Andrea Ghidoni, Per una poetica storica delle chansons de geste. Elementi e modelli
Andrea Ghidoni, Per una poetica storica delle chansons de geste. Elementi e modelli, Venise, Edizioni Ca’ Foscari (Filologie medievali e moderne, 6, Serie occidentale, 5), 2015.
Texte intégral
1Disponible en ligne : http://virgo.unive.it/ecf-workflow/upload_pdf/FMM_6_Ghidoni.pdf
2S’inscrivant dans le sillage de la poétique historique, le texte d’Andrea Ghidoni se propose d’explorer les origines de la chanson de geste, en élaborant un modèle qui met en évidence les dynamiques de la naissance du genre dans la France du xie s.
3Dans son ensemble, l’ouvrage se présente sous forme d’un recueil de 13 réflexions-chapitres qui développent de manière plus approfondie une série d’intuitions inspirées par le travail d’édition critique du Gormunt et Isembart, publié par l’A. en 2013 (Alessandria, Edizioni dell’Orso).
4Sur la base d’une analyse de la langue, de la phonétique et du contenu menée sur le fragment de Bruxelles, l’A. formule des conclusions qui, d’après lui, peuvent être étendues aux plus anciennes chansons de geste, telles la Chanson de Roland et la Chanson de Guillaume, et qui lui permettent d’énoncer son « hypothèse ligérienne » (voir en particulier le chap. 2).
5Par une « mutation brusque » (l’expression est empruntée à Pierre Le Gentil) survenue au xie s., le genre de la chanson de geste se serait formé dans la région de la Basse Loire, culturellement et socialement très active, au moment où un groupe restreint de textes (issus probablement d’un réseau limité d’ateliers) furent érigés en nouveau canon esthétique et, par conséquent, imités.
6Les réflexions qui s’ensuivent s’attachent à approfondir le cadre historico-littéraire et les étapes successives du parcours qui porta la naissance de la tradition gestique d’après un ensemble de traditions protogestiques (gestique et protogestique étant deux néologismes forgés par l’A. sur la base du mot geste).
7Sous le terme protogestique, A. Ghidoni entend regrouper un ensemble de matériaux narratifs instables et protéiformes, de textes et de légendes héroïco-historiques imprégnés d’héritages folkloriques. Ces traditions narratives hétérogènes auraient commencé à se délinéer au ixe s. et la plupart d’entre elles se seraient vaguement inspirées de l’histoire carolingienne.
8Au cours du xie s., sous l’effet d’une sorte d’étranglement, d’une soudaine mutation, ces traditions multiples auraient subi une restructuration progressive de forme et de contenu, une resémantisation menant à la constitution d’un mythe littéraire basé sur l’univers carolingien.
9Dans cette nébuleuse de matériaux non cohérents, le mythe littéraire en construction agit avec une force polarisante et stabilisante ; il devient un réceptacle qui réorganise et canonise les légendes précédentes, créant ainsi un arrière-fond, un chronotope qui se nourrit aussi de traditions étrangères re-fonctionnalisées.
10Ce mythe carolingien réélaborant histoire et folklore, devient, d’après l’A., la composante fondamentale du genre chanson de geste et en scellerait l’origine.
11Sont particulièrement intéressants les chap. 6, 7 et 8, où A. Ghidoni étudie la « préhistoire » de ce mythe carolingien et essaie de mieux délinéer le caractère des narrations protogestiques. C’est ainsi l’occasion pour l’A. de tester la souplesse et la validité de son paradigme à travers quelques exemples ponctuels et concrets – Girard de Vienne, Ogier le Danois, Ami et Amile, Guillaume d’Orange – qui jettent une lumière sur les dynamiques de formation des légendes, leur évolution et leur intégration dans le mythe littéraire.
12Tout au long de son recueil, A. Ghidoni adopte une approche analytique qui lui permet de mettre son modèle en perspective dialogique avec d’autres notions et théories.
13Dans le chap. 3, la question des soudaines mutations et de la formation du mythe littéraire devient une occasion pour revenir sur la notion traditionnaliste de transfert. Après avoir repris les lignes fondamentales du paradigme, l’A. affirme vouloir se détacher de la rigidité et linéarité de sa logique génétique et redéfinit le concept de façon plus dynamique et articulée. Le transfert est donc conçu comme un processus de refonctionnalisation d’une pluralité de fragments et d’éléments historiques, mythiques et folkloriques réorganisés ad unum dans l’optique d’une rupture substantielle vis-à-vis des traditions précédentes.
14En prenant appui sur le modèle griswardien et en le comparant au paradigme historiciste, A. Ghidoni approfondit ensuite, dans les chap. 4 et 5, la réflexion sur le rôle de l’Histoire et des structures narratives mythiques dans la genèse du genre et de l’univers épique à base historique qui lui est sous-jacent.
15Dans le chap. 9, l’A. discute son modèle de la mutation brusque à la lumière des positions de P. Zumthor et de M. Tyssens sur les rapports entre mouvance, texte et tradition, et l’énonce en termes d’« individualisme du texte » pour souligner le rôle directeur joué par les récits prototypiques qui uniformisèrent les traditions protogestiques fluides et plurielles.
16Le chap. 10 réexplique l’origine polygénique restreinte de la chanson de geste en établissant un parallèle intéressant avec les sciences biologiques, notamment avec la théorie évolutionniste de l’« équilibre ponctué » énoncée par les paléontologues Stephen Jay Gould et Niles Eldredge.
17Cette théorie postule, sur la ligne évolutive des espèces, de longues périodes de stabilité ponctuées, à moment donné, par des processus soudains de mutation, par des spéciations modifiant des populations (dèmes) isolées d’individus.
18En poursuivant sa réflexion autour des textes prototypiques, A. Ghidoni s’appuie en particulier sur cette notion de « dème » et place à l’origine du nouveau genre une restreinte « population de textes » qui après avoir subi une brusque mutation de contenu et de forme affirmèrent leur uniformité au détriment d’une population-mère ancestrale polymorphique.
19Les chap. 11 et 12 s’ouvrent finalement à des perspectives comparatistes. L’A. y ébauche quelques pistes de recherche sur les dynamiques de l’épogenèse dans d’autres traditions et s’arrête en particulier sur les théories de Gregoryb Nagy à propos de l’épique grecque.
20Tout au long de son exposé, A. Ghidoni fournit des références ponctuelles – complétées par une riche bibliographie – et intègre courageusement la discussion sur les origines controversées de la chanson de geste afin de proposer un modèle suffisamment souple pouvant englober et redéfinir les nombreuses traditions qui participèrent de la formation du genre.
21Premier aboutissement dans la synthétisation d’une série de réflexions et dans l’élaboration d’un modèle théorique, cet ouvrage se qualifie en même temps comme un nouveau point de départ pour d’ultérieurs approfondissements qui viendraient vérifier, confirmer ou nuancer la théorie d’A. Ghidoni.
Pour citer cet article
Référence papier
Alessia Chapel, « Andrea Ghidoni, Per una poetica storica delle chansons de geste. Elementi e modelli », Cahiers de civilisation médiévale, 239 | 2017, 297-298.
Référence électronique
Alessia Chapel, « Andrea Ghidoni, Per una poetica storica delle chansons de geste. Elementi e modelli », Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 239 | 2017, mis en ligne le 01 septembre 2017, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/5886 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.5886
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