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Comptes rendus

Henry Parkes, The Making of Liturgy in the Ottonian Chruch. Books, Music and Ritual in Mainz, 950-1050

Éric Palazzo
p. 95-96
Référence(s) :

Henry Parkes, The Making of Liturgy in the Ottonian Chruch. Books, Music and Ritual in Mainz, 950-1050, Cambridge, Cambridge University Press, (Cambridge Studies in Medieval Life and Thought. Fourth Series, 100),2015.

Texte intégral

1Henry Parkes tente, dans ce livre, une exploration nouvelle des différents aspects de la « création » de la liturgie autour de l’an mil dans l’Empire ottonien. Plus exactement, il est question du thème de « l’inventivité » dans le domaine de la liturgie à une époque charnière entre les grandes créations du siècle carolingien et les réformes entreprises par l’Église au xis., débouchant sur la réforme dite grégorienne. Je suis tenté de dire que l’A. hésite tout au long du livre entre l’emprunt des voies nouvelles de la recherche sur la liturgie médiévale (effets sensoriels des rituels et la place des livres dans ce processus, enjeux de la matérialité des livres liturgiques dans la pratique des célébrations de la liturgie) et le refuge des domaines bien balisés par nombre d’auteurs avant lui (contexte historique de réalisation d’un nouveau livre liturgique et ses enjeux culturels et sociaux, analyse à la fois codicologique, paléographique et textuelle de manuscrits destinés à différents rituels, rapports entre oralité et « literacy »). Bien que l’hésitation ne nuise pas vraiment à la qualité intrinsèque du livre, son ressenti laisse un goût d’inachevé.

2Dans le registre des regrets, mentionnons aussi la faible attention de l’A. en particulier pour la production scientifique autre qu’anglo-saxonne et allemande sur le sujet, ou d’une façon générale, sur l’histoire de la liturgie du haut Moyen Âge. La plupart des auteurs anglophones nous ont malheureusement habitués à cela et le présent livre n’échappe pas à la règle : c’est fort dommage.

3L’ouvrage est construit à partir de l’exploration approfondie de différents manuscrits appartenant à plusieurs catégories de livres : tropaires, rituels et pontificaux. Pour chaque document étudié, H. Parkes s’interroge de façon pertinente sur leur caractère hybride ainsi que sur leur classement dans la catégorie des livres liturgiques de première génération — dominante à l’époque carolingienne — et ceux de seconde génération, voyant le jour autour de l’an mil jusqu’au xie s.

4Chaque étude de cas est menée avec brio, ne négligeant rien de l’approche totale d’un manuscrit liturgique, croisant les analyses codicologiques, paléographiques, liturgiques. Dans tous les cas, les conclusions sont convaincantes et permettent de reconsidérer certains aspects de la typologie des livres liturgiques autour de l’an mil dans l’espace géographique de l’Empire ottonien. Toutes ces études de cas ont de près ou de loin à voir avec le centre d’inventivité et de créativité liturgique que Mayence, alors capitale de l’Empire, aurait représenté dans la second moitié du xe s.

5Le chapitre consacré à l’étude minutieuse et approfondie du tropaire de Mayence (Londres, BL., Add. ms. 19768) est l’occasion d’une belle démonstration d’analyse interdisciplinaire par l’A., discutant ainsi de façon neuve et suggestive la « dynamique de l’objet » — laquelle est ici considérée dans sa dimension matérielle et du point de vue conceptuel du texte liturgique et des mélodies — puis, son rôle dans l’histoire politique et culturelle de la cité mayençaise comme dans la pratique des acteurs de la liturgie. Cette analyse autorise aussi un nouveau regard porté sur le thème de « l’inventivité » liturgique de Mayence à une époque qui voit le Pontifical romano-germanique émerger. Or, cette inventivité ne semble pas s’être portée uniquement sur la création du livre liturgique épiscopal mais a concerné également « la fossilisation » de la liturgie carolingienne au travers d’autres livres, comme certaines pièces de chant.

6Dans la même veine, l’étude du ms. 1888 de la Bibliothèque nationale de Vienne (Autriche) — véritable mélange de différents genres textuels, réalisé à Mayence pour un usage épiscopal, nonobstant la nature essentiellement presbytérale des textes — offre au lecteur une autre belle démonstration de la qualité de l’érudition d’H. Parkes. La révision complète du codex 1888 de Vienne à laquelle s’est livrée l’A. apporte du neuf dans la manière de voir l’histoire et la genèse du pontifical né à Mayence à partir « d’essais de pontificaux » antérieurs et, jadis, magnifiquement étudiés par Niels Krogh Rasmussen. De plus, ce manuscrit a sans doute servi dans le cadre de l’exercice de la « cura animarum » par des moines prêtres de la forêt noire lors du déroulement de rituels mobiles, à l’instar de l’usage des premiers pontificaux.

7L’enquête dédiée au ms. Cod. Guelf. 7.2 Aug. 4° de la bibliothèque de Wolfenbüttel — une sorte de rituel itinérant contenant aussi des textes réservés à l’usage liturgique épiscopal (comme la dédicace de l’église) — fait écho à la précédente sur le codex conservé à Vienne en ce sens qu’elle atteste l’importance du phénomène de circulation des manuscrits en tout genre ayant, d’une certaine manière, contribués à l’émergence du Pontifical romano-germanique. C’est précisément à ce livre phare de la liturgie ottonienne que s’est intéressé l’A. dans les deux derniers chapitres. Sur la base des analyses précédentes portant sur les codices de Vienne et de Wolfenbüttel, H. Parkes étudie le ms. 701 de la Bibliothèque de Vienne contenant un grand nombre de textes « épiscopaux » en tout genre. Cette étude de cas lui permet de reconsidérer l’arbre généalogique du texte type du Pontifical romano-germanique établi par Reinhard Elze et Cyrille Vogel dans leur édition de 1963.

8En somme, le livre d’H. Parkes, malgré certaines imperfections, offre une réflexion intéressante sur le phénomène de « l’inventivité » liturgique à l’époque ottonienne en démontrant le caractère souvent tâtonnant du processus de création des livres liturgiques et masqué par ce que l’on croyait savoir de façon certaine au sujet de la genèse du Pontifical romano-germanique. Sans surprise, l’A. n’oublie pas enfin de tenter de comprendre ces phénomènes appartenant à l’histoire des livres liturgiques, à la lumière de l’histoire politique et culturelle du temps.

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Pour citer cet article

Référence papier

Éric Palazzo, « Henry Parkes, The Making of Liturgy in the Ottonian Chruch. Books, Music and Ritual in Mainz, 950-1050 »Cahiers de civilisation médiévale, 237 | 2017, 95-96.

Référence électronique

Éric Palazzo, « Henry Parkes, The Making of Liturgy in the Ottonian Chruch. Books, Music and Ritual in Mainz, 950-1050 »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 237 | 2017, mis en ligne le 01 mars 2017, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/6144 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.6144

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Auteur

Éric Palazzo

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