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Comptes rendus

Javier Pérez-Embid Wamba, Culto funerario y registro necrológico de la catedral de Sevilla (siglos xiii-xv)

Julia Pavon
p. 96-98
Référence(s) :

Javier Pérez-Embid Wamba, Culto funerario y registro necrológico de la catedral de Sevilla (siglos xiii-xv), Madrid, Dykinson, 2015.

Texte intégral

1« Rien n’est aussi sûr que la mort » ne cessent de répéter les textes médiévaux et il est tout aussi vrai que peu d’événements de la vie humaine ont généré autant d’informations historiques relatives aux croyances et aux modes de comportement de nos ancêtres.

2Après une étape de production intense du médiévalisme lié à l’« histoire de la mort », qui a débuté à la fin des années 1970 et qui s’est poursuivie jusque tard dans les années 1990, on pourrait affirmer, contrairement aux déclarations de J. Le Goff, que ce courant n’est plus d’actualité. Les sources qui furent alors analysées, tout particulièrement celles d’origine notariale, sont devenues un des principaux axes autour desquels se sont articulées les études et dont l’interprétation repose sur un principe de base : la mort, un fait inévitable, devait se préparer et être évitée. Philippe Ariès, Michel Vovelle et Jacques Chiffoleau, pour ne mentionner que les spécialistes les plus éminents, ont expliqué entre autres, que les documents traitant de la mort dégageaient l’image d’un règlement sur terre des affaires de l’au-delà. Les activités religieuses et spirituelles testamentaires, enregistrées sous forme de pieuses donations à des institutions de l’Église, étaient ainsi gérées dans le but d’obtenir le salut. Une série de flux économiques a donc été générée via la mémoire funéraire (célébrations liturgiques et œuvres de charité) qui a dépassé, en principe, les plus intimes aspirations spirituelles de l’homme.

3Dans cette société en plein essor, les possibilités économiques des notables et des nantis, désireux d’atteindre la vie éternelle, bénéficièrent à certaines institutions ecclésiastiques dans le besoin, qui reçurent des sommes non négligeables et, simultanément des rentes, tout spécialement durant le bas Moyen Âge. Ainsi, l’historiographie sur la mort a conclu que l’on pouvait acheter son salut avec des arrangements post mortem, les testaments devenant par la même occasion une sorte de « passeport pour le ciel ». C’est ici qu’il convient d’inscrire l’œuvre du Professeur Javier Pérez-Embid, qui s’appuie sur un mémoire de licence réalisé en 1977 sur l’église cathédrale de Séville pendant le bas Moyen Âge, et qui incluait la transcription et l’étude du « Libre blanc ». Une copie de celui-ci, plus exactement dénommée Libro de las dotaçiones de la eglesia de Sevilla [Livre des dotations de l’église de Séville] (1411), sur parchemin est conservée dans les archives de la cathédrale de Séville et une autre sur papier à l’Académie royale d’Histoire de Madrid. La recherche fut alors intégrée dans la solide ligne de travail dirigée par Manuel González Jiménez du département d’Histoire médiévale de l’université de Séville, dont l’objet d’étude fut la dîme ecclésiastique. Les revenus agraires et le patrimoine du chapitre sévillan ainsi que la connaissance de la structure administrative du diocèse fut plus tard élargie par des travaux sur le clergé régulier, les minorités sociales, la spiritualité, l’activité culturelle et le développement artistique.

4Ce livre, structuré en deux parties, entreprend l’analyse du soutien économique au culte funéraire pratiqué dans la cathédrale sévillane. Il présente ainsi l’édition du registre nécrologique de 63 pages, contenue dans le codex mentionné ci-dessus en l’an 1411 (part. II), accompagnée d’un indice onomastique de professions et de biens inscrits, d’un indice topographique ainsi que d’un indice liturgique. Cette transcription est également précédée d’une vaste étude, structurée en trois chapitre, de l’histoire, des caractéristiques, du développement et du champ d’action du chapitre de la cathédrale et, plus concrètement, de la nature des rentes générées à partir des dotations funéraires (part. I). Finalement, cette étude inclut quatre annexes complétant la compréhension des caractéristiques et de la structure du codex, au détriment de conclusions ou de réflexions finales qui font ici défaut. La mort et l’attitude de l’homme médiéval à son égard est la toile de fond sur laquelle s’inscrivent les activités économiques de l’Église et non l’objet de l’étude en lui-même. La religiosité et la spiritualité des donateurs sont reléguées au second plan par rapport au registre détaillé, dans le « Libre blanc », des émoluments de bénéfices funéraires reçus par les chanoines et les prébendiers sévillans.

5Le désir de perdurer la société sévillane, tout comme celui d’autres régions d’Europe occidentale et de la péninsule Ibérique — León, Calahorra, Burgos, Pampelune, Cuenca, Gérone, Vic, Cordoue —, fut à l’origine de la matérialisation de la spiritualité, en l’occurrence sous forme de livres d’anniversaires de la part des institutions ecclésiastiques et en lien étroit avec les testaments, et d’activités qui générèrent des revenus abondants et réguliers. Il n’est donc pas étonnant qu’on ait interprété, dans le domaine historiographique sur la mort, cette réalité économique comme un corps étranger au sein de la religiosité chrétienne traditionnelle, sur lequel pesait le soupçon de l’existence d’une vente du salut de l’âme.

6La mise en ordre et l’inscription des célébrations funéraires à Séville, tout comme dans le reste de la sphère d’influence hispanique, s’inscrit dans une démarche de mise en forme et d’organisation de la cathédrale selon les modèles de fonctionnement et d’administration réformiste de la fin du xive s. Toutefois, plus concrètement, l’élaboration du Libro de las dotaçiones (Livre des dotations), composé par le prieur, prébendier et comptable Diego Martínez, entre dans le cadre de la gestion de l’administration ecclésiastique de Séville promue par l’archevêque Alfonso de Egea (1403-1417), à la même période que la conquête d’Antequera (1410) et la phase finale du schisme de l’Église. Le codex ne contient pas seulement le registre des services et des rentes funéraires de 1411, mais inclut également une compilation des statuts du chapitre, une ordonnance sur la répartition de la dîme et, finalement, un registre postérieur des dotations pour le financement du culte funéraire durant les xvie et xviie s. Cette disposition du codex indique que le texte lui-même avait probablement été élaboré dans le but d’établir des directives permettant d’éviter des problèmes du côté des prélats absentéistes des chapitres ; et ce, malgré l’existence d’un livre d’anniversaires et de mémoires de Séville, établi en 1366 et révélant déjà une première tentative de distribution de ces revenus.

7La transcription du registre nécrologique décrit et dessine, au travers des différentes donations, la géographie funéraire du temple, dont le plan datant du début du xve s. figure à la p. 91 : le temple était distribué sur toute la largeur et la longueur des sept autels et des trente-sept chapelles, en partant de celle de Saint-Jacques jusqu’à celle de Saint-Étienne. La série de célébrations liturgiques qui leur avaient été assignées, composées de nombreux anniversaires et de mémoires permanentes, dépassa celles enregistrées en 1366, totalisant respectivement les nombres suivants : 469 et 1 217. Mais le plus important est le fait que, derrière cet ensemble d’informations analysé dans le troisième chapitre (part. I), intitulé « Éléments funéraires et société : la communauté des vivants et des morts », on voit se dessiner le tissu social et humain qui œuvra en faveur des commémorations liturgiques. C’est ainsi qu’apparaissent les figures des rois et des prélats, en majorité, mais aussi des notables, des chevaliers, des bourgeois et des artisans qui préservaient les modes cultuelles, les dévotions particulières et, bien entendu, la capacité économique de certains groupes, et de certaines familles et lignées entre 1266 et le début du xvie s. La richesse de ces données prosopographiques, tout comme les indications sur les propriétés, et les biens rustiques et urbains, permettent d’établir une carte humaine et du patrimoine spirituel et matériel, qui mériterait une étude plus détaillée sur la piété et les modèles religieux, combinée avec une analyse de la typologie, de la projection économique et de la situation géographique des dons.

8Le fonctionnement mercantiliste de ce système qui préservait la mémoire des morts sous forme de prières et de cérémonies liturgiques se consolida à partir de la fin du xiiie s. avant de s’imposer aux xive et xve s., généra un ensemble de livres à caractère administratif, dont on a ici un exemple pour Séville. Deux réalités, de la même apparence et à la fois indissociables, allaient ainsi s’assembler comme les pièces d’un puzzle : l’une, religieuse, et l’autre, séculaire.

9La récupération et la publication de cette source si révélatrice, ainsi que l’étude qui l’accompagne, signée par J. Pérez-Embid, ouvrent des perspectives pour la poursuite de l’étude commencée il y a presque quarante ans dans un département d’Histoire médiévale hispanique particulièrement productif. Mais alors qu’elle reprend une thématique en rapport avec l’histoire du chapitre de la cathédrale de Séville, ses bases et son champ d’action dans les domaines immobiliers et financiers, un point essentiel — pour comprendre l’articulation et les développements de la cathédrale pendant le bas Moyen Âge, alors peu travaillés dans la péninsule Ibérique — laisse entrevoir que le système de rentes funéraires des institutions ecclésiastiques s’appuyait sur la piété d’une société qui payait pour maintenir des rites, continus et répétitifs. Ils étaient cependant profondément empreints d’implications dévotionnelles et spirituelles, allant au-delà de la conception purement matérielle de la vie.

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Pour citer cet article

Référence papier

Julia Pavon, « Javier Pérez-Embid Wamba, Culto funerario y registro necrológico de la catedral de Sevilla (siglos xiii-xv) »Cahiers de civilisation médiévale, 237 | 2017, 96-98.

Référence électronique

Julia Pavon, « Javier Pérez-Embid Wamba, Culto funerario y registro necrológico de la catedral de Sevilla (siglos xiii-xv) »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 237 | 2017, mis en ligne le 01 mars 2017, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/6146 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.6146

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