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Dossier

L’effet de contextes en situation d’interaction éducative : dialogue, collaboration et apprentissages

Context effects in the context of interaction: dialogue, collaboration, and learning
Chloé Le Bail, François-Xavier Bernard, Michael Baker et Françoise Détienne

Résumés

Cet article contribue aux travaux portants sur l’effet de contextes comme moteur d’apprentissage. Un effet de contextes est un événement cognitif provoqué par la confrontation de deux contextes internes, au cours d’une séquence de travail collectif impliquant des apprenants vivant dans des contextes géographiques/culturels différents. Notre premier objectif est de caractériser et d’opérationnaliser le concept d’effet de contextes, à partir de l’analyse des interactions verbales entre deux groupes d’élèves issus du Québec et de la Guadeloupe, et confrontés au même objet d’étude. Le second objectif est de comprendre comment les scénarios pédagogiques basés sur les effets de contextes engagent les élèves à co-élaborer des connaissances dans le dialogue. L’étude repose sur l’analyse de trois Séquences avec Effet de Contextes (SEC). Les résultats montrent que l’effet de contextes émerge à travers des questions qui visent à mettre en perspective l’objet d’étude dans l’un ou l’autre contexte. L’effet de contextes évolue sous la forme d’un partage de connaissances contextuelles, ou bien il constitue un malentendu entre les élèves et provoque un débat qui doit être perçu et résolu pour devenir constructif. Ces deux modalités impliquent des processus discursifs variés (explication versus argumentation). Nous proposons de définir l’effet de contextes comme la négociation dialoguée du sens des représentations sur les contextes, qui est favorable au développement de connaissances à la fois contextuelles et expertes sur l’objet d’étude. Nous discutons des implications pour la conception de scénarios pédagogiques.

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Texte intégral

Cette recherche a été réalisée dans le cadre du projet TEEC (Technologies Éducatives pour l’Enseignement en Contextes) soutenu par le programme de recherche ANR-FRQSC (Franco-Québec) [subvention numéro 2017-QF-210862]. Les auteurs souhaitent remercier l’ensemble des membres du projet, et plus particulièrement Lamprini Chartofylaka, Jacqueline Bourdeau et Thomas Forissier.

1. Introduction

  • 1 Financement ANR dans le cadre de l’appel à projets franco-québécois en sciences humaines et sociale (...)

1Cet article se situe dans la lignée des travaux récents qui appréhendent les effets de contextes comme des soutiens aux apprentissages (Anjou, 2018 ; Chartofylaka, Anciaux, Candau, Jeannot-Fourcaud, Carignan et Saint-Pierre, 2018 ; Forissier, 2019). Un effet de contextes est la manifestation d’un décalage conceptuel en lien avec des contextes internes différents lors de l’interaction de deux apprenants au moins vivant dans des contextes géographiques et culturels différents (contextes externes). L’étude s’inscrit dans le projet TEEC1 (Technologies Éducatives et Enseignement en Contexte) qui a pour but d’étudier une innovation didactique basée sur la confrontation à distance de contextes. Il s’agit d’immerger deux groupes d’élèves issus de deux contextes contrastés (Québec et Guadeloupe) dans une démarche d’investigation sur un même objet d’étude (Forissier, Bourdeau et Psyché, 2017). Chaque groupe aborde les concepts et les notions scientifiques mis en jeu à partir d’exemples inscrits dans son contexte. Grâce à des moments d’échanges réalisés par vidéoconférences, les élèves travaillent avec leurs homologues, remettant ainsi en question leurs représentations de l’objet d’étude par la comparaison avec celles des élèves de l’autre groupe (Forissier et al., 2017). Un des objectifs du projet est la conception de modèles de scénarios pédagogiques propices à l’émergence d’effets de contextes.

2Cet article vise à décrire et caractériser l’effet de contextes à partir de l’analyse des échanges entre les apprenants. Les données analysées sont trois séquences d’interaction issues de trois expérimentations du projet TEEC. La première séquence dure 19 minutes et concerne des étudiants du niveau universitaire. L’objet de discussion est l’élaboration d’une capsule vidéo qui intègre les concepts de pouvoir, monarchie et absolutisme dans le cadre d’une période historique précise. La deuxième séquence dure 4 minutes et concerne des étudiants du niveau secondaire. L’objet d’étude est la géothermie et la discussion porte sur les spécificités de celle-ci dans les deux régions (Québec et Guadeloupe). La troisième séquence dure 15 minutes et concerne des étudiants du niveau primaire. L’objet de la discussion est la production d’un conte commun à partir de deux contes régionaux.

3Pour analyser les séquences, nous mobilisons le paradigme des interactions du courant de recherche sur l’Apprentissage Collaboratif Assisté par Ordinateur ou CSCL (Computer Supported Collaborative Learning), et notamment la théorie sur les processus d’élaboration de connaissances dans le dialogue (Baker, 2003 ; Bernard, 2018 ; Schwarz et Baker, 2017). Cette théorie vise à identifier des éléments de l’interaction qui font que travailler à plusieurs est efficace ou non pour apprendre. Les éléments qui guident notre analyse sont d’abord la nature de la tâche pédagogique (Coopérative vs. Collaborative), puis les types d’activités discursives (par exemple, l’argumentation) qui sont favorables à l’explicitation des connaissances. Notre objectif est de comprendre de quelle manière les scénarios pédagogiques basés sur les effets de contextes engagent les élèves à discuter les contextes et à coconstruire des connaissances. Pour cela, les trois séquences d’interaction analysées sont issues d’expérimentations différentes en termes de degré d’engagement à collaborer, ce qui rend compte de processus interactifs différents quant à l’évolution des effets de contextes. Ainsi, au prisme de l’interaction, nous montrons différentes formes d’effet de contextes.

4Tout d’abord, nous situerons notre recherche dans le cadre théorique de la contextualisation didactique et dans celui de l’approche interactionniste du courant CSCL. Nous présenterons ensuite la manière dont nous avons utilisé les expérimentations du projet TEEC et nous détaillerons notre méthode d’analyse des interactions verbales. Après quoi, nous décrierons puis discuterons trois Séquences avec Effet de Contextes (SEC) issues d’expérimentations différentes. Nous conclurons avec des recommandations pour la conception de situations pédagogiques favorables à l’évolution des représentations sur les contextes et sur les objets étudiés par les apprenants.

2. Cadre théorique

2.1. Contextualisation didactique, confrontation de contextes et effet de contextes

5La contextualisation didactique se rapporte à au moins deux situations d’enseignement distinctes (Delcroix, Forissier et Anciaux, 2013). D’une part, elle concerne les dimensions spatiales et temporelles au sein desquelles l’enseignement se déroule. Cette approche fait référence au contexte environnemental (Schwartz, Lederman et Crawford, 2004) considéré comme externe aux apprenants. Elle souligne l’importance de mener des investigations en situation naturelle et authentique, notamment dans le cadre des apprentissages scientifiques, afin de proposer aux élèves des problèmes réels, significatifs et pertinents. De cette façon, les élèves comprennent mieux le monde dans lequel ils vivent et sont davantage motivés par les enseignements de sciences (Bennett, Lubben et Hogarth, 2007 ; King et Henderson, 2018). D’autre part, la contextualisation didactique s’intéresse à la reconnaissance des différences régionales, ce qui nécessite parfois l’adaptation des contenus pédagogiques au contexte local, considéré également comme externe aux apprenants. Pourchez (2009) illustre un tel phénomène en décrivant pourquoi des étudiants de La Réunion ne résolvent pas un problème de mathématiques concernant la vitesse d’un TGV (Train à Grande Vitesse en France hexagonale). La plupart des étudiants de La Réunion n’ont jamais vu de TGV (« c’est qui TGV ? »). Cette situation génère ce que plusieurs auteurs appellent des effets de contextes. Ce sont des événements de mécompréhension vécus par les apprenants, à la suite d’un écart entre leur représentation mentale (interne) d’un objet donné, construite sur la base des manuels scolaires, et le monde extérieur qui les entoure (Merlo-Leurette et Forissier, 2009).

6Ainsi, la contextualisation didactique repose sur l’idée de l’existence de contextes interne et externe à l’apprenant. Ces deux notions ont plusieurs acceptions (Delcroix, 2019). Un point de convergence des différentes définitions est la coexistence, dans les situations d’apprentissage, de facteurs externes aux apprenants (facteurs culturels, institutionnels, historiques, ou encore géographiques) et de facteurs personnels, dits internes. Le contexte interne est appréhendé comme la représentation partielle et personnelle du contexte externe (Van Wissen, Kamphorst et Van Eijk, 2013), compte tenu de deux éléments. Le premier élément est la représentation mentale que se fait l’apprenant d’un objet ou d’un concept donné, que ce dernier se réfère aux sciences fondamentales et naturelles, ou aux sciences humaines et sociales. Le second élément est l’ensemble des croyances et des motivations personnelles de l’apprenant. Le contexte externe et le contexte interne sont interdépendants dans le sens où le contexte interne est une représentation individuelle du contexte externe, et aussi un moyen par lequel l’individu interprète le contexte externe (Van Wissen et al., 2013).

7Ces dernières années, des chercheurs se sont intéressés à considérer les effets de contextes « non comme des obstacles épistémologiques, mais comme des moteurs d’apprentissage » (Forissier, 2019 : 107). Cette vision questionne notamment le rôle de la confrontation de contextes (externes) dans le renforcement des connaissances (Forissier et al., 2017). Ici, l’effet de contextes est appréhendé comme le résultat d’un choc entre des contextes internes différents, hétérogènes, lors de l’interaction entre des apprenants insérés dans des contextes culturels ou géographiques contrastés. Le modèle CLASH (Forissier, Bourdeau, Mazabraud et Nkambou, 2014) illustre un tel processus (cf. Figure 1). L’émergence de l’effet de contextes nécessite que les élèves issus des deux contextes externes contrastés travaillent sur le même objet d’étude, par exemple la grenouille en biologie ou la géothermie en géologie. Les élèves étudient d’abord cet objet dans leur contexte environnemental (contexte externe) et se forgent de premières ou de nouvelles conceptions quant à la réalité observée (contexte interne). Puis, ils échangent avec leurs homologues de l’autre contexte et des effets de contextes sont susceptibles d’apparaitre à cause de l’écart entre les contextes externes, et de facto à cause de l’hétérogénéité des contextes internes. Selon Anjou (2018), les effets de contextes qui émergent dans le cadre de discussion entre élèves insérés dans des contextes contrastés permettent d’acquérir des connaissances plus ouvertes sur le monde. L’apprentissage basé sur les effets de contextes peut favoriser la prise de recul et former l’esprit critique (Anjou, 2018).

Figure 1 : Le modèle CLASH (d’après Forissier et al., 2014)

8L’apprentissage basé sur les effets de contextes repose donc sur l’idée d’une co-construction de connaissances via le dialogue entre apprenants. Nous avons souligné cette dimension en l’ajoutant dans le modèle CLASH initial (cf. Figure 1). De premières analyses de sessions d’échanges entre apprenants montrent que des effets de contextes émergent et se résolvent durant l’interaction, impliquant des explications sur les contextes et des manifestations émotionnelles (Anjou, 2018). De plus, l’analyse de questionnaires pré-test et post-test (avant et après l’ensemble des sessions d’échanges) montre que les élèves fournissent en post-test des réponses plus expertes (plus techniques, plus scientifiques) sur l’objet étudié. Ils fournissent également davantage de descriptions de l’objet contextuelles (qui se réfèrent à un contexte spécifique) et moins acontextuelles (qui ne se réfèrent à aucun contexte). L’apprentissage basé sur les effets de contextes fait donc évoluer les représentations mentales des élèves sur l’objet étudié (Anjou, 2018 ; Chartofylaka et al., 2018 ; Forissier, 2019). Dans le but de mieux comprendre comment l’effet de contextes peut conduire à la construction de connaissances via le dialogue entre apprenants, cet article propose d’étudier spécifiquement l’effet de contextes au prisme des interactions entre les élèves.

2.2. L’effet de contextes au prisme du paradigme interactionniste

9Au sein du courant de recherche sur l’Apprentissage Collaboratif Assisté par Ordinateur (Dillenbourg, Baker, Blaye et O'Malley, 1995), retrouvé en anglais sous le terme CSCL (Computer Supported Collaborative Learning), un des enjeux majeurs est d’identifier les conditions qui font que travailler à plusieurs – et via/avec des outils informatiques – est efficace ou non pour apprendre, de manière à concevoir des situations pédagogiques appropriées. Ces conditions sont notamment la composition du groupe (le nombre d’élèves et leur diversité en termes de connaissances et d’expertise) et les caractéristiques de la tâche commune. Ainsi, des discussions entre élèves ayant des points de vue hétérogènes peuvent être à la fois riches et fructueuses, mais aussi source de conflits si les élèves peinent à se comprendre. De même, certaines tâches ou certains problèmes à résoudre impliquent plus ou moins que les élèves échangent, se mettent d’accord et se comprennent mutuellement. À cet égard, le paradigme des interactions (Baker, 2003 ; Bernard, 2018 ; Schwarz et Baker, 2017) s’intéresse aux types d’interactions verbales entre élèves qui permettent d’expliquer pourquoi des groupes fonctionnent et apprennent mieux que d’autres. Le dialogue y est ainsi appréhendé comme moteur de la co-construction des connaissances (Baker, 2003 ; Dillenbourg et al., 1995).

  • 2 Traduction de « Collaboration is a coordinated, synchronous activity that is the result of a contin (...)

10Un premier élément à considérer pour caractériser les interactions constructives est la nature de la tâche. Dans quelle mesure cette dernière engage-t-elle les élèves à discuter et à négocier les représentations mentales et le sens attribué aux concepts ? Cette question est importante car elle permet de distinguer les tâches collaboratives des tâches coopératives. La collaboration est définie comme « une activité coordonnée et synchronisée résultant d’un effort continu d’élaboration et de maintien d’une conception partagée d’un problème »2 (Roschelle et Teasley, 1995 : 70). Dans ce cas précis, la tâche collective consiste à résoudre un problème commun, à synchroniser ses représentations mentales pour prendre une décision tous ensemble. La coopération est davantage une activité collective avec une division des tâches où le degré de dépendances des actions est moindre. Selon Baker (2015), la collaboration est une forme spécifique de coopération qui, en plus de concerner les tâches et les actions, concerne les idées, les représentations et la compréhension. Ainsi, suivant la nature de la tâche, divers processus discursifs peuvent se mettre en place dans l’interaction.

11Un deuxième élément à considérer pour caractériser les interactions constructives est le degré de compréhension mutuelle entre les élèves. L’apprentissage collaboratif implique la construction et le maintien, dans l’interaction, d’un référentiel partagé (le common ground) de connaissances, de représentations, de suppositions et de croyances. Le grounding (Clark et Brennan, 1991 ; Clark et Schaefer, 1989) est le processus interactif par lequel ce common ground est construit, renforcé et maintenu. Ce processus repose sur la capacité des interlocuteurs à percevoir et à comprendre un message, puis à réagir et à émettre une réponse. Il implique des dimensions intrinsèques, telles que la motivation, l’habilité à dialoguer, ou la langue parlée, et des dimensions extrinsèques, telles que l’environnement physique (bruit) ou la modalité par laquelle les interlocuteurs communiquent (en face à face, à distance via un outil de communication, etc.). Enfin, le processus de grounding peut s’appréhender comme une sorte de négociation où les différents niveaux d’intercompréhension entre individus représentent différents objets de négociation (Baker, Hansen, Joiner et Traum, 1999). Ici, la négociation ne renvoie pas obligatoirement au conflit, au désaccord ou à l’opposition des idées. D’après différentes théories des sciences du langage (Kerbrat-Orecchioni, 1990 ; Roulet, 1992), toute interaction verbale suppose des négociations sur le sens et la signification de ce qui est énoncé. Ainsi, l’intercompréhension est étroitement liée aux activités discursives qui facilitent l’exploration des représentations et des connaissances pour résoudre un problème commun (Dillenbourg et Tram, 2006).

12Enfin, un troisième élément à considérer pour caractériser les interactions constructives est la nature de l’interaction. Quels types d’interactions verbales sont propices à la réflexion personnelle et collective ? Lesquelles favorisent l’explicitation et la restructuration des connaissances ? Des études ont montré que les explications liées à la tâche sont des interactions pouvant conduire à une compréhension plus approfondie des concepts (Baker et Lund, 1997 ; Chi et VanLehn, 1991 ; Webb, Troper et Fall, 1995). Par conséquent, l’argumentation est perçue comme une interaction constructive lorsqu’elle favorise le raisonnement ainsi que la préparation et la verbalisation d’une justification. L’argumentation peut rendre les connaissances explicites, mettre en évidence les idées fausses, mettre en concurrence les représentations initiales incomplètes ou erronées, et donc provoquer des changements conceptuels (Andriessen et Baker, 2014). À travers le dialogue, notamment l’argumentation, des connaissances sont co-élaborées (Schwarz et Baker, 2017).

13Les trois points évoqués sont liés et renvoient à la finalité du dialogue entre les apprenants (Baker, 2003). En situation d’apprentissage collaboratif, cette finalité est d’abord, souvent, d’ordre pratique (par exemple, concevoir un robot capable de détecter des obstacles). Cependant, la réalisation de la tâche d’apprentissage permet également d’atteindre un objectif cognitif (par exemple, distinguer des familles de matériaux, comprendre des bases de la programmation informatique). Le potentiel d’apprentissage individuel repose sur les processus interactifs qui soutiennent la co-construction des connaissances.

2.3. Problématique et hypothèse de recherche

14Nous cherchons ici à étudier comment émerge et évolue l’effet de contextes dans l’interaction verbale entre apprenants. Plus spécifiquement, nous nous demandons dans quelle mesure l’enseignement basé sur les effets de contextes est un moteur de co-construction de connaissances via le dialogue entre deux groupes d’élèves. Au sein du projet TEEC, chaque expérimentation possède un scénario pédagogique qui lui est propre, et chacun de ces scénarios implique une production plus ou moins commune aux deux groupes d’élèves. Ainsi, notre hypothèse de recherche est la suivante : la variété des scénarios pédagogiques, en termes de degré d’engagement à collaborer (objet d’étude similaire nécessitant la résolution d’un problème commun aux deux contextes) ou à coopérer (objet d’étude similaire nécessitant la résolution d’un problème dans chacun des contextes), rend compte de processus interactifs différents quant à l’évolution des effets de contextes dans l’interaction. Par conséquent, il n’existerait pas un type d’effet de contextes dans l’interaction mais une diversité d’effets de contextes dont les caractéristiques peuvent être liées, entre autres, à la nature du scénario pédagogique. La vérification de notre hypothèse permettra de mieux cerner la manière dont les effets de contextes soutiennent l’évolution des représentations mentales des élèves, vis-à-vis des contextes et vis-à-vis de l’objet qu’ils étudient. Cela permettra aussi de discuter les finalités du dialogue entre les contextes, ainsi que les objectifs pédagogiques des situations d’apprentissage basé sur les effets de contextes.

3. Méthode

15D’abord, nous présentons le projet TEEC, ses cinq itérations et leur scénario pédagogique. Puis, nous expliquons comment nous avons catégoriser les itérations et leurs scénarios pédagogiques, et nous détaillons les itérations finalement retenues pour l’analyse. Enfin, nous présentons notre méthode d’analyse des interactions.

3.1. Présentation du projet TEEC et des scénarios pédagogiques

16Les données analysées dans cet article sont issues du projet ANR TEEC qui s’est étalé sur trois ans et qui a comporté cinq expérimentations (Forissier et al., 2017). Ces expérimentations ont été menées sur des disciplines diverses et au sein de niveaux scolaires différents. La méthodologie de recueil des données est celle du Design-Based Research ou DBR (Bourdeau, 2017 ; Brown, 1992 ; Wang et Hannafin, 2005). C’est une méthode reconnue dans les projets de conception d’environnements technologiques en éducation. Une caractéristique fondamentale du DBR est la mise en œuvre d’expérimentations in situ sous forme d’itérations. Ainsi, les expérimentations du projet TEEC ont été menées en situation écologique, les unes à la suite des autres, de sorte que l’expérience de chaque expérimentation enrichisse la mise en œuvre de l’expérimentation suivante. Il s’agissait donc, entre les expérimentations, d’analyser la situation didactique « intermédiaire » et de tester de nouvelles idées (théoriques et de conception) lors de l’itération suivante. La situation didactique est ici le fait d’immerger deux groupes d’élèves issus de deux contextes différents (Québec et Guadeloupe) dans une démarche d’investigation sur un même objet d’étude, et de leur proposer des moments de travail en groupe et des moments d’échanges avec l’autre groupe.

17Pour chaque expérimentation (ou itération) du projet TEEC, le recueil de données a débuté dès la présentation du scénario pédagogique aux deux groupes d’élèves (Guadeloupe et Québec). Le scénario pédagogique correspond au déroulement de la situation didactique en termes de tâche pédagogique, d’objet d’étude, de concepts ou de thèmes à travailler, et en termes d’organisation des séances de travail (mise en œuvre concrète de la tâche). Le scénario pédagogique de chaque itération a été construit spécifiquement pour provoquer l’émergence d’effets de contextes. Ainsi, sur un même objet d’étude (par exemple, le conte), les deux groupes devaient étudier les mêmes notions scientifiques ou les mêmes thématiques (par exemple, les personnages du conte), avec l’hypothèse sous-jacente qu’ils auraient des représentations diverses de ces objets, ces notions et ces thématiques.

18Le tableau 1 présente les cinq itérations du projet TEEC. En premier lieu, le tableau présente le nom, la tâche pédagogique et l’objet d’étude propre à chaque itération. Le tableau montre que les itérations concernent des disciplines très variées : l’histoire, la géothermie, l’éducation au développement durable (EDD) et la littérature. Ensuite, le tableau 1 présente l’organisation des groupes d’élèves. Pour certaines itérations (par exemple, l’itération Langue), les groupes d’élèves ont été divisés en équipes (2 à 4 élèves) dans chacun des contextes. Les équipes « miroir » travaillaient alors une thématique précise. Le tableau 1 résume le nombre de séances d’échanges entre les groupes entiers et entre les équipes miroir. Durant ces séances, les élèves discutaient leur travail et faisaient la synthèse de leurs découvertes et de leurs réflexions respectives. Les échanges entre les élèves ont tous été enregistrés. Le tableau 1 synthétise pour chaque itération, le nombre de vidéoconférences enregistrées et la période de recueil. Les vidéos ont duré environ 40 minutes lorsque les élèves étaient en groupe entier, et environ 15 minutes par équipe lorsque les élèves étaient divisés (les équipes s’enchainant durant la même vidéoconférence).

Itération

Désignation

Itération 1

Sociohistoire

Itération 2

Géothermie

Itération 3

(EDD)

Canne à sucre (Guadeloupe) – Erable (Québec)

Itération 4

Langue

Itération 5

(EDD)

Banane (Guadeloupe) – Pomme (Québec)

Tâche pédagogique

Construire une capsule (séquence) vidéo qui explique en quelques minutes trois concepts propres à une période historique

Etudier le potentiel géothermique des deux régions et faire une recommandation pour l’implantation (fictive) d’un centre de données

Identifier des différences et des ressemblances concernant les productions locales de sucre

Etudier deux contes régionaux et écrire un nouveau conte qui intègre des éléments des deux contes initiaux

Répondre à la question « quel fruit devrait-on consommer pour favoriser le développement durable ? »

Objet d’étude

Les trois concepts propres à une période historique

Le fonctionnement de la géothermie

La production locale du sucre

Le conte (sa structure et son contenu)

La consommation et la production responsables de fruits

Division des groupes en équipes

OUI : 3 équipes, chacune travaille sur trois concepts précis (p. ex. : pouvoir, monarchie et absolutisme)

NON

OUI : 5 équipes, chacune travaille sur un thème précis (p. ex. : histoire, biologie, agriculture)

OUI : 6 équipes, chacune travaille sur un thème précis (p. ex. : lexique, schéma narratif, personnages)

OUI : 6 équipes, chacune travaille sur un thème précis (p. ex. : histoire, santé, agriculture)

Echanges entre groupes

Aucune séance

4 séances

3 séances

3 séances

1 séance

Echanges entre équipes miroir

3 séances

Aucune séance

3 séances

3 séances

7 séances

Total vidéos

3 vidéos

4 vidéos

6 vidéos

6 vidéos

8 vidéos

Période de recueil

Octobre à novembre 2017

Novembre 2017 à mars 2018

Février à avril 2018

Avril à mai 2018

Octobre 2018 à janvier 2019

Production commune

NON

Les concepts discutés sont identiques mais la capsule vidéo n’est pas commune

NON

NON

Chaque groupe doit produire une synthèse finale améliorée par les échanges

OUI

La conte à réécrire est commun

NON

Une équipe travaille sur les différences, une autre sur les ressemblances

Prise de décision commune

NON

OUI

Un seul lieu est recommandé ce qui nécessite de se mettre d’accord

NON

OUI

OUI

Les échanges doivent aboutir à une réponse commune

Tableau 1 : Les cinq itérations du projet TEEC

19Les données du projet TEEC ont donné lieu à plusieurs analyses, notamment des analyses didactiques, des analyses automatiques des émotions et des analyses des interactions verbales. La suite de la méthodologie concerne spécifiquement l’analyse des interactions verbales.

3.2. Catégorisation des scénarios pédagogiques

20Notre premier travail sur les données a été de catégoriser les itérations à partir de la nature du scénario pédagogique. Nous avons distingué les scénarios qui proposaient une production ou une prise de décision commune aux deux groupes d’élèves des scénarios qui ne le proposaient pas. Comme le montre le tableau 1, une seule itération (Langue) impliquait une production commune, nécessitant alors des prises de décision communes entre les équipes miroir et les groupes. Deux itérations (Géothermie et Pomme-Banane) impliquaient seulement une prise de décision commune. Deux itérations (Sociohistoire et Canne à sucre-Erable) n’impliquaient ni de production commune, ni de prise de décision commune. Il est intéressant de préciser qu’au fil des itérations, le scénario pédagogique qui était proposé aux élèves essayait de tendre vers une tâche de plus en plus collaborative, au sens du paradigme interactionniste. La tâche de l’itération 4 (Langue) est ainsi plus collaborative que celle de l’itération 2 (Géothermie), et cette dernière est plus collaborative que celle de l’itération 1 (Sociohistoire). Les itérations 3 et 5 fonctionnent ensemble et traitent du sujet général de l’éducation au développement durable (EDD). On peut noter que la tâche de l’itération 5 (Pomme-Banane) est plus collaborative que celle de l’itération 3 (Canne à sucre-Erable). Cette évolution montre les avantages de la méthodologie DBR pour faire évoluer la situation didactique.

3.3. Présentation des itérations et des équipes retenues pour l’analyse

21En lien avec notre problématique de recherche, nous avons sélectionné trois itérations pour lesquelles le scénario pédagogique implique un degré de collaboration variable. Ainsi, nous avons retenu l’itération 1 (Sociohistoire), l’itération 2 (Géothermie) et l’itération 4 (Langue). Lorsque les groupes d’élèves étaient divisés en équipe, nous avons sélectionné les équipes miroir pour lesquelles les échanges avaient été les plus nombreux. Nous détaillons à présent les trois itérations retenues pour l’analyse, ainsi que les équipes et leur tâche.

22Le scénario pédagogique de l’itération Sociohistoire propose aux étudiants de s’entraider pour l’élaboration d’une capsule vidéo devant intégrer des concepts propres à une période historique. Le scénario n’implique ni de production commune, ni de prise de décision collective. En effet, les équipes miroir doivent intégrer les trois mêmes concepts dans leur capsule vidéo, néanmoins chaque équipe doit réaliser sa propre capsule vidéo. En Guadeloupe, les étudiants sont du niveau Master, et au Québec ils sont du niveau Maîtrise. Ces deux niveaux sont identiques et correspondent à la 4e ou à la 5e année d’études universitaires. Les équipes qui ont été retenues sont les équipes miroirs numéro 1. Côté Québec, deux étudiantes doivent réaliser une capsule vidéo sur le thème « la Christianisation de l’Occident ». Côté Guadeloupe, quatre étudiantes doivent réaliser une capsule vidéo sur le thème « le temps des Rois » (Louis IX, François I, Henri IV et Louis XIV). La période historique s’étend du 13e siècle au début du 18e siècle. Chaque équipe miroir doit intégrer dans sa capsule vidéo les concepts de pouvoir, monarchie et absolutisme.

23Le scénario pédagogique de l’itération Géothermie propose aux élèves d’étudier le potentiel géothermique des deux régions, et de faire une recommandation commune pour l’implantation d’un centre de données dans l’une des deux régions. Le scénario implique une prise de décision collective mais pas de production commune. Pour cette itération, les groupes n’ont pas été divisés en équipes. En Guadeloupe, les élèves sont au collège (niveau 4e et 3e), au Québec ils sont du niveau secondaire III. Dans les deux cas, l’âge des élèves est de 14-15 ans. Le scénario est basé sur l’écart de contextes suivant. En Guadeloupe, une centrale géothermique située dans la ville de Bouillante exploite une nappe phréatique dont la température dépasse les 150°C, avec des profondeurs de forage supérieures à 1000 mètres. Ceci est rendu possible par l’activité volcanique de la région. La centrale géothermique produit de l’électricité pour le réseau électrique local. Au Québec, la géothermie est utilisée pour réguler la température dans les maisons et les bâtiments (pour le chauffage et la climatisation). C’est une géothermie à « basse température » qui utilise les premières dizaines de mètres sous la surface du sol (moins de 200 mètres), où les températures sont comprises entre 10 et 30°C. Le mécanisme comprend notamment une pompe à chaleur (Anjou, 2018).

24Le scénario pédagogique de l’itération Langue propose aux élèves d’écrire un conte commun à partir de deux contes régionaux, « Compère Lapin et Compère Zamba » en Guadeloupe et « Rose la tulipe » au Québec. Le scénario implique une production commune et une prise de décision collective. Les élèves sont en école primaire et sont âgés de 9-10 ans (niveau CM2 en Guadeloupe et niveau 5e ou 6e année au Québec). Le conte est un objet littéraire qui reflète un contexte culturel, historique et social spécifique. Il peut donc faire émerger les représentations individuelles sur un patrimoine culturel donné et provoquer des effets de contextes (Chartofylaka et al., 2018). Le scénario pédagogique de l’itération Langue est basé sur l’écart de contextes suivant. En Guadeloupe, le conte est intimement lié à l’histoire coloniale et aux rapports de pouvoirs qui existaient à cette époque. Les personnages symbolisent des idéologies ou des membres de la hiérarchie sociale. Compère Lapin, personnage au centre du conte travaillé par les élèves de la Guadeloupe, représente la débrouillardise, c’est-à-dire la malice et l’ingéniosité pour sortir gagnant de situations, au détriment de puissants plus naïfs tels que Compère Zamba. Ce personnage, comme d’autres, fait partie d’un cycle de contes transmis aussi bien à l’écrit qu’à l’oral. Le conte travaillé par les élèves du Québec s’inscrit plutôt dans la tradition judéo-chrétienne, avec des personnages stéréotypés dont les actions matérialisent le bien et le mal pour la communauté, le bien étant récompensé et le mal puni (Chartofylaka et al., 2018). Dans cette itération, chaque équipe miroir travaille sur un élément du conte (le schéma narratif, le lexique, les personnages, etc.). Les équipes qui ont été retenues pour l’analyse sont les équipes miroir numéro 2, composées de quatre élèves de chaque côté. Ces équipes doivent construire ensemble les personnages du conte commun, à partir des personnages des deux contes régionaux.

3.4. Identification et retranscription de SEC

25Pour les itérations et les équipes retenues, les vidéoconférences ont été soumises à une analyse des interactions verbales. Nous nous sommes appuyés pour cela sur les propositions de Kerbrat-Orecchioni (1990) concernant le modèle hiérarchique entre les rangs de l’interaction. Chaque rencontre virtuelle (séance de travail) peut ainsi être découpée en une ou plusieurs séquence(s) d’interaction, une séquence pouvant être définie « comme un bloc d’échanges reliés par une forte cohérence sémantique et/ou pragmatique, c’est-à-dire traitant d’un même thème ou centré sur une même tâche » (Kerbrat-Orecchioni, 1990 : 218). Par exemple, une séance peut être découpée de la manière suivante : les élèves de la Guadeloupe présentent leur travail (tâche 1, séquence 1), puis un temps est consacré à l’échange de questions et d’explications supplémentaires (tâche 2, séquence 2).

26La sélection de SEC – séquences d’interaction finalement retranscrites et analysées – s’est faite à partir de deux indicateurs principaux. Le premier indicateur est la présence de questions (demandes d’explication, de précision) portant sur l’un ou les deux contextes. Ainsi, nous avons exclu les séquences d’interaction où un groupe (ou une équipe) présentait ses avancées, ses solutions, ou encore ses idées, sans que cela ne génère d’interrogations ou de remarques de la part de l’autre groupe (ou de l’autre équipe). Le deuxième indicateur est la comparaison entre les deux contextes, c’est-à-dire des séquences où les élèves utilisent les pronoms nous/vous pour évoquer des différences ou des ressemblances entre les contextes. Ainsi, nous avons exclu les séquences d’interaction où un groupe questionnait le contexte de l’autre groupe, sans que cela n’entraine de comparaison, de recoupement ou d’analogie entre les deux contextes.

27Nous avons retranscrit manuellement et rigoureusement les SEC dans un tableau en tenant compte des chevauchements de parole mais aussi d’un certain nombre d’éléments paraverbaux tels que des pauses dans le discours, des intonations, ou encore des rires (Kerbrat-Orecchioni, 1990). Ces éléments paraverbaux donnent des informations sur la manière dont les locuteurs interagissent. Par exemple, les pauses dans le discours peuvent signifier des moments de réflexion ; de même les montées intonatives peuvent signifier des interrogations, ou bien la volonté de faire entendre un argument. Le tableau 2 présente les principes de transcription que nous utilisés. Ces principes sont issus des travaux de Détienne et Traverso (2009).

Exemple

Symbole et explication

Locuteur 1

[non non mais

Les chevauchements de parole sont indiqués par le symbole [

Locuteur 2

[nan mais c’est des propositions

Locuteur 1

voilà … exactement

Les pauses dans le discours sont indiquées par le symbole

Locuteur 2

par exemple ((dessine))

Les productions paraverbales sont précisées par une double parenthèse ((xxx))

Locuteur 1

de quoi/

Les montées intonatives sont indiquées par le symbole /

Locuteur 2

après on n’est pas\

Les descentes intonatives sont indiquées par le symbole \

Tableau 2 : Principes de transcription (d’après Détienne et Traverso, 2009)

28Dans notre tableau des retranscriptions, à chaque fois qu’un locuteur parle, nous avons numéroté le tour de parole et relevé la ligne de temps de la vidéo correspondant au début du tour de parole (minutes et secondes). Puis nous avons attribué un code au locuteur de la manière suivante :

  • SGx ou SQx : un élève de la Guadeloupe ou du Québec parle (élèves numérotés de 1 à x) ;

  • Tut.G ou Tut.Q : le tuteur (enseignant ou chercheur) côté Guadeloupe ou côté Québec parle ;

  • Plu.G ou Plu.Q : plusieurs élèves de la Guadeloupe ou du Québec parlent en même temps.

3.5. Grille d’analyse des interactions verbales

29Notre grille d’analyse des interactions verbales se base sur le paradigme interactionniste du courant CSCL. Elle vise à rendre compte de la superposition et de l’évolution de deux dimensions dans l’interaction, la dimension interactive et la dimension épistémique.

3.5.1. La dimension interactive

30Cette dimension concerne la manière dont les locuteurs interagissent et négocient le sens et la signification de ce qui est dit pour se comprendre ou pour se mettre d’accord. On retrouve l’évocation d’arguments, mais aussi d’autres formes d’interactions révélatrices du processus de grounding : explication, reformulation, illustration et acceptation (Baker et al., 1999 ; Schwarz et Baker, 2017). Le tableau 3 présente les codes d’analyse pour cette dimension. Les codes ont été construits de manière inductive avec le traitement des données, en lien avec la problématique de recherche et sur la base de la littérature sur le processus de grounding. Nous nous sommes appuyés sur une analyse sémantique des verbatims pour identifier si les locuteurs exprimaient une interrogation, un accord ou un désaccord, une compréhension ou une incompréhension. Concernant la différence entre l’explication et l’argumentation, nous nous sommes appuyés sur la définition de Baker (1999) : une argumentation doit justifier d’au moins deux conditions, une différence de position entre les participants et une phase argumentative au sein de laquelle les participants expriment au moins une fois un acte de communication (un argument) conforme à leur position. Ainsi, l’argumentation suit généralement l’expression d’un désaccord ou d’une incompréhension, et elle vise alors à exprimer sa propre opinion ou sa propre compréhension. Notre codage s’est fait manuellement, dans le tableau des retranscriptions, de sorte à pouvoir identifier précisément l’interdépendance des activités communicatives (activités argumentatives et autres) des différents locuteurs. Un recodage numérique (Num) a favorisé la manipulation de la dimension en tant que variable dans un tableur pour une analyse statistique ou visuelle.

Code

Num

Description

Exemple

C+

5

Le locuteur exprime une compréhension

Bah c’est ce que j’ai compris hein

Acc

4

Le locuteur exprime un accord

Oui ça a du sens ce que tu dis

Arg

3

Le locuteur argumente, se justifie

Ça dépend si le personnage il est connu

Exp

2

Le locuteur explique, reformule, donne un exemple

Nous la géothermie on l’utilise pour chauffer les maisons

Q

1

L’élève pose une question

Vous avez compris ce qu’est une pompe à chaleur ?

Dcc

-1

Le locuteur exprime un désaccord

Moi je ne suis pas d’accord

C-

-2

Le locuteur exprime une compréhension faible ou incertaine

Je vois à peu près

IC

-3

Le locuteur exprime une incompréhension

Je ne comprends pas trop

Tableau 3 : Codage de la dimension interactive

3.5.2. La dimension épistémique

31Cette dimension concerne les concepts et les connaissances mis en jeu dans l’interaction. Le nombre et la nature des descripteurs de cette dimension sont uniques pour chaque itération et pour chaque séquence analysée. Pour chaque SEC, nous avons identifié le plus précisément possible les différents types de notions ou connaissances impliquées dans l’interaction. Nous avons distingué les connaissances contextuelles (qui portent sur un contexte spécifique) des connaissances acontextuelles (qui ne se réfèrent à aucun contexte). Chaque changement dans les connaissances discutées constitue une nouvelle phase de la SEC. Ainsi, si trois grandes notions sont discutées dans une SEC, cette dernière comportera trois phases.

32Le tableau 4 est un extrait du codage des échanges entre les équipes miroir numéro 1 de l’itération Sociohistoire. De la gauche à la droite du tableau, on retrouve le numéro de parole (N), la ligne de temps (T), le code du locuteur, les paroles retranscrites, puis le codage de la dimension interactive (DI) et de la dimension épistémique (DE) pour le Québec et la Guadeloupe. Ce tableau permet d’illustrer la manière dont nous avons codé la dimension épistémique. Dans cet extrait, une première phase de la discussion concerne les concepts d’absolutisme et de monarchie que les étudiantes associent au concept de pouvoir. Ainsi, la discussion porte sur les différentes formes du pouvoir, et ces différentes formes de pouvoir ne sont pas discutées en référence à l’un ou à l’autre contexte. Nous avons alors utilisé le code « Fp.A » pour « Formes du pouvoir – Acontextuel ». Dans une deuxième phase, les étudiantes québécoises expliquent la manière dont, selon elles, ces différentes formes de pouvoir ont imprégné l’histoire du Québec. Ainsi, les explications font bien référence à un des deux contextes (le contexte québécois). Nous avons alors utilisé le code « Fp.Q » pour « Formes du pouvoir – Québec ». Le passage de connaissances (représentations) acontextuelles à des connaissances (représentations) contextuelles est ce qui permet la distinction entre les deux phases de la séquence d’interaction.

Tableau 4 : Extrait du codage de l’itération Sociohistoire

4. Résultats

33Nous présentons l’analyse de trois SEC. Pour rappel, elles ont été choisies pour les deux raisons suivantes : (i) elles sont issues de trois itérations différentes pour lesquelles le scénario pédagogique implique un degré de collaboration variable ; (ii) au sein de ces trois itérations, ces SEC sont celles pour lesquelles on retrouve le plus d’indicateurs précités (les questions sur les contextes et les comparaisons de contextes). Les SEC ont été modélisées sous la forme de diagrammes à barres pour favoriser la visualisation de la dynamique interactive. L’axe des abscisses correspond à la ligne de temps. Les locuteurs sont représentés par les barres du diagramme, selon le code couleur suivant : jaune pour le tuteur côté Guadeloupe (Tut.G), orange pour un élève côté Guadeloupe (SG), rouge pour plusieurs élèves côté Guadeloupe (Plu.G), bleu pour le tuteur côté Québec (Tut.Q), vert clair pour un élève côté Québec (SQ) et vert foncé pour plusieurs élèves côté Québec (Plu.Q). La dimension interactive se trouve sur l’axe des ordonnées. La dimension épistémique a été intégrée dans les phases relatives aux concepts ou notions discutés (cadres gris au-dessus du diagramme).

4.1. Effet de contextes « les formes du pouvoir » de l’itération Sociohistoire

34Le scénario pédagogique de l’itération Sociohistoire propose à des étudiants en 4e et 5e années d’études supérieures d’élaborer une capsule vidéo autour de trois concepts propres à une période historique. Nous avons retenu les équipes miroir numéro 1 (2 étudiantes au Québec et 4 en Guadeloupe) qui travaillent sur les concepts de pouvoir, monarchie et absolutisme. La tâche pédagogique n’implique ni de production commune, ni de prise de décision commune. La SEC que nous analysons a lieu pendant la troisième (et dernière) séance de l’itération. La SEC dure 19 minutes, soit toute la durée de la rencontre entre les équipes miroir. Cette SEC comporte deux phases qui se distinguent par l’émergence des connaissances contextuelles dans l’interaction (cf. Figure 2).

Figure 2 : Effet de contextes « les formes du pouvoir »

35Durant la première phase de la séquence (de 04:13 à 10:48), les étudiantes discutent de l’avancement de leur capsule vidéo et évoquent des éléments de définition acontextuels. Le dialogue est initié par le tuteur côté Guadeloupe qui demande : « Alors du coup maintenant que vous avez pu avancer votre capsule vidéo, est-ce que vous pouvez dire justement la façon dont vous comprenez le pouvoir, l’absolutisme et la monarchie selon vous, qu’avez-vous retenu de comment définir ce qu’est le pouvoir ? » (Tut.G, N=421, 04:13). Sur la figure 2, on observe un dialogue du type « Explication-Accord ». En fait, les étudiantes formulent et détaillent la définition qu’elles donnent au concept de pouvoir, et elles sont plutôt d’accord entre elles. À ce stade des échanges, il n’y a pas de manifestation d’incompréhension et le contexte (la référence aux deux régions) n’est pas présent dans l’interaction.

36Extrait du dialogue durant la phase 1 :

[SQ1, N=427, 04:52] : Notre phrase elle était magique ((rires)) c’était quelqu’un dans le fond qui avait une certaine puissance sur quelque chose […]

[SQ2, N=432, 05:36] : Heu moi je définissais le pouvoir comme détenu par une seule personne dans le fond […]

[SG1, N=443, 06:43] : [...] le pouvoir c’est une puissance qui est détenue par une seule personne et de ça rentre le concept de monarchie absolue ((rires)) on est d’accord.

37Durant la deuxième phase de la séquence (de 12:53 à la fin), les étudiantes discutent la forme que prend, selon elles, le pouvoir dans le contexte québécois, puis dans le contexte guadeloupéen. L’émergence des contextes dans la discussion repose sur une question posée par le tuteur côté Guadeloupe : « Dans quelle mesure le pouvoir, la monarchie et l’absolutisme ont-ils impacté l’histoire du Québec ? » (Tut.G, N=487, 12:53). Sur la figure 2, on observe un dialogue du type « Explication-Compréhension ». On observe une alternance entre des explications données par un contexte (par exemple, le Québec de 13:23 à 14:12), et un accord ou une compréhension exprimée par l’autre contexte (par exemple, la Guadeloupe à 15:57). Cette dynamique illustre une confrontation des contextes qui prend appui sur : (i) le questionnement spontané (« c’est comment chez vous ? ») ; (ii) la formulation d’une réponse détaillée de la part du contexte questionné ; (iii) l’écoute des informations par l’autre contexte ; et (iv) la comparaison de certains objets qui font référence au pouvoir (« nous on n’a pas de rois »). Cette dynamique interactionnelle soutient l’explicitation de connaissances contextuelles et conduit à une compréhension mutuelle des ressemblances et des différences entre les deux contextes.

38Extrait du dialogue durant la phase 2 :

[SQ1, N=495, 13:29] : On a quand même la notion de pouvoir qui est encore là, on n’a pas de monarchie en tant que tel mais […]

[SQ2, N=498, 14:03] : C’est sûr qu’on a encore un peu des liens avec l’Angleterre techniquement […]

[SG4, N=501, 14:16] : Vous, vous avez une caractéristique spécifique puisque vous avez, heu…, l’influence de l’Angleterre et l’influence de la France […]

[SQ1, N=508, 14:39] : Vous c’est comment ces trois concepts là ?

[SG4, N=509, 14:42] : En Guadeloupe nous on n’a pas de châteaux, mais c’est sûr que par rapport à la colonisation on a l’impact de la monarchie des rois, de Louis Napoléon qui est venu ici […] on a des forteresses […]

[SQ1, N=514, 16:23] : C’est fou comment on voit les influences ((rires)).

[SQ2, N=515, 16:27] : Ah ouais bah je ne savais pas c’est super intéressant.

39La clôture de la séquence correspond à la fin de la séance. Les étudiantes se disent au revoir et se souhaitent bon courage pour terminer leur capsule vidéo.

4.2. Effet de contextes « la pompe à chaleur » de l’itération Géothermie

40Le scénario pédagogique de l’itération Géothermie propose à des élèves du niveau secondaire (14-15 ans) d’étudier le potentiel géothermique de la Guadeloupe et du Québec, et de faire une recommandation commune pour l’implantation (fictive) d’un centre de données dans l’une des deux régions. Le scénario implique une prise de décision collective mais pas de production commune. La SEC que nous présentons a lieu durant la troisième séance de l’itération (sur un total de quatre séances). Elle dure 4 minutes. Il y a 4 élèves côté Québec, et 11 élèves côté Guadeloupe.

41La SEC fait suite à une présentation sous forme de diaporama par les élèves québécois du fonctionnement de la pompe à chaleur, un des mécanismes de la géothermie au Québec que l’on ne retrouve pas de manière identique en Guadeloupe. La SEC analysée comporte trois phases (figure 3). La première phase et la deuxième phase se distinguent par un changement du contexte discuté dans l’interaction. La deuxième phase et la troisième phase se distinguent par la réintégration du premier contexte (Québec) dans l’interaction.

Figure 3 : Effet de contextes « la pompe à chaleur »

42Durant la première phase de la séquence (de 22:52 à 24:43), les élèves discutent le fonctionnement de la pompe à chaleur au Québec. Le dialogue est initié par le tuteur québécois qui demande : « Du côté de la Guadeloupe, est-ce que vous comprenez ce qu’est une pompe à chaleur et comment ça fonctionne ? » (tut.Q, N=132, 22:52). Sur la figure 3, on voit que certains élèves de la Guadeloupe expriment qu’ils ont compris (23:13), et d’autres expriment une compréhension incertaine voire une incompréhension (23:15 et 23:29). Les élèves qui ont compris expliquent à leurs camarades le fonctionnement de la pompe à chaleur (23:37, ou 23:53). Les élèves côté Québec approuvent les explications qui sont formulées (23:44, ou 23:56). Ensuite, un ensemble de questions posées par les deux côtés (de 24:01 à 24:35) vise à reformuler la notion discutée (fonctionnement de la pompe à chaleur) pour s’assurer qu’elle est comprise par l’ensemble des élèves de la Guadeloupe (24:43).

43Exemple de dialogue durant la phase 1 :

[SG11, N=148, 23:52] : C’est chaud ça repasse dans les tuyaux et ça va dans la maison […]

[SQ1, N=152, 23:56] : Voilà c’est ça c’est ça que ça fait une pompe à chaleur […]

[SG14, N=171, 24:35] : Est-ce que dans la pompe c’est de l’eau ou c’est un autre fluide heu un autre liquide ? […]

[SQ8, N=173, 24:41] : C’est de l’eau […]

[SG11, N=175, 24:43] : Ok donc en fait au début elle est froide et ils la font chauffer.

44Durant la deuxième phase de la séquence (de 25:03 à 26:16), les élèves discutent le fonctionnement de la géothermie en Guadeloupe. Sur la figure 3, on observe deux dynamiques interactionnelles similaires (accolades A et B). Chacune d’elle inclut : (i) une question du tuteur québécois ; (ii) des désaccords et des justifications (explications) côté Guadeloupe ; puis (iii) des expressions de compréhension côté Québec.

45La première dynamique (accolade A) est marquée par le changement de contexte discuté dans l’interaction, avec le tuteur québécois qui demande : « Est-ce qu’il y a une pompe à chaleur dans votre centrale de géothermie ? » (tut.Q, N=177, 25:03). Cette demande de comparaison entraine un léger désaccord côté Guadeloupe, qui est rapidement résolu et qui se solde par une compréhension mutuelle avec les élèves du Québec.

46Extrait du dialogue durant la phase 2 (accolade A) :

[SG4, N=178, 25:07] : Oui.

[SG14, N=179, 25:08] : Nan.

[SG7, N=180, 25:09] : Nan, nan ! […]

[SG11, N=183, 25:20) : En fait y’en a pas, parce que nous la géothermie on ne l’utilise pas pour chauffer les maisons comme vous […] nous c’est une grosse centrale qui est là pour produire de l’électricité […]

[SQ1, N=188, 25:38] : Ok donc y’en a pas.

47La seconde dynamique (accolade B) est marquée par une volonté d’approfondir le contexte guadeloupéen, avec le tuteur québécois qui formule une nouvelle question : « Mais pour pouvoir exploiter la chaleur du sol pour pouvoir la converser en électricité, est-ce que y’a un mécanisme comme la pompe à chaleur ? » (tut.Q, N=189, 25:39). Cette question entraine à nouveau un léger désaccord côté Guadeloupe (25:52), qui est rapidement résolu. En revanche, ce que l’on remarque à ce moment du dialogue, c’est la participation plus importante d’un élève québécois (Q8) qui exprime plusieurs fois un besoin de clarification quant aux explications qui sont données par la Guadeloupe (26:01, puis 26:08). Ainsi, la compréhension mutuelle ne s’atteint pas aussi « facilement » dans ce second cas, puisqu’on observe l’expression d’une compréhension incertaine (26:15) malgré les demandes de clarification. En fait, la question du tuteur québécois a élargi la discussion qui portait initialement sur la pompe à chaleur. Par conséquent, cela implique que les élèves conceptualisent des connaissances plus générales sur la géothermie en Guadeloupe (activité volcanique, forages profonds, eau très chaude qui devient vapeur). La négociation du sens qui s’opère ici montre bien comment les élèves tentent de construire leur référentiel partagé. Cela passe notamment par une répétition des mêmes explications (le pompage de la vapeur est répété plusieurs fois). Ensuite, l’intercompréhension se manifeste « soudainement » (Euréka !, 26:16) après ce moment d’hésitation et de réflexion.

48Extrait du dialogue durant la phase 2 (accolade B) :

[SG14, N=190, 25:48] : C’est par forage […] parce que c’est de la vapeur d’eau […]

[SQ8, N=194, 26:01] : Vous prenez directement la vapeur ?

[SG3, N=195, 26:03] : On la pompe, on la pompe ! […]

[SQ8, N=198, 26:08] : Ils prennent directement la vapeur ? […]

[SG11, N=201, 26:13] : Il y a une pompe ((fait des gestes)) […]

[SQ8, N=203, 26:15] : Ils prennent directement la vapeur… Heu… ((réfléchit))

[SQ1, N=204, 26:16] : Bah oui ! Parce que parce que l’eau est déjà chaude !

49Ainsi débute la troisième phase de la séquence (26:17 à la fin), avec une réintégration du contexte québécois pour comparer la différence entre les deux contextes géothermiques, et négocier la compréhension mutuelle. Cette négociation est finalement repérable dans l’interaction à travers des manifestations para-verbales telles des intonations (« voilà ! »), ainsi que des manifestations non verbales comme des gestes (applaudissements).

50Extrait du dialogue durant la phase 3 :

[SQ13, N=205, 26:17] : Dans le fond la grosse différence entre vous et nous c’est que vous l’eau est déjà sur la surface, et nous elle est dans la terre.

[SG8, N=206, 26:24] : Il y a les pressions, voilà !

[SQ1, N=207, 26:26] : Nous la chaleur est plus dans la terre, vous elle est dans l’eau.

[SG7, N=208, 26:31] : Voilà […]

[SG4, N=211, 26:33] : Voilà, exactement.

[SQ8, N=212, 26:35] : On est des génies ! Bravo à vous ((applaudi)).

51La clôture de la séquence correspond à la fin de la séance. Après avoir vérifié que plus personne n’a de question à poser, les élèves se disent au revoir.

4.3. Effet de contextes « la notoriété des personnages » de l’itération Langue

52Le scénario pédagogique de l’itération Langue propose à des élèves du niveau primaire (9-10 ans) d’écrire un conte commun à partir de deux contes régionaux. Le scénario implique donc une production et une prise de décision communes. La SEC que nous présentons concerne les équipes miroir numéro 2 et a lieu durant la troisième séance de l’itération (sur un total de six séances.). Elle dure toute la rencontre, soit 15 minutes. Les équipes miroir, de 4 élèves chacune, doivent construire les personnages du conte commun à partir des personnages des deux contes régionaux. La SEC comporte quatre phases (cf. Figure 4). La première phase et la deuxième phase se distinguent par un changement de notion acontextuelle discutée dans l’interaction. La deuxième phase et la troisième phase se distinguent par l’émergence implicite des contextes dans l’interaction. La troisième phase et la quatrième phase se distinguent par le fait que les contextes deviennent explicites dans l’interaction.

Figure 4 : Effet de contextes « la notoriété des personnages »

53Durant la première phase de la séquence (de 02:18 à 07:09), les élèves discutent la manière de rechercher des indices (des informations) sur les personnages du conte (par exemple : dans le texte ou sur les images). Sur la figure 4, on observe un dialogue du type « Question-Explication-Accord », avec cependant une incompréhension côté Québec (05:42) qui conduit même à un désaccord (05:56), et à de l’argumentation côté Guadeloupe (06:35). La discussion est initiée par un élève de la Guadeloupe qui reprend la consigne annoncée pour la séance et qui formule des premières propositions : « Comment on peut s’y prendre pour avoir les personnages antillais et les personnages québécois ? Nous avons plusieurs propositions ((lit sa feuille)) lire le texte et surligner les indices, chercher dans d’autres contes symboliques » (SG11, N=032, 02:18). Les propositions des élèves du Québec sont mutuellement acceptées (04:53). En revanche, les propositions des élèves de la Guadeloupe entrainent une incompréhension. Notamment, un élève du Québec ne comprend pas pourquoi la Guadeloupe propose d’aller chercher les personnages dans d’autres contes (SQ11, N=060, 05:42). Incité par son tuteur (N=070, 06:31), l’élève SG11 argumente une réponse (N=071, 06:35), mais le débat est aussitôt détourné par le tuteur québécois (N=072, 07:05). Comme nous le verrons, cette non-résolution de l’incompréhension va réapparaitre plus tard dans l’interaction.

54Extrait du dialogue durant la phase 1 :

[SQ12, N=041, 03:55] : On va lire plusieurs fois le texte et surligner les mots […]

[Tut.Q, N=046, 04:22] : Ensuite, est-ce que tous les personnages sont pareils ?

[SQ5, N=047, 04:26] : Nan […] il y a des personnages gentils et méchants […]

[SG11, N=053, 04:53] : Donc on est d’accord […] pour mieux trouver les personnages aussi donc on peut chercher dans les livres de contes […] et on pourrait aussi avoir un conteur […]

[SQ11, N=060, 05:42] : Je ne comprends pas trop le but moi parce qu’on a que notre conte, c’est quoi le but de faire d’autres contes ? […]

[Tut.G, N=070, 06:31] : Dans quel but vous allez faire les recherches ?

[SG11, N=071, 06:35] : C’est pour comprendre les personnages du conte parce qu’on aura d’autres contes qui auront ce personnage là et on aura plus d’indices sur son âge, sur sa personnalité, son portrait physique et moral.

[Tut.Q, N=072, 07:05] : Vous pouvez lui dire que c’est une bonne idée.

[SQ12, N=073, 07:09] : Oui c’est une bonne idée.

55Durant la deuxième phase de la séquence (07:15 à 10:41), les élèves discutent comment manipuler les indices recueillis sur les personnages (par exemple : faire un tableau, une carte mentale ou un dessin). Sur la figure 4, on observe des échanges du type « Question-Explication-Accord ». Chaque équipe fait des propositions de solutions pour extraire et classer l’information sur les personnages, et les deux équipes arrivent facilement à se mettre d’accord. On peut noter cependant que, comme lors de la phase précédente, l’élève SG11 évoque les caractéristiques morales des personnages (N=093, 08:30). Et comme lors de la phase précédente, cette allusion à la moralité n’est pas relevée par le Québec.

56Extrait du dialogue durant la phase 2 :

[SQ5, N=083, 07:42] : On peut extraire l’information […]

[SQ12, N=086, 08:00] : On peut marquer à côté […]

[Tut.Q, N=091, 08:15] : Ils vont faire des annotations directement dans le texte […]

[SG11, N=093, 08:30] : Je suis d’accord avec vous […] aussi on peut faire des tableaux avec tous les personnages. Chaque fois qu’on trouvera un personnage on mettra sa personnalité, son âge, son portrait moral et physique, s’il fait partie du bien dans l’histoire ou du mal, si c’est le rusé ou celui qui se fait avoir […]

[SQ11, N=097, 09:36] : Nous on fait des cartes d’idées […]

[SG15, N=105, 09:58] : On peut aussi dessiner les caractéristiques physiques […]

[Tut.Q, N=108, 10:22] : Vous trouvez que c’est une bonne idée ?

[SQ12, N=109, 10:25] : Oui, comme ça on a un visuel de quoi ils ressemblent […]

57Durant la troisième phase de la séquence (10:51 à 14:39), on voit apparaitre des désaccords et de l’argumentation des deux côtés (12:38 et 12:53, puis 14:21), et de l’incompréhension côté Québec (13:31 et 13:47). Le point de départ est une question posée par SG11 qui revient sur les caractéristiques morales des personnages, et sur la possibilité d’aller chercher des informations ailleurs que dans le texte : « Mais dans le texte nous aurons des mots sur ces personnages qui vont aussi décrire leur morale ? » (N=112, 10:51). En fait, les élèves québécois ne comprennent pas qu’il est possible d’aller chercher des informations sur les personnages (notamment des indices moraux) ailleurs que dans le texte. Cette incompréhension réside dans la spécificité des contes antillais, et donc dans l’écart qui existe entre les deux contextes. De son côté, l’élève SG11 ne perçoit pas non plus d’où provient cette incompréhension et se met à argumenter (N=126, 12:53). On voit ici clairement le problème du référentiel de connaissances qui n’est, à priori, pas partagé entre les deux groupes d’élèves. Ici, les contextes sont bien en jeu dans l’interaction mais n’apparaissent pas explicitement dans le dialogue. C’est cet implicite qui conduit à un « conflit » verbal entre les élèves. Le tuteur québécois tente de réduire l’incompréhension en posant des questions orientées vers la résolution du conflit (N=131, 14:01). Finalement, les élèves des deux régions consentent que trouver des indices ailleurs que dans le texte dépend de la notoriété du personnage (SQ5, N=137, 14:21 ; puis SG11, N=142, 14:39).

58Extrait du dialogue durant la phase 3 :

[SG11, N=112, 10:51] : Mais dans le texte nous aurons des mots sur ces personnages qui vont aussi décrire leur morale ?

[SQ12, N=117, 11:35] : Bah on ne peut pas savoir ses qualités mais on peut aller rechercher où heu… où on parle du personnage […]

[SG11, N=121, 11:59] : Est-ce que vous pouvez nous dire plus précisément où est-ce que vous allez trouver les qualités ? […] Est-ce que vous pouvez trouver les qualités autre part que dans le texte qu’on aura ?

[Tut.Q, N=122, 12:21] : Tu peux dire que non tu ne peux pas.

[SQ12, N=123, 12:38] : On ne peut pas vraiment aller chercher le personnage ailleurs que dans le texte [...] parce que ce sont des contes inventés […]

[SG11, N=126, 12:53] : Je ne suis pas d’accord […] ce n’est pas obligé d’être que dans le texte, on peut aussi chercher sur internet des personnages de contes […] on peut chercher aussi dans d’autres livres […] on a entendu parler des personnages […] on aura des indices.

[SQ12, N=127, 13:31] : Bah c’est sûr qu’on peut trouver les personnages s’il y a un conte avec des images mais s’il y en n’a pas heu…

[SQ5, N=127, 13:47] : Les qualités on ne peut pas les retrouver dans les images […]

[Tut.Q, N=131, 14:01] : Est-ce que vous pensez que votre personnage que vous avez dans votre conte vous allez êtes capable d’aller chercher sa personnalité sur internet ? Est-ce que ça va être des personnages qui se retrouvent dans d’autres textes ? […]

[SQ12, N=134, 14:13] : Bah c’est juste dans ce texte-là […]

[SQ5, N=137, 14:21] : Ça dépend si le personnage il est connu aussi […] s’il n’est pas connu il va être juste dans le texte il ne va pas être sur internet.

[SG11, N=142, 14:39] : On est d’accord.

59La quatrième phase de la séquence (14:40 à la fin) correspond à l’explicitation des contextes dans l’interaction, et à la compréhension mutuelle de la différence de notoriété entre les personnages des contes québécois et les personnages des contes antillais. Cette intercompréhension apparait « soudainement » (Euréka !, 14:40) et est rendue visible par l’usage des pronoms « nous » et « vous » pour comparer les contextes.

60Extrait du dialogue durant la phase 4 :

[SG11, N=142, 14:40] : Ça dépend d’où viennent les personnages parce que vous, vous avez des personnages des contes à vous du Québec ! Mais nous, nous n’avons pas les mêmes contes aux Antilles donc nous n’aurons pas les mêmes personnages […]

[SQ12, N=144, 14:59] : Oui peut-être nos personnages vont être sans doute plus différents que vous mais nous on ne peut pas vraiment les trouver sur internet ils ne sont pas connus.

[SG11, N=145, 15:08] : Ah d’accord !

61La clôture de la séquence correspond à la fin de la séance, les élèves Québécois devant quitter la vidéoconférence.

5. Discussion

62Nous avons cherché à comprendre l’émergence et l’évolution de l’effet de contextes dans l’interaction verbale entre apprenants en choisissant comme critère différenciant la nature plus ou moins collaborative du scénario pédagogique. D’après le paradigme interactionniste, la nature de la tâche pédagogique joue un rôle important dans les processus d’élaboration de connaissances via le dialogue (Baker, 2005 ; Dillenbourg et al., 1995 ; Schwarz et Baker, 2017). Notre hypothèse était que cette approche donnerait à voir une diversité de processus interactifs quant à la manifestation de l’effet de contextes dans l’interaction, ce qui nous permettrait alors de mieux le caractériser. Au regard des trois séquences analysées, il apparait effectivement que l’effet de contextes peut se manifester de différentes manières dans l’interaction. La figure 5 illustre ces diverses dynamiques interactionnelles.

Figure 5 : Les formes de l’effet de contextes dans l’interaction

63Comme le montre la figure 5, l’émergence de l’effet de contextes dans l’interaction correspond à une question de la part de participants d’un des contextes (C1) qui vise à mettre en perspective l’objet d’étude ou la notion scientifique dans l’autre contexte (C2), ou bien qui vise à comparer les deux contextes. Cette émergence survient plus ou moins après une phase d’échanges acontextuels où les apprenants ne négocient pas (encore) des points de vue sur les contextes. Par exemple, dans l’itération Sociohistoire, il s’agissait d’abord d’échanges du type partage d’information (explication) sur la manière dont les étudiantes ont défini le concept de pouvoir dans leurs capsules vidéo respectives (boucle 1 sur la figure 5). Puis, une question « contextualisante » a été posée (boucle 2 sur la figure 5). Une fois qu’un ou plusieurs contexte(s) émerge(nt), l’effet de contextes prend la forme d’une négociation du sens des représentations contextuelles. Cette négociation repose sur des processus discursifs variés et qui sont propices à la co-construction d’un référentiel partagé de connaissances.

64Premièrement, l’effet de contextes peut se manifester sous la forme d’un partage de connaissances contextuelles. La boucle 3 sur la figure 5 illustre un tel processus que nous avons retrouvé dans les trois séquences analysées. Il s’agit d’échanges propices à l’intercompréhension de notions et de savoirs, avec peu (ou pas) d’incompréhension, ni de désaccord. Les échanges reposent sur des questions et des explications données alternativement par les deux groupes d’élèves. Ces échanges visent à approfondir des connaissances relatives à l’écart entre les contextes. Deuxièmement, l’effet de contextes peut se révéler être un moment de malentendu ou de désaccord entre les deux groupes d’élèves. La boucle 4 sur la figure 5 illustre ce processus que nous avons retrouvé dans les séquences des itérations Géothermie et Langue. En fait, l’explication donnée par un des contextes peut produire une incompréhension ou une divergence d’opinion en lien avec l’écart de contextes qui n’est pas immédiatement perçu par les apprenants. La gestion de la diversité des points de vue, par les apprenants eux-mêmes, provoque un conflit sociocognitif (Doise et Mugny, 1981), entendu ici comme un conflit de points de vue socialement expérimenté et cognitivement résolu (Zittoun, 1997). Ce conflit sociocognitif est donc le reflet de la synchronisation qui s’opère entre les représentations contextuelles d’un groupe et celles de l’autre groupe. La prise de conscience de l’écart entre les contextes apparaît plutôt soudainement (« Euréka ! », boucle 5 sur la figure 5) après plusieurs échanges réflexifs, explicatifs ou conflictuels.

65Il est à noter que plusieurs auteurs proposent d’appréhender l’effet de contextes comme un événement du type conflit sociocognitif (Anjou, 2018 ; Forissier, 2019). Selon nous, cela est d’autant plus vrai lorsque la tâche pédagogique est propice aux remises en cause, au débat d’idées et au conflit social sans attaques personnelles (Zittoun, 1997). Par ailleurs, l’étude suggère qu’il est possible de générer des conflits sociocognitifs en créant des situations didactiques où les élèves sont amenés à collaborer et discuter (argumenter) sur des objets pour lesquels ils se sont forgés des représentations dans des contextes (externes) différents.

66Ainsi, notre recherche confirme l’existence d’une élaboration de connaissances via le dialogue entre apprenants dans les situations pédagogiques basées sur les effets de contextes (Forissier et al., 2014 ; 2017). De plus, notre étude va dans le sens de celles qui ont analysé les questionnaires pré-test et post-test (Anjou, 2018 ; Chartofylaka et al., 2018) et qui montrent que les élèves fournissent des descriptions plus expertes et plus contextuelles concernant l’objet d’étude investigué. En effet, nous avons observé que les interactions constructives (explication, argumentation) soutenaient l’élaboration de connaissances contextuelles, mais aussi l’élaboration de connaissances sur l’objet investigué par les groupes ou sur les notions scientifiques sous-jacentes (par exemple, le fonctionnement d’une pompe à chaleur). Les connaissances contextuelles qui peuvent se développer sont de deux ordres. D’une part, les élèves peuvent accroître leurs connaissances sur leur propre contexte parce qu’ils en comprennent les limites lorsque ce dernier est comparé à l’autre contexte. D’autre part, les élèves peuvent acquérir des connaissances sur le contexte auquel ils sont confrontés et qui est rapporté par l’autre groupe. Notre recherche montre aussi que la proportion de connaissances contextuelles et acontextuelles qui sont discutées dans l’interaction est variable. Par ailleurs, il peut arriver que les connaissances contextuelles soient plus ou moins implicites dans le débat, ce qui nécessite qu’elles soient rendues explicites pour poursuivre et résoudre le conflit. Nous avons observé qu’une question de la part de l’enseignant peut faire évoluer la discussion en ce sens.

67Enfin, notre questionnement général était de comprendre de quelle manière les scénarios pédagogiques basés sur les effets de contextes engagent les élèves à évoquer les contextes, à comparer les contextes, et à discuter voire négocier l’objet d’étude en le mettant en perspective dans l’un puis dans l’autre contexte. Un premier élément de réponse concerne la finalité du scénario pédagogique et la nature de la tâche. Nous nous sommes intéressés à des scénarios pédagogiques qui impliquaient plus ou moins l’engagement des élèves dans une tâche collaborative. Nous avons observé que l’absence de tâche commune (itération Sociohistoire) entrainait moins d’incompréhension, de désaccord et d’argumentation que lorsqu’une décision commune était attendue (itérations Géothermie et Langue). Cette observation va dans le sens des recherches qui distinguent l’apprentissage collaboratif de l’apprentissage coopératif (Baker, 2015 ; Dillenbourg et Tram, 2006 ; Roschelle et Teasley, 1995), et laisse présager des différences en termes de degré d’explicitation et d’exploration des concepts et des notions scientifiques dans l’interaction – la recherche d’intercompréhension et d’accord commun étant généralement favorables au grounding. L’analyse d’un seul extrait pour chaque itération ne permet pas de faire une généralité sur ce point, mais rappelons néanmoins que nous nous sommes attachés à analyser les extraits qui contenaient le plus d’indicateurs relatifs à la comparaison des contextes dans l’interaction. Par ailleurs, notre analyse nous invite aussi à souligner que la finalité du dialogue ne dépend pas seulement des tâches du scénario pédagogique. Elle dépend aussi de l’activité au cours de l’interaction qui peut orienter la discussion vers un objectif davantage cognitif (confronter ses savoirs, se justifier) que pratique, engageant ainsi les apprenants à évoquer les contextes.

68Les implications pour la conception de scénarios pédagogiques sont de deux ordres. D’une part, il s’agit d’identifier précisément ce que l’on souhaite que les élèves apprennent via ce type d’enseignement. Plusieurs types de connaissances sont en jeu et elles sont discutées dans des proportions variées. Les connaissances contextuelles discutées peuvent concerner la tâche et le scénario pédagogique, mais elles pourraient aussi être plus générales et concerner le contexte géographique, social et culturel. D’autre part, il s’agit de déterminer dans quels processus de collaboration les élèves sont supposés s’engager, de façon à favoriser le développement de telles ou telles connaissances. Par ailleurs, les scénarios pédagogiques pourraient être enrichis d’exercices favorables à la réflexion collective et aux interactions constructives. Par exemple, les séances d’échanges pourraient être rythmées par des moments de clarification des idées où un groupe reprend et explique ce qu’il a compris de l’autre contexte, et l’autre groupe précise ou corrige ce qui vient d’être expliqué. De même, en amont des séances, les groupes pourraient préparer des questions qui seraient favorables à la comparaison des contextes. Ces questions pourraient, par exemple, s’appuyer sur ce qui aura été compris ou non à la séance précédente.

6. Conclusion

69Du point de vue interactionniste, nous proposons de définir l’effet de contextes comme un processus de négociation, via le dialogue, du sens des représentations sur les contextes. Cette négociation repose sur des processus discursifs variés et propices à la co-construction de connaissances contextuelles et expertes sur l’objet étudié. Cette diversité des échanges dépend, entre autres, de l’engagement des élèves à collaborer et à co-élaborer des connaissances, soit parce que la tâche pédagogique les invite à le faire, soit parce qu’à un moment donné la discussion est orientée en ce sens. L’objectif de cet article était de caractériser l’effet de contextes via l’analyse des interactions verbales entre apprenants, et de comprendre son émergence et son évolution dans l’interaction, afin de discuter des conséquences pour la conception de scénarios pédagogiques basés sur la confrontation de contextes. L’analyse de trois SEC a permis de souligner l’importance d’une tâche pédagogique qui engage les élèves à débattre, à confronter et expliquer leurs points de vue, et à argumenter de manière constructive, pour augmenter la possibilité que l’effet de contextes devienne moteur d’apprentissage.

70Cette recherche n’a pas analysé précisément le rôle du tuteur (enseignant ou chercheur) dans l’engagement des élèves à co-élaborer des connaissances. Cependant, elle a montré que de nombreuses fois celui-ci a participé à faire évoluer la discussion vers l’explicitation des contextes. L’idée selon laquelle le tuteur peut jouer un rôle clé concernant l’émergence et l’évolution des effets de contextes dans l’interaction apparait, ce qui appelle à approfondir les recherches en ce sens pour la formation des enseignants. De plus, la limite méthodologique de cette étude est qu’elle a analysé le processus d’intercompréhension d’un point de vue extérieur, en se basant sur ce qui est exprimé par les apprenants. Cela nous a amené à créer un certain nombre de catégories d’analyse qui ne reflètent peut-être pas l’ensemble des mécanismes discursifs en jeu lors des effets de contextes. Par exemple, nous n’avons pas distingué clairement l’explication de la précision. Une perspective pour la suite serait d’affiner la grille de codage en l’appliquant à d’autres SEC. Une autre perspective serait de coupler l’analyse des interactions verbales à l’analyse des pré-tests et des post-tests qui sont menés par d’autres membres du projet TEEC, et qui visent à rendre compte de l’évolution des représentations individuelles des apprenants sur les objets d’étude. Une autre perspective serait de mener des entretiens avec les participants, après les séances, en revenant sur les moments de négociation de sens, d’argumentation et d’intercompréhension, que nous avons identifiés. Pour finir, d’autres travaux, déjà commencé au sein du projet ANR TEEC et qui doivent être davantage développés, concernent l’articulation de l’analyse des interactions verbales et non verbales (notamment, les émotions) pour caractériser davantage l’effet de contextes (Piot et al., 2019).

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Notes

1 Financement ANR dans le cadre de l’appel à projets franco-québécois en sciences humaines et sociales (2015).

2 Traduction de « Collaboration is a coordinated, synchronous activity that is the result of a continued attempt to construct and maintain a shared conception of a problem ».

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Pour citer cet article

Référence électronique

Chloé Le Bail, François-Xavier Bernard, Michael Baker et Françoise Détienne, « L’effet de contextes en situation d’interaction éducative : dialogue, collaboration et apprentissages »Contextes et didactiques [En ligne], 18 | 2021, mis en ligne le 30 décembre 2021, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ced/2992 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ced.2992

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Auteurs

Chloé Le Bail

UMR 9217 CNRS – Télécom Paris, Institut Polytechnique de Paris, EDA (EA 4071) – Université de Paris

François-Xavier Bernard

EDA (EA 4071) – Université de Paris

Articles du même auteur

Michael Baker

UMR 9217 CNRS – Télécom Paris, Institut Polytechnique de Paris

Françoise Détienne

UMR 9217 CNRS – Télécom Paris, Institut Polytechnique de Paris

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CC-BY-NC-4.0

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