 133‑142, p. 393‑408 ; F. Salvestrini, « L’Arno e l’alluvione fiorentina del 1333 », dans M. Matheus et al., Le calamità ambientali, ouvr. cité, p. 231‑256 ; G. Schenk, « “Prima ci fu la cagione de la male providenza dei Fiorentini…” », art. cité, et « L’alluvione del 1333. Discorsi supra un disastro naturale nella Firenze medievale », Medioevo et Rinascimento, vol. 21, no 18, 2007, p. 27‑54 ; L. Moulinier et O. Redon, « L’inondation de 1333 à Florence : récit et hypothèse de Giovanni Villani », Médiévales, no 36, 1999, p. 91‑104 ; G. Ortalli, « “Corso di natura” o “giudizio di Dio”. Sensibilità collettiva ed eventi naturali, a proposito del diluvio fiorentino del 1333 », dans Id., Lupi genti culture. Uomo e ambiente nel medioevo, Turin, Einaudi, 1997 (1979), p. 155‑188. Après avoir marqué une pause dans la rédaction de son ouvrage pour le réviser, Villani choisit d’ouvrir le XIIe livre (selon l’édition Porta) sur le récit de l’inondation, ce qui renforce son statut de charnière temporelle (Nuova cronica, ouvr. cité, vol. 3, p. 1‑42). Sur la rédaction de la chronique, et le statut particulier de ce récit, voir G. Porta, « L’urgenza della memoria storica », dans E. Malato (dir.), Storia della letteratura italiana, vol. II, Rome, Salerno, 1995, p. 176 et J. Rabiot, Écrire, comprendre et expliquer l’histoire de son temps au xive siècle, ouvr. cité, p. 42, p. 44, p. 84‑85.

33 P. Senesi, « Un uomo d’affari del XV secolo », art. cité, p. 25.

34 T. Labbé, Les catastrophes naturelles au Moyen Âge, ouvr. cité, p. 128‑129.

35 G. Villani met ainsi en lien des comètes avec les épidémies de 1340 et 1348, et une éclipse de soleil avec l’inondation de 1333, cf. G. Villani, Nuova cronica, ouvr. cité, vol. III, p. 13 (1333), p. 211 et 225 (1340), p. 561‑566 (1348). Ce type d’interprétation est explicite aussi chez D. Compagni (par exemple Cronica, II, 19). Sur l’interprétation de l’histoire à la lumière des phénomènes célestes et astraux, voir J. Rabiot, Écrire, comprendre et expliquer l’histoire de son temps au xive siècle, ouvr. cité.

36 Cf. supra, note 22.

37 Infra, annexes documentaires [6].

38 Au folio précédent (fo 21r), le scripteur relate les processions organisées en octobre 1455 pour implorer l’aide de Dieu « contre le Turc » (« contro al turco »).

39 Il met explicitement en relation la comète et les événements « au levant et en Italie » (« nella parte di Levante et in Italya » (P. Petriboni et M. Rinaldi, Priorista (1407–1459) with Two Appendices (1282–1406), G. Battista et J. A. Gutwirth (éds), Rome, Edizioni di storia e letteratura, 2001, p. 425).

40 Sur ce débat et ses échos en dehors de Florence, cf. G. Schenk, « “Prima ci fu la cagione de la male providenza dei Fiorentini…” », art. cité, p. 367.

41 La mention de la crue de l’Arno de 1406 qu’on trouve sous la plume de Nofri delle Riformagioni confirme la lecture naturaliste de ce phénomène, qui n’est pas considéré comme catastrophique : les dégâts causés par la montée des eaux et la force du courant sont envisagés dans une optique militaire, les Pisans les ayant utilisés pour forcer le blocus des Florentins (Cronaca, dans G. O. Corazzini (éd.), L’assedio di Pisa, Florence, Diligenti, 1885, p. 55). Quand il rapporte la crue de l’Arno en 1385 suite à de fortes pluies, Naddo de Montecatini ne fait pas plus état d’une lecture catastrophique (Memorie, ouvr. cité, p. 80).

42 Infra, annexes documentaires [4].

43 Infra, annexes documentaires [5], spec. fo 98v et Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 131‑135 et p. 175.

44 G. Chellini, Le ricordanze, ouvr. cité, p. 195‑196.

45 Infra, annexes documentaires [2].

46 Infra, annexes documentaires [3].

47 G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 175‑177. Paolo Rucellai mentionne dans sa première lettre que des reliques ont été miraculeusement épargnées et dans la seconde, que nombre d’habitants ont pris la fuite (p. 178 et p. 180).

48 B. Figliuolo, « I terremoti in Italia », dans M. Matheus et al., Le calamità ambientali, ouvr. cité, p. 325.

49 Ibid., p. 326. Selon lui, le climat spirituel aurait changé au xive siècle (comme en témoignerait le traitement du tremblement de terre de 1348 par Villani), puis à nouveau au milieu du xve siècle (avant de s’inverser encore cent ans plus tard) ; les narrations du tremblement de terre napolitain de 1456 redeviendraient ainsi plus paisibles et plus objectives, et l’événement ne serait plus lu comme un signe divin ou apocalyptique (ibid., p. 330). Les récits de tremblement de terre du corpus semblent en décalage avec ce constat, puisqu’il est bien question de jugement divin. À propos du climat spirituel florentin des xive et xve siècles, voir notamment les travaux de R. Rusconi, L’attesa della fine. Crisi della società, profezia ed apocalisse in Italia al tempo del grande scisma d’Occidente (1378‑1417), Rome, ISIME, 1979 ; Id., Predicazione e vita religiosa nella società italiana. Da Carlo Magno alla Controriforma, Turin, Loescher, 1981 ; Z. Zafarana, Per la storia religiosa di Firenze nel Quattrocento (1968), dans Ead., Da Gregorio VII a Bernardino da Siena. Saggi di storia medievale, O. Capitani et al. (éds), Spolète, CISAM, 1991, p. 279‑377 ; E. Conti, A. Guidotti et R. Lunardi, La civiltà fiorentina del Quattrocento, L. De Angelis et al. (dir.), Florence, Vallecchi, 1993, p. 247‑249.

50 Selon V. Mazzoni, cela démontrerait ses liens avec la « culture paysanne » (V. Mazzoni, « Naddo di ser Nepo da Montecatini », Dizionario Biografico degli Italiani, vol. 77, 2012, <https://www.treccani.it/enciclopedia/naddo-di-ser-nepo-da-montecatini_%28Dizionario-Biografico%29/>). À partir de 1367, Naddo se dit « citoyen de Florence », même s’il conserve des liens étroits avec Montecatini (ibid.).

51 Naddo de Montecatini, Memorie, ouvr. cité, p. 62.

52 Ibid., p. 64‑65 : « Note que ladite année, il a plu en avril, et encore plus en mai […] jusqu’au 22, il a plu des cordes ; et le 22 dudit mois une procession a été organisée avec tout le clergé régulier et séculier, et le 23 aussi. Le dimanche 24, le jour de la Saint-Zénobe, et le lundi 25, une très grande procession a été organisée, et l’image de la Madone de l’Impruneta a été apportée à Florence, précédée de toutes les reliques des saints de Florence et de son arrière-pays, et plus de douze mille chrétiens y sont allés. […] La population qui y a assisté était innombrable, et elle l’a priée avec une grande dévotion afin qu’elle intercède auprès de son fils bien‑aimé, à savoir Jésus‑Christ, pour qu’il garde cette cité et les autres du mal, et qu’il nous garde de l’épidémie mortelle, et de tout autre jugement funeste, que l’on craignait alors fortement à Florence, de même que l’épidémie mortelle. Ledit jour de la Saint-Zénobe, il a fait très beau jusqu’à none, puis le temps a commencé à se gâter, et quand on récitait les Vêpres à l’église Sainte-Réparate, il est tombé des cordes pendant bien une heure, voire davantage, et il y eut de grands coups de tonnerre. Pendant ledit mois de mai, l’épidémie mortelle a commencé à Florence, fauchant quarante personnes par jour, voire davantage, et il en alla de même au début du mois de juin. »

53 Alors que Bartolomeo del Corazza ne retient de l’épisode neigeux de janvier 1408 que les statues de neige qui ont orné la ville pendant plusieurs semaines (Diario fiorentino, ouvr. cité, p. 24), Morelli introduit la mention de ce phénomène au milieu du récit qu’il fait du passage du pape dans l’arrière-pays florentin, dans le cadre des tentatives de résolution du schisme (Ricordi, ouvr. cité, p. 326). Or une notice de juin 1410 semble confirmer que cette incise n’est pas fortuite, et que tout passage d’un puissant près de la Commune serait synonyme de dérèglements divers, y compris climatiques (ibid., p. 335).

54 Voir sur ce point A. Benvenuti, « Riti propiziatori e di espiazione », dans M. Matheus et al., Le calamità ambientali, ouvr. cité, p. 84‑86 ; R. Trexler, « Florentine Religious Experience: The Sacred Image », Studies in the Renaissance, vol. 19, 1972, p. 7‑41 ; G. Casotti, Memorie istoriche della miracolosa immagine di Maria Vergine dell’Impruneta, Florence, Manni, 1714. Selon Palermo, la procession est l’élément qui permet, chez les chroniqueurs du xive siècle, la conclusion du cycle catastrophique (famine ou épidémie) ouvert par l’apparition d’un signe céleste (« Carestie e cronisti nel Trecento: Roma e Firenza nel racconto dell’Anonimo e di Giovanni Villani », Archivio Storico Italiano, vol. 142, no 3, 1984, p. 353).

55 Naddo de Montecatini, Memorie, ouvr. cité, p. 98‑99 ; Bartolomeo del Corazza, Diario fiorentino, ouvr. cité, p. 35‑36.

56 Pour une synthèse de la question, voir P. Boucheron « La peste noire », cours au Collège de France, janvier-avril 2021, <www.college-de-france.fr/agenda/cours/la-peste-noire> et « Boccace, le survivant et la tyrannie de la mort », cours au collège de France, 16 janvier 2018, <www.college-de-france.fr/agenda/cours/fictions-politiques-2-nouvelles-de-la-tyrannie/boccace-le-survivant-et-la-tyrannie-de-la-mort>, qui cite entre autres les jalons qu’ont constitué les travaux de M. Meiss, É. Carpentier, J.‑N. Biraben, J. Delumeau ; ajoutons, pour l’aire toscane, M. S. Mazzi, « La peste a Firenze nel Quattrocento », dans R. Comba, G. Piccinni et G. Pinto (dir.), Strutture familiari, epidemie, migrazioni nell’Italia medievale, Naples, Edizioni Scientifiche Italiane, 1984, p. 91‑115 ; F. Carabellese, La peste del 1348 e le condizioni della sanità pubblica in Toscana, Rocca San Casciano, Capelli, 1897.

57 É. Carpentier, Une ville devant la peste, ouvr. cité, p. 100, p. 121. Dans les sources officielles, la peste n’est citée qu’une fois pendant l’épidémie, mais plus souvent comme motif des mesures adoptées après la fin de celle‑ci (p. 154) ; c’est alors qu’une interprétation religieuse du fléau (comme punition des péchés des hommes) se ferait jour (p. 155).

58 G. Ciappelli, « La memoria degli eventi storici », art. cité, p. 132. Les ravages de l’épidémie affleurent cependant quand l’écriture s’interrompt, ou que la génération suivante prend le relais : Ciappelli cite l’exemple de Leonardo Salimbeni, qui commence son livre à la mort de son père en juillet 1348. Au fil de ses ricordanze (ouvr. cité) on apprend que la « maudite épidémie » (fo 32r) a emporté une de ses filles et trois de ses fils en 1363, son épouse et l’un de ses fils en 1374, et qu’il a accordé un délai à ses travailleurs agricoles pour le paiement de leurs loyers en raison de la peste de 1363 et de la guerre contre Pise (fo 35r).

59 Dans le livre qu’il rédige à la fin de sa vie, le juge Donato Velluti propose d’abord une série de portraits des membres de la famille élargie, puis un récit de son parcours personnel, avant de revenir en conclusion aux affaires familiales, et en particulier sur ses mariages et sa descendance. Sur D. Velluti, voir C.‑M. de La Roncière, « Une famille florentine au xive siècle : les Velluti », dans G. Duby et J. Le Goff (dir.), Famille et parenté dans l’Occident médiéval, Rome, EFR, 1977, p. 227‑248 ; C. Klapisch-Zuber, La maison et le nom. Stratégies et rituels dans l’Italie de la Renaissance, Paris, EHESS, 1990 ; C. Gros, « La transmission des prénoms féminins dans une famille florentine du xive siècle, les Velluti », Italies, no 3, 1999, <https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/italies.2927> ; M. Schuller, Soi et les autres. Étude des relations familiales dans les écrits privés florentins des xivexve siècles, thèse de doctorat (sous la direction de M. Marietti), Université Paris 3, 2005 ; Ead., « Le corps obscur. Le corps au quotidien dans l’écriture privée, Florence, xivexve siècles », Arzanà, no 18, 2016, <https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/arzana.988>.

60 D’après le décompte de C. Gros, « La transmission des prénoms féminins dans une famille florentine du xive siècle, les Velluti », art. cité. Pour les morts de l’épidémie de 1340, voir D. Velluti, Cronica, ouvr. cité, p. 36, p. 44, p. 45, p. 52, p. 131 ; pour 1348, p. 15‑16, p. 22‑23, p. 25‑26, p. 30, p. 35‑43, p. 45, p. 47‑48, p. 53, p. 55, p. 57, p. 59‑62, p. 130‑133, p. 137‑138, p. 140 ; pour 1363, p. 21, p. 35, p. 40‑41, p. 56‑58, p. 61.

61 À de nombreuses reprises, l’épidémie sert de point de repère chronologique, par exemple p. 23 pour l’épidémie de 1340, p. 11 pour l’épidémie de 1348, p. 35 pour l’épidémie de 1363. Velluti utilise parfois des événements politiques comme borne temporelle (par exemple p. 44), ou des bornes plus personnelles, comme une vendetta (p. 27, p. 50).

62 La tournure récurrente est « sopravvenne la mortalità », « la mortalité survint » (ibid., p. 20, p. 25, p. 52, p. 56, p. 66‑67, p. 72).

63 M. Schuller, « Le corps obscur », art. cité, § 20.

64 « Morì di Luglio 1348, per la detta mortalità addì 14 », « Il mourut en juillet 1348, à cause de ladite épidémie mortelle, le 14 » (D. Velluti, Cronica, ouvr. cité, p. 140).

65 Ibid., p. 130.

66 Ibid., p. 64. Dans la même veine, son père serait mort en 1340 d’une « malattia di febbre », « maladie fébrile » (p. 41) qu’il aurait contractée suite à un choc thermique, en se rendant à un enterrement, en pleine épidémie. Velluti ne fait donc aucun lien entre l’épidémie et la maladie de son père (p. 52), pas plus qu’il ne mentionne la peste quand il décrit le second stade de la maladie que son fils aurait déclaré en juillet 1363, en pleine épidémie (p. 139‑140).

67 Ibid., p. 85.

68 Ibid., p. 86 et p. 106 (pour les conséquences indirectes de la peste sur la structure des organisations socio-professionnelles et politiques de la ville).

69 BNCF, II, iii, 280, fo 6v. Ce livre a été partiellement publié par D. M. Manni en 1731.

70 BNCF, II, iii, 280, fo 10r. Les notices suivent toutes ce modèle : « A die iiijo di dicenbre anno 1328, naque Andrea mio fratello. / Morìssi a dì ij d’agosto 348 » (« Le 4 décembre de l’an 1328, mon frère Andrea est né. Il est mort le 2 août 1348 »). Sur les 15 frères et sœurs, 3 sont encore en vie après 1348 ; 4 sont morts avant l’âge d’un an, 2 autres entre 3 et 4 ans, un autre à 19 ans.

71 P. d’Antonio di Lando degli Albizi, Libro d’avere e memorie, V. Buzzi (éd), Tesi di laurea, Università di Trieste, 2006, fo 35v. Sur le rebond de la nuptialité et de la natalité après la peste, cf. D. Herlihy et C. Klapisch-Zuber, Les Toscans et leurs familles, ouvr. cité, p. 194‑198.

72 G. Ciappelli, « Luca Firidoldi da Panzano », Dizionario biografico degli Italiani, vol. 48, 1997, <https://www.treccani.it/enciclopedia/firidolfi-da-panzano-luca_%28Dizionario-Biografico%29/>.

73 L. Da Panzano, Ricordanze, dans P. Berti (éd.), « Frammenti della Cronaca di Messer Luca di Totto da Panzano », Giornale storico degli Archivi toscani, vol. V, 1861, p. 68 et p. 72‑73 : la première est une mention succincte du décès d’Orsa, la seconde, plus détaillée, revient sur sa mort et celle de son mari, et la troisième sur les trois décès et décrit les symptômes caractéristiques de la peste bubonique.

74 Ibid., p. 69.

75 Sur la représentation de la peste dans le Décaméron, qui puise dans la littérature préexistante, cf. V. Branca, Boccaccio medievale, Florence, Sansoni, 1990, p. 381‑387 ; G. Getto, « La peste del Decameron e il problema della fonte lucreziana », Giornale storico della letteratura italiana, vol. 135, 1958, p. 507‑523 ; Morelli évoque Boccace au début de sa notice (Ricordi, ouvr. cité, p. 207), puis à propos de la contagion des porcs (ibid., p. 208‑209).

76 G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 59‑61 ; G. Morelli, Ricordi, ouvr. cité, p. 220, p. 248, p. 261.

77 La seule mention à la volonté divine concerne la conclusion de l’épidémie — vue comme un effet de la miséricorde divine — sans présumer des causes de la mortalità (Zibaldone, ouvr. cité, p. 59).

78 Le peu de processions propitiatoires mentionnées semble conforter cette hypothèse : on a vu chez Naddo de Montecatini que les processions de 1383 n’avaient pas la peste pour seul objet ; la procession évoquée par Matteo Corsini à l’occasion de la naissance de son fils en novembre 1450 (M. Corsini, Ricordanze, ouvr. cité, p. 146) a semble‑t‑il été organisée pour faire cesser les pluies (G. Casotti, Memorie istoriche, ouvr. cité, p. 124). P. Berche et S. Perez (Deux fléaux du Moyen Âge : la peste noire et la lèpre, dans Eid. (dir.), Pandémies. Des origines à la Covid‑19, Paris, Perrin, 2021, p. 73‑134) signalent la rareté des écrits théologiques abordant frontalement la question de la maladie, et affirment que, malgré les réactions dévotionnelles des populations, après « 1348, l’argument de la colère divine peinait malgré tout à convaincre les savants et on ne peut voir autre chose que des topoï littéraires dans les allusions de ce type ».

79 G. Monaldi, Diario, dans R. A. Martini (éd.), Istorie Pistolesi, ovvero delle cose avvenute in Toscana dall’anno MCCC al MCCCXLVIII, col Diario di G. Monaldi, Florence, Tartini e Franchi, 1733, p. 322 (1363), p. 332 (1374) ; D. Velluti, Cronica, ouvr. cité, p. 20 (1363) ; Naddo de Montecatini, Memorie, ouvr. cité, p. 64‑66 ; J. Salviati, Cronica o Memorie dal 1398 al 1411, I. di San Luigi (éd.), dans Delizie degli eruditi toscani, t. XVIII, 1784, p. 183‑184 ; B. Pitti, Ricordi, dans V. Branca (éd.), Mercanti scrittori, ouvr. cité, p. 415‑416, p. 446, p. 472, p. 499. Voir à ce sujet M. S. Mazzi, « La peste a Firenze nel Quattrocento », art. cité.

80 Cf. par exemple G. Morelli, Ricordi, ouvr. cité, p. 210 ; sur le regimen sanitatis en temps de peste, voir notamment J. Arrizabalaga, « Facing the Black Death: Perceptions and Reactions of University Medical Practitioners », dans L. Garcia-Ballester et al., Practical Medecine from Salerno to the Black Death, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 237‑288.

81 B. Machiavelli, Libro di ricordi, C. Olschki (éd.), Rome, Edizioni di storia e letteratura, 2007 (1954), p. 93‑95. Dans les ricordi qui suivent, il évoque les autres membres de la famille qui attrapèrent la peste durant l’été : l’intérêt se porte alors surtout sur leurs dispositions testamentaires (et leurs décès dans les jours qui suivent).

82 Cf. supra, note 24.

83 Sur la valeur du temps à l’époque, voir notamment le De familia de Leon Battista Alberti (dont Rucellai fut le mécène) et sa réécriture partielle (le Trattato del governo della famiglia) que Rucellai intègre à son Zibaldone dès 1457 (A. Perosa, Giovanni Rucellai ed il suo Zibaldone, vol. I, Londres, The Warburg Institute, 1960, p. 16‑17).

84 G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 5.

85 Ibid., p. xlvii, p. liiliii.

86 Voir à ce sujet A. Perosa, Giovanni Rucellai, ouvr. cité, p. xiii. G. Rucellai a ensuite fait faire des ajouts en 1464, puis ponctuellement dans les années qui ont suivi, jusqu’en 1476 (G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. xlv et p. lxvilxvii).

87 G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. lvi et p. 39‑49. Aux avis réunis en 1457, Rucellai ressent le besoin d’ajouter ensuite des compléments (ibid., p. 45‑149) dans les blancs du zibaldone vetus, ce qui indiquerait qu’il souhaitait renforcer les liens de ces notices avec le noyau du livre (ibid., p. lxvii). Ces ajouts (mais aussi les lettres sur le tremblement de terre et la description de l’ouragan) appartiennent selon Battista à la thématique de l’imprévu (caso), très prégnante chez Rucellai (ibid., p. lvi). Sur la Fortune chez Rucellai, voir T. Picquet, « La Fortuna. Giovanni Rucellai, Zibaldone quaresimale », Italies, no 9, 2005, p. 49‑70, <https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/italies.445>.

88 L’intérêt de Rucellai pour l’historiographie se manifeste en divers endroits de son livre : sous la forme de chroniques de son cru, puis par la copie d’une chronique anonyme, et des histoires de Buoninsegni et de Dati (G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. lv, p. lix et suiv.).

89 Ibid., p. 135‑138, p. 162‑180. La notice du tremblement de terre de 1453 semble avoir été, dans un premier temps, la dernière de la 2e chronique, puisque Rucellai saute alors une ligne et introduit une notice aux allures conclusives sur les quatre citoyens de son temps dignes de mémoire ; toutefois, en 1456, Rucellai « rouvre » la section avec l’élection de Calixte III, puis décrit synthétiquement l’ouragan de 1456, en renvoyant au récit détaillé effectué auparavant, avant de copier 3 lettres sur le tremblement de terre napolitain de 1456 et d’écrire une nouvelle conclusion (signalée par une manicula), qui reprend entre autres la mention des quatre citoyens dignes de mémoire.

90 Le livre de Rucellai s’inspire d’après Battista (ibid., p. xliv) d’une double tradition : les ricordanze et les zibaldoni (des anthologies culturelles personnelles).

91 « Nell’anno 1374 […] fu calende di Gennaio in Domenica. Fu nel detto anno mortalità di gente, e grandissimo caro di grano, e d’ogni altra biada quasi per tutto il mondo; fu caro di carne, d’olio, e quasi d’ogni altro bene, ed anco il vino non fu vile. La Pasqua di Surresso fu a’ dì due d’Aprile, e grandi guerre furono in detto anno » ; « En l’an 1374, […] les calendes de janvier tombèrent un dimanche. Ladite année, il y eut une épidémie mortelle, et le blé et toutes les autres céréales coûtèrent très cher dans le monde entier ; la viande et l’huile aussi furent chères, et presque toutes les autres denrées, et même le vin n’était pas donné. Pâques tomba le 2 avril, et ladite année il y eut de grandes guerres » (Naddo de Montecatini, Memorie, ouvr. cité, p. 1). Pour Filigno de Médicis, cf. supra.

92 « Et pour l’heure nous poursuivrons avec la mémoire de nombreuses choses advenues dans notre cité, qui vous seront profitables, pour savoir en parler, ou plutôt qui vous donneront de premiers éléments pour mieux entendre nombre de raisonnements que l’on tient sur les choses passées. » (G. Morelli, ouvr. cité, p. 207) Notons que ce paragraphe précède immédiatement la description de la peste de 1348.

93 Pour le concept de « civiltà della parola », cf. Z. Zafarana, La predicazione francescana (1981), dans Ead., Per la storia religiosa, ouvr. cité, p. 152, mais aussi, pour le versant politique, les études de E. Artifoni (notamment « L’éloquence politique dans les cités communales (xiiie siècle) », dans I. Heullant-Donat (dir.), Cultures italiennes (xiie-xve siècles), Paris Éditions du Cerf, 2000, p. 269‑296) et pour le Quattrocento, I. Taddei, La Prudence au pouvoir : Florence, xive-xve siècles, Paris, Classiques Garnier, 2022, en particulier p. 327‑366.

94 Par exemple infra, annexes documentaires [5] ; G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 175‑180.

95 Selon A. Perosa, le texte de Pigli dépendrait en réalité d’une première rédaction du compte rendu de Rucellai (Giovanni Rucellai, ouvr. cité, p. 163). Le texte du Zibaldone, sur lequel s’est fondé Rinaldi, correspondrait à une deuxième rédaction.

96 P. Petriboni et M. Rinaldi, Priorista, ouvr. cité, p. 427‑435. Dans cette notice, qui est la seule où il se nomme, Rinaldi synthétise parfois légèrement le récit de Rucellai — mais pas systématiquement — et saute la quasi-totalité du fo 58vB et l’intégralité du fo 59rA. Il précise que de nombreux Florentins sont allés constater les dégâts, en compagnie de l’archevêque (ce que ne mentionne pas Rucellai) et il est lui aussi très attentif à citer sa source (ibid., p. 60‑61).

97 Ibid., p. 433.

98 Ibid., p. 433‑435.

99 Infra, annexes documentaires [6] : « On peut accorder pleinement foi à ces choses parce que de nobles hommes ont été personnellement constater tout ce que j’ai écrit ici : Bartolomeo de Jacopo Ridolfi, l’homme le plus fiable qui soit dans notre ville, qui a exercé tous les honneurs de notre République sans en délaisser aucun ; et il l’a mérité, parce qu’on trouve rarement des gens comme lui, dotés de bon sens naturel et d’une telle bonté que sur cent arbitrages entre plaignants, on fait appel à son jugement pour plus de la moitié, en tant que tiers choisi par les parties, par la seigneurie ou par quelque autre magistrature, et à propos de différends qui concernent tant le commerce que n’importe quel autre cas. Et le banquier Giovanni de Paolo de messire Paolo Rucellai, un notable très respectable, et Bartolomeo de Cederno Cederni, un jeune homme à l’intelligence parfaite. Tous trois se sont rendus dans les environs le ** dudit mois, et ont passé toute une journée à sillonner une grande partie de ladite contrée, où ils ont vu de leurs yeux, et entendu des hommes du cru où se sont produits les cas et les choses écrites ci‑dessous. Et moi Giovanni de Jacopo de Latino des Pigli, j’ai reçu dudit Bartolomeo une note, comme je le dirai ensuite et je l’ai recopiée sans y ajouter une seule syllabe de mon cru. »

100 La première, adressée aux Prieurs, avait été envoyée le 8 décembre de Naples par Giannozzo Manetti, la deuxième, du même jour, lui avait été directement envoyée par son frère Paolo Rucellai, et la troisième, du 14 décembre, est également de Paolo (G. Rucellai, Zibaldone, ouvr. cité, p. 175‑180).

101 BNCF, II, iv, 128, fo 105v‑106r. Au fo 104v, Pigli recopie une lettre reçue d’un orfèvre de Brescia, qui relate une tornade advenue en juin 1456, les signes célestes qui l’auraient annoncée et les processions qui ont suivi.

102 Le caractère unitaire de cette section (qui se termine au fo 78vB avec une partie de la colonne vierge) est renforcé par le fait qu’il s’agit aussi d’une unité codicologique (le 8e fascicule du manuscrit).

103 Sur l’importance de la prudence dans la pratique politique florentine, voir I. Taddei, La Prudence au pouvoir, ouvr. cité.

104 J. Berlioz, Catastrophes naturelles et calamités au Moyen Âge, Florence, SISMEL, 1998, p. 24.

105 F. Castellani, Ricordanze A (1426‑1459), G. Ciappelli (éd.), Florence, Olschki, 1992 p. 57‑60.

106 di guasto dans l’interligne.

107 Variante d’occupò.

108 Oppio au sens de pioppo (peuplier).

109 Un signe diacritique renvoie ici à une note marginale (de sino à lapole) dont la lecture est très incertaine.

110 Lecture très incertaine : valica peut indiquer un terme temporel dépassé (GDLI).

111 Lecture incertaine car le mot est tassé en fin de ligne : il s’agit possiblement de celliers.

112 Trois éditions partielles de cette notice sont disponibles : E. Conti, A. Guidotti et R. Lunardi, La civiltà fiorentina del Quattrocento, ouvr. cité, p. 255 ; B. Wilson, A Florentine Chronicler of the Fifteenth Century: Francesco di Tommaso Giovanni and His Ricordanze, Thesis for the Master of Arts, Monash University, 1980, p. 99 ; E. Guidoboni et al., CFTI5Med, Catalogo dei Forti Terremoti in Italia, ouvr. cité : <https://storing.ingv.it/cfti/cfti5/pdf_T/002015-350121_T.pdf>.

113 Deux éditions partielles de cette notice sont disponibles : E. Conti et al., La civiltà fiorentina del Quattrocento, ouvr. cité, p. 255 ; E. Guidoboni et al., CFTI5Med, ouvr. cité : <https://storing.ingv.it/cfti/cfti5/quake.php?00406IT>.

114 Il pourrait s’agir de l’actuel San Gersolè, dont le nom provient d’une altération du nom de l’église locale, San Pietro in Jerusalem.

115 La dernière phrase est publiée dans E. Conti et al., La civiltà fiorentina del Quattrocento, ouvr. cité, p. 256, qui propose « parte » pour « per arte ».

116 d’aghosto mille quatrociento cinquantasei dans la marge de droite.

117 di barré.

118 ma répété.

119 Dans l’interligne, d’une encre plus foncée et d’une main possiblement différente : portato da <Rove>zano in Bagnuolo e in uno g<…>glo.

120 che répété.

121 Dans la marge de droite, de la même encre et main que supra : chade el muro dov’era deto corpo di Cristo insino al fondamento.

122 Dans la marge de gauche, de la même encre et main que supra : In deta chiesa era uno figluolo di<…> di san dio a sonare l’avemaria e rimase soto le priete e sentì una boce che dise confortati che tu non morai disperato e chosì fu che vise più d’otto dì dipoi.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. – Tableau comparatif des notices portant sur des inondations.
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Titre Figure 2. – Tableau comparatif des notices portant sur les séismes florentins.
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Fichier image/jpeg, 245k
Titre Figure 3. – Tableau comparatif des notices portant sur l’ouragan de 1456.
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Fichier image/jpeg, 264k
Titre Figure 4. – Descriptions de la peste de 1348, entre livres privés, littérature et chroniques.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Élise Leclerc, « « Se bisongno fosse per niuno chaso » : les catastrophes dans les livres de famille florentins (xivexve siècles) »Cahiers d’études italiennes [En ligne], 37 | 2023, mis en ligne le 30 septembre 2023, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cei/13774 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cei.13774

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Auteur

Élise Leclerc

Univ. Grenoble Alpes, LUHCIE, 38000 Grenoble, France
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