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Comptes rendus

Aisling Byrne, Otherworlds. Fantasy and History in Medieval Literature

Pierre Courroux
p. 290-291
Référence(s) :

Aisling Byrne, Otherworlds. Fantasy and History in Medieval Literature, Oxford, Oxford University Press, 2016.

Texte intégral

1Bien que le champ géographique de l’étude n’apparaisse pas dans le titre, ce livre est en fait une étude des autres mondes dans la littérature anglaise, irlandaise et écossaise du Moyen Âge. A. Byrne réfléchit d’ailleurs sur les spécificités de la littérature insulaire et les influences communes qu’elle partage avec le reste de l’Occident (p. 6). L’A. y affirme son choix de faire une étude littéraire des descriptions des otherworlds comme des « primarily an imaginative field » (p. 22) et non un travail d’histoire culturelle, comme il en existe déjà bien d’autres. Ce choix louable lui permet de concevoir les histoires de l’autre monde comme des stratégies littéraires que les auteurs adoptaient pour discuter d’autres sujets (comme la royauté, les tabous...). Pour expliquer les détails merveilleux, l’intertextualité est préférée à la recherche d’éventuelles survivances de croyances antiques, auxquelles l’A. ne croit guère.

2L’introduction est brillante et claire. A. Byrne explique ses choix, l’état de la question et quelques concepts qu’elle va manier. Elle questionne aussi la pertinence de la notion anachronique d’otherworld. Le premier chapitre aborde la place des autres mondes comme des fictions dans la fiction, comme des mises en perspective de l’imagination narrative de l’A. (p. 25-26). Plusieurs questions sont abordées sur la construction même de ces autres mondes. Retenons l’utilisation de la notion de pseudo-mimésis (p. 30-31) pour expliquer les longues représentations mimétiques des mondes féeriques. L’A. s’appuie sur le travail de Roland Barthes, qui méconnaissait pourtant les spécificités de la littérature médiévale, mais on ne peut lui en vouloir, car de nos jours, une grande étude théorique sur la mimésis dans la littérature médiévale reste à écrire.

3Dans le chapitre consacré à l’étude des liens entre les représentations du Paradis terrestre et du Purgatoire et les otherworlds imaginaires (p. 68-106), A. Byrne montre, en étudiant des textes considérés comme d’inspiration celtique, que les textes bibliques sont des sources bien plus probables d’inspiration que d’éventuelles « traces » de croyances anciennes celtiques. Et cela ne vaut pas que pour les textes de portée religieuse comme le Purgatoire de Saint-Patrick, mais aussi pour les descriptions de l’au-delà et des otherworlds dans des œuvres profanes.

4Le troisième grand chapitre (p. 107-140) comporte plusieurs études sur la royauté dans l’autre monde, et met en exergue la réflexion des auteurs médiévaux sur l’autorité humaine et ses limites grâce au merveilleux de l’autre monde. Le dernier chapitre (p. 141-183) est une réflexion sur la manière dont l’insularité des îles Britanniques a pu servir de modèle aux auteurs lorsqu’ils placent des îles merveilleuses lointaines, surtout celles de l’Atlantique, et sur les spécificités de ces autres mondes archipélagiques. On l’aura compris, ce livre est plus une suite d’études qu’un « manuel » exhaustif sur la question de l’autre monde et de ses motifs. Mais ces études sont précises et l’A. y montre toute sa finesse de compréhension des textes et des auteurs qu’elle utilise.

5La principale faiblesse de l’ouvrage réside dans l’absence de comparaisons suivies entre la littérature insulaire et celle du continent. L’influence d’une géographie merveilleuse comme celle de Solin se ressent pourtant assez clairement dans les textes cités par l’A. Les comparaisons avec Chrétien de Troyes, les aventures d’Ogier le Danois en Avallon ou même avec les vies de saints continentaux ne sont qu’évoquées par endroits (par exemple p. 58, 85 et 169), sans être menées. Pourtant, l’A. est tout à fait consciente du lien entre la littérature anglaise et irlandaise et celle du continent. Elle-même récuse ouvertement le qualificatif trop aisément donné de merveilleux « celtique » pour bien des épisodes (p. 9).

6Cela est sûrement lié au fait que l’A. ignore ou tout du moins n’utilise que très marginalement une riche bibliographie sur le merveilleux produite par les chercheurs ne s’exprimant pas en langue anglaise. Certes, son propos concerne des textes écrits dans les îles Britanniques, mais comme l’A. elle-même le souligne, on ne peut étudier ces textes sans comprendre comment ils s’insèrent dans une littérature européenne plus vaste, qui partage les mêmes thèmes chrétiens ou littéraires. Il serait long de mentionner ici tous les ouvrages qui pourraient enrichir sa réflexion. On trouvera une bibliographie des principaux ouvrages sur la question couvrant essentiellement les productions françaises, allemandes et italiennes (dans Franca E. Consolino, Francesco Marzella et Lucilla Spetia (éd.), Aspetti del meraviglioso nelle letterature medievali. Aspects du merveilleux dans les littératures médiévales, Turnhout, Brepols [Culture & société médiévales, 29], 2016, p. 421-429). Ces lectures lui auraient précisément permis de se détacher du prisme des études celtiques et de mieux cerner les particularités de l’insularité de la littérature britannique.

7On aurait aussi aimé un développement plus long sur la question du croire. Non, celui des croyances ancestrales, justement mis de côté par l’A., mais celui de la crédulité du public vis-à-vis des merveilles de l’autre monde. La question est certes abordée à plusieurs endroits du livre (notamment p. 11-12), mais on aurait utilement pu regrouper les réflexions sur cette question fondamentale dans l’optique de l’A. dans un chapitre.

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Pour citer cet article

Référence papier

Pierre Courroux, « Aisling Byrne, Otherworlds. Fantasy and History in Medieval Literature »Cahiers de civilisation médiévale, 239 | 2017, 290-291.

Référence électronique

Pierre Courroux, « Aisling Byrne, Otherworlds. Fantasy and History in Medieval Literature »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 239 | 2017, mis en ligne le 01 septembre 2017, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/5870 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.5870

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Auteur

Pierre Courroux

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