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Comptes rendus

Philippe de Thaon, Bestiaire (MS BL Cotton Nero A.V)

Christine Ferlampin-Acher
p. 88-89
Référence(s) :

Philippe de Thaon, Bestiaire (MS BL Cotton Nero A.V) Ian Short (éd.), Oxford, Anglo-Norman Text Society (Plain Texts Series, 20), 2018.

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Auteurs antiques et médiévaux :

Philippe de Thaon
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Texte intégral

1L’Anglo-Norman Text Society contribue depuis 1937 à la promotion des études de la langue et de la littérature anglo-normande (anglo-française), en particulier à travers des éditions de textes. Outre quelques titres hors-séries (5 à ce jour, certains en plusieurs volumes ou réédités), ces éditions sont regroupées en deux séries : la première (Annual Texts), diffusée dans le commerce, aura publié, à raison d’un titre par an, 74 volumes en 2018, et la seconde (Plain Texts), qui n’est distribuée qu’aux membres de la société depuis 1983, comporte à ce jour 20 titres.

2C’est dans la série des Plain Texts que Ian Short, grand spécialiste de langue et littérature médiévales, en particulier anglo-normandes (songeons à son Manual of Anglo-Norman, 2007, réédité en 2013 par l’Anglo-Norman Text Society [Occasionnal Publications Series, 8]), nous donne à lire le Bestiaire de Philippe de Thaon du manuscrit de la British Library Cotton Nero A. V, après avoir édité le Comput du même auteur qui figure dans le même manuscrit (Londres, Anglo-Norman Texts Society, [Plain Texts Series, 2], 1984).

3Conformément au protocole annoncé par le titre (Plain Texts), le fascicule consacré au Bestiaire ne propose, outre le texte (p. 11-98), que quelques éléments complémentaires :

  • une introduction de 4 pages,
  • une bibliographie d’une dizaine de titres, que complète très efficacement le renvoi au site Arlima et au site de David Badke de l’université de Victoria http://bestiary.ca, ouvert en 2002, dont, notons-le, la dernière mise à jour, malheureusement, remonte à 2011,
  • la liste des chapitres du Bestiaire p. 10,
  • en appendice, p. 99-100 une sélection des leçons de l’édition Emmanuel Walberg qui n’ont été retenues.

4Le Bestiaire de Philippe de Thaon (entre 1121 et 1135) est la première adaptation du Physiologus latin en vers et en vernaculaire : elle a été produite dans le milieu de la cour anglo-normande d’Henri Ier d’Angleterre. Écrit en hexasyllabes (jusqu’au v. 2888) et en octosyllabes (du v. 2889 au v. 3194) à rimes plates, le Bestiaire est conservé dans trois manuscrits : Londres, British Library, ms Cotton Nero A V (L), Oxford, Merton College, ms. 248 (O) et Copenhague, Kongelige Bibliotek, Gl. Kgl. S 3466 (C). L est en ligne sur le site de la British Library : http://www.bl.uk/​manuscripts/​Viewer.aspx?ref=cotton_ms_nero_a_v_f001r.

5L’édition proposée par I. Short se fonde sur L, le plus ancien et le plus complet des témoins (le Bestiaire occupe les f. 41-82v). C’est aussi sur ce manuscrit que Thomas Wright a réalisé la première édition du texte (Londres, The Historical Society, 1841, en ligne : bestiary.ca/etexts/wright1841/wright1841.htm) et c’est également lui qu’a choisi E. Walberg, qui a procuré l’édition jusqu’à présent en usage (Le Bestiaire de Philippe de Thaün, Lund/Paris, Möller/Welter, 1900, rééd. pr. Genève, Slatkine, 1970) : l’édition E. Walberg est la première à prendre en considération les trois manuscrits ; elle procède à un toilettage vigoureux du texte et propose une riche introduction sur la langue (p. XXXII- LXXXII).

6Cette édition étant plutôt interventionniste et étant devenue très difficile à trouver, une nouvelle édition s’imposait. De fait, c’est toujours à partir du manuscrit L que trois éditions ont vu le jour récemment : l’une n’a pas été publiée (il s’agit de la thèse de Shannon Hogan Cottin-Bizonne, soutenue à l’École nationale des Chartes, en 2005 : voir la position de thèse http://theses.enc.sorbonne.fr/​2005/​hogancottin), les deux autres ont été publiées en 2018, celle de Luigina Morini chez Honoré Champion étant appelée à être commercialisée, contrairement à celle de I. Short, qui nous intéresse, qui est diffusée par l’Anglo-Norman Text Society à ses membres, comme nous l’avons vu.

7La collection dans laquelle la version de I. Short est publiée limite la taille de l’introduction et de l’apparat critique : on trouve néanmoins une succincte introduction qui résume l’essentiel (brève description du manuscrit, mention des deux autres témoins, identification de la source latine, présentation de l’auteur et de l’édition E. Walberg). Rien ne concerne la langue. L’édition ne propose pas de variantes (mais sélectionne des leçons de l’édition E. Walberg qui ont été rejetées) ni de notes.

8La comparaison entre les éditions E. Walberg, L. Morini et I. Short, nous rappelle à quel point les partis pris des éditeurs et la présentation formatent le texte, au point qu’un lecteur non informé pourrait imaginer que le témoin de base de ces trois éditions diffère. Ce qui caractérise l’édition I. Short, c’est la fidélité au manuscrit, sans que soit fait référence aux leçons des deux autres témoins. C’est là la différence la plus frappante avec l’édition L. Morini, qui reste interventionniste (et justifie ses choix dans des notes), en reconstruisant par ex. de nombreuses rubriques en latin absentes dans L mais présentes dans les autres manuscrits, en rétablissant les vers manquants d’après O et C et surtout en reconstruisant des hexamètres et des octosyllabes là où L multiplie les vers hypo- ou hyper-métriques : I. Short ne rétablit ni les vers ni les rubriques manquants, et laisse au texte sa métrique bancale. Il n’en demeure pas moins que lorsque le sens l’exige, il procède souvent à des corrections, qui sont clairement indiquées à la lecture par des notes infrapaginales.

9Si une comparaison entre les éditions ne relève pas de notre propos, il faut néanmoins signaler que dans l’édition de L. Morini, qui présente un très bel apparat critique comme le permet la collection des Classiques français du Moyen Âge, le relevé en fin de volume des leçons rejetées et l’absence de marquage, dans le texte, des endroits où il y a eu correction, ainsi que la reconstruction relativement poussée des rubriques latines (à nouveau sans marquage au fil du texte), rendent la consultation difficile, et donne à lire plus l’œuvre (dans sa restitution) que le manuscrit.

10L’édition proposée par I. Short est très fiable, et constitue un témoin très fidèle du manuscrit, tout en conservant le degré de lisibilité et de compréhension nécessaire grâce à des corrections choisies. De ce fait, elle s’éloigne, assez fréquemment, de l’édition E. Walberg, qui, comme l’édition L. Morini, ajoute des e ou en supprime pour régulariser les vers. Dans l’édition I. Short, de nombreux vers restent hyper- ou hypo-métriques, comme le suggère un exemple parmi bien d’autres : au v. 396 le manuscrit L et I. Short notent buc, que L. Morini corrige en buket d’après C (qui donne buchier), ce qui permet de rétablir l’hexasyllabe, comme le faisait déjà E. Walberg, sur la même base.

11On ne peut que souscrire au choix de I. Short, qui a maintenu les nombreux e svarabhaktiques du manuscrit, caractéristiques ici de l’anglo-normand, alors que L. Morini les a très souvent supprimés, sans que ce choix soit clairement expliqué, puisque ces e ne sont pas syllabiques et n’imposent pas de reconstruire l’hexasyllabe (ou l’octosyllabe) : il en va ainsi, par ex., de livere v. 23, isterat v. 83, etc. Ces e non syllabiques (et donc ne rendant pas les vers hypermétriques), si fréquents en anglo-normand, n’appellent pas de correction. Dans d’assez nombreux cas, on peut suivre I. Short lorsqu’il ne corrige pas (et s’écarte alors, le plus souvent, de l’édition E. Walberg) : par ex. v. 23 Un livere n’a pas besoin d’être corrigé en cest livre ; au v. 30 orez, qui figure dans l’édition I. Short et dans le manuscrit, n’a pas besoin d’être rectifié en oëz, comme c’est le cas dans les éditions E. Walberg et L. Morini ; au v. 42, besstes mangue ensement peut être maintenu, alors que L. Morini, tout comme E. Walberg, corrige en meine ensement (que les variantes ne corroborent pas mais qui corrige la métrique, aux dépens du sens puisqu’il est question en contexte de la faim du lion). Certaines corrections d’E. Walberg, qui s’appuient sur les variantes, ne sont pas reprises, quand L fait sens : au vers v. 527 I. Short choisi la leçon de son manuscrit De ceo dit Salomon, là où E. Walberg préfère la variante de O et C Deus, ceo dit Salomon, corrigée par L. Morini en Dé, ceo dit Salomon.

12Dans la simplicité imposée par le format éditorial, l’édition de I. Short donne donc à lire un texte proche du manuscrit, corrigé avec raison en certains endroits bien signalés par les notes de bas de page mais choisissant de ne pas rétablir la métrique, défectueuse en de nombreux cas. Il est rare que cette fidélité obscurcisse le sens : c’est néanmoins le cas, je crois, au v. 239 où l’indicatif remaint pourrait être corrigé en subjonctif comme le propose L. Morini. On pourra finalement faire quelques suggestions : on proposera au lieu de Deu dans L au v. 199, à cause de la rime et de la forme du v. 318 ; au v. 269, le manuscrit donne oscure que l’on pourrait lire oscuré (obscurci, cf. obscurat au v. 271), sans corriger en obscurté comme les autres éditeurs…

13Quoi qu’il en soit, le volume proposé par I. Short vient compléter avec bonheur le Comput qu’il a publié dans la même série : le manuscrit serait complet avec l’édition de la Vita latine de Thomas Beckett par Herbert de Bosham, mais, là, nous quitterions le domaine de l’anglo-normand.

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Pour citer cet article

Référence papier

Christine Ferlampin-Acher, « Philippe de Thaon, Bestiaire (MS BL Cotton Nero A.V) »Cahiers de civilisation médiévale, 253 | 2021, 88-89.

Référence électronique

Christine Ferlampin-Acher, « Philippe de Thaon, Bestiaire (MS BL Cotton Nero A.V) »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 253 | 2021, mis en ligne le 01 mars 2021, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/6928 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.6928

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