Navigation – Plan du site

AccueilNuméros21DossierEnquête sur la pédagogie universi...

Dossier

Enquête sur la pédagogie universitaire : types et fonctions des rituels dans l’enseignement supérieur

Investigating university pedagogy: types and functions of rituals in higher education
Teresa Assude, Perrine Martin et Nathalie Mikaïloff

Résumés

Le champ de la recherche en pédagogie universitaire est récent du point de vue historique. Des thématiques de recherches existantes relativement à d’autres ordres d’enseignement n’ont pas été étudiées dans l’enseignement supérieur, comme l’existence et les fonctions de rituels. Nous voulons développer ces travaux dans le cadre de la pédagogie universitaire en nous posant le même type de questions et en montrant les différences ou les similitudes avec les résultats déjà existants dans l’enseignement primaire et secondaire. Nous nous posons les questions : existe-t-il des rituels dans l’enseignement supérieur ? Si oui, quels sont les différents types de rituels ? Quelles sont les fonctions de ces rituels ? À travers une enquête par questionnaire auprès de 456 enseignants du supérieur, nous tentons d’apporter différentes réponses à ces questions, en particulier la prégnance forte de rituels d’installation, de communication, de régulation et d’aide au travail de l’étudiant.

Haut de page

Texte intégral

1. Introduction

1Le champ de la pédagogie universitaire est un champ récent du point de vue historique (De Ketele, 2010) qui se développe, mais semble « marquer le pas » (Chaliès et Talbot, 2019). Le développement d’un domaine de recherches n’est pas linéaire, et a besoin du long terme pour s’affirmer en tant que champ au sens de Bourdieu (2001). Ce champ, qui est à la fois un champ de pratiques et de recherches, se développe autour d’un certain nombre d’axes, parmi lesquels celui des pratiques des enseignants du supérieur (Delserieys-Pedregosa et Martin, 2016) et celui des dispositifs innovants (par exemple, l’apprentissage par problème) (Martin et Padula, 2018), notamment (mais pas exclusivement) en lien avec les usages du numérique (Martin, Gebeil, Filippi et al., 2021). En effet, les pratiques innovantes sont apparues comme des leviers pour motiver les étudiants, et pour résoudre des problèmes liés à la massification dans l’enseignement supérieur (Albero, Linard et Robin, 2009).

2La formation des enseignants du supérieur à ces pratiques innovantes est ainsi devenue une question vive dans les universités (Fave-Bonnet, 2011 ; Etienne, 2014), et certaines d’entre elles (par exemple, Aix-Marseille Université) ont mis en place des centres de formation et d’innovation pédagogique. Par ailleurs, en France, depuis 2018, la formation pédagogique des nouveaux maîtres de conférences est devenue une obligation conformément au Décret n° 2017-854 du 9 mai 2017 qui a modifié le texte initial (Décret n° 84-431 du 6 juin 1984) relatif au statut particulier des corps des professeurs des universités et des maîtres de conférences. Dans le cadre de cette formation à l’université d’Aix-Marseille, un module d’analyse de pratiques professionnelles a été mis en place. Ce module s’appuie sur l’idée qu’une telle analyse est importante pour développer une pratique réflexive dans une formation qui devient de plus en plus professionnalisante (Altet, 2000).

3La mise en place de cette formation et de ce module a été associée à un projet de recherche sur la formation et les pratiques professionnelles des enseignants du supérieur. Dans ce contexte, nous avons pu observer des effets de ces analyses de pratiques professionnelles pour la compréhension du travail enseignant, dans des dimensions qui ne sont pas encore très approfondies dans l’enseignement supérieur, notamment celles qui relèvent du quotidien des pratiques, et non pas uniquement de celles des pratiques innovantes (Rege Colet et Romainville, 2006). En particulier, l’existence des rituels est apparue comme un élément de questionnement dans l’un des groupes de ce module de formation (Assude et al., 2020). Ce questionnement sur les rituels a permis aux enseignants en formation d’expliciter un certain nombre de gestes professionnels (Bucheton, 2019) qui restent souvent implicites. Ce questionnement nous a aussi interpellées en tant que chercheuses puisque les rituels n’ont pas été objet de recherches dans l’enseignement supérieur à l’inverse des autres ordres d’enseignement (Vannier et Merri, 2015). Dans ce contexte, différentes questions sont apparues comme le point de départ de notre enquête : quels sont les différents types de rituels dans l’enseignement supérieur ? Quelles sont les fonctions de ces rituels ? Que veulent les enseignants que les étudiants apprennent pendant ces rituels ?

4Dans cet article, nous développerons notre problématique autour de la ritualisation, et nous nous appuierons sur un cadre théorique fondé sur les travaux de l’anthropologue Rivière (1990) sur les structures d’analyse des rituels et les travaux de Goffman (1974). Nous préciserons notre méthodologie pour ensuite présenter quelques résultats de cette enquête sur les rituels dans l’enseignement supérieur.

2. Cadre théorique : rituels et fonctions

5La notion de rituel peut être définie de multiples manières mais nous la prenons en tant que dispositif social dans lequel il y a « création d’ordre et de hiérarchie par le biais d’une action sociale commune qui produit du sens. » (Wulf et Gabriel, 2005). Ces auteurs indiquent aussi que les rituels sont des formes de communication importantes par la dimension symbolique (signes et actes « producteurs de sens ») qu’elles comportent, ce qui permet de les distinguer des routines qui ne comportent pas forcément cette dimension symbolique. Cette dimension des rituels a été mise en évidence par Goffman (1974) qui parle aussi de la fonction sociale dans les rites d’interaction. Le rituel peut ainsi être vu comme un acte d’institution (Bourdieu, 1982) permettant au sujet de se représenter son identité dans la construction de soi en tant qu’appartenant à un groupe. Pensons aux « actes de bizutage » dans certaines institutions qui, en tant que rituels de passage, peuvent être vus comme moyens de signifier aux sujets « entrants » qu’ils appartiennent désormais à cette institution, avec ses règles, lois, normes, valeurs et pratiques et cela peut même inclure les tenues vestimentaires.

6Les rituels sont associés à des « passages » ou transitions qui permettent aux sujets de passer d’un espace-temps à un autre espace-temps ayant de nouvelles formes d’organisation mais aussi de nouvelles formes langagières et/ou symboliques. C’est bien le cas des enfants quand ils rentrent en école maternelle où ils vont devenir des élèves (Garcion-Vautor, 2002 ; Delalande, 2009) : de nouvelles organisations se mettent en place de manière que les enfants comprennent les nouvelles règles de la vie ensemble dans cette institution qui leur permet d’avoir de nouveaux rapports au temps, à l’espace et à la communication.

7Les rituels sont des formes de communication particulières qui permettent une relation au sein d’un groupe dans un contexte sécurisant et stable (Briquet-Duhazé, 2015). Ordre et stabilité sont deux dimensions importantes des rituels qui permettent de créer un cadre. Montandon (2005), à la suite des travaux de Goffman (1991) sur les cadres d’expérience, met en avant le fait que la ritualisation instaure un cadre pour l’activité des sujets, qu’elle dote de règles de fonctionnement en créant un habitus, des dispositions particulières. En même temps que ces dimensions d’ordre et de stabilité, selon Goffman (1974), la dynamique du rituel peut créer un potentiel de renouvellement des formes d’agir social, comme par exemple les nouvelles pratiques ritualisées utilisant les nouveaux moyens de communication numériques.

8Le rituel permet aussi de penser la place occupée par les sujets dans le monde social par les rôles sociaux qu’il instaure et par l’attribution d’une signification symbolique aux actes qui le composent. Dans les rites d’interaction, « garder sa face » (Goffman, 1974) est une condition de l’interaction des sujets qui adaptent leurs comportements afin de ne pas se mettre en danger mais aussi de ne pas créer de soucis à autrui. C’est par la « déférence » en tant qu’attention portée à autrui que le sujet, dans une tension entre rites d’évitement et rites de participation, que les sujets assurent et se rassurent pour que puisse se dérouler la relation de communication.

9Nous suivons donc la définition de rituel de l’anthropologue Claude Rivière qui dit :

« Qu’ils soient fortement institutionnalisés ou quelque peu effervescents, qu’ils régissent des situations de commune adhésion à des valeurs ou aient lieu comme régulation de conflits interpersonnels, les rites sont toujours à considérer comme ensemble de conduites individuelles ou collectives, relativement codifiées, ayant un support corporel (verbal, gestuel, postural), à caractère plus ou moins répétitif, à forte charge symbolique pour leurs acteurs et habituellement pour leurs témoins, fondées sur une adhésion mentale, éventuellement non conscientisée, à des valeurs relatives à des choix jugés importants, et dont l’efficacité attendue ne relève pas d’une logique purement empirique qui s’épuiserait dans l’instrumentalité technique du lien cause-effet » (Rivière, 1995 : 11).

10Cette approche anthropologique considère que les structures des rituels peuvent être analysées grâce à un certain nombre d’éléments tels que : les valeurs et fins ; les moyens réels et symboliques ; les rôles et les responsabilités ; la communication et les actions. La diversité induite par les différentes formes que prennent ces composantes n’est pas contradictoire avec l’existence d’un noyau commun aux rituels : une forme répétitive et codifiée, des actes symboliques qui marquent une appartenance/non appartenance, qui « disent quelque chose » du groupe, de l’adhésion à des valeurs et normes et des rôles assumés.

11L’école comporte aussi cette dimension sociale, puisque les rituels participent à la vie scolaire. Les rituels scolaires permettent à l’enfant de devenir élève dans un rite de passage entre la famille et l’école. D’autres transitions se font aussi pendant la vie d’élève, comme les transitions entre les différents ordres d’enseignement (Montandon, 2005), la transition entre le lycée et l’université, le passage d’un établissement scolaire à un autre. Mais les rituels scolaires n’existent pas seulement aux moments de transitions. Ils sont aussi présents dans le quotidien d’une classe ou d’un groupe. Garcion-Vautor (2000) montre l’existence de rituels à fonction didactique où les situations proposées aux élèves de maternelle (par exemple dénombrer le nombre des élèves présents dans la classe) sont très codifiées, régulières (tous les jours, le matin pour débuter le travail), et en lien avec les savoirs (dénombrer une quantité discrète). En effet, les rituels sont liés aux interactions, à la communication, à la manière dont chacun prend sa place d’élève ou d’enseignant, à la manière dont sont codifiées les actions, presque répétitives, de l’ordre scolaire et didactique.

12Les fonctions des rituels à l’école sont diverses. Bertrand et Merri (2015) en distinguent trois : la fonction d’apprentissage, la fonction de langage et la fonction sociale. La fonction cognitive ou d’apprentissage est relative aux structures et/ou situations permettant aux élèves de participer aux activités pour apprendre. La fonction sociale est assurée par la création d’un espace qui rassure et développe un sentiment d’appartenance, tout en mettant en place un ordre social par la transmission et l’acceptation des normes et valeurs de l’institution. La fonction de langage est relative à la dimension symbolique, à savoir que le rituel « dit quelque chose » du groupe. Nous retrouvons ici plusieurs types de fonctions : sociales (engagement dans l’interaction avec autrui), cognitives (le sens donné par le sujet) et symboliques (Goffman, 1974, 1991).

13Dans une enquête auprès d’enseignants de la maternelle au lycée, Vannier et Merri (2015) montrent qu’il y a une différence entre les types de rituels déclarés par les enseignants de maternelle et ceux du collège et du lycée. Ainsi, les enseignants de maternelle indiquent en premier le rituel de l’appel, et ensuite celui des chants et des comptines, tandis que les enseignants de l’élémentaire indiquent comme premier le rituel de la présentation du programme de la journée et en deuxième la date. Les enseignants du collège et du lycée indiquent, eux, en premier le rituel du rappel de la séance précédente, et en deuxième l’appel. Les deux autres rituels qui viennent en 3ème et 4ème positions par ces enseignants sont le bilan de la séance et la présentation du programme de la séance, qui ont été cités par plus de 50% des enseignants. Selon ces auteurs, le noyau « rituel » du collège et du lycée est constitué par l’appel, le rappel, le bilan et la présentation du programme de la séance.

14Cette enquête nous documente ainsi sur les différents types de rituels de la maternelle au lycée mais ne concerne pas les rituels dans l’enseignement supérieur. N’y a-t-il pas de rituels dans cet ordre d’enseignement ? La réponse est sûrement non, étant donné que la ritualisation de certaines situations est un phénomène social. Les raisons sont à trouver ailleurs. Aussi, dans le cadre d’un dispositif d’analyse de praxéologies professionnelles dans la formation des nouveaux enseignants du supérieur cette question s’est posée (Assude et al., 2020). En effet, ce travail a permis de constater que les enseignants ont trouvé de l’intérêt à échanger sur les rituels dans les pratiques observées de l’un d’entre eux. À la suite de ce premier travail, l’étude des pratiques des enseignants du supérieur à partir du point de vue des rituels, de ce qui est répétitif, stable, symbolique, rassurant et engageant, semble être une piste prometteuse de recherche à travers différentes questions : quels sont les types de rituels existants dans l’enseignement supérieur ? Quelles sont leurs fonctions ? Leur usage diffère-t-il selon l’expérience d’enseignement dans le supérieur ? Que veut-on que les étudiants apprennent pendant ces rituels ? Est-ce qu’on retrouve les mêmes types et fonctions que dans les autres ordres d’enseignement ?

15Pour répondre à ces questions, une enquête a été faite auprès d’enseignants du supérieur. Les modalités de recueil et d’analyse de données sont présentées dans le paragraphe suivant ainsi que les principaux résultats obtenus.

3. Méthodologie de l’enquête

16Nous avons mené une enquête en deux temps : un premier temps par des entretiens semi-directifs (durée moyenne de 45 min) avec six enseignants du supérieur de disciplines variées (mathématiques, linguistique, histoire, économie, lettres, langues) ayant une expérience affirmée (pas de débutants), entretiens qui nous ont permis de prendre en compte la variable disciplinaire. Ces entretiens plus les lectures de travaux précédents nous ont permis de concevoir un questionnaire au plus près des réalités de terrain des enseignants notamment dans la précision et le choix des différents items ; un deuxième temps par la passation du questionnaire auprès d’une population plus importante d’enseignants intervenant dans des contextes différents de l’enseignement supérieur et dans des disciplines variées. Nous ne rendons pas compte dans cet article des entretiens mais seulement des réponses au questionnaire.

3.1. Périmètre de l’enquête

17L’enquête par questionnaire s’est adressée à tous les enseignants de l’enseignement supérieur en France. Nous avons fait le choix d’interroger des enseignants de toutes les disciplines confondues, et quel que soit leur statut : professeurs des universités (PU), maîtres de conférences (MCF), professeurs agrégés détachés dans le supérieur (PRAG), professeurs certifiés détachés dans le supérieur (PRCE), attachés temporaire d’enseignement et de recherche (ATER), doctorants contractuels en charge d’enseignements. Le questionnaire a été relayé par l’intermédiaire de réseaux d’enseignants du supérieur de différentes disciplines (associations professionnelles, ou réseaux personnels).

3.2. Le questionnaire : mode de diffusion, structure et méthode d’analyse

18Le questionnaire en ligne1 a été diffusé pendant deux mois (durée prévue et réalisée) et comptabilise 456 réponses. Pour permettre aux acteurs concernés de s’exprimer librement, les répondants avaient la possibilité de conserver l’anonymat tout au long du questionnaire.

19Le questionnaire, d’une durée de dix à quinze minutes en moyenne, se compose de seize questions. Il est structuré en trois parties. La première partie comporte huit questions relatives au profil des répondants (genre, âge, statut, discipline, nombre d’années d’expérience, degré d’enseignement). La deuxième partie est organisée à travers cinq questions relatives à la nature et aux fonctions des rituels mis en place par les enseignants pendant leurs enseignements et à leurs objectifs. Trois questions fermées et à choix multiples sont relatives aux types de rituels identifiés dans des travaux antérieurs et dans les entretiens (appels, rappels, bilans…) à différents moments de l’enseignement (début de séance, fin de séance, début du semestre). Deux questions fermées et à choix multiples concernent les fonctions des rituels. Enfin une dernière partie porte un regard particulier sur l’utilisation des rituels en contexte d’enseignement à distance (trois questions). Une question ouverte est posée à la fin sur ce qu’on entend par rituels d’enseignement.

20Le contenu des questions a été réalisé à partir du questionnaire proposé aux enseignants des autres ordres d’enseignement par Vannier et Merri (2015), et aussi à la suite des entretiens menés à la première phase de l’enquête auprès de différents enseignants de disciplines différentes. Ces entretiens nous ont permis de circonscrire nos questions au regard des pratiques des enseignants du supérieur.

21Les analyses présentées dans cet article reposent principalement sur des résultats descriptifs (tris à plat, tris croisés sur variables). Le traitement des questions fermées et des questions ouvertes a été réalisé à l’aide du logiciel SPHINX.

4. Résultats

4.1. Profils des répondants

22Les enseignants répondants sont des hommes pour 55,9% et des femmes pour 44,1%. Ils se situent majoritairement dans une tranche d’âge entre 40 et 50 ans (32,7%) et entre 50 et 60 ans pour 26,3% d’entre eux. Le secteur sciences (mathématiques et informatique) est sur-représenté avec 32,7% et 27% des enseignants de ce secteur (cf. Graphique 1). Nous faisons l’hypothèse que cette sur-représentation peut se comprendre par le fait que les réseaux utilisés dans la diffusion de ce questionnaire ont mieux fonctionné pour les sciences, mathématiques et informatique que pour d’autres domaines.

Graphique 1 : Disciplines des répondants

Graphique 1 : Disciplines des répondants

23Le graphique 2 montre que la majorité des répondants sont des maîtres de conférences (MCF) (48,4%). Les professeurs des universités (PU) ont répondu à 20,2%. Les professeurs du secondaire détachés dans le supérieur (PRCE et PRAG), les doctorants et la catégorie « autre » (qui correspond essentiellement à des attachés temporaires d’enseignement et de recherche) correspondent à 32,5% des répondants. Le tableau 1 montre que les répondants toutes catégories confondues enseignent depuis plus de 15 ans dans l’enseignement supérieur (56,4%). Nous les considérons comme des enseignants expérimentés. En revanche, 14% des répondants ont une expérience de moins de 5 ans (nous les désignons comme des enseignants novices).

Graphique 2 et Tableau 1 : Catégories professionnelles et années d’expérience

Graphique 2 et Tableau 1 : Catégories professionnelles et années d’expérience

24Les répondants déclarent enseigner majoritairement en master pour 43,7%, en licence première année (L1) pour 21%, en licence deuxième année (L2) pour 16,6% et en licence troisième année (L3) pour 18,8% (cf. Graphique 3).

Graphique 3 : Niveau d’enseignement

Graphique 3 : Niveau d’enseignement

4.2. Types de rituels

25Nous avons choisi de distinguer plusieurs moments d’une séance d’enseignement, ainsi nous avons interrogé les enseignants sur le type de rituels qu’ils utilisent en début et en fin de séances, et dans le premier cours du semestre. Nous avons fait également le choix de distinguer les modalités d’enseignement en séparant TP (Travaux pratiques), TD (Travaux dirigés) et CM (Cours magistral). Cette distinction nous permet d’observer le choix des enseignants selon les différentes modalités d’enseignement.

26De manière générale, le rappel du contenu des séances précédentes est le rituel en début de séance indiqué majoritairement par 393 sur 456 des répondants (86,1%). Le rituel le plus utilisé en fin de séance est un moment consacré aux questions des étudiants pour 338 enseignants parmi les 456 réponses (74,1%). Voyons plus finement les types de rappel en début et en fin de séance en distinguant les modalités d’enseignement.

4.2.1. Début de séance

27D’une manière générale, les répondants affirment avoir recours à des nombreux rituels mais d’une manière plus significative en TD. En effet, 78,9% des répondants disent utiliser des rituels dans la modalité d’enseignement TD contre 38,6% en TP et 41,6% en CM. Voyons maintenant (tableau 2 et graphique 4) les différents types de rituels selon les modalités d’enseignement.

28En début de séance de TD, dix types de rituels sont indiqués par plus de 70% des répondants. Parmi les plus cités, les enseignants s’accordent majoritairement sur le rituel de création d’un moment personnel d’échanges avec les étudiants. En effet, 89,3% disent demander des nouvelles des étudiants, et consacrent un moment à leurs questions (89%). Puis un autre rituel, celui de l’appel, est aussi indiqué par 88% des enseignants. On remarque aussi que le suivi du travail des étudiants est mis en valeur car trois types de rituels y sont consacrés : le feedback sur les travaux des étudiants (80,8%), la récolte des travaux hebdomadaires des étudiants (77,8%) et la présentation des erreurs des étudiants (77,5%). Puis, suivent des rituels d’organisation de l’enseignement, tels que le rappel du contenu des séances précédentes (73,5%), la présentation du plan de la séance (71,9%), les moments d’évaluation et d’auto-évaluation (70,6% et 70,8%).

29En début de séance de CM, les trois types de rituels qui dépassent les 70% des répondants sont deux rituels d’organisation de l’enseignement tels que la présentation du plan de la séance (80,5%), un rappel du contenu des séances précédentes (77,6%), et un rituel de communication avec les étudiants car 73,4% des répondants indiquent consacrer un temps pour les questions de leurs étudiants. Moins d’enseignants (43,8%) indiquent les rituels de demande de nouvelles des étudiants (43,8%), de faire une évaluation hebdomadaire (38,2%), de faire l’appel (28,8%), de donner un feedback sur les travaux réalisés par les étudiants (22%), de présenter des erreurs des élèves (23,5%) ou de proposer un moment d’auto-évaluation (20,8%). Puis loin vient le rituel de récolte hebdomadaire des travaux des étudiants (7,9%).

30Enfin, en début de séance en TP la mise en place de rituels ne dépasse pas les 50% des répondants, les réponses se situant entre le rituel de l’appel le plus indiqué (49,5%), et celui du rappel du contenu des séances précédentes qui est le moins indiqué (25,2%). Les rituels sur un feedback sur les travaux réalisés par les étudiants (46,3%), et une présentation des erreurs des étudiants (44,1%). Les autres rituels apparaissent dans les réponses dans une fourchette entre 30% et 40% des répondants.

Tableau 2 : Types de rituels en début de séance selon les modalités d’enseignement

Tableau 2 : Types de rituels en début de séance selon les modalités d’enseignement

31La modalité d’enseignement semble avoir un impact sur le choix des rituels utilisés par les enseignants en début de séance (comme on peut le voir sur le graphique 4). En effet, en TD les répondants déclarent plus de rituels différents avec un taux de réponses élevé (plus de 70%) tandis qu’en CM quatre types de rituels ne dépassent pas 25% des répondants. Les rituels de communication et des échanges avec les étudiants (demandes de nouvelles, appel et questions des étudiants) sont plus indiqués en début de TD qu’en CM ou en TP. Les rituels sur l’organisation de l’enseignement (tels que feedback et la récolte du travail des étudiants, les évaluations régulières, la présentation des erreurs des étudiants) sont plus souvent mentionnés en TD qu’en CM et TP. D’autres rituels d’organisation de l’enseignement tels que la présentation du plan de la séance et le rappel des contenus des séances précédentes apparaissent dans les réponses des répondants à des fréquences comparables en CM et en TD.

Graphique 4 : Types de rituels en début de séance et modalités d’enseignement

Graphique 4 : Types de rituels en début de séance et modalités d’enseignement

32Par ailleurs, une distinction peut se faire également dans l’utilisation de certains rituels chez les enseignants débutants et expérimentés en début de séance. En TP, l’évaluation est utilisée pour 50% des enseignants débutants (moins de 5 ans d’expérience) contre 26,3% chez les enseignants les plus expérimentés (plus de 15 ans d’enseignement). En revanche aucun des enseignants débutants ne pratique des moments d’auto-évaluation auprès de leurs étudiants en TP alors que 41,9% des enseignants expérimentés le font. De même, en CM aucun enseignant débutant ne récolte des travaux d’étudiants alors que 11,1% des enseignants les plus expérimentés peuvent y avoir recours.

4.2.2. Fin de séance

33En fin de séance, d’une manière générale, c’est encore majoritairement en TD que les enseignants utilisent le plus de rituels (76,3%). De manière plus détaillée (cf. Tableau 3 et Graphique 5), voyons les différents types de rituels selon les modalités d’enseignement.

34En fin de séance de TD, neuf types de rituels sont indiqués par plus de 52%, et pour sept d’entre eux par plus de 70%. Les rituels mentionnés le plus sont en grande partie des moments de régulation, consacrés aux questions des étudiants (85,7%), à la présentation de leurs erreurs (83,6%) ou encore à des moments de lecture silencieuse (81%). Les rituels de synthèse (écrits de synthèse, bilan de la séance) sont soulignés par plus de 70% de répondants au même titre que l’annonce du contenu de la séance suivante (71%) et l’auto-évaluation (76,3%). Puis l’évaluation hebdomadaire et la récolte hebdomadaire des travaux des étudiants sont encore soulignées par plus de la moitié des répondants.

35En fin de séance de CM, le moment consacré aux questions des étudiants (74,7%), l’annonce des contenus de la séance suivante (78,3%) et le bilan de la séance (70,7%) sont les trois rituels les plus indiqués. Tous les autres rituels sont moins mentionnés par les répondants (moins de 25%).

36En fin de séance de TP, les enseignants disent majoritairement garder un temps pour la récolte hebdomadaire des travaux des étudiants (58,5%) ou encore pour des évaluations (42,9%). Six autres rituels sont indiqués par moins de 40% et plus de 30% des répondants, et le rituel de l’annonce du contenu de la séance suivante est indiqué par 28,3% des enseignants.

Tableau 3 : Types de rituels en fin de séance selon les modalités d’enseignement

Tableau 3 : Types de rituels en fin de séance selon les modalités d’enseignement

37Là encore, les modalités d’enseignement, TP, TD, CM semblent avoir un impact sur le choix des rituels utilisés par les enseignants (cf. Graphique 5). Trois types de rituels (bilan de la séance, annonce du contenu de la séance suivante, moment consacré aux questions des étudiants) sont mentionnés par les enseignants en TD et en CM avec un taux de réponses proche. Nous pouvons nous questionner sur le taux moindre de réponses par rapport aux TP. Cette modalité n’existe pas dans certaines filières, ce qui peut expliquer peut-être cette différence. Quatre types de rituels sont plus nettement utilisés en TD que dans les autres modalités d’enseignement tels que la présentation des erreurs des étudiants, les écrits de synthèse, le moment de lecture silencieuse. Nous remarquons que l’annonce du contenu de la séance suivante est le type de rituel avec un nombre plus grand de répondants en CM qu’en TD et en TP, et que la récolte hebdomadaire des travaux des étudiants est le seul rituel mentionné plus en TP que dans les deux autres modalités.

Graphique 5 : Rituels en fin de séance et modalités d’enseignement

Graphique 5 : Rituels en fin de séance et modalités d’enseignement

38Nous pouvons noter des différences de déclarations entre les enseignants novices et les enseignants plus expérimentés en ce qui concerne l’utilisation de rituels en fin de séance. Nous prenons trois exemples avec la présentation des erreurs des étudiants, les écrits de synthèse et le moment de lecture silencieuse, trois types de rituels indiqués plus souvent en TD qu’en CM ou TP. Le graphique 6 montre que les enseignants débutants n’indiquent pas de temps de présentation des erreurs des étudiants en CM alors que les enseignants les plus expérimentés le font pour 20% d’entre eux. Ces différences s’atténuent entre enseignants novices et expérimentés par rapport à ce type de rituel dans le cadre du TD.

Graphique 6 : Années d’expérience et présentation des erreurs

Graphique 6 : Années d’expérience et présentation des erreurs

39Le rituel du moment des écrits de synthèse est utilisé pour 7,4% des enseignants expérimentés en CM et pour aucun enseignant débutant (cf. Graphique 7). En revanche, 50% des répondants ayant entre 5 et 10 ans d’expérience indiquent l’utilisation de ce rituel en CM. Il se peut que les enseignants novices n’aient pas beaucoup à assurer des CM, ce qui pourrait expliquer ces valeurs. Par rapport aux TD, 50% des enseignants novices indiquent utiliser ce rituel tandis que 37% des enseignants les plus expérimentés disent le faire. Là encore il y a peut-être un effet de qui assure chacune des modalités d’enseignement.

Graphique 7 : Années d’expérience et écrits de synthèse

Graphique 7 : Années d’expérience et écrits de synthèse

40Le nombre d’années d’expérience semble avoir un impact sur deux autres rituels : 13,3% des enseignants expérimentés prévoient des moments de récolte de travaux des étudiants en CM alors qu’aucun enseignant débutant ne dit le faire ; 41,7% des enseignants expérimentés en TP disent mettre en place des moments d’auto-évaluation tandis qu’aucun enseignant débutant ne le déclare.

41À l’inverse, le graphique 8 montre que certains rituels sont largement utilisés par les débutants et peu par les enseignants plus expérimentés. Ainsi 100% d’enseignants débutants prévoient des moments de lecture silencieuse en CM, alors qu’aucun enseignant expérimenté ne pratique ce rituel. La tendance s’inverse en TP, où les enseignants expérimentés disent mettre en place ce rituel, ce qui n’est pas le cas des débutants.

Graphique 8 : Années d’expérience et moment de lecture silencieuse

Graphique 8 : Années d’expérience et moment de lecture silencieuse

4.2.3. Premier cours du semestre

42La grande majorité des répondants (90%), se présentent lors de leur tout premier cours d’un semestre. Un autre rituel largement partagé est la présentation du programme du semestre (89,4%). Les modalités d’enseignement semblent avoir aussi un impact sur les rituels. En effet si 90,7% des enseignants effectuent l’appel en TD, seuls 46,2% ou 44,1% des enseignants le réalisent respectivement en TP et CM.

43En CM, la présentation du programme du semestre reste majoritairement (85,3%) le premier rituel mis en place pour un premier cours du semestre ainsi que les modalités d’évaluation (82,8%) contre environ 24% en TP.

44D’une manière synthétique, notre enquête montre que les enseignants déclarent utiliser une grande variété de rituels, de rituels de communication, de régulation du travail des étudiants et d’organisation de l’enseignement. Les différentes modalités d’enseignement (TD, CM, TP) semblent impacter la présence de rituels, la modalité TD étant celle où les rituels sont plus fréquents. En effet, des rituels tels que les demandes de nouvelles des étudiants, le feedback sur les travaux réalisés par les étudiants, la présentation des erreurs des étudiants ou la récolte hebdomadaire des travaux des étudiants sont plus fréquents en TD que dans les autres modalités. En CM, ce type de rituel est beaucoup moins fréquent, en revanche le rappel du contenu des séances précédentes, le plan de la séance sont bien mentionnés. Comme nous l’avons montré, des différences existent entre les enseignants expérimentés et les débutants relativement à certains types de rituels, par exemple les enseignants débutants indiquent mettre en œuvre des moments de lecture silencieuse en CM ce qui n’est pas le cas des expérimentés. En revanche, aucun enseignant débutant n’indique le rituel des écrits de synthèse en CM, tandis que les enseignants expérimentés l’utilisent.

4.3. Fonctions des rituels

45De façon générale, les enseignants disent utiliser un rituel d’abord pour créer un cadre de travail (80,4%), voire un cadre de travail rassurant (73,6%). Pour 60,8% des répondants, il s’agit également de permettre aux étudiants d’anticiper le travail à faire. Ces buts sont mis en avant quel que soit le niveau d’expérience des enseignants. Novices ou experts, les enseignants s’accordent sur ces fonctions des rituels.

46Ainsi (cf. Tableau 4) les rituels permettent aux étudiants de mieux comprendre les attentes (81,1%), de mieux expliciter les savoirs visés (58,4%) et doivent permettre de rendre les étudiants plus autonomes dans le travail demandé (48,4%). Enfin, 46,1% des enseignants pensent que l’utilisation de rituels donne la possibilité de communiquer avec les étudiants et permet aussi que les étudiants préparent les activités à venir (45% des répondants).

Tableau 4 : Rituels et apprentissage

Mieux comprendre les attentes

81,10%

Expliciter les savoirs visés

58,40%

Devenir autonome dans le travail demandé

48,40%

Donner la possibilité de communiquer

46,10%

Préparer une activité à venir

45,00%

Se mettre en position d’écoute

43,40%

Verbaliser ce qui a été travaillé

37,70%

Mémoriser

34,30%

Automatiser une démarche

30,70%

Devenir étudiant

27,70%

Améliorer leur expression orale

24,30%

S’entrainer

22,30%

Respecter des règles de la vie universitaire

22,30%

Acquérir un lexique spécifique

20,00%

Exercer une compétence

13,40%

Améliorer leur expression écrite

11,60%

47Cette vision des fonctions du rituel est la même chez les enseignants expérimentés et experts. Une légère différence peut être remarquée quant au respect des règles de vie universitaire : les rituels peuvent participer à cet apprentissage pour 25,1% des enseignants expérimentés contre seulement 11,3% des enseignants débutants.

5. Discussion et conclusion

48Ces premiers résultats montrent une diversité de rituels même si les enseignants ne les perçoivent pas en tant que tels au départ. En effet, lors des questions ouvertes, nous avons demandé ce qu’ils entendaient par rituels d’enseignement. Certains indiquent qu’ils ne savaient pas qu’on appelait rituels ces situations régulières et répétitives : « je ne m’étais jamais posé la question avant » ou « je n’y avais jamais pensé comme tel », et un certain nombre de réponses indiquent « je ne sais pas vraiment. Je n’y avais jamais pensé ». De même que pour les enseignants de maternelle, nous pouvons dire que certains enseignants du supérieur : « ne savent pas à quoi ça sert, ils ne savent pas exactement pourquoi ils le font, mais s’ils ne le faisaient pas, ils n’arriveraient pas au même résultat » (Garcion-Vautor, 2003 : 141). La mise en place de situations rituelles fait partie des pratiques ordinaires dont on n’a pas forcément conscience, précisément parce qu’elles sont transparentes et profondes. Les étudier nous semble important pour comprendre le métier d’enseignant du supérieur.

49Les définitions de « rituel d’enseignement » reprennent des éléments identifiés dans la partie théorique. C’est d’abord une action systématique répétée et codifiée permettant de créer un cadre de travail rassurant et de tisser des liens : « c’est une action qui se répète de façon régulière, voire systématique dans le déroulé d’un enseignement » ou « c’est une pratique sécurisante qui permet de personnaliser l’interaction professeur-apprenant pour mieux conditionner l’engagement dans l’apprentissage » ou encore « pratique codifiée, répétée systématiquement à un moment clé de la séance ». Ce sont aussi des « petits actes qui permettent de créer et de cadrer la relation, et de construire un cadre dans lequel les choses sont très explicites pour faciliter leur travail en autonomie », et des « points de repères pour aider les étudiants à anticiper ce qui va se passer dans un cours et se mettre au travail ». La dimension symbolique des rituels et celle d’appartenance à un groupe ressortent aussi des définitions, comme nous pouvons le voir dans la réponse suivante : « une séquence d’actions ayant une portée collective et symbolique ».

50Comme nous l’avons dit précédemment, Vannier et Merri (2015) ont enquêté sur les rituels utilisés uniquement dans les ordres d’enseignement autres que l’enseignement supérieur. En particulier, leur travail montre que le noyau-rituel dans l’enseignement au collège et au lycée comporte des rituels d’appel, de rappel, de bilan et de présentation du plan de la séance. Au regard de notre enquête, nous constatons que ce type de rituels se trouve aussi dans les réponses des enseignants du supérieur de notre enquête, surtout dans les TD. En effet, les rituels d’appel, de rappel, de la présentation du plan de la séance et de bilan se retrouvent à plus de 73% des réponses des répondants pour cette modalité d’enseignement. En revanche, nous remarquons que d’autres types de rituels apparaissent comme spécifiques de l’enseignement supérieur. Il s’agit de rituels de relation et communication avec les étudiants (moment d’échanges avec les étudiants en début de séance en tant que rituel d’installation, ou moment consacré aux questions des étudiants). En outre, des rituels de régulation et d’aide au travail des étudiants sont indiqués avec des fréquences importantes : retour sur les travaux des étudiants, évaluations hebdomadaires, récolte de travaux, écrits de synthèse, présentation des erreurs des étudiants. Ces rituels de régulation et d’aide ont comme buts de permettre à l’étudiant de devenir un « étudiant autonome » dans son travail en leur permettant de comprendre les attentes, d’expliciter les savoirs visés, d’anticiper le travail à faire et de créer un cadre de travail rassurant.

51Cette diversité de rituels est en relation avec des fonctions cognitives d’apprentissage, de prise de responsabilité dans ces apprentissages, de fonctions sociales de respect de règles, de normes et de valeurs de l’enseignement universitaire et de fonctions symboliques, notamment en lien avec un sentiment d’appartenance à une communauté.

52Pour finir, si effectivement le champ de la pédagogie universitaire a permis d’ouvrir des axes de recherche, les travaux ont souvent concerné les pratiques innovantes en lien ou non avec le numérique. D’autres études ont permis de diversifier les objets de recherche notamment en lien avec les activités pédagogiques (enseignement et apprentissage) comme l’étude des interactions entre les enseignants et les étudiants, dans le processus de formation lui-même. On peut alors rappeler le mouvement autour du « teaching and learning » (Entwistle, 1989 ; Prosser et Trigwell, 1999). De manière plus transversale, des études ont été menées sur l’influence des facteurs de contexte interne (environnement académique et étudiant) et des facteurs de contexte externe (politiques, sociaux, culturels, économiques) sur les performances académiques ultérieures des étudiants (Duru-Bellat, 2002). D’autres recherches ont eu lieu sur le devenir des étudiants après avoir obtenu leur diplôme (Murdoch et Paul, 2007) mettant en relation les performances académiques et l’insertion professionnelle des étudiants. Pour autant, et en complémentarité de ces travaux, il nous semble essentiel de s’intéresser aussi aux pratiques ordinaires qui constituent le genre professionnel de l’enseignant de l’enseignement supérieur (Delserieys-Pedregosa et Martin, 2016). La mise en place de rituels d’enseignement fait partie de ces pratiques ordinaires, comme le montre notre enquête. Il est donc intéressant de poursuivre ce travail, notamment en étudiant l’impact des différentes catégories professionnelles (PRAG, MCF, PU…) au regard de l’expérience professionnelle et de la formation initiale, des différentes disciplines ou encore du genre dans la mise en place de ces rituels. Dans un premier temps, nous avons voulu d’abord nous focaliser sur l’identification d’un noyau commun des rituels et sur les fonctions de ces rituels. L’objectif étant à ce stade de documenter la façon dont les enseignants universitaires mobilisent un certain nombre de gestes professionnels (Bucheton, 2019) qui relève du champ des rituels.

53Enfin, il nous semble intéressant d’ouvrir notre réflexion à l’enseignement à distance ou hybride, en interrogeant ce que cette nouvelle forme scolaire change ou conserve des rituels que nous avons identifiés. L’étude de ces deux axes constituera la suite de notre travail (Martin, Gebeil et Félix, 2021).

Haut de page

Bibliographie

Albero, B., Linard, M. et Robin, J.-Y. (2009). Petite fabrique de l’innovation à l’université. Quatre parcours de pionniers. Paris : L’Harmattan.

Altet, M. (2000). L’analyse de pratiques. Une démarche de formation professionnalisante ? Recherche et formation, 35, 25-41.

Assude, T., Mikaïloff, N. et Martin, P. (2020). Questionnement sur les rituels dans l’enseignement supérieur à partir d’un dispositif d’analyse de praxéologies professionnelles. Contextes et didactiques, 16, 79-95. http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/2322. DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ced. 2322.

Bertrand, M. et Merri, M. (2015). Les fonctions du rituel scolaire selon différentes sciences humaines et sociales. Recherches en Éducation, 8 (hors-série), 39-47.

Bourdieu, P. (1982). Les rites comme actes d’institution. Actes de la Recherche en Sciences Sociales, 43, 58-63.

Bourdieu, P. (2001). Science de la science et réflexivité. Paris : Raisons d’agir.

Briquet-Duhaze, S. (2015). Définir les rituels à l’école maternelle : un paradoxe institutionnel, pédagogique et scientifique. Recherches en Éducation, 8 (hors-série), 27-38.

Bucheton, D. (2019). Les gestes professionnels dans la classe. Paris : ESF.

Chaliès, S. et Talbot, L. (2019). La pédagogie universitaire : quelles perspectives ? Recherche, innovation, institution. Toulouse : Cépaduès Editions.

Clot, Y. (2000). La fonction psychologique du collectif. Dans T-H Benchekroun et A. Weil-Fassina (dir.), Le travail collectif en ergonomie. Perspectives actuelles (p. 272-286). Toulouse : Octarès.

De Ketele, J.-M. (2010). La pédagogie universitaire : un courant en plein développement. Revue Française de Pédagogie, 172, 5-13.

Delalande, J. (2009). Des enfants entre eux : Des jeux, des règles, des secrets. Paris : Autrement.

Delserieys-Pedregosa, A. et Martin, P. (2016). L’incontournable usage du cas et de l’exemple dans l’enseignement universitaire. Recherche en Education, 27. https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ree/6173.

Duru-Bellat, M. (2002). Les inégalités sociales à l’école. Paris : PUF DOI : 10.3917/puf.duru.2002.01.

Etienne, R. (2014). Évaluation d’une action de formation d’enseignants du supérieur recourant à l’analyse de leurs pratiques professionnelles. Recherche et formation, 77, 45-56.

Entwistle, N. (1989). Approaches to studying and course perceptions: The case of the disappearing relationships. Studies in Higher Education, 14(2), 155-156. DOI: 10.1080/03075078912331377466.

Fave-Bonnet, M.-F. (2011). Formation pédagogique et développement professionnel des enseignants du supérieur. Le « cas » français. Recherche et formation, 68, 127-136.

Garcion-Vautor, L. (2002). L’entrée dans le contrat didactique à l’école maternelle. Le rôle des rituels dans la construction d’un milieu pour apprendre. Recherches en didactique des mathématiques, 22(2/3), 285-308.

Goffman, E. (1974). Rites d’interaction. Paris : Éditions de Minuit.

Goffman, E. (1991). Les cadres de l’expérience. Paris : Éditions de Minuit.

Martin, P., Gebeil, S. et Félix, C. (2021). Résultats à l’enquête nationale sur le travail à distance des étudiants de l’université pendant la période d’enseignement à distance lié au covid-19. Zenodo, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.5281/ZENODO.4542717.

Martin, P., Gebeil, S., Filippi, P.-A. et Félix, C. (2021). Impact des usages numériques préexistants des enseignants du supérieur face à l’impératif de l’enseignement à distance en période de confinement. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 18(1), 170‑183. https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.18162/ritpu-2021-v18n1-15.

Martin, P. et Padula, P. (2018). Innovation pédagogique à l’université : Comparaison entre apprentissage par problèmes et cours traditionnel. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 34(3). https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ripes.1574.

Montandon, C. (2005). Règles et ritualisations dans la relation éducative. Hermès, La Revue, 43(3), 87-92.

Murdoch, J. et Paul, J.-J. (2007). Study content and process, competences upon graduation and employment. In U. Teichler, Carreers of university graduates. Londres : Springer.

Prosser, M. et Trigwell, K. (1999). Understanding learning and teaching: The experience of higher education. Buckingham: Open University Press.

Rege Collet, N. et Romainville, M. (2006). La pratique enseignante en mutation à l’université. Bruxelles : De Boeck Supérieur.

Rivière, C. (1997). Structure et contre-structure dans les rites profanes. Dans M. Segré (dir.), Mythes, rites, symboles dans la société contemporaine (p. 101-122). Paris : Harmattan

Vannier, M.-P. et Merri, M. (2015). À quoi pensent les enseignants quand on leur parle de rituels ? Recherches en Éducation, 8 (hors-série), 14-26.

Wulf, C. et Gabriel, N. (2005). Introduction. Rituels. Performativité et dynamique des pratiques sociales. Hermès, La Revue, 43(3), 9-20.

Haut de page

Notes

1 Le questionnaire est disponible à l’adresse suivante : https://zenodo.org/record/4573267.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Graphique 1 : Disciplines des répondants
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/4110/img-1.png
Fichier image/png, 9,5k
Titre Graphique 2 et Tableau 1 : Catégories professionnelles et années d’expérience
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/4110/img-2.png
Fichier image/png, 62k
Titre Graphique 3 : Niveau d’enseignement
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/4110/img-3.png
Fichier image/png, 12k
Titre Tableau 2 : Types de rituels en début de séance selon les modalités d’enseignement
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/4110/img-4.png
Fichier image/png, 30k
Titre Graphique 4 : Types de rituels en début de séance et modalités d’enseignement
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/4110/img-5.png
Fichier image/png, 59k
Titre Tableau 3 : Types de rituels en fin de séance selon les modalités d’enseignement
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/4110/img-6.png
Fichier image/png, 28k
Titre Graphique 5 : Rituels en fin de séance et modalités d’enseignement
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/4110/img-7.png
Fichier image/png, 56k
Titre Graphique 6 : Années d’expérience et présentation des erreurs
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/4110/img-8.png
Fichier image/png, 28k
Titre Graphique 7 : Années d’expérience et écrits de synthèse
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/4110/img-9.png
Fichier image/png, 21k
Titre Graphique 8 : Années d’expérience et moment de lecture silencieuse
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/docannexe/image/4110/img-10.png
Fichier image/png, 21k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Teresa Assude, Perrine Martin et Nathalie Mikaïloff, « Enquête sur la pédagogie universitaire : types et fonctions des rituels dans l’enseignement supérieur »Contextes et didactiques [En ligne], 21 | 2023, mis en ligne le , consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/4110 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ced.4110

Haut de page

Auteurs

Teresa Assude

Aix-Marseille Université – UR 4671 ADEF

Articles du même auteur

Perrine Martin

Aix-Marseille Université – UR 4671 ADEF

Articles du même auteur

Nathalie Mikaïloff

Aix-Marseille Université – UR 4671 ADEF

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search