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Époque moderne et contemporaine : l’écrivain témoin et interprète de l’événement

Crise et évolution du genre narratif à la fin du xvie siècle : les Histoires tragiques de Bénigne Poissenot

Crisis and Evolution of the Narrative Genre at the End of the 16th Century: The Histoires tragiques of Bénigne Poissenot
Crisi e evoluzione del genere narrativo alla fine del XVI secolo: le Histoires tragiques di Bénigne Poissenot
Mariangela Miotti

Résumés

Les Histoires tragiques du xvie siècle constituent, malgré l’absence d’un discours théorique, un corpus avec une certaine unité. En 1586, Bénigne Poissent trace, dans le « Prologue » à ses Nouvelles histoires tragiques une analyse rétrospective qui nous permet de saisir et analyser les éléments constitutifs du genre, la langue, le style et le rapport que ces récits entretiennent avec le théâtre et le roman, mais notamment, le rôle reconnu à l’Histoire.

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Texte intégral

  • 1 Voir J.‑C. Arnould (dir.), Les Histoires tragiques du xvie siècle. Pierre Boaistuau et ses émules, (...)
  • 2 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, J.‑C. Arnould et R. A. Carr (éds), Genève, Droz, 1996.
  • 3 Voir E. Ziercher, « Histoires tragiques et formes narratives au xvie siècle », Réforme, Humanisme, (...)

1Depuis leur fondation en 1559 par Pierre Boaistuau, les Histoires tragiques du xvie siècle constituent le plus vaste ensemble de narration brève du temps1. Parmi les nombreux témoignages que nous a légués cette catégorie narrative autonome, nous avons choisi d’arrêter notre attention sur les Nouvelles histoires tragiques de Bénigne Poissenot2 afin de saisir les causes du succès mais aussi celles des attaques que ce corpus de textes a connues dans la deuxième moitié du xvie siècle. Le « Prologue de l’Autheur », qui précède les Nouvelles histoires tragiques (1586), contient une analyse rétrospective dans laquelle Poissenot rappelle les travaux de ses prédécesseurs et cherche à présenter, pour ses contemporains, les éléments constitutifs et les caractéristiques du genre3 dont le succès continue au siècle suivant. Les idées de Poissenot sont, à notre avis, un pivot incontournable, une étape qui mérite d’être mise en valeur dès lors qu’on se fixe comme objectif de mieux comprendre la relation qui se tisse à cette époque entre le roman et l’histoire.

2Après avoir rappelé les caractéristiques principales des Histoires tragiques au xvie siècle, nous nous proposons d’examiner le « Prologue » aux Nouvelles histoires tragiques de Poissenot pour découvrir les noyaux les plus importants, vérifier les liens qui existent avec ses prédécesseurs depuis Boaistuau, le rapport avec les autres genres littéraires, la tragédie notamment, et étudier le rôle que Poissenot reconnaît à l’Histoire.

1. Pierre Boaistuau et la naissance des Histoires tragiques

  • 4 La Croix du Maine, Les Bibliothèques françoises, Rigoley de Juvigny (éd.), Paris, 1772, t. II, p. 2 (...)
  • 5 A. de La Borderie, « Pierre Boaistuau », Revue de Bretagne et de Vendée, t. VII, 1870, p. 359‑371.

3Si Boaistuau est réputé comme un homme « très docte » et l’un « des plus éloquens Orateurs de son siècle4 », sa vie est en réalité peu connue ; les données les plus importantes découlent de ses ouvrages, comme le démontre le travail que lui a consacré, au xixe siècle, Arthur de La Borderie5.

  • 6 R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. xiixiv.

4Tous ses intérêts et ses recherches scientifiques « — qu’il s’agisse du règne minéral ou végétal — le ramènent inévitablement à cette autre merveille de la nature qu’est l’homme6 ».

  • 7 P. Boaistuau, Le Theatre du monde [1558], M. Simonin (éd.), Genève, Droz, 1981.
  • 8 Cf. P. Boaistuau, Le Theatre du monde, cité par R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoi (...)
  • 9 Voir R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité.

5Son premier ouvrage, L’Histoire de Chelidonius Tigurinus, sur l’Institution des Princes Chrestiens, et origine des Royaumes (1556), que l’auteur présente comme une traduction du latin, n’est en réalité qu’un exercice qui veut continuer la tradition de l’époque du « miroir du prince ». Boaistuau se propose aussi de traduire le De civitate Dei de saint Augustin, travail qui sera vite interrompu mais qui lui a permis de préparer une compilation intitulée Le Theatre du monde, suivie du Brief discours de l’excellence et dignité de l’homme (1558). Il s’agit d’une vaste compilation dans le goût du temps, construite grâce aux nombreuses compilations et aux recueils d’adages, à toute la littérature moraliste très répandue au xvie siècle et qui aura, comme nous le verrons, une grande importance chez ses successeurs. Le succès du Theatre du monde7 est attesté par le nombre des éditions, une vingtaine, qui se succèdent au cours du siècle. Les deux traités, dans leur ensemble, constituent un exemple intéressant d’un des paradoxes très répandus à la Renaissance : l’attention que l’on réservait à l’être humain étudié, notamment, dans les deux aspects les plus contradictoires qui le définissaient, sa misère et sa dignité. Boaistuau, grâce à ses lectures, à son érudition, sait saisir et décrire ce paradoxe qui caractérise l’être humain8. La souffrance et la misère accompagnent l’homme depuis sa naissance jusqu’à la mort, malgré les possibilités qu’il a de montrer ses capacités, ses forces. Le vrai bonheur et la dignité peuvent être conquis par l’homme seulement lorsqu’il se souvient de ses origines divines et se rend capable de suivre la parole de Dieu9.

  • 10 Ibid., p. xliii.

6En 1558, Boaistuau publie les Histoires des amans fortunez, première édition des nouvelles de Marguerite de Navarre, texte remanié, où Boaistuau n’a pas hésité à supprimer certains passages, à corriger le style et à donner un ordre différent aux nouvelles que Marguerite de Navarre avait laissées à sa mort. L’intervention de Jeanne d’Albret, on le sait, amènera à supprimer l’édition de Boaistuau et à en confier le soin à Claude Gruget. Ce qui nous intéresse ici, c’est que, malgré cet insuccès, Boaistuau n’abandonne pas l’intérêt pour ce genre d’écriture et, l’année suivante, au début de 1559, publie ses Histoires tragiques, traduction et adaptation de six nouvelles de Bandello. Il confie la suite de la version française de Bandello à son collaborateur, François de Belleforest qui, entre 1559 et 1582, devait la continuer pour aboutir à une collection de sept volumes. L’évolution et le succès des Histoires tragiques passent ainsi dans les mains de Belleforest, Boaistuau abandonne le monde romanesque pour partir vers l’Angleterre, mais avant son départ il prépare une édition spéciale de ses Histoires tragiques, « dediées à Tresillustre et Treschretienne Elizabet de Lencastre, par la grace de Dieu Royne d’Angleterre10 ».

  • 11 M. Campanini, « “Remettre en nouvelle forme”. Métamorphose et recréation du modèle dans les Histoir (...)

7Le recueil de 1559 de Pierre Boaistuau constitue non seulement le témoignage de la naissance d’un nouveau genre mais, comme les études les plus récentes l’ont démontré, « le lieu de l’invention d’un genre […] qui manifeste, dès l’intitulé, l’autonomie de son statut narratif11 ». Le processus concernant la langue et l’emploi de stratégies rhétoriques mis à jour par Boaistuau continuera à fournir des éléments efficaces et incontournables pour la production suivante.

2. Les Histoires tragiques de Boaistuau à Belleforest

  • 12 P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. 5.
  • 13 Ibid., p. 4.

8Les Histoires tragiques publiées en 1559 sont introduites par une dédicace à « Monseigneur Matthieu de Mauny, abbé des Noyers » et par un « Advertissement au lecteur ». Pour alléger la douleur que la mort de ses proches avait procurée à l’abbé, Boaistuau lui offre « je ne sçay quoy de plus gay, à fin d’adoucir et donner quelque relasche à voz ennuis passez12 ». La mort « messagere implacable de Dieu », affirme Boaistuau, concerne tous les êtres humains, lorsqu’elle arrive elle « met fin à leur tragedie », mais elle oblige ceux qui restent à réfléchir sur « quel rolle ils jouent en ce theatre humain13 ». L’« Advertissement au lecteur » permet à Boaistuau d’introduire celui qu’il a choisi comme son successeur, Belleforest — « il m’a tant soulagé en ceste traduction » — de déclarer sa poétique, d’affirmer son indépendance par rapport au modèle italien et, en conclusion, ce qui nous intéresse ici, de fournir une explication concernant le choix du titre :

  • 14 P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. 6‑7.

[…] Au reste, j’ay intitulé ce livre de tiltre Tragique, encore que (peut estre) il se puisse trouver quelque histoire, laquelle ne respondra en tout à ce qui est requis en la tragedie14.

  • 15 E. Ziercher, « Histoires tragiques et formes narratives au xvie siècle », art. cité, p. 9.
  • 16 B. Méniel, « Le tragique et la rhétorique judiciaire dans les Histoires tragiques de Belleforest », (...)

9Aucune théorie narrative n’est ici exposée, qui puisse permettre de cerner avec précision les traits identitaires des histoires tragiques15. Comme l’affirme Bruno Méniel « le style des histoires tragiques qui s’élabore dans la seconde moitié du xvie siècle — quel que soit le jugement qu’on porte sur lui — est d’une efficacité remarquable, ainsi que le prouve le succès du genre. Il reste néanmoins mystérieux16 ». C’est ce mystère qu’il faut interroger pour essayer de mieux comprendre les facteurs qui ont participé à sa construction.

  • 17 P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. 7.
  • 18 J.‑C. Arnould, « L’impasse morale des histoires tragiques au xvie siècle », Bulletin de l’Associati (...)

10Boaistuau, le premier, essaie d’avancer une explication à propos de son choix de la formule « histoires tragiques ». Après avoir pris les distances du style du modèle italien et invoqué son autonomie face à la phrase de l’italien considérée trop « rude », avec ses « propos tant mal liez », il annonce une « nouvelle forme » qui lui permet de reprendre, de l’auteur italien, seulement « le subject de l’histoire17 ». Ces considérations résument les idées que Boaistuau avait mises au cœur de ses réflexions dans le Bref discours de l’excellence et dignité de l’homme (1558) et le Theatre du monde et témoignent du lien entre ces deux traités et les Histoires tragiques, non seulement sur le plan thématique mais aussi sur le plan formel18. L’engagement de Boaistau consiste à adoucir le style de Bandello pour créer une langue nouvelle qui sait tirer tous les éléments nécessaires des autres genres narratifs et dont il fournit un exemple à travers son travail de traduction/adaptation.

  • 19 F. de Belleforest, « Advertissement au lecteur », dans Le Troisième tome des histoires tragiques [… (...)
  • 20 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 52.
  • 21 J. Yver, Le Printemps d’Yver, P.‑L. Jacob (éd.), Genève, Slatkine Reprints, 1970.

11Ces idées de Boaistuau sont reprises par Belleforest lorsqu’il affirme que son but, après avoir « humé la substance de Bandel » est « le prouffit de nostre nation, et enrichissement de nostre langue19 ». Poissenot, plus tard, reviendra sur ce même point pour reconnaître la valeur de la traduction dans un projet de renouvellement, où le sentiment national revêt un rôle de premier plan. Dans le « Prologue de l’Autheur » de 1586, Poissenot défend le travail de Belleforest contre ceux qui l’accusent « qu’il n’avoit acquis plus grand los en ses versions que celle qu’on rapporte de cultiver le jardin d’autruy20 ». Soutenu par les mots d’un autre auteur d’Histoires tragiques, Jacques Yver21, Poissenot affirme :

  • 22 Ibid., p. 52‑53.

[…] que le Bandel a esté semblable à la pesche, recevant plus d’honneur en pays estrange qu’il n’en avoit oncques acquis au sien. Son traducteur l’a tousjours estimé semblable à un grand jardin desert et en friche, le louant au reste de la diligence qu’il avoit employé à la recherche de tant de faicts qu’il a couché par escrit, et s’attribuant toutes les sentences, fleurs et elegances de parler contenues en sa traduction22.

  • 23 M. Campanini, « “Remettre en nouvelle forme”. Métamorphose et recréation du modèle dans les Histoir (...)
  • 24 Ibid., p. 106. Voir aussi J.‑C. Arnould, « L’impasse morale des histoires tragiques au xvie siècle  (...)

12L’analyse du style de Belleforest, où « la relation entre translatio et inventio […] est considérée comme une élaboration stylistique qui se fait l’instrument de l’affranchissement du modèle et de l’appropriation d’une identité littéraire originale23 », concerne tous les auteurs d’Histoires tragiques de la seconde moitié du xvie siècle. Ce « nationalisme » qui vise à créer un style approprié au nouveau genre paraît être une constante chez nos auteurs, que l’on retrouve, en effet, sous des formes différentes, dans les « Advertissements » et « Préfaces » qui accompagnent les recueils des Histoires tragiques. La présence, dans les pages de Poissenot, des noms de ses prédécesseurs témoigne d’un sentiment commun qu’il essaie de résumer, mais surtout qu’il veut défendre. Avant d’envisager ou de prétendre à un lien avec le genre dramatique de la tragédie, Boaistuau, Belleforest et Poissenot revendiquent la création d’une « prose tragique24 ».

  • 25 Voir N. Le Cadet, « Les “piteuses histoires” de L’Heptaméron et les histoires tragiques du xvie siè (...)
  • 26 F. de Caigny, Sénèque le Tragique en France (xvie-xviie siècles). Imitation, traduction, adaptation(...)
  • 27 Cf. K. P. Witold, Le tragique dans les nouvelles exemplaires en France au xvie siècle, Lódz, Presse (...)
  • 28 N. Le Cadet, « Les “piteuses histoires” de L’Heptaméron et les histoires tragiques du xvie siècle » (...)
  • 29 R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. li.
  • 30 Ibid., p. 7.
  • 31 M. Miotti, « La definizione di ‘tragedia’ in alcuni dizionari del Cinquecento », dans Parcours et R (...)
  • 32 L. de Baif, Tragédie de Sophocle intitulée Electra, Paris, Estienne Roffet, 1537, voir B. Weinberg, (...)

13La critique a accordé une grande importance, dans le choix du terme « tragique » employé dans les titres de nos recueils, à l’influence et au succès que le genre de la tragédie avait à cette époque25 ; les ressemblances avec le théâtre tragique, notamment avec le théâtre de Sénèque26 qui jouit d’un grand succès en France, sont évidentes, même si ce rapprochement risque de réduire la complexité que le terme « tragédie » pouvait revêtir, surtout à l’époque qui nous intéresse27. La nouvelle « s’attarde sur les souffrances des personnages, victimes des aléas de la fortune. En fait, l’épithète “tragique” permet tout à la fois de rattacher le nouveau genre narratif au modèle dramatique, de remotiver la métaphore antique du theatrum mundi et de conférer aux histoires une dignité nouvelle28 ». Pourtant, si « tragique » renvoie à la tragédie humaniste, Boaistuau « ne veut pas que ses histoires soient associées de trop près à la tragédie29 ». Il insiste sur la présence, dans son recueil, de « quelque histoire, laquelle ne respondra en tout à ce qui est requis en la tragédie30 ». Les Dictionnaires, les Art Poétiques, les préfaces et arguments publiés avec les tragédies avaient, certes, résumé les données principales pour la définition de tragédie31 depuis Lazard de Baif qui, dans la préface à sa traduction de l’Electre de Sophocle, affirmait que « la tragédie est une moralité composée des grandes calamitez, meurtres et adversitez survenues aux nobles et excellentz personnaiges32 », jusqu’à Jean de La Taille qui, quelques années plus tard, ajoutait :

  • 33 J. de La Taille, Tragédies. Saül le furieux, La Famine ou les Gabéonite, E. Forsyth (éd.), Paris, S (...)

La Tragedie donc est une espece, & un genre de Poësie non vulgaire, mais autant elegant, beau & excellent qu’il est possible. Son vray subject ne traicte que de piteuses ruines des grands Seigneurs, que des inconstances de Fortune, que bannissements, guerres, pestes, faimes, captivitez, execrables cruautez des Tyrans : & bref, que larmes & miseres extremes, & non point de choses qui arrivent tous les jours naturellement33.

  • 34 T. De Bèze, Abraham sacrifiant, dans P. De Capitani (éd.), La tragédie à l’époque d’Henri II et de (...)
  • 35 Des Masures affirme que la Bible lui a suggéré les sujets pour écrire « quelques tragiques vers » ( (...)
  • 36 C’est R. A. Carr qui rappelle la définition d’Amyot, dans « Introduction » à P. Boaistuau, Histoire (...)

14Toutefois, il faut reconnaître qu’à ces définitions s’ajoutent de nombreuses réflexions ; Thédore de Bèze, dans l’argument qui la précède, explique que sa pièce Abraham sacrifiant « tient de la tragédie et de la comédie […] et pource qu’il tient plus de l’une que de l’autre, j’ai mieux aimé l’appeler tragédie34 ». Louis de Masures, dans la présentation de sa trilogie, insiste sur l’expérience des hommes de son temps et parle de « tragédie assiduelle35 ». Jacques Amyot, traducteur de Plutarque, explique dans la traduction de la Vie de Démétrius de Plutarque le passage du comique au tragique comme étant le passage d’une manière plaisante et légère en une lamentable et pleine de pleurs36. Ce sont les mots que Boaistuau emploie pour souligner que la « manière lamentable et pleine de pleurs » de ses récits n’implique pas nécessairement une fin funeste.

  • 37 Cf. M. Simonin, Vivre de sa plume au xvie siècle ou la carrière de François de Belleforest, Genève, (...)
  • 38 R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. xlvii.

15L’intervention de Belleforest dans l’évolution du genre assure le succès aux Histoires tragiques, comme l’a bien souligné Michel Simonin37. Cette forme brève, qui « traite sur un mode grave des thèmes en mesure de refléter la miseria hominis », « ne cherche pas à raconter des aventures compliquées ni à chanter les prouesses héroïques et chevaleresques […] », mais « a apporté au genre romanesque un “frisson nouveau”. On ne veut plus amuser, on veut faire peur38 ». Les Histoires tragiques se situent ainsi aux frontières de la nouvelle et du roman pour devenir un lieu de rencontres et de mélanges qui au nom de la varietas cherche sa singularité.

3. Histoires tragiques, tragédie et histoire

16Le recueil de Poissenot s’insère, de manière consciente, dans cette évolution. Son auteur n’oublie pas, dans le paratexte de ses Nouvelles histoires tragiques, de rappeler ses prédécesseurs, de souligner leur importance sur l’originalité de leurs résultats, sur le plan des contenus et sur le plan du style. Dans ce sillon, Poissenot sait trouver sa place qui privilégie, en tant que véritable héros autour duquel le récit est construit, les inconstances de fortune, véritable pivot de l’expérience humaine, et l’Histoire à laquelle il consacre un long éloge.

  • 39 G. Reynier, Le roman sentimental avant l’Astrée, Paris, Colin, 1908, p. 155‑168. Cette lecture a ét (...)
  • 40 R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. xlvii.
  • 41 Cf. F. de Belleforest, « Dédicace » à la Continuation des tragiques, cité par R. A. Carr, « Introdu (...)

17La prolifération d’histoires tragiques au xvie siècle a été considérée comme le produit inévitable d’un monde bouleversé par les guerres de religion, caractérisé par la violence et la brutalité39. Sans vouloir nier cette lecture, il est nécessaire d’ajouter que les Histoires tragiques ne sont pas seulement des témoignages d’une époque incertaine et sanguinaire, elles reflètent aussi un « malaise fondamental » qui concerne l’homme à toute époque40. C’est la nouveauté de ces recueils, le fil rouge qui unit tous les protagonistes malgré leurs différences et qui remonte à Boaistuau. Belleforest, toutefois, qui maintient le mot « tragique » dans le titre de son recueil, introduit d’importantes innovations qui concernent surtout les dimensions des histoires ; il abandonne la brièveté considérée comme un aspect négatif, pour une inspiration plus riche, plus fertile qui lui permet d’augmenter considérablement la source italienne. À cette prolixité Belleforest confie un rôle de premier plan, c’est l’espace où il peut étaler toute la force moralisatrice reconnue à ces histoires. Dans la dédicace à la Continuation des histoires tragiques, il explique sa poétique qui met au centre la préoccupation morale. Ses histoires doivent « servir à l’institution et discipline de la jeunesse de [son] temps41 ». Tous les changements qu’il a introduits dans les textes de Bandello sont ainsi justifiés.

  • 42 Voir M. Campanini, « “Remettre en nouvelle forme”. Métamorphose et recréation du modèle dans les Hi (...)

18Belleforest, comme Boaistuau, insiste sur la liberté du traducteur, thème très à la mode dans ces années de grandes traductions42 qui soulignent la complexité d’une activité considérée non pas comme un exercice servile, mais au contraire comme une action fondamentale pour la création littéraire nationale.

  • 43 Sur l’importance de l’Histoire au xvie siècle nous signalons, parmi les nombreuses études consacrée (...)

19Un passage important s’opère donc avec Belleforest. Les adaptations de Boaistuau abandonnent la brièveté et le besoin d’enseigner prend le dessus. Cette valeur didactique impose des longueurs, l’insertion de monologues, des complaintes. Ces changements, ces insertions sont indispensables aussi pour assurer le caractère tragique de ces aventures, pour assurer leur fonction et éviter de devenir des passe-temps « inutiles et vains ». Mais c’est l’Histoire qui garantit le véritable soutien aux auteurs de ces récits43.

  • 44 Cité par K. P. Witold, Le tragique dans les nouvelles exemplaires en France au xvie siècle, ouvr. c (...)

20L’Histoire attire leur attention et les exemples du passé deviennent la pierre de touche pour les analyses de l’actualité ; l’Histoire, rappelait Belleforest dans la préface à L’Histoire des neuf Roys Charles, permet de connaître la vérité et assure à l’historien un rôle de moralisateur puisque le « bon Historien propose la vérité, accusant, et detestant, et le vice, et les vicieux, et louant la vertu, justice et fidelité des gens de bien44 ». L’Histoire devient la véritable protagoniste, non seulement dans la prose tragique. Certaines tragédies de l’époque abandonnent la brièveté que la tragédie humaniste avait introduite sur le modèle du théâtre gréco-latin pour se transformer en histoires, où de longs monologues se juxtaposent, introduits, comme les récits des Histoires tragiques, par des « Argument[s] ». Tous ces liens entre ces formes d’écritures de fin de siècle nous invitent à interroger la volonté de leurs auteurs. Le cas de Pierre Matthieu, auteur de tragédies, historiographe du roi Henri IV et ami de Bénigne Poissenot, peut nous aider.

4. Les Nouvelles histoires tragiques de Poissenot

21Les Nouvelles histoires tragiques de Bénigne Poissenot, publiées à Paris chez Guillaume Bichon en 1586, malgré l’annonce d’un second tome, devaient rester le dernier témoignage de son auteur. L’année précédente, en 1585, Poissenot signait un sonnet encomiastique pour la première tragédie de Pierre Matthieu, dernière trace de sa présence dans la vie culturelle du temps. Les vers sont un signe de l’amitié entre Matthieu et Poissenot et d’un fort lien intellectuel, expression d’une sensibilité commune sur laquelle nous reviendrons.

  • 45 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 123.

22La tragédie de Pierre Matthieu, tirée du livre d’Esther de la Bible, paraît à Lyon : Esther tragédie de Pierre Matthieu, histoire tragique en laquelle est representée la condition de Rois et Princes sur le theatre de fortune, la prudence de leur Conseil, les desastres qui surviennent par l’orgueil, l’ambition, l’envie et trahison, combien est odieuse la desobeissance des femmes, finablement comme les Roynes doibvent amollir le couroux des Rois endurciz, sur l’oppression de leurs subjects. Dans ce tournant du siècle, c’est surtout le thème de la fortune, que nous avons signalé comme « l’un des ressorts principaux des histoires tragiques », qui envahit aussi la scène du théâtre. Le jeune Matthieu est hanté par la notion de changement soudain et inattendu des histoires dans lesquelles, pour le dire avec Poissenot, « nous expérimentons les proverbes veritables qui nous admonestent qu’il n’y a en ce monde aucune felicité et beatitude perdurable45 ».

  • 46 P. Matthieu, Esther. Histoire tragique en laquelle est représentée la condition des Rois et Princes (...)
  • 47 Ibid., p. 220‑223.

23Les deux auteurs se seraient rencontrés à l’occasion d’un voyage de Poissenot en Franche-Comté, après une grave maladie : « […] nous vismes ensemble à Versey, beau bourg distant de cinq lieues de Bezenson, nous destournans quelque peu de nostre droict chemin pour aller voir un homme de lettres, audit versey qui, m’ayant visité à Bezenson, avoit arraché promesse demoy que je l’irois voir46. » Le titre de la tragédie de Matthieu et les vers de Poissenot donnent à cette rencontre une valeur qui dépasse la simple sympathie entre gens de lettres et « dit assez combien sont proches à ce moment les préoccupations des deux hommes47 ». L’intérêt pour l’Histoire, magistra vitae, la valeur d’exemplum reconnu aux Histoires tragiques, une curiosité « encyclopédique » qu’ils partagent avec leurs contemporains, l’intérêt pour l’Écriture, tout cela pousse à voir dans cette rencontre un lien bien plus profond. Il s’agit d’un même état d’âme construit sur un constat commun, les malheurs qui affligent l’homme, pour la défense d’un idéal patriarcal qui voit en Dieu, le Roi et le père de famille le pivot fondamental et irremplaçable, seule garantie pour le salut d’une société affligée et menacée.

  • 48 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 40.
  • 49 Ibid., p. 39‑40.
  • 50 Ibid., p. 43

24Les Nouvelles histoires tragiques de Poissenot doivent être lues à la lumière de ce climat. Le « Prologue » et les pièces liminaires, qui précèdent les six histoires, soulignent la conscience de faire partie d’une mode, d’une tradition. Dans le sonnet qui précède les Nouvelles histoires tragiques (1586)48, Charles Cassagne déclare Poissenot le continuateur de Boaistuau et Belleforest puisqu’il a su hériter « leurs trésors plus beaux49 », et démontrer d’être « ensemble historien, Orateur et Poete50 ».

  • 51 M. Simonin, Vivre de sa plume au xvie siècle ou la carrière de François de Belleforest, ouvr. cité, (...)
  • 52 Ibid., p. 14.

25Avant la publication des Histoires tragiques, Poissenot avait publié, en 1583, L’Esté, « l’esquisse d’un roman, celui d’une randonnée de vacances entre étudiants51 ». Trois étudiants venus du Nord passent leurs vacances au bord de la Méditerranée et ils nous racontent leurs journées. Il s’agit d’un texte né d’une « expérience spécifique52 » qui manifeste, pour cette raison, une originalité par rapport aux autres romans construit sur ce modèle. Poissenot affirme vouloir insérer son œuvre dans la tradition bien représentée par le Printemps de Jacques Yver, mais la différence avec ses prédécesseurs se manifeste déjà à une première lecture, lorsqu’on peut saisir immédiatement quelque chose de très personnel. Nous nous limitons ici à isoler un élément qui reviendra dans notre analyse et qui constitue le noyau autour duquel Poissenot construit les journées d’étude de L’Esté.

  • 53 Cf. M. Simonin, Vivre de sa plume au xvie siècle ou la carrière de François de Belleforest, ouvr. c (...)

26Ce qui apparaît immédiatement est l’importance que Poissenot donne à ce qui est désormais devenu un lieu commun concernant l’histoire « en laquelle — dit‑il —, comme en un miroir, se voit dépeinte l’image de ceste vie humaine ». Les livres des historiens constituent une source fondamentale au moment de l’écriture, les sources anciennes se mêlent aux sources contemporaines, César avec Martin Du Bellay, Eusèbe avec Alain Bouchart, tous ces livres offrent de nombreux emprunts et répondent au goût de la varietas, signe de l’époque. Poissenot, qui « postposoit toutes autres estudes à l’histoire » cherche à lire dans ce « miroir » le monde qui l’entoure et cherche à juxtaposer ce qu’il voit dans la réalité à ce qu’il connaît grâce à ces sources qui jouent ainsi un rôle auxiliaire dans la construction de l’œuvre53. Il s’agit d’un processus qui vise à chercher et à insérer dans le récit une histoire déjà connue, un rapprochement qui permet de lire le fait nouveau, réel avec un éclairage inédit en lui conférant non seulement une ultérieure vérité mais aussi une valeur tout à fait originale.

  • 54 Dans le sens que Boaistuau avait expliqué dans son « Advertissement au lecteur », cf. supra.
  • 55 M. Simonin, Vivre de sa plume au xvie siècle ou la carrière de François de Belleforest, ouvr. cité, (...)
  • 56 Ibid., p. 29. Cf. L’Esté, p. 72.

27Mais le véritable intérêt reste, pour Poissenot, l’être humain avec toutes ses fragilités et dans ses écrits tout converge vers son étude. Cela explique que la plupart des histoires racontées dans L’Esté sont « tragiques54 », même si la « tonalité du “livret” ne l’est pas55 ». Poissenot manifeste le plaisir de conter, mais il est aussi convaincu que toute œuvre littéraire « doit non seulement plaire, mais aussi instruire et il insiste sur ces deux fonctions indissociables, la seconde — instruire — plus exigible encore, au xvie siècle, dans le genre romanesque que dans tout autre genre56 ».

  • 57 Les fameux vers de Lucrèce « Suavi mari magno turbantibus aequora ventis / E terra magnum alterius (...)
  • 58 On peut citer le sonnet xxxiv des Regrets de J. Du Bellay, Les Regrets suivis des Antiquités de Rom (...)

28Trois ans plus tard, au moment de la publication des Nouvelles histoires tragiques, Poissenot revient, dans le « Prologue », sur la nature des récits qui constituent ce nouveau recueil. Ses réflexions sont introduites par la reprise du thème du suave mari de Lucrèce57, très connu et très exploité chez les auteurs du xvie siècle58.

  • 59 E. Ziercher, « Histoires tragiques et formes narratives au xvie siècle », art. cité, p. 17. Cf. aus (...)
  • 60 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 45.
  • 61 Ibid., p. 46.
  • 62 Ibid., p. 11.

29Le thème du « naufrage avec spectateur » lui permet d’insister sur le double effet que peut produire la lecture des Histoires tragiques. Le naufrage est remplacé par les récits tragiques qui racontent, ou, mieux, qui représentent, comme dans un tableau, le mal et les périls des autres alors que le lecteur/spectateur est à l’abri. Mais ces spectateurs ont perdu l’impassibilité du philosophe de Lucrèce, ils ne sont plus de simples témoins, au contraire, ils participent aux dangers qu’ils voient, ils contemplent ce spectacle avec une profonde émotion. Lorsque dans les Confessions saint Augustin utilise ce topos, il substitue la tempête par le théâtre, et le naufrage correspond ainsi à un tréteau où des acteurs jouent une tragédie. La participation à la représentation théâtrale provoque par là ce terrible paradoxe qui consiste à trouver dans les malheurs des autres la source de notre plaisir. Les attaques que la critique avait adressées aux histoires tragiques59 trouvaient leur source dans ce paradoxe. Poissenot ouvre son prologue sur ce sujet pour expliquer que lorsque nous lisons « les accidents d’autruy […] nous sommes, selon les occurrences qui se presentent, et joyeux et fachez, bien souvent tout ensemble60 ». L’éloignement du spectateur qui se trouve à distance, à l’abri du danger, transforme les histoires tragiques en fiction captivante. À cela s’ajoute, suivant l’exemple de Cicéron, la distance que l’écriture introduit entre auteur et lecteur et qui permet au premier de raconter tout ce qu’on n’ose pas dire « de bouche » puisque le « papier ne rougit point61 ». L’exemple de Cicéron « en une de ses Epistres familieres » ouvre les portes à l’Histoire et à l’historien qui tout en disant le vrai doit, en même temps, le raconter avec élégance. « L’histoire perdroit toute sa grace si les choses, n’y estoyent representées au vif, et exprimées comme en un tableau, ainsi qu’elles se sont passées », c’est la seule garantie pour être sûrs que « les vices y sont blasmez, [et] on y loue la vertu62 ».

  • 63 Ibid., p. 46.
  • 64 Ibid.
  • 65 J. Yver, Le Printemps d’Yver, ouvr. cité.

30Il ne suffit pas, cependant, de dresser une liste de faits mémorables, comme dans les Annales, mais plutôt de trouver « les accidens et diverses fortunes d’un homme excellent et renommé [qui] remplissent le lecteur d’admiration, d’attente, de joye, de facherie, d’esperance, de crainte63 ». Ce n’est que la lecture de ces « accidens » qui est « apte et convenable, pour la delectation du lecteur », puisque ce n’est que « la varieté des temps et les diverses mutations de fortune, lesquelles, combien qu’elles ayent esté de peu de plaisir à ceux qui les ont expérimentées et souffertes, si est‑ce qu’elles sont plaisantes et agréables à lire64 ». Ce topos, déjà employé par Belleforest, sert à Poissenot pour rappeler le succès désormais atteint par les Histoires tragiques, tant que « c’est une honte, entre les filles bien nourries et entre ces mieux apprins courtisans, de les ignorer ; même que ceux qui n’en peuvent orner leur langue, en ornent à tout le moins leurs mains par convenance65 ».

5. Les réponses de Poissenot aux critiques

  • 66 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 49.
  • 67 Ibid., p. 48.
  • 68 Ibid., p. 49.
  • 69 Voir n. 65.
  • 70 T. Peach, Conter le crime. Droit et littérature sous la Contre-Réforme. Les histoires tragiques (15 (...)
  • 71 I. B. Zaïed, « L’hypotypose dans les Nouvelles Histoires tragiques de Bénigne Poissenot », Acta Uni (...)
  • 72 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 49.

31Le succès de ces récits a suscité de fortes critiques, des réactions qui insistent sur les dangers qu’une telle lecture peut provoquer, puisque « nous sommes plus prompts d’adherer au mal qu’au bien66 ». Les critiques s’appuient, d’après Poissenot, sur l’autorité de Cornelius Agrippa, pour qui il n’y a « rien plus propre et convenable pour corrompre la chasteté et louable intention d’une femme ou fille qu’une Histoire lascive67 ». Mais la cible de ces critiques n’est pas seulement le contenu des histoires ; la langue et le style eux aussi sont soumis à une sévère analyse. Poissenot nous rappelle que pour les critiques le plus grand danger réside dans la langue, qui sait « par un emmiellement de parolles et langage affecté » représenter « les choses si nuement qu’il semble que nous les voyons devant nos yeux, et non que les lisons68 », mais pour Poissenot, la langue est la véritable force de ces récits. La capacité de représenter au vif ce qui est raconté transforme le lecteur en spectateur et assure la valeur didactique et morale des Histoires. Ce n’est que la vue du spectacle qui peut susciter les émotions les plus contradictoires, que nous avons rappelées, « admiration, attente, joye, facherie, esperance, crainte69 ». Thierry Peach parle justement, à ce propos, de la « délectation tragique de Poissenot70 », assurée par un style qui s’appuie sur la figure rhétorique de l’hypotypose71, savamment employée par notre auteur, qui garantit aux faits racontés d’être perçus comme réels, tout comme au théâtre. Le succès de l’histoire est assuré si les choses sont « représentées au vif et exprimées comme en un tableau, ainsi qu’elles se sont passées72 ».

  • 73 Ibid., p. 49.
  • 74 Ibid.
  • 75 R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. lxxvi.
  • 76 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 55.

32Ces récits, affirme Poissenot, où la vie est représentée telle qu’elle est, avec ses beautés et ses laideurs, et où « les vices y sont blasmez et on y loue la vertu », devraient plutôt être estimés puisque les auteurs appellent « bois ce qui est bois et pomme ce qui est pomme73 ». Selon la poétique des histoires tragiques, pour offrir des œuvres de mérite, le beau ne peut plus suffire. Il faut plutôt représenter le vrai sans lequel « l’histoire perdroit toute sa grace74 ». Cette peinture fidèle est garantie à l’Histoire tragique par l’Histoire qui apprend à « vivre honnestement » non seulement par « des exemples admirables, mais aussi par des faits méprisables qui n’encouragent pas moins la vertu en inspirant une horreur du vice75 ». Les Histoires tragiques ne sont pas de simples leçons morales, ennuyeuses et inutiles, elles enseignent plutôt, comme l’Histoire, cette « messagere de l’antiquité », à « vivre honnestement76 ».

  • 77 Ibid., p. 41‑42.
  • 78 Dédicace à Françoise de La Baume, cité par M. Simonin, Vivre de sa plume au xvie siècle ou la carri (...)
  • 79 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 55.
  • 80 Ibid., p. 55.
  • 81 Ibid., p. 56.
  • 82 Ibid., p. 33.
  • 83 Ibid., p. 25.

33Poissenot se présente comme le défenseur du genre dont il cite tous ses précurseurs. Le modèle reste toujours Boaistuau qu’il imite jusque dans le nombre des nouvelles proposées77. Cependant, Poissenot semble vouloir interrompre la chaîne des histoires tragiques qui, après le succès de 1559, avait donné lieu à une longue série. Il ne serait pas nécessaire, en fait, d’insister sur la quantité des récits, mais bien plutôt sur la qualité qu’il essaie de démontrer, dans les arguments qui précèdent les histoires, grâce à de nombreuses citations d’auteurs de l’Antiquité et en insistant sur les exemples que l’Antiquité nous a légués. Belleforest avait déjà dit qu’il avait choisi ses « histoires non seulement de Bandel, mais de plusieurs autres78 ». Poissenot élargit ses sources : Plutarque, Cicéron, l’Écriture sainte, Homère historiographe. Dans un long paragraphe, il expose l’importance de l’Histoire et insiste sur son rôle dans le gouvernement des républiques ; seule l’Histoire peut « apprendre à bien vivre, abhorrant le vice, et suyvant le chemin de vertu79 ». Ce passage est développé soigneusement par Poissenot : l’Histoire en effet ne contient pas seulement des exemples, elle a « avec cela, des aiguillions, qui ne sont pas de peu de force80 », ce que « nulle loix des hommes […] ne pourroient jamais faire81 ». Il y revient un peu plus loin : « Je sçay bien, qu’il y en aura icy, qui reprouveront et rejetteront nostre jugement touchant l’histoire, et qui voudront dire, que c’est des loix, et non d’icelle, qu’on doibt apprendre les differences des choses, et à se bien gouverner en ce monde82. » Les lois ont leur origine dans les exemples proposés par l’histoire et, pour être utiles elles doivent « descendre de la cognoissance de quelque beau faict83 ».

  • 84 N. Le Cadet, « Les “piteuses histoires” de L’Heptaméron et les histoires tragiques du xvie siècle » (...)
  • 85 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 55.

34La vocation morale et la nécessité de créer des histoires à sensation qui caractérisait l’entreprise de Belleforest semble trouver chez Poissenot la possibilité et la volonté d’être dépassée. L’auteur n’est plus « tiraillé entre le plaisir de la narration et l’affirmation des normes, entre les effets rhétoriques et le projet didactique84 », mais il reconduit tout à l’Histoire qui, par sa nature, contemple les deux aspects. « L’histoire ne contient seulement des exemples, elle a aussi des aiguillions85 ». C’est ce qui permet d’établir un lien entre Histoire et Histoires tragiques. Les lois qui gèrent la vie publique naissent de l’Histoire, les lois qui soutiennent la conduite des individus peuvent ressortir de la lecture des Histoires tragiques.

  • 86 Ibid., p. 123.
  • 87 Sonnet de P. De Chasteaubrun Turonensis, l’un des trois amis de l’Esté, B. Poissenot, Nouvelles his (...)

35Si les six histoires tragiques de Boaistuau s’étaient constituées autour du thème des malheurs causés par l’amour, Poissenot propose six histoires qui racontent les malheurs causés par les vicissitudes de la fortune. Dans ces six nouvelles, nous dit Poissenot, « nous expérimentons les proverbes veritables qui nous admonestent qu’il n’y a en ce monde aucune felicité et beatitude perdurable86 ». Le thème de l’amour est enrichi d’autres thèmes, d’autres passions s’introduisent dans ces récits construits à travers un habile mélange entre « histoires anciennes » et « choses advenues de (son) temps ». Poissenot s’efforce d’établir un rapport étroit entre les récits à source écrite et ceux qui n’en ont pas, les « histoires contemporaines » servant à prouver l’actualité de chaque source « historique ». L’actualité d’un côté est perçue comme véritable, grâce à ce lien avec l’histoire du passé, de l’autre elle permet de reconnaître l’actualité des leçons qui viennent de l’Histoire dans une sorte de rapport osmotique et elle offre à l’écrivain la possibilité de créer « un seul livre », de devenir « Ensemble historien, Orateur et Poete87 ».

36Les six nouvelles constituent ainsi un ensemble enrichi, du point de vue formel, de tous les éléments qui rapprochent ces courtes histoires d’autres formes narratives. Monologues, complaintes, lamentations tendent à allonger ces récits et offrent aux lecteurs toutes les informations nécessaires pour le plaisir de la lecture. Ce sont ces parties qui deviendront les noyaux d’analyse exploités surtout dans les pages des romans, notamment des romans sentimentaux.

  • 88 E. Ziercher, « Histoires tragiques et formes narratives au xvie siècle », art. cité, p. 20.
  • 89 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 45.

37Ces interventions sont, dans le recueil de Poissenot, conduites encore de manière inégale. La différence entre la première histoire, celle de Floridanus et Eliude où abondent monologues, complaintes et sonnets, et celle de Maître Georges Pelleteret, la dernière, où ils sont absents, est frappante. Pour Estelle Ziercher cette « absence de complaintes, de discours ou de monologues aux effets pathétiques met en valeur le courage, la constance et la fermeté de celui qui est d’emblée présenté comme un saint et un martyr face à ses meurtriers, bientôt rattrapés par la justice divine88 ». Dans l’ensemble du recueil, ce changement a, croyons‑nous, aussi une autre valeur. Le héros final des Nouvelles histoires tragiques sort de l’ensemble qui le précède. Les commentaires, les monologues peuvent laisser leur place aux actions de celui qui est le héros perçu par le lecteur comme véritable puisque l’Histoire a construit un lien avec l’actualité. Poissenot, comme Matthieu, a « feuilleté l’histoire » pour que les lecteurs et les spectateurs puissent être « jouyeux et fachez, bien souvent tout ensemble89 ».

  • 90 E. Ziercher, « Histoires tragiques et formes narratives au xvie siècle », art. cité, p. 11.

38À partir de Boaistuau, tout au long du xvie siècle, les créateurs des Histoires tragiques ont essayé, dans les paratextes de leurs éditions, d’expliquer leurs choix et notamment celui de l’adjectif « tragique ». Ils sont restés muets, en revanche, sur celui du substantif, « histoire ». L’absence d’une véritable théorie narrative ne permet pas d’identifier, avec aisance, les traits caractéristiques de ce genre à succès, mais il est indéniable qu’on peut constater que ces courts récits « se situent aux frontières de la nouvelle et du roman. Chacune de ces traditions narratives fait figure de paradigme et se trouve en même temps mise à distance, comme si le genre de l’histoire tragique tirait sa singularité de ce mélange voulu et conscient des formes90 ». Il est tout aussi indéniable que les renvois aux faits du passé ont permis à nos auteurs d’insister sur l’importance de l’Histoire. La place que Poissenot, dans le « Prologue de l’Autheur », accorde à ce sujet montre l’importance de ce lien. Le topos, hérité de l’Antiquité, de l’histoire magistra vitae a subi des transformations évidentes, il a pu s’enrichir tout au long du siècle grâce aux liens que les auteurs ont su déceler entre l’Histoire et l’actualité.

  • 91 Voir S. Cappello, « La tentation du roman dans les Histoires tragiques de François de Rosset », art (...)

39Dans la construction des récits des Histoires tragiques, l’Histoire se mêle à d’autre formes d’écriture et donne lieu à ce nouveau genre de nature mixte, pour le dire avec Baudelaire, qu’est le roman. Les Histoires tragiques impliquent ainsi une relation complexe et souvent ambiguë, que la critique a soulignée surtout pour la production du xviie siècle, mais qui est déjà bien construite dans les textes que nous avons analysés, non seulement avec le théâtre, mais aussi avec le roman91. C’est à partir des réflexions de Charles Sorel, comme le souligne Sergio Cappello, que la question des relations des Histoires tragiques avec le roman a commencé à susciter des réflexions et des hypothèses, d’une manière explicite, mais les germes étaient déjà évidents chez les auteurs du xvie siècle. Lorsque Huet veut défendre le roman, il insiste sur le fait que le plaisir procuré par la lecture est toujours accompagné par une leçon morale. Poissenot affirmait déjà dans son « Prologue » que « les vices y sont blasmez, on y loue la vertu ». Malgré la faiblesse du genre humain pour laquelle « nous sommes plus prompts d’adherer au mal qu’au bien », Poissenot assure, à travers une belle métaphore, la valeur des Histoires tragiques :

  • 92 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 49.

Comme le Soleil penetre la verriere sans la casser, luit dedans les privez et lieux pleins d’immondices sans rien perdre de sa splendeur, ainsi tout bon esprit passera par‑dessus les traits d’incontinence et impudicité, qui se trouvent en quelque discours non figurez par l’auteur à autre intention sinon pour les fuir, sans s’engluer au glu où il verra les autres estre demeurez pour gage92.

  • 93 Voir G. Gros, « La Semblance de la verrine. Description et interprétation d’une image mariale », Le (...)

40La métaphore du soleil qui traverse le verre sans le casser, employée depuis le Moyen Âge pour signifier l’Incarnation, a subi avec le temps de nombreuses variantes93. Poissenot transpose cette image de l’univers religieux à celui de la littérature, pour défendre les Histoires tragiques des attaques des censeurs. La grande popularité du motif n’a pas besoin d’être énoncée, mais elle permet d’élever, d’une manière manifeste, la valeur des récits tragiques.

41Le tragique dont parlent les récits du xvie siècle découle de la conscience de la faiblesse de la nature humaine, c’est pour cela qu’on n’a pas besoin de morts ou de conclusions funestes. Boiastuau l’avait déjà indiqué, il suffit d’arrêter son attention sur l’être humain. Les exemples légués par l’Histoire et l’emploi d’un style adéquat garantissaient la possibilité de saisir la « tristesse majestueuse » de cette « matière lamentable » qu’est la vie de tous les hommes.

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Bibliographie

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Ziercher Estelle, « Histoires tragiques et formes narratives au xvie siècle », dans Réforme, Humanisme, Renaissance, no 73, 2011, p. 9‑21.

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Notes

1 Voir J.‑C. Arnould (dir.), Les Histoires tragiques du xvie siècle. Pierre Boaistuau et ses émules, Paris, Classiques Garnier, 2018. Ce volume contient trois études consacrées à Poissenot : V. Cordiner, « Se sauver de la fortune en “courant le monde”. L’“Éloge des voyageurs” dans la quatrième histoire de Poissenot », p. 155‑172 ; I. Ben Zaied, « Femmes soumises, femmes héroïques dans les Nouvelles Histoires tragiques de Bénigne Poissenot (1586) », p. 223‑234 ; P. Mounier, « Humour et récit noir. Interventions comiques du conteur chez Bénigne Poissenot (Nouvelles Histoires tragiques, IV) », p. 317‑338. Voir aussi B. Poissenot, « De l’indignation personnelle comme outil de propagande », dans C. Biet et M.‑M. Fragonard (dir.), Tragédies et récits de martyres en France (fin xvie-début xviie siècle), Paris, Classiques Garnier, 2009, p. 1177‑1179 ; P. Boaistuau, Histoires tragiques, R. A. Carr (éd.), Paris, STFM, 2008 ; F. de Belleforest, Continuation des histoires tragiques, extraites de l’italien de Bandel, mises en langue Françoise par François de Belle-Forest Commingeois, Paris, Gilles Robinot, 1559 ; V. Habanc, Nouvelles histoires tant tragiques que comiques, J.‑C. Arnould et R. A. Carr (éds), Genève, Droz, 1989.

2 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, J.‑C. Arnould et R. A. Carr (éds), Genève, Droz, 1996.

3 Voir E. Ziercher, « Histoires tragiques et formes narratives au xvie siècle », Réforme, Humanisme, Renaissance, no 73, 2011, p. 9‑21.

4 La Croix du Maine, Les Bibliothèques françoises, Rigoley de Juvigny (éd.), Paris, 1772, t. II, p. 254, cité par R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. x.

5 A. de La Borderie, « Pierre Boaistuau », Revue de Bretagne et de Vendée, t. VII, 1870, p. 359‑371.

6 R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. xiixiv.

7 P. Boaistuau, Le Theatre du monde [1558], M. Simonin (éd.), Genève, Droz, 1981.

8 Cf. P. Boaistuau, Le Theatre du monde, cité par R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité., p. xxv.

9 Voir R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité.

10 Ibid., p. xliii.

11 M. Campanini, « “Remettre en nouvelle forme”. Métamorphose et recréation du modèle dans les Histoires tragiques de Pierre Boaistuau », dans Les Histoires tragiques du xvie siècle. Pierre Boaistuau et ses émules, ouvr. cité, p. 103.

12 P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. 5.

13 Ibid., p. 4.

14 P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. 6‑7.

15 E. Ziercher, « Histoires tragiques et formes narratives au xvie siècle », art. cité, p. 9.

16 B. Méniel, « Le tragique et la rhétorique judiciaire dans les Histoires tragiques de Belleforest », dans Les Histoires tragiques du xvie siècle. Pierre Boaistuau et ses émules, Paris, Classiques Garnier, 2018, p. 267.

17 P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. 7.

18 J.‑C. Arnould, « L’impasse morale des histoires tragiques au xvie siècle », Bulletin de l’Association d’étude sur l’humanisme, la réforme et la renaissance, vol. 57, 2003, p. 93‑108.

19 F. de Belleforest, « Advertissement au lecteur », dans Le Troisième tome des histoires tragiques […] par François de Belle-Forest Comingeois, Paris, G. Buon, 1568. Cf. M. Campanini, « “Remettre en nouvelle forme”. Métamorphose et recréation du modèle dans les Histoires tragiques de Pierre Boaistuau », art. cité, p. 103‑120.

20 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 52.

21 J. Yver, Le Printemps d’Yver, P.‑L. Jacob (éd.), Genève, Slatkine Reprints, 1970.

22 Ibid., p. 52‑53.

23 M. Campanini, « “Remettre en nouvelle forme”. Métamorphose et recréation du modèle dans les Histoires tragiques de Pierre Boaistuau », art. cité, p. 120.

24 Ibid., p. 106. Voir aussi J.‑C. Arnould, « L’impasse morale des histoires tragiques au xvie siècle », Bulletin de l’Association d’étude sur l’humanisme, la réforme et la renaissance, vol. 57, 2003, p. 93‑108.

25 Voir N. Le Cadet, « Les “piteuses histoires” de L’Heptaméron et les histoires tragiques du xvie siècle », Réforme, Humanisme, Renaissance, no 73, 2011, p. 23‑39.

26 F. de Caigny, Sénèque le Tragique en France (xvie-xviie siècles). Imitation, traduction, adaptation, Paris, Classiques Garnier, 2011.

27 Cf. K. P. Witold, Le tragique dans les nouvelles exemplaires en France au xvie siècle, Lódz, Presses universitaires de Lódz, 2006 (en particulier, chap. 1, p. 19‑48) ; Tragedia e sentimento del tragico nella letteratura francese del Cinquecento. Studi di Letteratura francese, vol. XVIII, 1992.

28 N. Le Cadet, « Les “piteuses histoires” de L’Heptaméron et les histoires tragiques du xvie siècle », Réforme, Humanisme, Renaissance, art. cité, p. 23‑24.

29 R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. li.

30 Ibid., p. 7.

31 M. Miotti, « La definizione di ‘tragedia’ in alcuni dizionari del Cinquecento », dans Parcours et Rencontres. Mélanges de langue, d’histoire et de littérature françaises offerts à Enea Balmas, Paris, Klincksieck, 1993, t. I, p. 489‑507.

32 L. de Baif, Tragédie de Sophocle intitulée Electra, Paris, Estienne Roffet, 1537, voir B. Weinberg, Critical Prefaces of the French Renaissance, New York, AMS Press, 1970, p. 73.

33 J. de La Taille, Tragédies. Saül le furieux, La Famine ou les Gabéonite, E. Forsyth (éd.), Paris, STFM, 1968, p. 2‑15 et aussi dans Théâtre français de la Renaissance. La tragédie à l’époque d’Henri II et de Charles IX, Ire série, vol. 4, L. Kreyder (éd.), Florence / Paris, Olschki / Presses universitaires de France, 1992.

34 T. De Bèze, Abraham sacrifiant, dans P. De Capitani (éd.), La tragédie à l’époque d’Henri II et de Charles IX, Ire série, vol. 1, Florence / Paris, Olschki / Presses universitaires de France, 1986, p. 18.

35 Des Masures affirme que la Bible lui a suggéré les sujets pour écrire « quelques tragiques vers » (v. 68) ; il écrit en effet en vers « des histoires tragiques / Qui serviront aussi pour instruire et former » (v. 90‑91) et porte sur scène un héros qui « joue une tragedie assiduelle et vraye » (v. 218), dans Au seigneur Philippe Le Brun, David combattant, Théâtre tragique du xvie siècle, E. Buron et J. Goeury (éds), Paris, Flammarion, 2020, p. 125‑257.

36 C’est R. A. Carr qui rappelle la définition d’Amyot, dans « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. li.

37 Cf. M. Simonin, Vivre de sa plume au xvie siècle ou la carrière de François de Belleforest, Genève, Droz, 1992, p. 13.

38 R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. xlvii.

39 G. Reynier, Le roman sentimental avant l’Astrée, Paris, Colin, 1908, p. 155‑168. Cette lecture a été revue et en partie corrigée par K. P. Witold, Le tragique dans les nouvelles exemplaires en France au xvie siècle, ouvr. cité, p. 49‑50.

40 R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. xlvii.

41 Cf. F. de Belleforest, « Dédicace » à la Continuation des tragiques, cité par R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. xlviii-xlix.

42 Voir M. Campanini, « “Remettre en nouvelle forme”. Métamorphose et recréation du modèle dans les Histoires tragiques de Pierre Boaistuau », art. cité.

43 Sur l’importance de l’Histoire au xvie siècle nous signalons, parmi les nombreuses études consacrées à ce sujet, P. Desan, Penser l’histoire à la Renaissance, Caen, Paradigme, 1993 ; J.‑C. Ternaux, Lucain et la littérature baroque en France. Citation, imitation et création, Paris, Champion, 2000 ; K. P. Witold, Le tragique dans les nouvelles exemplaires en France au xvie siècle, ouvr. cité, p. 51‑62.

44 Cité par K. P. Witold, Le tragique dans les nouvelles exemplaires en France au xvie siècle, ouvr. cité, p. 55.

45 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 123.

46 P. Matthieu, Esther. Histoire tragique en laquelle est représentée la condition des Rois et Princes sur le théâtre de fortune [1585], dans M. Miotti (éd.), La tragédie à l’époque d’Henri III, IIe série, vol. 4 (1584‑1585), Florence / Paris, Olschki / Presses universitaires de France, p. 220.

47 Ibid., p. 220‑223.

48 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 40.

49 Ibid., p. 39‑40.

50 Ibid., p. 43

51 M. Simonin, Vivre de sa plume au xvie siècle ou la carrière de François de Belleforest, ouvr. cité, p. 7.

52 Ibid., p. 14.

53 Cf. M. Simonin, Vivre de sa plume au xvie siècle ou la carrière de François de Belleforest, ouvr. cité, p. 22.

54 Dans le sens que Boaistuau avait expliqué dans son « Advertissement au lecteur », cf. supra.

55 M. Simonin, Vivre de sa plume au xvie siècle ou la carrière de François de Belleforest, ouvr. cité, p. 28.

56 Ibid., p. 29. Cf. L’Esté, p. 72.

57 Les fameux vers de Lucrèce « Suavi mari magno turbantibus aequora ventis / E terra magnum alterius spectare laborem ; / non quia vexari quemquam et jucunda voluptas, / sed quibus ipse malis careas quia cernere suave este » (De natura rerum, II, 1‑4) ont eu une longue fortune ; voir H. Blumenberg, Naufrage avec spectateur. Paradigme d’une métaphore de l’existence, Paris, L’Arche, 1994 ; M. Delon, « Naufrages vus de loin : les développements narratifs d’un thème lucrétien », Rivista di letterature moderne e comparate, vol. 41, no 2, 1988, p. 91‑119 ; A. Compagnon, « Suave mari magno. L’inflexion moderne d’un lieu commun », dans Y. Chevrel et C. Dumoulié (éds), Le mythe en littérature. Essais offerts à Pierre Brunel à l’occasion de son soixantième anniversaire, Paris, Presses universitaires de France, 2000, p. 305‑318.

58 On peut citer le sonnet xxxiv des Regrets de J. Du Bellay, Les Regrets suivis des Antiquités de Rome et du Songe, F. Roudaut (éd.), Paris, Le Livre de Poche classique, 2002, p. 73, ou l’Hymne à la Philosophie de Ronsard, Les Hymnes, dans Œuvres Complètes, P. Laumonier (éd.), t. VIII, Paris, STFM, 1973, p. 99‑102.

59 E. Ziercher, « Histoires tragiques et formes narratives au xvie siècle », art. cité, p. 17. Cf. aussi l’étude de S. Cappello, « La tentation du roman dans les Histoires tragiques de François de Rosset », dans B. Conconi (éd.), Les Histoires tragiques de François de Rosset, Bologne, I libri di Emi, 2014, p. 105‑140.

60 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 45.

61 Ibid., p. 46.

62 Ibid., p. 11.

63 Ibid., p. 46.

64 Ibid.

65 J. Yver, Le Printemps d’Yver, ouvr. cité.

66 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 49.

67 Ibid., p. 48.

68 Ibid., p. 49.

69 Voir n. 65.

70 T. Peach, Conter le crime. Droit et littérature sous la Contre-Réforme. Les histoires tragiques (1559‑1644), Paris, Champion, 2000, p. 91 et suiv.

71 I. B. Zaïed, « L’hypotypose dans les Nouvelles Histoires tragiques de Bénigne Poissenot », Acta Universitatis Lodziensis Folia Litteraria Romanica, no 11, 2016, p. 89‑102.

72 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 49.

73 Ibid., p. 49.

74 Ibid.

75 R. A. Carr, « Introduction » à P. Boaistuau, Histoires tragiques, ouvr. cité, p. lxxvi.

76 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 55.

77 Ibid., p. 41‑42.

78 Dédicace à Françoise de La Baume, cité par M. Simonin, Vivre de sa plume au xvie siècle ou la carrière de François de Belleforest, ouvr. cité, p. 110.

79 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 55.

80 Ibid., p. 55.

81 Ibid., p. 56.

82 Ibid., p. 33.

83 Ibid., p. 25.

84 N. Le Cadet, « Les “piteuses histoires” de L’Heptaméron et les histoires tragiques du xvie siècle », Réforme, Humanisme, Renaissance, no 73, 2011, p. 34.

85 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 55.

86 Ibid., p. 123.

87 Sonnet de P. De Chasteaubrun Turonensis, l’un des trois amis de l’Esté, B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 43.

88 E. Ziercher, « Histoires tragiques et formes narratives au xvie siècle », art. cité, p. 20.

89 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 45.

90 E. Ziercher, « Histoires tragiques et formes narratives au xvie siècle », art. cité, p. 11.

91 Voir S. Cappello, « La tentation du roman dans les Histoires tragiques de François de Rosset », art. cité.

92 B. Poissenot, Nouvelles histoires tragiques, ouvr. cité, p. 49.

93 Voir G. Gros, « La Semblance de la verrine. Description et interprétation d’une image mariale », Le Moyen Âge, t. 97, 1991, p. 217‑257 ; P. Chiron, « Phébus par la verrière », dans X. Bonnier (dir.), Le Parcours du comparant. Pour une histoire littéraire des métaphores, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 389‑410.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Mariangela Miotti, « Crise et évolution du genre narratif à la fin du xvie siècle : les Histoires tragiques de Bénigne Poissenot »Cahiers d’études italiennes [En ligne], 35 | 2022, mis en ligne le 30 septembre 2022, consulté le 06 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cei/10798 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cei.10798

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Auteur

Mariangela Miotti

Univ. di Perugia
mariangela.miotti@unipg.it

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