1Indissociables du processus de métropolisation, les étudiants sont perçus comme des publics à attirer par les territoires accueillant des établissements d’enseignement supérieur. La croissance du secteur tertiaire et l’émergence d’une économie de la connaissance dans les agglomérations métropolitaines ont conduit à une croissance de la demande en matière de personnels qualifiés (Harfi et Mathieu, 2006), que les formations de l’enseignement supérieur ont vocation à former. Il s’agit en effet d’une population à l’image particulière, et de nombreux acteurs universitaires décrivent notamment les étudiants internationaux comme des ambassadeurs. Attirer des étudiants représente donc un enjeu pour les collectivités. Depuis le début des années 2000, le magazine l’Étudiant publie par exemple un classement des « villes étudiantes » dont les résultats sont régulièrement repris par la presse locale.
2Pour autant, la problématique étudiante dépasse largement cette question économique de l’attractivité. L’inscription concrète d’un public spécifique comme les étudiants, en particulier dans les grandes agglomérations où ils représentent souvent entre 10 et 15 % de la population, nécessite pour les collectivités de réfléchir et d’intervenir dans des domaines extrêmement variés comme le logement, la mobilité, l’aménagement de certains espaces dédiés, ou encore la prise en considération des précarités étudiantes. Cette thématique a d’ailleurs progressivement pris de l’ampleur dans l’agenda politique au cours des dix dernières années, notamment à Lyon, et elle a été fortement mise en lumière avec la crise sanitaire.
3Pour répondre à cette préoccupation, il m’a semblé important d’aborder la question étudiante de manière intégrée sur deux niveaux. Les étudiants sont étudiés en tant que public particulier et appréhendés à travers leurs pratiques spatiales de mobilité et leurs localisations résidentielles. Ils sont également analysés à partir de l’action publique locale, à travers une institution, la Métropole de Lyon, et le réseau élargi d’acteurs avec lequel elle conduit ses actions. Pour ce faire, la thèse se propose de travailler la notion de « territoire étudiant ». Au premier abord, il s’agit d’un espace marqué par la présence d’étudiants, qui s’y déploient et impriment une marque visible en de nombreux lieux (concentration d’étudiants dans certains quartiers, présence d’aménités qui leurs sont dédiées etc.). Cette première définition est étoffée à partir d’une étude de la Métropole de Lyon sur le plan politique et institutionnel, à la fois comme précurseur en matière de politiques étudiantes et comme organisme financeur de la thèse réalisée dans le cadre d’une convention CIFRE. Des techniques qualitatives et quantitatives y sont mobilisées, afin d’interroger l’action publique locale de manière transversale et articulée entre acteurs institutionnels et usagers (figure 1).
Figure 1. Complémentarité des données primaires mobilisées dans la thèse (Morhain, 2023)
4La thèse est divisée en trois parties. La première vise à définir le cadre théorique de cette analyse sur l’action publique à destination des étudiants. Elle présente les travaux issus de la littérature sur les étudiants et leurs pratiques, ainsi que le cadre législatif au sein duquel les agglomérations métropolitaines peuvent se donner les moyens d’être des territoires étudiants. La deuxième partie est consacrée à l’analyse des conditions de production d’une action publique locale à destination des étudiants. Pour cela, j’interroge la notion de transversalité à l’échelle du territoire. Cette analyse transversale est déclinée à travers le jeu d’acteurs entre les institutions, et plus précisément au sein de la Métropole de Lyon avec l’étude des mesures à destination des étudiants. Le rôle de l’expertise dans la production de l’action publique locale est analysé. Ensuite, la façon dont les différentes expertises, propres au fonctionnement des collectivités territoriales, contribuent à la construction de l’action publique en direction des étudiants du territoire est envisagée. Enfin, la troisième partie est consacrée à l’analyse des pratiques étudiantes dans l’agglomération lyonnaise (qui accueille 180 000 étudiants, soit presque 8% de sa population) à partir de méthodologies mixtes : qualitatives (entretiens semi-directifs, observation participante) et quantitatives (statistiques descriptives, multivariées, cartographie).
5Parmi les apports originaux de la thèse, j’ai cherché à produire des connaissances sur les pratiques étudiantes à l’échelle des IRIS, et sur la manière dont ces pratiques sont susceptibles de structurer l’espace de la métropole de Lyon. Pour cela, une typologie des quartiers de la vie étudiante a été réalisée à partir de plusieurs variables comme la densité de population, la présence d’établissements d’enseignement supérieur, l’accessibilité aux transports en commun et la présence de certains commerces spécifiques à la vie étudiante (figure 2). Certains quartiers, en gris et en bleu sur la carte, nommés centralités secondaires et enseignements supérieurs sur la carte suivante, sont particulièrement structurés par la présence des étudiants.
Figure 2. Carte de la typologie des IRIS de la vie étudiante (Morhain, 2023)
6Outre cette cartographie, des éléments statistiques permettent de produire des connaissances générales sur le public étudiant à partir d’une entrée spatiale : comment se déplacent-ils et se logent-ils dans la Métropole et dans les différents types de quartiers ? En complément, d’autres approches qualitatives viennent éclairer la diversité des pratiques étudiantes au sein de la thèse. Deux études croisées éclairent ainsi les profils d’étudiants en situation de marginalité : marges géographiques lorsqu’ils résident hors de l’agglomération lyonnaise et marges sociologiques auprès d’étudiants bénéficiaires de l’aide alimentaire dans une association locale. Considérer les pratiques d’étudiants aux statuts spécifiques constitue bien un enjeu crucial, qui permet de souligner les limites de la prise en compte des étudiants dans l’action publique.
Fiche informative
Lien électronique
https://hal.science/tel-04449619/document
Discipline
Aménagement de l’espace et Urbanisme
Directeurs
Jean Pierre NICOLAS, Directeur de recherche HDR, CNRS, Directeur de thèse
Olivier KLEIN, Enseignant chercheur, ENTPE, Co-directeur de thèse
Université
Ecole Nationale des Travaux Publics d’Etat, Université de Lyon
Membres du jury de thèse, soutenue le 22/06/2023
Sonia CHARDONNEL, Directrice de recherche, CNRS, Université Grenoble Alpes, présidente.
Fabrice ESCAFFRE, Professeur des Universités, Université Toulouse Jean Jaurès, rapporteur.
Florence PAULHIAC, Professeure titulaire, Université du Québec à Montréal, rapportrice.
Hélène DANG VU, Maîtresse de conférences, Université Gustave Eiffel, examinatrice.
Situation professionnelle à l’issue de la thèse
Chercheuse contractuelle, Laboratoire Aménagement Économie Transports (LAET)
Courriel de l’auteur
chloe.morhain[at]entpe.fr