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Comptes rendus

Salimbene de Adam de Parme, Chronique

Pierre Courroux
p. 434-435
Bibliographical reference

Salimbene de Adam de Parme, Chronique, Gisèle Besson et Michèle Bossard-Dandré (éd.), Jean-Claude Schmitt (préf.), Paris, Honoré Champion (Traductions des classiques du Moyen Âge, 96), 2016, 2 vol.

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Ancient and medieval authors:

Salimbene de Adam de Parme
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Full text

1Il s’agit de la première traduction intégrale en français de la fameuse Chronique de Salimbene de Adam, franciscain italien du xiiie s., qui apparaît souvent dans les anthologies ou recueils de documents sur le Moyen Âge. Elle est le fruit d’un long travail collectif, nécessaire à cause de l’ampleur du texte, mené par Gisèle Besson et Michèle Brossard-Dandré et réunissant des historiens et des spécialistes de langue et de littérature. Se fondant sur l’édition de Giuseppe Scalia (Bari, Laterza, 1966 ; Turnhout, Brepols, 1998), ils en fournissent une traduction complète. C’est un travail bienvenu, qui permettra au public érudit de connaître le texte, et aux spécialistes d’avoir un accès plus aisé à son contenu.

2Ognibene de Adam, qui prendra plus tard le nom de Salimbene, est né en 1221 dans une famille bourgeoise de Parme. Entré dans l’ordre franciscain contre la volonté de son père en 1238, il y fit des études qui lui laissèrent une solide connaissance de la grammaire, de la Bible et des théologiens. C’est donc par choix que ce litteratus écrivit sa chronique dans un style humble et accessible. Durant les années 1240 et 1250, il fit de nombreux voyages en Italie, mais aussi en France, où il s’y rendit à deux reprises. Il rencontra ainsi de nombreux personnages d’importance. À la fin de sa vie, à partir de 1282, il entama la rédaction de sa Chronique, qu’il termina en 1288. Nous n’avons pas de trace de son activité après cette date.

3Ces éléments biographiques sont résumés dans une introduction (p. 13-44) synthétique mais de bonne facture, qui présente aussi le contenu de la chronique, ses partis pris et le caractère de son auteur. On trouve aussi à la fin du second volume plusieurs glossaires et index utiles, mais surtout une table des titres de chapitres triés par année. Cette dernière se révèle indispensable pour rendre rapidement accessible la chronique à qui n’y chercherait qu’une information ponctuelle sur un événement précis. Les éditeurs ont en effet fait le choix de ne pas mettre de date en tête de page, et le lecteur peut vite être perdu par la prose de Salimbene, qui s’éloigne bien souvent du strict enchaînement des événements.

4La Chronique ici éditée ne fut pas le premier essai historique de Salimbene. Il explique avoir écrit avant celle-ci une chronique sur Frédéric II (II, p. 1034), et une autre chronique commençant sous le règne d’Auguste et allant jusqu’aux Lombards (I, p. 426). Ces deux œuvres sont aujourd’hui perdues. L’œuvre ici traduite échappa de peu au même sort. Nous ne la connaissons que par un seul manuscrit, redécouvert au xviiie s. (le ms. Vat. Lat. 7260). G. Scalia le considérait comme un autographe, mais les auteurs de la présente traduction doutent de cette hypothèse (p. 42-43). Qu’il s’agisse d’une copie ou non, on peut estimer que la Chronique n’eut qu’une très faible audience à son époque ; ce qui contraste fortement avec sa réputation actuelle, Salimbene étant devenu l’un des plus célèbres chroniqueurs du Moyen Âge. Ajoutons que ce manuscrit est incomplet au début et à la fin. Aucun prologue de l’A. n’en donne le titre exact, et il est possible que le récit conservé, allant de 1168 à 1287, n’ait été que la seconde partie d’une histoire universelle bien plus vaste (p. 14). Ce début perdu devait avoir un ton bien différent de l’essentiel du texte conservé. À partir de son époque, Salimbene se montre prolixe, il juge, détaille, moralise. Au contraire, les années 1168-1185 ne sont guère plus que des annales, et ce n’est qu’après 1228 que l’A. donne un récit vraiment détaillé de son époque et que son témoignage prend toute sa valeur.

5Le style de Salimbene est tout à fait personnel. Il multiplie les digressions, qu’il s’agisse d’anecdotes, de débats, de songes, et surtout de réflexions morales. L’A. assume ce choix, et s’en justifie notamment par l’utilité de ces à-côtés (I, p. 375-376). L’histoire est utile comme magistra vitae, comme le disaient les Distiques de Caton, et le franciscain a très bien compris cet aspect. Loin de laisser son lecteur tirer de lui-même les conclusions de son récit, il le guide en le mettant constamment en relation avec les Écritures saintes. Son usage des citations bibliques est à ce titre tout à fait révélateur. Certes, nombre de chroniqueurs des ordres mendiants aiment citer la Bible, autorité suprême ; mais chez Vincent de Beauvais, par exemple, cet usage reste mesuré. Chez Salimbene, comme le note Jean-Claude Schmitt dans sa préface, on est « à la limite du tic d’écriture » (p. 10). Il utilise la Bible pour prouver la vérité, moraliser ou juste ponctuer son récit. Mais surtout, par ce retour constant aux Écritures saintes, le franciscain propose une lecture typologique de l’histoire (p. 8). Celle-ci est sous-jacente chez nombre de chroniqueurs médiévaux, mais Salimbene grossit le trait, la rendant évidente pour son lecteur.

6Très présent dans sa chronique, l’A. multiplie les témoignages directs pour confirmer la véracité de ses dires. Il y a chez lui de nombreux « moments vécus » qui font la truculence de son texte : l’humour y jouxte la morale, et on y découvre des opinions tranchées aussi bien sur les princes et les religieux que sur la cuisine. On est loin de la définition « classique » (mais n’ayant plus beaucoup de sens au xiiie s.) de la chronique, qui mettrait l’accent sur la succession temporelle. La Chronique de Salimbene ne mérite son nom qu’au sens le plus large de ce terme : c’est un récit à valeur historique. On ne saurait cependant en faire un mémorialiste avant l’heure. Son œuvre se rapproche assez du travail d’un Joinville, qui fut son contemporain. Les anecdotes sont autant d’exempla présents pour édifier le lecteur. S’il est très présent dans son récit, l’historien ne s’y livre guère, au contraire d’un saint Augustin. C’est avant tout la finalité morale de l’histoire qui a attiré Salimbene dans l’écriture d’une chronique, non le désir de raconter sa vie, même s’il sait à l’occasion raconter sans fausse modestie le rôle qu’il a joué.

7La présente traduction rend donc disponible un historien atypique, curieux de tout et assez bien informé, même s’il mélange parfois rumeurs et faits assurés. Les détails foisonnent sur la vie des Franciscains du xiiie s. et les mouvements religieux de cette époque, notamment le joachimisme. Les historiens comme les non-spécialistes (re)découvriront avec plaisir un auteur qui n’a cure d’objectivité et qui cherche derrière les faits une signification éthique ; une conception de l’histoire bien différente de nos critères modernes.

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References

Bibliographical reference

Pierre Courroux, Salimbene de Adam de Parme, ChroniqueCahiers de civilisation médiévale, 240 | 2017, 434-435.

Electronic reference

Pierre Courroux, Salimbene de Adam de Parme, ChroniqueCahiers de civilisation médiévale [Online], 240 | 2017, Online since 01 December 2017, connection on 11 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/5722; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.5722

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