Notes
P. Veyne, Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, coll. « Point Histoire, no 226 », 1996 (1971), p. 23.
Voir les inventaires de la Houghton Library :
<https://hollisarchives.lib.harvard.edu>.
Dans la première édition, chez Plon en 1951, le carnet et la note ne sont pas présents. Ils sont ajoutés en 1953 dans une édition par le Club du meilleur livre avant de faire partie de toutes les autres éditions. Le roman, dans l’édition de la Pléiade compte 232 pages, les « Carnet de notes » 23 et la « Note » 13.
M. Yourcenar, Essais et Mémoire, Paris, Gallimard, p. 5‑21 ; sur cet essai, voir N. Saint, « L’écrivain et sa source : l’essai sur l’Histoire Auguste », Bulletin de la SIEY, no 13, 1994, p. 71‑84 ou R. Poignault, « L’Histoire Auguste au carrefour du temps », dans C. Biondi, F. Bonali Fiquet, M. Cavazzuti et E. Pessini (dir.), Marguerite Yourcenar essayiste. Parcours, méthodes et finalités d’une écriture critique, Tours, SIEY, 2000, p. 197‑212.
M. Yourcenar, Essais et Mémoire, Paris, Gallimard, 1991, p. 289‑311.
Voir la réunion de la correspondance dans M. Yourcenar, D’Hadrien à Zénon. Correspondance 1951‑1956, texte établi par C. Gaudin et R. Poignault, Paris, Gallimard, 2004. Pour Les Mémoires d’Hadrien, voir spécifiquement B. Blanckeman, « “En faveur de l’exact et du nu” : Mémoires d’Hadrien dans la correspondance de Marguerite Yourcenar », dans Id., Lectures de Marguerite Yourcenar. Mémoires d’Hadrien, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 255‑274.
Voir M. Poignault, L’Antiquité dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar, Bruxelles, Latomus, coll. « Latomus, no 228 », 1995, sur le traitement de la matière antique dans l’œuvre de Yourcenar.
B. Blanckeman, « Le déni du “roman historique” : Mémoires d’Hadrien dans la correspondance de Marguerite Yourcenar », Bulletin de la SIEY, no 35, 2014, p. 25‑40.
Sur l’ambiguïté cependant, de M. Yourcenar vis-à-vis des sources primaires et des documents, voir C. Gaudin, « Le roman de l’histoire : l’archive yourcenarienne entre relique et ruine », dans B. Blanckeman (dir.), Lectures de Marguerite Yourcenar. Mémoires d’Hadrien, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 207‑218.
« Carnets de notes », p. 523. Toutes les citations issues du carnet de notes sont issues de l’édition de la Pléiade : M. Yourcenar, Œuvres romanesques, présentées par Y. Bernier, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1982.
Voir M. Poignault, cité note 7. À côté des sources citées textuellement, il existe cependant d’autres références aux textes antiques utilisés sur le mode de la variation. L’exemple le plus flagrant en est la dédicace finale, qui utilise, en les combinant et en les modifiant légèrement, deux inscriptions romaines : CIL, VI, 984 et 985, M. Poignault, op. cit., p. 626‑627.
« Note », p. 550‑551.
« Carnets de notes », p. 525 : « Seule, une autre figure historique m’a tentée avec une insistance presque égale : Omar Khayyam, poète astronome. Mais la vie de Khayyam est celle du contemplateur, et du contemplateur pur : le monde de l’action lui a été par trop étranger. D’ailleurs, je ne connais pas la Perse en n’en sais pas la langue. »
« Note », p. 551 : « La même remarque s’applique naturellement à beaucoup d’ouvrage mentionnés ici. On ne dira jamais assez qu’un livre rare, épuisé, procurable seulement sur les rayons de quelques bibliothèques, ou un article paru dans un numéro ancien d’une publication savante, est pour l’immense majorité des lecteurs totalement inaccessible. […] Ce que nous appelons notre culture est plus qu’on ne le croit une culture à bureaux fermés. » On remarquera que c’est d’ailleurs, dans toute l’œuvre, la seule note de bas de page, forme textuelle caractéristique des écrits « savants ».
Elle critique par exemple certaines hypothèses d’historiens en se fondant sur les documents : « Sur Aelius César, voir S. L. Farquharson, On the Names of Ælius Cæsar, Classical Quarterly, II, 1908, et J. Carcopino, L’Hérédité dynastique chez les Antonins, 1950, dont les hypothèses ont été écartées au profit d’une interprétation plus littérale des texte » (« Note », p. 549‑550) ; ou bien, sur le jour de naissance d’Antinous : « […] précision contestée par Mommsen, mais acceptée par des érudits moins hypercritiques » (« Note », p. 548). Son travail sur les sources primaires est en revanche plus critiquable : voir, malgré sa bonne connaissance de l’Histoire Auguste, les remarques faites par Sir Ronald Syme dans une conférence prononcée en 1986, citée dans H. Levillain, Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar, Paris, Gallimard, coll. « Foliothèque, no 17 », 1992, p. 218.
« Carnets de notes », p. 536 : « Quoiqu’on fasse, on reconstruit toujours le monument à sa manière. Mais c’est déjà beaucoup de n’employer que des pierres authentiques. »
« Carnets de notes », p. 524 : « L’une des meilleures manières de recréer la pensée d’un homme : reconstituer sa bibliothèque. Durant des années, d’avance, et sans le savoir, j’avais ainsi travaillé à remeubler les rayons de Tibur […]. »
Voir, sur l’exécution d’Apollodore rattachée au complot de Servianus, « Note », p. 544 : « une hypothèse, peut‑être défendable » ; sur l’apothéose de Sabine, « Note », p. 545 : « il a fallu choisir entre les hypothèses des historiens ; on s’est efforcé de ne se décider que pour de bonnes raisons » ; rencontre avec Straton de Sardes, « Notes », p. 544 : « rien ne prouve, rien n’empêche que l’empereur l’ait rencontré ».
Sur les liens possibles de M. Yourcenar aux Annales, voir J. Body, « Marguerite Yourcenar et l’école des Annales : réflexions sur le “possibilisme” », dans B. Blanckeman (dir.), Lectures de Marguerite Yourcenar. Mémoires d’Hadrien, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 255‑274.
« Notes », p. 545 : « La brève esquisse du milieu familial d’Antinoüs n’est pas historique, mais tient compte des conditions sociales qui prévalaient à cette époque en Bithynie. »
A. Corbin, Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot : sur les traces d’un inconnu, 1798‑1876, Paris, Flammarion, 1998.
Voir l’opposition méthodologique entre Fergus Millar, partisan d’une histoire fondée sur l’evidence (en anglais à la fois source et preuve, l’objet et le procédé) et Keith Hopkins : « Rules of Evidence », The Journal of Roman Studies, vol. 68, 1978, p. 178‑186. Analyse du débat dans S. Benoist : « Un parcours d’“évidence”. Fergus Millar et le monde romain, de la République au Principat », Revue historique, no 630, 2004, p. 371‑390. Sur la question du statut de la source comme trace, voir C. Ginzburg, « Traces. Racines d’un paradigme », dans Id., Mythes, emblèmes, traces : morphologie et histoire, M. Aymard (trad.), Paris, Flammarion, coll. « Nouvelle bibliothèque scientifique », 1989.
F. Dosse, Le pari biographique. Écrire une vie, Paris, La Découverte, 2011 (2005), p. 55 utilise la métaphore de la technique culinaire du « roux », reprise à C. Jouhaud, La main de Richelieu, Paris, Gallimard, 1999, pour désigner le « liant » destiné à combler les vides dans les sources dans le récit biographique qui s’est longtemps voulu totalisant.
L’expression est de P. Veyne, Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, coll. « Point Histoire, no 226 », 1996 (1971), p. 26. Pour illustrer le point de vue de M. Yourcenar, « Carnets de notes », p. 528 : « Ce qui ne signifie pas, comme on le dit trop, que la vérité historique soit toujours et en tout insaisissable. Il en va de cette vérité comme de toutes les autres : on se trompe plus ou moins. »
« Carnets de notes », p. 527 : « Le temps ne fait rien à l’affaire. Ce m’est toujours une surprise que mes contemporains, qui croient avoir conquis et transformé l’espace, ignorent qu’on peut rétrécir à son gré la distance des siècles. »
« Carnets de notes », p. 520 : « Expériences avec le temps : dix-huit jours, dix-huit mois, dix-huit années, dix-huit siècles. Survivance immobile des statues, qui, comme la tête de l’Antinoüs Mondragone, au Louvre, vivent encore à l’intérieur de ce temps mort. Le même problème considéré en termes de générations humaines ; deux douzaines de paires de mains décharnées, quelque vingt-cinq vieillards suffiraient pour établir un contact ininterrompu entre Hadrien et nous. »
« Carnets de notes », p. 528 : « Travailler à lire un texte du iie siècle avec des yeux, une âme, des sens du iie siècle ; le laisser baigner dans cette eau-mère que sont les faits contemporains ; écarter s’il se peut toutes les idées, tous les sentiments accumulés par couches successives entre ces gens et nous. […] s’interdire les ombres portées ; ne pas permettre que la buée d’une haleine s’étale sur le tain du miroir […]. »
« Carnets de notes », p. 524 : « Refaire du dedans ce que les archéologues du xixe siècle ont fait du dehors. » « Carnets de notes », p. 526 : « Parlons plutôt d’une participation constante, et la plus clairvoyante possible, à ce qui fut. » Ibid. : « Un pied dans l’érudition, l’autre dans la magie, ou plus exactement, et sans métaphore, dans cette magie sympathique qui consiste à se transporter en pensée à l’intérieur de quelqu’un. » « Carnets de notes », p. 519‑520 : « Je ne parvenais pas à organiser ce monde vu et entendu par un homme ».
« Carnets de notes », p. 536 : « Quoiqu’on fasse, on reconstruit toujours le monument à sa manière. Mais c’est déjà beaucoup de n’employer que des pierres authentiques. »
« Carnets de notes », p. 534 : « Ceux qui auraient préféré un Journal d’Hadrien à des mémoires d’Hadrien… »
« Carnets de notes », p. 525 : « Cette nuit‑là, je rouvris deux volumes parmi ceux qui venaient aussi de m’être rendus, débris d’une bibliothèque dispersée. C’était Dion Cassius dans une belle impression d’Henri Estienne, et un tome d’une édition quelconque de l’Histoire Auguste, les deux principales sources de la vie d’Hadrien, achetés à l’époque où je me proposais d’écrire ce livre. Tout ce que le monde et moi avions traversé dans l’intervalle enrichissait ces chroniques d’un temps révolu, projetait sur cette existence impériale d’autres lumières, d’autres ombres. Naguère, j’avais surtout pensé au lettré, au voyageur, au poète, à l’amant ; rien de tout cela ne s’effaçait, mais je voyais pour la première fois se dessiner avec une netteté extrême, parmi toutes ces figures, la plus officielle à la fois et la plus secrète, celle de l’empereur. Après avoir vécu dans un monde qui se défait m’enseignait l’importance du Prince. »
« Carnets de notes », p. 519 : « Retrouvé dans un volume de la correspondance de Flaubert, fort lu et fort souligné par moi vers 1927, la phrase inoubliable : “Les dieux n’étant plus, et le Christ n’étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l’homme seul a été.” Une grande partie de ma vie allait se passer à essayer de définir, puis à peindre, cet homme seul et d’ailleurs relié à tout. »
« Carnets de notes », p. 528 : « […] prendre seulement ce qu’il y a de plus durable, de plus essentiel en nous, dans les émotions des sens ou dans les opérations de l’esprit, comme point de contact avec ces hommes qui comme nous croquèrent des olives, burent du vin, s’engluèrent les doigts de miel, luttèrent contre le vent aigre et la pluie aveuglante et cherchèrent en été l’ombre d’un platane, et jouirent, et pensèrent, et vieillirent, et moururent. » « Carnets de notes », p. 529 : « La substance, la structure humaine ne changent guère. Rien de plus stable que la courbe d’une cheville, la place d’un tendon, ou la forme d’un orteil. Mais il y a des époques où la chaussure déforme moins. Au siècle dont je parle, nous sommes encore très près de la libre vérité du pied nu. » « Carnets de notes », p. 535 : « Note de 1949. Plus j’essaie de faire un portrait ressemblant, plus je m’éloigne du livre et de l’homme qui pourraient plaire. Seuls, quelques amateurs de destiné humaine comprendront. » « Carnets de notes », p. 537 : « Tout ce qui a vécu l’aventure humaine est moi. »
« Carnets de notes », p. 527 : « Portrait d’une voix. Si j’ai choisi d’écrire ces Mémoires d’Hadrien à la première personne, c’est pour me passer le plus possible de tout intermédiaire, fût‑ce de moi‑même. Hadrien pouvait parler de sa vie plus fermement et plus subtilement que moi. » « Carnets de notes », p. 536 : « Je me suis assez vite aperçue que j’écrivais la vie d’un grand homme. De là, plus de respect de la vérité, plus d’attention, et, de ma part, plus de silence. » A. Wyss, « Auteur, narrateur, personnage : quelle historiographie pour Mémoires d’Hadrien », dans B. Blanckeman (dir.), Lectures de Marguerite Yourcenar. Mémoires d’Hadrien, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 483‑491 propose une autre interprétation sur le plan historiographique de ce dispositif énonciatif.
« Carnets de notes », p. 537 : « Ce livre n’est dédicacé à personne. Il aurait dû l’être à G. F., et l’eût été, s’il n’y avait eu une espèce d’indécence à mettre une dédicace personnelle en tête d’un ouvrage d’où je tenais justement à m’effacer. »
« Carnets de notes », p. 520 : « La seule phrase qui subsiste de la rédaction de 1934 : “Je commence à apercevoir le profil de ma mort.” Comme un peintre établi devant un horizon, et qui sans cesse déplace son chevalet à droite, puis à gauche, j’avais enfin trouvé le point de vue du livre. » Ibid. : « Prendre une vie connue, achevée, fixée (autant qu’elles peuvent jamais l’être) par l’Histoire, de façon à embrasser d’un seul coup la courbe tout entière ; bien plus, choisir le moment où cet homme qui vécut cette existence la soupèse, l’examine, soit pour un instant capable de la juger. Faire en sorte qu’il se trouve devant sa propre vie dans la même position que nous. »
« Carnets de notes », p. 536 : « En un sens, toute vie racontée est exemplaire ; on écrit pour défendre ou attaquer un système du monde, pour définir une méthode qui nous est propre. Il n’en est pas moins vrai que c’est par l’idéalisation, ou par l’éreintement à tout prix, par le détail lourdement exagéré ou prudemment omis que se disqualifie presque tout biographe : l’homme construit remplace l’homme compris. »
Voir textes cités n. 30.
P. Bourdieu, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 62‑63, 1986, p. 69‑72.
« Carnets de notes », p. 528 : « Lorsque deux textes, deux affirmations, deux idées s’opposent, se plaire à les concilier plutôt qu’à les annuler l’une par l’autre ; voir en eux deux facettes, deux états successifs du même fait, une réalité convaincante parce qu’elle est complexe, humaine parce qu’elle est multiple. »
« Carnets de notes », p. 527‑528 : « Tout nous échappe, et tous, et nous-mêmes. La vie de mon père m’est plus inconnue que celle d’Hadrien. Ma propre existence, si j’avais à l’écrire, serait reconstituée par moi du dehors, péniblement, comme celle d’un autre ; j’aurais à m’adresser à des lettres, aux souvenirs d’autrui pour fixer ces flottantes mémoires. Ce ne sont jamais que murs écroulés, pans d’ombre. S’arranger pour que les lacunes de nos textes, en ce qui concerne la vie d’Hadrien, coïncident avec ce qu’eussent été ses propres oublis. »
F. Dosse, Le pari biographique. Écrire une vie, Paris, La Découverte, 2011 (2005), p. 213.
Courant historiographique né en Italie dans les années 1970.
Voir « Carnets de notes », p. 530 par exemple.
Voir note 9 sur le conflit avec l’attribution de l’œuvre à la catégorie de roman historique.
Lettre citée dans : M. Yourcenar, D’Hadrien à Zénon. Correspondance 1951‑1956, C. Godin et R. Poignault (éd.), Paris, Gallimard, 1994, p. 197.
« Carnets de notes », p. 546 : « Une reconstitution du genre de celle qu’on vient de lire, c’est-à-dire faite à la première personne et mise dans la bouche de l’homme qu’il s’agissait de dépeindre, touche par certains côtés au roman et par d’autres à la poésie ; elle pourrait donc se passer de pièces justificatives ; sa valeur humaine est néanmoins singulièrement augmentée par la fidélité aux faits. »
« Carnets de notes », p. 535 : « Le roman dévore aujourd’hui toutes les formes ; on est à peu près forcé d’en passer par lui. Cette étude sur la destinée d’un homme qui s’est nommé Hadrien eût été une tragédie au xviie siècle ; c’eût été un essai à l’époque de la Renaissance. »
M. Yourcenar, « Ton et langage dans le roman historique », La Nouvelle Revue française, no 238, 1972, p. 101‑123.
R. Poignault, « L’oratio togata dans Mémoires d’Hadrien. Lectures de Marguerite Yourcenar », dans B. Blanckeman (dir.), Lectures de Marguerite Yourcenar. Mémoires d’Hadrien, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 53‑66.
P. Veyne, Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, coll. « Point Histoire, no 226 », 1996 (1971), p. 302‑303 : « L’intérêt d’un livre d’histoire est là ; il n’est pas dans les théories, les idées et les conceptions de l’histoire, toutes emballées pour être livrées aux philosophes ; il est plutôt dans ce qui fait la valeur littéraire de ce livre. Car l’histoire est un art comme la gravure ou la photographie. »
« Carnets de notes », p. 538 : (après avoir appris la mort de deux historiens dont elle avait utilisé les travaux et avoir discuté d’un graveur actif à la villa Hadriana), « Sentiment d’appartenir à une espèce de Gens Aelia, de faire partie de la foule des secrétaires du grand homme, de participer à cette relève de la garde impériale que montent les humanistes et les poètes se relayant autour d’un grand souvenir. »
« Carnets de notes », p. 529 : « Qu’est Hécube pour lui ? se demande Hamlet en présence de l’acteur ambulant qui pleure sur Hécube. Et voilà Hamlet bien obligé de reconnaître que ce comédien qui verse de vraies larmes a réussi à établir avec cette morte trois fois millénaire une communication plus profonde que lui‑même avec son père enterré de la veille, mais dont il n’éprouve pas assez complètement le malheur pour être sans délai capable de le venger. »
« Carnets de notes », p. 536 : « Grossièreté de ceux qui vous disent “Hadrien c’est vous.” »
« Carnets de notes », p. 519‑520 : « J’imaginais longtemps l’ouvrage sous forme d’une série de dialogues, où toutes les voix du temps se fussent fait entendre. Mais, quoi que je fisse, le détail primait l’ensemble ; les parties compromettaient l’équilibre du tout ; la voix d’Hadrien se perdait sous tous ces cris. Je ne parvenais pas à organiser ce monde vu et entendu par un homme. »
P. Veyne, Comment on écrit l’histoire, Paris, Seuil, coll. « Point Histoire, no 226 », 1996 (1971), p. 26.
« Carnets de notes », p. 528 : « S’arranger pour que les lacunes de nos textes, en ce qui concerne la vie d’Hadrien, coïncident avec ce qu’eussent été ses propres oublis. »
« Carnets de notes », p. 541 : « Mais j’ai cessé de sentir de ces êtres l’immédiate présence, de ces faits l’actualité : ils restent proches de moi, mais révolus, ni plus ni moins que les souvenirs de ma propre vie. Notre commerce avec autrui n’a qu’un temps ; il cesse une fois la satisfaction obtenue, la leçon sue, le service rendu, l’œuvre accomplie. Ce que j’étais capable de dire a été dit ; ce que je pouvais apprendre a été appris. Occupons‑nous pour un temps d’autres travaux. » Pour une interprétation sur le plan de la technique romanesque de ce conseil, voir M. Berger, « Histoire et roman : comment s’en défaire ? », dans B. Blanckeman (dir.), Lectures de Marguerite Yourcenar. Mémoires d’Hadrien, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 29‑38.
Haut de page