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Dossier

L’interprétation prosodique des points d’exclamation dans la parole des apprenants finnophones du français

The Prosodic Interpretation of Exclamation Marks in the Speech of Finnish-speaking Learners of French
Mari Wiklund et Anne Riippa

Résumés

Chaque langue a un système intonatif qui lui est propre (Hirst et Di Cristo, 1998). Le français se caractérise par des mouvements intonatifs larges (e.g. Di Cristo, 1998 ; Mertens, 2008 ; Morel et Danon-Boileau, 1998 ; Rossi, 1999), tandis que l’intonation du finnois se caractérise par une certaine monotonie créée par une échelle de variations restreinte de la fréquence fondamentale (Iivonen, 1998). Dans cet article, nous comparons l’interprétation prosodique des points d’exclamation par des locuteurs finnophones du français et par un groupe de contrôle consistant en des locuteurs natifs du français. Nos résultats indiquent que dans 64 % des cas, les locuteurs natifs du français marquent la présence d’un point d’exclamation avec un mouvement intonatif du type ’montée-chute’. Cela n’est pas étonnant, puisque selon les études antérieures (Delais-Roussarie et al. 2015 ; Di Cristo, 2016), ce type de schéma intonatif est typique des exclamations du français. Dans la parole des apprenants finnophones, ce type de mouvement est nettement plus rare : il apparaît seulement dans 30,7 % des cas. De plus, la partie descendante du mouvement intonatif est moins importante dans la parole des apprenants finnophones que dans celle des locuteurs natifs. Les points d’exclamation sont le plus souvent interprétés par les apprenants finnophones par la présence d’une une chute intonative (37,3 %). Ce type apparaît aussi dans la parole des locuteurs natifs, mais plus rarement (20 %). Aussi bien dans la parole des locuteurs natifs (16 %) que dans celle des apprenants finnophones (22,7 %), la présence d’un point d’exclamation peut également être marquée par une montée mélodique, mais cela n’est pas très fréquent. Notre corpus consiste en des enregistrements où 15 apprenants finnophones du français et cinq locuteurs natifs du français lisent un extrait d’un dialogue tiré de la pièce de théâtre En attendant Godot (Beckett, 1952). Les locuteurs finnophones sont des étudiants qui ont suivi un cours de français au Centre de langues de l’Université de Helsinki (Finlande). Leur niveau de français oral est A1-A2 (CEFR, 2022). Les locuteurs natifs sont des étudiants Erasmus à l’Université de Helsinki.

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Texte intégral

1. Introduction

1Cet article porte sur les traits prosodiques des exclamations produites par des locuteurs finnophones du français et par un groupe de contrôle consistant en des locuteurs natifs du français. La comparaison entre ces deux groupes est pertinente, puisque le français parlé se caractérise par des mouvements intonatifs larges (e.g. Di Cristo, 1998 ; Mertens, 2008 ; Morel et Danon-Boileau, 1998 ; Rossi, 1999), tandis qu’une certaine monotonie créée par une échelle de variations restreinte de la fréquence fondamentale est propre à l’intonation du finnois (Iivonen, 1998).

2Notre objectif est de répondre aux questions suivantes :

  1. Les apprenants finnophones du français produisent-ils typiquement le même type de contour intonatif pour marquer la présence d’un point d’exclamation que les locuteurs natifs ou y a-t-il des différences à noter ?

  2. Comment pourrait-on expliquer les différences éventuelles entre les apprenants et locuteurs natifs ?

  3. Et comment ce type de recherche spécifique et ciblée est-elle conforme aux projets de développement de l’éducation dans le contexte pédagogique actuel de la Finlande (LOPS, 2019) ?

  • 1 L’extrait entier lu par les informateurs est donné en annexe.

3Notre corpus consiste en des enregistrements où 15 apprenants finnophones du français et 5 locuteurs natifs du français lisent un extrait d’un dialogue tiré de la pièce de théâtre En attendant Godot (Beckett, 1952 : 118-119)1. Les locuteurs finnophones sont des étudiants qui suivaient un cours de français au Centre de langues de l’Université de Helsinki (Finlande). Ils avaient une connaissance de la langue française équivalente aux niveaux A1-A2 du cadre européen commun de référence pour les langues (CECR, 2022). Les locuteurs natifs sont des étudiants Erasmus d’origine française et belge à l’Université de Helsinki. Le corpus sera présenté plus en détail dans le chapitre suivant (« Corpus et méthodes »).

  • 2 Pour la structure grammaticale des exclamations, voir par exemple Marandin (2008, 2010). En ce qui (...)

4Il n’y a que peu d’études antérieures sur l’intonation des exclamations du français (dont Delais-Roussarie et al., 2015 ; Delattre, 1966 ; Di Cristo, 2016 ; Morel, 1995)2. Selon Delais-Roussarie et al. (2015) et Di Cristo (2016), les exclamations du français se terminent typiquement par un abaissement intonatif de la syllabe prétonique, suivi d’une montée et d’une chute finale produites pendant la syllabe tonique (« [L] H* L % »). Di Cristo (2016 : 432) remarque aussi que le profil mélodique global des exclamations du français est soit du type « descendant-montant-descendant », soit du type « montant-descendant-montant-descendant ». Le type « descendant-montant-descendant » concerne les cas où « l’élément modifié est un nom qui succède directement à l’élément modifieur frontal (le mot-Wh) » (p. 432), par exemple « Quelle maison ! ». Le type « montant-descendant-montant-descendant », quant à lui, apparaît « lorsque l’élément modifié est un adjectif qualifiant un nom subséquent » (p. 432), par exemple « Quelle belle maison ! ». Dans ce type de cas, l’adjectif (par exemple « belle ») porte un sommet mélodique.

5En ce qui concerne la syllabe d’attaque de l’exclamation, il est notable qu’elle soit, le plus souvent, produite soit à un niveau mélodique moyen, soit à un niveau inférieur à celui d’un énoncé interrogatif (Di Cristo, 2016 : 432). La syllabe prétonique est abaissée (p. 433). La forme acoustique de la syllabe tonique a souvent une forme de cloche, mais selon Di Cristo, cette configuration est perçue « comme une grande chute mélodique issue d’un registre haut ». De plus, la durée de la syllabe finale est fortement allongée (Di Cristo 2016 : 433).

6Selon Delais-Roussarie et al. (2015 : 82), sur le plan intonatif, la valeur exclamative est exprimée dans toutes les variétés du français par un contour intonatif du type « (L)H*L% » (« descendant-montant-descendant »). Ce contour est porté par le dernier mot de l’exclamation. La montée peut atteindre le plafond de l’échelle de variations mélodiques du locuteur, mais cela n’est pas obligatoire. De plus, une montée initiale (‘Hi’) est produite au début de l’énoncé exclamatif. Le marqueur lexical de l’exclamation (par exemple « qu’est-ce que », « comme », « que ») peut éventuellement porter une montée supplémentaire (« H* »).

7Selon Delattre (1966 : 11-12), les exclamations du français se terminent typiquement par une intonation descendante, tandis que les interrogations se terminent par une intonation montante. L’auteur remarque « [qu’il] n’est pas rare d’entendre une exclamation avec intonation ascendante au lieu de descendante. Mais alors ce n’est pas une pure exclamation – c’est en réalité une implication à laquelle s’ajoute une certaine émotion » (p. 12).

8Morel (1995), à son tour, constate que « [l] » exclamation est généralement définie comme la manifestation linguistique d’un état émotionnel de l’énonciateur, marquée, d’une part, par l’amplification des paramètres intonatifs (intensité, durée et hauteur) et, d’autre part, par des schémas intonatifs qui lui sont spécifiques » (p. 63). Selon elle, les énoncés exclamatifs peuvent se terminer par une montée, par une descente ou par une intonation plate. Le schéma montant met en place un consensus co-énonciatif et indique la convergence des points de vue. Le schéma descendant, quant à lui, marque « que l’énonciateur se donne comme étant le seul à pouvoir prendre en charge l’assertion de l’énoncé » (p. 63). L’intonation plate, qui est propre aux incises, correspond selon l’auteur (p. 64) à une « désassertion ». Par exemple, en mangeant de la tarte Tatin, un locuteur peut dire « C’est délicieux ! » avec une intonation montante, descendante ou plate, et l’interprétation de l’exclamation par les interlocuteurs dépend du contour intonatif produit. De plus, les exclamations sont généralement produites à un niveau intonatif plus élevé que le niveau habituel du locuteur (p. 64).

9Selon les auteurs de Grammaire méthodique du français (Riegel, Pellat et Rioul, 1994 : 401), les énoncés exclamatifs expriment premièrement « l’affectivité, un sentiment plus ou moins vif du locuteur à l’égard du contenu de son énoncé ». Deuxièmement, les grammairiens trouvent que ces énoncés jouent un rôle important dans la communication orale (p. 401). À l’écrit, les phrases exclamatives se repèrent facilement en raison du point d’exclamation qui les accompagne alors qu’à l’oral, un énoncé exclamatif se caractérise tout d’abord par son intonation, puisque la mélodie de ce type d’énoncés est « très contrastée et sa courbe, montante ou descendante, commence ou finit souvent sur une note élevée » ; ce qui met en valeur le mot sur lequel porte l’exclamation (Riegel, Pellat et Rioul, 1994 : 401).

  • 3 « L’interjection est une classe grammaticale particulière. La liste des termes reconnus comme inter (...)

10La grammaire traditionnelle s’intéresse à rapprocher les énoncés exclamatifs des phrases assertives et des phrases interrogatives avec lesquelles ils partagent certaines caractéristiques syntaxiques, alors que les chercheurs en prosodie, tels que Di Cristo, eux, semblent plutôt rapprocher les exclamations des interjections3 en s’intéressant à ce qui les rapproche du point de vue de la prosodie (Di Cristo, 2016 : 433).

11En ce qui concerne les manuels de FLE utilisés actuellement en Finlande, il semble qu’ils évitent de trop insister sur la syntaxe des énoncés exclamatifs. Cette tendance pourrait s’expliquer par le fait qu’au niveau CECR A1, il est possible que les enseignants estiment qu’il n’y a pas beaucoup à enseigner concernant la syntaxe des exclamations simples, étant donné qu’elle est souvent perçue comme naturelle. En comparaison, l’explication de la syntaxe des phrases interrogatives occupe généralement plusieurs pages dès le début des manuels, ce qui laisse penser que cette dernière est considérée comme nécessitant une attention particulière. Il est remarquable qu’une nette préférence pour l’enseignement des interrogatives se manifeste, étant donné que dans les trois manuels que nous avons étudiés (J’aime 1, Kivivirta et al., 2015, Cosmopolite 1, Hirschsprung et Tricot, 2017 et Escalier 1, Granath et al., 2016), le mot « quel » est systématiquement présenté uniquement en tant que mot interrogatif, alors qu’il représente également l’un des constituants grammaticaux les plus importants des exclamations.

  • 4 Pour l’interprétation prosodique du point et de la virgule dans la lecture d’un texte littéraire, v (...)
  • 5 Selon Houdart et Prioul (2006 : 50), le point d’exclamation est « l’un des derniers-nés de la ponct (...)

12Dans notre analyse du texte de Beckett (1952), nous nous concentrons sur les actes de discours visant à communiquer une émotion ou une attitude particulière du locuteur en utilisant des énoncés se terminant par un point d’exclamation. Ces énoncés ont pour but d’indiquer au destinataire (lecteur, spectateur ou autres personnages) le sentiment et l’état d’esprit du locuteur. Autrement dit, nous nous intéressons à « l’interprétation prosodique et affective du point d’exclamation »,4 et ce, dans la lecture d’une pièce de théâtre5. Le point d’exclamation est un signe de ponctuation très intéressant pour l’étude de la prosodie, puisque, comme le constatent Houdart et Prioul (2006 : 50), « le point d’exclamation étend son registre bien au-delà de ce que suggère son nom ». Dans les mots de Védénina (1989 : 20), « [à] l’aide de ce signe, on traduit l’état psychique du sujet parlant, dans toutes ses nuances. » Il peut être utilisé notamment pour « témoigner de l’état affectif d’une personne », pour « exprimer émotions, passions, sentiments » ou pour « rendre la volonté » (p. 20). Il peut aussi marquer une interjection ou être porteur de l’emphase (p. 20). Selon Catach (1994 : 63), le point d’exclamation « signale les réactions personnelles immédiates du locuteur, cris, appels, injonctions, souhaits, répliques positives ou négatives, etc., permettant de faire passer à l’écrit une expressivité directe, sans autre construction ». Il est intéressant de voir comment ces fonctions diverses du point d’exclamation se reflètent dans la prosodie de nos informateurs.

13Quelles sont les raisons derrière notre choix de faire lire un extrait littéraire à nos informateurs, et pourquoi avons-nous spécifiquement sélectionné l’extrait présenté dans l’Annexe 1 ? Pour nous, c’est un choix didactique qui s’inspire des théories d’apprentissage élaborées par des chercheurs ayant travaillé sur l’emploi et les avantages de la littérature en FLE, tels que Jean-Marc Defays et ses collègues (Defays, Delbart, Hammami et Saenen, 2014). En effet, nous avons choisi de faire lire aux informateurs l’extrait d’un dialogue authentique provenant de l’œuvre de Samuel Beckett au détriment d’un texte non littéraire, rédigé sur mesure pour un manuel FLE, pour deux raisons. Premièrement, ce sont surtout les dialogues (dramatiques ou romanesques) ainsi que les vers de poésie qui nous permettent d’emblée d’aborder la langue par sa phonétique et sa prosodie, et non pas uniquement à travers sa sémantique. D’un côté, la lecture d’une pièce de théâtre, tout comme la récitation d’un poème, permet de sensibiliser l’apprenant à la prosodie de la langue cible. De l’autre côté, il est évident que cette sensibilisation requiert d’abord une explication approfondie du texte en question. En effet, sans une compréhension préalable du texte, les apprenants auraient du mal à se mettre à la place des personnages et à interpréter correctement leurs répliques. Ainsi, faire lire du théâtre, c’est-à-dire un texte conçu pour être lu à voix haute et représenté sur la scène, permet ensuite à l’enseignant de souligner que la manière dont on lit à haute voix est tout aussi importante que ce que l’on dit. Cette approche met en lumière l’importance de l’intonation, de la cadence et de l’expression vocale, éléments essentiels pour une interprétation réussie.

14Deuxièmement, comme nous le savons, chaque texte littéraire, pas uniquement le théâtre, mais la poésie et le texte en prose aussi, est chargé d’affects et d’émotions. Mais le choix du théâtre au détriment de la prose et de la poésie se justifie ici par le fait que dans le texte écrit pour le théâtre, l’expression des sentiments ne va pas sans l’usage fréquent des points d’exclamation, tandis que dans l’expression romanesque, les sentiments et les attitudes des personnages se manifestent très souvent par le biais des énoncés en discours indirect libre par exemple grâce à la focalisation interne variable, comme le souligne Riippa (2022 : 23), où le lecteur peut accéder aux pensées des personnages. Le choix du théâtre s’est donc imposé ici, car dans le manuscrit d’une pièce de théâtre, les sentiments des personnages s’expriment plus directement : par des énoncés à la fin desquels il y a un point d’exclamation. Ce type d’énoncé exclamatif est plus rare en textes de prose, et presque inexistant dans les textes à fonction informative et instructive, parmi lesquels se trouvent les dialogues et d’autres textes faits sur mesure pour des manuels. À vrai dire, les énoncés exclamatifs des manuels modernes qui s’emploient actuellement en Finlande ne sont pas susceptibles de susciter de grandes émotions chez le lecteur, et ce, d’après nous, en raison du « caractère construit sur mesure des textes des manuels étudiés » (Riippa et Hahl, 2023 : 173-174 ; la traduction des auteures). Bien entendu, un manuel peut également inclure quelques extraits tirés de textes littéraires authentiques. Cependant, nous avons choisi de mettre en avant la singularité du texte littéraire tout en faisant lire à nos informateurs deux pages de Beckett à la place d’extraits littéraires adaptés pour un manuel. Pour ce qui est du choix de l’extrait qui fut choisi pour cette étude, il s’agit d’un extrait qui avait déjà fait l’objet d’une autre étude (Wiklund et Riippa 2023, voir la note en bas de page dans le chapitre 2). Nous avons décidé de faire une deuxième étude sur le même corpus.

  • 6 Actuellement, il existe un grand projet national de promotion culturelle parmi les élèves finlandai (...)

15L’extrait choisi aurait effectivement pu être remplacé par un dialogue tiré d’un roman, ou par un poème, et même par les paroles d’une chanson. À l’ère des livres audio, nous comprenons que le dialogue d’un roman peut être lu avec autant d’affection que celui d’une pièce de théâtre. Cependant, la lecture de cette pièce est également justifiée par le fait que, en lisant les répliques d’une scène dramatique, l’esprit du lecteur sera inévitablement amené à faire des associations sur la nature même du théâtre6. Ces associations ne se limitent pas nécessairement au théâtre de Beckett, bien que ses pièces, notamment En attendant Godot, aient été jouées à maintes reprises dans les théâtres finlandais par le passé et continuent de l’être encore aujourd’hui. Elles s’établissent également par rapport à l’expérience personnelle des lecteurs, qui peuvent se remémorer l’intensité avec laquelle les acteurs professionnels s’investissent dans leurs rôles. Ces associations, qui n’ont pas fait l’objet de notre étude, ont cependant encouragé certains apprenants à adopter un ton empathique sur lequel ils ont lu les répliques de Beckett. L’analyse du ton empathique des informateurs nécessiterait naturellement un tout autre type d’étude, dans laquelle les étudiants seraient également interviewés et entendus sur la base de la lecture effectuée, à la manière de l’étude réalisée parmi les étudiants suédois par Husung (2021). Nous y reviendrons.

16Pour assurer un meilleur apprentissage du FLE, faut-il que les textes des manuels suscitent davantage d’émotions ? Et pourquoi est-il important de sensibiliser les apprenants à un meilleur emploi d’énoncés communiquant des sentiments et des affects ? Cette sensibilisation est, selon nous, importante pour plusieurs raisons : actuellement, l’enseignement des compétences émotionnelles est intégré dans les nouveaux programmes scolaires nationaux que les écoles en Finlande sont tenues de suivre (Opetushallitus, 2019).

17Deuxièmement, ces dernières années, le monde entier a été secoué par la pandémie et des guerres, y compris en Europe, ce qui rend nécessaire pour les éducateurs et enseignants européens de s’adapter et de mettre à jour les méthodes et objectifs d’enseignement afin que les élèves acquièrent des compétences futures leur permettant de faire face à de nouvelles crises. La didactique des langues étrangères, à l’instar des autres disciplines, doit également faire face à ces changements. Si dans le passé, les textes qu’on faisait traditionnellement lire aux élèves étaient choisis de manière à ne pas les inhiber « en les confrontant à l’inconnu, au différent » (Defays, Delbart, Hammami et Saenen, 2014 : 28), la nécessité d’entrainer les apprenants à gérer des émotions difficiles dans un environnement sécurisé, sous la direction d’un enseignant, en discutant par exemple de la littérature lue ensemble, est en train de devenir une norme. Selon la recherche, la littérature est en effet perçue comme un environnement idéal et sécurisé pour l’entrainement de la confrontation et de la gestion d’émotions difficiles (Rossi, 2020).

18Selon une étude récente (Riippa et Hahl, 2023), faire lire de la littérature aux élèves est important pour le développement des compétences émotionnelles et interactionnelles. En se plongeant dans le monde de la fiction, le lecteur est capable d’adopter un point de vue différent et de comprendre le sort ainsi que la vulnérabilité d’autrui. Chaque nouvelle lecture permet aussi de revenir sur les expériences de lectures antérieures (Riippa, 2019). Bien entendu, cela peut se produire aussi lors de la lecture d’ouvrages et de textes non littéraires ou non fictionnels. Cependant, la chercheuse finlandaise dans le domaine de la lecture, Satu Grünthal, résume de manière pertinente ce qui différencie la lecture de la fiction de celle de la non-fiction : « Le monde de la non-fiction, dans toute sa diversité, semble fermé, tandis que les mondes de la fiction sont illimités et sans fin » (2020 : 184 ; la traduction des auteures).

19Les critères du programme national de l’enseignement secondaire supérieur (LOPS, 2019), introduits à l’automne 2021 en Finlande, offrent donc d’excellentes conditions pour l’utilisation des textes littéraires. L’enseignement des langues étrangères y est basé sur l’étude de différents types de textes, ce qui encourage actuellement les enseignants à faire lire aux élèves une variété de textes narratifs, descriptifs, engagés, de réflexion, fictifs ou factuels (LOPS, 2019 : 174). Ce nouveau programme finlandais encourage donc l’usage de textes divers et variés, ayant de fonctions différentes, sur la base desquels la discussion en classe de FLE est censée exercer une variété de compétences conversationnelles, y compris les compétences émotionnelles et d’interaction :

« L’étude des langues étrangères permet d’examiner la construction des identités individuelles et communautaires ainsi que la manière de fonctionner au sein d’un groupe. Les compétences linguistiques de tous les élèves ainsi que leurs diversités sont valorisées et exploitées, ce qui leur permet de développer leur bien-être, leurs compétences interpersonnelles et leur confiance en soi. L’empathie, les bonnes manières et les éléments d’interaction constructive (médiation) s’invitent naturellement dans l’étude des langues étrangères en tant que compétences transversales. En explorant et en s’appropriant des éléments d’interaction constructive, les élèves approfondissent leur compréhension d’autrui et apprennent à faire face à des situations où l’interaction rencontre des défis linguistiques et culturels. » (LOPS, 2019 :175; la traduction des auteures).

20Si la communication sur des sujets quotidiens et la lecture des textes et dialogues faits sur mesure pour les manuels ont traditionnellement occupé une place de premier ordre dans l’enseignement des langues, elles ne permettent plus, à elles seules, d’atteindre les objectifs ratifiés par ce nouveau programme national. Ce dernier oblige les enseignants à développer leur enseignement pour mieux promouvoir les compétences émotionnelles et interculturelles des élèves. Une variété de textes fictifs et stimulants dans l’enseignement des langues étrangères pourrait en revanche aider à cet égard (voir à ce sujet, Riippa et Hahl, 2023).

21Ce document national, qui prévoit les bases du programme de l’école secondaire finlandaise, met aussi en valeur l’approche transversale visant à développer la compréhension et à créer des liens entre les différentes matières. En effet, dans ce document, les langues étrangères sont considérées comme des outils et des aptitudes permettant de développer des compétences générales, et non uniquement des compétences linguistiques. L’apprentissage des langues permet en effet, selon ce document :

« d’identifier, de pratiquer, de développer et d’assimiler un large éventail de compétences, de valeurs et d’attitudes. L’enseignement des langues est sous-tendu par un champ de connaissances et de sciences qui lui est propre et dont les dimensions, telles que la sociolinguistique, la linguistique cognitive ou l’analyse textuelle, peuvent être utilisées pour aborder des questions transversales. Dans l’enseignement des langues étrangères, les compétences transversales prennent la forme de questions telles que “pourquoi” tout en encourageant le raisonnement sur les causes et les effets. Les langues offrent ainsi la possibilité de développer des activités créatives en expérimentant différentes manières d’apprendre, mais aussi de développer des compétences intellectuelles et linguistiques ainsi qu’une sensibilité pour apprécier et savourer l’esthétique de la langue. » (LOPS, 2019 :174–175; la traduction des auteures)

22L’enseignement de la prononciation par le biais de différents supports littéraires pourrait désormais contribuer lui aussi à la réalisation de ces objectifs nationaux et globaux. Nous pensons que l’étude et la lecture de textes riches en énoncés émotionnellement chargés permettraient non seulement d’enseigner des compétences émotionnelles en classe de FLE, mais aussi de mieux comprendre les causes et les conséquences. De nombreux chercheurs s’intéressant actuellement à comprendre les effets émotionnels et affectifs provenant de la lecture de la littérature sur les apprenants dans le contexte de l’enseignement mettent en évidence que la réception des sentiments ressentis en lisant n’est pas uniquement une affaire émotionnelle, mais cognitive aussi (Riippa et Hahl, 2023 : 175 ; Grünthal, 2020). Les passages qui suscitent de l’empathie chez le lecteur sont souvent des passages à la lecture desquels le lecteur découvre les mobiles derrière les actes des personnages (Husung, 2021 : 1).

23La capacité de l’apprenant à lire des œuvres littéraires ou des extraits littéraires ne devrait pas être sous-estimée dans l’enseignement des langues étrangères (Riippa et Hahl, 2023 : 179). La lecture de la littérature ne devrait pas être traitée comme quelque chose qui est proposé uniquement lorsque les compétences linguistiques des apprenants le permettent. Bien entendu, la lecture d’un texte littéraire en une langue étrangère nécessite un accompagnement et un soutien de la part de l’enseignant, et le support littéraire doit être choisi en fonction du niveau de l’apprenant (Riippa et Hahl 2023 : 179). Ce besoin et ce souhait d’accompagnement et de soutien face à la complexité de textes littéraires surgissent également dans l’étude de Husung (2021).

2. Corpus et méthodes

2.1. Corpus

  • 7 Le même corpus a été utilisé dans notre étude portant sur les énoncés interrogatifs (Wiklund et Rii (...)
  • 8 Une participante avait aussi une deuxième langue maternelle : le russe.

24Nous avions sélectionné comme informateurs 20 étudiants universitaires qui se répartissaient en deux groupes7. Le premier groupe consistait en 15 apprenants finnophones du français langue étrangère (L2). Ce qui rapprochait les étudiants de ce groupe, c’est qu’à l’époque des enregistrements, ils suivaient tous le même cours de français pour les débutants du niveau A1 (CEFR, 2022) au Centre de Langues de l’Université de Helsinki (Finlande). La langue maternelle de tous les participants de ce groupe était le finnois8. L’âge moyen des participants était de 25 ans. La plupart (17/20, 85 %) d’entre eux étaient des femmes. Sur le plan acoustique, parmi les informateurs finnophones, 12 voix féminines et 3 voix masculines ont été identifiées et analysées. (Un des informateurs n’avait pas indiqué son genre sexuel dans la fiche d’informations de base.)

25Le deuxième groupe de participants était le groupe de contrôle. Celui-ci consistant en cinq étudiantes Erasmus qui étaient des locutrices natives du français, d’origine française (3/5) ou belge (2/5). Elles faisaient leurs études à l’Université de Helsinki à l’époque, à l’automne 2018. Elles avaient été scolarisées dans différentes villes françaises (Lyon, Lacanau, Poitiers) et belges francophones (Binche, Theux). L’âge moyen des participants du groupe de contrôle était de 21 ans.

26La tâche des informateurs consistait donc à lire à haute voix un extrait d’un dialogue tiré de la pièce de théâtre En attendant Godot (Beckett, 1952 : 118-119). Le texte lu est donc donné en annexe (Annexe 1). La parole a été enregistrée par des professionnels de la technologie audiovisuelle dans une pièce silencieuse. Pendant l’enregistrement, chaque informateur avait un microphone très près de la bouche. Les informateurs ont porté un casque-micro pour que la distance entre les lèvres et le microphone ne change pas. Les participants avaient l’occasion de lire l’extrait d’une manière silencieuse avant de le lire à haute voix. Ils avaient également eu l’occasion de poser des questions sur le contenu du texte s’ils ne le comprenaient pas au moment où le texte leur était introduit en classe par l’enseignante.

27L’extrait choisi pour cette étude provient donc de l’œuvre de Samuel Beckett, En attendant Godot. Ce grand classique s’inspire de la philosophie des années de l’immédiat après-guerre (Bennett, 2011). L’écriture beckettienne a, en effet, la même particularité que celle d’Albert Camus, d’être simultanément facile et difficile. Si c’est sur le plan lexical que l’extrait choisi est facilement abordable, sa difficulté surgit sur le plan sémantique et interprétatif, ce qui est un phénomène tout à fait propre aux œuvres nourries de la philosophie de l’absurde. Parmi elles se trouvent aussi celles d’Albert Camus qui s’utilisent cependant énormément dans le contexte de l’enseignement du français langue étrangère. Le lexique réduit rend les œuvres de Camus, et celles de Beckett aussi, accessibles à beaucoup de monde, et par ce fait, utilisables dans le contexte de l’enseignement du FLE aussi.

28Le texte de Beckett choisi pour cette étude est lui aussi facile à lire, mais difficile à comprendre en profondeur. À première vue, cette facilité de lecture pourra en effet être déroutante. La compréhension profonde de la pièce nécessite effectivement une explication de la philosophie de l’absurde et du contexte historique qui a fortement marqué l’écriture de Beckett. Avant d’avoir effectué les enregistrements, le texte était étudié en classe. La naissance du sentiment de l’absurde et le contexte historique de l’œuvre ont été expliqués aux étudiants. Ainsi, ils ont pu imaginer l’ambiance de la scène sans avoir lu l’œuvre en entier. Mais il convient également de noter à ce sujet que dans les œuvres nourries de la philosophie de l’absurde, il y a un va-et-vient constant entre les faits élémentaires de la vie et les questions métaphysiques, ce qui encourage d’après nous le lecteur à se jeter dans l’ambiance métaphysique de l’œuvre à la manière des enfants qui sont eux aussi capables de s’interroger spontanément sur les grandes questions de la vie. Choisir un extrait d’une pièce de théâtre de l’absurde se justifie aussi par le fait que le texte de Beckett contient de l’humour, ce qui alimente la capacité et la tendance innées de l’être humain à s’émerveiller et à s’interroger sur le sens de la vie.

2.2. Méthodes

  • 9 Le même extrait a été utilisé dans une étude antérieure portant sur la prosodie des énoncés interro (...)

29L’extrait de deux pages que nous avons choisi de faire lire aux étudiants était donc tiré d’une pièce de théâtre qui est plutôt connue aussi en Finlande, au moins du nom (Beckett, 1952 : 118-119). L’extrait choisi9 comportait au total cinq énoncés qui se terminent en un point d’exclamation. Ceux-ci n’étaient certes pas des exclamations habituelles, mais plutôt des énoncés absurdes, ce qui était expliqué aux étudiants avant l’enregistrement des lectures à voix haute. En revanche, elles se reconnaissent très facilement en tant que telles même par des apprenants débutants grâce au point d’exclamation qui les accompagne. Les voici :

À moi !

Ah, voilà !

Au secours !

Au secours !

Il demande si nous sommes des amis !

30Nous avons commencé par faire les analyses acoustiques des énoncés terminant en un point d’exclamation trouvés dans le corpus. Les paramètres suivants ont été pris en compte : l’étendue du/des mouvement(s) mélodique(s) final(s) (montée/chute) (en demi-tons), la durée de la syllabe finale (sec) et l’écart-type de la fréquence fondamentale (en demi-tons) pendant la production de l’énoncé. Ces analyses ont été faites avec le logiciel Praat (Boersma et Weenink, 2022). Les formes intonatives des exclamations ont été analysées en utilisant le système de notation « F_ToBI » (Delais-Roussarie et al., 2015) et elles sont présentées à l’aide de l’outil technique « Prosogramme » (Mertens, 2004).

31Après avoir obtenu les valeurs acoustiques, nous avons mené des analyses statistiques pour vérifier si les différences trouvées étaient statistiquement significatives. Les moyennes des valeurs des deux groupes (apprenants – francophones natifs) ont été calculées avec le test de Shapiro-Wilk. Le même test a été utilisé pour vérifier si les données étaient normalement distribuées. Ensuite, les groupes ont été comparés. Si les données étaient normalement distribuées, le test de Welch a été utilisé. Pour les données qui n’étaient pas distribuées normalement, c’est le test de Wilcoxon-Mann-Whitney qui a été utilisé. Pour finir, nous avons analysé les contextes d’occurrences des énoncés terminant en un point d’exclamation d’une manière qualitative et étudié les façons desquelles ces énoncés étaient enseignés dans trois séries de manuels du français langue étrangère : J’aime 1 (Kivivirta et al., 2015), Cosmopolite 1 (Hirschsprung et Tricot, 2017) et Escalier 1 (Granath et al., 2016).

3. Résultats quantitatifs

32Nos résultats indiquent que dans 64 % des cas, les locuteurs natifs du français interprètent le point d’exclamation prosodiquement avec un mouvement intonatif final du type ’montée-chute’. Dans la parole des apprenants finnophones, ce type de mouvement est plus rare : il apparaît seulement dans 30,7 % des cas. L’étendue moyenne de la partie montante et de 4,4 demi-tons (dt) dans la parole des apprenants finnophones du français et de 2,7 dt dans la parole des locuteurs natifs. La différence n’est pas statistiquement significative (le score z = 1,122 5, test de Wilcoxon -Mann-Whitney). En ce qui concerne la partie descendante, le mouvement intonatif est moins important dans la parole des apprenants finnophones que dans celle des locuteurs natifs. L’étendue moyenne de la partie descendante et de 5,8 dt dans la parole des apprenants finnophones, tandis que dans la parole des locuteurs natifs, la valeur correspondante est de 8,4 dt. La différence est statistiquement significative (la valeur-p = 0,048 787 2, test de Welch).

33Les apprenants finnophones, quant à eux, interprètent la présence d’un point d’exclamation le plus souvent par une chute intonative (37,3 %). Ce type apparaît aussi dans la parole des locuteurs natifs, mais plus rarement (20 %). L’étendue moyenne des chutes apparaissant dans la parole des locuteurs finnophones est de 6,4 dt. Dans la parole des locuteurs natifs, la valeur correspondante est de 5,3 dt. La différence n’est pas statistiquement significative (le score z = 1,122 5, test de Wilcoxon -Mann-Whitney).

34Aussi bien les locuteurs natifs (16 %) que les apprenants finnophones (22,7 %) peuvent également interpréter la présence d’un point d’exclamation par une montée intonative finale, mais cela n’est pas très fréquent. L’étendue moyenne des montées dans la parole des apprenants finnophones est de 7,6 dt. Dans la parole des locuteurs natifs, l’étendue moyenne des mouvements montants est de 7,3 dt. La différence n’est pas statistiquement significative (la valeur-p = 0,894 416, test de Welch).

35Le corpus comporte aussi quelques occurrences (4 %) où les apprenants finnophones marquent la présence d’un point d’exclamation avec une intonation plate. Dans la parole des locuteurs natifs, ce type d’intonation n’apparaît pas. Les fréquences des différents types de mouvements intonatifs finaux sont présentées dans le tableau 1.

Tableau 1 : Les fréquences des différents types de mouvements intonatifs finals

Mouvement intonatif

FIN

FR

montée-chute

30,7 %

64 %

chute

37,3 %

20 %

montée

22,7 %

16,0 %

plat

4 %

0 %

36L’écart-type de la fréquence fondamentale pendant la production des exclamations est de 2,2 dt dans la parole des apprenants finnophones et de 2,5 dt dans la parole des locuteurs natifs. La différence n’est pas statistiquement significative (le score z = 1,122 5, test de Wilcoxon -Mann-Whitney).

37Nous avons également mesuré la durée de la dernière syllabe de chaque énoncé terminant en un point d’exclamation. Dans la parole des apprenants finnophones, la durée moyenne est de 0,32 sec. Dans la parole des locuteurs natifs, la valeur correspondante est de 0,34 s La différence n’est pas statistiquement significative (le score z = -0,768 17, test de Wilcoxon -Mann-Whitney).

38Par conséquent, le seul paramètre acoustique où la différence entre les groupes est statistiquement significative est l’étendue de la partie descendante du mouvement du type ’montée-chute’ : cette partie est moins importante dans la parole des apprenants finnophones que dans celle des locuteurs natifs. Le tableau 2 résume les résultats des analyses acoustiques.

Tableau 2 : Les résultats des analyses acoustiques

Paramètre

FIN

FR

Différence statistiquement significative

Montée-chute : l’étendue de la partie montante

4,4 dt

2,7 dt

Non

Montée-chute : l’étendue de la partie descendante

5,8 dt

8,4 dt

Oui

L’étendue des chutes

6,4 dt

5,3 dt

Non

L’étendue des montées

7,6 dt

7,3 dt

Non

L’écart-type de la f0

2,2 dt

2,5 dt

Non

Durée de la dernière syllabe

0,32 s

0,34 s

Non

4. Analyses qualitatives

4.1. Exemple 1

39La figure 1 présente un mouvement intonatif du type ’montée – chute’ produit par une locutrice native du français. Les courbes acoustiques ont été générées avec Prosogram (Mertens, 2004). Le trait épais noir dans la figure donne une estimation de la hauteur perçue par un auditeur moyen. Les traits fins correspondent aux différents paramètres acoustiques. Le trait bleu donne la fréquence fondamentale. Le trait vert donne l’intensité, et le trait rouge indique le signal sonore filtré. La ligne en zigzag indique les parties voisées.

40Comme le trait épais noir dans la figure 1 le montre bien, la partie montante n’est pas très importante ici – seulement de 1,9 dt – ce qui est tout à fait typique dans notre corpus. La chute est nettement plus importante (6,8 dt), ce qui est aussi tout à fait typique dans ces données.

Figure 1 : Mouvement du type ’montée – chute’ produit par une locutrice native du français. (Énoncé : « À moi ! »)

Figure 1 : Mouvement du type ’montée – chute’ produit par une locutrice native du français. (Énoncé : « À moi ! »)

41Parmi les locutrices natives du français, trois personnes sur cinq produisent cet énoncé avec un mouvement intonatif du type ’montée – chute’. Dans la parole des apprenants finnophones, sept personnes sur quinze produisent un mouvement du type ’montée – chute’ et sept personnes produisent une montée sans chute. Une personne produit une chute sans mouvement montant.

42La figure 2 présente le même énoncé produit par une apprenante finnophone du français. L’intonation monte très clairement à la fin de cet énoncé, et la montée n’est pas suivie d’une chute. L’étendue de cette montée est de 8,1 demi-tons, ce qui correspond à une valeur moyenne dans notre corpus.

Figure 2 : Mouvement du type ’montée’ produit par une apprenante finnophone du français. (Énoncé : « À moi ! »)

Figure 2 : Mouvement du type ’montée’ produit par une apprenante finnophone du français. (Énoncé : « À moi ! »)

43Le contexte d’occurrence de cet énoncé terminant un en point d’exclamation est donné ci-dessous (cf. Exemple 1).

Exemple 1 :

--> 01 Pozzo. – À moi !

02 Estragon. – C’est toute l’humanité. (Silence.) Regarde-moi

03 ce petit nuage.

04 Vladimir (levant les yeux). – Où ?

(Beckett, 1952 : 118)

44Il est notable que l’énoncé terminant en un point d’exclamation apparaisse au début de l’extrait que les informateurs ont lu ; il s’agit de la première ligne de l’extrait. De plus, il s’agit d’une réplique très courte. Si l’énoncé était plus long et/ou s’il apparaissait au milieu d’une réplique longue, le point d’exclamation pourrait plus facilement passer inaperçu, et les traits prosodiques produits par les informateurs pourraient être moins marqués. Il est également notable que cet énoncé ne comporte pas de mots difficiles ou longs qui pourraient rendre la prononciation de l’énoncé difficile pour les apprenants finnophones. Par conséquent, les apprenants peuvent plus facilement se concentrer sur le fait qu’il s’agit d’un énoncé exclamatif.

4.2. Exemple 2

45Comme nous l’avons déjà constaté dans le chapitre précédent, les apprenants finnophones marquent le plus souvent la présence d’un point d’exclamation par une chute intonative. La figure 3 présente une occurrence de ce type de mouvement intonatif. La chute est très grande dans ce cas : son étendue est de 9,1 demi-tons.

Figure 3 : Mouvement du type ’chute’ produit par une apprenante finnophone du français. (Énoncé : « Au secours ! »)

Figure 3 : Mouvement du type ’chute’ produit par une apprenante finnophone du français. (Énoncé : « Au secours ! »)

46Dix apprenants finnophones sur 15 produisent une chute à la fin de cet énoncé. Quatre informateurs finnophones produisent une montée suivie d’une chute, et une personne produit une montée sans chute. Les locutrices natives, quant à elles, produisent le plus souvent une montée suivie d’une chute à la fin de cet énoncé ; seulement une d’entre elles le prononce avec une chute.

47La figure 4 présente le même énoncé produit par une locutrice native du français avec un mouvement du type ’montée-chute’. Comme dans le cas présenté dans la figure 1, ici aussi, la montée est moins importante – seulement de 2,1 dt – et la chute, quant à elle, est très importante : 16,6 dt.

Figure 4 : Mouvement du type ’montée – chute’ produit par une locutrice native du français. (Énoncé : « Au secours ! »)

Figure 4 : Mouvement du type ’montée – chute’ produit par une locutrice native du français. (Énoncé : « Au secours ! »)

48Le contexte d’occurrence de cet énoncé terminant en un point d’exclamation est donné ci-dessous (Exemple 2).

Exemple 2 :

01 Estragon. – Et maintenant ?

--> 02 Pozzo. – Au secours !

03 Estragon. – Allons-nous-en.

04 Vladimir. – On ne peut pas.

05 Estragon. – Pourquoi ?

06 Vladimir. – On attend Godot.

(Beckett, 1952 : 118)

49L’énoncé « Au secours ! » (ligne 02) apparaît dans une suite de répliques courtes produites par trois différents personnages. Il est notable qu’elle apparaisse immédiatement après une question. Comme cette question (ligne 01) ne comporte pas à l’oral d’autres marqueurs interrogatifs que l’intonation, elle est obligatoirement produite avec une intonation montante. Par conséquent, il peut sembler naturel pour les apprenants de produire l’énoncé suivant terminant en un point d’exclamation avec une chute intonative, pour marquer un contraste entre les modalités interrogative et exclamative.

50Notre étude antérieure (Wiklund et Riippa, 2022) montre qu’aussi bien les apprenants finnophones que les locuteurs natifs du français de ce même corpus produisent une montée intonative à la fin des questions totales d’information. En ce qui concerne les questions partielles, les résultats sont plus divergents : le plus souvent, les apprenants finnophones produisent aussi une montée intonative à la fin d’une question partielle, tandis que dans la parole des locuteurs natifs, l’intonation descendante et plate est nettement plus fréquente. Par conséquent, le fait que les apprenants finnophones ont tendance à produire une chute intonative à la fin des énoncés terminant en un point d’exclamation peut s’expliquer par le fait qu’ils prononcent la plupart de questions avec une montée finale. Il s’agit donc de créer un contraste entre les modalités interrogative et exclamative.

51Le fait que l’intonation descendante est plus fréquente dans la parole des apprenants finnophones que le mouvement de type ’montée-chute’ – qui créerait, lui aussi, un contraste – peut s’expliquer tout simplement par le fait qu’une intonation descendante est plus facile à prononcer pour un finnophone qu’un mouvement du type ’montée-chute’.

5. Les points d’exclamation dans les manuels de FLE

52L’étude des énoncés terminant en un point d’exclamation en classe de FLE n’a pas été complètement épuisée, au contraire, il y a encore davantage à en tirer sur le plan pédagogique dans le contexte finlandais. Étant donné que ces énoncés se combinent à des informations situationnelles, ils permettent d’indiquer au récepteur le sentiment et l’attitude exprimés par le locuteur (Riegel, Pellat et Rioul, 1994 : 401). Nous considérons que la capacité unique des énoncés terminant en un point d’exclamation à communiquer des sentiments et des affects rend leur enseignement particulièrement important et utile. Cela est d’autant plus pertinent que l’enseignement des compétences émotionnelles est désormais intégré dans le nouveau programme scolaire national que les écoles en Finlande sont tenues de suivre (Opetushallitus, 2019). Le programme exige également un enseignement transversal où le même phénomène est examiné sous différents angles (LOPS, 174-176). Étudier ces énoncés à travers un extrait littéraire permet d’enseigner la littérature dans son contexte historique, la prononciation de l’intonation affective et les compétences émotionnelles en classe de FLE, répondant ainsi aux exigences du programme actuel de l’enseignement secondaire supérieur en Finlande (LOPS, 2019).

53Pour comprendre les résultats et les défis des apprenants finnophones de FLE face à l’interprétation prosodique de points d’exclamation dans le contexte finlandais, nous avons étudié l’apparition et l’explication pédagogique des exclamations dans les manuels de FLE qui s’utilisent actuellement au niveau CECR A1 (en secondaire et dans les centres universitaires de langues dans lesquels l’apprentissage des langues étrangères s’appuie traditionnellement sur des manuels et des méthodes d’enseignement faits par des professionnels) : J’aime 1 (Kivivirta et al., 2015), Cosmopolite 1 (Hirschsprung et Tricot, 2017) et Escalier 1 (Granath et al., 2016). À force d’observer les documents écrits qu’on trouve dans ces manuels, nous avons découvert que les auteurs font un usage abondant de différents énoncés terminant en un point d’exclamation (énoncés exclamatifs + interjections), et ce notamment dans les textes que les apprenants sont censés lire, soit à voix haute ou de façon autonome.

Tableau 3 : Emploi des énoncés se terminant par un point d’exclamation dans trois manuels FLE actuels

Nom du manuel

Nombre des énoncés exclamatifs

Nombre des interjections

Au total

Cosmopolite 1

(Hachette, 2017)

73

24

97

Escalier 1

(Sanoma Pro, 2014)

47

40

87

J’aime 1

(Otava, 2015)

57

81

138

54Le tableau 3 donne quelques chiffres concernant les occurrences des phrases exclamatives et des interjections dans les documents écrits des manuels FLE. Les énoncés se terminant par un point d’exclamation y sont donc nombreux. Les textes en question sont souvent des dialogues, mais pas seulement. Ce qui a d’autant plus retenu notre attention en étudiant les manuels FLE est que les énoncés se terminant par un point d’exclamation y surgissent très souvent incidemment, sans vraiment être enseignés nulle part et sans figurer parmi les points linguistiques qui ont été choisis d’être expliqués en détail. Ce qui caractérise leur emploi dans la plupart des cas, c’est leur usage assez stéréotypé pour exprimer l’étonnement positif ou négatif du locuteur à l’égard de la situation ou du comportement d’autrui, comme le montrent les exemples suivants : « Tu perds ta vie si tu regardes tant la télé ! » (Escalier 1 : 227) ; « Ah, quelle grande cuisine ! » (J’aime 1 : 64) ; « Il y a des milliers de chaussures dans cet étage ! » (Cosmopolite 1 : 136).

55L’analyse des exclamations issues de ces manuels-là permet de dire que la capacité à témoigner de l’état affectif d’une personne propre aux exclamations est une ressource langagière peu utilisée à l’heure actuelle. Alors que c’est une ressource sur laquelle les manuels de demain pourraient miser beaucoup plus. Faire lire des extraits littéraires et dramatiques bien choisis serait susceptible de faire comprendre aux étudiants débutants que les exclamations bien prononcées en français expriment « facilement » différentes émotions et divers sentiments, et pas seulement l’étonnement. Ces extraits pourraient être inclus dans les manuels, suivis d’une explication sur l’aspect prosodique et émotionnel des exclamations. Cependant, pour ce qui est des manuels étudiés, ni l’emploi ni la formation, sans parler de la prononciation des exclamations, ne sont expliqués aux apprenants, à l’exception d’un d’eux, à savoir Cosmopolite 1 (Hirschsprung et Tricot, 2017). Celui-ci donne une petite explication soulignant la spécificité de la prononciation des énoncés se terminant par un point d’exclamation en l’intitulant à juste titre « intonation expressive » (p. 139). Cette explication est donnée dans la figure 5 ci-dessous. Mais c’est la seule et unique description concernant la prononciation et l’emploi des énoncés se terminant par un point d’exclamation qui apparaît dans ces trois manuels.

Figure 5 : Explication de la prononciation des énoncés terminant en un point d’exclamation dans le manuel Cosmopolite

Figure 5 : Explication de la prononciation des énoncés terminant en un point d’exclamation dans le manuel Cosmopolite

Source : Hirschsprung et Tricot, 2017 : 139.

6. Conclusion

56Nos résultats indiquent donc que dans 64 % des cas, les locuteurs natifs du français produisent les énoncés terminant en un point d’exclamation avec un mouvement intonatif du type ’montée-chute’. Cela n’est pas étonnant, puisque selon les études antérieures (Delais-Roussarie et al., 2015 ; Di Cristo, 2016), ce type de schéma intonatif est typique des exclamations du français. Dans la parole des apprenants finnophones, ce type de mouvement est nettement plus rare : il apparaît seulement dans 30,7 % des cas. De plus, la partie descendante du mouvement intonatif est plus petite dans la parole des apprenants finnophones que dans celle des locuteurs natifs (et la différence est statistiquement significative). Les énoncés terminant en un point d’exclamation produits par les apprenants finnophones se terminent le plus souvent dans une chute intonative (37,3 %). Ce type apparaît aussi dans la parole des locuteurs natifs, mais plus rarement (20 %). Aussi bien les locuteurs natifs (16 %) que les apprenants finnophones (22,7 %) peuvent également marquer la présence d’un point d’exclamation par une montée mélodique, mais cela n’est pas très fréquent.

57En ce qui concerne l’étendue de la partie montante du mouvement final du type ’montée-chute’, les apprenants finnophones ont tendance à produire une montée plus importante que les locuteurs natifs, mais la différence n’est pas statistiquement significative. Il en va de même pour les autres paramètres (montée, chute, l’écart-type de la f0 et la durée de la dernière syllabe) pris en compte dans cette étude : il y a de petites différences à noter entre les valeurs des apprenants finnophones et les locuteurs natifs, mais la différence n’est pas statistiquement significative. Le seul paramètre où la différence est statistiquement significative est donc l’étendue de la partie descendante du mouvement du type ’montée-chute’ : cette partie est plus modeste dans la parole des apprenants finnophones que dans celle des locuteurs natifs.

58Pour conclure, nous voulons mettre en valeur l’intérêt et le potentiel pédagogique de l’interprétation prosodique des points d’exclamation. Étant donné que les apprenants finnophones du français ont besoin d’être sensibilisés à l’intonation du français, qui est très différente de celle du finnois, il est essentiel que les manuels FLE prennent en compte de manière explicite et nuancée l’emploi de l’intonation dite expressive et émotionnelle. Cela pourrait commencer dès le premier volume d’une série, en tirant profit, pourquoi pas, de textes littéraires authentiques.

59Deuxièmement, notre étude va aussi dans le sens de nombreuses études littéraires qui portent sur l’empathie littéraire (Keen, 2007; Rossi, 2020; Riippa, 2022). Ces études mettent en évidence qu’en lisant de la fiction, le lecteur reçoit la possibilité d’adapter la perspective d’autrui et de comprendre ce que le personnage a vécu sur le plan émotionnel (Riippa 2022). Enseigner l’intonation empathique du français par le biais d’un support littéraire serait aussi une façon de rendre l’enseignement du FLE transversal. Selon cette méthode, il s’agirait d’abord d’identifier et de localiser les énoncés qui expriment différents sentiments, ensuite il s’agirait de les nommer et de les expliquer dans le contexte de l’œuvre pour finalement mettre en place une bonne intonation qui transmettrait les mêmes sentiments à l’oral. Un travail plus approfondi et plus explicite des énoncés terminant en un point d’exclamation issus d’un texte littéraire bien choisi pourrait en effet constituer une passerelle naturelle vers l’apprentissage des compétences émotionnelles ; il est donc justifié d’y prêter attention dans l’enseignement du FLE dès le début.

60Pour élaborer cette méthode, nous pourrions en effet poursuivre notre recherche pour voir si l’immersion émotionnelle de l’apprenant a un impact positif sur la production de la prosodie du français langue étrangère. Pour mettre en place ce type d’étude, nous pourrions suivre l’exemple de Husung (2021), qui a effectué une étude intéressante sur l’empathie suscitée chez les apprenants universitaires de français à l’occasion de la lecture de la littérature francophone (post) coloniale. Pour appliquer l’étude de Husung dans l’étude de la prosodie, nous ferions d’abord lire aux étudiants des extraits aptes à mettre en place une lecture émotionnellement immersive, et d’autre part, des textes à seule fonction informative n’ayant pas pour but de provoquer de sentiments chez le lecteur. Pour réaliser cette étude, qui permettrait en effet de découvrir si les émotions ressenties et imaginées impactent positivement sur l’apprentissage de l’intonation de la langue cible, il faudrait également interviewer les informateurs pour qu’ils localisent les passages ayant suscité des émotions chez eux. Finalement, il s’agirait de voir si l’acquisition de la prosodie du français s’améliore et devient plus naturelle au moment de la lecture de ces passages-là.

61En conclusion, la variété et la diversité des énoncés terminant en un point d’exclamation méritent d’être enseignées. En effet, les exclamations classiques telles que « que », « quel » et « j’adore », fréquemment utilisées dans les manuels ne sont peut-être pas les plus courantes ni naturelles dans le langage des locuteurs francophones natifs. En apprenant à reconnaître cette diversité, les apprenants finnophones peuvent mieux appréhender l’expression émotionnelle des locuteurs français, enrichissant ainsi leur communication et leur interaction en FLE de manière plus authentique.

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Annexe

Annexe 1 : Texte lu par les informateurs : En attendant Godot (Beckett, 1952 : 118-119)

Pozzo. ̶ A moi !

Estragon. ̶ C’est toute l’humanité. (Silence.) Regarde-moi ce petit nuage.

Vladimir (levant les yeux). ̶ Où ?

Estragon. ̶ Là, au zénith.

Vladimir. ̶ Eh bien ? (Un temps.) Qu’est-ce qu’il a de si extraordinaire ?

Silence.

Estragon. ̶ Passons maintenant à autre chose, veux-tu ?

Vladimir. ̶ J’allais justement te le proposer.

Estragon. ̶ Mais à quoi ?

Vladimir. ̶ Ah, voilà !

Silence.

Estragon. ̶ Si on se levait, pour commencer ?

Vladimir. ̶ Essayons toujours.

Ils se lèvent.

Estragon. ̶ Pas plus difficile que ça.

Vladimir. ̶ Vouloir, tout est là.

Estragon. ̶ Et maintenant ?

Pozzo. ̶ Au secours !

Estragon. ̶ Allons-nous-en.

Vladimir. ̶ On ne peut pas.

Estragon. ̶ Pourquoi ?

Vladimir. ̶ On attend Godot.

Estragon. ̶ C’est vrai. (Un temps.) Que faire ?

Pozzo. ̶ Au secours !

Vladimir. ̶ Si on le secourait ?

Estragon. ̶ Qu’est-ce qu’il faut faire ?

Vladimir. ̶ Il veut se lever.

Estragon. ̶ Et après ?

Vladimir. ̶ Il veut qu’on l’aide à se lever.

Estragon. ̶ Eh bien, aidons-le. Qu’est-ce qu’on attend ?

Ils aident Pozzo à se lever, s’écartent de lui. Il retombe.

Vladimir. ̶ Il faut le soutenir (Même jeu. Pozzo reste debout entre les deux, pendu à leur cou.) Il faut qu’il se réhabitue à la station debout. (A Pozzo.) Ça va mieux ?

Pozzo. ̶ Qui êtes-vous ?

Vladimir. ̶ Vous ne nous remettez pas ?

Pozzo. ̶ Je suis aveugle.

Silence.

Estragon. ̶ Peut-être qu’il voit clair dans l’avenir ?

Vladimir (à Pozzo). ̶ Depuis quand ?

Pozzo. ̶ J’avais une très bonne vue ̶, mais êtes-vous des amis ?

Estragon (riant bruyamment). ̶ Il demande si nous sommes des amis !

Vladimir. ̶ Non, il veut dire des amis à lui.

Estragon. ̶ Et alors ?

Vladimir. ̶ La preuve, c’est que nous l’avons aidé.

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Notes

1 L’extrait entier lu par les informateurs est donné en annexe.

2 Pour la structure grammaticale des exclamations, voir par exemple Marandin (2008, 2010). En ce qui concerne la prosodie de la parole interprétée, voir Godement-Berline (2018).

3 « L’interjection est une classe grammaticale particulière. La liste des termes reconnus comme interjections varie selon les grammaires ; leur nature et leurs rôles syntaxiques sont diversifiés. […] La liste des interjections est très diversifiée ; elle inclut aussi bien des onomatopées que des unités lexicales appartenant à diverses classes grammaticales » (Riegel, Pellat et Rioul, 1994 : 462). ​

4 Pour l’interprétation prosodique du point et de la virgule dans la lecture d’un texte littéraire, voir Wiklund (2015).

5 Selon Houdart et Prioul (2006 : 50), le point d’exclamation est « l’un des derniers-nés de la ponctuation ». Il a été inventé par l’humaniste florentin Coluccio Salutati vers la fin du xive siècle (p. 50).

6 Actuellement, il existe un grand projet national de promotion culturelle parmi les élèves finlandais. Ce projet s’appelle Taidetestaajat. Il est financé par la Fondation culturelle finlandaise. « L’idée est d’offrir des expériences culturelles à tous les élèves finlandais, quel que soit leur milieu socioculturel. Taidetestaajat est en effet le plus grand programme d’éducation culturelle en Finlande, offrant à tous les élèves finlandais de huitième classe et à leurs enseignants une ou deux visites par année scolaire à des œuvres d’art de grande qualité. Le projet de promotion culturelle touche environ 70 000 personnes chaque année, issues de toutes les municipalités finlandaises. Le nombre de visites et les destinations varient d’une année scolaire à l’autre, en fonction du financement reçu » (https://skr.fi/hankkeet/taidetestaajat ; la traduction des auteures).

7 Le même corpus a été utilisé dans notre étude portant sur les énoncés interrogatifs (Wiklund et Riippa, 2022).

8 Une participante avait aussi une deuxième langue maternelle : le russe.

9 Le même extrait a été utilisé dans une étude antérieure portant sur la prosodie des énoncés interrogatifs dans la parole des apprenants finnophones du français (Wiklund et Riippa, 2022).

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Mouvement du type ’montée – chute’ produit par une locutrice native du français. (Énoncé : « À moi ! »)
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Titre Figure 2 : Mouvement du type ’montée’ produit par une apprenante finnophone du français. (Énoncé : « À moi ! »)
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Titre Figure 3 : Mouvement du type ’chute’ produit par une apprenante finnophone du français. (Énoncé : « Au secours ! »)
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Titre Figure 4 : Mouvement du type ’montée – chute’ produit par une locutrice native du français. (Énoncé : « Au secours ! »)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/5140/img-4.png
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Titre Figure 5 : Explication de la prononciation des énoncés terminant en un point d’exclamation dans le manuel Cosmopolite
Crédits Source : Hirschsprung et Tricot, 2017 : 139.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Mari Wiklund et Anne Riippa, « L’interprétation prosodique des points d’exclamation dans la parole des apprenants finnophones du français »Contextes et didactiques [En ligne], 23 | 2024, mis en ligne le , consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/5140 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11uaz

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Auteurs

Mari Wiklund

Université de Helsinki

Anne Riippa

Université de Helsinki

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CC-BY-NC-4.0

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