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Comptes rendus

Hubert Guillotel, Les actes des ducs de Bretagne (944-1148)

Georges Pon
p. 179-181
Bibliographical reference

Hubert Guillotel, Les actes des ducs de Bretagne (944-1148), Philippe Charon, Philippe Guignon, Cyprien Henry, et al. (éd.), Rennes, Presses universitaires (Sources médiévale d’histoire de Bretagne, 3), 2014.

Full text

1L’édition des actes des ducs de Bretagne par Hubert Guillotel vient enfin d’être publiée par les Presses universitaires de Rennes et la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne qui se sont associées pour offrir à H. Guillotel ce magnifique témoignage posthume. Dans une remarquable analyse critique de quelques pages, Cyprien Henry, le principal maître d’œuvre, s’est efforcé de répondre à la question : « pourquoi éditer une thèse vieille de quarante ans ? ». On sait qu’H. Guillotel, comme Olivier Guillot et Jean-Pierre Poly, était un disciple de Jean-François Lemarignier. Il l’avait suivi à Paris-IV Sorbonne, lorsque ce dernier avait abandonné l’histoire du droit telle qu’on l’enseignait dans les Facultés de droit pour rejoindre ses collègues historiens et se spécialiser dans l’étude des institutions médiévales, et tout particulièrement l’histoire de la naissance des principautés territoriales. C’est ce sujet qui a fait l’objet de sa thèse de doctorat en droit soutenue le 4 juillet 1973 à l’Université de Paris II. Il s’agissait de savoir, comme l’écrivait l’A. dans l’Introduction de sa thèse, si « les origines des institutions bretonnes des xe-xie s [sont] dans le prolongement de l’ordre carolingien… [ou] en rupture avec lui ». Si H. Guillotel a choisi la première proposition, c’est en se fondant sur l’étude critique des actes des ducs de Bretagne, ce qui explique le titre de la recherche : Les actes des ducs de Bretagne (944-1148), qui est aussi celui de la présente édition. H. Guillotel considérait en effet avec Auguste Dumas que « c’est en étudiant les actes qu’on pénètre dans la vie du droit ». Et c’est l’édition de ces actes qui fera l’objet de cette recension, car les considérations historiques figurant dans l’Introduction et reprises dans diverses publications sont bien connues des spécialistes d’histoire de la Bretagne.

2« Pourquoi éditer une thèse vieille de quarante ans ? » Qu’il faille l’éditer, tous les spécialistes d’histoire bretonne en sont depuis longtemps convaincus, car H. Guillotel a fait un gigantesque travail de repérage des inédits, originaux, copies dans les cartulaires médiévaux et les collections modernes. Sans doute les érudits du xixe s. lui avaient-il préparé la tâche, puisque qu’une vingtaine d’actes ducaux avaient déjà été édités en 1863 dans le célèbre cartulaire de l’abbaye de Redon et plusieurs autres par Arthur de la Borderie mais le plus souvent sans esprit critique. H. Guillotel lui-même s’était formé à l’étude de la paléographie et n’ignorait pas les principes fondamentaux de la diplomatique, tels qu’ils étaient présentés dans les grands manuels français existant à cette époque. Il est clair cependant qu’il ne s’intéressait pas à la diplomatique en tant que telle et qu’il n’a pas suivi de très près les recherches approfondies des quarante dernières années. Il n’en a guère tenu compte dans les corrections qu’il n’a cessé d’apporter à son manuscrit jusqu’à sa mort, corrections qui portaient plutôt sur des problèmes de datation ou des références bibliographiques nouvelles. Avec la déférence lucide que le disciple doit porter au maître, Cyprien Henry conclut très justement ses critiques (p. 15) : « l’on pourrait dire qu’adopter un point de vue résolument juridique dans son appréhension de la diplomatique a conduit H. Guillotel à rigidifier son questionnement en cherchant à créer des catégories bien définies dans lesquelles se ventileraient les actes, quand en fait la documentation du xie siècle témoigne d’un foisonnement des formes et d’expérimentations en tous genres qui s’accommodent mal de classifications trop absolues ». Pourtant les éditeurs se sont interdits de modifier le texte de 1973, se contentant d’incorporer dans la présente édition quelques corrections portées sur le manuscrit de la thèse au cours des années par H. Guillotel lui-même. Tout au plus ont-ils introduit quelques addenda portant notamment sur l’identification des lieux – voir par exemple n° 62, p. 167-168 et 169, p. 526-527 –. H. Guillotel avait rassemblé un fichier des noms de personnes, constamment remis à jour, qui a servi à la confection de l’index des noms de personnes. L’index des noms de lieux élaboré par Philippe Guigon et vérifié par Jean-Claude Meuret a demandé des recherches plus approfondies. Ce sont les mêmes chercheurs, aidés par Katharine Keats-Rohan, qui ont mis au point l’index rerum, sur un modèle inspiré par l’édition des actes de Saint-Vincent du Mans d’André Chédeville. Les entrées sont classées en six chapitres qui facilitent une recherche systématique mais ne rendent pas toujours aussi aisée la recherche d’un mot isolé : les éditeurs ont cependant remédié à cette difficulté en doublant les entrées : c’est ainsi que parechia, parochia, parrochia, et plebs figurent à la fois dans le chapitre « église » et dans celui intitulé « espace et territoires ». Certains classements sont discutables : Boscus se rencontre dans ce chapitre même quand le terme n’a pas un sens spatial mais celui de bois mort, de bois d’œuvre etc. Qui irait chercher gladius dans la rubrique Église ? Foresta a été rangé dans la rubrique « Droit », alors que le mot n’est pas toujours employé dans l’acception juridique que ce mot avait au haut Moyen Âge (voir le n° 222 : terra et foresta in circhuitu impsius ecclesie). Finalement je crois que dans un Index rerum, il n’existe pas de meilleur classement que le classement alphabétique.

3Les renvois d’une entrée à l’autre sont trop rares : parrochia ne renvoie pas à plebs. De même planus – planitem pour planitem au n° 51 est omis –, ne renvoie pas à boscus, alors que les deux mots sont souvent opposés comme dans l’ancien français (per boscum et planum, n° 62, p. 317).

4H. Guillotel n’a jamais eu l’idée de traduire les textes qu’il a édités, même si dans sa génération on commençait déjà à se lamenter de la décadence des études latines, sans chercher à y remédier. Bien que les analyses soient généralement rédigées avec beaucoup de soin, elles ne remplacent pas une bonne traduction, d’autant qu’H. Guillotel, comme la plupart des éditeurs de texte, ne mentionne presque jamais les raisons de caractère religieux qui sont à l’origine d’une donation ou les justifications spirituelles que les scribes monastiques trouvent bon de développer dans de longs préambules auxquels l’érudition moderne commence fort heureusement à s’intéresser (voir par exemple le n° 54) depuis les travaux d’Heinrich Fichtenau.

5Du moins aurait-il fallu expliquer certains mots comme butirum, galoer, galorium, galogium etc. qui ne figurent pas dans les dictionnaires usuels.

6L’édition proprement dite a été faite avec beaucoup de soin. On a dit plus haut l’immense travail qu’a représenté le repérage des sources. La description des originaux manque parfois de précision : au n° 46, rien n’est dit sur le donationis cyrographum mentionné dans l’acte des archives d’Ille-et-Vilaine. L’établissement du texte obéit aux normes du genre, même si elle s’écarte sur quelques points de la publication des actes royaux qui a servi de modèle : suppression des numéros de ligne pour l’édition des originaux et, ce qui est infiniment plus grave et presque hérétique, abandon de la distinction entre les appels de notes alphabétiques pour les variantes et les appels numériques pour les références. Il est vrai que les références sont rares. Il n’est pas certain non plus que la mention « sans indication d’origine » soit d’une parfaite orthodoxie diplomatique. La datation des actes fait presque toujours l’objet d’une savante notice, qui non seulement justifie les fourchettes chronologiques mais apporte des renseignements précis sur les personnages figurant dans la chartes ou la notice.

7L’édition compte 179 actes. Je ne suis pas sûr que tous peuvent être vraiment qualifiés d’actes des ducs de Bretagne. Il s’agit notamment de quelques actes datés des premières années du gouvernement de Conan. Le n° 50 est bien une confirmation de la donation d’Haimon, puisque ce dernier précise à la fin du document qu’il a donné la charte à confirmer à ses seigneurs, le comte Conan et son oncle le comte Eudes qui ont souscrit l’acte en tête de la liste des témoins. Mais au n° suivant, on ne trouve que la souscription du comte – S. comitis + Conani – qui suit celle du fils du donateur ; au n° 52 le comte souscrit au 6e rang des témoins (testium nomina) ; au n° 53, l’analyse parle d’une « notice relatant la confirmation par le comte Conan » d’une donation faite par un prêtre alors que l’acte mentionne seulement la présence du comte – coram Conano comite – et le fait figurer dans la liste des témoins. Il me semble qu’un juriste aurait dû montrer plus de prudence dans la sélection des actes.

8Qu’on oublie vite ces critiques. La parution de cet ouvrage marque un moment important dans l’historiographie si riche de la Bretagne médiévale.

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References

Bibliographical reference

Georges Pon, “Hubert Guillotel, Les actes des ducs de Bretagne (944-1148)Cahiers de civilisation médiévale, 238 | 2017, 179-181.

Electronic reference

Georges Pon, “Hubert Guillotel, Les actes des ducs de Bretagne (944-1148)Cahiers de civilisation médiévale [Online], 238 | 2017, Online since 01 June 2017, connection on 09 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/6012; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.6012

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