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Comptes rendus

Irven Resnick (trad.), Peter the Venerable. Against the Inveterate Obduracy of the Jews

John Tolan
p. 98
Référence(s) :

Irven Resnick (trad.), Peter the Venerable. Against the Inveterate Obduracy of the Jews, Washington, Catholic University of America Press (The Fathers of the Church Mediaeval Continuation, 14), 2013.

Texte intégral

1Le présent livre est une traduction anglaise du tract anti-juif de Pierre le Vénérable, Abbé de Cluny, Adversus Iudeorum inveteratam duritiem, avec introduction, notes et indices. Si le texte fait partie d’une longue tradition de tracts polémiques anti-juifs dans le Moyen Âge latin, il s’en distingue de plusieurs manières. Ces textes sont souvent écrits sous forme de dialogue entre un juif et un chrétien ; ici il s’agit plutôt d’un monologue, voire d’une diatribe anti-juive. De surcroît, Pierre a des connaissances, certes indirectes, du Talmud, et fustige les juifs à propos de leur crédulité concernant ses « fables ridicules ».

2Le tract est composé de cinq chapitres : le premier cherche à prouver que le Messie est le fils de Dieu ; le deuxième que le Messie est Dieu ; le troisième que le Messie est le roi céleste et éternel (et non pas un roi terrestre) ; le quatrième que le Christ est venu en la personne de Jésus ; le cinquième en fin expose les « fables ridicules et stupides des juifs » contenues dans le Talmud. Dans les quatre premiers chapitres, les arguments de Pierre sont plutôt traditionnels : il reprend les loci textuels classiques, tirés surtout des prophètes, pour en donner des interprétations christologiques. Il semble que le texte originel ait comporté seulement les quatre premiers chapitres : Pierre réfère aux 4 chapitres de son tract (p. 156) et donne 1144 comme date de composition. C’est sans doute par la suite (v. 1147, pour Irven Resnick, p. 30-31), qu’il ajouta le cinquième, sur le Talmud. C’est possible en effet qu’il ait connu le Talmud après avoir composé la première version du tract, puisqu’il ne le mentionne pas dans les 4 premiers chapitres. Il en a eu connaissance sans doute de manière partielle et indirecte, entre autres par la lecture des Dialogi contra Iudeos de Petrus Alfonsi.

3À part le fait qu’il connaisse le Talmud, ce qui démarque Adversus Iudeorum inveteratam duritiem des textes polémiques antérieurs c’est surtout la violence de ses propos. Il s’adresse à un adversaire juif hypothétique (souvent au singulier, « toi, juif », parfois au pluriel), pour le questionner (sans jamais le laisser répondre) ou pour l’insulter. Les juifs font preuve de « malignité » (81), de « contumace perfide » (89), de « folie » (passim). Ils sont « privés de sens et obnubilé par l’amour des biens terrestres » (102), sourds et aveugles (passim). On leur apprend « à n’aimer que de l’excrément charnel » (103). Ils sont l’excrément de la race humaine (123). Ils ont un cœur de pierre (123). Dans une longue diatribe dans le dernier chapitre de son tract, il estime que l’absence de raison chez les juifs les exclut de l’humanité et les réduit aux niveaux des vaches ou des ânes (211-212) ; ils sont des chiens en rage (122).

4Le tract de Pierre a connu, semble-t-il, peu de lecteurs : il n’y a que quatre manuscrits de l’œuvre et quasiment pas de mentions chez des auteurs postérieurs. L’introduction d’I. Resnick replace le texte dans l’histoire de la polémique anti-juive médiévale et dans le contexte de l’œuvre littéraire de Pierre le Vénérable. Les notes, abondantes et précises, identifient les sources qu’utilise Pierre Alphonse et orientent le lecteur vers des travaux récents (surtout en anglais) dans l’histoire de l’exégèse et celle des relations entre chrétiens et juifs dans l’Europe latine. Les erreurs sont peu nombreuses : Paul Alvarus devient « Paul Alvarez »; il confond le feu de St. Antoine (l’ergotisme, « St. Anthony’s fire » avec le feu de St. Elme (« St Elmo’s fire », un phénomène météorologique, 207n277). Si I. Resnick connaît bien l’histoire culturelle du judaïsme européen du Moyen Âge, sur le plan de l’histoire sociale et juridique, il se contente parfois de généralisations hasardeuses : il affirme que le port des armes par les juifs était interdit en Europe sous la seule base d’un extrait du Décret d’Yves de Chartres (10).

5On peut féliciter le traducteur d’avoir rendu accessible à un public d’étudiants et de chercheurs non-latinistes, dans une bonne traduction informée par l’érudition récente, un texte important pour comprendre la pensée de l’Abbé de Cluny et la place de l’antijudaïsme dans cette pensée.

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Pour citer cet article

Référence papier

John Tolan, « Irven Resnick (trad.), Peter the Venerable. Against the Inveterate Obduracy of the Jews »Cahiers de civilisation médiévale, 241 | 2018, 98.

Référence électronique

John Tolan, « Irven Resnick (trad.), Peter the Venerable. Against the Inveterate Obduracy of the Jews »Cahiers de civilisation médiévale [En ligne], 241 | 2018, mis en ligne le 01 mars 2018, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccm/5296 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ccm.5296

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