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Territoires et pouvoir. Approches historiques et politiques dans une perspective franco‑italienne

Territori e potere. Approcci storici e politici in una prospettiva franco‑italiana
Territories and Power. Historical and Political Approaches in a Franco‑Italian Perspective
Thibault Tellier et Patrizia Magarò

Résumés

La décentralisation, ainsi qu’une meilleure prise en compte des pouvoirs locaux constituent aujourd’hui des faits acquis tant en France qu’en Italie. Cependant, la récente crise des Gilets jaunes en France et certains mouvements politiques radicaux en Italie rappellent que les défis politiques liés à l’expression territoriale conduisent souvent à des compromis fragiles, eux‑mêmes fruits d’une longue histoire. Les processus de régionalisation sont sans doute l’un des meilleurs exemples de ce phénomène. Une lecture historique et politique permet de mieux comprendre que le pouvoir, d’une part, s’est en quelque sorte « emparé » de la question territoriale, et que le territoire, de l’autre, a obligé le pouvoir à repenser son rôle et ses modes d’action au fil des siècles.

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Parole chiave:

potere, territorio, decentramento
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Notes de la rédaction

La première partie de l’étude est à attribuer à Thibault Tellier et la seconde à Patrizia Magarò.

Texte intégral

Partie I. – Territoire et pouvoir en France, de la monarchie absolue à la République décentralisée

1. L’affirmation territoriale du pouvoir royal

  • 1 P. Deyon, L’État face au pouvoir local, Saint-Amand-Montrond, Éditions locales de France, 1996, p.  (...)

1Contrairement à la configuration territoriale italienne, la période qui s’étend du Moyen Âge à la Révolution française est essentiellement marquée par la volonté monarchique d’agrandir le domaine royal. Alors que le morcellement territorial demeure la règle de l’autre côté des Alpes, la France voit au contraire les grandes entités territoriales être intégrées les unes après les autres à la Couronne. Pour l’historien Pierre Deyon, il s’est agi d’un « patient et difficile rassemblement de territoires dissemblables arrachés à des vassaux rebelles où à des princes à demi étrangers1 ». Ce qui s’apparente dans la majorité des cas à une forme de soumission du pouvoir local à la monarchie peut s’opérer de diverses manières, qu’il s’agisse de mariages princiers pour lesquels la province d’origine de la mariée constitue sa dot (la Champagne est rattachée à la Couronne de France en 1284 et la Bretagne officiellement en 1532) ; ou des suites d’une guerre comme pour les États bourguignons après la défaite de Charles le Téméraire. Des achats ainsi que des héritages sont également venus enrichir le domaine royal durant tout le Moyen Âge ainsi qu’aux xvie et xviie siècles. Trait commun avec l’histoire italienne, des villes importantes du royaume de France vont tenter de préserver leurs libertés communales et leur autonomie grâce aux chartes qui leur sont octroyées par le pouvoir royal. Mais peu à peu, ce dernier va venir à bout des velléités communales. Le cas parisien est éclairant. En 1358, le prévôt des marchands Étienne Marcel lance une révolte contre le dauphin, le futur Charles V. Après quelques mois de troubles, celle‑ci est écrasée et son leader assassiné. Cela en est fini de l’autonomie parisienne. Il faudra attendre 1977 pour que le maire de la capitale soit élu au suffrage universel comme ses collègues l’étaient tous depuis 1884. De la même manière, les États provinciaux qui se réunissaient régulièrement depuis le Moyen Âge se voient de moins en moins sollicités et disparaitront pour la plupart d’entre eux au xviie siècle alors même que la figure de l’intendant s’impose au plan régional. Lui seul possède désormais la compétence d’administrateur, disposant à cet effet des pouvoirs de justice, de police et des finances.

  • 2 M. C. Kiener et J.‑C. Peyronnet, Quand Turgot régnait en Limousin : un tremplin vers le pouvoir, Pa (...)

2Le second critère qui caractérise les relations entre pouvoir et territoire à l’âge classique en France réside dans la volonté de la monarchie de mettre en valeur ses nouveaux territoires. Progressivement, cette dernière constitue une véritable administration censée représenter ses intérêts à l’échelle locale. Complexe dans son organisation, disparate dans ses modes d’action et sa manière d’appréhender les problèmes locaux, elle n’en reste pas moins la représentante fidèle de l’État royal en train de s’affirmer à partir du xviie siècle. Les gouverneurs, comme les intendants et les procureurs pour ne citer que ceux‑là incarnent chacun à leur manière cette représentation territoriale du pouvoir royal. En particulier chez les intendants au xviiie siècle qui sont pénétrés par les idées des Lumières, la notion de mise en valeur du territoire est très forte. C’est le cas en particulier de l’intendant Tourny à Bordeaux et de Turgot en Limousin2. Dans ce dernier cas, c’est d’ailleurs son expérience dans cette province déshéritée qui, dans une certaine mesure, lui fournira le cadre de pensée dont il se servira pour tenter de sauver la France de la banqueroute lorsqu’il sera contrôleur général des finances à la fin de l’Ancien Régime.

  • 3 N. Montel, « Sur l’État aménageur d’Ancien Régime », Genèses, no 100‑101, 2015 p. 186.

3Signe également d’une volonté de moderniser le territoire national, le xviiie siècle est aussi marqué par la mise en œuvre d’une réelle politique d’aménagement du territoire. C’est le cas en particulier avec la création du Corps des ponts qui sera l’œuvre de Daniel-Charles Trudaine (1703‑1769) et de son fils Jean-Charles-Philibert Trudaine de Montigny (1733‑1777), qui ont été intendants des finances, grands commis d’État, attachés au service du roi et réceptifs aux idées nouvelles. Ils seront notamment à l’origine de la constitution d’une vaste opération de recensement cartographique qui contribuera grandement à mieux appréhender le territoire national3.

4Ce qui n’empêche toutefois pas les particularismes locaux de continuer à exister jusqu’à la veille de la Révolution française, à commencer par le maintien des langues locales et autres patois. Il faut attendre 1789 et le déclenchement de la Révolution pour que la volonté d’uniformisation se manifeste officiellement au sein des nouveaux pouvoirs qui ont pour ambition de réformer l’ensemble des structures de la France et tendre vers une réelle uniformité de la Nation.

2. La Révolution française et le jacobinisme

  • 4 P. Rosanvallon, Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos (...)

5Alors que l’Italie présente encore un visage territorial extrêmement morcelé avec des entités extrêmement puissantes comme les royaumes du Piémont-Sardaigne et de Naples, dans le cas français, l’unification territoriale du royaume était déjà largement engagée au moment où le nouveau pouvoir incarné par l’Assemblée nationale décide de se pencher sur la question d’un nouveau découpage territorial qui reflète les idées nouvelles qui s’imposent désormais. Dans le domaine de l’administration locale, il s’agit de remettre en cause l’ordre territorial ancien et de faire tout d’abord de la commune un échelon territorial juridiquement unifié et soumis sur le plan politique au pouvoir central. Mais la principale innovation qui là aussi diffère totalement avec l’organisation territoriale italienne, c’est l’invention du département. Il s’agit dès lors de livrer une réponse à la remarque de Mirabeau, l’une des principales personnalités politique de 1789, selon lequel la France constituait un « agrégat de peuples désunis ». La nouvelle entité territoriale se veut en tout point fidèle à l’esprit des Lumières, en particulier du point de vue de la rationalité mathématique. De la même manière, il s’agit d’édifier une « culture politique de la généralité » selon l’expression de Pierre Rosanvallon4. Le 3 novembre 1789, le député Jacques Thouret présente un plan d’organisation départementale qui propose la création de 80 départements représentés chacun par un carré à la superficie strictement égale aux autres. En revanche, la loi du 14 décembre 1789 entérine quant à elle la création de 44 000 communes dont le découpage repend celle des paroisses mais en donnant à la nouvelle entité territoriale la personnalité juridique ainsi qu’un statut uniforme. La Constitution du 3 septembre 1791 stipule que désormais le Royaume est un et indivisible et que son territoire est distribué en quatre-vingt-trois départements, chaque département en districts, chaque district en cantons. Cette uniformisation codifiée fera l’objet de critiques virulentes de la part de contre-révolutionnaires comme Edmund Burke et Joseph de Maistre qui y voient une négation de l’identité française au profit de l’abstraction et de l’uniformité.

  • 5 L. Cornu, « Fédéraliste ! et pourquoi ? », dans F. Furet et M. Ozouf (éds), La Gironde et les Giron (...)

6Au fur et à mesure de l’évolution politique de la Révolution, le désir d’uniformité se mue en véritable tyrannie. Le pouvoir jacobin se montre de plus en plus intraitable avec tout ce qui lui apparaît représenter un obstacle à l’unité nationale. Le déclenchement de la guerre civile avec le soulèvement de la Vendée radicalise davantage encore les positions des uns et des autres, en particulier d’un côté les Girondins plus enclins à accepter le principe de la différenciation territoriale, et de l’autre les Montagnards qui se montrent intraitables envers tout ce qui peut leur apparaître comme une entrave à l’unité territoriale5. La question de la langue est ici au centre des débats dans la mesure où elle incarne la valeur culturelle de l’unité nationale. Selon l’abbé Grégoire qui rend à la Convention nationale un Rapport sur les moyens et la nécessité d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française, il convient dès lors de promouvoir l’idée d’une identité du langage :

  • 6 P. Deyon, L’État face au pouvoir local, ouvr. cité, p. 126.

Pour extirper tous les préjugés, développer toutes les vérités, tous les talents, toutes les vertus, fondre tous les citoyens dans la masse nationale, simplifier et faciliter le jeu de la machine politique, il faut maintenant identité de langage […] l’unité de l’idiome est une partie intégrante de la Révolution6.

7Un autre député, venu du Midi, Bertrand Barrère, se montre encore plus expéditif en déclarant devant la Convention nationale le 27 janvier 1794 :

Nous avons révolutionné le gouvernement, les lois, les usages, les mœurs, les costumes, le commerce et la pensée même ; révolutionnons donc aussi la langue, qui est leur instrument journalier. […] Le fédéralisme et la superstition parlent bas breton ; l’émigration et la haine de la République parlent allemand, la contre-révolution parle l’italien et le fanatisme parle le basque. Cassons ces instruments de dommage et d’erreur7.

  • 8 Rapport Chaptal sur la loi du 28 pluviôse an VIII, cité par P. Tanchoux, « Les “pouvoirs municipaux (...)

8La chute du gouvernement de Robespierre en juillet 1794 réduira toutefois fortement la portée de tels propos même si le principe jacobin demeure et sera même codifié et amplifié par le nouvel homme fort du pays, Napoléon Bonaparte. C’est notamment lui qui instituera la figure du préfet et exportera le modèle d’organisation territoriale au gré de ses conquêtes militaires, à partir de 1796, en particulier de l’autre côté des Alpes. Selon la célèbre formule de Chaptal, rapporteur général de la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) qui formalise la nouvelle organisation territoriale et la nécessaire rapidité de transmission des ordres qui doit être comparable à celle du « fluide électrique8 ».

9C’est également cette loi qui établit le principe de l’administration au niveau local : préfet, sous-préfet, maire et conseillers municipaux sont nommés par le gouvernement tandis que le canton redevient une simple circonscription électorale et judiciaire. Si l’héritage napoléonien se perpétuera en France bien après son départ pour l’île Sainte-Hélène en 1815, il aura également imprimé sa marque sur l’organisation territoriale d’un certain nombre de pays européens, à commencer par l’Italie. C’est d’ailleurs Napoléon lui‑même qui créé le royaume d’Italie en se proclamant roi d’Italie en mars 1805 lors de son couronnement dans le Duomo de Milan. À son apogée napoléonien, le royaume comportera vingt-quatre départements qui sont calqués sur le modèle français. Napoléon 1er réorganise également le corps des Ponts et Chaussées en l’érigeant dès 1800 en Direction générale de l’administration, forte de près de cinq cents inspecteurs et ingénieurs. Ce qui lui donne une force incontestable pour poursuivre l’aménagement du territoire national.

10La chute de l’empire napoléon entraîne une véritable recomposition territoriale à l’échelle de l’Europe (en particulier la disparition des États satellites comme le royaume italien dont une partie revient à l’Autriche), mais n’entraîne pas au plan national une remise en cause profonde de l’organisation territoriale. Le nouveau souverain français, Louis XVIII se garde à ce sujet de remettre en cause l’héritage révolutionnaire et conserve les départements ainsi que les préfets garants du maintien de l’ordre au plan local. Ce qui vient contredire d’une certaine manière les efforts déployés par l’entourage du roi qui souhaitait voir la France revenir aussi sur le plan territorial à l’Ancien Régime. En particulier en ressuscitant les anciennes provinces à la place des départements, création révolutionnaire par excellence. L’Action française se fera très longtemps le porte-parole de cette nostalgie de l’ancienne France. Son leader à la fin du xixe siècle, Charles Maurras, en fera l’un des principaux axes de pensée du mouvement monarchiste. Pour lui, il s’agit de « délivrer de leurs cages départementales les âmes de nos provinces ». Et d’ajouter : « Nous sommes des autonomistes, nous sommes des fédéralistes. » Tout au long du xixe siècle, l’idée territoriale dominera le débat intellectuel et politique. Les approches territoriales de l’extrême droite au nom de la tradition séculaire française seront de ce point de vue propices à un rapprochement avec l’Italie de Mussolini, notamment au travers de voyages, comme le montre l’article de Paola Salerni dans ce numéro collectif. Le tropisme fasciste puise également ses origines dans une approche commune en matière de représentations territoriales.

3. La longue reconnaissance des pouvoirs locaux

11Du point de vue de la question territoriale, le xixe siècle est surtout marqué en France par une série d’hésitations concernant l’organisation des pouvoirs au plan local. D’une part, il est bien sûr question de garantir l’unité de la Nation ainsi que de s’assurer du maintien de l’ordre à l’échelon local. En particulier, dans des temps qui demeurent propices aux émeutes urbaines comme en témoigne celle des canuts lyonnais en 1831, l’encadrement préfectoral est essentiel pour assurer le contrôle territorial. A contrario, le développement économique industriel et la montée du libéralisme en France requiert le concours de l’échelon local et des notables. Aussi, le débat sur la décentralisation n’est plus tabou alors que la doxa jacobine demeure la règle en vigueur. Alexis de Tocqueville sera ainsi l’un des principaux défenseurs de la promotion de la démocratie locale. Mais parallèlement, l’effort pour unifier le territoire demeure encore long. La France des terroirs, pour reprendre la formule de l’histoirien Eugen Weber, doit encore faire l’apprentissage de la langue française et du sentiment national. L’école, le chemin de fer, la conscription militaire et l’action préfectorale y contribueront fortement. Pour Léon Gambetta, l’un des pères fondateurs de la IIIe République, le gouvernement équivaut dans ce domaine à un « moteur de progrès ». De ce point de vue, une première ébauche du rôle joué par l’État et plus spécialement par le gouvernement se constitue avec François Guizot sous le règne du roi des Français tel qu’il se définit lui‑même, Louis‑Philippe.

  • 9 P. Rosanvallon, Le moment Guizot, Paris, Gallimard, 1985.

12Le moment Guizot pour reprendre la formulation de Pierre Rosanvallon constitue un moment très particulier dans le rapport entre pouvoir et territoire9. À partir de 1830, parallèlement aux réflexions de Tocqueville, le nouveau pouvoir s’intéresse à nouveau au statut des communes et des élus locaux. Sans remettre formellement en cause la centralisation, il entend davantage s’appuyer sur l’échelon local pour entreprendre la modernisation du pays. C’est dans les faits une réelle transformation des modes de gouvernance dont il est question. Il faut d’ailleurs, à cet égard, souligner que le vocabulaire évolue également. C’est en 1829 que le terme officiel de décentralisation fait son apparition, suivi de celui de territorialité en 1845. Le ministre de Louis‑Philippe, François Guizot, joue un rôle important dans cette mutation du pouvoir central à l’égard de l’échelon local. Un certain nombre de compétences en matière d’équipement sont alors « déléguées » aux communes, qu’il s’agisse des écoles en 1833, des chemins vicinaux en 1836 ou bien encore des routes déléguées aux départements en 1836 et des asiles d’aliénés en 1838. En ce qui concerne l’organisation municipale, la loi municipale du 21 mars 1831 porte en elle une véritable évolution puisqu’elle élargit le corps électoral pour le choix des conseils municipaux et que par ailleurs, si la désignation du maire appartient toujours au préfet ou au gouvernement, il devra nécessairement être choisi au sein même du conseil municipal. Ce qui est en soi une reconnaissance politique du local. Celui‑ci se trouve également renforcé par la loi de 1833 qui réorganise l’administration départementale et celle de 1837 qui définit quant à elle un véritable code général des communes.

  • 10 M. Desportes et A. Picon, De l’espace au territoire. L’aménagement en France, xvie-xxe siècles, Par (...)
  • 11 Extrait de l’exposé des motifs du décret no 3855 du 25 mars 1852 sur la décentralisation administra (...)

13Les effets de la révolution industrielle constituent par ailleurs un formidable mouvement de hiérarchisation territoriale entre les espaces qui s’imposent par leur dynamisme, c’est le cas des agglomérations parisienne et lyonnaise, et ceux qui, au contraire, se retrouvent à l’écart des grands flux comme la Normandie ou la Bretagne. Ici encore, le rôle de l’État s’avère central10. Dès le milieu du xixe siècle, il se mue progressivement en un animateur du développement national, notamment en soutenant la politique du chemin de fer. Pour autant, les déséquilibres persistent, voire s’accentuent, en particulier entre la capitale et le reste du pays. « Paris dévore la province », selon l’expression de la presse du Second Empire, et sans que l’État ne cherche véritablement à remédier aux disparités entre les territoires ; faute de vouloir consentir un réel pouvoir aux représentants locaux. Selon la formule employée par le ministre de l’Intérieur de Napoléon III, Victor de Persigny, « si on peut gouverner de loin, on n’administre bien que de près11 ». Le but sera donc de détacher au plan local un certain nombre de fonctions administratives tout en gardant fermement la main sur le pouvoir local. À ce titre, les maires resteront nommés par le préfet du département après avis du pouvoir central pour les postes les plus explosés et sans nécessairement appartenir au conseil municipal comme au temps de la monarchie de Juillet.

14Il faut en réalité attendre les débuts de la IIIe République pour que le pouvoir local soit enfin reconnu comme tel, particulièrement avec l’adoption de la loi municipale de 1884. Alors que le Second Empire s’effondre en France et que la République est à nouveau proclamée, l’Italie achève quant à elle son unité en occupant Rome qui sera un an plus tard, en juillet 1871, enfin reconnue officiellement comme capitale d’une Italie unifiée. Du côté français, après l’épisode sanglant de la Commune de Paris, il appartient également à la jeune République de procéder à l’unification du territoire dans la mesure où de nombreuses parties de celui‑ci, en particulier le monde rural, reste hostile aux principes républicains. On peut y voir, toute proportion gardée, un destin croisé entre les deux nations latines ; à savoir la nécessité de conduire une action en direction du territoire qui soit en capacité de faire accepter le nouveau régime politique.

  • 12 M. Agulhon, La République au village, Paris, Plon, 1970.

15Dans le cas français, le rôle de Léon Gambetta que l’on surnomme « le commis-voyageur de la République » sera amené à jouer un rôle décisif dans l’acclimatation à la République des campagnes ; là où le sentiment royaliste demeure particulièrement fort. Tandis que l’échelon départemental est confirmé avec un renforcement des prorogatives du conseil général par la loi du 10 août 1871, la loi de 1884 affirme quant à elle le principe de la libre administration de la commune sur les affaires locales. Elle constitue le véritable point de départ de l’affirmation progressive des communes face au pouvoir central. Il marque la recherche d’un consensus avec le monde paysan en actant le principe de la « démocratie au village », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Maurice Agulhon12. Du point de vue juridique, la loi de 1884 établit en outre un régime uniforme pour toutes les communes de France quelle que soit leur taille. Par la suite, de nouvelles lois viendront confirmer le rôle des conseils généraux et des communes. La loi du 22 mars 1890 autorise la création des syndicats de communes tandis que celle de juillet 1895 permet à la commission départementale d’élire son président. À cette date, on peut considérer que l’État républicain français est l’un des plus territorialisés d’Europe. Afin de faire progresser l’esprit républicain jusqu’au plus profond du territoire, les gouvernements successifs définissent aussi des plans d’équipement. Le principal d’entre eux, le plan Freycinet, du nom du ministre des Travaux publics de 1877 à 1879, lance un grand plan de développement des voies ferrées ou navigables. Il bénéficie de moyens considérables pour l’époque : 6 milliards de francs sur dix ans, alors que le budget annuel de l’État s’élève alors à 3 milliards de francs. À terme, il a aussi pour ambition l’intégration et la modernisation de régions ou de pays qui étaient restés jusqu’alors en retrait du grand mouvement d’industrialisation que connaît la France depuis les années 1840‑1850.

16Si le mouvement territorial porté par la IIIe République jusqu’en 1914 est donc incontestable, il n’en reste pas moins que le sentiment régionaliste, l’attachement aux anciennes provinces et à ses traditions demeure également extrêmement vivace. En 1854, le poète Frédéric Mistral et plusieurs de ses amis ont fondé le Félibrige, un mouvement culturel qui agit sur la Provence, mais aussi sur le Languedoc et le Roussillon et qui a pour ambition de restaurer les langues et la littérature provençale. Après une série de scissions au sein du groupe, certains des héritiers de Mistral dont Charles Maurras, de Martigues, et le Limousin Jean Charles-Brun poursuivent le combat pour obtenir une reconnaissance institutionnelle de l’échelon régional. Le second sera à l’origine de la création de la Fédération régionaliste française en 1900. Elle se propose

[…] de mettre en rapport toutes les sociétés et toutes les personnalités que cette grande cause intéresse […] avec leur concours, d’organiser, en province et à Paris, des campagnes de presse et de conférences pour la propagande des idées régionalistes et la défense des intérêts locaux13.

  • 14 P. Veitl, « Faire une autre France. La politique de régionalisation d’Étienne Clémentel à la fin de (...)

17Dans son entreprise, la Fédération régionaliste peut notamment compter sur le plus illustre des géographes français de l’époque, Paul Vidal de la Blanche. Professeur à la Sorbonne, il publie en 1910 un article dans lequel il suggère de découper la France en dix-sept régions organisées autour de métropoles dont l’influence économique est nationalement reconnue. Il s’agit là de la première reconnaissance des métropoles régionales qui trouvera un premier aboutissement institutionnel avec la mise en œuvre des régions dites Clémentel, du nom du ministre qui en fut à l’origine durant la Première Guerre mondiale. Cette dernière allait en effet marquer une nouvelle étape dans les relations complexe en France entre territoire et pouvoir14.

4. Territoire et pouvoir à l’âge technocratique

18L’exercice du pouvoir durant la Première Guerre mondiale a été riche d’enseignements en ce qui concerne la possibilité pour l’État de mettre en œuvre une véritable économie dirigée. En 1918, environ 3 000 entreprises de Paris et sa banlieue travaillent pour la défense nationale. C’est aussi l’expérimentation du ministre du Commerce Étienne Clémentel qui créé en 1917 17 groupements économiques régionaux, au sein desquels les chambres de commerce sont invitées à se regrouper en unions régionales. Il s’agit là en fait d’une première reconnaissance de l’échelle économique régionale telle que Paul Vidal de la Blache l’avait formulée avant la guerre. Cette création, qui est due essentiellement aux circonstances de la mobilisation générale en temps de guerre préfigure également un mouvement beaucoup plus large qui imprimera sa marque tout au long de l’entre-deux-guerres en matière de conduite de l’action publique. Il s’agit de l’imposition de la figure du « technicien », bientôt rebaptisé « technocrate ». Dès lors, les rapports entre pouvoir et territoire devront prendre en compte ce nouvel acteur qui servira bien souvent d’intermédiaire entre les deux. C’est le cas par exemple de Raoul Dautry (1880‑1951) qui, après avoir joué un rôle important dans la mobilisation ferroviaire durant la guerre, devient directeur général des chemins de fer de l’État en 1928. Parallèlement, il joue aussi un rôle important dans la mobilisation en faveur du logement. Favorable à la mise en œuvre d’une politique de planification globale en matière de logements et d’urbanisme, il va jouer pendant vingt ans un rôle important dans les politiques territoriales engagées par l’État. Après avoir été ministre de l’Armement en 1939, il sera ensuite en 1944 le premier titulaire du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) qui entend définir de nouveaux modes de gestion du territoire.

  • 15 J.‑R. Pitte, Philippe Lamour. Père de l’aménagement du territoire en France, Paris, Fayard, 2002.

19C’est également durant l’entre-deux-guerres que se développe le courant dit des « planistes » qui souhaite voir l’État jouer un rôle beaucoup plus important en matière de valorisation du territoire national. Si l’approche paraît au premier abord essentiellement technocratique, elle puise également son inspiration dans des courants idéologiques parfois proches du fascisme italien. C’est le cas en particulier du rôle joué par Georges Valois (1878‑1945), fondateur en 1927 d’une ligue intitulée Le Faisceau, après que lui‑même ait rompu avec l’Action française. Il milite notamment pour que l’État, comme l’a fait Mussolini en Italie, prenne en charge la valorisation du territoire, tant du point de l’aménagement que du développement du transport. Parmi les proches de Valois, on retrouve notamment le jeune Philippe Lamour qui, après la Seconde Guerre mondiale, sera un acteur important de l’aménagement du territoire en France. Dans Plans, la revue qu’il dirige entre janvier 1931 et mars 1932, Philippe Lamour plaide pour l’idée d’une décentralisation régionale, prônant notamment un « aménagement rationnel de l’espace15 ». De la même manière, est créé en 1931 par un petit groupe de polytechniciens un groupe de réflexion sur les conditions nécessaires à la modernisation économique du pays. Très vite connu sous l’appellation de « groupe X‑Crise », il s’intéresse lui aussi à l’échelon régional et préconise une nouvelle répartition des rôles en matière de production industrielle à l’initiative de l’État.

20En revanche, l’entre-deux-guerres n’est guère propice à une réévaluation des pouvoirs locaux face aux prérogatives de l’État. On peut estimer que les victoires communistes dans un certain nombre de villes, notamment autour de Paris (que l’on appellera la banlieue rouge) a joué un rôle certain dans les choix des gouvernements successifs, car il n’existe guère d’initiatives fortes destinées notamment à prendre en compte certaines recompositions territoriales qui se font jour depuis le début du siècle, notamment dans le domaine de l’intercommunalité. Un certain nombre de villes avaient en effet souhaité aller plus loin dans la coopération sur la mise en commun d’objets comme l’eau, le gaz ou l’électricité. L’échec du Grand Paris durant les années 1930 témoigne de la volonté du pouvoir étatique de ne pas laisser trop de latitude à un pouvoir local désireux quant à lui de s’affranchir de certaines règles régies par la loi de 1884. En 1928, le gouvernement de Raymond Poincaré a créé le Comité supérieur d’aménagement et d’organisation de la région parisienne (CSAORP). Il a surtout pour mission de préparer le vaste plan d’aménagement qui doit permettre à la capitale et à son agglomération de procéder à sa modernisation. Notamment en ce qui concerne l’édification de nouvelles grandes voies de transports ainsi que la promotion de vastes cités d’habitation, comme le suggère cet extrait d’un article paru en 1935 sur les grands ensembles :

  • 16 M. Rotival, « Les grands ensembles », L’architecture d’aujourd’hui, vol. 1, no 6, juin 1935.

Nous espérons, un jour, sortir des villes comme Paris, non seulement par l’avenue des Champs-Élysées, la seule réalisation de tenue sans laquelle Paris n’existerait pas, mais sortir par Belleville, par Charonne, par Bobigny, et trouver harmonieusement disposés le long de larges autostrades, au milieu de grands espaces boisés, de parcs, de stades, des grandes cités claires, bien orientées, lumineusement éclairées par le soleil. Nous devons rêver de voir les enfants propres, heureux, jouant sur du gazon et non pas sur le trottoir. Nous rêvons en un mot, d’un programme d’urbanisme, d’habitations à bon marché en liaison avec l’aménagement des grandes villes16.

  • 17 Cf. dans ce numéro l’article de A. Dumain.

21Malgré des modifications apportées au fonctionnement du CSAORP par le gouvernement de Léon Blum en 1936, notamment sa présidence confiée au maire de Boulogne-Billancourt, le socialiste André Morizet, ainsi que le rattachement de l’organisme à la présidence du Conseil, sa consistance politique n’est toujours pas à l’ordre du jour pour le pouvoir. Par ailleurs, si la décentralisation industrielle est une idée qui commence à faire son chemin, en revanche, tous les débats concernant une extension des prérogatives politiques des communes ainsi que des conseils généraux demeurent lettre morte. Et la nouvelle période qui s’ouvre à la Libération n’envisage guère de changer le cours des choses. La reconstruction du pays est l’occasion pour le pouvoir de déployer des efforts inédits en matière de conduite de l’action publique. Mais au‑delà de l’effort consenti pour relever le pays de ses ruines, il s’agit également de mettre en œuvre une nouvelle organisation territoriale qui prenne en compte les nouveaux enjeux tandis qu’au plan local les populations, notamment d’origine étrangère, continuent à s’organiser par elles‑mêmes17.

22Comme l’Italie, la France est confrontée à un double défi : reconstruire le pays dans son état matériel aussi bien que civique. Le contexte politique de l’époque, commun aux deux nations, la prédominance du parti communiste, rend toutefois prudentes les autorités publiques françaises à propos d’une possible extension des prérogatives des collectivités locales. Un projet de loi, en préparation en 1947, est repoussé sine die étant donné le déclenchement de la crise politique à la suite de l’éviction des ministres communistes du gouvernement en mai de la même année. Pour éviter tout risque de sédition locale, le gouvernement créé les Inspecteurs généraux en mission extraordinaire (IGAME) chargés de coordonner, au niveau territorial, les pouvoirs civils et militaires en vue du maintien de l’ordre. Le rapport pouvoir-territoire se traduit, surtout à partir des années 1950, par une ambitieuse politique en matière d’aménagement du territoire qui devient alors une catégorie à part entière de l’action publique. Pour la mener à bien, l’État dispose d’outils très performants comme le Commissariat général au Plan ou, à partir de 1963, la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR). Il peut également compter sur la très puissante Caisse des dépôts qui s’engage tant sur le volet constructions de logements que sur celui des problématiques liés à l’équipement du territoire. Dès lors, les programmes qui sont engagés à l’aube des Trente Glorieuses contribuent efficacement à la modernisation du pays, qui plus est dans un contexte favorable à l’ouverture européenne. Il reste toutefois à articuler ces efforts à la question des compétences dédiées aux acteurs locaux du territoire. Ce qui pose à nouveau pour la puissance publique la question de la décentralisation autre qu’industrielle et économique. À cet égard, la parution de l’ouvrage du géographe Jean-François Gravier en 1947, Paris et le désert français, constitue un propos d’étape dans la mesure où il dénonce l’hypertrophie parisienne et plaide au contraire pour une meilleure prise en compte des besoins régionaux. Dès 1950, le ministre Eugène Claudius-Petit met en place un plan national d’aménagement du territoire qui prend en compte les aspirations régionales.

5. Vers une République territorialisée

  • 18 A. Faure, « Territoires/territorialisation », dans L. Boussaguet, S. Jacquot et P. Ravinet (éds), D (...)
  • 19 B. Morel, « Institution et recompositions territoriales », Rives nord-méditerranéennes, no 20, 2005 (...)

23La séquence décentralisatrice qui s’affirme progressivement durant la seconde partie du xxe siècle en France occupe une place importante dans la production du « grand récit républicain du territoire18 ». Le cheminement est pourtant sinueux, surtout formé d’avancées et de reculs jusqu’en 1981 où le principe décentralisateur devient en soi un principe constitutionnel. Entre cette date et les premières tentatives pour desserrer le cadre jacobin, plusieurs projets impulsés par le pouvoir auront contribué à installer la question au sein du débat public. De ce point de vue, il faut également s’interroger sur la continuité existante entre les IVe et Ve Républiques, ainsi que sur les lignes de partage entre gauche et droite actant le principe d’une République territorialisée. Vincent Auriol, l’un des principaux leaders socialistes de l’après-guerre, futur président de la République, et dont le parti appartient à la tradition révolutionnaire et jacobine, ne se montre pas insensible à une évolution concernant l’organisation territoriale de la France. Il estime que « le pouvoir central ne peut tout voir ni tout entreprendre. Sa fonction est de direction et d’équilibre, de sécurité et d’harmonie. Mais il étouffe s’il prétend tout régler19 ».

  • 20 F. Marzin, « Le cas breton : le CELIB, les pouvoirs publics et l’aménagement de la Bretagne (1950-1 (...)

24Contrairement à l’Italie, la France ne dispose pas après la Deuxième Guerre mondiale d’une organisation territoriale régionalisée. Pourtant, il serait faux de penser que le principe de la centralisation n’a pas été amendé. Ne serait‑ce que pour adapter les contraintes territoriales au développement économique (et social) sans précédent que la France connaît durant les années 1950 et 1960. Le premier amendement provient précisément de forces locales regroupant à la fois des responsables économiques, sociaux, politiques qui vont proposer une régionalisation d’objectifs définis au plan national en matière de planification. Plusieurs comités d’expansion sont ainsi créés dont le Comité d’études et de liaison des intérêts bretons, le CELIB qui, dès 1953, élabore un plan de modernisation de la Bretagne qui est présenté au gouvernement et qui s’apparente à une esquisse de planification régionale à laquelle les élus locaux ont été associés20. Le rôle de ces comités régionaux sera d’ailleurs institutionnalisé par le pouvoir en 1955 avec la création des programmes d’action régionale. Le gouvernement d’Edgar Faure est aussi à l’origine du découpage du territoire en 21 régions, rebaptisées pour la circonstance en 1958 par le nouveau régime « Circonscriptions d’action régionale ». S’il n’y a donc pas eu de projets politiques significatifs en matière de décentralisation, la régionalisation est au début des années 1960 un principe acté qui modifie très fortement les relations entre le territoire et le pouvoir étatique.

  • 21 P. Le Lidec, Les maires dans la République. L’Association des maires de France, élément constitutif (...)

25Cette évolution se confirme d’ailleurs durant toute la période où le général de Gaulle exerce le pouvoir. Sans remettre en cause le principe jacobin de l’unité de commandement étatique, il favorise le développement régional avec la création en 1963 de la DATAR déjà citée. L’année suivante, la création des préfets de région confirme la volonté implicite du gouvernement de Georges Pompidou de s’orienter vers une République territorialisée. Les grands projets portés par la DATAR, s’ils sont bien le fait d’un commandement de l’État, prennent aussi en compte, dans la majorité des cas, l’avis des élus locaux. Ce qui n’empêche toutefois pas les associations d’élus locaux de manifester régulièrement leur mécontentement à l’égard du gouvernement accusé de ne pas suffisamment les associer. C’est le cas en particulier de l’Association des maires de France (AMF) qui estime, lors de son congrès en 1963, que « la vie des communes est menacée par la perte d’autonomie locale21 ». La création du District parisien en 1961, dont la responsabilité est confiée à un grand commis de l’État, Paul Delouvrier, illustre en effet la manière dont l’État envisage le développement territorial. Dans le cas parisien la présence des élus locaux est réduite à sa plus simple expression. Cela n’empêche toutefois pas de nouveaux projets de voir le jour. C’est le cas en particulier du projet de réforme régionale présenté par le président de la République en 1969. Charles de Gaulle propose ni plus ni moins de faire de la région un nouvel échelon à la fois administratif et politique ; la région devenant une véritable collectivité locale. Si le référendum n’a pas reçu l’approbation d’une majorité de Français, il n’en reste pas moins qu’il confirme la volonté du pouvoir de reconnaître l’échelon régional à part entière. Ce qui sera d’ailleurs le cas en 1972 avec la loi sur les Établissements publics régionaux qui créé officiellement les conseillers régionaux. Si ces derniers ne sont pas élus au suffrage universel, ils sont toutefois désormais en capacité de proposer des programmes de développement pour leur territoire puisque la nouvelle entité régionale aura pour mission,

[…] dans le respect des attributions des départements et des communes, de contribuer au développement économique et social de la région par : 1o Toutes études intéressant le développement régional ; 2o Toutes propositions tendant à coordonner et à rationaliser les choix des investissements à réaliser par les collectivités publiques ; 3o La participation volontaire au financement d’équipements collectifs ; 4o La réalisation d’équipements collectifs présentant un intérêt régional direct, avec l’accord et pour le compte de collectivités locales, d’autres Etablissements Publics ou de l’État22.

  • 23 Vivre ensemble. Rapport de la Commission de développement des responsabilités locales, Paris, La Do (...)
  • 24 P. Bezes, Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française (1962‑2008), Paris, Presses (...)

26Le nouveau chef de l’État élu en 1974, Valéry Giscard d’Estaing, confirme l’orientation qui vise à réformer l’action de l’État au niveau territorial. Il agrège également un sentiment parmi la population de pouvoir « vivre au pays » avec la qualité de vie nécessaire pour cela. L’heure est donc moins aux grands projets structurants qu’à la transformation de petits territoires que l’on appelle les « pays » et qui deviennent également un repère pour l’action publique. Cette appréhension du local et de sa valorisation est d’ailleurs confirmée dans le rapport rendu par l’ancien délégué général de la DATAR en 1976 et intitulé Vivre ensemble23. Il y formule avec les membres de la commission un certain nombre de propositions visant notamment à mieux appréhender les relations entre l’État et les collectivités locales. En particulier en parachevant le processus de déconcentration par un véritable mouvement de décentralisation qui comporte la reconnaissance de nouvelles prérogatives politiques aux élus locaux, notamment régionaux. C’est d’ailleurs la reconnaissance politique du fait régional qui constitue peut‑être l’élément le plus caractéristique des lois de décentralisation adoptées par la gauche au pouvoir en 1981 et 1982. Dans le cas présent, il s’agit bien de créer une administration locale et non de procéder à une nouvelle étape de la réforme de l’État24. Les conseils régionaux seront désormais élus au suffrage universel et seront également dotés de compétences propres, ce que ne prévoyait pas la loi de 1972 sur les Établissements publics régionaux. D’un point de vue strictement juridique, les nouvelles lois de décentralisation actent le principe d’un nouveau rapport entre territoire et pouvoir à la fin du xxe siècle. La tutelle administrative est désormais allégée puisque le préfet, qui est rebaptisé pour la circonstance commissaire de la République, n’exerce plus qu’un contrôle a posteriori sur le caractère légal ou non des actes des collectivités locales. L’ensemble de ces derniers devient effectif à partir de leur publication et après leur transmission au préfet.

  • 25 Loi no 92‑125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, consulta (...)

27Au mi‑temps des années 1980, la République française est donc désormais totalement investie dans un processus de territorialisation. En 1992, dix ans après le vote des grandes lois de décentralisation, une nouvelle étape est franchie. Le second septennat de François Mitterrand est en effet marqué par le vote au Parlement de la Loi relative à l’administration territoriale de la République (loi ATR) qui met à égalité les services déconcentrés de l’État et les collectivités locales en précisant que désormais, « l’administration territoriale de la République est assurée par les collectivités territoriales et par les services déconcentrés de l’État25 ». La loi qui a été portée au Parlement par le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe crée de nouvelles structures en matière de coopération intercommunale : les communautés de communes ainsi que les communautés de villes. L’autre grand volet de la loi concerne la promotion de la citoyenneté au plan local. La loi fournit notamment un cadre juridique à plusieurs procédures participatives ainsi que sur la consultation des électeurs relatives aux affaires de la commune. Cette loi constitue donc un moment très important dans le processus multiséculaire de territorialisation de la République française. Elle intervient à un moment où la France s’engage également dans une nouvelle étape de la construction européenne avec le référendum sur le traité de Maastricht. La Nation française se trouve donc désormais aux prises avec deux échelons reconnus comme tels désormais, l’échelon local d’une part, l’échelon européen d’autre part. S’ouvre alors, en France comme en Italie, une période d’incertitude politique sur les risques de délitement de la nation comme telle face à la menace que représenteraient ces forces centrifuges. Si le risque semble plus fort en Italie avec le développement de la Ligue du Nord avec Umberto Bossi, il ne faut pas non plus sous-estimer l’influence du courant souverainiste en France à partir de la date du référendum de Maastricht qui allait jouer un rôle de plus en plus affirmé dans le débat.

Partie II. – Territoire et pouvoir des anciens États de Savoie à la République italienne

1. Le rapport entre territoire et pouvoir dans les anciens États de Savoie

28La relation entre territoire et pouvoir en Italie s’est historiquement développée, de manière pas toujours linéaire et cohérente, sur la base de modèles d’organisation inspirés en partie par des expériences étrangères — notamment le modèle français — et en partie en expérimentant des solutions tout à fait originales dans le panorama comparé.

29Au cours des 160 ans de son histoire unifiée, l’Italie a connu à l’époque libérale des formes de centralisation territoriale, dont la rigidité s’est profondément accentuée sous le fascisme ; la Constitution de 1948 a ainsi donné naissance à un modèle d’État régional innovant, qui a fait l’objet d’importantes réformes successives, visant à introduire des éléments plus directement inspirés des solutions « fédérales ».

30Notre analyse couvre une période qui va du xixe siècle à nos jours ; toutefois, certaines tendances qui ont marqué la gouvernance territoriale à des époques antérieures méritent d’être mentionnées ici, puisqu’elles se sont affirmées au cours de l’expérience historique du « noyau » original du futur royaume d’Italie (précisément pour cette raison elles font l’objet d’une contribution plus approfondie de Michele Rosboch dans ce numéro).

  • 26 Cf. E. Gasparini, « Les États de la Maison de Savoie vus de France au xviiie siècle », dans M. Orto (...)

31La riche littérature sur l’évolution des anciens États sabaudiens jusqu’à la première moitié du xixe siècle a effectivement témoigné du « talent » des souverains de la Maison de Savoie à régner « heureusement sur leurs peuples », exerçant « une autorité absolue » sur des territoires où le droit a longtemps été décliné selon les spécificités locales26.

32L’extension des frontières des anciens « États du roi de Sardaigne » aux « pays nouvellement acquis », au xviiie siècle, s’est en fait produite tout en maintenant les systèmes juridiques et les institutions existant dans les territoires incorporés (bien que cela ait fini par dépendre de la volonté du souverain et du résultat de la négociation de concessions et de privilèges spéciaux par les sujets).

33La dynastie sabaudienne a su exprimer de manière prudente et progressive sa « passion de l’uniformité », poursuivant le dessein centripète avec une bonne dose de réalisme politique, visant à dépasser progressivement les résidus des traditions médiévales d’autonomie, avant d’atteindre le Statut albertin de 1848.

  • 27 Cf. B. Berthier, « Autorité ou autoritarisme centrifuge ? Joseph de Maistre ou l’analyse politique (...)

34La définition d’« État composite », utilisée pour qualifier l’ensemble varié des dominions sabaudiens, trouve son origine dans la volonté de souligner comment les territoires sous souveraineté de la Maison de Savoie sont restés étrangers à une véritable identité « nationale », pour vivre « largement à leur rythme propre » de part et d’autre du massif alpin occidental27, dans un contexte de pluralisme institutionnel substantiel, dont le seul élément ordonnateur et unificateur était (même symboliquement) représenté par le souverain.

  • 28 Voir P. Bianchi et A. Merlotti, Storia degli Stati sabaudi (1416‑1848), Brescia, Morcelliana, 2017.

35L’histoire dynastique a constitué le point de convergence d’une multiplicité de « patries » ou « pays », rassemblés en macro-zones qui ont consolidé leurs caractéristiques propres sous la domination sabaudienne, sur le plan linguistique et culturel28. Aux « États continentaux » (la Savoie, le Piémont, Nice, la Vallée d’Aoste et, à partir de 1815, Gênes) s’ajoutent, de 1713 à 1720, la Sicile et, en 1720, la Sardaigne. La Corse avait déjà été cédée à la France en 1768, en garantie des dettes contractées par la république de Gênes dans la guerre contre les insurgés corses.

36D’autres territoires ont cessé d’appartenir, après des siècles de domination, à la Maison de Savoie, qui a joué un rôle décisif dans la définition de leur identité (comme dans le cas du comté de Bresse, devenu français en 1601 ou de la baronnie de Vaud, que la dynastie sabaudienne a maintenu de 1234 à 1526).

37Les « Regi Stati » étaient traversés par des lignes de faille représentées par l’existence à la fois de règles juridiques régissant les relations entre les sujets de manière différente selon les territoires, et d’autres caractéristiques différentielles, considérées pour la plupart comme des éléments de faiblesse par les adeptes de la modernité étatique.

  • 29 Voir, par exemple, A. Merlotti, « De “Roi des Alpes” à “Roi des marmottes”. L’image littéraire de l (...)

38Le pluralisme d’une monarchie composite s’exprimait visiblement en termes d’usage des langues : dans les dominions sabaudiens il y avait un bilinguisme significatif, contrairement à ce que l’on pouvait observer dans la France voisine ou dans d’autres États italiens29.

  • 30 Voir sur ce sujet, F. Aimerito, « Aspects of Legal Multilingualism in the States of Savoy », dans C (...)

39Au xvie siècle, la Maison de Savoie reconnaît le français et l’italien comme langues d’État, le premier étant répandu dans les territoires transmontagnards, le second dans les territoires cismontagnards, avec d’importantes exceptions, puisque, par exemple, le duché d’Aoste était géographiquement lié à l’espace italien, mais il partageait avec les territoires au‑delà des Alpes la culture, les institutions laïques et religieuses, ainsi que la langue ; de même, dans le comté de Nice, l’italien était la langue officielle, mais dans certaines régions l’usage du français était autorisé30.

40Les territoires de la res publica de Savoie, à la lumière de ce qui vient d’être dit, ne constituaient donc pas — au moins jusqu’en 1848 — un « État-nation », mais conservaient, à des degrés divers, leur propre identité « régionale ».

41Le tournant « italien » opéré par Carlo Alberto dans les années 1840 — avec le lancement d’une nouvelle politique libérale et nationale — a mis fin à une tendance du gouvernement sabaudien qu’on pouvait définir de type interrégional, dans une communauté caractérisée par une affectio fédéralis où l’unité (comme la fidélité à la dynastie) était acceptée dans la perspective du maintien de la diversité.

42Dans les études historiographiques les plus récentes, une attention croissante est également portée à la montagne en tant qu’élément identitaire de la dynastie sabaudienne et de la domination alpine de la Maison de Savoie, pour le développement d’une approche transnationale — et multilingue — dans l’exercice de la souveraineté sur les différents domaines, pragmatiquement adaptée aux spécificités des différents territoires, qui ont pu maintenir (par la suite de la médiation avec les populations, avec des résultats qui ont évolué dans le temps) des structures de pouvoir locales dotées d’une certaine autonomie.

43La représentation des Alpes (qui traversaient longitudinalement tout l’État composite), par la dynastie sabaudienne, comme un élément identitaire supranational, capable d’unir symboliquement la Savoie et le Piémont (et pas seulement une barrière « politico-administrative » interne) a permis de consolider un processus osmotique et l’échange d’expériences culturelles, linguistiques, religieuses, etc., entre les communautés situées des deux côtés des montagnes.

  • 31 Cf. S. J. Woolf, « La Valle d’Aosta: modello di un’identità proclamata », dans Id. (éd.), Storia d’ (...)

44Les Alpes n’ont pas constitué une ligne de démarcation, mais un espace de coopération et de partage d’expériences économiquement, socialement et linguistiquement différentes, qui se sont en quelque sorte évanouies avec la cession territoriale de la Savoie et du comté de Nice en 1860. Ce transfert a redéfini matériellement la frontière entre le nouveau royaume d’Italie et la France et a marqué symboliquement le début de l’idée que les régions transalpines devraient relever de la souveraineté d’un seul État. La Savoie et Nice ont entamé un dialogue complexe avec la Grande Nation, peu encline aux identités régionales, tandis que la Vallée d’Aoste a déclenché un mécanisme de « construction de la région » dans lequel l’Italie a joué le rôle d’« éternel antagoniste »31.

45Comme nous le verrons plus loin, le développement du fait régional et les politiques de cohésion économique, sociale et territoriale promues par l’Union européenne ont favorisé, ces derniers temps, une intéressante recomposition de l’ancien espace géographique (et politique) sabaudien, qui a permis un intense échange d’expériences de part et d’autre des Alpes et un rapprochement des modèles culturels et institutionnels respectifs de décentralisation territoriale, qui semblaient à bien des égards s’être éloignés après la Seconde Guerre mondiale.

2. Fédéralisme et régionalisme dans le débat du Risorgimento et après l’unification de l’Italie

46Entre 1859 et 1860, avec la deuxième guerre d’indépendance et l’expédition des Mille — qui a démarré de Gênes — sept États préexistants (c’est-à-dire le royaume de Sardaigne, une partie du Lombardo-Veneto, le duché de Parme, le duché de Modène, le grand-duché de Toscane, une partie des États pontificaux et le royaume des Deux-Siciles) ont été réunis en une seule entité.

47La construction de la structure administrative qui caractérisa le royaume d’Italie jusqu’au début du xxe siècle a été réalisée par l’extension à toute la péninsule du modèle sardo-piémontais, défini à partir des années 1840 et fortement inspiré du système administratif français.

48Dans le débat animé du Risorgimento et dans le débat après l’unification (reconstruits dans l’article de Maura Fortunati dans ce numéro), d’autres propositions ont cependant émergé, très éloignées du centralisme rigide qui a finalement prévalu, afin de ne pas compromettre « l’unité des Italiens ».

  • 32 Voir C. Cattaneo, Stati Uniti d’Italia, N. Bobbio (éd.), Turin, Chiantore, 1945 ; G. Galasso (éd.), (...)
  • 33 Sur les théories du fédéralisme à l’époque du Risorgimento, voir par exemple A. Monti, L’idea feder (...)

49D’un côté, il y avait ceux qui suggéraient (notamment Carlo Cattaneo et Giuseppe Ferrari)32 d’organiser le pouvoir politique sur une base territoriale en adoptant le modèle fédéral, à l’instar des États‑Unis ou de la Suisse33. D’autres, en revanche, invitaient à prendre en compte de manière pragmatique les besoins de l’Italie au xixe siècle et à ne pas regarder « vers l’Amérique ou Sparte ».

  • 34 Voir G. Mazzini, « Dell’unità italiana », in Id., Scritti editi e inediti, vol. III (Politica, tome (...)

50Cette dernière thèse a été fortement soutenue par Giuseppe Mazzini34. Dans sa pensée se trouvent les racines du régionalisme italien, qui n’a toutefois pas réussi à prendre forme qu’après la Seconde Guerre mondiale, à l’époque républicaine (devenant un modèle de référence dans la classification des formes d’État).

51Le célèbre patriote (originaire de Gênes, ville qui a longtemps été l’épicentre de sa propagande, et dont les intellectuels et les artistes ont souvent su décliner de manière originale, aux xviiie et xixe siècles, le rapport entre le territoire et l’art, comme le montre l’étude de Maurizia Migliorini, Francesca Gastaldo et Chiara Capobianco dans ce numéro) était fermement convaincu que l’unité de l’État ne devait pas nécessairement coïncider avec une centralisation des fonctions.

52S’éloignant de la tradition administrative française, Mazzini s’était prononcé en faveur de la création d’une autorité territoriale nouvelle, la « région », placée dans une position intermédiaire entre la commune et l’État, visant à surmonter les problèmes du « localisme », pour mieux répondre aux besoins « politiques » des territoires et renforcer l’efficacité de l’action publique.

  • 35 Voir G. Saredo, La legge sull’amministrazione comunale e provinciale, Turin, Unione Tipografico-Edi (...)
  • 36 Voir G. De Cesare, La formazione dello Stato unitario (1860‑1871), Milan, Giuffré, 1978 (1963), p.  (...)

53La question de la structure institutionnelle du pays s’est fortement imposée dans les débats parlementaires qui ont suivi l’unification italienne et le président du Conseil des ministres lui‑même, Camillo Benso comte de Cavour, l’un des plus tenaces partisans de l’unification de l’Italie, s’est montré enclin à une valorisation des communautés locales ; dans cette perspective, il avait promu en mai 1860 l’institution d’une Commission pour la réforme du système administratif national35. À l’issue des travaux, le ministre de l’intérieur Marco Minghetti avait présenté une série de projets de loi, dont l’un visait la création de « régions », conçues comme des autorités de décentralisation administrative, au pouvoir normatif limité (de nature réglementaire), à exercer dans certaines matières36.

  • 37 Voir sur ce sujet A. Treves, « I confini non pensati: un aspetto della questione regionale in Itali (...)

54Ces propositions n’ont eu aucune suite, car elles étaient considérées comme « dangereuses » pour l’unité du pays qui avait été laborieusement réalisée. La « région » n’a trouvé de reconnaissance formelle dans le système administratif de l’État que sur le plan statistique : en 1864, le premier découpage statistique du territoire italien a été effectué par Pietro Maestri sur la base de circonscriptions coïncidant avec des groupements homogènes de provinces (que l’Assemblée constituante a prises ensuite, à l’époque républicaine, comme référence pour la définition des limites géographiques des régions politiques introduites par la Constitution de 1948)37.

55Le réalisme politique a prévalu sur les solutions visant à mieux prendre en compte les différences géographiques, historiques, culturelles, sociales et économiques des divers territoires, dans la crainte de susciter des particularismes jugés dangereux pour l’unité nationale.

56Un autre facteur de « désunion », qui a rendu impraticables les hypothèses fédérales et confédérales (cette dernière proposée par exemple par Vincenzo Gioberti) et qui a fini par entraver celles à caractère régional, a été représenté par l’Église catholique, qui se présentait dans la péninsule également comme un sujet étatique.

57Il ne fait aucun doute que la prévalence de la ligne politique destinée à construire un système administratif uniforme pour l’ensemble du royaume sur celle visant à valoriser les anciennes autonomies locales (avec le rejet des propositions de régionalisation de l’Italie par le Parlement) dépendait aussi du poids de l’héritage institutionnel français. Le système administratif de tradition napoléonienne a été adopté comme modèle dans de nombreux pays européens, y compris les États italiens de la Restauration et, parmi eux, le Piémont était resté ancré, après le Statut albertin, à une structure institutionnelle particulièrement centralisée.

  • 38 Voir sur ce sujet, par exemple, E. Ragionieri, Politica e amministrazione nella storia dell’Italia (...)
  • 39 Sur l’influence du modèle administratif français, voir C. Pavone, Amministrazione centrale e ammini (...)

58Ce n’est pas un hasard si l’on a historiquement parlé de « piemontesizzazione » de l’Italie38, qu’il faut comprendre comme l’extension à l’ensemble du territoire national, unifié en 1861 dans le royaume d’Italie, de la structure politique et administrative du royaume de Sardaigne, à son tour empruntée à l’organisation française (en effet le nouvel État était divisé en provinces, chacune d’entre elles dotée d’un préfet de nomination royale)39.

  • 40 Voir A. Petracchi, Le origini dell’ordinamento comunale e provinciale italiano, Venise, Neri Pozza (...)
  • 41 Voir à ce propos U. Allegretti, « Accentramento, decentramento, federalismo nella storia d’Italia » (...)

59Les communes et les provinces s’inscrivaient dans le cadre d’une discipline uniforme et centralisée (établie dans le texte consolidé de la loi municipale et provinciale, le décret royal du 20 mars 1865, no 2248)40, qui a ensuite été durcie par le régime fasciste ; les raisons de l’autonomie de la Lombardie, de la Vénétie, de la Sicile, de la Toscane et du Sud continental se sont progressivement affaiblies, ne survivant que dans la réflexion scientifique41.

60La question territoriale a été relancée après la Première Guerre mondiale et c’est surtout Don Luigi Sturzo qui a soutenu la nécessité d’une réforme de la structure de l’État basée sur la valorisation du principe d’autonomie et sur la reconnaissance institutionnelle des régions.

61Le fondateur du Parti populaire italien était fermement convaincu que la décentralisation régionale aurait renforcé l’efficacité du système administratif national, dont la faiblesse découlait de son organisation centralisée.

  • 42 Voir le rapport programmatique présenté par Luigi Sturzo le 23 octobre 1921, lors du IIIe Congrès n (...)

62L’originalité de la pensée de Sturzo réside toutefois dans le fait d’avoir placé le principe autonomiste au centre de la réflexion et d’avoir soutenu une réforme de l’État fondée à la fois sur la valorisation des collectivités locales et sur l’introduction d’un nouvel échelon territorial, constitué par des autorités politiques représentatives, ayant le pouvoir d’adopter des actes tant administratifs que législatifs dans des matières définies et dans les limites de leur territoire42.

  • 43 Sur les thèses et les arguments en faveur de l’autonomie régionale après les lois sur l’unification (...)

63Le débat animé sur la question a été interrompu par l’avènement du fascisme, qui a non seulement étouffé rapidement toute perspective régionale, mais annulé aussi les autonomies locales elles‑mêmes, en supprimant leur caractère électif et soumettant les provinces et les communes au contrôle direct du gouvernement central43.

64La question régionale est revenue au centre du débat politico-institutionnel après la Seconde Guerre mondiale, avec le tournant républicain en 1946, suite au référendum institutionnel et à l’élection de l’Assemblée constituante, chargée de rédiger le nouveau texte constitutionnel, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1948.

65Contrairement à ce qui s’est passé dans la période post-unification, l’institution des régions ne s’inscrivait plus dans un projet politique visant à rendre moins traumatique la transition du pluralisme du Risorgimento à l’unité nationale, mais reposait sur une réinterprétation du rapport entre territoire et pouvoir.

  • 44 Voir la Relazione del deputato Ambrosini Gaspare sulle Autonomie regionali, présentée en novembre 1 (...)
  • 45 Sur les solutions fédérales proposée dans l’Assemblée constituante, voir A. De Gasperi, « Idee rico (...)

66Les partis antifascistes étaient convaincus que « la plupart des maux de l’Italie » provenaient de la centralisation excessive qui avait caractérisé l’Italie à l’époque pré‑républicaine44, mais — une fois que les solutions de type fédéral ont été définitivement rejetées45 — ils ne partageaient pas la même vision concernant l’opportunité de prévoir un troisième niveau de gouvernement.

67C’est surtout le Parti populaire italien qui a soutenu que les régions devaient devenir l’élément fondateur de la nouvelle organisation nationale, fondée sur le principe démocratique et le pluralisme institutionnel, en faisant contrepoids aux éventuelles pressions centralisatrices de l’État. Les forces d’inspiration catholique ont longtemps lié la défense de l’idée régionale aux instances participatives : les régions, dans cette perspective, auraient renforcé la démocratie, rapproché le pouvoir des citoyens et favorisé la sélection de la classe politique nationale.

68Si les libéraux se montraient méfiants (à quelques exceptions notables, dont celle de Luigi Einaudi, qui sera plus tard élu à la présidence de la République), les forces de gauche estimaient que la création des régions et surtout la reconnaissance d’un pouvoir législatif à celles‑ci, en multipliant les centres de décision, n’étaient pas compatibles avec les besoins de la politique économique nationale et pouvaient entraver la mise en œuvre des réformes socio-économiques indispensables, freinant le développement du pays, aggravant la fracture territoriale et la condition de sous-développement économique du Sud.

69Dans la phase finale des travaux de l’Assemblée constituante, cependant, la méfiance initiale des communistes et des socialistes a fini par se transformer en un intérêt concret pour l’institution régionale. Depuis le printemps 1947, dans un scénario international caractérisé par la guerre froide et la tension entre blocs idéologiques, les deux partis de gauche, évincés par le gouvernement national, ont en effet commencé à interpréter les autonomies régionales comme une garantie : dans le cas où ces formations politiques auraient été défaites au niveau national (comme cela s’est produit plus tard), dans certaines zones du pays les Régions auraient pu assurer la fonction de contre-pouvoir efficace vis-à-vis des institutions de l’État.

70Une disposition de caractère général a émergé de l’intense débat qui s’est déroulé à l’Assemblée constituante. Cette disposition a été inscrite dans la partie consacrée aux principes fondamentaux de la Charte de 1948, visant à reconnaître les autonomies locales ; un titre entier a ensuite été consacré aux régions, provinces et communes dans la deuxième partie de la Constitution.

71Une solution originale et innovante est née de la contamination entre différents courants de pensée politique et cultures juridiques. Cependant, étant le fruit d’un compromis, elle est aussi marquée par des zones d’ombre et des ambiguïtés qui ont marqué le développement même du régionalisme en Italie.

72L’article 5 de la Constitution établit l’équilibre entre l’indivisibilité de la République, la reconnaissance et la promotion des collectivités régionales. Toutefois, l’apport aux conséquences les plus originales, sur le plan théorique, fut le choix de fonder le nouvel ordre national sur la valeur de l’autonomie et sur le principe de la décentralisation politico-institutionnelle, à comprendre comme une garantie essentielle de liberté.

73Les régions ont été configurées comme des autorités autonomes, représentatives, constitutionnellement garanties, dotées de pouvoirs administratifs et normatifs qui, dans certaines matières identifiées, sont diversement limités.

  • 46 Voir G. Ambrosini, « Un tipo intermedio di Stato tra l’unitario ed il federale », Riv. Dir. Pub., 1 (...)

74Le débat sur les pouvoirs à accorder concrètement aux régions a été particulièrement vif et les forces politiques étaient divisées sur l’alternative fondamentale entre un régionalisme de nature « administrative » et un régionalisme « politique ». La reconnaissance du pouvoir législatif aux régions a été sans doute l’aspect le plus original de la nouvelle conception constitutionnelle (développée aussi grâce à la contribution de Gaspare Ambrosini, juriste sicilien à qui l’on doit l’expression « État régional46 »).

  • 47 Cf. Relazione del deputato Ambrosini Gaspare sulle Autonomie regionali, rapport cité.

75Le système régional apparaissait à Ambrosini comme le moyen le plus approprié pour « décongestionner l’État et donc transférer les fonctions non nécessaires du centre vers la périphérie ». À cette fin, il ne suffisait pas de renforcer les communes ou provinces et de leur reconnaître toute latitude pour accomplir leurs propres tâches, « car les fonctions soustraites à l’État dépassent le cadre de la circonscription communale47 ». C’est précisément pour cette raison qu’il a été décidé d’attribuer aux régions non pas un simple pouvoir réglementaire tel que celui qui appartient aux collectivités locales, mais le pouvoir d’adopter des normes juridiques ayant l’efficacité des lois formelles — bien qu’avec les limites et les modalités établies dans la Constitution — fonctionnelles à l’élaboration de politiques publiques (même divergentes de celles élaborées au niveau national) capables de mieux répondre aux besoins des collectivités territoriales.

76L’abandon d’une organisation fondée sur les principes de centralisation et d’uniformité s’est exprimé également à travers la création, à côté des quatorze régions « ordinaires » (destinées à devenir quinze en 1967, avec la séparation du Molise des Abruzzes), de cinq autres régions « spéciales » auxquelles des formes et des conditions particulières d’autonomie, régies par des lois constitutionnelles spécifiques, ont été reconnues.

  • 48 Sur ce sujet, voir P. Giangaspero, « La nascita delle Regioni speciali », dans S. Mangiameli (éd.), (...)

77Mais à y regarder de plus près, il s’agissait d’un choix en quelque sorte obligatoire, car des exigences culturelles, socio-économiques ou même d’ordre international avaient déjà conduit les pouvoirs publics, dans la période transitoire précédant l’entrée en vigueur de la Constitution, de reconnaître des conditions particulières d’autonomie pour des parties limitées du pays. Pour l’Assemblée constituante, les régions « spéciales » ont donc représenté un choix forcé de facto par des contingences historiques ou la conséquence de décisions prises au niveau international : les statuts régionaux ont été approuvés en 1948, par la loi constitutionnelle, sans un débat approfondi et sans une conception organique unitaire, comme cela s’était produit auparavant pour les régions ordinaires48.

78La revendication de l’autonomie en Sardaigne avait déjà commencé en 1944 (après une année de bombardements intenses), en raison des spécificités culturelles de l’île et des conditions particulières de retard, dues à des raisons économico-sociales et à la morphologie du territoire. Entre 1945 et 1946, la Vallée d’Aoste et la Sicile ont été créées pour endiguer les pressions séparatistes dans ces territoires. Dans la première région, il y avait une forte majorité francophone, tandis que dans la seconde il s’agissait de contenir d’urgence d’inquiétantes poussées sécessionnistes.

79La situation du Trentin-Haut-Adige était particulièrement complexe, puisque les problèmes politiques internes s’ajoutaient à ceux de nature internationale, liés à l’équilibre instable des relations entre l’Italie et l’Autriche. La naissance de cette région — et des deux provinces autonomes de Trente et de Bolzano — est due à la nécessité d’assurer une protection adéquate au fort groupe allemand, installé sur le territoire de Bolzano (tout en s’opposant au séparatisme, mais en tenant compte de l’aspiration de la majorité germanophone à demander le retour à l’Autriche d’un territoire annexé à la fin de la Première Guerre mondiale).

80Ces régions dotées d’une autonomie spéciale — auxquelles le Frioul-Vénétie Julienne s’est ajouté en 1963, après la solution des problèmes internationaux complexes liés à la définition de la frontière avec l’ex‑Yougoslavie, au statut juridique de Trieste et à la protection des minorités linguistiques — sont les seules à avoir réellement fonctionné au cours des deux premières décennies de la vie de la République italienne, la mise en œuvre concrète du titre V de la deuxième partie de la Constitution ayant connu un long retard.

3. Évolution, involution et problèmes (encore) non résolus du régionalisme italien

81Le retard dans le processus de mise en œuvre concrète des régions ordinaires (qui n’a commencé qu’à la fin des années 1960) est dû à des raisons essentiellement politiques.

82L’irruption de la guerre froide sur la scène politique italienne, qui s’est traduite par la fin du dialogue entre le parti à majorité relative (la Démocratie chrétienne) et ceux de gauche, a conduit à un « blocage » de l’application de la Constitution et notamment des institutions de garantie — telles que la Cour constitutionnelle et le Conseil supérieur de la magistrature, institués respectivement seulement en 1956 et 1958 — préfigurées par l’Assemblée constituante pour limiter « le pouvoir de la majorité ».

83L’obstructionnisme de la majorité au démarrage de l’expérience régionale provenait de la crainte que, dans un système de « démocratie bloquée », les partis d’opposition (proches de Moscou), ne pouvant accéder au gouvernement national en raison de la conventio ad excludendum qui s’était ajoutée à l’interdiction formelle de reconstituer le parti fasciste, arriveraient à acquérir un poids excessif au niveau régional, en assumant le contrôle politique de certaines parties du territoire national.

84La résistance à la régionalisation de l’Italie s’est atténuée dans les années 1960, coïncidant avec une relative détente des relations internationales entre les États‑Unis et l’Union soviétique, qui a conduit, au niveau national, à l’extension de la majorité à gauche (avec l’implication des partis social-démocrate et socialiste, mais pas du parti communiste) et au début d’une saison de réformes de grande envergure, sur le plan social et économique.

85L’institution concrète des régions à statut ordinaire a eu lieu en 1970, la même année que les règles d’application du référendum abrogatif. Si les démocrates-chrétiens acceptaient une plus grande articulation politique du pays, ils acquéraient en même temps la possibilité de tenter de faire abroger la loi sur le divorce par voie de référendum, dans des années de grand changement de mœurs dans la société italienne.

86Une certaine méfiance à l’égard de l’institution régionale a continué de se dégager des textes d’application (la loi de 1968 portant élection des conseils régionaux, la loi de finances de 1970, les lois de délégation de 1972 et 1975 et les actes normatifs conséquents du transfert des fonctions administratives, des ressources économiques et humaines nécessaires au fonctionnement des régions), caractérisés par de fortes contraintes d’uniformisation, par de nombreuses formes de contrôle sur les nouvelles collectivités territoriales et les actes qu’elles pouvaient adopter.

87Les régions ordinaires exerçaient des fonctions législatives et administratives telles que celles définies dans la liste circonscrite et non systématique de l’article 117 de la Constitution (dans sa version d’origine) ; elles étaient conditionnées par de nombreux contrôles. Le pouvoir législatif n’était pas plein — comme les forces d’inspiration catholique l’avaient proposé à l’Assemblée constituante — mais de type « concurrent » (solution issue d’une médiation avec les partis de gauche), il ne pouvait être exercé que dans le respect des principes fondamentaux établis par les lois nationales.

88La première saison du régionalisme, qui s’est développée jusqu’au début des années 1990, est évaluée comme une expérience globalement faible et décevante : la mise en place des régions s’est faite sur la base d’une impulsion inspirée par des besoins très différents de ceux de la valorisation de l’autonomie et du rôle des nouvelles collectivités territoriales.

89Une législation nationale de plus en plus détaillée plutôt que fondée sur des principes justifiés par l’intérêt national, la disponibilité de nombreux pouvoirs de substitution ainsi que l’exercice par l’État d’une fonction de direction et de coordination dans le domaine administratif, non prévue dans la Constitution de 1948, ont largement vidé de son contenu l’autonomie régionale, la restreignant en fait dans les limites d’une activité de simple exécution.

90L’absence d’une collaboration constructive entre les différents niveaux de gouvernement a affecté tant les relations des régions avec l’État — en raison de la faiblesse des liens institutionnels — que celles avec les communes et les provinces (dont les régions pouvaient utiliser les bureaux dans l’exercice de leurs fonctions).

91La référence constitutionnelle à l’élection du Sénat « sur une base régionale » ne visait alors qu’à préciser les circonscriptions au sein desquelles se dérouleraient les élections de la seconde Chambre, qui s’est vue reconnaître les mêmes pouvoirs que la première, définissant ainsi un système de bicamérisme égalitaire qui est resté à ce jour presque unique dans le panorama comparé.

92Le modèle d’ensemble préfiguré par l’Assemblée constituante, qui impliquait une volonté de coopération et d’intégration, dans un système de gouvernance à plusieurs niveaux, est resté largement inachevé, remplacé par une concurrence entre les différentes collectivités et par un contraste marqué entre les régions et l’État. Ce conflit a alimenté un contentieux constant — plus large que celui qui caractérise d’autres pays régionaux ou même fédéraux — devant la Cour constitutionnelle, qui a consolidé la prédominance de l’État central.

93Dans la première phase, l’instabilité politique dans les relations entre les juntes [giunte] municipales et les conseils des régions a également pesé (entraînant un fonctionnement déséquilibré de la forme de gouvernement) ; c’était le reflet, au niveau régional, de la forte instabilité des gouvernements nationaux, en raison du conflit constant entre les partis, sans toutefois que cela s’accompagne d’une rotation importante du personnel politique.

94Placées dans une réalité dominée par la présence de forces politiques organisées sur une base nationale, les régions sont essentiellement devenues des instruments — et non des interlocuteurs actifs — entre les mains de ces forces, sans même parvenir à développer une relation constructive avec les autres collectivités territoriales.

95Dans l’ensemble, le système régional était donc plus utile aux stratégies des principaux partis nationaux qu’au développement harmonieux des identités et des cultures politiques locales.

96La première phase du régionalisme italien a pris fin de manière imprévisible, au début des années 1990, en raison de la combinaison de plusieurs facteurs qui, d’une part, ont provoqué des changements radicaux dans le système politique et, d’autre part, n’ont plus permis de reporter les interventions visant à redonner de l’espace à la législation régionale et à renforcer la décentralisation politique.

97Une impulsion importante est issue de l’entrée de la dimension régionale dans les politiques de l’Union européenne, ce qui à son tour a entraîné le développement du fait régional dans le Vieux Continent.

98L’Union européenne a soutenu la création et le renforcement de l’échelon intermédiaire de gouvernement afin de réduire les disparités et d’atteindre la cohésion économique, sociale et territoriale dans le grand espace d’une Europe élargie. Grâce à cette sollicitation — qui sert également à assurer une utilisation optimale des fonds structurels par les États membres — les régions sont désormais devenues un partenaire privilégié des institutions européennes et sont de plus en plus impliquées dans le développement économique de leurs territoires. Ce n’est pas un hasard si de nombreux pays ont lancé des processus de régionalisation précisément en prévision de leur adhésion imminente à l’Union européenne.

  • 49 Voir la loi constitutionnelle no 3 du 18 octobre 2001, portant modifications au titre V de la deuxi (...)

99Pour en revenir aux événements italiens, la deuxième saison du régionalisme italien occupe l’espace de plus d’une décennie, caractérisée par de nombreuses réformes, à partir de 1990, concernant l’administration publique et l’organisation des autonomies territoriales, un processus qui a abouti en 2001 à la révision profonde de la partie II du titre V de la Constitution49.

100Il y avait certainement la nécessité de mieux définir le rôle des régions dans les processus décisionnels européens ; il ne faut pas non plus négliger l’objectif d’assainissement financier, qui est devenu une priorité à la lumière de la crise économique du début des années 1990, puis des contraintes liées au Pacte de stabilité et de croissance.

101La relance de l’image et du rôle des régions (pour équilibrer également le renforcement des provinces et des communes) était nécessaire au regard de l’accélération donnée à la dynamique du système politique par les événements qui ont conduit au déclin de ce que l’on a appelé, avec une expression journalistique, la « première République ».

102Sa crise peut également être mieux comprise en rappelant l’irruption sur la scène italienne (dans un contexte international marqué par la fin de la guerre froide) d’un parti « régional » — aux traits initiaux de type sécessionniste — la Ligue du Nord, née en 1989 de l’union de divers mouvements autonomistes du nord de l’Italie.

103Le succès électoral de cette force politique en 1992 était lié à la délégitimation des partis traditionnels, qui au cours de ces années‑là ont été progressivement dépassés — au point de disparaître complètement ou d’être drastiquement redimensionnés — par les résultats des enquêtes judiciaires (une saison connue sous le nom de « Mani pulite » [« Mains propres »] et « Tangentopoli ». L’élément central était toutefois la demande d’une forte autonomie et de plus importantes ressources financières en faveur des régions du nord de l’Italie.

104En catalysant l’indignation de l’opinion publique et en la retournant contre la bureaucratie nationale et la structure « centraliste » de l’État, la Ligue demandait une réforme radicale des institutions, faisant un large usage de la rhétorique du « fédéralisme ».

105Il semble utile de rappeler que, dès le départ, le nouvel acteur politique a tenté d’exploiter l’ambiguïté sémantique de ce terme, comme une arme médiatique et de propagande.

106Les premiers idéologues du mouvement (dont le politologue Gianfranco Miglio) ont même proposé un projet de réforme qui envisageait une véritable désarticulation de l’Italie et l’union fédérative subséquente de trois macro-régions (le Nord ou Padania, le Centre ou Etruria et le Sud ou Ausonia).

107L’implication de la Ligue du Nord dans la coalition gouvernementale dirigée par Silvio Berlusconi (qui est « entré en scène » en 1994 avec le nouveau parti « Forza Italia ») a conféré une centralité absolue à la question de la réforme de l’État au sens « fédéral », mais a coïncidé en même temps avec un vidage progressif de la signification originale et quelque peu perturbatrice du même adjectif.

108Afin de mieux absorber ses implications centrifuges, le « fédéralisme » est rapidement devenu une priorité également dans l’agenda politique des gouvernements de centre-gauche. Son contenu, tel qu’il est proposé par ceux‑ci, n’est cependant pas lié au modèle théorique de l’organisation fédérale de l’État, mais indique plutôt, de façon pragmatique, un « federalizing process », au sens proposé par la science politique nord-américaine. Il exprime un simple processus de dévolution de pouvoirs, plus ou moins importants, du centre du système aux niveaux périphériques subnationaux ; la distinction entre dimension fédérale et dimension régionale dans le résultat de cette dynamique apparaît tout à fait marginale et superflue.

109Le vaste processus de révision institutionnelle, qui s’est déroulé dans un climat de dure confrontation politique et d’absence de dialogue entre les partis, a culminé en 2001 avec l’approbation d’une loi constitutionnelle — confirmée ensuite par le corps électoral à travers un référendum populaire — approuvée par la seule majorité de centre-gauche.

110Il n’est pas possible ici d’entrer dans les détails de cette ample réforme, mais il faut certainement indiquer que, parmi les innovations les plus importantes qu’elle a introduites, il y a eu l’élargissement du pouvoir législatif des régions, l’attribution de fonctions administratives en premier lieu aux communes, sur la base du principe de subsidiarité, et le renforcement de l’autonomie financière des collectivités locales.

111Les spécialistes s’accordent presque tous pour penser que cette deuxième saison du régionalisme italien est également inachevée, et que des problèmes peut‑être encore plus graves que ceux qui avaient caractérisé la précédente y sont apparus.

  • 50 Pour un bilan de la réforme constitutionnelle de 2001, voir par exemple G. Falcon, « Dieci anni dop (...)

112Les attentes suscitées par ce que l’on croyait être un tournant « constitutif » du régionalisme ont été rapidement contrecarrées par le démarrage quasi immédiat d’une phase (encore en cours) de repli, qui a essentiellement vidé une grande partie de la réforme de son contenu et éloigné le système régional réel de celui décrit dans le texte de 200150.

113Cette dynamique a certainement été influencée par le fait que la réforme, visant à résorber les pressions politiques centrifuges qui s’étaient développées dans le nord du pays, a été approuvée précipitamment par le centre-gauche « à la majorité », et a dû ensuite être mise en œuvre, après les élections, par la coalition qui s’était fortement opposée au Parlement au projet de loi (y compris sa composante la plus autonomiste, la Ligue du Nord).

114La réforme constitutionnelle de 2001 visait à faire évoluer le régionalisme italien dans un sens coopératif et solidaire, stimulant des synergies positives entre les collectivités locales ; cependant, le texte ne révèle pas une vision univoque du rôle des régions, le législateur n’ayant pas opté pour un modèle net de répartition du pouvoir politique sur une base territoriale : la Constitution contient des dispositions qui relèvent de visions opposées, mettant tantôt l’accent sur l’uniformité (dans une ligne de continuité avec le passé), tantôt sur la différenciation (avec des références aux expériences fédérales allemande et espagnole).

115À cet égard, il convient de noter que, précisément en invoquant la garantie des exigences unitaires, l’État a continué, après la réforme constitutionnelle de 2001, à se tailler de vastes compétences au détriment des régions ou à imposer sa propre législation à ces dernières.

116Ce qui est le plus important est le fait que la réforme n’a pas été en mesure de surmonter les deux limites qui caractérisaient la Constitution de 1948.

  • 51 L’expression « système des Conférences » est utilisée pour désigner les organes intergouvernementau (...)

117D’une part, il manque encore une discipline adéquate, réglant la « loyale collaboration » entre tous les niveaux de gouvernement, et surtout des mécanismes de connexion, parmi lesquels notamment un lieu institutionnel de représentation des régions, indispensable pour résoudre en amont les éventuels conflits dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques nationales. Le « système des Conférences51 » n’a en effet pas permis une confrontation permanente et une coordination efficace entre le centre et la périphérie.

118Les limites découlant de l’absence de formes de raccordement institutionnel entre les différents niveaux de gouvernement territorial sont devenues encore plus évidentes, à la suite de la pandémie de Covid‑19, dans la gestion de l’urgence sanitaire, avec une référence spécifique à l’adoption de mesures de confinement du virus, à l’organisation de la campagne de vaccination et, plus généralement, aux mécanismes de coordination de l’action publique (qui auraient été nécessaires, compte tenu de l’imbrication existante, en matière de santé, entre compétences administratives et législatives, étatiques et régionales).

119L’absence d’une action coordonnée a conduit à de fortes tensions, surtout dans la première phase de la pandémie, dans les relations entre le gouvernement et certaines régions (en partie aussi à cause du « protagonisme » des présidents des conseils, en particulier dans les régions gouvernées par des majorités d’orientation politique différente de celles qui soutenaient l’Exécutif national).

  • 52 Sur le principe de « collaboration loyale » et les problématiques inhérentes aux rapports entre l’É (...)

120Le principe de collaboration loyale entre les collectivités territoriales, souvent rappelé par la Cour constitutionnelle52, doit être appliqué précisément dans les cas d’exercice de compétences affectant les différents niveaux de gouvernement, afin à la fois d’éviter les chevauchements et les invasions de la sphère de l’autonomie régionale, et d’adopter, au niveau central, des solutions efficaces, qui tiennent dûment compte des exigences spécifiques des territoires.

  • 53 Voir sur ce sujet : M. Luciani, « Il sistema delle fonti del diritto alla prova dell’emergenza », R (...)

121Le régionalisme coopératif aurait exigé une action coordonnée entre les collectivités territoriales, capable de limiter les conflits (et les litiges) entre l’État et les régions et permettant une gestion unitaire de l’épidémie sur l’ensemble du territoire national. La législation d’urgence et la gestion de la pandémie se sont plutôt développées dans le cadre d’un rapport concurrentiel et conflictuel entre l’État et les régions, sans une implication effective du niveau infranational dans l’adoption des mesures étatiques (ni une confrontation adéquate des régions avec le gouvernement dans la prise de décision au niveau décentralisé)53.

122D’autre part, il convient de noter que l’incertitude des dispositions constitutionnelles, souvent dépourvues d’un contenu substantiel clair, a produit une augmentation considérable du contentieux devant la Cour constitutionnelle.

123Le juge des lois a ainsi été contraint d’exercer « une fonction de substitution non sollicitée et non désirée », aboutissant à « réécrire » le titre V par ses arrêts. Bien que la Cour ait toujours recherché l’équilibre nécessaire entre l’exigence d’unité et celle d’autonomie, en suggérant des solutions fondées sur le principe de collaboration entre les différents sujets institutionnels, ses décisions se sont souvent révélées pénalisantes pour les régions.

124Il convient de rappeler en outre que les fonctions administratives ont été transférées de manière fragmentée et désorganisée ; une évaluation tout aussi critique peut être faite de la dynamique difficile du fédéralisme fiscal, concrètement amorcé seulement en 2009 (et resté inachevé à ce jour), à travers une série d’interventions réglementaires qui ont parfois opéré une recentralisation des compétences et des ressources.

125Enfin, la principale ambiguïté du système de décentralisation italien, concernant les relations entre l’État et les autonomies territoriales, n’a pas été résolue.

126La réforme de 2001 a maintenu inchangée une double voie dans les relations entre l’État et les collectivités territoriales (État-régions et État-collectivités locales), empêchant aux régions une relation directe avec les provinces et les communes au niveau infranational ; ceci a conditionné le bon fonctionnement du système administratif régional et accentué la compétition — plutôt que la collaboration synergique — entre les différents niveaux de gouvernement dans la répartition des fonctions administratives (notamment entre la région et les provinces, perçues par les premières comme un résidu de l’articulation périphérique de l’État).

127L’Italie est donc un État régional, mais à forte « tendance communale » : la tradition communale représente une composante enracinée de la décentralisation et cela empêche l’expérimentation de solutions plus directement inspirées des expériences fédérales (également en relation avec la configuration d’une future Chambre de représentation territoriale).

  • 54 Sur les relations entre l’État, les Régions et les collectivités territoriales, voir, ex multis, V. (...)

128Ne se présentant pas jusqu’à présent comme des « instruments de décentralisation » régionaux, comme l’Assemblée constituante de 1948 l’avait préfiguré, les communes et les provinces ont toujours identifié l’État comme leur interlocuteur privilégié (en partant également du postulat que l’État est le défenseur de l’autonomie locale contre le « centralisme » régional)54.

129Il n’est donc pas surprenant que, selon l’opinion de beaucoup, si l’on exclut le pouvoir législatif, les Régions conçues par l’Assemblée constituante « ressemblent plus aux régions françaises qu’aux Länder allemands ou autrichiens » : un troisième niveau de gouvernement, avec des fonctions administratives décentralisées par l’État car elles ne peuvent plus s’exercer au niveau national, mais qui est en concurrence avec les autres collectivités locales pour l’élargissement de ses fonctions administratives.

  • 55 Sur la réforme constitutionnelle de 2016, voir par exemple P. Costanzo, A. Giovannelli et L. Trucco (...)

130Le « trilogue » entre les collectivités territoriales et l’État s’est finalement compliqué suite à l’entrée en vigueur de la loi no 56 de 2014 (loi « Delrio »), qui a profondément révisé — comme nous le verrons plus loin — le rôle, les fonctions et l’organisation des provinces, transformées en entités territoriales de second niveau, en attendant leur suppression définitive, envisagée plus tard par la réforme constitutionnelle dite « Renzi-Boschi », rejetée lors du référendum populaire de décembre 201655.

131La révision promue par le gouvernement dirigé par Matteo Renzi entendait aborder certains profils critiques du système de l’autonomie en Italie, mais n’offrait pas concrètement une solution claire aux problèmes que nous avons mis en évidence jusqu’ici. Au contraire, elle révélait une logique néo-centraliste, en continuité avec la (re)centralisation des compétences qui avait déjà eu lieu en 2012 (à travers la réforme qui a transposé dans la Constitution les contraintes découlant du cadre réglementaire européen, telles que l’équilibre budgétaire structurel et la soutenabilité de la dette de toutes les administrations publiques).

132La loi constitutionnelle Renzi-Boschi a également reproposé l’ambiguïté historique des réformes italiennes en matière de décentralisation territoriale, réformes partagées entre les instances « dévolutives » d’un côté, et la volonté de renforcer le rôle unificateur de l’État de l’autre. Par ailleurs, les raisons de la transformation du Sénat en une Chambre (mal définie) de représentation territoriale, la suppression des provinces et la reformulation des compétences des régions reposaient essentiellement sur la rhétorique de l’antipolitique et de la réduction des dépenses publiques, au lieu de s’insérer dans un plan articulé et organique de réorganisation de tout le système des autonomies territoriales.

133Au fil du temps, les Régions ont en effet fait l’objet d’une méfiance croissante de la part de l’opinion publique et des institutions centrales elles‑mêmes, dans une évaluation générale parfois excessivement sévère, quant à la capacité de ces organismes à gérer efficacement les ressources publiques.

134Il est vrai aussi que les régions ont beaucoup souffert des effets de la crise économique (à laquelle s’ajoute aujourd’hui l’impact de la pandémie, qui accentue le décalage entre les territoires).

135Cela a créé des perceptions contradictoires de la valeur de l’autonomie et générée des attentes divergentes dans les différentes régions, à l’égard du pouvoir central.

136Les collectivités infranationales devenues plus fragiles, sous l’effet des plans d’assainissement budgétaire et de la réduction des transferts de l’État, sont forcées à couper les services publics ou à affaiblir les standards qualitatifs ; elles réclament un engagement plus fort de l’État en termes de péréquation territoriale, pour soutenir les niveaux minimaux de bien-être dans les territoires historiquement défavorisés ou touchés par la crise.

137Les régions plus riches, qui ont des ressources propres utilisables pour contenir les effets de la crise sur leur territoire, considèrent les contraintes uniformisantes et les interventions de l’État comme des obstacles à leur développement socio-économique et revendiquent une plus forte autonomie financière, pour encore mieux garantir leurs particularités.

  • 56 L’art. 116, troisième alinéa, de la Constitution prévoit que « des formes et des conditions particu (...)

138La Constitution n’exclut pas une configuration « asymétrique » encore plus étendue de la décentralisation politico-législative, prévoyant que les quinze autres régions ordinaires peuvent également obtenir des formes supplémentaires et des conditions spéciales d’autonomie, limitées toutefois à certaines matières et suivant une procédure spécifique (conformément à l’art. 116, troisième alinéa, de la Constitution56).

  • 57 Voir à ce propos Senato della Repubblica, Servizio Studi, Il processo di attuazione del regionalism (...)

139Les demandes de plus grande autonomie qui ont été avancées par la Vénétie, la Lombardie et l’Émilie-Romagne (qui sont des régions représentant 40 % du PIB italien) ont suscité un intérêt croissant à l’égard du modèle institutionnel du régionalisme différencié57.

  • 58 Voir à ce sujet, par exemple, F. Angelini, « Autonomia differenziata e tutela della salute: autonom (...)

140En fait, il est vrai qu’une plus grande diversification des responsabilités attribuées aux régions permettrait des formes de concurrence vertueuse et pourrait peut‑être générer une plus grande efficacité de l’action publique. Cependant, le transfert intégral à certaines régions de prestations ayant un contenu redistributif important, comme la santé et l’éducation, peut également déterminer des formes d’inégalité entre les citoyens58. De nombreuses études ont montré qu’un excès de différenciation, en l’absence de mesures de péréquation adéquates de la part de l’État, risque de favoriser une divergence économique, en générant des phénomènes inquiétants de « darwinisme » territorial qui pourraient compromettre la cohésion économique et social de l’Italie.

4. L’influence française sur la réforme des collectivités territoriales italiennes

  • 59 Sur les modèles de référence dans le débat sur les réformes du régionalisme italien, voir A. D’Aten (...)

141Les innovations institutionnelles résultant de la « pérennisation réformiste » qui caractérise le système des collectivités territoriales ont été introduites par le législateur national, à partir des années 1990, en s’inspirant surtout du système fédéral allemand et du régionalisme asymétrique défini par la Constitution espagnole de 197859. L’influence de l’expérience de la Ve République semblait plus faible, car elle était considérée comme l’héritière de la tradition centralisatrice jacobine et bonapartiste et encore trop liée à une approche « traditionnelle » à l’État unitaire, avec une configuration des rapports entre le centre et la périphérie fondée sur une logique de décentralisation purement administrative.

  • 60 Cf. P. Martinat, Les Régions : clefs de la décentralisation, Paris, Lextenso, 2010.
  • 61 Cf. N. Kada (éd.), Les tabous de la décentralisation, Boulogne-Billancourt, Berger Levrault, 2015.

142Cependant, l’intérêt pour la France s’est considérablement accru au fil du temps, parallèlement à l’évolution des régions de l’Hexagone, désormais considérées comme les « clefs de la décentralisation60 », après une évolution longue et complexe, qui a trouvé sa consécration dans la loi constitutionnelle no 2003‑276 de 2003, relative à « l’organisation décentralisée de la République », qui a brisé un certain nombre de « tabous », parmi lesquels surtout celui de l’uniformité61.

  • 62 Cf. M. Verpeaux, « La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée (...)

143La reconnaissance des régions dans le texte constitutionnel français a été interprétée comme « une sorte de réparation d’une incongruité, après un “purgatoire” qui a duré vingt ans62 » (même si la dernière réduction de leur nombre, en 2015, a été lue comme la confirmation de la plus grande fragilité — politique et institutionnelle — de ces collectivités, par rapport aux autres niveaux de gouvernement territoriaux).

144La création des régions a entraîné un changement profond du modèle français d’articulation territoriale du pouvoir politique : non seulement ces autorités apparaissent bien consolidées dans le paysage institutionnel, mais une classe de gouvernement infranationale s’est désormais constituée, qui demande aujourd’hui des compétences plus importantes, à la lumière du processus d’intégration européenne et de la politique de cohésion économique, sociale et territoriale promue par l’UE.

  • 63 Voir J.‑P. Darnis, « Les politiques transfrontalières France-Italie et les nouveaux enjeux territor (...)
  • 64 Cf. Sénat, La réforme régionale en Italie. Un exemple de décentralisation, Rapport de groupe interp (...)

145La coopération transfrontalière entre les deux pays a d’ailleurs déclenché un processus d’émulation63 dans les régions françaises — comme nous le verrons mieux par la suite — qui les a conduites au fil du temps à revendiquer le même niveau d’autonomie que leurs homologues italiens, également en ce qui concerne l’aspect financier (qui constitue le véritable « nerf de la guerre de la réforme régionale64 » en Italie aussi).

  • 65 Voir sur ce sujet F. Pinto, « Le città metropolitane in Francia e in Italia o delle convergenze par (...)

146L’influence française est nettement plus marquée en référence au système de gouvernement local, objet en Italie d’une série de réformes qui se sont largement inspirées de la réorganisation de l’échelon communal et départemental en France65.

  • 66 Voir à ce propos F. Merloni, « Il Titolo V, le Regioni e le riforme delle autonomie territoriali », (...)

147Dans les deux pays, les interventions législatives visaient à résoudre certains problèmes fondamentaux, strictement liés à la forte fragmentation66 de la gouvernance territoriale, dans un système qui est devenu de plus en plus complexe et stratifié au fil du temps, en l’absence d’une distinction claire des compétences des différents niveaux de gouvernement (et de mécanismes adéquats de raccord entre eux).

  • 67 Cf. L. Vandelli et M. De Donno, « Évolutions de la décentralisation en France et en Italie : un reg (...)

148En Italie aussi, la rationalisation de ce que l’on a appelé le système des « lasagnes italiennes67 » — pour reprendre la métaphore gastronomique du « millefeuille territorial » français — visait essentiellement à remédier au problème séculaire de la pulvérisation des communes.

  • 68 Voir M. De Donno, « La cooperazione intercomunale in Francia: appunti e spunti per le Unioni di com (...)

149S’inspirant des solutions appliquées en France (qui représente, avec 35 497 communes et des formules intercommunalité très articulées, le modèle le plus intéressant du point de vue italien)68, des règles nouvelles ont été introduites dans la péninsule pour encourager la coopération entre les municipalités.

  • 69 Le Piémont est la région qui compte le plus grand nombre de petites communes (1 046, soit 18,91 % d (...)

150Du fait de la forme du territoire et d’une histoire complexe, même en Italie les communes ont toujours été très nombreuses et (en janvier 2022) elles sont au nombre de 7 904. Cependant, ce qui importe le plus est le fait que les processus d’urbanisation ont entraîné de profonds changements dans la répartition de la population et aujourd’hui 5 532 communes comptent moins de 5 000 habitants ; cela signifie qu’une partie plutôt marginale de la population réside dans les 69,99 % des communes italiennes69.

151Ces collectivités territoriales ont une capacité administrative limitée, en raison du manque de personnel et de ressources financières. Afin de résoudre ce problème, de rationaliser les dépenses et de rendre les services publics plus efficaces, le législateur a longtemps encouragé les communes à exercer leurs fonctions de manière associée.

  • 70 Voir le dossier de la Camera dei deputati, Servizio Studi, Gestione associata delle funzioni comuna (...)

152La réglementation des formes d’agrégation entre les collectivités locales en Italie est le résultat d’une série de dispositions qui se sont stratifiées au fil des années70.

153La forme privilégiée de coopération est l’union des communes, par laquelle deux ou plusieurs communes créent une nouvelle collectivité locale, avec son propre statut et ses organes représentatifs, pour l’exercice stable de fonctions et de services.

154Les communes dont la population est inférieure à 5 000 habitants — ou jusqu’à 3 000 si elles sont classées comme communes de montagnes — sont « obligées » d’exercer les fonctions « fondamentales » par le biais d’une forme associée (par union ou convention).

155Les régions jouent ici un rôle important, puisqu’il leur appartient d’assurer le lien entre les niveaux central et local de gouvernement, tout en veillant à ce que les dispositions nationales en matière de gestion associée soient appliquées par les collectivités locales. Les régions doivent identifier d’autres formes susceptibles d’encourager l’exercice associé de certaines fonctions par les communes. En outre, en ce qui concerne les communes de taille géographique plus réduite, les régions doivent identifier les « niveaux optimaux » d’exercice associé des fonctions, en consultation avec les collectivités locales (mais aussi exercer un pouvoir de substitution à l’égard des communes qui ne respectent pas l’obligation prévue par la loi). Toutefois, les normes régionales sur la coopération intercommunale ne sont pas homogènes et le cadre réglementaire est plutôt fragmenté.

156L’approche du législateur a évolué dans le temps. Au début des années 1990, les règles italiennes relatives aux unions des communes ont exprimé une préférence pour des formes d’unification « forcée » des autorités locales : cette forme associative avait été conçue comme une phase transitoire, dans le cadre d’un processus d’agrégation plus profond, qui aurait dû conduire à la fusion des communes.

157C’est précisément cette contrainte qui a suscité une forte résistance de la part des communes, craignant de perdre leur identité et leur autonomie.

  • 71 Voir la loi no 265 de 1999, transposée dans le « Testo unico delle leggi sull’ordinamento degli ent (...)

158Le législateur a ainsi décidé71 de séparer la forme institutionnelle de la fusion de celle de l’union et d’encourager l’association entre les communes par des incitations et des facilités de nature économique.

159Depuis 2010, dans un contexte fortement marqué par les effets de la crise économique, l’objectif de consolidation des comptes publics est devenu une priorité, avec la conséquente approbation d’une série de révisions des dépenses visant, entre autres, à réduire les coûts de la politique sur le plan local.

160Une dynamique associative obligatoire a ainsi été imposée aux petites communes, pour la gestion des services et l’exercice des fonctions fondamentales.

  • 72 Voir les dispositions du décret-loi no 228 du 30 décembre 2021.

161Le délai initialement assigné aux communes (défini en 2010) pour procéder à la gestion associée de leurs fonctions de base a toutefois été constamment reporté dans le temps et fixé dernièrement au 31 décembre 202272.

162Cela découle, d’une part, du fait que le législateur a voulu prendre en compte les difficultés « politiques » qui existent au niveau local dans la mise en œuvre de cette obligation. Il est vrai, cependant, que le report continu des délais d’entrée en vigueur de l’obligation de gestion associée des fonctions locales dites « fondamentales » a créé une incertitude et renforcé la culture du non-respect de la réglementation nationale.

163Par ailleurs, une réflexion approfondie sur l’intercommunalité — inscrite dans un débat plus général et plus organique sur la réorganisation du système des collectivités locales — semble désormais nécessaire également à la lumière d’un arrêt de la Cour constitutionnelle, qui concerne précisément l’association obligatoire imposée aux petites communes par la législation susmentionnée.

164Dans sa décision no 33 de 2019, la Cour a déclaré la non-conformité à la Constitution des dispositions en vertu desquelles les communes de moins de 5 000 habitants sont tenues de gérer leurs fonctions fondamentales sous une forme associée. Les communes ne peuvent pas démontrer l’impossibilité de réaliser, grâce à l’union, des économies d’échelle ou des améliorations dans la fourniture de biens publics aux populations concernées. Le juge constitutionnel a en outre considéré comme trop rigide l’obligation d’association imposée aux collectivités locales, parce qu’elle ne tient pas compte de la situation géographique, des caractéristiques démographiques et socio-environnementales des communes associées dans l’union.

165Qui plus est, la Cour a également jugé nécessaire d’attirer l’attention du législateur national sur les graves limitations qui marquent la structure organisationnelle administrative concrète des collectivités locales (découlant surtout des exigences économico-financières) ; en outre, avec le temps, la « dialectique physiologique » entre les différents acteurs institutionnels (et en particulier entre la région et les communes), qui doit être caractérisée par une « coopération loyale », semble être devenue de plus en plus faible. Il est ensuite rappelé que le principe d’uniformité, selon lequel les communes ont les mêmes fonctions, sans distinction entre les petits villages de quelques dizaines d’habitants et les grandes villes, produit « le résultat paradoxal de ne pas pouvoir […] garantir une jouissance égale des services ».

166Enfin, la Cour constitutionnelle rappelle que dans d’autres systèmes nationaux « des interventions structurelles ont été réalisées avec succès pour répondre au problème de la fragmentation des communes, en mettant souvent en œuvre une différenciation non seulement au niveau organisationnel mais également au niveau fonctionnel ». Cela s’est produit par exemple en France, où le problème a été résolu à la fois par la promotion de formes innovantes d’intercommunalité et par des procédures accompagnant financièrement les fusions.

167Dans l’ensemble, les associations ne concernent encore qu’un faible pourcentage des communes en Italie et pour certains il serait opportun de stimuler davantage des processus d’agrégation par le bas. En 2007, il n’y avait que 290 unions de communes, qui sont passées à 444 en 2014 et à 565 en janvier 2022 (et seulement 30 % des communes de moins de 5 000 habitants ont adhéré au modèle de gestion associé des fonctions « fondamentales »).

  • 73 Voir les données concernant les unions de communes et les communes créées après 2009 sur la base d’ (...)

168Les fusions de communes ont rencontré peu de succès : entre 1995 et 2011, elles n’étaient que 9, puis elles sont passées à 26 en 2014, pour arriver jusqu’à présent au nombre de 163. Les régions qui ont le plus profité de cette opportunité, pour optimiser les coûts et les services aux citoyens, ont été la Lombardie, le Trentin-Haut-Adige et le Piémont. Il faut observer que sept régions n’ont jamais procédé à une fusion73.

169Il est clair que l’intercommunalité en Italie est encore un « phénomène inachevé », qui exige un effort plus décisif de la part du législateur national dans le sens d’une simplification des procédures de coopération et de la création de formes plus efficaces d’incitation économique (mais aussi de mécanismes de dissuasion ou de sanction pour les communes qui quittent prématurément des structures associatives auxquelles elles ont adhéré, en prévenant la répétition de comportements souvent liés plus à une logique politique qu’à des raisons de convenance économique ou administrative). En outre, la refonte des formes associatives des communes entraîne une définition claire des rôles et des liens entre les différents acteurs — État, régions, provinces et villes métropolitaines — impliqués dans les processus d’union ou de fusion.

170Une réorganisation des relations entre le territoire et les institutions rend également nécessaire la (re)configuration d’un modèle de gouvernement de niveau intermédiaire qui soit alternatif et efficace, après la transformation des provinces intervenue en 2014.

  • 74 Voir L. Vandelli et M. De Donno, « Évolutions de la décentralisation en France et en Italie : un re (...)

171À ce dernier égard, il paraît utile de remarquer que l’intention du législateur italien, dans la redéfinition du système des collectivités locales, a substantiellement coïncidé avec l’objectif des réformes introduites en France au cours des deux dernières décennies. Les pouvoirs locaux et le modèle français d’administration territoriale d’origine révolutionnaire-napoléonienne ont produit une dynamique de réforme territoriale fondée sur le renforcement d’un « double échelon territorial de pouvoir, un plus ancien, fondé sur le bloc État-département-communes, et l’autre fondé sur le bloc régions-intercommunalités74 », lié à des processus d’agrégation dans les zones rurales et de métropolisation dans les zones urbaines.

172Dans les deux pays, au nom de la modernisation et de la simplification, ainsi que du principe de subsidiarité, la volonté de réforme est allée jusqu’à la tentative de supprimer le niveau intermédiaire de gouvernement (la province en Italie, le département en France), en utilisant la rhétorique de la rationalisation et de l’efficacité des fonctions des collectivités locales, mais poursuivant en réalité l’objectif de réduire les dépenses publiques et les coûts de la politique.

173À plusieurs reprises, ces dernières décennies, la disparition des départements français a été annoncée comme inéluctable ; les réformes sur l’organisation territoriale ont en effet affaibli au cours des années le rôle des départements, fragilisé par l’amputation de certaines compétences et par le renforcement de la dimension régionale et des métropoles.

  • 75 Cf. M. Mazzoleni, « La riforma degli enti territoriali in Francia e Italia: l’eutanasia mancata del (...)
  • 76 Voir le Rapport d’information du Sénat français (institution traditionnellement « départementaliste (...)

174L’euthanasie du niveau intermédiaire de gouvernement75 est cependant restée substantiellement inachevée et a en effet désormais disparu de l’agenda politique français, semblant plutôt prévaloir dans le débat la volonté de relancer le département, accentuant son rôle fédérateur, de facilitateur entre les différents acteurs, de porte d’entrée pour l’action publique76.

175En Italie, le débat sur la réforme des provinces a en revanche eu une issue différente. Dans un contexte fortement favorable à réduire les coûts de la politique et compte tenu qu’en Italie il n’y a pas le totem historique du département comme en France, on a décidé d’apporter des modifications profondes à l’organisation des « province », considérées comme le maillon territorial faible.

  • 77 La loi no 56 de 2014 a également renforcé les incitations (pas seulement financières) en faveur des (...)

176La loi no 56 de 2014, portant « Dispositions sur les villes métropolitaines, sur les provinces, sur les unions et les fusions de municipalités » (loi « Delrio », du nom du ministre qui l’a proposée)77 a transformé les provinces en autorités de second niveau, qui n’ont plus d’organes directement élus par les citoyens.

177En vertu des nouvelles dispositions législatives, la province est devenue une entité intermédiaire de « area vasta » (chargée essentiellement de la gestion et de l’aménagement du territoire), qui ne représente plus ses habitants mais les organes et les institutions de ses entités locales.

178Ces innovations devaient s’accompagner d’un projet de révision constitutionnelle qui prévoyait la suppression des provinces et concevait un système d’autonomie reposant essentiellement sur deux niveaux de gouvernement — le régional et le communal — dont les institutions représentent directement les populations.

179Comme nous l’avons déjà mentionné, la loi constitutionnelle a été rejetée par le référendum qui s’est tenu en décembre 2016, ce qui entraîne une très grande incertitude concernant l’avenir des provinces. L’échec du référendum nécessite une refonte complète de la stratégie de réforme territoriale, pour laquelle aucune solution ne semble encore se dessiner.

180Il faut reconnaître que les provinces italiennes avaient un problème d’identité politique et institutionnelle, mais elles exerçaient un rôle administratif important (bien que pas toujours efficace) dans des domaines liés à la gestion et au développement du territoire (eau, déchets, énergie, environnement, travail, éducation, transports, etc.). La réorganisation de la province au sein d’un nouveau système rationalisé des pouvoirs locaux aurait pu devenir la clé pour améliorer l’efficacité de l’action publique.

181Au contraire, les provinces ont été radicalement transformées, mais sans reconfigurer l’autonomie locale. En conséquence de cela, il y a de grandes différences entre les villes métropolitaines et le reste du territoire régional ; les régions ont été privées du soutien de « vastes entités territoriales » qui les auraient aidées à gérer la planification urbaine, les déchets et l’environnement, les routes, les transports locaux, l’assistance technique aux communes. Ces fonctions ne peuvent pas être fragmentées au niveau communal, ni concentrées totalement dans la région.

182En ce qui concerne enfin les villes métropolitaines, le législateur italien a voulu promouvoir — toujours en regardant la France avec un intérêt particulier — le « fait urbain ». Ces collectivités territoriales nouvelles (mais déjà prévues par la révision constitutionnelle en 2001) ont été concrètement instituées par la loi « Delrio » : les dix villes métropolitaines des régions ordinaires (auxquelles s’ajoutent les quatre créées dans les régions avec une autonomie spéciale) sont des autorités de deuxième échelon et se situent à mi‑chemin entre les communes et les régions.

183Chacune ville métropolitaine s’est substituée à la province préexistante, dont elle a hérité l’ensemble des ressources et des compétences, surtout dans le domaine de la planification stratégique, de la promotion et de la coordination des services publics.

184Contrairement aux métropoles françaises, la création des villes métropolitaines en Italie ne semble cependant pas avoir entraîné une amélioration ou une simplification notable de l’organisation territoriale.

185En outre, le profil politique et institutionnel de ces collectivités reste plutôt ambigu. Le maire du chef-lieu de l’ancienne province est de jure le maire métropolitain ; la loi « Delrio » a prévu la possibilité d’organiser un scrutin direct pour l’élire, mais elle en a renvoyé la réglementation à des normes nationales, qui doivent être encore adoptées. Cela signifie que les villes métropolitaines finissent par être contrôlées par les dirigeants de l’ancien chef-lieu de province, en fonction de leurs priorités (et les communes voisines se transforment en banlieues de ce chef‑lieu). Enfin, elles ne semblent pas avoir de ressources adéquates pour exercer leurs compétences fondamentales, ni pour les investissements dans le secteur des infrastructures et des transports, ni pour jouer un rôle stratégique dans l’économie nationale.

5. La coopération transfrontalière franco-italienne

186Dans les pays membres de l’Union européenne, les collectivités territoriales située de part et d’autre d’une frontière ont progressivement développé des relations internationales pour la gestion des politiques publiques destinées à déployer leurs effets au‑delà des limites de leurs territoires.

187Les politiques de coopération transfrontalière ont permis aux collectivités infranationales de surmonter en quelque sorte les cicatrices de l’histoire représentées par les frontières et d’acquérir de nouveaux espaces institutionnels de collaboration.

188L’espace de cette coopération transnationale, dont l’extension ne coïncide pas toujours avec la géographie administrative des États impliqués, a parfois été défini sur la base du partage de liens anciens et d’une même expérience historique entre les territoires concernés.

189Les premières formes de collaboration internationale (dans un domaine traditionnellement « réservé » à la politique étrangère de l’État) ont vu le jour à partir des années 1950. Le terme « eurorégion » remonte à cette période, pour désigner les différentes formes expérimentales de gestion de la coopération entre les collectivités territoriales, développées au cours de la première expérience transfrontalière.

190L’expression « eurorégion » est désormais utilisée de manière ambiguë pour désigner, sans aucune distinction, des expériences de coopération — mises en œuvre dans le cadre des instruments définis par le Conseil de l’Europe et l’UE — qui sont en réalité très différentes les unes des autres, qui n’impliquent pas nécessairement, de manière symétrique, des collectivités territoriales du même niveau, et qui n’aboutissent pas toujours à la création d’entités dotées de la personnalité juridique. Dans certains cas, il peut s’agir de simples associations sans but lucratif, qui relèvent donc du droit privé, dans d’autres, au contraire, d’accords interétatiques spécifiques confèrent un caractère de droit public à la structure de coopération.

  • 78 J.‑P. Darnis, « Les politiques transfrontalières France-Italie et les nouveaux enjeux territoriaux  (...)

191Pour ce qui nous intéresse le plus ici, la coopération franco-italienne, laquelle s’est intensifiée au cours des dernières décennies et structurée autour de stratégies d’action bien ciblées, s’est désormais imposée comme « une thématique porteuse au sein des administrations locales78 » (destinées à de futurs développements, à la suite de la signature récente, en novembre 2021, du traité historique de coopération renforcée entre la France et l’Italie).

192Un dynamisme plus prononcé des relations italo-françaises a sans doute été en partie favorisé par le lancement dans l’Hexagone, en 1982, du grand chantier de la régionalisation, qui a permis d’engager, dans les années suivantes, des coopérations plus synergiques avec les régions italiennes déjà existantes.

  • 79 Il semble utile de rappeler que le partenariat de l’Eurorégion Alpes-Méditerranée avait déjà dévelo (...)

193La coopération franco-italienne s’est structurée, depuis les années 1990, surtout autour des différents programmes Interreg (financés par les fonds de la politique régionale européenne) et de l’activité propulsive de la Conférence transfrontalière franco-italienne, créée en 199879 ; ce n’est cependant qu’au début des années 2000 que cette collaboration s’est appuyée sur une vision à long terme et sur un projet au contenu « politique » plus marqué.

194Après deux déclarations d’intention, adoptées en 2006, les représentants des régions italiennes Piémont, Ligurie, Vallée d’Aoste et des régions françaises Rhône-Alpes (aujourd’hui Auvergne-Rhône-Alpes) et Provence-Alpes-Côte d’Azur ont signé, l’année suivante, un protocole d’accord pour la coopération dans l’espace alpin et méditerranéen, assumant l’engagement de collaborer étroitement « pour intensifier les échanges dans les domaines de compétence communs, afin de renforcer les liens politiques, économiques, sociaux et culturels auprès de leurs populations ».

195L’objectif déclaré n’était cependant pas seulement d’encourager « une meilleure coordination autour d’objectifs communs », afin de « partager des stratégies dont la mise en œuvre peut s’appuyer sur des programmes de coopération territoriale européenne », mais aussi « de donner une visibilité politique et d’aboutir à la création d’une Eurorégion Alpes-Méditerranée, favorisant une intégration territoriale plus forte ».

196Afin de permettre à l’Eurorégion (également connue sous l’acronyme AlpMed) d’être plus directement liée aux institutions européennes, il a été décidé d’établir des bureaux communs à Bruxelles, inaugurés en 2008. Pour rendre plus efficace l’action de l’Eurorégion — qui aurait dû ensuite impliquer également les cantons romands de Genève, Vaud et Valais — sa structure et son organisation avaient été envisagées de manière à permettre son évolution vers un Groupement européen de coopération territoriale (GECT). Un organisme doté de la personnalité juridique européenne aurait en effet pu agir de manière autonome et avec des ressources inscrites à son propre budget, assumant directement les responsabilités découlant de ses activités.

197Il semble opportun dès maintenant de rappeler, en quelques mots, que ce résultat n’est pas encore atteint en pratique.

198Le processus de réalisation du projet visant à définir un espace collaboratif fort et institutionnalisé — dont le lancement a sans doute été favorisé par la convergence politique substantielle des leaderships régionaux de l’époque, qui partageaient une forte sensibilité européiste — a été assez cahoteux dès le départ et a été définitivement arrêté en 2012.

199D’une part, la réaction des autorités nationales face à cette dynamique a été plutôt prudente et peu encline à « casser le carcan » de l’exclusivité de la compétence étatique en matière de relations internationales (bien qu’en Italie la réforme du titre V de la deuxième partie de la Constitution, en 2001, eût déjà reconnu aux régions, dans les matières de leur compétence, les outils nécessaires pour projeter leur action sur le plan international).

200Outre la résistance persistante des autorités gouvernementales à certains aspects du projet — une difficulté aggravée par des querelles interinstitutionnelles — il y avait la résistance de l’une des régions participantes (le Piémont), dont l’élan initial ne semblait plus être partagé par le nouvel exécutif entré en fonction en 2010 et dirigé par un parti (la Ligue du Nord) dont le programme politique a toujours été caractérisé par un euroscepticisme marqué ou un antieuropéanisme mal dissimulé.

201L’activité d’AlpMed devrait être développée par des groupes de travail thématiques spécifiques (dédiés à l’identité de l’Eurorégion, à la cohésion économique, sociale et territoriale, à la lutte contre le changement climatique, à l’innovation et à la transition des systèmes de production). Or, celles‑ci ne se sont plus réellement réunies depuis 2012 (après l’« abandon injustifié des tables » par les Français, à l’époque où Nicolas Sarkozy occupait le poste de chef de l’État), ce qui a conduit à un appauvrissement croissant des contenus exprimés par l’Eurorégion.

202À l’heure actuelle, l’Eurorégion Alpes-Méditerranée n’est qu’un accord interrégional transfrontalier, dont la transformation en GECT pourrait permettre une structuration cohésive de tous les territoires impliqués dans la coopération — même indépendamment des financements européens — et projeter avec force AlpMed au niveau européen, pour gagner en visibilité et en poids politique.

203Tout ceci considéré, il convient de souligner que la coopération italo-française qui s’est développée au fil des années grâce aux nombreux programmes soutenus par l’Union européenne apparaît très dynamique. Cependant, les activités économiques, sociales et environnementales à caractère transfrontalier, menées dans le cadre d’actions conjointes à l’intérieur des frontières de l’Eurorégion en question, constituent un ensemble encore très fragmenté, qui ne repose pas sur un plan stratégique unique, mais exprime plutôt de fortes différences entre les territoires de montagne, côtiers et insulaires et poursuit des objectifs souvent limités.

  • 80 Pour les informations sur les différents programmes de coopération européens (transfrontaliers, tra (...)

204L’épine dorsale de la coopération frontalière reste le programme Alcotra (« Alpes latines Coopération transfrontalière »), dans le cadre du plus vaste Interreg (qui finance environ soixante programmes transfrontaliers sur 38 frontières intérieures de l’UE), qui couvre, par exemple, les programmes Espace alpin et Italie-France maritime, tous financés par le Fonds européen de développement régional80.

  • 81 Il est utile de rappeler, par exemple, « Espace Mont Blanc » (une initiative de coopération transfr (...)

205Certaines régions, comme le Piémont et l’Auvergne-Rhône-Alpes, préfèrent se concentrer sur la frontière suisse et les Alpes (surtout depuis le lancement par l’UE de la stratégie alpine). La Vallée d’Aoste entretient des relations privilégiées avec les départements de la Haute-Savoie et de la Savoie81. La Ligurie partage ses intérêts entre les dynamiques alpine et maritime, bénéficiant d’un partenariat consolidé avec Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cette dernière région participe également, avec 150 autres collectivités territoriales (dont la Ligurie) au réseau des Régions périphériques maritimes d’Europe, qui a l’ambition de collaborer également avec d’autres espaces de la Méditerranée.

206L’espace d’AlpMed compte un certain nombre de petites et moyennes structures de coopération, qui ont développé leurs propres stratégies territoriales sectorielles et ont parfois pris la forme juridique d’un GECT : c’est le cas, par exemple, du Parc européen Alpi Marittime-Mercantour — né en 2013 (grâce à l’action synergique des parcs transfrontaliers des Alpes-Maritimes et du Parc national du Mercantour) pour mieux protéger la richesse géologique et la grande biodiversité de la zone à cheval sur la frontière — et dont le cœur est constitué par les territoires où Victor-Emmanuel II, en 1857, avait établi une réserve royale de chasse.

207D’un autre point de vue, il convient également de rappeler que, dans l’ensemble, certaines difficultés subsistent dans la mise en œuvre de projets communs, dues à la fois à l’asymétrie des compétences (et pouvoirs) des régions italiennes et françaises, et à la différence de rôle et d’implication des départements transalpins et des provinces italiennes (notamment après la réforme de ces dernières en 2014) ; à cela s’ajoute le poids du plus grand dynamisme des métropoles françaises — et de l’activité menée par celles‑ci en concurrence avec celle des régions — par rapport à la capacité d’initiative qui distingue aujourd’hui les villes métropolitaines italiennes.

208Enfin, en matière de sélection et de gestion des projets de coopération transfrontalière, le niveau national a toujours joué un rôle plus incisif en France qu’en Italie.

209À ce dernier égard, il est opportun de souligner que l’Eurorégion Alpes-Méditerranée est née avec l’ambition de développer en son sein une stratégie unifiée de cohésion économique et territoriale et de s’adresser directement aux institutions européennes, sans forcément recourir à la médiation de l’État (d’où la décision d’installer ses bureaux à Bruxelles).

210Cette volonté reposait sur la prise de conscience d’une proximité géographique, historique et culturelle entre les cinq régions associées à AlpMed et du rôle structurant, dans la formation d’une identité transfrontalière franco-italienne, joué non seulement par les Alpes, mais aussi par la dimension méditerranéenne et maritime du projet.

211On a tenté d’appréhender en quelque sorte les propositions de la Communauté de travail Alpes-Adriatique, fondée en 1978. Celle‑ci visait à créer un espace économique, culturel et politique commun entre les territoires qui, jusqu’au xixe siècle, avaient été un élément fondamental de l’Empire austro-hongrois : la Vénétie et le Frioul-Vénétie Julienne en Italie (plus tard la Lombardie a été ajoutée), la Styrie et la Carinthie en Autriche, les provinces de Vas et de Baranya en Hongrie, la Slovénie et la Croatie.

212Cependant, l’absence d’une « volonté politique » au sein d’AlpMed a pesé négativement sur la construction espérée d’une identité commune, à faire valoir dans le cadre d’une future « Europe des Régions » promue par l’UE. Ainsi l’autre finalité pour laquelle l’Eurorégion a été créée a prévalu, à savoir permettre aux collectivités territoriales participant à la structure de coopération d’exercer une activité de lobbying plus intense à Bruxelles, en vue d’une défense efficace de leur spécificité et d’une plus grande implication dans la gouvernance de la politique régionale européenne (dans une Union qui étendait ses frontières à l’est). Cela à son tour constituait une condition préalable pour revendiquer, au niveau national, l’attribution de pouvoirs décisionnels plus larges par l’État.

213Cette dynamique a toutefois favorisé les processus nationaux de renforcement de la décentralisation territoriale et une répartition différente des responsabilités dans la gestion effective des fonds de développement régional.

  • 82 Voir, ex multis, J. Viguier, « La décentralisation : d’une manière d’être de l’État vers une manièr (...)

214Cela s’apprécie surtout en référence aux ambitions des régions françaises, qui ont moins de pouvoirs et de compétences que leurs homologues italiennes. Engagées depuis leur création en tant que collectivités locales dans un effort pour déplacer l’attention du débat public vers les besoins de l’échelon régional, les régions en France sont depuis longtemps investies par des dynamiques de (re)centralisation substantielle des fonctions par l’État, dans une pièce théâtrale décentralisatrice82 de réorganisation continue — tentée ou réussie — de la structure territoriale nationale (Acte I en 1982, Acte II en 2003, Acte III en 2013, Acte IV en 2021), dont l’épilogue semble encore loin d’être écrit.

215En ce qui concerne plus directement les questions traitées dans notre étude, un effet de la politique de cohésion promue par l’UE se manifeste cependant dans l’élargissement progressif du rôle joué par les régions françaises dans la gestion des fonds structurels, traditionnellement attribués au niveau de l’État et, depuis 1989, aux préfets de région.

216Avec la Loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles de 2014 (MAPTAM), remplacée l’année suivante par la Loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), la gestion de la plupart des fonds structurels et d’investissement européens a été confiée aux régions, comme le demandait depuis longtemps l’Association des régions de France (devenues Régions de France).

  • 83 Cf. Cour des comptes, Bilan du transfert aux régions de la gestion des fonds européens structurels (...)

217Cependant, la nouvelle gestion des fonds européens se heurte encore à des difficultés administratives objectives, qui compromettent sérieusement leur utilisation efficace, comme l’a récemment souligné la Cour des comptes, mettant en lumière un « enchevêtrement de compétences d’une rare complexité83 ».

218Combien tout cela pèse sur la collaboration transfrontalière dans l’espace d’AlpMed est très évident, entravant la dynamique d’innovation et empêchant l’exploitation du plein potentiel d’une zone qui s’étend sur plus de 142 000 kilomètres carrés, a un poids démographique important (avec plus de 21 millions d’habitants), un PIB qui dépasse les 630 milliards d’euros — si c’était un État, l’Eurorégion se classerait au 22e rang mondial — et un tissu économique composé de plus de 2 millions d’entreprises.

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Notes

1 P. Deyon, L’État face au pouvoir local, Saint-Amand-Montrond, Éditions locales de France, 1996, p. 21.

2 M. C. Kiener et J.‑C. Peyronnet, Quand Turgot régnait en Limousin : un tremplin vers le pouvoir, Paris, Fayard, 1979.

3 N. Montel, « Sur l’État aménageur d’Ancien Régime », Genèses, no 100‑101, 2015 p. 186.

4 P. Rosanvallon, Le modèle politique français. La société civile contre le jacobinisme de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 2004, p. 11.

5 L. Cornu, « Fédéraliste ! et pourquoi ? », dans F. Furet et M. Ozouf (éds), La Gironde et les Girondins, Paris, Payot, 1991, p. 270.

6 P. Deyon, L’État face au pouvoir local, ouvr. cité, p. 126.

7 <www.axl.cefan.ulaval.ca/francophonie/barere-rapport.htm>.

8 Rapport Chaptal sur la loi du 28 pluviôse an VIII, cité par P. Tanchoux, « Les “pouvoirs municipaux” de la commune entre 1800 et 1848 : un horizon chimérique ? », Parlement[s], Revue d’histoire politique, no 20, 2013, p. 45.

9 P. Rosanvallon, Le moment Guizot, Paris, Gallimard, 1985.

10 M. Desportes et A. Picon, De l’espace au territoire. L’aménagement en France, xvie-xxe siècles, Paris, Presses des Ponts et Chaussées, 1997.

11 Extrait de l’exposé des motifs du décret no 3855 du 25 mars 1852 sur la décentralisation administrative.

12 M. Agulhon, La République au village, Paris, Plon, 1970.

13 Mention faite sur la fiche biographique de Jean Charles-Brun sur <www.garae.fr/spip.php?article333>.

14 P. Veitl, « Faire une autre France. La politique de régionalisation d’Étienne Clémentel à la fin de la Première Guerre mondiale », dans B. Jouve (éd.), La région, laboratoire politique. Une radioscopie de Rhône-Alpes, Paris, La Découverte, coll. « Recherches », 2001, p. 97‑112.

15 J.‑R. Pitte, Philippe Lamour. Père de l’aménagement du territoire en France, Paris, Fayard, 2002.

16 M. Rotival, « Les grands ensembles », L’architecture d’aujourd’hui, vol. 1, no 6, juin 1935.

17 Cf. dans ce numéro l’article de A. Dumain.

18 A. Faure, « Territoires/territorialisation », dans L. Boussaguet, S. Jacquot et P. Ravinet (éds), Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2004, p. 623‑632.

19 B. Morel, « Institution et recompositions territoriales », Rives nord-méditerranéennes, no 20, 2005, p. 15.

20 F. Marzin, « Le cas breton : le CELIB, les pouvoirs publics et l’aménagement de la Bretagne (1950-1970) », Pour Mémoire, Revue du comité d’histoire du ministère de la transition écologique, hors‑série, 2012.

21 P. Le Lidec, Les maires dans la République. L’Association des maires de France, élément constitutif des régimes politiques français depuis 1907, thèse de doctorat en sciences politiques, Université Paris 1, 2001.

22 Loi no 72‑619 du 5 juillet 1972 portant création des régions, consultable sur <www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042655561/>.

23 Vivre ensemble. Rapport de la Commission de développement des responsabilités locales, Paris, La Documentation française, 2 vol., 1976.

24 P. Bezes, Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française (1962‑2008), Paris, Presses universitaires de France, 2009, p. 213.

25 Loi no 92‑125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, consultable sur <www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006078688/2020-03-10/>.

26 Cf. E. Gasparini, « Les États de la Maison de Savoie vus de France au xviiie siècle », dans M. Ortolani, O. Vernier et M. Bottin (éds), Pouvoirs et territoires dans les États de Savoie, Actes du colloque international de Nice (29 novembre-1er décembre 2007), Nice, Serre Éditeur, 2010, p. 17‑18.

27 Cf. B. Berthier, « Autorité ou autoritarisme centrifuge ? Joseph de Maistre ou l’analyse politique urticante d’un complexe institutionnel paradoxal d’États de Savoie au crépuscule de leur vénérable histoire », dans M. Ortolani, O. Vernier et M. Bottin (éds), Pouvoirs et territoires dans les États de Savoie, ouvr. cité, p. 38.

28 Voir P. Bianchi et A. Merlotti, Storia degli Stati sabaudi (1416‑1848), Brescia, Morcelliana, 2017.

29 Voir, par exemple, A. Merlotti, « De “Roi des Alpes” à “Roi des marmottes”. L’image littéraire de la Maison de Savoie entre les xviie et xviiie siècles », dans S. Gal et L. Perrillat (éds), La Maison de Savoie et les Alpes : emprise, innovation, identification (xve-xixe siècle), Chambéry, Université de Savoie, 2015, p. 45‑67.

30 Voir sur ce sujet, F. Aimerito, « Aspects of Legal Multilingualism in the States of Savoy », dans C. Kleinhenz et K. Busby, Medieval Multilingualism. The Francophone World and Its Neighbours, Turnhout, Brepols, 2010, p. 237‑266.

31 Cf. S. J. Woolf, « La Valle d’Aosta: modello di un’identità proclamata », dans Id. (éd.), Storia d’Italia. Le regioni dall’Unità a oggi. La Valle d’Aosta, Turin, Einaudi, 1995, p. 22.

32 Voir C. Cattaneo, Stati Uniti d’Italia, N. Bobbio (éd.), Turin, Chiantore, 1945 ; G. Galasso (éd.), Antologia degli scritti politici di Carlo Cattaneo, Bologne, Il Mulino, 1962 ; A. Candido, « Sul regionalismo italiano dal Risorgimento a Sturzo. Prime note », Le Carte e la Storia, 2010, fasc. 1, p. 153‑155.

33 Sur les théories du fédéralisme à l’époque du Risorgimento, voir par exemple A. Monti, L’idea federalista nel Risorgimento italiano, Bari, Laterza, 1922 ; P. Armellini, « Il federalismo nelle teorie politiche del Risorgimento: Gioberti, Rosmini, Cattaneo e Ferrari », dans T. Di Maio et G. Malgeri (éds), Storia, cultura politica e relazioni internazionali. Scritti in onore di Giuseppe Ignesti, Soveria Mannelli, Rubbettino, 2015 ; L. Russi, « Federalismo », dans B. Bongiovanni et N. Tranfaglia (éds), Dizionario storico dell’Italia unita, Rome / Bari, Laterza, 1996, p. 345‑354. Voir également P. G. Grasso, « Proposte di autonomia regionale agli inizi dell’Unità d’Italia », Il Politico, vol. 59, no 2 (169), 1994, p. 233‑262.

34 Voir G. Mazzini, « Dell’unità italiana », in Id., Scritti editi e inediti, vol. III (Politica, tome II), Milan, G. Daelli editore, 1862, p. 210.

35 Voir G. Saredo, La legge sull’amministrazione comunale e provinciale, Turin, Unione Tipografico-Editrice, 1901, p. 28 et suiv.

36 Voir G. De Cesare, La formazione dello Stato unitario (1860‑1871), Milan, Giuffré, 1978 (1963), p. 21 et suiv.

37 Voir sur ce sujet A. Treves, « I confini non pensati: un aspetto della questione regionale in Italia », Milan, Annali della Facoltà di Lettere e Filosofia dell’Università degli Studi di Milano, vol. 57, no 2, 2004, p. 243‑264.

38 Voir sur ce sujet, par exemple, E. Ragionieri, Politica e amministrazione nella storia dell’Italia unita, Bari, 1967, p. 72 et suiv. ; V. Caianiello, « Premesse storico-culturali dell’ordinamento delle autonomie locali e del potere statutario », Diritto e società, 1993, p. 23 et suiv. Sur la continuité de l’État sabaudien avec l’État italien, voir A. Sandulli et G. Vesperini, « L’organizzazione dello Stato unitario », Rivista trimestrale di diritto pubblico, no 1, 2011, p. 47‑95.

39 Sur l’influence du modèle administratif français, voir C. Pavone, Amministrazione centrale e amministrazione periferica. Da Rattazzi a Ricasoli (1859‑1866), Milan, Giuffré, 1964, p. 215219.

40 Voir A. Petracchi, Le origini dell’ordinamento comunale e provinciale italiano, Venise, Neri Pozza Editore, 1962.

41 Voir à ce propos U. Allegretti, « Accentramento, decentramento, federalismo nella storia d’Italia », Contemporanea, vol. 14, no 1, 2011, p. 112.

42 Voir le rapport programmatique présenté par Luigi Sturzo le 23 octobre 1921, lors du IIIe Congrès national du Parti populaire, accessible en ligne à l’adresse <www.istitutodegasperi-emilia-romagna.it/pdf/Sturzo_1921.pdf>. Sur la région dans la pensée de Luigi Sturzo, voir L. Sturzo, Opere scelte. Riforme e indirizzi politici, N. Antonetti (éd.), Rome / Bari, Laterza, 1992 ; A. Candido, « Sul regionalismo italiano dal Risorgimento a Sturzo », art. cité, p. 156‑157.

43 Sur les thèses et les arguments en faveur de l’autonomie régionale après les lois sur l’unification administrative de 1865, voir par exemple R. Ruffilli, La questione regionale dall’unificazione alla dittatura (1862‑1942), Milan, Giuffré, 1971 et E. Rotelli, L’avvento della Regione in Italia. Dalla caduta del regime fascista alla Costituzione repubblicana (1943‑1947), Milan, Giuffré, 1967.

44 Voir la Relazione del deputato Ambrosini Gaspare sulle Autonomie regionali, présentée en novembre 1946 à la II Sottocommissione della Commissione per la Costituzione, publiée dans les Actes de l’Assemblée constituante et disponible en ligne à l’adresse <http://legislature.camera.it/_dati/costituente/lavori/relaz_proposte/II_Sottocommissione/30nc.pdf>.

45 Sur les solutions fédérales proposée dans l’Assemblée constituante, voir A. De Gasperi, « Idee ricostruttive della Democrazia Cristiana », dans A. Damilano (éd.), Atti e documenti della Democrazia Cristiana 1943‑1967, vol. I, Rome, Edizioni Cinque Lune, 1967, p. 1‑8 et C. Pavone, « Autonomie locali e decentramento nella Resistenza », dans M. Legnani (éd.), Regioni e Stato dalla Resistenza alla Costituzione, Bologne, Il Mulino, 1975, p. 49 et suiv. ; voir également U. De Siervo, « Le autonomie locali nel dibattito alla Costituente », dans Il parlamento italiano, Storia parlamentare e politica dell’ Italia 1861‑1988, vol. XIV : 1946‑1947: Repubblica e Costituzione, Milan, Nuova CEI, 1989 ; Camera dei deputati, Segretariato generale, La Costituzione della Repubblica nei lavori preparatori dell’Assemblea Costituente, vol. VII, Rome, 1971, p. 819‑894.

46 Voir G. Ambrosini, « Un tipo intermedio di Stato tra l’unitario ed il federale », Riv. Dir. Pub., 1933, p. 93 et suiv., réimprimé sous le titre de « Lo Stato regionale: tipo intermedio di Stato fra l’unitario e il federale, caratterizzato dall’autonomia regionale », in Id., L’ordinamento regionale, Bologne, Zanichelli, 1957, p. 3 et suiv.

47 Cf. Relazione del deputato Ambrosini Gaspare sulle Autonomie regionali, rapport cité.

48 Sur ce sujet, voir P. Giangaspero, « La nascita delle Regioni speciali », dans S. Mangiameli (éd.), Il regionalismo italiano dall’Unità alla Costituzione e alla sua riforma, vol. I, Milan, Giuffré, 2012, p. 121 et suiv.

49 Voir la loi constitutionnelle no 3 du 18 octobre 2001, portant modifications au titre V de la deuxième partie de la Constitution, Gazzetta Ufficiale, no 248, 24 octobre 2001, p. 3‑7.

50 Pour un bilan de la réforme constitutionnelle de 2001, voir par exemple G. Falcon, « Dieci anni dopo. Un bilancio della riforma del Titolo V », Le Regioni, vol. XXXIX, no 2‑3, 2011, p. 241‑250 et A. Poggi, « A vent’anni dalla revisione costituzionale del Titolo V: un bilancio con lo sguardo rivolto al futuro », Istituzioni del Federalismo, vol. XLII, no 1, 2021, p. 77‑105. Sur le régionalisme italien et son évolution, voir également A. Candido, Confini mobili. Il principio autonomista nei modelli teorici e nelle prassi del regionalismo italiano, Milan, Giuffré, 2012 et V. C. Desideri, Regioni politiche e territori. Per una storia del regionalismo italiano, Milan, Giuffrè, 2015.

51 L’expression « système des Conférences » est utilisée pour désigner les organes intergouvernementaux — composés de représentants de l’État et des collectivités territoriales — agissant comme lieux institutionnels de confrontation et de liaison entre l’État, les régions et les autres collectivités locales (la « Conferenza Stato-Regioni », la « Conferenza Stato-città e autonomie locali » et la « Conferenza unificata »). Voir, sur ce sujet, Senato della Repubblica, Camera dei deputati, Servizio Studi, Il sistema delle Conferenze, XVII legislatura, dossier no 275, janvier 2016, disponible en ligne sur <www.senato.it/service/PDF/PDFServer/BGT/00956818.pdf>.

52 Sur le principe de « collaboration loyale » et les problématiques inhérentes aux rapports entre l’État et les Régions, voir : C. Bertolino, Il principio di leale collaborazione nel policentrismo del sistema costituzionale italiano, Turin, Giappichelli, 2007 ; A. Anzon, « La leale collaborazione come principio di governo dei rapporti tra Stato e Regioni », dans Ead., I poteri delle Regioni dopo la riforma costituzionale: il nuovo regime e il modello originario a confronto, Turin, Giappichelli, 2002 ; R. Caridà, Leale collaborazione e sistema delle conferenze, Padova, Cedam, 2018.

53 Voir sur ce sujet : M. Luciani, « Il sistema delle fonti del diritto alla prova dell’emergenza », Rivista AIC, 2/2020 ; V. Onida, La Costituzione e le lezioni dell’emergenza, dans M. Malvicini, T. Portaluri et A. Martinengo (éds), Le parole della crisi. Le politiche dopo la pandemia, Naples, Editoriale Scientifica, 2020, p. 37 et suiv. ; B. Caravita, « L’Italia ai tempi del coronavirus: rileggendo la Costituzione italiana », federalismi.it, 6/2020 ; F. S. Saverio et G. Scaccia (éds), Emergenza Covid‑19 e ordinamento costituzionale, Turin, Giappichelli, 2020 ; M. Francaviglia, « Decretazione d’urgenza, poteri di ordinanza e riserve di legge. La produzione normativa nell’emergenza Covid‑19 alla luce del principio di legalità sostanziale », Diritto Pubblico, vol. 26, no 2, 2020, p. 361 et suiv.
Sur les problèmes liés aux rapports entre l’État et les régions dans la gestion de l’urgence sanitaire, voir par exemple : F. Cortese, « Stato e Regioni alla prova del coronavirus », Le Regioni, vol. XLVIII, no 1, 2020, p. 3‑10 ; U. Allegretti et E. Balboni, « Autonomismo e centralismo nella lotta contro la pandemia coronavirus », Forum di quaderni costituzionali, 1/2020 ; A. Lucarelli, « Costituzione, fonti del diritto ed emergenza sanitaria », Rivista AIC, 2/2020, p. 558‑583 ; E. Longo, « Episodi e momenti del conflitto Stato-regioni nella gestione della epidemia da Covid‑19 », Osservatorio sulle fonti, numéro spécial, 2020.

54 Sur les relations entre l’État, les Régions et les collectivités territoriales, voir, ex multis, V. Onida, « La riforma dei Comuni e delle Province e il difficile rapporto fra Regioni ed enti locali », Regione e Governo locale, 1986, fasc. 1, p. 20‑29. Sur ce sujet dans la réforme « Renzi Boschi », voir A. Sterpa, « I poteri delle Regioni sugli enti locali nella riforma costituzionale », federalismi.it, 12/2016.

55 Sur la réforme constitutionnelle de 2016, voir par exemple P. Costanzo, A. Giovannelli et L. Trucco (éds), Forum sul d.d.l. costituzionale «Renzi-Boschi». Dieci studiosi a confronto, Turin, Giappichelli, 2015.

56 L’art. 116, troisième alinéa, de la Constitution prévoit que « des formes et des conditions particulières d’autonomie concernant les matières visées au troisième alinéa de l’article 117 et les matières visées au deuxième alinéa dudit article aux lettres l), pour ce qui est de l’organisation de la justice de paix, n) et s), peuvent être attribuées, par la loi de l’État, à d’autres Régions, sur l’initiative de la Région intéressée, après avoir reçu l’avis des collectivités locales, dans le respect des principes fixés par l’article 119. Ladite loi est adoptée par les Chambres à la majorité absolue de leurs membres, sur la base d’une entente entre l’État et la Région intéressée ».

57 Voir à ce propos Senato della Repubblica, Servizio Studi, Il processo di attuazione del regionalismo differenziato, dossier no 104, février 2019, accessible en ligne à l’adresse <www.senato.it/service/PDF/PDFServer/BGT/01103442.pdf>. Voir aussi D. Girotto, L’autonomia differenziata delle Regioni a statuto ordinario. Tentativi di attuazione dell’art. 116, comma 3, Cost. e limiti di sistema, Turin, Giappichelli, 2019 ; voir également C. Tubertini, « La proposta di autonomia differenziata delle Regioni del Nord: un tentativo di lettura alla luce dell’art. 116, comma 3 della Costituzione », federalismi.it, 18/2018 et G. Tarli Barbieri, « Verso un regionalismo differenziato o verso un regionalismo confuso? Appunti sulla (presunta) attuazione dell’art. 116, comma 3, Cost. », Osservatorio sulle fonti, 2/2019.

58 Voir à ce sujet, par exemple, F. Angelini, « Autonomia differenziata e tutela della salute: autonomia competitiva dei sistemi sanitari regionali vs universalismo solidale del sistema sanitario nazionale », federalismi.it, 15/2019 et G. Viesti, Verso la secessione dei ricchi? Autonomie regionali e unità nazionale, Rome / Bari, Laterza, 2019.

59 Sur les modèles de référence dans le débat sur les réformes du régionalisme italien, voir A. D’Atena, « Le régionalisme italien et ses racines culturelles », Civitas Europa, no 30, 2013, p. 41‑53.

60 Cf. P. Martinat, Les Régions : clefs de la décentralisation, Paris, Lextenso, 2010.

61 Cf. N. Kada (éd.), Les tabous de la décentralisation, Boulogne-Billancourt, Berger Levrault, 2015.

62 Cf. M. Verpeaux, « La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République : libres propos », Revue française de droit administratif, vol. 19, 2003, p. 667.

63 Voir J.‑P. Darnis, « Les politiques transfrontalières France-Italie et les nouveaux enjeux territoriaux », Espaces et société, no 160‑161, 2015, p. 47.

64 Cf. Sénat, La réforme régionale en Italie. Un exemple de décentralisation, Rapport de groupe interparlementaire d’amitié, no 41, 1er avril 2002, en ligne à l’adresse <www.senat.fr/notice-rapport/2001/ga41-notice.html>.

65 Voir sur ce sujet F. Pinto, « Le città metropolitane in Francia e in Italia o delle convergenze parallele », federalismi.it, 3/2014 et P. Messina, « Le politiche di riordino territoriale come strategia di sviluppo regionale? I casi di Italia e Francia a confronto », Istituzioni del Federalismo, 4/2017, p. 1057‑1090. Voir également L. Vandelli, « Local Government in Italy », dans A.‑M. Moreno (éd.), Local Government in the Member States of the European Union: A Comparative Legal Perspective, Madrid, INAP, 2012, p. 339 et suiv. ; L. Vandelli, Città metropolitane, province, unioni e fusioni di comuni. La legge Delrio, 7 aprile 2014, n. 56, Rimini, Maggioli, 2014 ; A. Sterpa (éd.), Il nuovo governo dell’area vasta, Naples, Jovene, 2014, p. 52 et suiv.

66 Voir à ce propos F. Merloni, « Il Titolo V, le Regioni e le riforme delle autonomie territoriali », Istituzioni del Federalismo, 1/2021, p. 7‑25.

67 Cf. L. Vandelli et M. De Donno, « Évolutions de la décentralisation en France et en Italie : un regard comparé », Istituzioni del Federalismo, 4/2016, p. 871.

68 Voir M. De Donno, « La cooperazione intercomunale in Francia: appunti e spunti per le Unioni di comuni italiane », Istituzioni del Federalismo, 2/2017, p. 523‑546.

69 Le Piémont est la région qui compte le plus grand nombre de petites communes (1 046, soit 18,91 % du total national), suivie par la région Lombardie (1 039).

70 Voir le dossier de la Camera dei deputati, Servizio Studi, Gestione associata delle funzioni comunali, unioni e funzioni di comuni, 5 janvier 2022, accessible en ligne à l’adresse <https://www.camera.it/temiap/documentazione/temi/pdf/1105809.pdf?_1643037040224>.

71 Voir la loi no 265 de 1999, transposée dans le « Testo unico delle leggi sull’ordinamento degli enti locali » (approuvé par le décret législatif du 18 août 2000, no 267).

72 Voir les dispositions du décret-loi no 228 du 30 décembre 2021.

73 Voir les données concernant les unions de communes et les communes créées après 2009 sur la base d’une procédure de fusion, publiée par le Département des Affaires intérieures et territoriales, à l’adresse <https://dait.interno.gov.it/territorio-e-autonomie-locali/sut/open_data.php>.

74 Voir L. Vandelli et M. De Donno, « Évolutions de la décentralisation en France et en Italie : un regard comparé », art. cité, p. 868.

75 Cf. M. Mazzoleni, « La riforma degli enti territoriali in Francia e Italia: l’eutanasia mancata del livello intermedio », Istituzioni del Federalismo, 4/2016, p. 885‑913.

76 Voir le Rapport d’information du Sénat français (institution traditionnellement « départementaliste »), Quel rôle, quelle place, quelles compétences des départements dans les régions fusionnées, aujourd’hui et demain ?, 15 septembre 2020, accessible à l’adresse <www.senat.fr/rap/r19-706/r19-706.html>.

77 La loi no 56 de 2014 a également renforcé les incitations (pas seulement financières) en faveur des unions et des fusions des communes (en permettant, par exemple, des dérogations à la législation nationale sur la fiscalité, l’équilibre budgétaire et les limites établies pour le recrutement du personnel). Sur la réforme introduite par la loi « Delrio », voir par exemple Camera dei deputati, Servizio Studi, dossier Città metropolitane, province, unioni e fusioni di comuni, 30 septembre 2014, disponible en ligne sur <https://www.camera.it/temiap/documentazione/temi/pdf/1104880.pdf>.

78 J.‑P. Darnis, « Les politiques transfrontalières France-Italie et les nouveaux enjeux territoriaux », art. cité, p. 40.

79 Il semble utile de rappeler que le partenariat de l’Eurorégion Alpes-Méditerranée avait déjà développé plusieurs formes de coopération, dans les années 1980‑1990, promues par la Communauté de travail des Alpes occidentales (COTRAO). Cette structure de collaboration transfrontalière régionale simplifiée, fondée à Marseille en 1982, sur la base d’un accord entre l’Italie, la France et la Suisse (les cantons de Genève, Vaud et Valais sont en effet impliqués), a largement contribué à l’élaboration de la Charte européenne des régions de montagne — approuvée en 1994 dans le cadre des initiatives du Conseil de l’Europe — et de la Convention alpine (traité international signé en 1991 par l’Autriche, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Suisse).
En 1997, le département des Alpes-Maritimes, les provinces d’Imperia et de Cuneo ont signé à Nice un accord de coopération dit « Conférence des Trois Provinces », visant à promouvoir une approche partagée des problèmes de l’espace transfrontalier et à valoriser, par une consultation fréquente, les domaines de compétence des trois collectivités locales. L’espace maritime a également représenté au fil du temps un tissu connectif pour des relations économiques, culturelles et politiques fructueuses.
En 1998, la Charte de Chambéry a créé la Conférence transfrontalière franco-italienne, association regroupant certains départements français et certaines provinces italiennes du massif alpin et du littoral, dont le secrétariat permanent est basé à Turin. Elle réalise des missions de consultation institutionnelle sur les problématiques transfrontalières et joue un rôle moteur dans le lancement de projets financés par l’UE (notamment dans le cadre du programme ALCOTRA). En 2000, dans un souci de meilleure coordination, l’Association de la « Conférence des Alpes franco-italiennes » est née, regroupant les départements français des Alpes-Maritimes, des Alpes-de-Haute-Provence, des Hautes-Alpes, de l’Isère, de la Savoie, de la Haute-Savoie, les provinces italiennes d’Imperia, Cuneo, Turin et la région de la Vallée d’Aoste.

80 Pour les informations sur les différents programmes de coopération européens (transfrontaliers, transnationaux et interrégionaux), voir par exemple le site de la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT) — une association créée en 1997 par le gouvernement français — à l’adresse <www.espaces-transfrontaliers.org/ressources/programmes-europeens/>.

81 Il est utile de rappeler, par exemple, « Espace Mont Blanc » (une initiative de coopération transfrontalière, lancée en 1991, entre la Vallée d’Aoste, la Savoie, la Haute-Savoie et le Valais) et les initiatives transfrontalières, menées dans le cadre des programmes européens et coordonnées par la « Conférence des Hautes Vallées », dans les territoires au carrefour de la Savoie, des Hautes-Alpes, des vallées piémontaises (Susa, Sangone, Pinerolese).

82 Voir, ex multis, J. Viguier, « La décentralisation : d’une manière d’être de l’État vers une manière d’être hors de l’État », dans S. Regourd, J. Carles et D. Guignard (éds), La décentralisation 30 ans après, Paris, LGDJ, 2013.

83 Cf. Cour des comptes, Bilan du transfert aux régions de la gestion des fonds européens structurels et d’investissement, avril 2019, p. 51. Voir aussi Assemblée nationale, Commission des Affaires européennes, Rapport d’information sur l’évaluation de la gestion des fonds structurels européens par les régions françaises, 2 octobre 2019.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Thibault Tellier et Patrizia Magarò, « Territoires et pouvoir. Approches historiques et politiques dans une perspective franco‑italienne »Cahiers d’études italiennes [En ligne], 34 | 2022, mis en ligne le 03 mars 2022, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cei/10711 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cei.10711

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Auteurs

Thibault Tellier

Université de Rennes
thibault.tellier@sciencespo-rennes.fr

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Patrizia Magarò

Université de Gênes
patrizia.magaro@unige.it

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