Les militantes féministes au sein de la section italienne de la IVe Internationale (Secrétariat unifié)
Résumés
Quelques militantes italiennes se sont retrouvées au croisement d’un engagement politique fort à l’intérieur d’organisations d’extrême gauche et dans un même temps au sein du mouvement féministe. Cet article tente de remettre en lumière ces femmes liées à la IVe Internationale qui ont tenté d’incorporer des éléments spécifiques aux droits des femmes et à leur émancipation à une doctrine politique voulant la fin du capitalisme et la dictature de la classe ouvrière. Durant les années soixante-dix, Elettra Deiana et Lidia Cirillo importent avec succès les débats féministes au sein des Gruppi Comunisti Rivoluzionari et affirment la légitimité du combat féministe. Ainsi, de manière internationale, nationale et locale, les revendications féministes et pour l’égalité des droits sans discrimination de caractère sexuelle ont une place importante dans le programme politique des partis politiques héritiers de la IVe Internationale (Secrétariat unifié).
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Mots-clés :
féminisme, trotskisme, Quatrième Internationale (SU), Nuova Sinistra, années soixante-dix, LCR, GCR, Lidia Cirillo, Elettra Deiana, Giuseppina VerdojaParole chiave:
femminismo, trotskismo, Quarta Internazionale, Nuova Sinistra, gli anni Settanta, LCR, GCR, Lidia Cirillo, Elettra Deiana, Giuseppina VerdojaPlan
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- 1 Cf. Yannick Beaulieu, « L’extrême gauche italienne n’existe pas ! Mise en perspective historique d’ (...)
1La place de la femme dans la société italienne à la fin des années soixante n’est pas des plus enviables : une loi instituant le divorce est voté en décembre 1970, remise immédiatement en cause par les conservateurs qui veulent l’abroger par référendum. Finalement en 1974, lors de ce référendum, les Italiens et les Italiennes défendent majoritairement le divorce. La possibilité pour les femmes d’être libres économiquement et ainsi d’ouvrir un compte bancaire date de la fin des années soixante-dix. L’affirmation de son homosexualité reste encore aujourd’hui difficile. En Europe occidentale, aux États-Unis aussi bien qu’en Italie, les années soixante-dix ont été marquées à la fois par un « nouveau mouvement féministe » et un développement important des organisations d’extrême gauche aussi appelées en Italie Nuova Sinistra1. De la même façon que les féministes italiennes appartiennent à une minorité au sein de la société, les trotskistes italiens sont une minorité au sein non seulement des mouvements politiques de gauche, mais au sein même de cette Nuova Sinistra. Le comble de l’intersectionnalité — telle qu’elle fut définie par Elsa Dorlin — ce sont les féministes trotskistes italiennes puisque les militantes féministes appartenant à un parti trotskiste constituent une minorité au sein du mouvement féministe (même si les féministes dites matérialistes ont eu une influence importante) et une minorité au sein d’une organisation politique très minoritaire dans le système politique italien.
2Deux rencontres seront étudiées : celle les militantes trotskistes italiennes avec le féminisme et leurs rôles au sein de ce mouvement, et de manière plus générale la rencontre du mouvement trotskiste avec le féminisme. Chronologiquement, le féminisme se développe en dehors de l’organisation trotskiste (et en dehors d’autres organisations de la Nuova Sinistra) et n’a pas eu une influence directe sur la vie de la section. Puis, dans un second temps, les thèmes propres au « nouveau » féminisme furent repris, réélaborés au sein de la IVe Internationale. Enfin les pratiques militantes et la place des femmes au sein de cette organisation politique ont profondément évolué après ce « moment » féministe.
Les années soixante-dix et le renouveau du féminisme
- 2 Carlo Ghisalberti, « Tradizione e innovazione nel codice civile nel 1942 », Clio, rivista trimestra (...)
- 3 Federica Di Sarcina, « Un’ondata di femminismo comunitario. La nascita della politica di pari oppor (...)
3Le modèle de domination patriarcale est étendu du nord au sud de la péninsule, et la législation concernant les femmes est l’une des plus conservatrices d’Europe. Il faut par exemple attendre 1975 pour que soit abrogé le délit d’honneur. La défense de l’honneur de la famille et de la famille patriarcale en général a été un axe du Code civil durant le fascisme. Ce Code civil date de 19422, il a été amendé, défascisé par la suite, notamment en 1975 par une nouvelle loi régissant le droit de la famille. Cette loi donne des garanties aux femmes, notamment par le droit à la succession, à une égalité concernant la tutelle des enfants, par le droit à une autonomie financière. Néanmoins l’accès au marché du travail est problématique car à la fin des années soixante ce marché comporte 27 % de femmes en Italie, (37 % en France, 23 % aux Pays-Bas), avec d’énormes disparités régionales (55 % de femmes en région parisienne, moins de 25 % en Sicile ou dans la région Lazio)3. Occupant principalement certains postes de travail du secteur tertiaire, elles sont bien moins payées que les hommes. Elles sont souvent précaires, et seront les premières touchées par la récession et la crise économique issue du choc pétrolier de 1973. Rose-Marie Lagrave observe :
- 4 Rose-Marie Lagrave, « Une émancipation sous tutelle. Éducation et travail des femmes au xxe siècle (...)
Entre 1945 et 1975, on assiste dans tous les pays [d’Europe] à une inflation de lois, de réglementations, de décrets nationaux et internationaux proclamant le droit à un salaire égal pour un travail égal. Pour autant, l’écart entre les salaires masculins et féminins se maintient, même s’il se resserre à partir de 1968, pour atteindre en 1975 selon les pays de 25 à 35 %4.
- 5 Tommaso Baris, C’era una volta la Dc. Intervento pubblico e costruzione del consenso nella Ciociari (...)
- 6 Palmiro Togliatti (1893-1964) fut membre fondateur puis secrétaire général du PCI de 1927 à 1934, p (...)
- 7 Arturo Peregalli précise « Così, ad esempio, mentre Togliatti e la Mantagnana, nei loro scritti e d (...)
4De plus, la proximité du Vatican, autant géographique qu’idéologique, ralentit bien plus que dans d’autres pays les luttes pour l’émancipation des femmes, les forces politiques catholiques étant encore très puissantes dans la péninsule durant les années soixante et soixante-dix. La démocratie chrétienne dirige le pays au niveau national mais aussi au niveau local5, et le Parti communiste italien (PCI) n’est pas des plus ouverts sur les questions familiales. En effet, les mœurs des dirigeants du PCI sont plus libérées que dans le reste de la société : Palmiro Togliatti et Luigi Longo et bien d’autres dirigeants s’étaient séparés de leur épouse ou de leur concubine, voire dans le cas de Umberto Terracini étaient polygames6. Les positions du PCI et les discours publics sont des plus conservateurs concernant le droit au divorce, pour ne pas parler du droit à l’avortement7. Ainsi au mitan des années soixante, il existe encore la prison pour l’adultère (doit-on préciser féminin ?), ou le mariage comme réparation d’une violence sexuelle.
- 8 Cinzia Arruzza, Le relazioni pericolose. Matrimoni e divorzi tra marxismo e femminismo, Rome, Alegr (...)
- 9 Lidia Cirillo, Lettere alle Romane. Sussidiario per una scuola dell’obbligo di femminismo, Milan, I (...)
- 10 Cinzia Arruzza, ouvr. cité, p. 46.
- 11 Ces rencontres sont même photographiées et documentées (voir Zapruder, storie in movimento, 13, mai (...)
5À cette période, on assiste en Italie, comme dans d’autres pays européens ou aux États-Unis, à un nouveau souffle du mouvement féministe. Cette nouvelle vague féministe prend son envol depuis les États-Unis, avec plusieurs figures charismatiques telles que Betty Friedan publiant en 1963 The Feminine Mystique, traduit en français par Yvette Roudy, et en italien la même année. Cinzia Arruzza rappelle qu’une des caractéristiques de la « seconde vague féministe » fut la substitution du modèle « d’émancipation », basé sur la revendication d’égalité avec les hommes, par le refus au nom de la différence de cette égalité lue comme une soumission au modèle masculin8. Les revendications portées par les féministes, n’étaient pas des priorités du mouvement ouvrier qui a longtemps évacué la sexualité et les rapports de sexe de ses programmes politiques. Les féministes revendiquent une contraception et l’avortement libres et gratuits, elles dénoncent les violences masculines, voire théorisent le coït comme un rapport de domination entre un homme et une femme. En 1970, trois ouvrages paraissent aux États-Unis et ont une influence considérable sur le mouvement : La dialectique des sexes de Shulamith Firestone, Sexual Politics de Kate Millett et Sisterhood is Powerful de Robin Morgan. Cette dernière auteure recommande aux femmes une union universelle, car le sexisme est la matrice de toutes les oppressions (capitalisme, racisme, impérialisme). Ces nouvelles féministes, plus ou moins en symbiose avec le mouvement lesbien, vont théoriser la « différentiation » jusqu’au séparatisme. Lidia Cirillo écrit : « Le mouvement des féministes séparatistes a eu une influence considérable surtout par rapport aux femmes des organisations révolutionnaires, des syndicats, des partis, des comités, des mouvements à cette époque9. » En 1965, un premier groupe féministe voit le jour : Demau « demistificazione dell’autoritarismo patriarcale » [Démystification de l’autoritarisme patriarcale] et publie un manifeste programmatique en 1966. Puis les revendications de 1968 passeront par là, et dès 1970, de nouveaux groupes féministes comme Rivolta femminile et Anabasi voient le jour. Cinzia Arruzza précise : « le nouveau féminisme italien est majoritairement composé de jeunes femmes provenant du mouvement de 1968 et, très souvent, des différentes organisations de la Nuova Sinistra qui se sont créées juste après ce mouvement10. » Ces groupes sont fortement influencés par les théories de Carla Lonzi (auteure notamment d’un ouvrage intitulé Sputiamo su Hegel!). Celle-ci signe avec Carla Accardi et Elvira Banotti le manifeste fondant Rivolta Femminile. Elle théorise une triple rupture : celle de la gauche d’avec le féminisme, celle du féminisme d’avec la gauche, celle au sein du féminisme. Carla Lonzi, influencée par le mouvement hippie américain, introduit en Italie les thérapies analytiques de groupe, qu’elle promeut sous le vocable « autoconscience ». Une seconde forte influence pour le féminisme de ces années-là fut le groupe des psychanalystes francophones : Julia Kristeva, Hélène Cixous, Luce Irigaray et Antoinette Fouque. Les féministes italiennes seront aussi en contact étroit avec le courant français, dénommé « Politique et psychanalyse », plusieurs rencontres auront lieu entre italiennes et françaises aussi bien en France qu’en Italie11. Finalement, ces féministes se distingueront de plus en plus du mouvement ouvrier, de la gauche, pour adopter des positions dites « séparatistes », c’est-à-dire en rupture quasi totale avec les hommes.
6Lidia Cirillo, résume avec un ton assez dur cette expérience dite de « l’autoconscience » :
- 12 Lidia Cirillo, ouvr. cité, p. 59.
Les femmes parlent de leurs rapports avec les hommes, plus particulièrement de leurs rapports sexuels, elles se lamentent et se plaignent car ces rapports se déroulent uniquement pour satisfaire les désirs masculins, alors que les femmes supportent les peurs d’une grossesse non désirée, s’occupent de la contraception et des avortements clandestins. Le reproche le plus diffus, la grande plainte collective d’une génération de femmes est qu’elles n’atteignent pas l’orgasme, tout du moins lors de leurs rapports avec des hommes. Certaines en ignorant même l’existence. Certaines racontent de s’être masturbées pour la première fois alors qu’elles étaient déjà mères, en suivant les instructions d’un opuscule féministe sur la sexualité féminine12.
Si cette pratique a pu être bénéfique pour certaines femmes à un niveau individuel et personnel, Lidia Cirillo nuance ainsi :
- 13 Ibid.
Comme phénomène de masse, l’autoconscience n’a été qu’un retour en arrière vers une habitude des femmes à se confier entre elles, de se plaindre des hommes et d’ironiser sur leurs comportements dans la sphère privée. Cette pratique n’a pas fait évoluer d’une virgule ou d’un poil la condition féminine, au contraire, souvent cela n’a été qu’une litanie de misère, qui n’a trouvé de réconfort que dans la confidence réciproque et dans un mépris impuissant pour l’oppresseur13.
- 14 Lors d’un entretien avec Lidia Cirillo, réalisé le 18 septembre 2010, celle-ci porte un jugement tr (...)
7Les rapports furent difficiles entre les « séparatistes » et les « maschilcomuniste ». « Maschilcomuniste » que l’on pourrait traduire par les « macho-coco » ou les « macho-cocottes » puisque ce néologisme, créé par un groupe d’autoconscience turinois, servait à décrire les femmes militantes au sein du Parti communiste, de Lotta continua, de la Confédération syndicale ou dans les organisations de la Nuova Sinistra. Cette appellation tente de mettre en exergue le fait que ces femmes restent subalternes aux hommes au sein de ces organisations et même qu’elles s’identifient à des modèles masculins et qu’elles reprennent des préoccupations masculines. Les séparatistes ont des positions très marquées et parfois iconoclastes. Ainsi concernant l’avortement, elles expliquent que dans un contexte de domination masculine il n’existe pas de choix réel pour la femme. L’avortement serait donc une violence supplémentaire faite aux femmes, après des grossesses non désirées fruits de rapports sexuels qui ne répondent qu’aux désirs masculins. Les féministes séparatistes s’opposent également aux manifestations de rue, qui consistent selon elles à une reproduction des formes politiques masculines14.
Les féministes et la Nuova Sinistra
8Les rapports entre mouvement féministe, partis de gauche et organisations de la Nuova Sinistra sont souvent tendus et conflictuels. Les premières manifestations féministes ont été l’objet d’attaques de la part des services d’ordre du PCI et d’autres organisations révolutionnaires. Les organisations de la Nuova Sinistra ont eu des difficultés à appréhender le mouvement féministe et les militantes féministes en leur sein. Anna Bravo écrit notamment :
- 15 Anna Bravo, « Un équilibre fragile : les femmes, entre liberté et violence », dans Marc Lazar et Ma (...)
Le regard de « propriétaire » que les hommes portent sur les femmes n’est pas non plus exceptionnel : même si l’on observe des différences importantes d’une organisation à l’autre, les initiatives et les réunions séparées du début des années 1970 aimantent les angoisses, les sarcasmes, l’hostilité, et certaines militantes passent à l’agression physique. Comme en 1972, à Rome, lors d’un colloque organisé par les collectifs de Lotta Femminista ; ou au cours d’« épisodes d’intolérance » à l’occasion d’une assemblée préparée par les femmes gravitant autour du journal Il Manifesto en 197315.
- 16 « Il più che modesto risultato elettorale di Democrazia Proletaria (1,5%) alle elezioni politiche d (...)
9Pour l’organisation Lotta continua, la question « féministe » et les questions des féministes vont être le déclencheur de la crise de l’organisation. Le 6 décembre 1975 à Rome lors d’une grande manifestation pour la dépénalisation de l’avortement, le service d’ordre de Lotta continua (LC) qui voulait participer également à cette manifestation s’oppose physiquement aux féministes. Les militantes de LC traitent alors les hommes de leur organisation de fascistes, et décident de se réunir, de militer séparément. Diego Giachetti a admirablement bien reconstruit les luttes internes, les problèmes de représentations et de directions de LC, ainsi que le refus et l’adoption de fait d’un modèle partidaire. Durant sa courte vie, LC a dû intégrer la contradiction de se réclamer un parti de l’avant-garde prolétaire et d’avoir une majorité de non-ouvriers parmi ses dirigeants… Très tôt, se sont constituées des cellules « ouvrières » au sein du parti, et celles-ci s’opposeront également aux cellules « femmes ». Conjointement ces deux orientations et leurs rapports plus que conflictuels vont entraîner la dissolution de Lotta continua lors de son deuxième congrès en 1976 à Rimini16. Lotta continua a pu compter jusqu’à une dizaine de milliers de militants et de militantes, des centaines de milliers de sympathisant(e)s et un imposant service d’ordre. Au contraire, les militant(e)s de la IVe Internationale (Secrétariat unifié) en Italie n’excéderont jamais la dizaine de centaines de personnes. La section italienne de la IVe Internationale (SU) n’aura jamais de service d’ordre, mais possède une histoire bien plus ancienne que nombre d’organisations « spontanées » de la Nuova Sinistra.
Des pratiques militantes…
- 17 Eros Francescangeli, L’incudine e il martello. Aspetti pubblici e privati del trockismo italiano tr (...)
- 18 Avec Marco Bavassano, elle rompra avec la NOI, refusant la création de la IVe Internationale, et pa (...)
- 19 Paolo Casciola, « Giovanna Costantini [Jeanne Apik] (1903-1995) », Quaderni del Centro Studi Pietro (...)
- 20 « Giuseppina (Pina) Verdoja. Una trotskista nel dopoguerra. Intervista a cura di Diego Giachetti », (...)
10À cette époque, les militantes trotskistes italiennes sont dans une situation à la fois similaire et atypique par rapport aux féministes et autres militantes engagées au sein des groupes ou partis de la Nuova Sinistra. Cela tient tout d’abord à l’ancienneté de cette organisation politique, contrairement à diverses organisations de la Nuova Sinistra, c’est au milieu des années trente que nait l’opposition de gauche au Parti communiste17. Dès son origine, la place des femmes est importante, qu’elles soient des militantes actives voire des dirigeantes. Ainsi Gaetana Teresa Recchia (1899-1935), syndicaliste et ouvrière turinoise à la FIAT, a aussi bien participé aux mouvements contre la guerre et la vie chère à Turin durant la première guerre mondiale qu’à l’occupation des usines en septembre 1920. Elle est l’une des fondatrices du Parti communiste italien, en 1924, elle fait partie de la délégation italienne au cinquième congrès de l’Internationale communiste et sera membre du Comité central. Avec son compagnon Marco Bavassano, ils sont contraints à l’exil en 1927 après avoir été expulsés du parti (avec Pietro Tresso, Alfonso Leonetti et Paolo Ravazzoli) pour avoir constituée la NOI (Nuova Opposizione Italiana – Sezione italiana della nuova opposizione di Sinistra de Leon Trostky)18. On peut aussi citer Debora Seidenfeld (la compagne de Pietro Tresso), Virginia Gervasini (compagne de Nicola Di Bartolomeo) Giovanna Costantini (alias Jeanne Apik)19 ou Giuseppina (Pina) Verdoja20, militantes trotskistes dans les années quarante, cinquante et soixante.
- 21 Eros Francescangeli, L’incudine e il martello. Aspetti pubblici e privati del trockismo italiano tr (...)
11Les premières militantes trotskistes sont peu nombreuses, mais les trotskistes en règle générale sont très peu nombreux. Les militantes « historiques » ont souvent participé à la fondation du Parti communiste italien, après la scission de Livourne en 1921. Des militantes comme Pia Carena ou Giovanna Costantini, ont suivi à partir des années trente les parcours chaotiques des trotskistes italiens pris entre le marteau (stalinien) et l’enclume (fasciste) comme l’a si bien démontré Eros Francescangeli21. Elles ont connu souvent l’exil, les emprisonnements et très majoritairement une vie aux fins de mois difficiles (parfois dès le début du mois !). Elles entrent dans l’organisation souvent avec le « qualificatif » de compagne ou épouse d’un autre militant. Elles sont minoritaires parmi les minoritaires ; et très souvent, c’est un couple de militants. Situation banale lorsque l’on connaît le type d’investissement en temps, en argent et en énergie que suppose une activité militante au sein d’une organisation qui se veut « révolutionnaire », une avant-garde de la classe ouvrière : exemplaire à tous égards. Il n’est donc pas étonnant de voir des couples porter cette activité militante exigeante, et retrouver un fort taux d’endogamie militante. Ainsi Giovanna Costantini a-t-elle eu pour compagnon un autre militant, Giacomo Luciano Stefanini (lui aussi courrier clandestin du Parti communiste italien, arrêté en 1926 et accusé lors du Processone de 1926-1928). Elle aura une liaison avec un militant italien résistant dans le maquis durant la guerre, puis elle épousera dans les années cinquante un autre militant d’origine turque (Apik). Pia Carena était l’épouse d’Alfonso Leonetti. Giuseppina Verdoja, elle, est inscrite à la Federazione dei Giovani Socialisti, elle rencontre alors son compagnon, puis mari, Renzo Gambino.
- 22 Giuseppina Verdoja décrit son engagement dès 1943 dans un long entretien avec Diego Giachetti ; il (...)
12Si elles partagent les risques de la vie clandestine à la fin des années trente, les dangers de la seconde guerre mondiale22, elles sont longtemps cantonnées dans des activités indispensables mais « secondaires » : elles sont « courriers clandestins », elles s’occupent de la logistique, du secrétariat, des tâches matérielles et manuelles. Le portrait de Pia Carena par Alfonso Leonetti est à ce sujet éloquent :
- 23 Extrait de la « Maison de l’horticulteur » par Alfonso Leonetti, dans Paolo Casciola, « Giovanna Co (...)
La plus occupée était toujours notre Pia, avec sa machine à écrire : traductions, frappe d’articles, comptes rendus et ainsi de suite. Sur une petite machine portable elle avait trouvé le moyen de taper de dix à douze copies à la fois, avec le papier pelure, et pour atténuer les bruits des touches elle avait trouvé l’expédient de noyer la machine au milieu des coussins. Le travail le plus dur était celui des « cires » pour la ronéo : il fallait taper très fort et alors les ongles sautaient aussi23.
- 24 Voir annexes pour un bref résumé de l’histoire de la section italienne de la IVe Internationale (Se (...)
Dans l’immédiat après-guerre, les femmes retrouvent un rôle moins émancipé qu’elles ont pu avoir durant le conflit. Édifiant également le témoignage de Giuseppina Verdoja, qui concerne son activité militante durant les années cinquante et soixante. Son compagnon s’occupe des articles pour la presse des Gruppi Comunisti Rivoluzionari (GCR)24, des statuts de l’organisation, des prises de positions théoriques et stratégiques, parce qu’il a un travail plus flexible (mais est-ce la seule raison ?) il peut prendre part aux activités internationales des GCR. C’est lui qui se déplace. Elle garde un rôle au niveau local, elle est la trésorière du groupe, elle s’occupe de la réception et de la réexpédition de la presse militante. Il convient de nuancer tout de même l’idée que les militantes seraient toujours cantonnées à des positions subalternes. On retrouve des dirigeantes dès la fondation du Parti communiste italien et par la suite au sein de la section italienne de la IVe Internationale ; quelques militantes auront des positions de direction, surtout à partir des années soixante. Par contre, lorsqu’elles seront mises sur le devant de la scène politique, elles seront souvent instrumentalisées. L’anecdote rapportée par Giuseppina Verdoja est révélatrice :
Giuseppina Verdoja: […] Io aderii alla corrente di Iniziativa Socialista perché avevo bisogno di un punto di riferimento nazionale per poter condurre la mia battaglia a livello locale contro coloro che volevano annullare il partito socialista ed entrare nel PCI. Persino i bassiani — i giovanni bassiani, non parlo di Lelio Basso, che era una persona più che respettabile — erano tremendi. Pensa che ci fu un congresso torinese della FG per eleggere il direttivo locale — nel 1946, credo — nel corso del quale fecero dei brogli sulle schede per tenermi fuori. Erano a questi livelli. […]
Diego Giachetti: E per te, come donna, non era forse ancor più difficile [fare politica]?
- 25 « Giuseppina (Pina) Verdoja. Una trotskista nel dopoguerra. Intervista a cura di Diego Giachetti », (...)
GV: Sì. […] Per il resto, il fatto che ci fossero poche donne che facevano politica, e che fosse appena stato concesso il diritto di voto alle donne, ad esempio in occasione del referendum costituzionale o delle votazioni per l’Assemblea Costituente. All’inizio nelle piazze c’era molta curiosità, i primi comizi erano affollatissimi. Era invece difficile fare politica all’interno del partito. Loro ti facevano tenere i comizi, durante i quali dicevi quello che volevi. Ma poi, succedeva — come al congresso provinciale dell’autunno 1945 — che, dopo tutto il lavoro che noi donne stavano compiendo, al momento di eleggere il direttivo gli uomini si comportavano come se non esistessimo. Un compagno, che forse si sentiva in colpa, esclamò: «Abbiamo dimenticato la donna!» Nota bene: non «le donne», ma «la donna»! Eravamo considerate una categoria a parte… una donna che rappresentasse le donne! Sembrava essere la cosa più assurda di questo mondo…25
13Assez tôt, elles peuvent être « instrumentalisées », apparaître comme des symboles, mais sans toutefois être exclues des instances dirigeantes de l’organisation. Les militantes auront dès l’origine la nécessité de concilier à la fois leur travail, la gestion du foyer familial et leurs activités militantes. L’arrivée des enfants, surtout lorsqu’ils sont en bas-âge, constitue un frein évident à l’engagement politique. Ainsi, Giuseppina Verdoja est très explicite à ce sujet :
DG: Seguivi con interesse questi avvenimenti [Rapporto di Krusciov, invasione dell’Ungheria]?
- 26 Ibid., p. 23 :
« DG : Tu suivais avec intérêt ces événements [le rapport Khrouchtchev, l’invasion de (...)GV: Con interesse sì, con partecipazione meno. Tieni conto che nel 1956 mio figlio aveva un anno. Da quando nacque Leo, nel 1955, fino a che non ha avuto due anni, di sera ero sempre impegnata a casa. Non potevo muovermi, uscire, partecipare alle riunioni. Ecco perché di quel periodo conservo pochi ricordi personali. Soltanto nel 1957 — quando traslocammo a andammo ad abitare vicino a mia madre — potei riprendere la normale attività politica, dal momento che il bambino potevo lasciarlo a lei.26
- 27 Voir Diego Giachetti, Nessuno ci può giudicare. Gli anni della rivolta al femminile, Rome, Derive A (...)
- 28 Jean-Paul Salles rappelle dans son ouvrage fondamental sur la LCR (française) : « Incapables de mod (...)
- 29 « Lettera di una militante alla figlia di 10 anni », Bandiera Rossa, 15, 1er octobre 1977, p. 10-11 (...)
14Avec le mouvement féministe, s’engager, militer, faire de la politique sont des revendications naturelles des féministes, et les enfants ne doivent pas être des freins à ces activités27. Ainsi les « communes » féministes mettent en place des crèches alternatives pour pouvoir participer aux réunions, ou plus simplement les féministes viendront aux réunions avec leurs enfants28. En 1977, l’organe des GCR, Bandiera Rossa, reproduit une lettre très émouvante d’une jeune militante suisse qui tente d’expliquer à sa fille pourquoi ce soir-là elle l’abandonne pour aller militer, pour participer à une réunion. Cette lettre met en lumière les conditions de vie difficiles d’une travailleuse, divorcée, et engagée en politique pour justement s’émanciper de cette société capitaliste et patriarcale. Cette militante est continuellement déchirée entre l’impression d’être une mauvaise mère et la nécessité de s’impliquer politiquement pour que les choses changent29. Cette lettre provenant d’une militante suisse illustre indirectement l’internationalisme des trotskistes.
Des liens internationaux
- 30 Entretien avec Diego Giachetti, le 12 mai 2009.
- 31 Une jeune avant-garde qui sera décimée (voir le désastre du PRT-ERP argentin).
- 32 Yurii Colombo, Storia del trotskismo italiano (1968-1980), <trotskismo.over-blog.it/pages/yurii-col (...)
15Les questions propres au mouvement féministe vont assez tôt traverser les organisations trotskistes liées à la IVe Internationale. En effet, comme le rappelle Diego Giachetti lors d’un entretien30, il y a proportionnellement plus de femmes au sein des GCR que dans un certain nombre d’autres organisations de la Nuova Sinistra. Mais surtout les thématiques féministes ont fait leur entrée dans les discussions entre militant(e)s plutôt que dans le reste de la Nuova Sinistra, car une partie des débats de l’organisation était calquée sur ceux qui avaient lieu au niveau international (la IVe Internationale possède un secrétariat international auquel appartient Livio Maitan durant de nombreuses années. Voir note 23). En 1974, par exemple, Mary Alice Waters, dirigeante du Socialist Workers Party américain est en désaccord avec la tendance majoritaire de la direction de l’Internationale, notamment sur la question de la guérilla, du « fochismo »31. Elle attend également que la IVe Internationale développe plus nettement les organisations de jeunesse et s’insère dans le mouvement de libération des femmes32. Dans ses mémoires Livio Maitan, dirigeant historique de la IVe Internationale, membre de son Secrétariat unifié durant de nombreuses années (avec notamment Michel Pablo, Ernest Mandel, Pierre Frank, puis Daniel Bensaïd), rappelle que pour le XIe congrès de la IVe Internationale différents textes furent proposés au vote, notamment celui concernant l’émancipation de la femme :
- 33 Livio Maitan, Per una storia della IV Internazionale. La testimonianza di un comunista controcorren (...)
Per questo, nel mese di luglio 1979, la maggioranza del Segretariato e del Bureau, con l’ovvia esclusione della Fb (Frazione bolscevica), annunciava la formazione di quello che veniva definito, ricorrendo a una terminologia in uso negli Stati Uniti, «caucus» — cioè un qualche cosa di diverso non solo da una frazione, ma anche da una tendenza — con lo scopo dichiarato di appoggiare e fare approvare al congresso quattro documenti: sulla situazione politica mondiale, sulla rivoluzione socialista e la lotta per la liberazione della donna, sull’America Latina e sull’Europa capitalista. I quattro documenti erano varati dopo una lunga elaborazione, con successivi aggiornamenti. Il documento sulla liberazione delle donne — alla cui stesura avevano contribuito in particolare Marie-Alice Waters (Thèrese) e Jacqueline Heinen (Allio) — occupava un posto a parte: era la prima volta che questa cruciale problematica era affrontata con un testo congressuale. La diversità di esperienze alle opposte sponde dell’Atlantico, per non parlare di altre regioni del mondo, non rendevano agevole la scrittura, tanto più che nella sezione francese esisteva tutta una gamma di posizioni.33
- 34 Ibid., p. 453.
- 35 Voir le site : <http://www.printemps.uvsq.fr/spip.php?article428> (consulté le 15 novembre 2011).
- 36 Livio Maitan, ouvr. cité, p. 469.
- 37 Ibid., p. 469.
- 38 Ibid., p. 478 : « Le premier texte rappelait un aspect essentiel de notre conception : le travail d (...)
Ce dernier texte fut approuvé par 100 voix pour, 5 contre, 6 abstentions, 6,5 ne participant pas au vote (pour assurer la représentation même des très petites sections, un mandat pouvait être subdivisé). Ainsi, on peut constater que différentes militantes sont dirigeantes du Secrétariat unifié de la IVe Internationale, notamment Marie-Alice Waters, Jacqueline Heinen (qui sera même élue au Bureau politique du secrétariat international de la IVe Internationale en 1984) ou bien Jeannette Habel (pseudonyme de Jeanette Pienkny). Livio Maitan écrit dans ses mémoires qu’en janvier 1985, le congrès avait reconnu comme sections de la IVe Internationale des organisations du Brésil, de l’Équateur, de l’Uruguay, du Sénégal et d’Islande, il avait élu un comité exécutif, auquel appartenaient les représentants de 27 sections, qui devait élire un secrétariat de membres de 12 sections. Le secrétariat devait élire à son tour un bureau de 8 membres, parmi lesquels se trouvaient Daniel Bensaïd, Claude Jacquin, Jeannette Habel, Jacqueline Heinen, Ernest Mandel, Livio Maitan et Charles-André Udry34. En 1988, Jacqueline Heinen après une décennie d’activité politique donne sa démission. Sa carrière de sociologue tend à démontrer que son attachement au féminisme en est resté intact, puisqu’elle produit nombre de travaux universitaires concernant la parité hommes-femmes, l’introduction du genre, la place de l’avortement en Pologne35. Justement, dans ses mémoires Livio Maitan veut démontrer l’attachement de la IVe Internationale aux principes du féminisme, et cite le cas de la section suédoise, rebaptisée Parti socialiste, où les militant(e)s étaient actifs au sein notamment des syndicats présents à Goteborg au sein des usines Volvo. Lors de leur congrès en novembre 1987, il y avait 12 femmes sur 25 au Comité central et 2 sur 5 au Bureau politique36. On constate tout de même un décalage temporel important entre l’émergence de thématiques propres au mouvement féministe et une première traduction dans les faits. Pour une vraie place faite aux militantes dans les instances dirigeantes, il faut tout de même attendre 1987, et cela se passe en Suède ! Lors du XIIIe congrès de la IVe Internationale, qui se déroule entre le 7 et le 17 février 1991, on assiste à la présentation de deux textes spécifiques : l’un sur l’intervention des militants marxistes révolutionnaires en Amérique latine, et l’autre sur les batailles féministes dont Penny Duggan était la rapporteuse. Livio Maitan complète : « Il primo testo ribadiva un aspetto essenziale della nostra concezione: il lavoro delle donne non è solo un settore a sé, ma un fattore che deve influenzare tutti gli altri aspetti della nostra attività e l’insieme della nostra organizzazione37. » Il ajoutait en note : « Il documento si riferiva, se pur sinteticamente, anche ai movimenti delle lesbiche38. »
Les théories et les pratiques nationales et locales des GCR (puis de la LCR)
- 39 Contrairement aux féministes opéraïstes, Christine Delphy assume une position selon laquelle ce n’e (...)
- 40 Collettivo femminista di Taranto (éd.), « Non c’è liberazione della donna senza Rivoluzione », La Q (...)
16Les théories féministes sont entrées au sein des GCR bien avant les années quatre-vingt. En effet, dès le début des années soisante-dix, les militantes de la Nuova Sinistra ont découvert les théories des féministes matérialistes et opéraïstes comme Alisa Del Re et Mariarosa Dalla Costa, les tenantes italiennes d’une Christine Delphy. Comme l’explique fort justement Cinzia Arruzza, au sein des organisations de la Nuova Sinistra le débat théorique s’est focalisé sur une concurrence entre la lutte des classes et les luttes pour l’émancipation des femmes. Alisa Del Re et Mariarosa Dalla Costa, qui se sont elles-mêmes définies comme des féministes-opéraïstes, ont engagé une réflexion concernant le travail domestique des femmes ; elles estiment la distinction entre les oppressions (genre et les femmes) et les exploitations (liées aux rapports de classes) peu pertinente, puisque les femmes sont opprimées et exploitées, on peut rajouter opprimées parce qu’exploitées et vice-versa39. Si, comme le rappelle Lidia Cirillo, dans un premier temps, notamment à l’apogée du mouvement féministe, les militantes trotskistes s’investissent à la fois dans leur organisation mais également dans d’autres collectifs féministes, elles sont souvent « multi-positionnées », pour reprendre un concept en vogue en science politique, elles ont parfois pratiqué l’entrisme, très souvent milité dans un syndicat et dans diverses associations… On peut relever tout de même des passerelles entre les deux mondes, ainsi la revue théorique, La Quarta Internazionale, publie un bulletin d’un collectif féministe de Taranto, intitulé : « Non c’è liberazione della donna senza Rivoluzione » en 1975. Ce collectif explique que les « États ouvriers bureaucratisés », majoritairement staliniens, ont refusé d’envisager la lutte féministe au sein d’une perspective de lutte des classes. La réelle opposition, selon ce collectif, n’est pas entre hommes et femmes mais entre exploiteurs et exploité(e)s. Il préconise de : « dar vita a larghi movimenti per la libertà d’aborto, per l’ottenimento di anticoncezionali, di servizi sociali gratuiti che rendano veramente libero il tempo oltre l’orario di lavoro, per un’occupazione garantita, per la parità salariale40. » Les GCR, puis la Lega comunista rivoluzionaria (LCR), apportent leur soutien et participent activement à certaines campagnes du mouvement des femmes : le référendum pour défendre la loi sur le divorce, ainsi que la défense de la loi sur l’avortement dite 194 (votée le 19 mai 1978), remise en cause par les partis de droite.
- 41 Jacqueline Heinen, « I nuovi percorsi della radicalizzazione », Bandiera Rossa, 2 mars 1987, p. 3.
- 42 Lidia Cirillo, « Per il movimento delle donne non è tempo di scadenze rituali. L’8 marzo e dopo », (...)
- 43 Voir Stefania Pioli, « Maria Carla, una donna. Per non dimenticare la sua morte, un rinnovato impeg (...)
- 44 Non signé, « Nel giorno delle donne si sono fatti sentire i giovani », Bandiera Rossa, 4, 17 mars 1 (...)
17À partir de 1977, par des articles récurrents, Bandiera Rossa communiquera à l’ensemble des militant(e)s et sympathisant(e)s des GCR puis de la LCR les initiatives prises pour défendre la loi 194, les campagnes du mouvement des femmes pour l’égalité des droits. On retrouve des articles concernant le droit des femmes au travail, notamment en relayant les initiatives des militantes au sein des grandes centrales syndicales. La crise économique, suite au premier choc pétrolier, qui débute en 1979, entraîne une série d’articles concernant le chômage des femmes et les disparités de genre en la matière. Dans Bandiera Rossa on note également une volonté de partager les expériences et les initiatives féministes européennes et internationales41. Bien sûr, la journée de la femme du 8 mars est un moment de manifestation, mais Lidia Cirillo estime que ce rituel même s’il est nécessaire ne peut être le seul rendez-vous annuel des femmes ni la seule activité féministe42. La LCR, à l’orée des années quatre-vingt, soutiendra les initiatives contre les violences faites aux femmes et les militantes participeront aux diverses campagnes pour protéger les femmes et faire avancer la législation dans le domaine, notamment dans la répression des viols43. En 1984, naît l’organisation de jeunesse de la LCR, Rivoluzione!, et les militantes soulignent que de nombreuses jeunes militantes adhérent et font vivre cette nouvelle organisation, elles représentent en effet 40 % des effectifs. Certaines thématiques sont communes aux militantes et à la jeunesse, notamment une sexualité libre et consentie44.
18L’examen de l’ensemble des numéros parus de Bandiera Rossa révèle plusieurs éléments. Certes, les femmes ne sont pas majoritaires dans la rédaction, mais un nombre conséquent d’articles sur des thématiques non limitées au seul féminisme sont signées par des auteures.
19D’autre part, à partir de la fin des années soixante-dix, et tout au long des années quatre-vingt, le journal, par articles interposés, va être le théâtre d’une opposition assez nourrie entre deux femmes, Elettra Deiana et Lidia Cirillo. Toutes deux vont avoir des positions de dirigeantes au sein des GCR puis LCR. Principalement, elles s’opposent sur leur conception du féminisme au sein de la lutte des classes, et même si leurs positions vont fortement évoluer, Elettra Deiana sera pour l’introduction du « différentialisme » au sein des GCR-LCR, et Lidia Cirillo aura des positions plus matérialistes et sera fidèle à un marxisme plus orthodoxe. Dans un article intitulé : « Vecchie e nuove forme della subordinazione », Elettra Deiana écrit :
- 45 Elettra Deiana, « Vecchie e nuove forme della subordinazione », Bandiera Rossa, 3 mars 1988, p. 3 : (...)
Ma c’è di peggio: questo potere faticosamente strappato da alcune donne si risolve per lo più in omologazione e assimilazione: non aiuta ad affermare la differenza sessuale nella società umana, l’esigenza cioè di una visione del mondo coniugata al femminile oltre che al maschile; serve soltanto, o rischia di servire soltanto, a legittimare questa società, dove «a tutti» è consentito progredire.45
20Le centre de sa théorie c’est bien le différentialisme. Certes la lutte des classes et une politique pour l’émancipation sont nécessaires mais sans jamais abandonner les autres luttes d’émancipation :
- 46 « La même émancipation matérielle et sociale, condition sine qua non pour l’émergence d’une conscie (...)
La stessa emancipazione materiale e sociale, condizione sine qua non per l’insorgere di una coscienza femminista più profonda, di una volontà liberatoria più audace, resta non soltanto largamente incompiuta ma a rischio, sotto la spada di Damocle di una sempre possibile rimessa in discussione delle stesse conquiste emancipatorie che le donne hanno strappato. […] Le crescenti difficoltà di inserimento nel mercato del lavoro vanno di pari passo con le risorgenti campagne misogine e sessuofobiche contro la libertà sessuale, contro il diritto di aborto, contro le relazioni omosessuali, campagne periodicamente orchestrate dai grandi santuari del conservatorismo nostrano e internazionale: dall’infaticabile Wojtyla all’inarrestabile Reagan.46
- 47 Lidia Cirillo, « Le differenze sulla differenza », Bandiera Rossa, mai 1989.
21Dans ce même article, Elettra Deiana reprend le slogan : « Liberarsi tutte o nessuna è libera », et si elle souligne que la lutte des femmes dépend d’initiatives autonomes, sur tous les terrains, à tous les niveaux, cette lutte d’émancipation ne peut se faire que dans le cadre de la lutte des classes. Les positions de Lidia Cirillo sont plus réservées concernant le différentialisme. Tout d’abord au sein de l’organisation et notamment lors des textes de pré-congrès, elle a voulu associer les militants hommes, et dénouer des débats théoriques « anciens » au sein du mouvement féministe, mais pas forcément à la LCR. Elle a associé les positions d’Elettra Deiana aux théories de Luce Irigaray et du groupe de philosophes Diotima, et explique que le féminisme est traversé de plusieurs références théoriques, et que certaines s’accordent mieux avec un marxisme plus orthodoxe47.
22Lors du quatrième congrès de la LCR, en février 1989, durant lequel il a été décidé — majoritairement — de confluer dans Democrazia Proletaria, justement deux thèses concernant la place et le rôle du féminisme (et principalement du différentialisme) au sein de l’organisation ont été portées par Elettra Deiana et Lidia Cirillo. À la suite de l’entrée dans Rifondazione comunista, Elettra Deiana quitte le courant de Bandiera rossa pour le courant majoritaire, alors que Lidia Cirillo reste jusqu’à aujourd’hui dans ce même courant politique.
23À partir d’un renouveau du féminisme des années soixante-dix, fait d’expériences hétérogènes, dissemblables, changeantes, à des niveaux international, européen, national, local, communautaire, fait de théories renouvelées et variées, et de pratiques innovantes et traditionnelles, les militantes trotskistes comme celles de la Nuova Sinistra ont dû à la fois prendre part à ce mouvement, l’assimiler, le féconder et dans un même mouvement, l’intégrer, l’introduire dans une organisation politique révolutionnaire marquée par le modèle marxiste-léniniste. Après avoir modifié les pratiques militantes, les apports théoriques du féminisme ont été plus ou moins rapidement incorporés, réélaborés dans la doctrine de ce courant politique. L’inclusion, après l’exclusion ou l’ignorance, du mouvement féministe et des femmes au sein des idées et des structures de direction, a permis à la LCR, puis au courant trotskiste impliqué dans Rifondazione comunista, de défendre par la suite les droits et les batailles du mouvement lesbien et gay et de se définir comme anticapitaliste et féministe. D’ailleurs, si les références doctrinaires à la lutte des classes ont été parfois édulcorées, les références aux théories féministes ne se sont que renforcées. Néanmoins, la situation des femmes italiennes n’a que peu évolué depuis les années quatre-vingt jusqu’à nos jours, et on peut s’interroger avec Silvia Ballestra sur les causes de cette situation :
- 48 Silvia Ballestra, Contro le donne nei secoli dei secoli, Milan, Il Saggiatore, 2006 : « Mais il s’e (...)
Ma: sono trascorsi trent’anni e stiamo di nuovo parlando di tutto ciò. Cos’è successo? Com’è possibile che tutte queste donne nuove, ragazze studiose, indipendenti, «scafate», informatissime, ci stiano ricascando? Abbiamo passato trent’ani in sonno adagiandoci sulle due enormi conquiste — aborto e divorzio — e congelando tutto il resto? La responsabilità è del separatismo, la sconfitta della sinistra storica, il testimone passato alle lesbiche, la frammentazione del movimento in mille gruppi e gruppetti litigiosi, la perdita della pratica politica (colpisce leggere nelle cronache dell’epoca la quantità di ore quotidiane dedicate da uomini e donne al «lavoro politico» — assemblee, dibattiti, cortei, feste di partito, incontri in sezione), la sacralizzazione delle papesse del femminismo, la mancanza di trasmissione fra generazioni, il linguaggio vetero? Cos’è stato?48
24En effet, il serait dommage qu’après la lutte des classes on oublie aussi les revendications qui ont été portées par les féministes.
Annexe
Annexe 1
Bref résumé de l’histoire de la section italienne de la IVe Internationale (Secrétariat unifié).
Le 1er juillet 1948 voit le premier numéro de la revue Quarta Internazionale, six mois plus tard, Livio Maitan rappelle dans ses mémoires que les 1 et 2 janvier 1949 est convoquée la première Conférence du mouvement trotskiste en Italie, avec des représentants venus de Lombardie, du Piémont, de Ligurie, des Trois Venises, de Toscane, d’Ombrie, du Latium, de Campanie, de Sardaigne et de Sicile (d’après Livio Maitan, La strada percorsa. Dalla resistenza ai nuovi movimenti: lettura critica e scelte alternative, Bolsena, Massari, 2002, p. 111). Ces militants qui, quelque temps plus tard, donneront naissance aux Gruppi comunisti rivoluzionari, sont issus de quatre matrices militantes : le POC (Partito operaio comunista), la FGS (Federazione dei Giovani Socialisti) et le PSLI (Partito Socialista dei Lavoratori Italiani) dont proviennent le plus grand nombre de militants ; certains viennent juste de rompre avec le PCI, et quelques individus proviennent du Partito d’Azione. Cette conférence nationale se déroule dans les jardins de la Villa Borghese à Rome, et elle est immédiatement suivie d’une école de formation à laquelle participent des dirigeants de la IVe Internationale comme Michel Raptis (Pablo), Ernest Mandel (Ernest Germain) et Pierre Frank. Ce courant du trotskisme, notamment par l’entremise de Livio Maitan, sera toujours la section italienne de la IVe Internationale (Secrétariat unifié). Progressivement, les GCR connaissent un renouvellement et une hausse du nombre des militants. Ceux-ci sont principalement de jeunes étudiants très souvent en rupture avec le PCI, qui n’ont, pour la plupart, que peu d’expériences militantes. Diego Giachetti, un des rares historiens du trotskysme italien, estime que dans les années 1967-1968, les GCR sont réduits à quelques dizaines de militants éparpillés dans toute l’Italie, à peu près autant de sympathisants. Au milieu des années soixante-dix, on arrive à une estimation de 400 à 500 militants : des étudiants, des lycéens et des ouvriers du Nord issus des luttes sociales et des mouvements sociaux. Dès 1960, on trouve les cadres qui auront une place importante pour les GCR tout au long des années soixante, soixante-dix et au-delà : Antonio Moscato, Edoardo Pellegrini, Giuseppe Samonà et Giulio Savelli, Augusto Illuminati, Pio Marconi. Une autre génération rejoint les GCR en 1969 : Paolo Flores d’Arcais, Silverio Corvisieri, ils sont majoritairement originaires de la FGCI, Federazione Giovanile Comunista Italiana, et quelques militants proviennent de la FGS (Federazione dei Giovani Socialisti). Dans les années soixante-dix, les GCR subissent plusieurs scissions, en 1975 après une conférence du mouvement à Naples, une tendance en opposition avec la ligne majoritaire de Livio Maitan constitue la Lega Socialista Rivoluzionaria, qui deviendra Socialismo rivoluzionario. La même année, la Lega Comunista, dirigée par Roberto Massari, le futur éditeur de Che Guevara, sort officiellement des GCR (elle était déjà présente sous la forme d’une Tendance-Fraction marxiste révolutionnaire au sein des GCR). En 1976, les GCR entrent dans le cartel de partis en vue des élections dénommé Democrazia Proletaria. Un groupe de militants milanais réunis autour de Silvio Paolicchi s’unira avec le Gruppo Bolscevico-Leninista, actif surtout à Milan et à Gênes et dirigé par Franco Grisolia, Fernando Visentin et Marco Ferrando ; ils créeront la Lega Operaia Rivoluzionaria. Ce groupe finalement confluera dans les GCR et en 1979 ceux-ci prendront la dénomination suivante : Lega Comunista Rivoluzionaria – IV Internazionale. On distingue alors un courant majoritaire regroupé autour de Maitan, Giulio Savelli, Sirio Di Giuliomaria, puis Roberto Massari, Elettra Deiana, Franco Turigliatto, Lidia Cirillo, Luigi Malabarba, Antonio Caronia, Antonio Moscato, Vito Bisceglie, Rocco Papandrea, Roberto Firenze et un courant minoritaire de gauche composé de Marco Ferrando et Franco Grisolia. À partir de 1979, la LCR – IV Internazionale participe à l’alliance électorale avec Democrazia Proletaria, puis elle conflue dans le parti Democrazia Proletaria jusqu’en 1989, puis dans Rifondazione comunista. Livio Maitan et ces militant(e)s s’organisent alors au sein d’un courant dénommé Bandiera rossa. Ce même courant sort de Rifondazione comunista en 2007, il devient alors un parti politique anticapitaliste, ces dirigeants sont alors : Luigi Malabarba, Franco Turigliatto, Salvatore Cannavò, Lidia Cirillo et Flavia D’Angeli.
Annexe 2
« Lettera di una militante alla figlia di 10 anni », dans Bandiera Rossa, 15, 1er octobre 1977, p. 10-11. [Questa lettera è apparsa su La Brèche, giornale della Ligue marxiste révolutionnaire (Svizzera). Abbiamo deciso di pubblicarla perché essa pone problemi considerati per lungo tempo come «non politici» e sui quali nessuna organizzazione rivoluzionaria può fare a meno oggi di fermarsi.]
Mia cara, piccola figlia,
Una volta di più questa sera ti ho dato la buona notte, tu mi hai chiesto, stringendo forte il tuo orsacchiotto di peluche: «Mamma, esci questa sera?» E nella tua domanda, nel tuo gesto, ho visto che ogni giorno che passa tu hai bisogno di più amore, di più sicurezza di quanto io possa darti. Ci sono delle volte che sono uscita dalla tua camera completamente scoraggiata: io ti voglio tanto bene, io ti dedico tanto del mio tempo libero… e ora so che non è sufficiente. Quando sarai grande, ti porterai dietro anche tu il peso dell’amore insoddisfatto della tua infanzia. Qualche volta mi sono accusata d’essere una cattiva madre, una donna incapace… Tutto ciò che mi si chiede di fare io l’ho trascurato: io non sono una donna di casa, non ho sopportato di vivere infelice e ho divorziato, invece di cucire, come mi avevano detto, faccio politica. Tuttavia, è forse attraverso tutte queste trasgressioni dei modelli borghesi, che ho finito col capire un certo numero di cose. E questa sera, uscendo dalla tua camera, ho intenzione di spiegarmi con te, da donna a donna. Tu hai già dieci anni e in soli dieci anni potresti trovarti nella situazione in cui io sono oggi, una situazione di lacerazione totale.
Sono io che pago.
Mi ricordo della mia prima perplessità di donna (e senza dubbio è stata quella, la mia prima idea politica) sentendo, a otto anni, mio padre dire a mia madre: «In questa casa, sono io che comando.» Io ho deciso che, se volevo essere indipendente, non avrei mai dovuto far si che un uomo «pagasse per me».
È certo allora, mia piccola, che ho cominciato a non conformarmi più ai clichés borghesi, a non volerti più amare un giorno come «loro» mi avevano insegnato (e t’insegnano oggi) si devono amare i figli. Ho frequentato le scuole primarie, successivamente le scuole commerciali. Sono diventata segretaria di direzione. Sono trascorsi 25 anni da quando avevo otto anni, e ho sempre lavorato, a parte una pausa di tre anni di cui ti parlo ora. Ho incontrato tuo padre e ho vissuto con lui perché lo amavo. E perché lo amavo ho voluto (come lui) avere insieme dei bambini. Ti abbiamo fatta con amore, mia piccola cara. Ho continuato a lavorare. Per me questo era scontato. Ho cominciato a cercare qualcuno che potesse badare a te mentre lavoravo. Non ho trovato nessuno, ma mi sembrava che il problema potesse essere risolto con un po’ di pazienza.
La mia pancia è cresciuta e sono cominciati i problemi. «Come, tu non vuoi allattarlo? Perché vuoi tornare a lavorare? Ma no, non occuparti del Vietnam, nel tuo stato! Non andrai alla manifestazione per caso! PENSA AL TUO BAMBINO!» Inutile dire che io ci pensavo, giustamente. Non mi capivano. Non mi chiedevano più dei fatti miei. Mi chiedevano «come va?», con gli occhi fissi sulla mia pancia, come se tutt’a un tratto non avessi più testa.
Un bel giorno, il mio direttore mi ha convocato: «Voi siete incinta a quel che vedo…?» (con un tono freddo e di rimprovero). Non ho potuto certo dire di no… Mi ha fatto un lungo discorso per spiegarmi che il mio stato era incompatibile con la mia funzione, che non poteva prendersi la responsabilità, che i suoi clienti… e… che… e che… blablabla… «Ma, in fin dei conti, signore, avete delle lamentele da farmi? Il mio lavoro non è più sufficiente? Il mio umore è mutato?» NO, no di certo… ma il posto di una madre è vicino al suo bambino e un giorno gli sarei stata grata per avermi spinto a rientrare in me stessa. Mi sono precipitata sul codice civile e mi sono resa conto che egli aveva il diritto di licenziarmi, non ero che al sesto mese di gravidanza ed è solo durante le ultime otto settimane che la legge glielo avrebbe impedito.
Quella sera, mia cara, tu — per la prima volta — sei stata un’intrusa. Per la prima volta, non ti ho voluto. A partire da quella sera, io mi sono resa conto del prezzo che dovevo pagare per aver voluto essere tua madre. Mi sono resa conto che ero caduta in trappola e che l’amarti, fino a quando saresti adulta, sarebbe stata una lacerazione di tutti i giorni. È stato terribile pensarlo… E tuttavia io t’avevo voluta, e avevo scelto il mio momento. Mi domandavo come se la cavavano coloro che non conoscevano la pillola, che aspettavano un bambino che non avevano neanche voluto.
Dopo un anno, non leggevo più il giornale.
Eri appena nata, quando ho trovato un lavoro in un altro ufficio, presso una fabbrica tessile. Guadagnavo meno di prima, e non ero più segretaria di direzione. All’inizio, non ho trovato un posto per te all’asilo comunale. Tu passavi le giornate presso una vicina: cinquecento franchi. Io non avevo il tempo di lavare i tuoi panni: 150 franchi in una lavanderia privata.
A mezzogiorno mangiavo alla mensa aziendale (sei franchi e faceva schifo). La sera, dopo otto ore e tre quarti di lavoro e tre quarti d’ora di trasporti pubblici, per andare e tornare, non avevo più la forza di far niente. Ma se io non facevo le corse per fare i lavori domestici, diveniva evidente, ora che c’eri tu, che non li avrebbe fatti nessun altro.
Tuo padre faceva ore di straordinario, più o meno obbligatorie. Allora io pulivo, cucinavo, ti davo da mangiare, mi occupavo di te.
Durante questo periodo ero abbruttita, incapace di pensare se non per dire: «Ma cosa ho fatto? Non c’era posto nella mia vita per un bambino.» Una volta, passando attraverso i reparti con il loro caldo opprimente, mi sono chiesta come faccessero le operaie. Dalle loro schede personali sapevo che alcune di loro erano divorziate e avevano anche quattro figli, sapevo che in certi periodi le si imponevano fino a 10/12 ore di straordinario in una settimana. Io le vedevo lavorare in piedi, nel rumore, a ritmi frenetici. La vita doveva essere ben peggiore per loro che per me. Alla fine dell’anno, non leggevo più il giornale, non andavo più al cinema, non mi interessavo più di politica. Non ne avevo la forza. Non facevo più l’amore: non ne avevo più la forza, e tuo padre non andava certo meglio.
Mio marito, i miei amici, la mia famiglia, i miei colleghi, tutti mi dicevano che ero stupida ad ostinarmi: tra una cosa e l’altra tutto il mio stipendio se ne andava… allora perché?
Tu cominciavi a parlare, io ero sull’orlo del collasso. Mi sono detta: «Se resto a casa, non avrò l’impressione che ella mi privi della mia vita, io l’amerei di più.» Sono restata a casa, ho dormito per quindici giorni e ho recuperato le forze. Fu allora mia cara che ti ho odiato di più. Ero tagliata fuori dalla vita sociale, passavano settimane senza che potessi andare in città. Mi sentivo esclusa da tutto. Non avevo i mezzi per pagare una baby-sitter e non uscivo perché tuo padre cominciava a militare tutte le sere e tu avevi proprio l’età in cui era meglio non lasciarti sola. Tra vicini, non ci si parlava affatto, io l’avrei voluto, ma gli altri non sembravano desiderarlo. E poi, un giorno, tuo padre mi ha detto: «Sono io che guadagno, sono io che comando.» È stato l’inizio del nostro divorzio. Malgrado tutto, durante i tre anni in cui sono restata a casa, ho avuto il tempo di leggere, perché in fondo non avevo che te, una sola figlia. Anche prima che tuo padre ed io cominciassimo a litigare avevo deciso di prendere la pillola, di non avere un secondo figlio finché non avessi risolto questo grosso problema: l’impressione che i miei sentimenti per te fossero insieme di amore e di risentimento.
Oggi noi viviamo tutte e due sole. Tuo padre viene a trovarci, dà pacche sulle spalle. Anche se volesse, non troverebbe un posto a metà tempo nella tipografia in cui lavora. È dunque soprattutto con me che stai. Tu hai altrettanto bisogno di me che di lui, ma di lui la società ti priva totalmente, senza appello, dopo che tu sei nata.
Io mi sono reinserita presto. Tre anni non sono venti anni, come per molte altre donne. Ho un lavoro interessante anche se dopo le 40 ore settimanali mi sento svuotata.
Voglio per te una società diversa.
Io so che non resterò mai più chiusa in casa. Ho capito che dalla nostra infanzia, ci si inculca un bisogno d’affetto (sia che siamo ragazzi o ragazze) che la società non permette a nessuno di soddisfare: l’insicurezza che essa crea è in seguito sfruttata politicamente ed economicamente. Si fa conto su di noi, le madri, per occuparci di voi, i figli, facendoci il ricatto dell’amore: così i nostri padroni fanno economia di asili, di ristoranti, di lavanderie, di tutti questi servizi che dovrebbero essere a nostra disposizione. Come possiamo amarvi di tutto cuore, senza reticenze, quando per avervi dobbiamo praticamente rinunciare alla nostra identità? Abbandonare studi, lavoro, autonomia? Lavorare per un salario minore perché per definizione noi dobbiamo «ben presto ritornare al focolare», occuparci di voi? Quando sappiamo che il modello della famiglia che si imprime nelle vostre teste, come lo è stato nelle nostre, dopo il primo giorno di vita, ci rende dipendenti da voi, vi obbliga ad esigere che noi siamo quelle persone che l’organizzazione stessa della società ci impedisce di essere? Quale lacerazione per me quando tu vuoi qualcosa che la pubblicità ti mette davanti e che non ho i mezzi per offrirti! Desidererei tanto che tu fossi felice e che non soffrissi di privazioni… Ma io non posso renderti felice. Io non posso che spiegarti la nostra situazione sperando che tu la comprenda. Tu potrai farmi notare che esistono delle donne a cui piace restare a casa ad occuparsi di due, tre, quattro figli, che non si pongono il problema d’amare più o meno i loro bambini, che considerano «normale» rinunciare a tutto per loro. Lo so. Una volta, nel mio esaurimento, ho desiderato di essere una di loro, le ho anche invidiate. Ma vedi, non è più possibile. Ho voluto essere un essere umano donna, indipendente ed autonomo, e non una donna che subisce la sua condizione. Questa volontà mi ha (malgrado me stessa all’inizio) lanciata in una lotta, dapprima individuale, in seguito collettiva, perché sono molte le donne che non vogliono più subire la propria condizione. Nel casino, io sono stata ferita e straziata. Ho avuto l’impressione che la mia capacità d’amarti, di amare chichessia, fosse mutilata. E tuttavia, è perché io ti amo e attraverso te amo tutti i bambini del mondo, che io lotto oggi e che questa sera esco per andare a una riunione. Occorre che tu capisca bene: non sono io che ti privo dell’amore, è questa società che lo ruba a tutte e due. È perché io ti amo, di un amore diverso, pulito da tutte le smancerie di cui lo ha parato la società ingiusta nella quale viviamo, che io voglio per te una società diversa. Una società in cui la parola «amore» non sarà più una trappola stretta nella quale infilare il nostro egoismo, ma una realtà vasta. Una società in cui gli uomini potranno essere amici degli altri uomini, in cui la fraternità si apprenderà succhiando… dal seno.
Un mondo in cui la soddisfazione di tutti i nostri bisogni — materiali, affettivi e culturali — sarà in permanenza d’attualità. Mi dirai che è un’utopia. Vedi, oggi, tra ufficio e lavori di casa, ho avuto una giornata di dodici ore. E ora sto per uscire per andare ad una riunione, sapendo che resterai sola. Allora io ho bisogno che noi ci ricordiamo di questa «utopia», che ci diciamo che c’era un tempo in cui era utopia l’idea che la terra girasse. E che le utopie percorrono la loro strada. Anche la nostra. Con l’amore di una donna che è la tua mamma.
Josiane
Notes
1 Cf. Yannick Beaulieu, « L’extrême gauche italienne n’existe pas ! Mise en perspective historique d’une “aire” politique : la Nuova Sinistra (1960-1980) », dans Michel Biard, Bernard Gainot, Paul Pasteur, Pierre Serna (dir.), « Extrême » ? Identités partisanes et stigmatisation des gauches en Europe (xviiie-xxe siècle), Rennes, PUR, 2012, p. 341-359.
2 Carlo Ghisalberti, « Tradizione e innovazione nel codice civile nel 1942 », Clio, rivista trimestrale di studi storici, XXIX, 1993, p. 337-348 ; 337.
3 Federica Di Sarcina, « Un’ondata di femminismo comunitario. La nascita della politica di pari opportunità della Comunità economica europea (1969-1978) », Memoria e ricerca, Rivista di storia contemporanea, 30, janv.-avril 2009, p. 59-69 ; 61. Outre les disparités entre pays européens et entre régions, majoritairement les femmes travaillent dans le secteur tertiaire : les services domestiques, les services aux personnes, le commerce, la restauration, le secteur bancaire et les assurances, ainsi que la fonction publique (institutrices).
4 Rose-Marie Lagrave, « Une émancipation sous tutelle. Éducation et travail des femmes au xxe siècle », dans Georges Duby et Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, le xxe siècle, tome 5, Paris, Plon, 1992, p. 431-462 ; 450.
5 Tommaso Baris, C’era una volta la Dc. Intervento pubblico e costruzione del consenso nella Ciociaria andreottiana (1943-1979), Rome, Bari, Laterza, 2011.
6 Palmiro Togliatti (1893-1964) fut membre fondateur puis secrétaire général du PCI de 1927 à 1934, puis de 1938 à 1964 ; Luigi Longo (1900-1980) fut secrétaire général du PCI de 1964 à 1972 et Umberto Terracini (1895-1983), membre fondateur du Parti communiste italien, fut vice-président de l’Assemblée constituante de 1948 et député sans interruption de 1954 à sa mort ; il fut souvent critique face à certaines orientations du PCI.
7 Arturo Peregalli précise « Così, ad esempio, mentre Togliatti e la Mantagnana, nei loro scritti e discorsi inculcavano ai militanti di base e alla popolazione il valore primario dell’unità della famiglia, la loro si stava disfacendo. Altri dirigenti ‘storici’ avevano cambiato partner o lo avrebbero cambiato in periodi successivi: da Luigi Longo a Mauro Scoccimarro; da Ruggero Grieco ad Agostino Novella, da Arturo Colombi a Girolamo Li Causi e Gian Carlo Pajetta. Il problema toccava pure Umberto Terracini, che sulle piazze andava professando una sentita fede antidivorzista. E siccome egli amava presentare la sua attuale compagna come moglie, nacque uno scandalo quando, nell’autunno 1974, il giovane cronista della rivista Ugo Zatterin rivelò che la loro non era un’unione regolare, essendo lei ancora sposata a un ufficiale e lui ancora ammogliato con una donna russa, Alma Leks. Insomma, al momento erano pubblici concubini » (Arturo Peregalli, « PCI 1946-1970. Donna, famiglia e morale sessuale », Quaderni Pietro Tresso, 27, janv.-février 2001, p. 13).
8 Cinzia Arruzza, Le relazioni pericolose. Matrimoni e divorzi tra marxismo e femminismo, Rome, Alegre, 2010, p. 42.
9 Lidia Cirillo, Lettere alle Romane. Sussidiario per una scuola dell’obbligo di femminismo, Milan, Il Dito e la Luna, coll. « I Quarderni Viola, 5 », 2001, p. 54. Sauf mention contraire, les traductions sont les nôtres.
10 Cinzia Arruzza, ouvr. cité, p. 46.
11 Ces rencontres sont même photographiées et documentées (voir Zapruder, storie in movimento, 13, mai-sept. 2007, p. 68-75). Ces mouvements féministes nationaux sont pris dans un mouvement plus international et de nombreux phénomènes de transferts culturels sont à l’œuvre à commencer par un réseau de traducteurs et de traductrices, des œuvres qui participent d’une intertextualité importante, des pratiques politiques et militantes qui se diffusent comme les « camps d’été-vacances politiques ».
12 Lidia Cirillo, ouvr. cité, p. 59.
13 Ibid.
14 Lors d’un entretien avec Lidia Cirillo, réalisé le 18 septembre 2010, celle-ci porte un jugement très sévère : « Sur le long terme, les séparatistes ont finalement peu appliqué leurs théories, puisqu’elles sont entrées dans des institutions fortement masculinisées comme les universités, ont connu des parcours accidentés et faits de compromis, et ont souvent constitué des lobbies féminins pour conquérir des espaces et des positions institutionnelles, pour ensuite se référer de manière parfois critique à des maîtres de sexe masculin comme Lacan ou Severino (même si elles ont déconstruit ou féminisé leurs pensées). »
15 Anna Bravo, « Un équilibre fragile : les femmes, entre liberté et violence », dans Marc Lazar et Marie Anne Matard-Bonucci (dir.), L’Italie des années de plomb. Le terrorisme entre histoire et mémoire, Paris, Autrement, 2010, p. 64-79 ; 75.
16 « Il più che modesto risultato elettorale di Democrazia Proletaria (1,5%) alle elezioni politiche del 20 giugno 1976 contribuì ad innescare dentro l’organizzazione un dibattito a tratti convulso, frenetico, che assumeva sovente toni apocalittici e da catarsi finale. Donne, operai, giovani, si ricavano i propri spazi per discutere delle loro condizioni di esistenza e di vita in un partito che accusavano di averli espropriati, in quanto aveva ridotto l’attività politica ad una tecnica astratta, sempre più separata dai bisogni delle masse e dalla partecipazione dei militanti di base dell’organizzazione. Si scaricavano sul partito e in particolare sul suo gruppo dirigente tutte le responsabilità del presunto fallimento. La recriminazione corrente nei confronti dei dirigenti era quella di essersi costituti come élite separata dal resto del corpo del partito, espropriandolo, riducendolo a strumento di una linea politica decisa da altri. Il dibattito precongressuale che si avviò subito dopo l’estate del 1976 in vista del 2o Congresso Nazionale portava alla luce tutte queste tensioni. A Torino, in modo particolare, le contraddizioni e le difficoltà a garantire un sereno confronto si manifestarono pienamente. Gli operai di Mirafiori attaccavano il gruppo dirigente tacciandolo di direzione intellettualistica e piccolo borghese, di essersi reso autonomo dalla base sociale del partito e dalla centralità operaia; nel congresso di federazione gli operai, in forma anche aggressiva, accusavano le femministe e i vecchi militanti di quello che era il nucleo storico torinese di Lotta Continua di essere “la borghesia nel partito”. Proponevano un ritorno alla centralità operaia. ll 4o Convegno Operaio del 4 ottobre 1976, infatti, concludeva i suoi lavori chiedendo “l’esercizio della direzione operaia in Lotta Continua”. Con queste premesse si apriva il 1o novembre 1976 a Rimini il 2o Congresso Nazionale. Si trattò di un congresso completamente diverso da quello precedente e che non aveva riscontri in esperienze similari di altri partiti del movimento operaio o della nuova sinistra. Fallita la mediazione tentata da Adriano Sofri nella sua relazione introduttiva, nella quale disse che bisognava abituarsi a “vivere col terremoto”, il congresso si trasformò in “un’attività vulcanica” di riunioni separate tra operai, donne, giovani, servizio d’ordine che formavano capannelli che si trascinavano nei corridoi degli alberghi che ospitavano i congressisti, in assemblee notturne convocate all’improvviso; tutto venne messo continuamente in causa, il dibattito sembrava trovare “provvisorie composizioni nei momenti di assemblea generale, per poi frangersi di nuovo”; alla fine si ebbe la sensazione di “non riuscire a governare queste contraddizioni, di avere forse alzato troppo il tiro”.» (Diego Giachetti, « La carovana di Lotta Continua e “l’eterno” problema dell’organizzazione », Altrastoria, 6, mars 2002.)
17 Eros Francescangeli, L’incudine e il martello. Aspetti pubblici e privati del trockismo italiano tra antifascismo e antistalinismo (1929-1939), Pérouse, Morlacchi Editore, 2005.
18 Avec Marco Bavassano, elle rompra avec la NOI, refusant la création de la IVe Internationale, et participera à la formation de l’Union communiste, organisation révolutionnaire proche des positions de la Sinistra comunista italiana. Elle décède en exile à Paris des suites de la tuberculose en 1935. Paolo Casciola, « Appunti di storia del trotskismo italiano (1930-1945) », dans Quaderni del Centro Studi Pietro Tresso, Studi e ricerche, 1, mai 1986 et Eros Francescangeli, L’incudine e il martello. Aspetti pubblici e privati del trockismo italiano tra antifascismo e antistalinismo (1929-1939), ouvr. cité.
19 Paolo Casciola, « Giovanna Costantini [Jeanne Apik] (1903-1995) », Quaderni del Centro Studi Pietro Tresso, Studi e ricerche, 36, sept. 1995.
20 « Giuseppina (Pina) Verdoja. Una trotskista nel dopoguerra. Intervista a cura di Diego Giachetti », Quaderni del Centro Studi Pietro Tresso, Studi e ricerche, 24, sept. 1992.
21 Eros Francescangeli, L’incudine e il martello. Aspetti pubblici e privati del trockismo italiano tra antifascismo e antistalinismo (1929-1939), ouvr. cité.
22 Giuseppina Verdoja décrit son engagement dès 1943 dans un long entretien avec Diego Giachetti ; il est fort instructif quant à la place, aux pratiques et à « l’usage » des quelques militantes de l’époque :
« Diego Giachetti: È nel 1943 che inizia la tua militanza politica?
Giuseppina Verdoja: Sì.
DG: E che cosa facevi?
GV: Avevo dei contatti con i Gruppi di difesa della donna. Cominciai a svolgere una maggiore attività a partire dal 1944. Diffondevamo e ci scambiavamo materiale di propaganda: La Voce dell’Officina, La Compagna ed altre testate. […] una sera, nella primavera-estate del 1944, ero uscita da quella casa in via San Secondo, stavo percorrendo Corso Vittorio Emanuele e nella borsa avevo manifestini e giornali, che poi avrei lasciato di nascosto sui banchi e sulle cattedre dell’università che frequentavo — la Facoltà di Magistero, il cui preside era Gribaudi, fascista ben noto e dichiarato, il quale incitava gli studenti ad arruolarsi nelle ricostituite milizie della Repubblica Sociale Italiana. »
(« Giuseppina (Pina) Verdoja. Una trotskista nel dopoguerra. Intervista a cura di Diego Giachetti », art. cité, p. 8.)
23 Extrait de la « Maison de l’horticulteur » par Alfonso Leonetti, dans Paolo Casciola, « Giovanna Costantini [Jeanne Apik] (1903-1995) », art. cité, p. 18.
24 Voir annexes pour un bref résumé de l’histoire de la section italienne de la IVe Internationale (Secrétariat unifié).
25 « Giuseppina (Pina) Verdoja. Una trotskista nel dopoguerra. Intervista a cura di Diego Giachetti », art. cité, p. 9 :
« Giuseppina Verdoja : J’ai adhéré au courant Iniziativa Socialista parce que j’avais besoin d’un point de référence nationale pour pouvoir conduire ma bataille au niveau local contre ceux qui voulaient dissoudre le parti socialiste pour entrer dans le PCI. Même les partisans de Basso, les jeunes bassiens, je ne parle pas de Lelio Basso, qui était une personne plus que respectable, étaient terribles. Imagine qu’il y eut un congrès de la FG pour élire une direction locale, en 1946 je crois, durant lequel ils commirent des irrégularités sur les fiches de vote pour m’exclure. Ils étaient à ce niveau. […]
Diego Giachetti : Et pour toi, comme femme, ce n’était pas peut-être encore plus difficile [de faire de la politique] ?
GV : Oui […] Pour le reste, le fait qu’il y avait peu de femmes qui faisaient de la politique, et que le droit de vote venait d’être concédé aux femmes, notamment lors du référendum constitutionnel ou des élections pour l’assemblée constituante. Au début sur les places il y avait beaucoup de curiosité, les premiers meetings furent remplis. Il était en revanche difficile de faire de la politique à l’intérieur des partis. Ils te laissaient parler durant les meetings, et tu étais libre de dire ce que tu voulais. Mais ensuite, il arrivait — comme lors du congrès provincial de l’automne de 1945 — qu’après tout le travail que nous les femmes nous avions réalisé, au moment d’élire la direction, les hommes se comportaient comme si nous n’existions pas. Un camarade, qui peut-être se sentait coupable, s’exclama : “Nous avons oublié la femme !” Note bien : non pas “les femmes” mais “la femme” ! Nous étions considérées comme une catégorie à part. Une femme qui représente les femmes ! Cela semblait être la chose la plus absurde de ce monde. »
26 Ibid., p. 23 :
« DG : Tu suivais avec intérêt ces événements [le rapport Khrouchtchev, l’invasion de la Hongrie] ?
GV : Avec intérêt oui, avec participation moins. Prends en considération qu’en 1956 mon fils avait un an. À partir du moment où est né Léo, en 1955, jusqu’à ce qu’il ait deux ans, le soir j’étais toujours occupée à la maison. Je ne pouvais pas me déplacer, sortir, participer à des réunions. Voilà pourquoi de cette période je conserve peu de souvenirs personnels. Seulement en 1957, quand nous avons déménagé pour habiter à côté de ma mère, j’ai pu reprendre une activité politique normale, à partir du moment où elle pouvait me garder mon enfant. »
27 Voir Diego Giachetti, Nessuno ci può giudicare. Gli anni della rivolta al femminile, Rome, Derive Approdi, 2005.
28 Jean-Paul Salles rappelle dans son ouvrage fondamental sur la LCR (française) : « Incapables de modifier le rythme des réunions, les militants décident, au milieu des années soixante-dix, de prendre en charge collectivement le problème de la garde des enfants pendant les réunions ou les meetings. […] À Nantes, une résolution votée en congrès local justifie cette prise en charge collective des enfants, pour éviter qu’ils ne fassent les frais du militantisme, et aussi pour que “militants et militantes puissent faire le choix d’avoir un enfant, qu’ils (elles) ne soient pas culpabilisé(e)s”. Comme cela a été souvent le cas, c’est la ville de Rouen qui a eu l’initiative en ce domaine aussi, précédant de quelques mois la résolution du CC. Au congrès de Pâques 1976, la nouvelle DV a été mandatée pour mettre sur pied une maison des enfants à la rentrée scolaire. Un pavillon est trouvé assez vite, une permanente embauchée, et grâce au gros travail d’une demi-douzaine de militants durant la fin du mois d’août, la maison est opérationnelle à la rentrée. Elle fonctionne avec la participation des parents qui se relaient auprès des enfants, surtout du mardi soir au mercredi soir, le samedi et quand l’organisation en a besoin, notamment lors des meetings. » (La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981). Instrument du Grand Soir ou lieu d’apprentissage ?, Rennes, PUR, 2005, p. 330.)
29 « Lettera di una militante alla figlia di 10 anni », Bandiera Rossa, 15, 1er octobre 1977, p. 10-11. [Questa lettera è apparsa su La Brèche, giornale della Ligue marxiste révolutionnaire (Svizzera). Abbiamo deciso di pubblicarla perché essa pone problemi considerati per lungo tempo come « non politici » e sui quali nessuna organizzazione rivoluzionaria può fare a meno oggi di fermarsi.]
« Mia cara, piccola figlia, una volta di più questa sera ti ho dato la buona notte, tu mi hai chiesto, stringendo forte il tuo orsacchiotto di peluche: “Mamma, esci questa sera?” E nella tua domanda, nel tuo gesto, ho visto che ogni giorno che passa tu hai bisogno di più amore, di più sicurezza di quanto io possa darti. Ci sono delle volte che sono uscita dalla tua camera completamente scoraggiata: io ti voglio tanto bene, io ti dedico tanto del mio tempo libero… e ora so che non è sufficiente. Quando sarai grande, ti porterai dietro anche tu il peso dell’amore insoddisfatto della tua infanzia. Qualche volta mi sono accusata d’essere una cattiva madre, una donna incapace… Tutto ciò che mi si chiede di fare io l’ho trascurato: io non sono una donna di casa, non ho sopportato di vivere infelice e ho divorziato, invece di cucire, come mi avevano detto, faccio politica. »
30 Entretien avec Diego Giachetti, le 12 mai 2009.
31 Une jeune avant-garde qui sera décimée (voir le désastre du PRT-ERP argentin).
32 Yurii Colombo, Storia del trotskismo italiano (1968-1980), <trotskismo.over-blog.it/pages/yurii-colombo-storia-del-trotskismo-italiano-1968-1980-4455315.html> (consulté le 6 mars 2013), p. 56.
33 Livio Maitan, Per una storia della IV Internazionale. La testimonianza di un comunista controcorrente, Rome, Alegre, 2006, p. 394 : « Pour cela, durant le mois de février 1979, la majorité du Secrétariat et du Bureau, avec l’évidente exclusion de la Fraction bolchévique, annonçait la formation de ce qui avait été défini, en utilisant un terme américain, un “caucus” — c’est-à-dire quelque chose de différent non seulement d’une fraction, mais également d’une tendance, dans le but déclaré de faire approuver par le congrès quatre documents : sur la situation politique mondiale, sur la révolution socialiste et la lutte pour la libération des femmes, sur l’Amérique latine et sur l’Europe capitaliste. Les quatre documents ont été validés après une longue élaboration, avec des amendements successifs. Le document sur la libération des femmes — avaient contribué à sa rédaction en particulier Marie-Alice Waters et Jacqueline Heinen — occupait une place à part : c’était la première fois que cette thématique cruciale était abordée dans un texte de congrès. La diversité des expériences des deux côtés de l’Atlantique, pour ne pas parler des autres régions du monde, ne rendait pas la rédaction aisée, d’autant plus que dans la section française il existait une large gamme de positions. »
34 Ibid., p. 453.
35 Voir le site : <http://www.printemps.uvsq.fr/spip.php?article428> (consulté le 15 novembre 2011).
36 Livio Maitan, ouvr. cité, p. 469.
37 Ibid., p. 469.
38 Ibid., p. 478 : « Le premier texte rappelait un aspect essentiel de notre conception : le travail des femmes n’est pas uniquement un secteur en soi, mais un facteur qui doit influencer tous les autres aspects de notre activité et l’ensemble de notre organisation. » « Le document fait référence, même de manière synthétique, aux mouvements des lesbiennes. »
39 Contrairement aux féministes opéraïstes, Christine Delphy assume une position selon laquelle ce n’est pas le capitalisme qui s’approprie le travail domestique, mais ce sont bien les hommes qui en profitent. L’ennemi principal, titre de son ouvrage, n’est donc pas le capitalisme mais le patriarcat (voir Cinzia Arruzza, Le relazioni pericolose. Matrimoni e divorzi tra marxismo e femminismo, ouvr. cité, p. 81 et suiv.).
40 Collettivo femminista di Taranto (éd.), « Non c’è liberazione della donna senza Rivoluzione », La Quarta Internazionale, n.s., 16-17, janv.-avril 1975, p. 42 : « Donner vie à un large mouvement pour la liberté d’avorter, pour l’obtention de contraceptifs, de services sociaux gratuits qui rendent vraiment libre le temps disponible hors des horaires de travail, pour un plein emploi garanti, pour l’équité salariale. »
41 Jacqueline Heinen, « I nuovi percorsi della radicalizzazione », Bandiera Rossa, 2 mars 1987, p. 3.
42 Lidia Cirillo, « Per il movimento delle donne non è tempo di scadenze rituali. L’8 marzo e dopo », Bandiera Rossa, 27 février 1983, p. 5.
43 Voir Stefania Pioli, « Maria Carla, una donna. Per non dimenticare la sua morte, un rinnovato impegno di lotta contro la violenza sessuale », Bandiera Rossa, janvier 1989. Cette tribune tente de transformer le procès pour viol en une lutte collective de toutes les femmes. Cette bataille politique n’est pas sans rappeler l’utilisation du procès intenté contre Huey P. Newton, membre fondateur des Black Panthers, par le BPP.
44 Non signé, « Nel giorno delle donne si sono fatti sentire i giovani », Bandiera Rossa, 4, 17 mars 1985, et Marcella Terrani, « Il 28-30 giugno a Tornio, per l’iniziativa dell’Organizzazione giovanile Rivoluzione! Non ho l’età. Un convegno di giovani sulla sessualità giovanile », Bandiera Rossa, 10, 23 juin 1985, p. 8.
45 Elettra Deiana, « Vecchie e nuove forme della subordinazione », Bandiera Rossa, 3 mars 1988, p. 3 : « Mais il y a pire : ce pouvoir difficilement arraché par quelques femmes se transforme en une homologation et une assimilation : il n’aide pas à affirmer une différence sexuelle dans la société humaine, l’exigence d’une vision du monde conjuguée au féminin en plus du masculin ; il sert seulement, ou risque de servir uniquement, à légitimer cette société, où à “tous” il est consenti de progresser. »
46 « La même émancipation matérielle et sociale, condition sine qua non pour l’émergence d’une conscience féministe plus profonde, d’une volonté libératrice plus audacieuse, reste non seulement largement incomplète mais elle est menacée, sous l’épée de Damoclès d’une toujours possible remise en question des acquis que les femmes ont arrachés. […] Les difficultés croissantes d’insertion sur le marché du travail vont de pair avec le renouveau des campagnes misogynes contre la liberté sexuelle, contre le droit à l’avortement, contre les relations homosexuelles, campagnes périodiquement orchestrées par les grands sanctuaires du conservatisme : l’infatigable Wojtyla et Reagan. » (Ibid.)
47 Lidia Cirillo, « Le differenze sulla differenza », Bandiera Rossa, mai 1989.
48 Silvia Ballestra, Contro le donne nei secoli dei secoli, Milan, Il Saggiatore, 2006 : « Mais il s’est écoulé trente ans, et nous sommes de nouveau en train de parler de tout cela. Que s’est-il passé ? Comment est-ce possible que toutes ces nouvelles femmes, jeunes filles studieuses, indépendantes, “libérées”, informées, y sont retombées ? Avons-nous passé trente ans en plein sommeil nous reposant sur deux énormes conquêtes — avortement et divorce — congelant tout le reste ? La responsabilité est-elle celle du séparatisme, la défaite de la gauche historique, le témoin passé aux lesbiennes, la fragmentation du mouvement en mille groupes et groupuscules se disputant, la perte de la pratique de la politique (il est surprenant de lire dans les chroniques de cette époque la quantité d’heures quotidiennes dédiées au « travail politique » par les hommes et les femmes — assemblées, débats, cortèges, fêtes de parti, réunions de section), la sacralisation des papesses du féminisme, l’absence de transmissions entre les générations ? Qu’est ce que c’est ? »
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Référence papier
Yannick Beaulieu, « Les militantes féministes au sein de la section italienne de la IVe Internationale (Secrétariat unifié) », Cahiers d’études italiennes, 16 | 2013, 109-133.
Référence électronique
Yannick Beaulieu, « Les militantes féministes au sein de la section italienne de la IVe Internationale (Secrétariat unifié) », Cahiers d’études italiennes [En ligne], 16 | 2013, mis en ligne le 15 décembre 2014, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cei/1137 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cei.1137
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