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Comptes rendus

Clara Wille, Prophetie und Politik. Die Explanatio in Prophetia Merlini Ambrosii des Alanus Flandrensis

Alain Corbellari
p. 438-439
Référence(s) :

Clara Wille, Prophetie und Politik. Die Explanatio in Prophetia Merlini Ambrosii des Alanus Flandrensis, Bern/Berlin/Bruxelles, Peter Lang (Lateinische Sprache und Literatur des Mittelalters, 49), 2015, 2 vol.

Texte intégral

1Pour les spécialistes de la littérature française médiévale, les « Prophéties de Merlin » évoquent d’abord la dernière des végétations dont s’est enrichi l’entreprise protéiforme du Lancelot-Graal. Publié en 1992 par Anne Berthelot et commenté en 2009 par Nathalie Koble qui nous en livrera bientôt une nouvelle édition issue de sa thèse. Ce texte français des alentours de 1270 n’est cependant de loin pas la plus représentative des œuvres issues de la source qu’a fait jaillir Geoffroy de Monmouth entre 1135 et 1138, lorsqu’il a inséré au cœur de son Historia Regum Britanniae l’énigmatique bouquet des 74 prophéties d’un personnage qui faisait du même coup son apparition (fracassante !) dans notre culture. Assurément, Zumthor avait tort, dans sa thèse de 1943, de… prophétiser que Merlin « l’enchanteur » avait fait son temps et que son statut de « prophète » n’allait pas tarder à revenir hanter l’imaginaire de nos temps troublés, et la redécouverte des commentaires médiévaux, essentiellement latins, des prophéties merliniennes est encore en grande partie à faire.

2C’est à cette tâche que s’est attelée la médiéviste zurichoise Clara Wille dont l’édition critique de l’Explanatio in Prophetia Merlini Ambrosii couronne une dizaine d’années de recherches, ponctuées déjà par de nombreux articles, dont l’un était paru ici même (Cahiers de civilisation médiévale, 203, 2008, p. 223-234). De fait, c’est peu dire que les prophéties de Merlin ont fasciné le Moyen Âge ; mises à l’index par le Concile de Trente, elles ont continué une carrière glorieuse en terre protestante au-delà de la Renaissance : parodiées par Shakespeare (elles l’avaient déjà été par Rabelais), elles voient surtout leur plus important commentaire, celui même qu’édite C. Wille, publié à Francfort en 1603, en 1608 et 1649, et abondamment utilisé durant les luttes politiques qui déchirèrent l’Angleterre lors de la première moitié du xviie s.

3Laissant à d’autres le soin de commenter ce succès au long cours – on peut renvoyer ici au livre de Catherine Daniel (Les prophéties de Merlin et la culture politique [xiie-xvie s.], Turnhout, Brepols [Culture et société médiévale, 11], 2006), C. Wille s’est attachée au seul commentaire qui a tenu compte de l’ensemble des prophéties merliniennes. Répertoriant non moins de 20 commentaires latins médiévaux, répartis entre une quarantaine de manuscrits et écrits entre le xiie et le xve s. Elle les classe en deux catégories : ceux qui ne s’attachent qu’aux prophéties se rapportant à des événements antérieurs à Geofrroi de Monmouth, prophéties qu’elle appelle pour cela ex eventu, et ceux qui s’aventurent dans les prophéties ante eventum, les interprétant en fonction des événements historiques postérieurs à la rédaction de l’Historia regum Britanniae.

4L’un de ces commentaires, celui du manuscrit Dublin, Trinity College 496, a déjà été publié en 2011, aux Classiques Garnier, par Carl Lukas Bohny et Emmanuelle Métry, mais celui qu’édite C. Wille est sans aucun doute le plus intéressant de tous, car il est le seul, on l’a dit, à commenter l’ensemble des 74 prophéties, aboutissant à un texte vingt fois plus long que l’original de Geoffroi. Une partie substantielle de l’introduction est consacrée à l’identification de l’auteur. L’attribution traditionnelle de l’Explanatio à Alain de Lille se heurtait en effet à quelques invraisemblances et, après de patientes recherches, C. Wille a abouti à une conclusion extrêmement convaincante : le commentaire ne serait pas dû à l’auteur du De Planctu Naturae, mais… à un autre Alain également né à Lille, contemporain du premier, mais qui fut évêque d’Auxerre avant de se retirer à Clairvaux où il fut l’un des plus fidèles disciples de saint Bernard. Des éléments internes permettent de dater l’ouvrage entre 1167 et 1174, c’est-à-dire au plus fort des querelles entre Henry II et Thomas Becket. Toutefois, le commentaire d’Alain « de Flandres » présente également la particularité d’être le seul commentaire continental des prophéties de Merlin, et C. Wille n’a trouvé aucun indice certain qu’il ait pu être connu en Angleterre avant l’édition de Francfort. Il y a, à l’évidence, encore bien des aspects de la réception manuscrite, historique et herméneutique du complexe corpus des commentaires aux prophéties de Merlin qui demanderaient à être élucidés et complétés, car le but de C. Wille. a d’abord été de fournir de l’Explanatio une édition critique irréprochable, nantie de sa première traduction dans une langue moderne ; le lecteur français sera peut-être déçu que cette traduction soit en allemand, mais il était normal que C. Wille, qui a par ailleurs rédigé de nombreux articles en français, la rédige dans sa langue maternelle, et ce d’autant plus que le domaine du latin médiéval lui offrait sans doute davantage de lecteurs potentiels germanophones que francophones. Après les considérations sur le texte (5-18) et sur l’A. (19-44) vient une très soigneuse description des manuscrits et des éditions anciennes (45-75), une rapide discussion sur le choix des manuscrits de base (75-80) et un exposé des principes d’édition (81-87). Le petit nombre des témoins du texte semble avoir dissuadé C. Wille de dresser un stemma. Il nous apparaît pourtant que ce ne serait pas trahir sa pensée que de résumer ses considérations, avec les réserves prudentes qu’elle ne manque pas de formuler, dans l’arbre suivant :

5Le texte latin est, ensuite, d’abord édité seul d’après P (91-337) ; il est suivi d’un index des noms propres (339-354), puis de la traduction allemande (359-630), d’un copieux Stellenkommentar philologico-historique (633-816) et d’une bibliographie très complète (817-853). Des tableaux généalogiques un peu hétéroclites, qui se recoupent partiellement, concluent l’ouvrage (857-864) pour éclaircir les rapports des prophéties à la succession des monarques anglo-normands et Plantagenêt.

6Il est peu douteux que toutes les recherches futures sur les commentaires latins des prophéties de Merlin devront désormais tenir compte de cette édition magistrale.

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Pour citer cet article

Référence papier

Alain Corbellari, « Clara Wille, Prophetie und Politik. Die Explanatio in Prophetia Merlini Ambrosii des Alanus Flandrensis »Cahiers de civilisation médiévale, 240 | 2017, 438-439.

Référence électronique

Alain Corbellari, « Clara Wille, Prophetie und Politik. Die Explanatio in Prophetia Merlini Ambrosii des Alanus Flandrensis »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 240 | 2017, mis en ligne le 01 décembre 2017, consulté le 11 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/5730 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.5730

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Auteur

Alain Corbellari

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