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Comptes rendus

Álvaro Castresana López, Corpus Inscriptionum Christianarum et Mediaevalium Provinciae Burgensis (ss. IV-XIII)

Vincent Debiais
p. 167-169
Bibliographical reference

Álvaro Castresana López, Corpus Inscriptionum Christianarum et Mediaevalium Provinciae Burgensis (ss. IV-XIII), Oxford, Archaeopress publishing LTD, 2015.

Full text

1Dans un volume de plus de cinq cents pages, Álvaro Castresana López propose l’édition critique des inscriptions lapidaires de la province de Burgos (Espagne) datées des ive-xiiie s. C’est un travail soigné et minutieux qui livre au lecteur des informations importantes, souvent inédites, d’une grande érudition et d’une vraie intelligence. Face à l’ambition de ce travail, issu d’une thèse de doctorat soutenue en 2014 à Madrid, on peut s’étonner de ne pas voir cette publication s’inscrire dans la série du Corpus Inscriptionum Hispaniae Mediaevalium ; elle aurait sans aucun doute donné une impulsion nouvelle à cette entreprise. Peu importe, l’auteur livre ici rapidement le produit de ces recherches et on ne peut que se réjouir de disposer là d’un corpus original et parfaitement présenté.

2La province de Burgos est riche du point de vue épigraphique, à tel point d’ailleurs que l’auteur a dû faire le choix, pour son recensement, de ne prendre en compte que les inscriptions sur pierre. Pour les mêmes raisons, il n’inclut pas dans la publication les textes des xive et xve s., et c’est fort dommage. Le choix tout à fait judicieux qui l’avait conduit à ouvrir son dépouillement aux inscriptions du très haut Moyen Âge, généralement exclu des publications d’épigraphie médiévale, lui permet d’englober des textes originaux à la jonction de l’Antiquité tardive et du Moyen Âge ; et un choix identique à l’autre extrémité de la période médiévale aurait été le bienvenu. Cependant, l’explosion documentaire à partir de 1300, qui conduit de la même façon le Corpus des inscriptions de la France médiévale à ne pas publier les textes des xive et xve siècles, est certes difficilement maniable dans le cadre d’une publication comme celle d’Á. Castresana López.

3Le catalogue des 326 notices occupe la part la plus importante du livre (p. 15-398). La très (trop ?) courte introduction qui le précède inscrit la recherche conduite par l’A. dans l’historiographie espagnole concernant le recensement et l’étude des inscriptions médiévales, et présente la structure des notices et les signes diacritiques employés pour la transcription des textes (p. 13). Les signes retenus par l’auteur ont l’avantage de pouvoir être produits simplement à partir d’un clavier traditionnel et de répondre à la plupart des configurations médiévales. Même s’ils sont plus nombreux, ils traduisent la volonté de proposer une transcription simple, efficace et explicite, assez proche finalement de ce que l’on trouve dans les volumes du Corpus des inscriptions de la France médiévale. En contrepartie, l’usage de ces signes ne règle pas les limites typographiques d’une transcription qui reste « presque » imitative. En revanche, on peut regretter qu’il n’y ait pas de correspondance plus systématique avec les signes employés dans le Corpus Inscriptionum Hispaniae Mediaevalium. Si l’Europe de l’épigraphie médiévale est encore à former, on pourrait attendre a minima que les entreprises nationales, si elles doivent être plurielles, s’accordent sur leurs principes généraux. La structure des notices est très claire, les informations sont complètes, et on ne peut que saluer la plupart des choix effectués : numérotation continue pour les notices, organisation alphabétique des lieux de conservation, indication des communes actuelles, titre simple donné à chaque inscription, publication des photographies dans le cœur de la notice, signalement des variantes de lecture, introduction de plans et de schémas, descriptions brèves et explicites de tous les éléments matériels, etc. Chaque notice fournit ainsi la carte d’identité de l’inscription, dans sa localisation, sa forme et son contenu, et la complète avec de précieux commentaires sur la langue, le texte et les éléments historiques qu’elle contient. La navigation dans le catalogue est donc aisée, même si la disposition sur deux colonnes, imposée par l’éditeur, crée parfois quelques confusions, notamment quand les lignes de l’inscription éditée sont longues. En dépit de ces quelques remarques, on se lance volontiers dans le dépouillement de ce riche catalogue et les informations que l’on y trouve sont tout à fait passionnantes.

4En choisissant de publier les textes datées entes le ive et le xiiie s., l’A. offre une collection originale à son lecteur, et même si les textes du haut Moyen Âge sont finalement assez peu nombreux (seules trente inscriptions sont antérieures au xie s.), le panorama permet une approche globale des pratiques épigraphiques dans cette région sur la longue durée, panorama qui gagnerait, comme le signale l’A. lui-même, à être complété avec les textes non lapidaires de la même période. L’ensemble du haut Moyen Âge de l’ermitage de Santa Maria de Quintanilla de las Viñas (notices 169-175) offre un témoignage très intéressant de l’écriture sur pierre au viie s., en lien avec la sculpture monumentale ; on y voit des inscriptions variées, des lettres semées parmi les reliefs ornementaux et historiés, des identifications, des monogrammes, etc. De façon générale, plusieurs faits documentaires sont à retenir pour leur singularité. Tout d’abord, et c’est là quelque chose de frappant, les inscriptions à caractère funéraire ne sont pas les plus nombreuses. Les textes obituaires occupent certes une part non négligeable du catalogue, mais ils sont en réalité regroupés sur trois sites, dont le cloître du monastère de Silos, où les inscriptions ont bénéficié d’un traitement graphique remarquable, bien connu des épigraphistes. Les autres ensembles montrent des inscriptions très simples, peu incisées, sous forme d’écriture spontanée, qui témoignent de la diversité des gestes graphiques à l’origine de ces inscriptions. Les textes tracés sur des éléments du monument funéraire sont eux aussi assez rares, en dehors des grands centres ecclésiastiques tels que la cathédrale de Burgos ou le monastère de Las Huelgas, dans la même ville. Signalons enfin, dans le domaine funéraire, la présence exceptionnelle de plusieurs stèles circulaires, inscrites parfois sur les deux faces (notices 295 et 316, par exemple). Ce sont les mentions de construction, de consécration d’église et de dédicace d’autel qui forment en réalité la partie saillante du corpus rassemblé par l’A., avec près de 200 textes. Ils présentent des formes et des contenus très différents, des plus simples, comme l’inscription de Los Barrios de Bureda datée de la fin du xiie s. et tracée directement en lettres irrégulières sur une assise du sanctuaire, aux plus élaborées, comme la « charte lapidaire de Treviño, datée de 1251, dont le texte qui s’étend sur quinze longues lignes est frappé d’un chrisme monumental (notice 297). Le programme épigraphique de l’église de San Miguel de Neila (notices 152-154) est tout à fait remarquable à ce propos puisqu’il offre en trois textes une véritable chronique de fondation de l’institution. Parce qu’ils portent très souvent la date de l’acte et la mention des acteurs de ces cérémonies, les inscriptions de la province de Burgos fournissent des renseignements historiques précis et précieux que l’A. met en relation, à chaque fois qu’il le peut, avec la documentation diplomatique et narrative contemporaine. Les inscriptions proposent ainsi un versant matériel et monumental de l’histoire des fondations religieuses dans le nord de la Castille, principalement pour les xiie-xiiie s. Il faut retenir encore le nombre important d’inscriptions placées au contact des images sculptées (on regrette ici de ne pas avoir le pendant « peintures murales » de ces inscriptions pour un panorama général des relations texte/image), notamment sur les fonts baptismaux qui fournissent ici, avec près de soixante notices, un véritable corpus dans le corpus. Signalons par exemple les fonts baptismaux de Barbadillo de Herreros (notice 60) datés des environs de 1200, et portant une inscription métrique inspirée de la belle formule de Ps 109, 14 ; dans cette notice, l’A. se livre à un riche commentaire des sources et de la forme de l’inscription, démontrant une grande connaissance de la documentation épigraphique à l’échelle européenne, et on regrette alors d’autant plus qu’il ne mette pas son érudition à la disposition d’autres textes, tout aussi riches, présents dans son corpus. C’est le cas par exemple de l’immense programme (notices 9 à 58) de l’abbaye San Quirce de Los Ausines daté des années 1130-1147. Déjà analysé par Daniel Rico, cet ensemble présente pourtant des textes peu étudiés et très originaux. Je pense en particulier au relief de la majestas Domini (notice 38) timbré de l’inscription de sede maiestatis : le caractère exceptionnel, dans l’image sculptée, de la préposition de aurait mérité un commentaire, même succinct. En revanche, on ne peut que saluer l’attention portée par l’A. à l’analyse des inscriptions des grands reliefs sculptés du cloître de Santo Domingo de Silos (notices 214 à 218), véritables superstars de l’histoire de l’art et de l’épigraphie médiévales : le lecteur dispose enfin d’une transcription intégrale des textes accompagnée de superbes images et de commentaires nourris. Toujours à Silos, la fameuse inscription funéraire de saint Dominique (notice 219) bénéficie d’une analyse très fine et d’un exposé méthodologique remarquable quant à la datation paléographique. Il est regrettable que ces belles lignes, très utiles pour tous, se « perdent » ainsi au cœur de la notice. Il y aurait bien d’autres pièces à signaler et on ne peut qu’encourager le lecteur à véritablement dépouiller ce corpus, à en lire chaque notice pour percevoir la richesse de la production épigraphique dans la province de Burgos.

5À la suite du catalogue, le lecteur trouvera ce qui constitue l’étude épigraphique proprement dite. Celle-ci reprend tous les cadres méthodologiques et la terminologie forgés dans l’historiographie espagnole. Elle est tout à fait redevable des apports de l’école de León (dans la lecture des écrits programmatiques de J. M. de Navascués), et des travaux de Vicente García Lobo et de son équipe. On y retrouve donc une approche systématique des inscriptions, depuis la genèse du document jusqu’à sa tradition érudite, avec un découpage entre caractères externes et données internes. Je m’étonne que l’A. ne revienne en rien sur les classifications, la taxinomie ou le vocabulaire employés par ses prédécesseurs quand on sait qu’au-delà de leur validité, ils posent toutefois de véritables questions intellectuelles et figent les inscriptions dans un système théorique difficile à exporter tel quel dans la réalité médiévale des pratiques graphiques. C’est d’autant plus surprenant que l’A. a rassemblé, dans son corpus, un grand nombre de textes mettant à l’épreuve ces catégories. On aurait pu attendre que, libéré par une publication en dehors du Corpus Inscriptionum Hispaniae Mediaevalium, il propose certaines adaptations ou discute au moins la pertinence relative de ces modèles. Ce n’est pas le cas, et l’étude épigraphique des p. 399 à 471 constitue avant tout une reprise de l’appareil théorique élaboré par Vicente García Lobo et par María Encarnación Martín López. La partie consacrée à l’étude de l’écriture possède cependant un véritable intérêt : on mesure à quel point les formes utilisées par les lapicides dans les graphies, les abréviations et les signes complémentaires, échappent aux catégories préconçues et invitent à la prudence à l’heure de dater les inscriptions en fonction de ces caractéristiques. Les conclusions qui terminent ce volume sont trop courtes et la modestie de l’A. l’empêche sans doute de mettre en lumière l’intérêt considérable de son travail. Grâce à l’excellence et au systématisme de ses efforts d’édition et d’analyse, l’A. avait sur sa table de travail un matériau exceptionnel pour produire une synthèse sur les pratiques graphiques dans cette région sur le temps long du Moyen Âge. Cette responsabilité incombe désormais au lecteur qui, aidé par les nombreuses tables et index de la fin du volume, pourra se lancer dans de nouvelles recherches sur les inscriptions de la province de Burgos, en rendant hommage au travail d’Á. Castresana López et en le remerciant pour sa générosité et son érudition.

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References

Bibliographical reference

Vincent Debiais, “Álvaro Castresana López, Corpus Inscriptionum Christianarum et Mediaevalium Provinciae Burgensis (ss. IV-XIII)Cahiers de civilisation médiévale, 238 | 2017, 167-169.

Electronic reference

Vincent Debiais, “Álvaro Castresana López, Corpus Inscriptionum Christianarum et Mediaevalium Provinciae Burgensis (ss. IV-XIII)Cahiers de civilisation médiévale [Online], 238 | 2017, Online since 01 June 2017, connection on 03 October 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/5993; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.5993

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