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Dossier

Petit état des lieux de la prise en compte des langues et cultures des élèves à l’école en Outre-mer

Collectif ILASOM
A Brief Overview of How Pupils' Languages and Cultures Are Taken Into Account at School in Overseas France
Sophie Alby, Frédéric Anciaux, Fanny Dureysseix, Isabelle Léglise, Lavie Maturafi, Valelia Muni Toke, Logambal Souprayen-Cavery, Jacques Vernaudon et Wayuoné Eddie Wadrawane

Résumés

Cet article, en combinant les contributions de neuf collègues, offre un panorama de l’état de la prise en compte des langues et cultures des élèves à l’école dans dix territoires ultramarins. Chaque section présente la situation sociolinguistique d’un territoire en rapport avec le contexte scolaire en mentionnant les travaux scientifiques déjà réalisés voire les manques dans ce domaine. Elle détaille ensuite les dispositifs existants ayant été développés ces dernières décennies et tentent d’identifier le nombre d’élèves concernés par ces dispositifs. Chaque section présente enfin les formations de formateurs et les initiatives innovantes ayant été mises en place dernièrement et rappelle les diagnostics réalisés sur chacun des territoires. Cela permet d’avoir une image précise des enjeux particuliers que rencontre chacun des territoires, mais aussi des constats plus généraux qu’on peut tirer sur l’échec scolaire dans les Outre-mer et sur le lien potentiel entre cet échec scolaire et la non-prise en compte des langues locales.

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Texte intégral

1. Introduction

  • 1 Inégalités éducatives, Langues et Accès aux Savoirs dans les Outre-Mer, voir Léglise et Muni Toke ( (...)

1En raison de leur diversité et de leur spécificité, les territoires d’Outre-mer sont rarement présentés ensemble dans la littérature scientifique alors que le nombre de travaux qui y ont été réalisés, sur chacun d’entre eux, est désormais relativement important. Si quelques publications présentent des situations régionales (Antilles, océan Indien) ou rassemblent les cas de deux ou trois territoires, comme une comparaison des situations sociolinguistiques et des dispositifs éducatifs entre la Guyane, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie par exemple (Vernaudon et al., 2014 ; Alby et al., 2014), rares sont celles qui traitent plus largement de la situation des territoires au regard des rapports sociaux de domination (Lemercier et al., 2014), des systèmes éducatifs dans leur ensemble (Muni Toke, 2016) ou des langues de France qui y sont parlées (Léglise, 2021). Ce texte, issu des échanges entre membres du projet ILASOM1 et enseignants de chaque territoire, vient donc combler un manque. Écrit par neuf spécialistes de dix territoires différents, il propose un premier état des lieux général de la prise en compte des langues et des cultures des élèves à l’école dans les Outre-mer. Il s’agit à la fois d’une contribution modeste – un état des lieux en l’état de nos connaissances – et d’une image puissante, car collective, qui révèle les inégalités partagées par les populations de ces territoires en matière d’éducation.

  • 2 Rapports de pouvoir que des termes comme « hégémonie », « diglossie » ou « minorisation » indiquent

2La question à laquelle répond ce texte est de savoir comment l’institution scolaire prend en compte la diversité linguistique de ses territoires et le capital linguistique de ses élèves. Ce texte a donc une visée plus diagnostique que comparative. En faisant tenir côte à côte la description des contextes et des dispositifs existants, il offre un panorama actuel de la prise en compte – fort limitée au demeurant comme nous le verrons – des langues des élèves par l’école de la République. Tous ces territoires, dans lesquels des rapports sociaux de domination continuent à s’exercer (Lemercier et al., 2014), partagent une relation historique de dépendance à l’ancienne métropole coloniale et à sa langue nationale. Tous ces territoires présentent une situation de multilinguisme sociétal où le français n’est que l’une des langues parlées par des populations plurilingues alors qu’il continue à jouir d’un statut inégalé à l’école et dans les administrations. Les rapports de pouvoir et de domination – bien identifiés dans les publications en sciences sociales – s’expriment ainsi sur le plan linguistique2. La faible prise en compte du capital linguistique des élèves au travers des dispositifs existants peut être un bon indicateur de la persistance de ces rapports de pouvoir. Comme nous le verrons, les élèves ultramarin.e.s, majoritairement plurilingues, parfois non francophones avant d’entrer à l’école, ont majoritairement accès seulement à une éducation en français, ce qui pose à la fois des questions d’accès à l’éducation et d’équité de traitement.

3Rédiger un texte à 18 mains n’est pas une évidence et revenir sur son élaboration permet d’en comprendre le style singulier. La nécessité de ce texte a émergé au cours des discussions lors du projet ILASOM. La rédaction par territoire a été proposée à des collègues spécialistes de ces derniers et la responsable du projet en a rédigé les parties introductives et conclusives. Un cadre de rédaction commun a alors été élaboré, mais il ne s’agissait pas d’imposer un cadre disciplinaire, terminologique ou théorique commun. On le verra, derrière la voix de chacun.e, résonnent les cadres disciplinaires et théoriques qui façonnent nos regards : sociolinguistique ou sociologie du langage, anthropologie politique, didactique des langues, créolistique, typologie linguistique, sciences de l’éducation. Si nos propos sont également façonnés par notre positionnalité et par les différents rôles professionnels que nous tenons sur ces différents territoires, nos points de vue se rejoignent toutefois en raison de notre implication comparable, bien que plus ou moins importante, dans la formation des enseignant.e.s sur ces territoires qui nous donne souvent accès à des informations et témoignages « de l’intérieur ».

4Ainsi, chaque section à venir s’arrête sur un territoire, présenté par ordre alphabétique, en abordant d’abord sa situation sociolinguistique en rapport avec le contexte scolaire, en présentant un état des travaux scientifiques sur le territoire tout en mentionnant les manques importants. Les types de dispositifs existants, développés ces vingt dernières années, sont ensuite rappelés et offrent, lorsque c’est possible, un tableau du nombre d’élèves et de classes concernés par ces dispositifs. Des initiatives innovantes sont ensuite présentées, en formation de formateurs ou en didactique. Chaque section se conclut, en insistant sur les enjeux spécifiques du territoire, par des constats rapides sur l’échec scolaire dans le territoire concerné et son lien avec la (non) prise en compte des langues et cultures locales.

2. Guadeloupe, Martinique et Saint-Martin par Frédéric Anciaux

5Dans un premier temps, nous présentons, les situations sociolinguistiques de trois territoires des Outre-mer français des Petites Antilles bordés par la mer des Caraïbes et l’Océan Atlantique : la Guadeloupe, la Martinique et Saint-Martin. Dans un deuxième temps, nous exposons les différents dispositifs et aménagements pédagogiques existants sur ces territoires qui prennent en compte, dans le cadre scolaire et la formation des enseignants, les langues des élèves et celles présentes dans l’environnement. Enfin, dans un troisième et dernier temps, nous proposons un diagnostic global sur les inégalités et l’échec scolaires en lien avec les répertoires langagiers des élèves et nous formulons quelques pistes de réflexion en vue de répondre aux difficultés scolaires relevées.

2.1. Situations sociolinguistiques

6La Guadeloupe (région monodépartementale), comme la Martinique (collectivité territoriale), présente une situation sociolinguistique globale que l’on peut qualifier d’endolingue et de bilingue (De Pietro, 1988 ; Giraud, Gani et Manesse, 1992). Autrement dit, la grande majorité de la population parle deux langues avec des compétences variables dans chacune d’elles : le français, langue officielle et de scolarisation, et le créole, langue régionale3 (le créole guadeloupéen en Guadeloupe et le créole martiniquais en Martinique). La situation peut aussi être qualifiée de diglossique, bien que la situation actuelle n’ait que peu de relation avec celles décrites par Ferguson (1959). En effet, Ledegen (2002) propose le terme « biglossique », terme qui nous semble plus approprié pour caractériser la situation sociolinguistique des Petites Antilles où l’usage des deux langues en présence est vécu de manière moins stricte que dans une situation classique de diglossie et où les locuteurs ont recours à l’alternance et au mélange de langues de manière ludique, pragmatique et identitaire. En effet, le français et le créole (guadeloupéen et martiniquais) coexistent sur ces deux territoires et la langue régionale témoigne d’une grande vitalité (Bernabé, 1997 ; Chaudenson, 1992). Les domaines d’emploi de chaque langue, leur complémentarité et leur imbrication ne cessent d’évoluer. Leur usage alterné et mélangé est courant dans les conversations quotidiennes, ainsi que dans les médias (télévision, radio, réseaux sociaux). Néanmoins, la réussite scolaire passant essentiellement par l’acquisition du français, la population oriente davantage son éducation vers le français et le créole ne fait pas souvent l’objet d’une attention particulière en termes d’apprentissage formel (March, 1996). Certaines pratiques langagières peuvent être qualifiées de mélanges de langues, d’interlectes (Prudent, 1981), d’entre-les-langues (Robillard, 2001), de variétés de français régional ou, tout simplement, de parler guadeloupéen ou martiniquais, posant la question du français en contact avec d’autres langues à base lexicale française et des conflits linguistiques (Spaëth, 2010). On peut également signaler la présence d’autres langues présentes sur ces deux territoires, moins parlées et entendues que les deux précédentes, comme le créole haïtien, l’anglais et l’espagnol particulièrement, issues respectivement des principales immigrations venues d’Haïti, de la Dominique et de la République dominicaine.

7La situation sociolinguistique de Saint-Martin (collectivité unique) est bien différente. Elle peut être qualifiée de quadrilingue, parfois exolingue (échange entre deux ou plusieurs personnes ne possédant pas la même langue) ou endolingue (échange entre deux ou plusieurs personnes possédant la même langue), mais souvent mixte, où quatre langues et plusieurs variétés de celles-ci coexistent. Deux langues prédominent, le français, langue officielle, et l’anglais, langue véhiculaire. Deux autres langues issues de l’immigration sont également utilisées : le créole d’Haïti et l’espagnol de République dominicaine. Les compétences des locuteurs dans chacune de ces langues sont souvent variables et partielles, que ce soit dans les situations courantes de la vie quotidienne ou dans les salles de classe, donnant lieu à des situations très diverses. Cependant certaines compétences sont souvent partagées par les acteurs du système éducatif, et notamment en anglais (langue très utilisée à Saint-Martin du fait de sa frontière avec Sint Maarten, pays appartenant au Royaume des Pays-Bas, où, parmi les deux langues officielles, l’anglais est plus utilisé que le néerlandais), même si des variétés spécifiques de cette langue apparaissent sur ce territoire (Romney, 2015). Cette situation pose la question, et notamment pour l’anglais, de la définition politique et scolaire de la frontière entre une langue vivante régionale (comme les créoles guadeloupéen et martiniquais) et une langue vivante étrangère, ici l’anglais.

2.2. Dispositifs et aménagements pédagogiques

8Nous pouvons citer trois dispositifs existants en Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin qui témoignent d’une volonté politique et éducative de prise en compte des langues parlées sur ces territoires et par les élèves : l’enseignement en langue vivante régionale, l’enseignement bilingue et l’apprentissage du Français Langue Étrangère (FLE) avec le CASNAV (Centre académique pour la scolarisation des élèves allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs).

9Concernant l’enseignement en langue vivante régionale, l’enseignement du créole, même si celui-ci a été mis en place de manière très ponctuelle dès les années 1980 sur la base d’initiatives personnelles de quelques enseignants (Hector Poullet, Sylvianne Telchid, Gérard Lauriette, par exemple), a été rendu possible officiellement en 2001 grâce à la création du CAPES de créole dans le second degré et à la mise en place d’une habilitation à enseigner le créole dans le premier degré. Ainsi le créole est entré progressivement dans l’enseignement en Guadeloupe et en Martinique, mais il reste optionnel. Malgré tout, l’usage du créole dans l’enceinte scolaire reste encore conflictuel, tant pour les enseignants et les élèves que pour les parents (Anciaux, 2017). Cela est dû en partie au poids de l’idéologie monolingue et de l’hégémonie du français dans le système éducatif. Sans être interdite à l’école, la langue créole reste encore souvent considérée comme un frein ou un obstacle à l’apprentissage scolaire en général et du français en particulier. Elle est rarement envisagée comme un atout, une richesse ou une chance à l’école. Depuis une dizaine d’années, environ 10 % des élèves du primaire et du secondaire en Guadeloupe et près de 30 % en Martinique bénéficient d’un enseignement optionnel du créole (de 1 h à 1 h 30 par semaine).

10À Saint-Martin, malgré son usage courant, l’anglais n’est pas considéré comme une langue vivante régionale, mais comme une langue vivante étrangère (Démocrite-Louisy, 2014). Il est donc enseigné comme tel dans le système éducatif. La présence et l’usage limité des créoles guadeloupéen et martiniquais à Saint-Martin n’ont pas donné lieu à la mise en place d’un enseignement du créole comme langue vivante régionale. Des actions politiques ont été engagées auprès de la Direction générale de la langue française et des langues de France (DGLFLF) depuis 2021 par le Conseil exécutif de Saint-Martin pour une reconnaissance de l’anglais saint-martinois (créole à base lexicale anglaise) comme une langue de France afin de faire une distinction avec l’enseignement de l’anglais scolaire. Ces actions n’ont pas encore abouti.

11Concernant l’ouverture de classes bilingues, trois dispositifs distincts ont été mis en place dans chacun de ces trois territoires. En Guadeloupe en 2012, un projet de classes bilingues français-créole a été conçu et mis en œuvre pour une période de trois ans, en collaboration avec plusieurs personnes du Rectorat de l’académie de Guadeloupe (inspecteurs, conseillers pédagogiques, enseignants) et des chercheurs de l’université des Antilles (Anciaux, 2016). Des formations continues à destination des enseignants des classes bilingues ont été mises en place en vue d’apporter des éléments théoriques et de co-construire des ressources pédagogiques adaptées à l’enseignement bilingue en Guadeloupe. Ce projet de classes bilingues a souhaité prendre à contre-pied la vision monolingue et cloisonnée de l’enseignement bilingue à parité horaire. Il a été élaboré sous l’angle d’une didactique intégrée des langues (Causa, 2011), de la didactique convergente (Chaudenson, 2007 ; Maurer, 2004), de la pédagogie de la variation (Prudent, 2005) et d’une didactique du français langue en contact (Anciaux, 2019). Ces approches pédagogiques et didactiques consistent à partir des pratiques réelles des locuteurs en vue d’approcher les normes standards et scolaires des deux langues en présence et d’utiliser les deux langues pour apprendre les notions des différentes disciplines scolaires. Ainsi, les locuteurs sont libres de s’exprimer dans chacune des langues en présence, quelle que soit la discipline enseignée. Les deux langues sont mises au service des apprentissages et font l’objet d’une attention particulière en fonction des enseignants, des notions enseignées et des programmes scolaires nationaux. Ainsi, la parité entre les langues n’est pas envisagée comme un cloisonnement des langues dans des tranches horaires dédiées, mais comme une complémentarité et une co-présence équitable et permanente des langues dans le temps et l’espace scolaire. Cela a donné lieu à l’élaboration de plusieurs guides d’enseignement bilingue4. Deux classes bilingues ont été ouvertes en septembre 2012 et, l’année suivante, dix classes supplémentaires ont vu le jour, portant le nombre de classes bilingues en Guadeloupe à douze pour les années scolaires 2013-2014 et 2014-2015, impliquant douze enseignants et 284 élèves allant de la grande section au cours moyen 2e année (CM2). En 2020, un projet de « filière bilingue » a vu le jour permettant à des élèves de suivre un cursus de la maternelle à l’élémentaire en classe bilingue. En 2020, trois écoles proposent une filière bilingue au primaire et on compte près de 40 enseignants et 295 élèves impliqués dans ce dispositif, auxquels s’ajoutent 255 élèves des classes bilingues existantes (Brisset, Durand et Bernabé, 2020). Des classes bilingues uniques existent dans chaque circonscription de la Guadeloupe.

12En 2018, des expérimentations de classes bilingues français-créole ont été conduites en Martinique sur la base d’un enseignement bilingue à parité horaire (une discipline scolaire est enseignée dans une seule langue) et sur des approches contrastives pour l’enseignement du français et du créole. Les résultats de ces expérimentations indiquent de véritables progrès des élèves suite aux évaluations nationales. À l’instar des « filières bilingues » en Guadeloupe, la Martinique a mis en place un « parcours d’excellence », qui consiste à offrir aux élèves un apprentissage des deux langues de la maternelle au lycée. En 2023, sur les 110 classes bilingues (près de 3 300 élèves), 35 classes ont intégré ce parcours (près de 1 050 élèves). Même si cet enseignement bilingue est conçu à parité horaire, il est parfois, voire souvent, difficile pour un enseignant de dispenser une matière totalement en créole du fait qu’il n’ait pas été formé à cette matière en créole et qu’il ne possède pas forcément tout le lexique approprié à cette discipline scolaire dans cette langue. Ainsi, le recours au français peut être utilisé pour pallier ces difficultés.

13À Saint-Martin, c’est le même type de dispositif qu’en Martinique qui a été mise en place en 2017 (un enseignement bilingue à parité horaire), sauf que ce n’est pas le créole, mais l’anglais qui sert de deuxième langue d’enseignement avec le français. Ce dispositif dit bilangue vise le renforcement d’atouts linguistiques sous-exploités. En 2021, c’est près de 10 % des élèves scolarisés dans le primaire et au collège qui sont concernés par le dispositif bilangue français-anglais.

14Enfin, à l’instar des autres académies des Outre-mer français et de France hexagonale, le système éducatif en Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin prend en compte les élèves allophones nouvellement arrivés (EANA) grâce au CASNAV. Ce dispositif permet aux enfants qui ne maîtrisent pas la langue française de recevoir, en petit groupe avec un enseignant dédié, souvent spécialiste du FLE, des séances spécifiques d’apprentissage du français durant leur présence au sein de l’enceinte scolaire. Ces séances sont davantage conçues comme un apprentissage du français sans réellement tenir compte du répertoire langagier des élèves, plutôt que comme un enseignement s’appuyant sur une didactique du plurilinguisme avec une utilisation et une valorisation de la ou des langue(s) de première socialisation des élèves.

2.3. Inégalités et échec scolaires

  • 5 Les résultats de Saint-Martin sont inclus dans les chiffres de la Guadeloupe.

15Au terme de cette présentation de la situation sociolinguistique et malgré la mise en place de dispositifs et d’aménagements pédagogiques en Guadeloupe, en Martinique et à Saint-Martin, nous pouvons souligner que les résultats scolaires aux évaluations nationales sur chacun de ces trois territoires restent encore largement en deçà des résultats nationaux, et ce depuis de nombreuses années. C’est d’ailleurs le cas de tous les territoires d’Outre-mer. Par exemple, suite aux résultats des évaluations nationales à l’entrée en 6e publiés en 2023 (cf. Tableau 1), si l’académie de Paris est en 1re position en français et en mathématiques sur 30 académies, celle de la Martinique est respectivement en 27e et 28e positions, et celle de la Guadeloupe5 en 29e position.

Tableau 1 : Résultats aux évaluations nationales en 6e en 2023

Disciplines

Moyenne nationale

Paris

Guadeloupe

Martinique

Saint-Martin

Français

256,7

281,9

239,9

245

227,6

Mathématiques

254,1

278,3

228,2

232,9

223

  • 6 En Martinique, il existe également un parcours DIU2E proposé aux néotitulaires durant leurs trois p (...)

16Ces résultats montrent, comme le soulignaient Brisset, Durand et Bernabé (2020), que dans les situations de biplurilinguisme des Outre-mer français, la faible prise en compte des langues des élèves et des réalités locales a des conséquences négatives sur la scolarité et la réussite des élèves. Néanmoins, il faut aussi mettre les difficultés scolaires rencontrées par les élèves en regard avec les niveaux socio-économiques des familles sur ces territoires, qui sont relativement bas comparativement à ceux de France hexagonale, ou encore avec le taux très élevé de personnes en situation d’illettrisme (par exemple, une personne sur 5 en Guadeloupe, cf. INSEE, 2010). En outre, les résultats aux évaluations nationales obtenus par les élèves qui suivent un enseignement bilingue sont supérieurs à ceux des élèves de ces territoires qui ne suivent pas ce type d’enseignement, le problème étant que moins de trois élèves sur dix ont la chance de suivre un tel enseignement. Selon Brisset, Durand et Bernabé (2020), une prise en compte réelle et totale des répertoires langagiers de tous les élèves serait susceptible d’améliorer l’estime de soi et la relation à l’École, ainsi que l’apprentissage du français et des autres disciplines scolaires. Cette prise en compte pourrait reposer, d’une part, sur un enseignement obligatoire de la langue vivante régionale à l’école primaire (le créole en Guadeloupe et en Martinique, et l’anglais à Saint-Martin), d’autre part, sur un recours à ces langues régionales pour l’apprentissage du français et l’enseignement des différentes disciplines scolaires dîtes non linguistiques (Duverger, 2011). Pour ce faire, la formation initiale et continue des enseignants sur ces territoires devrait permettre l’acquisition de compétences professionnelles visant à gérer le plurilinguisme et mettre en place des stratégies d’enseignement reposant sur des séquences potentiellement acquisitionnelles (De Pietro, Matthey et Py, 1989). À ce sujet, on peut signaler la présence de deux modules d’enseignements complémentaires (EC) spécifiques dédiés à la prise en compte du contexte des langues et des cultures antillaises et celles issues de l’immigration dans les masters MEEF Premier degré des INSPE des académies de la Guadeloupe et de la Martinique. En Guadeloupe, un EC intitulé « Enseigner en contexte plurilingue et innover » propose 74 h durant les deux années de master (34 h en première année et de 40 h en deuxième année). En Martinique, un EC intitulé « Enseigner en contexte multiculturel : Contexte martiniquais/Enjeux du plurilinguisme et du multiculturalisme et scolarisation des élèves allophones du cycle 1 au cycle 3/FLE » dispose d’un volume total de 24 h en première année de master (12 h par semestre). Ces EC ont comme objectif de former les enseignants à l’apprentissage de la langue créole, à la gestion et aux enjeux du plurilinguisme, ainsi qu’à la scolarisation des enfants allophones. Ces actions de formation initiale devraient être soutenues en formation continue6, voire impulsées par les politiques éducatives de ces territoires. Ces stratégies pourraient reposer sur trois principes (Anciaux, 2017) : une trifocalisation (alternance et mélange des langues et des variétés de langues au service d’acquisitions notionnelles et linguistiques et pour une gestion de la relation pédagogique), une rhétorique polylectale (usage décomplexé des langues et des variétés en présence pour accroître l’efficacité de la communication) et un contrat didactique de communication explicite portant sur l’usage des langues (définir explicitement la possibilité d’avoir recours à plusieurs langues et variétés de langues en salle de classe par l’ensemble des acteurs).

3. Guyane par Isabelle Léglise et Sophie Alby

3.1. Situation sociolinguistique en lien avec le contexte scolaire

17Sur le territoire guyanais, qui se caractérise par la jeunesse de sa population7, quarante langues sont parlées par la population scolarisée, dont vingt de manière significative, et 70 % des enfants ne parlent pas le français avant d’être scolarisés (Léglise, 2007). Les travaux sociolinguistiques de ces vingt-cinq dernières années8 ont permis de dresser un profil assez précis du multilinguisme en Guyane, sur l’ensemble du territoire et dans plus de 80 points d’enquête scolaire (Léglise, 2015), et du plurilinguisme des élèves qui déclarent pour la plupart d’entre eux parler trois ou quatre langues à l’âge de dix ans. Les classes présentent ainsi une grande hétérogénéité linguistique, en raison de la diversité des langues de première socialisation des élèves et des autres langues acquises au contact des cercles amicaux ou des environnements familiaux (Léglise, 2013 ; Alby et Léglise, 2016). La non-prise en compte de ce multilinguisme et du plurilinguisme des élèves, et plus généralement la non-adaptation des programmes,9 ont ainsi été identifiées comme deux des facteurs permettant d’expliquer le fort taux d’échec scolaire du département10 faisant de celui-ci l’avant-dernier territoire français dans ce domaine, juste après Mayotte. Ainsi, quasiment toute la Guyane est classée comme « zone à risque d’échec scolaire »11. Si les caractéristiques sociales des familles sont avancées comme facteur explicatif majeur de cet échec scolaire12 (voir également l’article d’Hugo Bréant, ce numéro), il n’en reste pas moins que depuis près de 50 ans, les travaux de recherche insistent sur le rôle joué par l’inadaptation de l’enseignement au contexte guyanais (voir Alby et Léglise [2007] pour une présentation des arguments dans ce domaine). De ces travaux ont découlé des propositions concrètes en matière d’enseignement bilingue pour une partie de la population. En parallèle, depuis le début des années 2000 ont émergé des propositions s’inspirant de la didactique du plurilinguisme et de la comparaison des langues visant à prendre en compte les caractéristiques des langues de tous les élèves dans l’enseignement (voir notamment les articles de Daure et Alby, ce numéro). Force est de constater que le paysage éducatif guyanais actuel est l’héritier de différentes actions militantes ayant permis à certains locuteurs de voir leurs langues introduites à l’école tandis que d’autres sont laissés pour compte. Le créole guyanais est la seule langue ayant obtenu une reconnaissance officielle par le ministère de l’Éducation nationale en tant que « langue vivante régionale » (désormais LVR). Ses locuteurs peuvent ainsi bénéficier de l’ensemble des dispositifs prévus pour l’enseignement des LVR. Les autres langues de France (kali’na, palikur, teko, wayana, wayampi, nenge(e) tongo, hmong) sont des langues d’enseignement à côté du français, dans le cadre de dispositifs expérimentaux : elles sont enseignées dans le cadre du dispositif Intervenants en Langues Maternelles (ou ILM, relevant d’un bilinguisme de transition vers le français) et cinq langues bénéficient du dispositif des classes bilingues à parité horaire (créole, nenge(e) tongo, kali’na, hmong, parikwaki). Quant aux autres langues parlées par la population scolarisée, aucun dispositif spécifique n’est proposé (à l’exception du portugais13). Leur prise en compte relève ainsi de la bonne volonté des enseignant.es, d’initiatives individuelles qui selon les cas peuvent être plus ou moins appuyées par l’institution. S’opère ainsi, à l’échelle du territoire, une hiérarchie entre les langues parlées par les élèves et, partant, entre les élèves eux-mêmes, productrice de nouvelles inégalités scolaires (Alby et Léglise, 2014).

3.2. Dispositifs existants

  • 14 « Créole » regroupe toutes les langues créoles à base lexicale française reconnues comme langues ré (...)

18Le créole, seule langue reconnue comme langue régionale par le ministère de l’Éducation nationale a d’abord été enseigné comme LVR à raison de 3 h par semaine à partir de 1986, il est progressivement devenu option au bac, au concours du professorat des écoles puis a été proposé au CAPES et enfin à l’agrégation « créole »14. Depuis 2008, il est également enseigné dans le cadre des classes bilingues créole guyanais-français à parité horaire. Il convient de noter que l’introduction du créole comme LVR dans l’académie - et pour les classes bilingues - a précédé son apparition dans les textes de l’EN listant les langues concernées. Le militantisme du corps enseignant a joué un rôle non négligeable dans ce domaine. Ce militantisme a débuté dans les années 1950 où la prise de conscience des inégalités de traitement administratif entre enseignant.es créoles et enseignant.es métropolitain.es a eu pour conséquence « un sentiment d’appartenance créole que les enseignants créoles guyanais décrivent comme émancipateur » (Maurice, 2014 : 163). Il en a résulté une réflexion sur la question de l’adaptation au contexte guyanais focalisée sur la place de la langue et de la culture créole à l’école qui a abouti dans les années 1980 aux débuts de son enseignement en grande partie sous l’impulsion de l’association d’enseignant.es Rakaba (Migge & Léglise, 2010). Le fait d’avoir des enseignant.es, conseiller.ères pédagogiques et des inspecteur.rices locuteur.rices de ces langues a très certainement grandement facilité l’arrivée de cette langue à l’école. Elle bénéficiait également d’une trentaine d’années de recherche du Groupe d’Études et de Recherche en Espace Créolophone (GEREC). L’introduction à l’école guyanaise d’autres langues locales, qui date de la fin des années 1990, a pu s’appuyer sur ces premiers travaux et sur la présence de linguistes sur le terrain (Goury et al. 2000) mais également sur le constat que “les autorités académiques se trouvaient face à une situation d’échec scolaire préoccupante, la plus forte enregistrée en France, Outre-mer compris, et un désarroi des professeurs d’école face à un public d’élèves pour lequel leur formation (ou absence de formation) ne les avait pas préparés. Ils étaient désormais en quête de nouvelles solutions.” (Migge et Lescure, 2009 : 59). L’inscription de ces langues dans le Rapport Cerquiglini qui a établi une liste de langues de France susceptibles d’être reconnues comme langues minoritaires, au sens de la Charte européenne, a constitué un argument supplémentaire (Hébrard, 2000). C’est dans ce contexte favorable qu’a été créé le dispositif des Médiateurs culturels et bilingues (MCB, aujourd’hui Intervenants en Langues Maternelles, ILM) qui reste à ce jour expérimental étant donné que les langues concernées par ce dispositif ne sont pas mentionnées dans la loi Molac du 21 mai 2021. Il en va de même pour le dispositif des classes bilingues à parité horaire mis en place en 2017 qui concerne une partie de ces langues.

19La prise en compte des autres langues parlées par les élèves est laissée à l’entière volonté des personnels enseignants. Les seuls dispositifs institutionnels existants sont les UPE2A dont la visée principale est l’acquisition du français dans le but d’amener les élèves à poursuivre leur scolarité dans une classe ordinaire. Il s’agit ainsi d’un dispositif compensatoire et dont la visée est clairement assimilationniste. Les initiatives en faveur du développement des approches plurilingues datent quant à elles de la fin des années 1990, elles ont conduit à la mise en place d’actions de formation initiale et continue, mais sans véritable impact sur le terrain.

20On comptabilise pour l’année 2023-2024 132 classes bilingues15 à parité horaire pour l’académie de Guyane, soit environ 2600 élèves concerné.es par ces dispositifs sachant qu’environ 90 000 élèves sont scolarisé.es dans le premier degré. Ils représentent donc environ 3 % de la population scolarisée.

21L’ensemble des classes bilingues pour 2023-2024 se répartit ainsi :

Tableau 2 : Classes bilingues en Guyane (2023-2024)

Langues

Écoles

Classes

Zone géographique

créole guyanais

10

45

Cayenne, Matoury, Macouria, Kourou

nenge(e) tongo

8

71

Mana, SLM, Apatou, Papaïchton

kali’na

1

5

Awala-Yalimapo

hmong

1

8

Javouhey

parikwaki

1

1

Saint-Georges de l’Oyapock

portugais

1

2

Saint-Georges de l’Oyapock

22À cela s’ajoutent les propositions d’enseignement de la LVR créole d’une part (environ 600 élèves dans le second degré, majoritairement au lycée, seulement 75 au collège (Brisset 2020), et le dispositif des ILM d’autre part (environ 3000 élèves pour l’année 2019-2020 selon Brisset (2020). On arrive ainsi à 5 600 élèves touchés par ces dispositifs, soit uniquement 6 % de la population scolarisée.

3.3. Développement à l’INSPE de cursus de formation de formateurs

23C’est à partir des années 2000 que s’est progressivement développée à l’IUFM une offre de formation prenant en compte le multilinguisme guyanais et le plurilinguisme de ses élèves. Avant cela, l’IUFM n’abordait cette question que sous l’angle, chronologiquement, du FLE et du FLS. Sous l’impulsion d’une équipe de linguistes du CELIA (désormais UMR SeDyL) au laboratoire des sciences sociales de l’IRD Cayenne, des ateliers de sensibilisation aux caractéristiques linguistiques des langues des élèves et d’initiation à ces langues ont d’abord été proposés. Par la suite, dans le cadre de la création d’une équipe de recherche interne (ERTé RAFEG) et d’une collaboration avec Michel Candelier et des chercheurs du projet EvLang, l’équipe pédagogique (enseignants de français, de LVE/LVR et de sciences du langage, PEMF) a ouvert ses enseignements à la didactique du plurilinguisme. La réflexion s’est poursuivie au fil du temps et des réformes. La situation actuelle est la suivante : une UE est spécifiquement dédiée à cette question dans le master MEEF premier degré à chaque semestre (« Connaître les cultures et les langues des élèves pour mieux communiquer et mieux vivre ensemble ») pour un total de 64 h de cours. Cette UE se décompose chaque semestre en deux matières : « Connaître le contexte guyanais pour enseigner » (« Pluralité sociolinguistique et culturelle », « Éducation plurilingue et approches interculturelles », « Didactique de l’enseignement en milieu plurilingue », « Didactique du plurilinguisme »). La deuxième matière distingue deux profils et vise deux objectifs : un objectif d’initiation à certaines langues régionales (créole guyanais, nenge(e) tongo et kali’na) et un objectif de montée en compétence des étudiants locuteurs de ces langues afin qu’ils puissent préparer une habilitation à les enseigner proposée par le Rectorat (la visée est qu’ils puissent ensuite se projeter sur des postes dans des classes bilingues).

3.4. En guise de conclusion

24Ainsi, des dispositifs innovants ont vu le jour ces dernières décennies en Guyane pour inclure une partie des langues des élèves – pour la plupart non-locuteurs du français lorsqu’ils arrivent à l’école. Par ailleurs, alors que l’on constatait, il y a vingt ans, que la majeure partie des enseignants était extérieure au territoire et n’avait aucune connaissance des particularités linguistiques et culturelles de la population scolarisée (Puren 2007), la situation a évolué pour laisser la place à des formations, à l’INSPE de Guyane, présentant la diversité linguistique et culturelle guyanaise, insistant sur la didactique du plurilinguisme, et permettant à des étudiants locuteurs des langues locales de préparer une habilitation pour enseigner dans certaines classes bilingues.

25On se rend compte toutefois que les dispositifs existants sont fragiles en particulier en raison de leur caractère « expérimental », qu’il faut sans cesse argumenter – en montrant qu’ils sont importants pour acquérir le français – pour les voir perdurer, qu’ils ne touchent finalement qu’une petite partie des élèves (6 %) et qu’ils visent un bilinguisme de transition où seul le français est la langue durablement soutenue.

4. Kanaky – Nouvelle-Calédonie par Wayuoné Eddie Wadrawane

4.1. Situation sociolinguistique

26En Kanaky - Nouvelle-Calédonie, 28 langues vernaculaires sont parlées actuellement par près de 75 853 locuteurs concentrés sur un territoire d’une superficie totale d’environ 19 058 km2. Elles se diversifient elles-mêmes en plusieurs variantes dialectales. L’Académie des Langues Kanak (désormais ALK) reconnaît 40 langues et dialectes répartis de la manière suivante : 28 langues, 11 dialectes et 1 créole (le tayo de Saint-Louis). La moitié de ces langues sont en danger d’extinction d’après l’UNESCO. Aujourd’hui la singularité linguistique de Kanaky-Nouvelle-Calédonie n’est plus à mettre en évidence. La carte ci-dessous de l’Isee (Carte 1) montre la répartition géographique de ces langues parlées de l'extrême nord à l'extrême sud, celles des versants Ouest et Est ainsi que celles des quatre îles Loyauté (Nengoné, Drehu, Toka-nod et Iaai).

Illustration 1 : ISEE - Département Démographie et Enquêtes. Les langues kanak. ATLAS démographique de la Nouvelle-Calédonie 2014

Illustration 1 : ISEE - Département Démographie et Enquêtes. Les langues kanak. ATLAS démographique de la Nouvelle-Calédonie 2014

Crédit et source : Vice-rectorat de Nouvelle-Calédonie.

27Les travaux scientifiques donnent cependant quelques précisions sur le répertoire langagier des élèves (Colombel et Fillol, 2009 ; 2011) et sur leur situation linguistique parfois paradoxale et leur compromis en matière de langue et culture.

4.2. Contexte éducatif : bribes d’histoires autour des langues et des cultures kanak

28En 1863, l’arrêté du 15 octobre proclame le français langue officielle et de scolarisation et interdit l’étude des « idiomes calédoniens ». En 1921, les langues kanak sont toujours interdites de publication et les autochtones sont dans l’obligation d’être scolarisés dans leurs tribus. Ce n’est qu’à la suppression du régime de l’indigénat en 1946 que le droit est offert aux autochtones de fréquenter les écoles publiques en dehors des tribus. La volonté d’assimilation demeure la seule voie d’émancipation. En effet, alors qu'ils sont jusque-là cantonnés aux écoles indigènes des tribus ou aux écoles confessionnelles (catholiques et protestantes), leur intégration dans ce nouvel espace ne s’est pas réellement accompagnée d’adaptation des programmes d’enseignement. Quelques outils ont été adaptés à l’exemple du livre de géographie de la Nouvelle-Calédonie et des îles Loyauté rédigé en 1959 par le professeur et ministre Jean Le Borgne ou encore l’ouvrage d'André Davesne - Mamadou et Bineta – que les petits Africains utilisent pour l’apprentissage de la lecture.

29Il a fallu attendre le soulèvement culturel et politique kanak survenu dans les années 1970 et la montée progressive des partis indépendantistes organisés autour de la revendication identitaire et culturelle, pour que l’enseignement des langues kanak prenne de l’importance. L’année 1984 marque l’abrogation des dispositions interdisant l’usage des langues kanak à l’école et dans les publications. Des militants kanak sont emprisonnés pour avoir rédigé des tracts politiques en langues locales. La colère continue de gronder d’une manière exponentielle. Les “événements” de 1983 et 1984 marquent le paroxysme d’une lutte ouverte pour l’indépendance du pays. Les travaux des sociologues Kohler et Wacquant dénoncent l’inadéquation entre le curriculum national appliqué en Nouvelle-Calédonie et les réalités du pays kanak (Kohler et Wacquant, 1985). La création des Écoles Populaires Kanak (désormais EPK) en 1985 par les partis indépendantistes va tenter de contraindre l'État français et ses partisans locaux à adapter le système scolaire en place. La connaissance des élèves aux traits particuliers (Gauthier, 1996) devient nécessaire.

  • 16 Clanche Pierre. Un aspect du métier d'élève chez le jeune enfant Kanak : écouter, comprendre, faire (...)
  • 17 La délibération n° 265 datant du 17 janvier 2007, officialise la mise en place de l’Académie des la (...)

30Les accords de Matignon-Oudinot en 1988 amorcent officiellement la reconnaissance des langues kanak. Par extension de la loi Deixonne, en 1992, on reconnait le drehu, le paicî, l’a’jië et le nengone comme langues en option au baccalauréat. Ces langues seront enseignées à l’Université́ de la Nouvelle-Calédonie (désormais Unc) grâce à l’Accord de Nouméa signé en 1998 qui porte la création de la filière Langues et Cultures Régionales, conformément aux dispositions stipulant que « les langues kanak au même titre que le français seront désormais des langues d’enseignement et de culture ». Pierre Clanché (1999) contourne la position des sociologues Kohler et Wacquant. Il s’intéresse au processus de transmission culturelle autochtone. Il cherche à comprendre comment le milieu16 transmet les connaissances coutumières. Viendront ensuite les recherches sociolinguistiques et psycholinguistiques (Nocus, 2007 ; Salaün, 2005 ; Vernaudon, 2013 ; Fillol et Colombel, 2009) qui accentueront les questionnements entre les culture, langues kanak et l’enseignement. En 2007, l’ALK17 voit le jour et crée différents outils.

4.3. Dispositifs des 1er et 2nd degrés

31L’expérimentation ECOLPOM de 20 032 004 a donné le coup d’envoi de l’enseignement des langues kanak dans le premier degré en Nouvelle-Calédonie (Salaün, 2011a). Elle a permis de valider l’enseignement de langues kanak à hauteur de 7 heures hebdomadaires en cycle 1 et 5 heures en cycle 2 et cycle 3. Cet enseignement est soumis à la volonté des parents. Concernant la formation des enseignants, le concours du Professorat des Écoles (PE) et des Instituteurs spécialité LK est créé en 2006. Le professorat est masterisé depuis 2020 à l’INSPE de l’Université de la Nouvelle-Calédonie tandis que l’Institut de Formation des Maîtres de la Nouvelle-Calédonie (IFMNC), entré dans le giron de l’UNC, propose désormais un Diplôme Universitaire de grade Licence sur 3 ans. Dans le second degré, le CAPES de Langue Kanak, en place depuis 2020, propose 2 modalités, l’une interne (monovalent) et l’autre externe (bivalent avec 5 disciplines au choix pour la valence). Il était assuré jusque-là par des maîtres-auxiliaires dont le contrat est renouvelé chaque année.

32Le Service de l'enseignement des langues et de la culture kanak (désormais SELCK) logé dans les locaux du vice-rectorat de Nouméa fournit des également des outils, mis à la disposition des enseignants (Wadrawane, 2024), comme la Carte 2 qui localise par établissement l’enseignement des langues kanak en 2024. Les différents collèges, lycées professionnels du public et du privé sous contrat, implantés sur la Grande-Terre et les îles Loyauté, bénéficient de cet enseignement. 

Ilustration 2 : Dispositifs d’enseignement des langues kanak dans le 2d degré de la Nouvelle-Calédonie

Ilustration 2 : Dispositifs d’enseignement des langues kanak dans le 2d degré de la Nouvelle-Calédonie

Crédit et source : Vice rectorat de Nouvelle-Calédonie.

  • 18 Penc, 2016. Délibération n° 106 du 15 janvier 2016 relative à l’avenir de l’école calédonienne. En (...)

33Le Projet éducatif de la Nouvelle-Calédonie, voté par le congrès le 15 janvier 2016, a pour ambition de donner une identité calédonienne à l’école. L’un de ses piliers18 est l’enseignement obligatoire des Éléments Fondamentaux de la Culture Kanak (désormais EFCK) proposés dans le premier et second degré à hauteur de 30 minutes hebdomadaires. Bien que les programmes en vigueur ne soient pas du tout éloignés de ceux de l'hexagone, ce projet tente de donner une touche locale en essayant de donner de la visibilité à l’endémicité (Leblic, 2018 ; Wadrawane, 2022) et les EFCK deviennent des objets de création de connaissances transversales (Minvielle, 2022). Six EFCK sont inscrits au programme des enseignements obligatoires du primaire au secondaire : « le clan, la personne, la case, la terre et l’espace, l’igname, la langue et la parole ».

34Introduire progressivement ces éléments de contextualisation dans les enseignements permet d’une part d’inciter les stagiaires en formation à porter un regard constructif, réflexif et critique sur les ressources des cultures kanak et océanienne. D’autre part, cela permet de voir comment transférer (via le principe de la transposition didactique) certains modes particuliers d’apprentissage des savoirs autochtones aux contextes dits académiques. Mais encore, de favoriser leur exercice d’une façon pluridisciplinaire pour habituer l’élève à manipuler intelligemment les objets de son monde.

35Des travaux scientifiques sur les langues et les savoirs autochtones (Wadrawane, 2008 ; 2017; 2023 ; 2024), toujours en cours, préconisent méthodologiquement la transposition didactique pour tenter d’articuler deux cultures et deux formes de savoirs au sens académique. Des initiatives sont menées en vue d’améliorer les modes de transmission et la construction d’outils didactiques. Par exemple en province des îles, le centre de Hnëxujia expérimente des séquences pédagogiques utilisant la culture de l’élève comme point d’appui. De nombreuses expériences ont été menées en apprentissage des mathématiques (Waminya, 2011). Les travaux de Lavigne ont également permis d’éclairer davantage les questions de transposition didactique dans cette discipline (2012). Toutefois, ces travaux de recherche ne sont que très peu accessibles. 

  • 19 Le vice-rectorat aurait annoncé la venue d’un inspecteur général des langues régionales très procha (...)

36Le manque d’outils et d’encadrement se fait toutefois grandement sentir. Lors du conseil partenarial de l’année 2024 entre SELCK, vice-rectorat et gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, une demande a été formulée pour avoir un inspecteur19 pour contrôler ces enseignements. Comme le montre le tableau 3, le traitement des langues kanak n’est pas égalitaire entre les trois provinces, et l’enseignement et l’apprentissage des langues kanak est toujours soumis à l’appréciation des parents dans certaines provinces. Toutefois, le SELCK note que les effectifs d’élèves bénéficiant de ces enseignements sont en augmentation.

Tableau 3 : Effectifs élèves en langue kanak dans le premier degré (2022-2023)

Tableau 3 : Effectifs élèves en langue kanak dans le premier degré (2022-2023)
  • 20 Ces données chiffrées proviennent de la direction de l’Inspé-Unc que nous remercions.

37En 2023, 4655 élèves du 1er degré (soit 18 %) bénéficient de l’enseignement de 13 langues kanak20. En 2024, 63 523 élèves sont répartis dans les différents établissements du privé et du public de la Nouvelle-Calédonie, et selon les sources du conseil partenarial, 28 000 élèves sont inscrits en enseignement en langues, soit 16 % des élèves au premier degré. Le tableau 4 présente un état des lieux de 2024 dans le second degré fourni par le SELCK. 17 % des collégiens (2683 collégiens) profitent de l’enseignement de 12 langues kanak La langue drehu reste néanmoins majoritairement enseignée dans les établissements du second degré. Au lycée, 3 langues kanak, qui peuvent être choisies au baccalauréat, sont enseignées à 453 élèves, soit à 7 % des effectifs.

Tableau 4 : Langues kanak enseignées au collège (2024)

Tableau 4 : Langues kanak enseignées au collège (2024)

38Malgré cette évolution, nous constatons toujours un manque crucial de personnel enseignant qualifié en langues kanak (par exemple, en 2022-2023, sur les 62 enseignants de langues kanak au collège, seulement 5 sont certifiés en drehu, 3 en nengone, 1 en paici et 1 en a’jië). Si plusieurs langues sont enseignées, leur multiplicité et le manque de personnels posent d'énormes problèmes pour les scolaires et ceux qui sont en formation à l’lnspé-Unc. Il est toujours difficile de répondre au besoin croissant du secteur de l’enseignement des langues et cultures kanak. D’autant qu’en cette année 2024, certains candidats inscrits en master et en préparation du concours de professeur des écoles n’ont pas eu d'enseignement en langues kanak faute d’enseignants formateurs. L’Union du groupement des parents d’élèves (UGPE) estime par ailleurs que l’horaire accordé aux enseignements culturels et linguistiques, de 18 h annuelles, est dérisoire et que ces heures réservées sont parfois utilisées autrement (UGPE, 2017, sources : NC1ère).

4.4. En conclusion

39En conclusion, nous pensons que le patrimoine kanak, en tant qu’élément d’une civilisation ancienne - Austronésienne - de l’humanité, doit être au centre du dispositif comme prévu par l’Accord de Nouméa. La perpétuation de son histoire civilisationnelle doit s’implanter dans les institutions du pays en devenir. En ce qui concerne les diplômes, l’Insee souligne qu’en « 2019, 32 % des 25-64 ans n’ont aucun diplôme ou seulement le brevet des collèges, 24 % possèdent comme plus haut diplôme un CAP ou un BEP, 19 % un baccalauréat (général, technologique ou professionnel) et 25 % sont diplômés de l’enseignement supérieur. Le niveau d’éducation s’élève au fil des générations. En 1989, 58 % des 25-64 ans étaient sans diplôme ; trente ans plus tard, ils sont près de deux fois moins nombreux. En 2019, 28 % des jeunes âgés de 25 à 34 ans ont un diplôme du supérieur, contre 19 % des personnes âgées de 55 à 64 ans. Les femmes sont davantage diplômées du supérieur que les hommes (27 %, contre 24 %), surtout chez les jeunes (32 %, contre 23 %). » L'inefficacité des appareils de formation au niveau du pays, mais surtout l’inadaptation de l’école produit une société qui fabrique des inégalités sociales dès le plus jeune âge.

  • 21  Intervention de quelques jeunes lors de la restitution de données d’enquêtes du « Collectifs pays  (...)

40Les derniers événements du 13 mai 2024 nous rappellent que dorénavant le développement devra tenir compte de cette population demeurée longtemps “en marge ou aux marges” de la société calédonienne. La jeunesse kanak et océanienne désœuvrée, paradoxalement sans qualifications, mais aussi diplômée, y a montré sa capacité à affaiblir et contester socialement les pouvoirs centraux. Plusieurs contestataires réclament une véritable contextualisation de l’institution scolaire. Par exemple, l’enseignement21 de l’histoire du pays n'est pas assez développé. La généralisation obligatoire et l’augmentation des horaires d’enseignement en et de la langue ainsi que de la culture constituent la clé d’une meilleure compréhension et harmonie sociale ainsi que sociétale. Le projet éducatif de la Nouvelle-Calédonie souligne dans l’une de ses ambitions : ”Valoriser l’enseignement de la culture et des langues kanak”.

5. Mayotte par Fanny Dureysseix et Lavie Maturafi

5.1. Situation sociolinguistique du territoire et contexte scolaire

41Mayotte, petite île de l’océan Indien, se distingue par sa diversité linguistique qui est le reflet d’une longue histoire de migrations et d'échanges culturels. Véritable carrefour de langues issues de familles linguistiques variées, l'île témoigne de la diversité des peuples qui l'ont habitée et influencée au fil des millénaires. Les deux langues considérées comme autochtones et devenues langues régionales de France en 2021 (Loi « Molac ») sont le shimaore, une langue bantoue comme le kiswahili, et le kibushi, une langue malayo-polynésienne, comme le malgache ou encore le tagalog aux Philippines. Ainsi, si les origines du shimaore (Rombi, 1983 ; Madi, 2005 ; Cassagnaud, 2007 ; Johasen, 2009 ; Maturafi, 2019 ; Brandon, Brandon et Dureysseix, 2024) proviennent des migrations depuis la côte orientale de l’Afrique durant le premier millénaire, celles des deux variétés de kibushi (kisakalava et kiantalautsi) sont beaucoup plus éloignées et témoignent de l’arrivée à partir du viie siècle de navigateurs depuis l’océan Pacifique. Toutefois, les communautés kibushiphones sont principalement issues de vagues migratoires malgaches vers l’Archipel des Comores durant la première moitié du xixe siècle (Allibert, 2007 ; Gueunier, 2016 ; Condro et Dureysseix, 2024).

42Au xe siècle, l’islamisation progressive de l’Archipel des Comores, dont Mayotte fait partie géographiquement, introduit dans les pratiques une langue sémitique, l’arabe. Principalement utilisé à des fins liturgiques, l’arabe continue d’être enseigné sous sa forme écrite au sein du réseau villageois d’écoles coraniques (shioni et madrass) encore présent aujourd’hui. Il sert aussi ponctuellement lors de chants et célébrations religieuses. Son alphabet modifié (ajout de graphies et de signes diacritiques pour une représentation précise de sons propres aux langues régionales de Mayotte) sert à transcrire des écrits informels et formels (correspondance, notes, affiches publicitaires ou d’information publiques) (Anli, 2009 ; Maturafi, 2019 ; Dureysseix, 2025, à paraître). La pratique orale de l’arabe est très peu répandue, mais il est toutefois enseigné comme langue étrangère au collège et au lycée.

43Le français, une langue indo-européenne introduite lors de l’époque coloniale (1841-1975), est principalement une langue de scolarisation, bien qu’elle soit la langue officielle depuis le traité de cession en 1841. Ainsi, une majorité des élèves la découvre et l’acquiert à leur entrée en maternelle, même si ces trente dernières années un changement de langue s’opère dans certaines familles qui font le choix de l’usage du français au sein du foyer. Il y a quatre décennies, l’INSEE (1985) déclarait que seuls 10 % de la population étaient francophones, ce qui faisait de la francisation de Mayotte un enjeu de taille pour la République française. Le développement récent du système éducatif explique ce retard, mais également l’augmentation constante de l’usage du français sur l’île, y compris dans les foyers mahorais. Aujourd’hui, deux langues prédominent dans les usages : le français et le shimaore. Une enquête sur les pratiques culturelles de l’INSEE (réalisée en 2019 et publiée en 2022) déclare en effet que près de 80 % de la population mahoraise « maîtrise » le shimaore. Le kibushi est donc minoritaire aux plans linguistique, territorial (il est implanté dans seulement 19 des 72 villages de l'île, tandis que le shimaore, plus répandu, est renforcé par des variétés influencées par les langues des îles d’Anjouan et de La Grande-Comore), politique et médiatique : le journal de 19 h, ainsi que les émissions culturelles comme « Kala oi dala » diffusées sur la chaîne Mayotte La 1ère, sont en effet proposés uniquement en français et en shimaore. Quant au shimaore, il est sujet à des hybridations linguistiques continues en raison du contact avec d'autres langues, ce qui donne naissance à des variétés telles que le « shimahozungu » (shimaore-français) ou le « shikombani » (shimaore-shingazidja [Maturafi, 2019]).

44À ce kaléidoscope linguistique s’ajoutent les langues de l’archipel des Comores (shindzuani de l’île d’Anjouan à 70 km des côtes septentrionales de Mayotte, shingazidja de La Grande Comore et shimwali de l’île de Mohéli) dont la présence est majoritaire dans certains villages de l’île, en particulier au nord-est. Plus largement, des langues de la région indo-océanique et de l’est de l’Afrique sont aussi présentes à Mayotte, en particulier le malgache, le créole réunionnais et de manière croissante, celles des migrants de l’Afrique des Grands Lacs.

45L’école de la République, bien qu’officiellement monolingue en français, accueille donc au quotidien des élèves souvent biplurilingues dont les langues premières peuvent être l’une des langues régionales (shimaore et kibushis), la langue officielle (français) ou des langues communautaires et/ou migratoires (shinzwani, shingazidja, shimwali, malgache, hindi, créole réunionnais et plus récemment kikongo, kinyarwanda, etc.). La question de l’apprentissage et de l’acquisition de la langue de l’école, le français, par les élèves mahorais n’a pas manqué d’interpeler les chercheurs et les acteurs de l’éducation. Les premiers travaux (Ibrahim, 1980 ; Rombi, 1983) datent de la période postcoloniale, à partir de 1975, moment du maintien par référendum de Mayotte en France à l’indépendance des Comores. Ils coïncident avec le déploiement de l’école à Mayotte. Ensuite, une série de travaux vient documenter la situation sociolinguistique et les expérimentations dans les classes : Maandhui, 1997 ; Rombi, 2003 ; Verdelhan-Bourgade, 2005 ; Barreteau, 2006 ; Laroussi, 2006, 2007, 2011 et 2016 ; Cassagnaud, 2007a, b et c et 2010 ; Mbon, 2011 ; Said, 2017 ; Biaux-Altmann, 2019 ; Maturafi, 2019 ; Sciandra, 2019 ; Brisset, Durand et Bernabé, 2020 ; Dureysseix, 2020 et 2022 ; Maturafi et Dureysseix, 2021 ; Mori, 2021, Dureysseix, 2025, sous presse.

46Pour autant, aucune étude sociolinguistique fine et récente ne permet une cartographie sociolinguistique précise des langues parlées par village ou par école. Pour le Vice-Rectorat puis Rectorat (depuis 2020) de Mayotte, le prisme des difficultés dans la maîtrise du français gouverne les initiatives : dispositifs pour petits lecteurs et scripteurs dans certains collèges, plan « dire, lire, écrire » au primaire, introduction d’un manuel de lecture unique pour tout le territoire en 2023, expérimentations bilingues dans quelques classes de maternelle, etc. Bien que l’allophonie ou la faible francophonie de la majorité des enfants à leur entrée à l’école soient reconnues par les acteurs éducatifs, persiste la crainte que donner une place significative aux langues des élèves dans les classes puisse nuire à leur progression en français.

47Une singularité distingue Mayotte des autres contextes ultramarins et français : l’élève suit une double scolarisation en raison de la religion (très large majorité de la population de confession musulmane et pratiquante). Ainsi, dans sa deuxième école (shioni ou madrass), l’élève n’apprend jamais en français : les enseignements se font dans la langue du quartier et de la communauté (shimaore, kibushi, shindzuani, malgache…). Pour les enfants à l’école coranique comme pour les adultes à la mosquée lors de l’exégèse du Coran, la communication et la transmission de la majorité des savoirs se font en langues autochtones. En effet, les savoirs en arabe se limitent au déchiffrage à l’écrit afin de savoir réciter. Les pratiques religieuses participent donc au maintien des pratiques linguistiques orales en langues autochtones (Cosker, 2017 ; ICREM, 2019 ; Dureysseix, 2025). Il y a toutefois une rupture forte entre ces deux lieux de socialisation et de scolarisation puisque quasiment aucun pont ou transfert n’est fait entre les deux écoles : pour l’élève, le savoir-apprendre développé dans sa langue à l’école coranique n’est pas mis à profit à l’école républicaine.

5.2. Dispositifs existants

48En 2020, l’Éducation nationale constate son désinvestissement en matière de prise en charge de l’allophonie des élèves à Mayotte : au sujet des expérimentations des 20 dernières années, trois inspecteurs de l’Éducation nationale, auteurs d’un rapport officiel, déclarent ainsi qu’« aucune n’a été véritablement suivie et évaluée dans la durée, ce qui explique l’absence de structuration d’un enseignement de ces langues premières » (Brisset, Durand et Bernabé, 2020 : 35). En ce sens, Mayotte est en décalage par rapport à d’autres contextes ultramarins : quand en Guadeloupe les écoliers apprennent le créole avec des enseignants formés dans cette langue à un niveau bac+5 (CAPES en créole), à Mayotte, le Rectorat a initié des expérimentations et dispositifs, en s’appuyant sur des universitaires, mais sans parvenir à une formalisation. Ainsi, à partir de 2014, un dispostif (dit de “bilinguisme transitif”) est mis en place dans une dizaine d’écoles maternelles. L’accueil des élèves y est supposément bilingue avec deux enseignants par classe, l’un prodiguant l’enseignement en langue régionale (shimaore en majorité), l’autre en français. Toutefois, l’évaluation de ce dispositif en 2021 par Maturafi (postdoctorante) et Dureysseix (enseignante-chercheuse à l’Université de Mayotte) a montré que la quasi-absence de suivi institutionnel, de formation, d’accompagnement pédagogique et d’évaluation des élèves a conduit à sa dissolution progressive. Ainsi, seule une école proposait en 2021 un accueil bilingue en petite section grâce à l’implication de la directrice de l’établissement et de l’enseignante shimaoréphone de petite section. L’objectif en filigrane est la francisation des enfants mahorais (Verdelhan-Bourgade, 2005 ; Laroussi, 2005 ; 2006 ; 2009 ; 2011 ; Cassagnaud, 2007c ; Mbom, 2011 ; Bracieux, 2023). Les dispositifs se sont appuyés sur trois grands principes :

  1. accueillir les élèves dans leur langue (mais seulement en shimaore et en kibushi) ;

  2. viser le transfert des savoirs acquis en langue première vers la langue seconde (français) ;

  3. permettre une approche bilingue des apprentissages.

49Les deux états des lieux des dispositifs (Brisset, Durand et Bernabé, 2020 ; Maturafi et Dureysseix, 2021) préconisent pour commencer ce qui fait toujours défaut pour passer a minima à des classes bilingues dans l’ensemble des écoles maternelles, voire, à terme, à un enseignement officiel du shimaore et du kibushi comme du tahitien en Polynésie : des ressources et outils pédagogiques plurilingues, former les enseignants, planifier et mettre en place des suivis de cohortes… Actuellement, seule une école maternelle a maintenu le dispositif existant avec l’appui de Maturafi, postdoctorante à l’Université de Mayotte, et Bracieux, étudiante de Master 2 en didactique effectuant son stage au sein de cette école (Bracieux, 2023). Un accueil des élèves et une programmation bilingues sont en place dans certaines classes de petite section. Les outils développés ont été enrichis et sont en voie de formalisation. Ce dispositif se centralise sur la production de supports pour les élèves et pour les enseignants (lexique quadrilingue, livret d’accueil, séquences pédagogiques et traduction d’albums, de chansons et de comptines) et la sensibilisation des acteurs éducatifs (conseillers pédagogiques, directeurs d’écoles, enseignants, ATSEM, parents). Enfin, de jeunes chercheurs (Risetto, thèse de doctorat en cours) ou des professeurs des écoles en formation (Amana, 2021 ; Abdoulkarim, 2021) observent et testent des gestes professionnels et outils plurilingues en classe.

5.3. Formation de formateurs et initiatives innovantes

50Priolet et Salone (2021) débutent leur chapitre consacré aux étapes de mise en place de la formation des enseignants des écoles à Mayotte par un retour sur la cérémonie de remise de diplôme en juin 2019 de la première promotion d’enseignants formés à un niveau master sur l’île. Ils qualifient ce moment d’historique : il est en effet le signal d’un rattrapage en matière de formation des enseignants par rapport aux autres départements français. La revue des travaux traitant de la formation enseignante à Mayotte montre en effet un décalage conséquent avec l’hexagone, notamment pour le niveau de recrutement des enseignants : recrutement au niveau du certificat d’école primaire (CM2) en 1975 ; au niveau 3e à partir de 1978 et de l’ouverture d’un cours normal ; au niveau baccalauréat à partir de 1983 ; au niveau bac+2 à partir de 2005 ; enfin au niveau bac +5 à partir de 2017 et de la mise en place du Master MEEF, avec toutefois un concours d’entrée dérogatoire (Ibrahim, 1980 ; Eyrard, 1990 ; Ringard, 2014 ; Archives départementales de Mayotte, 2017 ; Priolet et Salone, 2021, Dureysseix, 2022 ; Dureysseix, 2025, sous presse). Dans ce contexte, la prise en charge des élèves allophones en formation n’a eu que trop peu de place. Aujourd’hui, l’INSPE intègre encore timidement cette question puisqu’elle est soumise aux impératifs programmatiques de l’éducation nationale et à la transposition du modèle monolingue : une contextualisation partielle de la formation est proposée avec une prise en compte des spécificités de l’enseignement du français en contexte plurilingue, comme le montre Dureysseix, enseignante-chercheuse au sein de la formation MEEF 1er degré de l’Université de Mayotte (2020 et 2022), ou la mise en place d’un dispositif innovant, celui des « œuvres coopératives » de Salone (2019). Dans le cadre du Plan académique de formation du Rectorat, le CASNAV propose des modules de formation continue en didactique du français langue étrangère et seconde. Un paradoxe réside dans la transposition du CASNAV à Mayotte : à l’image de ceux de l’hexagone, il a pour public les enfants nouveaux arrivants. Or être un élève allophone ou francophone débutant n’est pas l’apanage des seuls enfants migrants à Mayotte. Les compétences et gestes professionnels attendus en didactique du français langue étrangère et seconde pour les enseignants et formateurs du CASNAV sont ceux qui devraient être maîtrisés par le corps enseignant, en particulier à la maternelle et au primaire où « se joue » l’entrée dans l’écrit. L’Académie encourage la préparation de la certification FLS (français langue seconde) pour les enseignants du primaire et du secondaire. En complément il faut renforcer l’enseignement de la didactique du FLS et FLE (français langue étrangère) en formation initiale et intégrer la dimension pluridisciplinaire (DNL, disciplines non linguistiques).

5.4. Diagnostic global sur l’échec scolaire et enjeux spécifiques

51L’échec scolaire à Mayotte résulte de plusieurs facteurs : croissance démographique rapide (taux de fertilité le plus haut de France, immigration importante, notamment en provenance des Comores), alignement très récent avec le niveau de formation des enseignants ailleurs en France (formation à bac+5 seulement à partir de 2017), pauvreté (majorité des établissements classés REP et REP+), allophonie de la majorité des élèves à leur entrée à l’école, turnover des enseignants et formateurs, manque de ressources pédagogiques contextualisées, etc. L’augmentation exponentielle de la population rend les infrastructures scolaires insuffisantes pour accueillir tous les enfants, avec environ 15 000 enfants non scolarisés en 2023. Par ailleurs, le développement relativement récent de la francisation et de l’école républicaine contribue aux difficultés actuelles, avec environ 5 000 enfants scolarisés en 1975 contre plus de 110 000 aujourd’hui. Les compétences à l’écrit des jeunes enfants aux tests en CP et CE1 (Rectorat de Mayotte, 2021) comme celles des jeunes adultes (Sénat, 2018) ainsi que celles des candidats au concours d’entrée en formation MEEF à l’Université de Mayotte (observations des auteures, 2018-2024) révèlent tristement un retard en littératie par rapport aux autres départements. Seuls 10 % des Mahorais ont le baccalauréat et le taux de chômage des jeunes est de 50 % (Roinsard, 2024), soit le plus élevé de France. L’acceptation du biplurilinguisme à l’école et la sortie d’une vision de la réussite scolaire par une approche monolingue nécessitent une structuration institutionnelle pour les langues régionales. La création du Conseil académique des langues au Rectorat et, potentiellement, d’un Institut des langues et des civilisations de Mayotte porté par le Conseil départemental pourraient permettre de répondre à des besoins essentiels : le conseil académique pourrait instaurer des instances chargées de coordonner les politiques linguistiques et de promouvoir l’intégration du shimaore et du kibushi dans le système éducatif quand l’institut serait dédié à la recherche, à la production de ressources pédagogiques, et à la formation continue des enseignants en langues régionales. À terme, ces initiatives pourraient fournir les équipements métalinguistiques nécessaires, tels que des dictionnaires, des grammaires et des manuels, tout en formant des professionnels des langues, comme des formateurs, enseignants, traducteurs, interprètes et médiateurs, qui font encore défaut. 

52Au-delà des acquisitions de l’élève, l’échec est celui de l’école et des services de l’État qui ne réussissent pas à créer des conditions éducatives, sociales, sanitaires, sécuritaires, voire idéologiques, favorables à l’épanouissement intellectuel et physique de l’enfant à Mayotte. La liste des défis est longue : extrême pauvreté, faiblesse des infrastructures, chômage, désorganisation (Roinsard, 2024), mauvais accès aux besoins primaires (dormir, boire, manger, s’abriter), épidémies (dont dengue en 2020, COVID en 2021, choléra en 2024) sécurité (incidents et fermetures d’établissement fréquents, recours au droit de réserve régulier), application du principe de laïcité (port du voile à l’école, Bréant, 2022). Ces enjeux nécessiteraient d’élaborer des politiques éducatives spécifiques en renforçant les infrastructures et les ressources afin d’améliorer les conditions d'apprentissage et de réduire l'échec scolaire dans ce 101e département français. Toutefois, le cyclone Chido de décembre 2024 a détruit ou fortement endommagé une très grande majorité des établissements scolaires, a fait fuir de l’île une partie des enseignants et a conduit le Recteur à annoncer une reprise de la scolarité des élèves et étudiants en mode « dégradé ». Il est donc prévisible que la situation scolaire de Mayotte ne s’améliore pas à court terme et que la prise en charge des élèves allophones demeure à la marge.

6. Polynésie par Jacques Vernaudon

6.1. Situation sociolinguistique

53La Polynésie française compte sept langues autochtones polynésiennes, dont le tahitien qui, en tant que médium d’évangélisation, a servi de véhiculaire à partir du 19e siècle. Selon le recensement général de la population de 2017, environ 153 000 personnes de 15 ans et plus déclarent comprendre, parler, lire et écrire une langue polynésienne, soit 71 % de cette catégorie d’âge (soit environ 214 000 personnes). Elles sont 96 % (205 100 personnes) à déclarer parler, lire et écrire le français. Ces données, strictement déclaratives, occultent une grande disparité des niveaux de compétences et surtout l’étiolement de la transmission des langues polynésiennes aux enfants. La grande majorité des enfants grandit dans un environnement familial où l’on entend plusieurs langues (langues polynésiennes, français dans une variété locale, français normé, etc.). Les adultes s’adressent à eux quasi exclusivement en français (avec une grande variabilité du français selon le milieu social et l’origine des parents). Les enfants parlent principalement en français, au quotidien avec leurs amis et avec leurs frères et sœurs. Dans les situations informelles, ils ont souvent recours au « mélange » (ou « charabia », ou « parler kaina »), une forme mixte qui mêle le français aux langues polynésiennes et à l’anglais. Une enquête réalisée en 2005 par questionnaires autoadministrés auprès de 600 familles de Tahiti et Moorea au sujet de leurs enfants scolarisés en maternelle apporte des précisions quantitatives au sujet de la transmission intrafamiliale pour cet échantillon (Nocus, Guimard et Florin, 2006) : trois quarts des familles interrogées déclaraient parler le tahitien et le français. 54 % des parents s’adressaient à leur enfant le plus souvent en français et 28 % dans un mélange tahitien-français. 83 % des enfants répondaient en français à leur entourage. Les enfants qui utilisaient soit alternativement le tahitien et le français (moins de 14 %), soit le tahitien uniquement (moins de 5 %) étaient rares.

54La mise en place de programmes expérimentaux d’enseignement bilingue langues polynésiennes/français engagés à partir de 2008 s’est accompagnée de plusieurs enquêtes sociolinguistiques. La première a été conduite par entretiens auprès de 48 familles de 7 écoles concernées par un enseignement renforcé du tahitien (Salaün, 2011b). Les enquêtes se sont poursuivies en 2013-2014 à l’occasion d’un suivi de cohorte d’élèves issus du dispositif précédent jusqu’en CM2, avec 66 entretiens auprès de parents d’élèves de 9 écoles (Nocus et Salaün, 2014). Ces enquêtes visaient à affiner les profils sociolinguistiques des familles, en enregistrant les déclarations des parents sur les circonstances de l’usage des différentes langues et leur poids relatif dans les communications intrafamiliales. Il s’agissait également d’identifier la trace d’une « politique » linguistique familiale, c’est-à-dire un ensemble de stratégies raisonnées dans l’usage des langues et de voir si la participation des enfants à un enseignement renforcé du tahitien à l’école infléchissait cette politique. En 2014-2015, des enquêtes complémentaires ont été réalisées directement auprès de 20 élèves de CM2 de Tahiti, âgés de 9 à 11 ans afin d’interroger leurs pratiques et leurs représentations linguistiques, dans et autour de l’école (Salaün, Paia et Vernaudon, 2016).

6.2. Dispositifs existants

55La Polynésie française est compétente en matière de politique éducative depuis 1984. Elle a fait le choix de la préparation des diplômes nationaux, dont la collation reste une compétence de l’État. De fait, les programmes appliqués localement sont globalement équivalents à ceux de la France hexagonale. Les adaptations au contexte local concernent les programmes d’histoire et de géographie et l’enseignement des langues et de la culture polynésienne (LCP). Une loi de pays (n° 2022-3) encadre cet enseignement LCP et l’enseignement bilingue français-langues polynésiennes. L’enseignement LCP est « inscrit dans les horaires normaux » de l’école primaire (une manière de le rendre obligatoire pour tous les élèves scolarisés sans provoquer la censure du Conseil d’État) à raison de 2 h 30 hebdomadaires, augmentées à 3 h depuis la rentrée 2024. Par ailleurs, depuis 2019, des dispositifs bilingues à parité horaire français/langues polynésiennes ont été mis en place dans des écoles aux île de la Société, aux Marquises, aux Australes, aux Tuamotu et aux Gambier. En 2024, ces dispositifs à parité horaire concernent 19 établissements et 2 451 élèves.

56Un pôle des langues et culture polynésiennes et du plurilinguisme (composé d’un inspecteur de l’Éducation nationale, deux conseillers pédagogiques, un enseignant référent et d’un réseau de 17 enseignants référents de langues vivantes régionales) se charge de l’encadrement pédagogique de cet enseignement dans le premier degré. Le concours de recrutement des professeurs des écoles de Polynésie française comporte une épreuve écrite et une épreuve orale de langue polynésienne avec un niveau attendu B1 du CECRL. La formation aux Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (MEEF), parcours « Professorat des écoles » à l’INSPE de Polynésie française prévoit un volume total de 44 h de « Langues et culture polynésiennes », de 19 h 30 de « Didactique des langues polynésiennes » et de 15 h de « Didactique du plurilinguisme ». Un CAPES tahitien-français, créé en 1997, nourrit un corps d’enseignants du second degré spécialistes du tahitien. En 2024, il compte 85 titulaires. Deux postes d’agrégés ont été pourvus en 2020 et 2023 dans le cadre de l’Agrégation « Langues de France », option Tahitien. 3 000 élèves sont inscrits en Tahitien Langue vivante B. Un enseignement de spécialité LLCER-tahitien est ouvert au lycée depuis 2020, avec 4 h hebdomadaires en Première et 6 h en Terminale. Il comptait environ 200 élèves inscrits en 2023. Depuis 2021, des campagnes d’habilitation à enseigner des disciplines non linguistiques (DNL) en tahitien ont lieu tous les ans dans le second degré. 6 enseignants sont habilités à ce jour à enseigner la technologie, l’EPS, les mathématiques et sciences physiques en tahitien.

Tableau 6 : Dispositifs d’enseignement des langues polynésiennes et effectifs (estimation pour 2024)

Dispositifs

Effectif d’élèves

Premier degré

Cadre commun (3 h hebdomadaires de langue et de culture polynésiennes)

applicable à tous les élèves du 1er degré

Classes à parité horaires (12 h hebdomadaires d’enseignement en langue polynésienne)

9 % des élèves du premier degré

Second degré

Tahitien « langue vivante B »

14 % des élèves du second degré

Enseignement de spécialité LLCER-tahitien

5 % des élèves de première et terminale générales

6.3. Dispositifs existants

  • 22 Selon l’étude de Nocus, Guimard & Florin (2006), 97 % des parents interrogés considéraient qu’il es (...)

57Qualifiée en 2007 de « vaste zone d’éducation prioritaire » dans un rapport de mission de l’Inspection générale de l’éducation nationale (IGEN, 2007 : 32), la Polynésie française présente un taux de déscolarisation précoce quatre fois plus élevé qu’en France hexagonale et 40 % des jeunes sont identifiés comme étant en situation d’illettrisme lors des tests de la Journée défense citoyenneté (Salaün, 2020). Les inégalités scolaires sont étroitement liées aux fortes disparités socio-économiques de cette collectivité dont le taux de pauvreté monétaire concernait, en 2010, 20 % des ménages et dont le coefficient de Gini s’établissait à 0,40 (Herrera et Merceron, 2010). La probable corrélation entre l’appartenance à une classe socio-économique, qui détermine la trajectoire scolaire, et l’origine ethnique est invisibilisée par la disparition des statistiques ethniques depuis les années 1990. Il n’existe pas non plus d’études extensives sur le lien entre échec scolaire et langues des élèves. En revanche, l’évaluation des programmes expérimentaux d’enseignement bilingue langues polynésiennes/français engagés depuis 2008 montre que le renforcement de l’enseignement en langue locale n’entrave pas l’acquisition du français, mais favorise l’émergence de transferts vers le français en particulier à l’écrit (Nocus et al., 2014 ; Nocus et Salaün, 2014). Cet enseignement est très largement soutenu par les familles qui, paradoxalement, comptent sur l’école pour assurer une transmission intergénérationnelle qui n’est plus assurée par les parents22.

7. La Réunion par Logambal Souprayen-Cavery

7.1. Situation sociolinguistique en rapport avec le contexte scolaire

58Le contexte sociolinguistique réunionnais est traditionnellement décrit en posant la coexistence du français et du créole et en évoquant les concepts de diglossie (Carayol et Chaudenson, 1973), de continuum linguistique (Carayol et Chaudenson, 1978) et d’interlecte (Prudent, 1981 ; Souprayen-Cavery, 2010). Au-delà de la réflexion sociolinguistique, ces concepts théoriques ne sont pas sans incidence sur les pratiques d’enseignement-apprentissage qui se déroulent dans les écoles de La Réunion. En réalité, la situation linguistique des écoles réunionnaises est caractérisée par une véritable diversité. Le français et le créole demeurent certes les deux langues majoritairement utilisées, mais d’autres langues comme le shimaoré et le shibushi, le shikomori, le malgache sont également les langues premières d’un bon nombre d’élèves originaires de Mayotte, des Comores, de Madagascar. Le goudjarati, le créole mauricien, le singhalais, le chinois, l’arabe, le tamoul et les langues européennes telles que l’anglais, l’espagnol, l’allemand et l’italien sont également des langues pratiquées dans les foyers réunionnais. De ce fait, les jeunes enfants à La Réunion n’ont pas tous la même relation au français et au créole. Pendant que certains utilisent couramment ces deux langues, d’autres ne les pratiquent pas. Lorsque certains savent employer ces deux langues ou uniquement une des deux, d’autres les mélangent. Pour le cas des élèves qui ont une autre langue première, bien souvent ces langues cohabitent et entrent en contact avec soit le créole, soit le français ou avec les deux. Les paroles des élèves sont bien souvent caractérisées par des pratiques langagières mélangées créole-français majoritairement, mais également créole-français et une autre langue première. En bref, les autres langues premières des élèves réunionnais entrent tôt ou tard en contact avec le créole et le français dans la mesure où ces deux langues dominent le paysage linguistique réunionnais. De ce fait, l’enseignement-apprentissage du français à La Réunion est envisagé avec une prise en compte de la diversité des compétences langagières des élèves depuis le début des années 2000 (Souprayen-Cavery, 2020). En effet, il faudra attendre un climat politique en faveur de la langue créole visant sa reconnaissance sur le plan national dès le début des années 2000, pour que l’Académie de La Réunion décide de mettre en place un enseignement de la langue et la culture créoles au second degré et des dispositifs pour l’utilisation de la langue vivante régionale (désormais LVR) à destination des enseignants du premier degré.

7.2. Types de dispositifs

59Les dispositifs académiques pour la LVR - la création du CAPES créoles et la mise en place d’un enseignement de la langue et de la culture créoles pour le second degré (en 2002) - ont marqué l’avènement du créole à l’école puisque, par la suite, l’Université de La Réunion a proposé une licence créole (en 2003) et l’Académie de La Réunion a créé (en 2007) quatre dispositifs pour l’enseignement de la LVR et une habilitation en langue vivante régionale à destination des enseignants du premier degré :

  • Sensibilisation et valorisation de la langue et de la culture régionales ;

  • Enseignement du français en milieu créolophone (EFMC) ;

  • Enseignement de la langue vivante régionale (LVR) ;

  • Enseignement bilingue LVR/français.

60L'habilitation en langue vivante régionale est obligatoire pour les deux derniers dispositifs.

61L’enseignement bilingue LVR-français, qui jusqu’en 2021 a concerné uniquement l’école maternelle afin de permettre aux jeunes enfants de développer leur langage en deux langues, s’étend désormais progressivement jusqu’à l’école élémentaire et pourra être poursuivi jusqu’au lycée dans le cadre de la nouvelle politique linguistique de l’Académie de La Réunion, projetant l’ouverture de parcours incluant la LVR de la maternelle au lycée dès la rentrée 2024-2025.

62L’enseignement du créole dans le second degré a connu une évolution notable ces dernières années, avec la création de nouvelles classes et des parcours définis allant de la maternelle au lycée. Pour l’année 2024-2025, l’option LVR est proposée dans 24 collèges, 7 lycées généraux et technologiques et 5 lycées professionnels. Près de 3200 élèves suivent un enseignement de la LVR au second degré en 2024-2025. Par ailleurs, la mise en place de l’enseignement du créole dans trois lycées pour les étudiants de BTS et de trois niveaux au lycée proposant le créole comme langue vivante B (LVB) témoigne d’un engagement croissant à l’intégration de cette langue dans le système éducatif.

63Concernant le premier degré, plus de 350 enseignants habilités LVR sont face à des élèves à la rentrée 2024-2025. Ainsi, plus de 6000 élèves sont concernés par les dispositifs LVR au premier degré. Nous comptons 60 classes bilingues LVR-français (premier degré : écoles maternelles) à la rentrée 2024-2025.

64Pour la prise en compte des élèves allophones (plus de 70 % sont de nationalité française en provenance de Mayotte et des Comores), le CASNAV de l’Académie de La Réunion coordonne le travail des enseignants UPEAA (Unité Pédagogique pour Élèves Allophones nouvellement Arrivés). Près de 700 élèves ont ainsi été pris en charge par les 30 enseignants UPEAA des premier et second degrés en 2024. Le CASNAV organise également la mise en place du dispositif OEPRE (Ouvrir l’École aux Parents pour la Réussite de leurs Enfants) qui a pour objectif de mieux associer les parents allophones à la scolarité de leurs enfants.

7.3. La formation des enseignants

65S’appuyant sur les études qui ont été menées sur les problématiques sociolinguistiques en éducation à La Réunion depuis ces dix dernières années, l’INSPE de La Réunion propose, depuis 2013, un programme de formations adaptées au contexte sociolinguistique de La Réunion, notamment dans le cadre de l’Unité d’enseignement « Éducation en contextes » qui aborde les « enjeux éducatifs territoriaux » (12 heures), « enseigner en contexte multilingue (14 heures), arts et cultures (une semaine dédiée). La partie « enseigner en contexte multilingue » aborde la conception et la mise en œuvre de situations d’enseignement-apprentissage prenant en compte le contexte créolophone, voire multilingue. L’objectif de cette formation est d’outiller les futurs enseignants pour la prise en compte de la diversité des profils langagiers des élèves. Même si un focus est mis sur la prise en compte du contexte créolophone et sur les dispositifs académiques pour la LVR, les futurs enseignants sont également guidés pour la prise en compte des langues de l’immigration. De nombreux enseignants de l’école maternelle intègrent des activités d’éveil aux langues dans lesquelles ils abordent la diversité linguistique réunionnaise. Néanmoins, nombreux ont été les futurs enseignants qui déplorent le trop petit volume de formation en langue vivante régionale pour accéder à une bonne maîtrise de ces dispositifs et qui expriment encore un certain désarroi pédagogique : un volume horaire insuffisant pour la formation « habilitation » et un enseignement de la langue vivante régionale quasi inexistant dans la formation initiale des futurs enseignants. Pour pallier ce manque de formation, un module complémentaire de formation en langue vivante régionale, sera proposé dès la rentrée 2024-2025 à l’INSPE à 60 étudiants du Master MEEF premier degré. Il s’agit de 60 heures (20 h au semestre 1, 20 h au semestre 2 et 20 h au semestre 3) consacrées à l’apprentissage de la langue créole orale et écrite, ainsi que les fondamentaux de la grammaire créole, provenant du contenu pédagogique du Diplôme Universitaire “Langue et culture créole” de la Maison des Langues de l’Université de la Réunion.

  • 23 Il s’agit d’une association loi 1901 qui a été créée le 3 mars 2006, suite aux journées de la cultu (...)

66Cette nouvelle politique linguistique académique et les nouvelles orientations que prend l’offre de formation initiale des futurs enseignants bénéficient d’une politique régionale et départementale actuellement en faveur de la promotion de la langue créole. En effet, depuis 2021, les instances politiques (la Région Réunion, le Conseil départemental et de nombreuses communes de l’île) ont signé la charte bilingue proposée par Lofis la lang kréol La Rényon23[1]. La signature de cette charte qui comporte seize articles permet aux instances politiques de s’inscrire officiellement en faveur du bilinguisme créole-français : la langue créole peut ainsi coexister officiellement avec le français dans les communications, sur les formulaires administratifs, les espaces d’accueil du public… De plus, un pacte linguistique a été signé le 29 novembre 2023 par le ministère de la Culture, le Conseil régional, le Conseil départemental et l’association des maires de La Réunion. Ce pacte linguistique entre l’État et les collectivités de La Réunion vise à lutter contre l’illettrisme et à favoriser la maîtrise du français, à rendre plus visible le créole réunionnais dans l’espace public et à créer un institut du créole réunionnais destiné à devenir un lieu de création, d’innovation, de culture, d’éducation populaire et de recherche. Ces progrès institutionnels favorisent à la fois la promotion de la langue créole et l’affirmation de l’identité culturelle réunionnaise des élèves comme un avantage dans leurs parcours scolaires et professionnels.

8. Wallis-et-Futuna par Valelia Muni Toke

67Wallis-et-Futuna est une collectivité d’Outre-mer située dans le Pacifique Sud, à approximativement 2 000 km de la Nouvelle-Calédonie et 3 000 km de la Polynésie française, les deux autres collectivités françaises de la région. Ces deux dernières bénéficient d’une autonomie politique relative, puisque certaines compétences de l’État, en matière d’éducation et de culture notamment, ont été transférées à leurs gouvernements locaux respectifs. Ce n’est pas le cas à Wallis-et-Futuna, où l’État est représenté par un préfet administrateur supérieur, qui détient seul l’exécutif. La vie sociale est néanmoins réglée au quotidien par la coutume, sous l’autorité de chefferies (un royaume à ‘Uvea, deux royaumes à Futuna : Alo et Sigave). Il y a donc trois rois dans la République française (Chave-Dartoen, 2002). Le pouvoir de ces chefferies relève essentiellement de la gestion du foncier terrestre, d’appartenance autochtone, et qui constitue un enjeu majeur dans une relation par ailleurs souvent conflictuelle à l’État (Muni Toke, 2024). L’Assemblée territoriale locale n’a pas le pouvoir de produire des « lois pays », au contraire du Congrès de Nouvelle-Calédonie ou de l’Assemblée de Polynésie française. L’enseignement y est ainsi sous la responsabilité du vice-rectorat de Wallis-et-Futuna, avec une convention de concession du premier degré à la Direction de l’enseignement catholique (DEC) – le vice-rectorat disposant néanmoins d’un service d’inspection et de conseil pédagogique du premier degré.

68En 2023, le recensement a établi la population de Wallis-et-Futuna à 11 260 habitants, dont environ 8000 à ‘Uvea (Wallis) et 3000 à Futuna. Selon le Service territorial de la Statistique et des études économiques24, en 1969, la population était de 8546 habitants : elle augmente progressivement jusqu’à atteindre le pic de 14 944 habitants en 2003. La baisse depuis deux décennies s’explique notamment par un solde migratoire négatif, les perspectives d’emploi hors secteur public étant faibles sur le territoire : en juin 2024, 4751 personnes étaient sans emploi, et le taux de chômage des 15-24 ans était de 49 %. Les effectifs scolaires dont il est question ici sont relativement faibles : en 2023, selon le vice-rectorat de Wallis-et-Futuna, 2727 élèves étaient scolarisés sur l’ensemble des deux îles, dont 1419 au premier degré et 1308 au second degré25.

69Si les taux de réussite aux examens nationaux du second degré semblent à première vue plutôt satisfaisants (brevet 91 %, baccalauréat 82 %), ils cachent néanmoins des disparités importantes : le baccalauréat général a un taux de réussite de 100 %, mais celui du baccalauréat professionnel n’est qu’à 67 %. Or, la répartition des effectifs est telle, que les baccalauréats professionnels représentent 42,9 % des inscrits, contre 15 % dans l’Hexagone26 – soit près de trois fois plus. De même, les élèves scolarisés en SEGPA (39 contre 844 au collège) représentent 4,4 % des effectifs de cette tranche d’âge contre 2,5 % dans l’Hexagone27 – soit près du double. Ce chiffre concernant la SEGPA peut s’expliquer par le fait que, sur le territoire, la SEGPA apparaisse comme une stratégie acceptable de relégation des élèves peu ou pas francophones à l’entrée au collège – et ce alors même que ce dispositif est, au plan réglementaire, explicitement non destiné aux élèves dits allophones. Au premier degré, la situation est nettement dégradée – ce qui est cohérent avec une orientation massivement professionnelle et non générale pour celles et ceux qui accèdent au second degré. En 2023, les évaluations à l’entrée en 6e montraient que 40 % des élèves avaient en français une « maîtrise insuffisante et fragile » (contre 11 % au niveau national) ; en mathématiques, le taux montait à 65 % (contre 28 % au niveau national). Des trois territoires français du Pacifique, Wallis-et-Futuna est ainsi celui pour lequel « les taux cumulés de maîtrise satisfaisante et très satisfaisante » sont les plus faibles, à 36 % en mathématiques (contre 45 % en Polynésie française et 42 % en Nouvelle-Calédonie) et 61 % en français (contre 69 % en Polynésie française et 76 % en Nouvelle-Calédonie) (Grimonprez, Weixler et Leroy 2024).

Illustration 3 : Carte de l’Océanie

Illustration 3 : Carte de l’Océanie

8.1. Situation sociolinguistique

70Les données du recensement de 2018 indiquent que plus de 93 % des habitants, sur une population de 11 562 personnes à cette date, déclarent parler au moins « une langue polynésienne », c'est-à-dire soit le faka'uvea (à ‘Uvea) soit le fakafutuna (à Futuna) (Moyse-Faurie, 1997 ; Moyse-Faurie, 1993 ; Moyse-Faurie, 2016). L’unique lycée du territoire se trouvant à 'Uvea, ainsi que la plupart des infrastructures de l'administration française, les habitants de Futuna sont plus enclin à migrer vers 'Uvea et donc à parler également le faka'uvea. Dans le même temps, 88 % des personnes interrogées déclarent avoir une bonne maîtrise du français. Bien qu'une proportion importante de la population soit bilingue, l'observation ethnographique du recours fréquent à des interprètes (au tribunal et à l'hôpital) incite à prendre ces données autodéclarées avec précaution (Muni Toke, 2017).

71Le faka'uvea et fakafutuna sont des langues d’usage quotidien, majoritaires dans les interactions familiales et professionnelles : la part des fonctionnaires en provenance de l’Hexagone et non-locuteurs des langues locales est d’environ 10 %. Il y a également un fondement politique d’importance à cette situation : à 'Uvea comme à Futuna, « la langue c’est la coutume » (Muni Toke, 2020 : 112), ce qui signifie à la fois que les langues locales sont un patrimoine immatériel sous autorité coutumière, et que la coutume ne se dit qu’en faka’uvea ou en fakafutuna. Ainsi, chaque pratique coutumière, souvent liée à la pratique religieuse catholique majoritaire sur le territoire (Chave-Dartoen, 2017), se déroule en faka'uvea ou en fakafutuna, tout comme la transmission encore très active de la tradition orale (Mayer, 1976 ; Fromonteil, 2019).

72Avant 1933, l'école missionnaire enseignait dans les langues locales (Rensch, 1990), puis le français est devenu la seule langue d'enseignement. Aujourd'hui, la majorité des élèves qui arrivent à l'école sont des locuteurs de faka'uvea et de fakafutuna (et souvent monolingues), même si, selon les enseignant.e.s du premier degré, la proportion d'élèves francophones monolingues augmente, surtout dans le quartier central de 'Uvea, Hahake, où se trouvent les administrations et où travaillent de nombreux expatriés en provenance de l’Hexagone.

8.2. Dispositifs existants

  • 28 Ce dispositif « d’accueil » prévoit aujourd’hui l’utilisation équitable, à 50 % du temps, du frança (...)

73Les programmes éducatifs sont encore largement inadaptés au profil linguistique des élèves. La convention de concession entre le vice-rectorat et la Direction de l'Enseignement Catholique (DEC) de Wallis et Futuna prévoit depuis 2020 la possibilité d'utiliser les langues wallisienne et futunienne comme langues d'enseignement. Cependant, cette possibilité n'est pas encouragée par les instances d'évaluation des enseignants (inspecteurs et conseillers pédagogiques du Vice-Rectorat, bureau psychopédagogique du DEC). Les enseignant.e.s du premier degré, pourtant tou.te.s locuteurs du faka'uvea et du fakafutuna, ont donc tendance à reproduire ce qu'ils ont vécu, c'est-à-dire un enseignement monolingue en français qui ne tient pas compte des compétences linguistiques des élèves en langue maternelle. Bien que les trois premières années d'école, de 3 à 6 ans, permettent officiellement un accueil bilingue des élèves28, la réalité des pratiques est plutôt orientée vers la seule utilisation du français. L'apprentissage de la lecture et de l'écriture à partir de 6 ans se fait uniquement en français, alors qu'il s'agit pour beaucoup d'élèves d'une deuxième langue dont le processus d'acquisition ne fait que commencer. Sans surprise, les difficultés rencontrées par les élèves sont nombreuses (voir le chiffre donné en introduction d’une maîtrise insuffisante du français pour 40 % des élèves à l’entrée en sixième).

74Depuis 2016, une option au baccalauréat est disponible pour le faka'uvea et le fakafutuna. Cependant, cette avancée institutionnelle significative ne compense pas l'absence d'un véritable enseignement des langues locales dans le primaire et le faible nombre d'heures proposées en option dans le secondaire (une heure hebdomadaire optionnelle, souvent placée à l’heure du déjeuner et donc peu attractive). La création d'un établissement public, l'Académie des langues wallisiennes et futuniennes, en 2018, marque un changement important dans le paysage des politiques linguistiques locales. La diffusion d'une orthographe standard et la publication de textes issus de la tradition orale par cette institution contribuent à légitimer l'usage des langues locales, y compris à l'écrit. Néanmoins, dans le domaine scolaire, cette légitimation reste entièrement à construire.

8.3. Formation de formateurs

  • 29 Il s’agit d’un chiffre très faible puisque le territoire compte environ 140 enseignant.e.s au premi (...)

75En 2022, l’Université de Nouvelle-Calédonie a proposé à Wallis-et-Futuna une adaptation de son DU Langues et cultures océaniennes, destiné à sensibiliser les enseignant.e.s du premier degré à l’enseignement en contexte plurilingue (voir Muni Toke et al., ce numéro). Une première promotion a ainsi été formée (six enseignant.e.s à ‘Uvea, deux à Futuna29). La seconde promotion sera formée au cours de l’année 2025. Cette démarche suscite localement la méfiance : la majorité des enseignant.e.s du premier degré est en effet convaincue du bien-fondé d’un apprentissage de la lecture et de l’écriture en français uniquement (et ce alors que les chiffres des évaluations sont désastreux), préférant expliquer les difficultés des élèves par leur provenance sociale ou par leur manque de travail.

76Le travail engagé lors de cette formation révèle néanmoins d’une part que certain.e.s enseignant.e.s utilisent depuis longtemps, et sans le dire, les langues locales comme outils de remédiation (en traduisant systématiquement les consignes en mathématiques par exemple, et ce non seulement jusqu’à la fin de l’élémentaire, mais jusqu’aux premières années du collège), et d’autre part que leurs stratégies de recours aux langues premières des élèves sont payantes (avec des témoignages nombreux de transformations de « non-lecteurs » en lecteurs confirmés, au moins dans leur langue première, notamment en fin de cycle 2).

8.4. Diagnostic global

77Comme le montrent les chiffres cités en introduction de cette section, la maîtrise du français et des mathématiques à l’entrée en sixième, ainsi qu’une orientation massive en baccalauréat professionnel, font de Wallis-et-Futuna un territoire à la situation scolaire dégradée par rapport à l’Hexagone. Les déscolarisations sont fréquentes et l’accès à l'enseignement supérieur limité (Muni Toke, 2016). Ainsi, l'école républicaine semble n’avoir réellement profité qu'à une élite depuis sa création, au même titre que l'école missionnaire qui l'a précédée. Dans une société traditionnellement très hiérarchisée (avec des familles « nobles » et un système de royauté), cet état de fait ne semble déranger qu'une petite minorité d'enseignants, souvent jeunes et convaincus des vertus de l'enseignement bilingue, mais sans soutien institutionnel ni outils pédagogiques disponibles. L’entêtement de l’institution à ignorer le recours aux langues locales dans l’enseignement du français, et crucialement de la lecture et de l’écriture, ne cesse d’interroger. Profondément idéologique, et parfaitement incorporée par la majorité des enseignant.e.s, cette posture joue paradoxalement contre la langue française (qui pourrait être acquise avec plus de maîtrise) et contre l’idéal pourtant proclamé d’intégration républicaine (en reléguant aux marges une part importante de la population scolaire, laissée sans perspective d’études ou d’accès à des professions diplômées).

9. Quelques éléments de conclusion

78Si l’hétérogénéité sociale, culturelle, linguistique, politique et statutaire des territoires d’Outre-mer (Lemercier et al., 2014) est désormais bien identifiée, toute comparaison entre ces territoires, du point de vue des dispositifs éducatifs et de la situation sociolinguistique de la population scolarisée, ne peut manquer de faire apparaître également la diversité des enjeux auxquels ils sont confrontés. On peut mentionner les différents rapports – de domination ou de dissociation – à la langue française, les rapports de domination entre différentes langues locales parfois, les enjeux d’accès aux savoirs dispensés quasi uniquement en français pour des élèves arrivant à l’école sans parler français, les enjeux d’équité ou de discrimination entre élèves parlant des langues différentes et étant dispatchés entre différents dispositifs qui sont bien différents des enjeux de revitalisation des langues via l’école pour des publics désormais francophones. À ces premières hétérogénéités, s’ajoutent les inégalités de traitement entre les langues qui y sont parlées, et donc entre leurs locuteurs, et la diversité des dispositifs qui ont été développés sur chacun des territoires, dépendant d’histoires singulières, mais en même temps parallèles dans leur rapport à l’ancienne métropole.

79Ainsi, certains élèves peuvent suivre des cours dans leur langue familiale – qu’ils ne parlent parfois plus – dans le cadre des langues vivantes régionales (LVR, dispositif originalement pensé pour l’Hexagone) – c’est le cas notamment en Nouvelle-Calédonie (pour le drehu, paicî, a’jië et nengone, avant que d’autres langues ne s’ajoutent au collège), en Guyane (pour le créole guyanais uniquement), aux Antilles et à la Réunion (pour le créole) et en Polynésie française (pour 7 langues).

80D’autres élèves peuvent bénéficier de dispositifs spécifiques. À Wallis-et-Futuna, les élèves de maternelle sont « accueillis » dans leur langue première (faka’uvea ou fakafutuna) selon les besoins, théoriquement à 50 % du temps. Cette disposition n’est associée à aucun enseignement formalisé, l’objectif unique étant l’acquisition du français pour la lecture et l’écriture en CP. D’autres dispositifs sont possibles à titre expérimental : en Guyane (pour 5 langues amérindiennes en plus du nenge(e) tongo, du saamaka, du hmong et du portugais - certaines bénéficiant uniquement du dispositif ILM quelques heures par semaine, d’autres bénéficiant de dispositifs bilingues à parité horaire). C’est aussi le cas au collège en Nouvelle-Calédonie (pour le xaracuu, yuanga, iaai, kwényï, nêlêmwa, drubea).

  • 30 Ceci pose notamment la question de l’accueil d’élèves français en UPE2A, dispositif théoriquement d (...)

81Mais la plupart des élèves ultramarin.e.s arrivant à l’école sans parler le français ne bénéficient d’aucun dispositif particulier. C’est le modèle de l’immersion qui prévaut, ce qui est le cas général à Mayotte et dans des proportions plus ou moins grandes selon les territoires. Le seul dispositif possible pour ces élèves considérés comme « allophones » est constitué par les UPE2A qui sont toutefois réservés aux élèves « étrangers » dont les langues sont considérées comme langues de migration. C’est le cas en Martinique et Guadeloupe (pour le créole haïtien), à Saint-Martin (pour le créole saint-martinois), à Mayotte (pour le shindzuani, le malgache, le créole réunionnais, les langues de l’Afrique des Grands Lacs), en Polynésie (pour les autres langues océaniennes, mais aussi le hakka et le cantonais par exemple), en Guyane (pour le créole haïtien, le sranan tongo, les autres créoles à base lexicale française notamment), en Nouvelle-Calédonie (notamment pour 18 langues kanak et le tayo de Saint-Louis), à La Réunion (pour le shimaoré30, shibushi, shikomori, malgache, gudjarati, créole mauricien, singhalais, arabe, tamoul, allemand, italien).

82Enfin, certaines langues sont enseignées comme langues vivantes étrangères, LVE, ce qui pose des problèmes didactiques et de prise en compte de la variation par rapport aux variétés parlées par les élèves, c’est le cas notamment à Saint-Martin (pour l’anglais, dispositif bilingue), en Guyane (pour l’anglais, l’espagnol, le portugais et le néerlandais), à Mayotte (pour l’arabe au collège et lycée), et à La Réunion (pour l’anglais et l’espagnol).

  • 31 « intervenants en langues maternelles », « enseignement LVR », « classes bilingues à parité horaire (...)

83Les inégalités de traitement sont nombreuses, entre les types de dispositifs31, le nombre d’heures d’exposition aux langues parlées par les élèves (3 h parfois, 7 h ailleurs, la parité horaire enfin) et le niveau concerné (parfois uniquement à la maternelle, parfois à la maternelle et l’élémentaire, parfois au second degré). En termes didactiques, les filières bilingues fonctionnent pour certaines sur le modèle du cloisonnement des langues comme en Guyane ou du décloisonnement comme en Guadeloupe. Enfin, on note de fortes disparités en fonction du pourcentage d’élèves concernés par ces dispositifs.

Tableau 7 : Pourcentage d’élèves bénéficiant des dispositifs comprenant des langues locales

Territoire

Élèves dans « dispositifs » 1er degré

Nombre total élèves 1er degré

%

Guadeloupe

550

42 848 (1er)

1.3%

Martinique

3 300

31 932 (1er)

10%

Guyane

5 600

45 141

12%

Nouvelle-Calédonie

4 655

26 828 (public, 5 979 privé)

17 %

Mayotte

moins de 100

65 000

0 %

Polynésie française

26 000

26 649

82 %

La Réunion

7 500

70 889

11 %

Wallis-et-Futuna

498 élèves de maternelle, « accueillis » si nécessaire en wallisien ou en futunien

1 527

35 %

84Avec théoriquement la totalité des élèves du premier degré pouvant accéder à un dispositif comprenant des langues locales, la Polynésie se démarque des autres territoires. Sa situation statutaire – et donc son rapport à l’État – n’y est pas pour rien. Les efforts déployés pour imposer le français, y compris au sein des familles, ont été particulièrement efficaces et c’est désormais au ministère de l’Éducation de Polynésie française, assumant sa pleine compétence, d’essayer d’enrayer la perte des langues ancestrales auprès des plus jeunes en les réintroduisant à l’école. Depuis Paris, en revanche, c’est majoritairement la “rhétorique de l’expérimentation” (Muni Toke, 2016 : 49) qui prévaut pour les collectivités et qui renvoie leurs académies à des choix de politiques locales engendrant parfois des inégalités liées aux pouvoirs de certains groupes de locuteurs au sein de la sphère institutionnelle (Alby, 2019).

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Notes

1 Inégalités éducatives, Langues et Accès aux Savoirs dans les Outre-Mer, voir Léglise et Muni Toke (ce numéro).

2 Rapports de pouvoir que des termes comme « hégémonie », « diglossie » ou « minorisation » indiquent.

3 Voir les enquêtes « Migrations, Famille et Vieillissement » de l’INED (2023) : Guadeloupe, Martinique.

4 Voir :
https://pedagogie.ac-guadeloupe.fr/langue_vivante_regionale_premier_degre/enseignement_bilingue.

5 Les résultats de Saint-Martin sont inclus dans les chiffres de la Guadeloupe.

6 En Martinique, il existe également un parcours DIU2E proposé aux néotitulaires durant leurs trois premières années de carrière. Ils peuvent suivre un EC intitulé « Enseigner en/le français en contexte martiniquais ».

https://www.inspe-martinique.fr/sites/default/files/inline/maquette_diu2e_sdg_2024_2025_ci02102024.pdf

7 Les moins de 25 ans représentent presque la moitié de la population guyanaise (https://www.insee.fr/fr/statistiques/7758364#:~:text=En%202020%2C%20les%20enfants%20%C3%A2g%C3%A9s,m%C3%AAme%20tranche%20d'%C3%A2ge consulté le 02/07/24).

8 Ces travaux, appelés des vœux des linguistes ayant participé à l’introduction des langues locales à l’école (Launey 1999) ont été réalisés en parallèle et en dialogue avec cette introduction (Alby et Léglise, 2005).

9 Revendication encore portée lors des mouvements sociaux de 2017 (Alby, 2023 : 59).

10 Même si le nombre de jeunes sans diplôme a baissé en 20 ans, il reste néanmoins important : 38 % de jeunes sans diplôme contre 53 % il y a 20 ans (https://www.insee.fr/fr/statistiques/1285586 consulté le 02/07/24).

11 Atlas des risques sociaux d’échec scolaire : https://www.education.gouv.fr/cid106032/atlas-academique-des-risques-sociaux-d-echec-scolaire-l-exemple-du-decrochage.html, consulté le 02/07/24

12 https://www.insee.fr/fr/statistiques/1285586

13 Comme c’est souvent le cas lorsque des dispositifs sont mis en place, on doit l’extension du dispositif des ILM au portugais du Brésil en raison de l’intervention d’un membre du rectorat en charge de la coopération internationale avec le Brésil (voir Puren 2023).

14 « Créole » regroupe toutes les langues créoles à base lexicale française reconnues comme langues régionales dans les territoires ultramarins.

15 45 classes bilingues créole guyanais-français (https://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/journee-internationale-de-la-langue-et-culture-creoles-continuer-et-accentuer-l-enseignement-du-creole-guyanais-pour-qu-il-perdure-1439357.html) soit environ 1000 élèves et 87 classes bilingues (1600 élèves, 18 écoles) d’après le rapport de Maurel (2024).

16 Clanche Pierre. Un aspect du métier d'élève chez le jeune enfant Kanak : écouter, comprendre, faire, écrire. In: Revue française de pédagogie, volume 127, 1999. Approches cliniques d'inspiration psychanalytique. pp. 99-106 ; doi : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3406/rfp.1999.1088 https://www.persee.fr/doc/rfp_0556-7807_1999_num_127_1_1088

17 La délibération n° 265 datant du 17 janvier 2007, officialise la mise en place de l’Académie des langues kanak.

18 Penc, 2016. Délibération n° 106 du 15 janvier 2016 relative à l’avenir de l’école calédonienne. En ligne : https://www.acnoumea.nc/IMG/pdf/de_libe_ration_no106_du_15.01.16_relative_a_l_avenir_de_l_e_cole_cale_donienne.pdf.

19 Le vice-rectorat aurait annoncé la venue d’un inspecteur général des langues régionales très prochainement.

20 Ces données chiffrées proviennent de la direction de l’Inspé-Unc que nous remercions.

21  Intervention de quelques jeunes lors de la restitution de données d’enquêtes du « Collectifs pays » suite aux événements du 13 mai 2024, le 24 août 2024 à l’Université de la Nouvelle-Calédonie. 

22 Selon l’étude de Nocus, Guimard & Florin (2006), 97 % des parents interrogés considéraient qu’il est « important », voire « très important », que leur enfant apprenne le tahitien à l’école.

23 Il s’agit d’une association loi 1901 qui a été créée le 3 mars 2006, suite aux journées de la culture organisées par la Région Réunion en 2004. L’association s’est fixée comme objectif principal de mener des actions visant la valorisation de la langue créole de La Réunion.

24 https://www.statistique.wf/

25 https://www.ac-wf.wf/IMG/pdf/plaquette_les_chiffres_cle_s_2023-maj_ok9_mars_2023.pdf

26 https://publication.enseignementsup-recherche.gouv.fr/eesr/FR/T739/les_nouveaux_bacheliers_et_leur_entree_dans_les_filieres_de_l_enseignement_superieur/#:~:text=08-,les%20nouveaux%20bacheliers%20et%20leur%20entr%C3%A9e%20dans%20les%20fili%C3%A8res%20de,des%20bacheliers%20dans%20une%20g%C3%A9n%C3%A9ration

27 https://www.education.gouv.fr/reperes-et-references-statistiques-2021-308228

28 Ce dispositif « d’accueil » prévoit aujourd’hui l’utilisation équitable, à 50 % du temps, du français et du faka’uvea/fakafutuna à la maternelle. À la fin des années 1990, ce dispositif était normé de façon plus rigide, avec un idéal de 10 % de français en petite section, 50 % en moyenne section, et 90 % en grande section (Muni Toke, 2012). Dans tous les cas, l’idée d’un passage à 100 % français au CP, avec un apprentissage de la lecture et de l’écriture uniquement en français n’est jamais remise en cause sur le territoire.

29 Il s’agit d’un chiffre très faible puisque le territoire compte environ 140 enseignant.e.s au premier degré.

30 Ceci pose notamment la question de l’accueil d’élèves français en UPE2A, dispositif théoriquement dédié aux élèves « étrangers ». Les enfants mahorais constituent ainsi la majorité des élèves pris en charge par le CASNAV à la Réunion alors qu’à Mayotte, ce dispositif est réservé aux élèves étrangers – particulièrement aux élèves comoriens, même si les élèves, mahorais et comoriens, partagent pour beaucoup les mêmes besoins.

31 « intervenants en langues maternelles », « enseignement LVR », « classes bilingues à parité horaire », « filières bilingues », « parcours excellence »

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Table des illustrations

Titre Illustration 1 : ISEE - Département Démographie et Enquêtes. Les langues kanak. ATLAS démographique de la Nouvelle-Calédonie 2014
Crédits Crédit et source : Vice-rectorat de Nouvelle-Calédonie.
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Titre Ilustration 2 : Dispositifs d’enseignement des langues kanak dans le 2d degré de la Nouvelle-Calédonie
Crédits Crédit et source : Vice rectorat de Nouvelle-Calédonie.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/6322/img-2.png
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Titre Tableau 3 : Effectifs élèves en langue kanak dans le premier degré (2022-2023)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/6322/img-3.png
Fichier image/png, 58k
Titre Tableau 4 : Langues kanak enseignées au collège (2024)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/6322/img-4.png
Fichier image/png, 119k
Titre Illustration 3 : Carte de l’Océanie
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Pour citer cet article

Référence électronique

Sophie Alby, Frédéric Anciaux, Fanny Dureysseix, Isabelle Léglise, Lavie Maturafi, Valelia Muni Toke, Logambal Souprayen-Cavery, Jacques Vernaudon et Wayuoné Eddie Wadrawane, « Petit état des lieux de la prise en compte des langues et cultures des élèves à l’école en Outre-mer »Contextes et didactiques [En ligne], 24 | 2024, mis en ligne le 28 janvier 2025, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/6322 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/1396x

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Logambal Souprayen-Cavery

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